philippe starck - Camille Jeannet

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philippe starck - Camille Jeannet
PHILIPPE STARCK,
L’exception qui confirme la règle.
Dossier documentaire
Organisation & politique culturelle
PHILIPPE STARCK : L’exception qui confirme la règle.
Montre, briquet, baignoire, poussette, téléphone, bureau, voiture, brosse de toilette,
flacon de shampoing, pot de yaourt, fauteuil, agrafeuse, lampe... Un dénominateur commun
pour ces produits industriels hétéroclites : le design. Dès leur conception ces objets sont
l’affaire des designers. Ces concepteurs d’objets, graphismes, environnements ou espaces de
vie opèrent dans un souci de fonctionnalité, esthétisme et ergonomie, et dans le respect d’un
cahier des charges. Le design est en définitive une phase du processus de conceptionindustrialisation. Or il est une exception dans ce milieu des créateurs de l’ombre : Philippe
Starck (né le 18 Janvier 1949 à Paris). Sa griffe, aujourd’hui de renommée mondiale compte
autant sinon plus pour le consommateur final que la marque qui produit ses créations.
Designer célèbre et vedette dans le même temps : des œuvres, produits et projets développés
dans le monde entier (New-York, Tokyo, Marseille...), des photos à la une des tabloïds
(plurielles.fr, Gala, Figaro, Telerama), une biographie (Le Cas Philippe Starck ou la
construction de la notoriété) et même un film documentaire (Starck contre Starck; France 5;
2007). Sa biographe Christine Bauer le définit d’ailleurs “célèbre d’être célèbre”. Sa notoriété
lui sert de communication, tant dans sa stratégie marketing pour ses réalisations que pour la
pipolisation (lui, sa famille, son mode de vie) dont il est l’objet. Dans sa communication on
retrouve un concept fondamental pour lui : le design démocrate, “pour tous”, “pour tout le
monde”. Cette contrainte qu’il s’impose pour ses réalisations renforce sa prestance, son rôle
de mercenaire du design et son image d’humilité qu’il diffuse. Cette facette est toutefois
contredite dans certains de ses projets et remet en question son statut de “designer pour tous”.
La (sur-)médiatisation du travail de Starck révolutionne-t-elle la perception que le
grand public a du design? La médiatisation des réalisations -et de la vie- de Starck permet-elle
aujourd’hui de parler d’une transition vers un design citoyen ?
Pour répondre à cette question il est primordial d’appréhender le design de Starck en
parallèle avec l’univers dans lequel il évolue. La définition de sa communication est tout aussi
importante car elle permet de fixer la stratégie que met en place le designer pour son propre
travail. Celle-ci est basée sur l’insertion naturelle -et débridée- de ses créations dans notre
quotidien. Dans un deuxième temps il convient de saisir les traces de Starck d’une part dans
notre environnement technologique et high-tech d’autre part dans notre intimité et nos espaces
de vie. Enfin, l’application de ses créations en milieu citoyen, notamment par le biais de
projets impliquant des dimensions écologiques et sociale.
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SOMMAIRE : En quoi Philippe Starck révolutionne-t-il la perception du Design ?
1. STARCK, SON UNIVERS, SON TRAVAIL, SA COMMUNICATION STRATEGIQUE.
1.1. Vies privées et design
1.2. Communication et “ubiquité”
2. L’ENTREE DE PHILLIPPE STARCK DANS NOTRE QUOTIDIEN.
2.1. La “starckisation” des produits high tech
2.2. La trace de Starck dans notre intimité
3. UNE DEFINITION DE « L’EQUIPEMENT DU CITOYEN »
3.1. Emergence d’un « design vert »
3.2. Une mission de citoyenneté
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SYNTHESE
Partie 1 - Starck, son univers, son travail, sa communication stratégique
Philippe Starck sait réinventer son image de marque : à chaque réalisation
correspondent à la fois la rumeur préalable d'une collaboration, puis la médiatisation à
outrance de la mise sur le marché. Cette médiatisation passe aussi par la pipolisation de Starck
(doc1.1.3), on sait “tout” de sa vie, sa famille, ses maisons, ses amis (le lunettier Alain Mikli
récemment) et fréquentations (le physicienThibault Damour, la rock star Lenny Kravitz).
La stratégie de communication des produits du créateur est basée sur le caractère inédit et
d'exclusivité de ceux-ci (doc1.2.1).
Cette démarche est en phase avec la société de consommation et le consumérisme qui
y est lié. Pour autant le créateur a pour lui-même une stratégie de communication toute autre
puisqu'elle est fondée sur la dévalorisation de son travail et de ses réalisations (doc 1.2.2,
seconde video). Il systématise une image négative qu'il a de lui-même, et la diffuse largement
à travers les différents média de communication de masse. L'humilité qu'il donne à voir à
travers son attitude "de looser" et ses propos auto-méprisants ("inutilité", "nullité") (doc 1.2.2)
permet au citoyen lambda de voir un lui un être "normal" et de s'identifier à lui. Starck
marque ainsi, à chaque apparition publique, sa volonté d'incarner le design démocratique : le
travail du designer doit être perçu avec la même humilité que veut bien transmettre Philippe
Starck. D'ailleurs il donne bien cette image de "normalité" avec l'accessibilité de sa villa
familiale, qui montre un intérieur fourni, chargé d’histoires familiales et intimes. Sa stratégie
de "content marketing" (communication à la chinoise, ndlr) contribue largement au concept de
démocratisation du design, qu'il chérie. Insister sur les mauvais côtés des objets du quotidien
leur donne une valeur symbolique de nécessité du design, qui compte beaucoup dans la
publicité de ses propres réalisations (doc1.2.3). Deux exemples :
Que nous manque-t-il? Il s’agit d’un concours de projet d'élaboration design proposée
à dix de ses jeunes "poulains"
Sa dénonciation (doc 1.1.2) du design froid, de plus en plus glacial et/ou sombre et
donc invivable, inutilisable
Parallèlement à la communication de sa nullité, Philippe Starck dévoile ses sentiments! Il ne
veut pas être "designer", mais créateur, par patriotisme. En ouvrant les portes de sa villa
(doc1.1.1), il nous offre son intimité chargée d'émotions -par l'accumulation ornementale- :
pièces chinées en voyages, réalisations d'amis, bibelots anecdotiques… Dans son travail, il
choisit ses partenariats en fonction de ses propres impressions (Fletco, doc1.1.2), l'histoire de
sa relation avec la firme (LaCie, Kartell) et la bonne entente avec ses associés (affaire Steve
Jobs, puis sa femme). Il est également des domaines de travail qu'il privilégie (objets
quotidiens, lieux conviviaux) et d'autres qu'il dénigre : milieux "sales" tels que les armes, les
alcools spiritueux, le tabac (doc 1.2.3). Starck est un homme d'affaires et de talents multiples,
qui a, malgré une prestance mondiale, conservé une émotionnalité, un goût pour les contacts
humains. Il aime à dire qu'il se sent investi d'une "mission pour l'humanité" à travers la
conception des objets qu'un Monsieur-tout-le-monde pourrait utiliser. Et malgré son
implication dans sa stratégie de communication, sa franchise et son intégrité sont intactes :
Starck ne travaille qu'avec des collaborateurs dont il apprécie les valeurs morales et
professionnelles.
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Partie 2 - L’entrée de Phillippe Starck dans notre quotidien
A travers sa logique de démocratisation du design, Starck cherche à se rapprocher du
quotidien des consommateurs «lambda». Son travail nous fournit des objets ordinaires,
quotidiens voire banals. Mais la conception à travers le prisme de sa personnalité, de son
observation du monde et des habitudes, il permet à chacun d’inviter le design et la griffe Stark
dans son intimité. Pour mettre en place cette démocratisation du design il propose à ses
commanditaires industriels une stratégie d’économie d’échelle, c’est-à-dire augmenter les
quantités de production afin d’en réduire le coût. Pour toucher un plus large public il utilise
également le système de vente par correspondance comme avec Les 3 Suisses. Starck
collabore avec des industries reconnues pour proposer toujours plus d’objets qui pourront
facilement s’intégrer tant sur le marché que chez l’habitant.
2.1. La “starckisation” des produits high tech
Nous vivons dans une ère de nouvelles technologies et de performance. Starck est présent
dans cette relation que nous avons avec le high-tech. Notamment avec sa collaboration avec
Free pour le projet de la nouvelle Freebox révolution (doc 2.1.1). Il est à noter que l’esprit de
travail de l’entreprise Free recoupe celle de Starck dans la conception de démocratisation et
d’accès à tous tant pour le design que pour l’accès au numérique. En effet Free a pour objectif
de faire baisser ses tarifs au maximum. Starck donne un nouvel aspect à la Freebox
traditionnelle en modernisant sa forme et son look, avec des inscriptions littérales représentant
une accumulation de mots clés, fragments de discours, phrases courtes autour des
mathématiques quantiques, formules physiques, relativité einsteinienne, règles de l’infini…
Starck tient secrète la signification de ce message car trop complexe à éclaircir, ainsi chacun
peut l’interpréter à sa manière (doc 2.1.2). Ce qui permet de poser un regard plus citoyen, plus
personnel sur le design. Starck met en relation l’utilisateur et le design d’une nouvelle
manière, non seulement grâce à l’esthétisme mais aussi par la connivence avec les usagers de
Free : il établit une transmission de savoirs, un jeu de devinette, d’énigme.
Cette Freebox est constituée de deux matériaux distincts : une matière dure (coque de
protection) et l’autre molle (boutons de fonctionnement) qui invite au contact avec l’humain.
Il fait en sorte d’adapter le design de l’objet à l’utilisateur. A travers la Freebox, Starck
modifie la perception du design en insistant sur l’essence même de la box et pas uniquement
sur son esthétisme. La Freebox est un outil de partage et de libre accès aux contenus, à
l’information et au monde. Le design est au service de la communication. La Freebox de
Starck prend une dimension à la fois démocratique par son prix et révolutionnaire avec son
aspect design.
Autre collaboration de Starck : l’élaboration d’un casque de musique avec la société Parrot.
C’est le casque Zik, audio mais aussi téléphonique, il s’agit du premier de la marque. Starck
confie : « nous ne faisons pas un nouveau produit, nous créons un nouveau profit pour la
personne qui va l'utiliser. C'est ça l'important » (doc 2.1.3.). C’est la conjugaison de cette
approche au “design démocratique” cher à Starck, qui a convaincu l’entreprise Parrot de
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collaborer avec lui. Une nouvelle fois Starck modifie la perception du design. Ce n’est pas un
produit gadget uniquement esthétique, c’est surtout un objet qui instaure un nouveau rapport
avec le consommateur. Il réinvente le casque audio classique. Les matériaux et le dessin de
sont choisis pour que le casque audio établisse un lien avec le corps de l’utilisateur, à ses
besoins, comme un prolongement de lui-même. Le design est un contact avec l’humain. De
plus, souhaitant que ce casque dure dans le temps, il utilise des matériaux résistants et une
ergonomie futuriste qui permettra à l’objet de s’adapter aux évolutions techniques (doc 2.1.4).
Le design n’est plus éphémère mais permet une utilisation infinie des objets. Starck crée un
nouveau rapport au produit avec ce casque audio, comme il a été également le cas avec une
autre production « Parrot Design By », l’enceinte Zikmu Solo en 2009, basée sur le même
principe d’adaptabilité et de sobriété. (doc 2.1.5). Encore une fois, Starck pense d’abord au
consommateur et à l’utilisation du produit, plutôt qu’à l’aspect esthétique et artistique de
l’objet en lui-même.
2.2. La trace de Starck dans notre intimité
Starck ne se concentre pas uniquement sur les accessoires technologiques mais aussi sur les
objets qui appartiennent à notre intimité. Il a effectué différents projets dans le secteur du
mobilier d’intérieur avec plusieurs modèles de meubles. Parmi ceux-ci, Masters, résultat de sa
collaboration avec la firme Kartell et la designer Eugénie Quitllet. Cette chaise est réputée car
elle mélange trois styles différents de chaises mythiques : la « Série 7 » d’Arne Jacobson, «
Eiffel » de Charles et Ray Eames et le fauteuil « Tulipe » d’Eero Saarinen. Ce projet présente,
en plus de la recherche créative d’un objet du quotidien, un prix abordable, entre 139 et 154
euros. À noter également qu'il s'agit d'un détonnant hommage de Starck à différents grands
noms du design, à lui de déclarer à ce propos : « Nous ne sommes pas nés aujourd’hui » (doc
2.2.1). Il nous fait ainsi réfléchir sur ce que nous avons été et ce que nous produisons
aujourd’hui. Masters permet donc de faire évoluer le regard sur le design qui apparaît alors
comme un « art pour tous », et pas uniquement un cercle fermé d’une élite et dédié
uniquement au luxe. Même ces personnalités influentes du design pensaient à des objets du
quotidien. La « noblesse » du design est partout, incluant notre intimité. Un objet qui nous
parait banale est en fait une expression du design à l’état pur. Cette chaise permet aussi de
prouver que le design n’est pas toujours affaire de nouveauté mais aussi de renouveau,
d’utilisation du passé en le teintant de modestie et de reconnaissance pour le travail de ces
icones du design. Cette chaise a été un succès. « 100 000 exemplaires ont été vendu à travers
le monde en moins de 6 mois, de juillet à décembre 2011 » déclare la marque Kartell (doc
2.2.2). Pourtant ce travail a reçu des critiques : son aspect esthétique ne fait pas l’unanimité.
Une question apparait dès lors dans les débats : tout ce que produit le design est-il forcément
beau ? La notion de beauté étant subjective et propre à chacun, cette interrogation reste sans
réponses concrètes.
Starck relance des débats réflexifs autour du design et de la notion relative de beauté. Avec
ces débats, Starck fait parler de lui, de son travail, déjà intégré dans l’intimité d'un grand
nombre. Starck sait être présent sur tous les fronts et dans tous les esprits. Il propose des
produits du quotidien tout en restant en adéquation avec les tendances de design et les attentes
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et besoins des consommateurs. Il collabore avec la maison la Forge de Laguiole pour dessiner
un nouveau couteau (doc 2.2.3). Cet objet présent sur toutes les tables aux repas est fabriqué
dans un matériau froid, l’inox. Simplicité, finesse et élégance du produit, Starck réinterprète
les codes de l’objet -lame et manche- pour proposer un maniement décomplexé et naturel du
couteau. Autre tendance que Starck reprend à son compte : la montre. En effet c’est le seul
accessoire design de notre quotidien vestimentaire. Toujours à la recherche de l’intrusion dans
l’intimité, Starck créer la montre Fossil Palindrome Too (doc 2.2.4). Il mixe la technique,
l’esthétisme moderne avec une montre sobre et ultra plate (8 mm) et le confort.
Une autre trace de Starck dans notre intimité : sa corbeille à papier, en collaboration avec
l’entreprise Elise, qui constitue un objet particulier parce qu’elle permet le tri sélectif et la
collecte des déchets au bureau, et s’adapte parfaitement à l’environnement de travail.
Fabriquée en plastique végétal, elle respecte des consignes de durabilité et d’écologie. Starck
pense cet objet en lui donnant un aspect attrayant qui s’adapte parfaitement à l’environnement
d’une entreprise. Il joue sur les formes en lui donnant un aspect vieilli et cartonné et joue
aussi avec les couleurs en fonction du type de déchets (doc 2.2.5). Starck développe dès lors
le concept de «démocratisation de l’écologie» : permettre à chacun d’accomplir sa
responsabilité citoyenne vis-à-vis de la sauvegarde de la planète grâce à des objets simples et
accessibles « L'écologie ne doit pas être une punition, c'est pourquoi j'ai dessiné un objet, qui
je l'espère, est désirable et aussi intemporel. Le dessin exprime l'idée de la beauté intrinsèque
du déchet et déjà froissé, pré-vieilli qui assure une longévité de la durée de vie de l'objet. La
corbeille est assez idéale, elle dure stylistiquement, matériellement et rend un service réel.
Pour sauver notre planète, pour changer nos sociétés et les rendre plus solidaires, il faut des
initiatives, des actions de grande envergure ; les entreprises peuvent rendre possible ces élans
majeurs pour le futur de nos enfants » (doc 2.2.6). La corbeille Elise entre en contradiction
avec l’esprit-même du design qui s’appuie sur le matérialisme et l’esthétisme, alors qu’avec
cet objet l’aspect utilitaire est prioritaire avec sa démarche écologique.
Partie 3 - Une définition de « l’équipement du citoyen »
Les projets du designer, bien souvent intemporels et mêlant formes et couleurs, ont apporté «
une nouvelle dimension à la silhouette des villes » (doc 3.1.1). Engagé dans la thématique du
développement durable, Philippe Starck développe récemment le concept d’ "écologie
démocratique", notamment en créant des éoliennes domestiques. En effet le créateur multiplie
les projets écologiques reposant sur de nouvelles formes de captation d’énergies. Si l’écologie
est un des points clés de ses nouveaux projets, la citoyenneté en est également un. Voiture,
Carte Navigo, Photomaton, autant de produits au service du citoyen et griffés par le designer
français.
3.1 Emergence d’un « design-vert »
Dans la lignée des discours politiques actuels, Starck introduit l’écologie à son travail, ou
plutôt s’investit dans des projets a visée écologique, puisque selon lui « il ne faut pas hésiter
(…) à réaliser de belles choses pour inciter à la consommation responsable » (doc 3.1.2). Afin
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de soutenir cette thématique, à l’occasion de la 2e édition de Cyclab, Starck se lance avec la
ville de Bordeaux dans la conception du « vélo urbain » du futur, associant bicyclette
traditionnelle et trottinette (doc 3.1.3). Ce projet s’inscrit dans cette révolution du design,
Starck déclare lui-même « il n'est pas esthétique, c'est une bête rustique » (document 3.1.3). Il
ne s’agit pas ici de créer un vélo du futur reposant sur le design de l’objet. Il répond aux
exigences des usagers Bordelais avec cette ergonomie inventive alliant deux modes de
circulation, la trottinette et le vélo. La révolution est en marche, l’esthétisme n’est pas la
première préoccupation de Starck. Mais le vélo, lui, portera la renommée du créateur au
moment de sa commercialisation par Peugeot.
Le designer français a aussi été sollicité par l’industrie Voltéis pour lancer une nouvelle
voiture électrique sur le marché. La collaboration dévoile la V+, voiture de plage
électrique (doc 3.1.4). « Une représentation du transport dans sa plus simple expression »
c’est la vision de Starck de la voiture simpliste et écologique. La devise de la voiture “Less &
More” illustre les choix opérés par le designer : aucune portière, aucune vitre, seulement le
toit; Starck décide de rendre compte du terme véhicule au sens littéral c’est à dire «un engin
mobile qui permet de transporter des biens et des personnes sur des distances variables ».
Philippe Starck redessine nos moyens de transport, et même notre gastronomie.
Effectivement, il est d’ores et déjà possible de « manger Starck ». Le créateur porte une
grande importance aux aliments Bio, et détient quelques établissements à Paris comme la
chaîne de restaurants ‘Bon’. Celui situé rue de la Pompe s'adresse à une clientèle
quadragénaire de « quartier », et propose un décor chic dans une ambiance décontractée (doc
3.1.5).Récemment, c’est vers le quartier de Saint-Ouen qu’il s’est installé. L’ouverture de la
cantine « Ma cocotte » le lance dans un projet culinaire où il participe à la conception du
menu. Ici il ne s'agit pas de design, juste un endroit où les gens peuvent trouver ce qu’ils
cherchent; soit pour Starck, les Puces c’est « principalement être devant une cheminée avec
un bon bol de soupe avec quelques amis, discuter, boire des verres et regarder ce que l’on a
acheté et c'est tout ». C’est dans ce contexte que la « cantine chic des bobos » offre un menu
organique et diététique, signé Yannick Papin (doc 3.1.6).
3.2 Une mission de citoyenneté
Selon la définition du design démocratique que Starck établit, il est important de s’impliquer
dans des projets à visée citoyenne ce qui constitue bien plus qu’un choix selon lui. «C'est une
implication, un devoir, une priorité, et une urgence. Je suis plutôt avant-gardiste sur cette
thématique » (doc 3.2.1). Le designer s’inscrit dans un mouvement englobant la dimension
d‘humanité et pas seulement d’esthétisme. Son design se caractérise de plus en plus par son
rapport avec la société et non plus seulement le particulier. Dernièrement, nul doute que
Starck habille notre quotidien citadin. En suivant sa propre philosophie de démocratisation, le
créateur apporte son génie dans nos villes. Ainsi un plus grand nombre de personnes peut
profiter de la créativité du designer. Cantine, vélo, et même cabine photo sont ciblés afin
d’imposer la griffe du designer français. En collaboration avec l’industrie Photomaton (créée
en 1936), Philippe Starck réhabilite la fameuse cabine aux normes esthétiques et
technologiques actuelles. Le designer redynamise ainsi cet objet déjà culte, lieux commun de
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la société : en public, lumineux, interactif, s’ajustant automatiquement au cadran, équipé de la
3G. L'élégance nouvelle de ses lignes sobres et épurées remet le concept de photo-cabine sur
le devant de la scène française.
