RACINES232 - juin 2012

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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
À 67 ans, le navigateur partage sa vie entre
la mer, le conseil auprès d’entreprises et la musique.
Par Delphine Blanchard
dans
t sur RCF Vendée
Retrouvez ce sujeançoise Chevalier, Prise
l’émission de Fr8 juin à 19 h 30, rediffudirecte, vendredi à 9 h 30.
sion samedi 9 juin
Jean-Luc Van Den Heede,
r
u
te
n
a
h
c
u
n
e
v
e
d
r
u
te
a
navig
Après cinq tours du monde dont deux Vendée Globe,
le navigateur Jean-Luc Van Den Heede a jeté l’ancre en 2000
aux Sables-d’Olonne, désormais sa ville de cœur.
ne bibliothèque chargée de
littérature maritime, des
maquettes de bateaux sur les
étagères, des cartes accrochées au
mur, les jumelles toujours posées sur
la table : pas de doute, nous sommes
dans l’antre d’un navigateur. Du
salon, une vue magnifique sur l’Atlantique. Le nid douillet de Jean-Luc
Van Den Heede est un véritable havre
de paix, tout en hauteur, sur la corniche sablaise. “Quand j’ai arrêté les
courses en mer, mon grand truc c’était
d’avoir un jardin. Alors j’ai acheté une
maison avec un jardin, que j’ai plutôt
bien entretenu pendant des années,
et puis j’en ai eu marre… La nature
revient toujours au galop !”
U
Pourtant cette nature-là, il ne sait
pas vraiment d’où elle vient. Né à
Amiens en Picardie, le navigateur n’est
pas issu d’une famille de marins. “Ma
grand-mère était poissonnière, ça vient
peut-être de là”, s’amuse-t-il. “Plus
sérieusement, c’était vraiment inscrit
en moi. Depuis tout jeune, j’étais fasciné par le monde marin. Je lisais
quantité de livres sur le sujet et, quand
j’allais en vacances à Berck avec ma
grand-mère, je passais des heures à
regarder la mer.” Pour preuve, ces
dessins qui figureront dans la réédition à venir de son livre(1), des voiliers
sur une mer bleue et verte. “À 12 ans,
pour moi, la mer c’était bleu et vert”,
sourit-il.
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Bientôt, le petit Picard devient grand
et pose ses valises du côté de Lorient
pour devenir… prof de maths ! “Ce
n’était pas un métier par défaut, j’ai
vécu cela comme un sacerdoce, transmettre, être utile aux autres, c’était
important pour moi. Et il faut bien
avouer que ça me permettait de naviguer pendant les nombreuses
vacances qu’offre ce métier.” Puis, la
navigation a pris de plus en plus le
pas sur les mathématiques. “J’ai commencé à prendre des disponibilités, je
retournais au travail entre deux
courses. J’ai réalisé mon premier tour
du monde en 1986, je ne travaillais
plus qu’à mi-temps, et, en 1989, j’ai
arrêté définitivement pour préparer
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
mon premier Vendée Globe.” L’un des bâbord par grand beau temps, le rien. Ce furent des années extraordiplus grands défis de Jean-Luc Van Den navigateur est aux premières loges ici. naires même si j’ai toujours eu l’imLes jumelles toujours à portée de main pression d’avoir une vie tout ce qu’il y
Heede.
a de plus normal. Mais être chanteur,
“C’était la première édition, per- pour voir ce qui se passe en mer.
sonne ne comprenait ce qu’était cette “Tiens, un bateau qui se fait remor- c’est mon nouveau challenge.” Quand
course, on nous prenait pour des fous. quer” lâche-t-il au milieu de la conver- il n’est pas sur scène, le navigateur
À la fin, juste avant le départ, je ne sation. Le marin se lève, attrape les prodigue ses conseils en management
jumelles et se poste au bal- dans les entreprises : “Je fais à peu
sortais plus de ma cabine de
con. On ne se refait pas !
près quinze conférences par an. Ce
peur d’entendre les gens sur
Mais l’autre grande pas- que j’ai pu apprendre au cours de mes
les pontons qui disaient :
sion de VDH, comme on l’ap- années de navigation, c’est que mana"regarde-le celui-là, il ne
pelle parfois dans le milieu, ger un bateau c’est un peu comme
reviendra pas." Ça paraît
c’est la musique. “J’ai toujours manager une société. Il faut une
dingue aujourd’hui mais les
gens pensaient qu’un seul
À bord du chanté ! Puis en 2005, j’ai ren- sérieuse confiance en soi pour mener
contré des musiciens qui cher- une équipe. Alors j’essaye de partabateau reviendrait, celui de
36.15 MET,
chaient un leader pour former ger ce savoir-faire là.”
Jean-François Costes sur
il termine
un groupe et je me suis lancé.”
Mais l’appel de la mer n’est jamais
l’ancien Pen Duick III de
son premier
Aujourd’hui,
il
est
le
chanteur
loin…
La semaine dernière encore, il
Tabarly. Mais pour nous
Vendée
du groupe Globalement naviguait au large des Antilles sur le
autres, ils ne donnaient pas
Globe
Vôtre(2) qui officie aussi bien bateau d’un ami. Et dès qu’une régate
cher de notre peau.”
troisième.
Pourtant, ils seront sept à
dans les bars des ports (Les se profile à l’horizon, VDH est sur le
l’arrivée. Et quelle arrivée !
Sables, Pornic…) que dans les pont. Parce qu’il n’y a pas de fiancée
“J’ai franchi la ligne en troisième posi- petites salles parisiennes. “Quand il plus fidèle que la mer…
tion alors que j’étais parti dans l’es- arrive que quelqu’un me dise "mais
poir de gagner. Troisième, c’était le oui, je vous connais, je vous ai vu (1) L’océan face à face, paru en 2004 aux éditions Michel-Lafon, ressort en septembre dans
podium mais, pour moi, c’était sur- chanter l’autre jour", ça me fait extrê- une édition revue et corrigée chez un nouvel
tout une grande déception. C’était un mement plaisir, je n’ai plus forcément éditeur.
dimanche après-midi, vers 15 heures, envie qu’on m’associe à mes courses (2) Pour écouter leurs compositions musicales
par grand beau temps, et tout à coup, en mer. J’en suis très fier, j’ai toujours et pour trouver toutes les dates de concert :
j’ai vu ces centaines de gens le long
fait ce que j’avais envie. Je ne regrette http://www.myspace.com/globalementvotre.
du chenal, à applaudir, à saluer,
quelle claque ! J’étais coupé du
monde pendant des mois, je n’avais
e
aucune idée de la médiatisation de
la course. Cet accueil restera à jamais
l’un de mes plus beaux souvenirs.”
Quatre années plus tard pour son
Le 10 novembre
Jean-Luc Van Den Heede
second Vendée Globe, il terminera
prochain, top départ
sera aux premières loges
du Vendée Globe 2012 mais
deuxième. Une arrivée à 5 heures du
de la 7 e édition de la
du côté de la terre ferme.
matin, cette fois, mais avec toujours
célèbre course à la voile
autant de monde à attendre le long
en solitaire, sans escale
du chenal.
et sans assistance. “Il y
a quelques jours, j’étais
sur le bateau Akena
Les Sables, port d’attache
d’Arnaud Boissières qui
sera de la partie en
novembre. Je me suis
rendu compte que les
Et si c’était cette émotion-là qui lui
nouveaux bateaux ne
avait fait choisir le port des Sables des
tolèrent plus la moindre
années plus tard ? “Sans aucun doute,
erreur. On percute une planche et c’est fini. Alors que le facteur chance est aussi
cet accueil chaleureux m’a fait voir la
un élément de la course. Il faut avoir fait une bonne préparation, avoir la niaque
ville sous un nouveau jour. J’y ai donc
mais malgré tout cela, le hasard fait parfois basculer les choses.”
élu domicile en 2000. Ici, quand on
Malgré tout, n’est-ce pas trop dur de rester à quai quand on a été l’un des
arrive au port à une heure du matin,
plus grands ? “Il y a quatre ans, j’étais consultant pour Radio France. Là, rien n’est
il y a toujours quelqu’un pour aider,
encore organisé, mais c’est intéressant d’être de l’autre côté. Trois semaines avant
c’est familial, convivial et très accueille départ, les bateaux seront à quai, ce sera l’effervescence et je sais exactement
lant.”
ce que ressentiront les concurrents…”
L’île de Ré pour voisine d’en face,
l’île d’Yeu à tribord, La Pallice à
Vendée Globe 2012 : 7 édition
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