RACINES232 - juin 2012
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RACINES232 - juin 2012 23/05/12 15:22 Page18 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire À 67 ans, le navigateur partage sa vie entre la mer, le conseil auprès d’entreprises et la musique. Par Delphine Blanchard dans t sur RCF Vendée Retrouvez ce sujeançoise Chevalier, Prise l’émission de Fr8 juin à 19 h 30, rediffudirecte, vendredi à 9 h 30. sion samedi 9 juin Jean-Luc Van Den Heede, r u te n a h c u n e v e d r u te a navig Après cinq tours du monde dont deux Vendée Globe, le navigateur Jean-Luc Van Den Heede a jeté l’ancre en 2000 aux Sables-d’Olonne, désormais sa ville de cœur. ne bibliothèque chargée de littérature maritime, des maquettes de bateaux sur les étagères, des cartes accrochées au mur, les jumelles toujours posées sur la table : pas de doute, nous sommes dans l’antre d’un navigateur. Du salon, une vue magnifique sur l’Atlantique. Le nid douillet de Jean-Luc Van Den Heede est un véritable havre de paix, tout en hauteur, sur la corniche sablaise. “Quand j’ai arrêté les courses en mer, mon grand truc c’était d’avoir un jardin. Alors j’ai acheté une maison avec un jardin, que j’ai plutôt bien entretenu pendant des années, et puis j’en ai eu marre… La nature revient toujours au galop !” U Pourtant cette nature-là, il ne sait pas vraiment d’où elle vient. Né à Amiens en Picardie, le navigateur n’est pas issu d’une famille de marins. “Ma grand-mère était poissonnière, ça vient peut-être de là”, s’amuse-t-il. “Plus sérieusement, c’était vraiment inscrit en moi. Depuis tout jeune, j’étais fasciné par le monde marin. Je lisais quantité de livres sur le sujet et, quand j’allais en vacances à Berck avec ma grand-mère, je passais des heures à regarder la mer.” Pour preuve, ces dessins qui figureront dans la réédition à venir de son livre(1), des voiliers sur une mer bleue et verte. “À 12 ans, pour moi, la mer c’était bleu et vert”, sourit-il. RACINES 18 juin 2012 Bientôt, le petit Picard devient grand et pose ses valises du côté de Lorient pour devenir… prof de maths ! “Ce n’était pas un métier par défaut, j’ai vécu cela comme un sacerdoce, transmettre, être utile aux autres, c’était important pour moi. Et il faut bien avouer que ça me permettait de naviguer pendant les nombreuses vacances qu’offre ce métier.” Puis, la navigation a pris de plus en plus le pas sur les mathématiques. “J’ai commencé à prendre des disponibilités, je retournais au travail entre deux courses. J’ai réalisé mon premier tour du monde en 1986, je ne travaillais plus qu’à mi-temps, et, en 1989, j’ai arrêté définitivement pour préparer La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES232 - juin 2012 23/05/12 15:22 Page19 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire mon premier Vendée Globe.” L’un des bâbord par grand beau temps, le rien. Ce furent des années extraordiplus grands défis de Jean-Luc Van Den navigateur est aux premières loges ici. naires même si j’ai toujours eu l’imLes jumelles toujours à portée de main pression d’avoir une vie tout ce qu’il y Heede. a de plus normal. Mais être chanteur, “C’était la première édition, per- pour voir ce qui se passe en mer. sonne ne comprenait ce qu’était cette “Tiens, un bateau qui se fait remor- c’est mon nouveau challenge.” Quand course, on nous prenait pour des fous. quer” lâche-t-il au milieu de la conver- il n’est pas sur scène, le navigateur À la fin, juste avant le départ, je ne sation. Le marin se lève, attrape les prodigue ses conseils en management jumelles et se poste au bal- dans les entreprises : “Je fais à peu sortais plus de ma cabine de con. On ne se refait pas ! près quinze conférences par an. Ce peur d’entendre les gens sur Mais l’autre grande pas- que j’ai pu apprendre au cours de mes les pontons qui disaient : sion de VDH, comme on l’ap- années de navigation, c’est que mana"regarde-le celui-là, il ne pelle parfois dans le milieu, ger un