Soucieux de faire du design au service de tous, Philippe Starck s’engage à concevoir
bénévolement la nouvelle carte de transport Navigo. La mission qu'il s'est donné : faire en
sorte que les franciliens soient « fiers de leur carte et fiers de la valeur de bien commun porté
par les transport » (doc 3.2.3). Par le choix des couleurs sobres et épurées que sont le lilas et
le gris, Starck « anoblit cet objet si quotidien mais pas si banal » (doc 3.2.4). Cette nouvelle
carte, élégante et fonctionnelle, entrera en circulation en Janvier 2013. A la dimension
esthétique et sociale de la carte, Starck ajoute le concept d’une puce de paiement à distance.
L’innovation technologique est basée sur la possibilité de payer son abonnement avec son
téléphone mobile. En collaboration avec la STIF, le designer français met son talent à la
disposition des franciliens, de façon totalement gratuite. Il exprime ainsi son vœu de rendre
service à la collectivité. Le designer explique que la citoyenneté c’est aussi « que les talents
individuels puissent à un moment être mobilisés pour faire œuvre d’utilité à la collectivité »,
ce qui justifie ses choix de réalisations et collaborations citoyennes.
Conclusion
Il existe bien un phénomène mondial et plus particulièrement français de starckisation. La
griffe de Starck s’impose aujourd’hui pour les industriels comme une rénovation de leur
image de marque et s’intègre dans les modèles de management et marketing actuels. Avec
l’exclusivité et l’inédicité des produits proposés, chaque nouvelle conception signée Starck
permet une nouvelle perception du design sur le marché. Par ses conceptions aussi diverses
que ses collaborations, le créateur français réussit sa stratégie de communication et parvient
aujourd’hui à s’implanter à la fois dans notre intérieur et notre quotidien. Tout un chacun peut
accéder à sa griffe, si ce n’est par l’acquisition de ses produits, c’est par la fréquentation des
établissements reconceptualisés ou lieux repensés. La proximité de sa griffe est sans limite
spatiale. Le caractère inédit de certaines collaborations permet de créer l’évènement Starck, ce
qui entretient encore sa notoriété.
Malgré cette ubiquité stratégique indéniable, le créateur aux milles projets a réussi à s’établir
dans un cadre spatial fixe, particulièrement au sein de l’environnement bordelais, aquitain et
français. Dans des projets de “design citoyen” avec la création du “Pibal”, plus intimement
l’accessibilité à sa villa familiale, ou encore la réfection du Pass Navigo. S’il est ici et ailleurs,
c’est à la France qu’il montre son attachement. D’une part dans son travail (Restaurant “Ma
Cocotte” au cœur de Paris, poste de professorat en communication à l’Université Française,
conception du logo de la France …); d’autre part dans le développement de sa communication
(accent français et béret, insistance sur le savoir-bien-faire français, présences publiques
variées : Grévin, magazines, fréquentations). Homme à tout faire et homme d’affaire, Starck
mêle talent, carnet d'adresse et mégalomanie discrète pour transmettre à travers son travail des
valeurs fortes de design écologique et design démocratique.
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Ce "looseur de génie" transforme peu à peu, à travers les médias et ses collaborations triées
sur le volet, la vision générale du design qui doit s'effectuer au service du consommateur
final, voire dans une optique patrimoniale, des idées nouvelles pour l'humanité. S'il a ses
protégés, qui le suivent dans cette démarche, tous les designers de renom ne voient pas leur
travail ainsi, aux regrets du français. Philippe Starck, grand provocateur, "citoyen agitateur"
réussit sa propre révolution dans la sphère du design : il réussit à y imposer sa griffe, son style
et ses valeurs.
Flora Bousquet, Camille Jeannet, Maeva Le Nel - Etudiantes en LP RDBD à l’IUT Michel de
Montaigne - Promotion 2012/2013
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