bateau c’est un peu comme reviendra pas." Ça paraît c’est la musique. “J’ai toujours manager une société. Il faut une dingue aujourd’hui mais les gens pensaient qu’un seul À bord du chanté ! Puis en 2005, j’ai ren- sérieuse confiance en soi pour mener contré des musiciens qui cher- une équipe. Alors j’essaye de partabateau reviendrait, celui de 36.15 MET, chaient un leader pour former ger ce savoir-faire là.” Jean-François Costes sur il termine un groupe et je me suis lancé.” Mais l’appel de la mer n’est jamais l’ancien Pen Duick III de son premier Aujourd’hui, il est le chanteur loin… La semaine dernière encore, il Tabarly. Mais pour nous Vendée du groupe Globalement naviguait au large des Antilles sur le autres, ils ne donnaient pas Globe Vôtre(2) qui officie aussi bien bateau d’un ami. Et dès qu’une régate cher de notre peau.” troisième. Pourtant, ils seront sept à dans les bars des ports (Les se profile à l’horizon, VDH est sur le l’arrivée. Et quelle arrivée ! Sables, Pornic…) que dans les pont. Parce qu’il n’y a pas de fiancée “J’ai franchi la ligne en troisième posi- petites salles parisiennes. “Quand il plus fidèle que la mer… tion alors que j’étais parti dans l’es- arrive que quelqu’un me dise "mais poir de gagner. Troisième, c’était le oui, je vous connais, je vous ai vu (1) L’océan face à face, paru en 2004 aux éditions Michel-Lafon, ressort en septembre dans podium mais, pour moi, c’était sur- chanter l’autre jour", ça me fait extrê- une édition revue et corrigée chez un nouvel tout une grande déception. C’était un mement plaisir, je n’ai plus forcément éditeur. dimanche après-midi, vers 15 heures, envie qu’on m’associe à mes courses (2) Pour écouter leurs compositions musicales par grand beau temps, et tout à coup, en mer. J’en suis très fier, j’ai toujours et pour trouver toutes les dates de concert : j’ai vu ces centaines de gens le long fait ce que j’avais envie. Je ne regrette http://www.myspace.com/globalementvotre. du chenal, à applaudir, à saluer, quelle claque ! J’étais coupé du monde pendant des mois, je n’avais e aucune idée de la médiatisation de la course. Cet accueil restera à jamais l’un de mes plus beaux souvenirs.” Quatre années plus tard pour son Le 10 novembre Jean-Luc Van Den Heede second Vendée Globe, il terminera prochain, top départ sera aux premières loges du Vendée Globe 2012 mais deuxième. Une arrivée à 5 heures du de la 7 e édition de la du côté de la terre ferme. matin, cette fois, mais avec toujours célèbre course à la voile autant de monde à attendre le long en solitaire, sans escale du chenal. et sans assistance. “Il y a quelques jours, j’étais sur le bateau Akena Les Sables, port d’attache d’Arnaud Boissières qui sera de la partie en novembre. Je me suis rendu compte que les Et si c’était cette émotion-là qui lui nouveaux bateaux ne avait fait choisir le port des Sables des tolèrent plus la moindre années plus tard ? “Sans aucun doute, erreur. On percute une planche et c’est fini. Alors que le facteur chance est aussi cet accueil chaleureux m’a fait voir la un élément de la course. Il faut avoir fait une bonne préparation, avoir la niaque ville sous un nouveau jour. J’y ai donc mais malgré tout cela, le hasard fait parfois basculer les choses.” élu domicile en 2000. Ici, quand on Malgré tout, n’est-ce pas trop dur de rester à quai quand on a été l’un des arrive au port à une heure du matin, plus grands ? “Il y a quatre ans, j’étais consultant pour Radio France. Là, rien n’est il y a toujours quelqu’un pour aider, encore organisé, mais c’est intéressant d’être de l’autre côté. Trois semaines avant c’est familial, convivial et très accueille départ, les bateaux seront à quai, ce sera l’effervescence et je sais exactement lant.” ce que ressentiront les concurrents…” L’île de Ré pour voisine d’en face, l’île d’Yeu à tribord, La Pallice à Vendée Globe 2012 : 7 édition RACINES 19 juin 2012 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine