La Chronique du Vidéothécaire Sériephile

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La Chronique du Vidéothécaire Sériephile
La Chronique du Vidéothécaire Sériephile
~ S01E03 : Oz ~
"Toi qui entres ici, abandonne l’espoir"
Ce vers de Dante devrait être gravé au fronton du pénitencier d’Oswald. Cette prison
donne son titre à la série dont nous allons parler aujourd’hui, Oz.
Elle a été diffusée sur HBO, pendant 6 saisons, de 1997 à 2003. Son showrunner est
Tom Fontana.
Oz, donc, c’est la prison d’Oswald. Sa particularité, c’est d’abriter un quartier
expérimental, Emerald City. Son but est de responsabiliser les détenus et de faciliter leur
réinsertion. Le contrôle y est plus strict, et les gangs maintenus en équilibre. Les cellules, ont
des parois vitrées qui facilitent la surveillance. Et complètent la référence au livre de Frank
Baum.
Deux individus vont nous accompagner pendant ces 6 saisons en enfer. C’est avec
Tobias Beecher que nous découvrons Oz, où il est incarcéré pour un homicide involontaire.
Malgré les promesses et la sympathie de l’administration, lui, l’avocat blanc, le petit
bourgeois idéaliste se retrouve isolé entre les différentes factions : les Irlandais, les Latinos,
les gangsters, les néo-nazis, les bikers, les mafieux, les Musulmans, les gays et les chrétiens.
Sa 1ère nuit le confronte à sa Némésis, Vernon Schillinger, qui va le torturer
physiquement et psychologiquement. Sa violente intronisation nous laissera peu d’espoir sur
son avenir. C’est un Candide auquel nous pouvons nous identifier. Il suscite notre empathie
et nous fait ressentir la douleur de la vie pénitentiaire.
Notre deuxième guide, c’est Augustus Hill. Toxico plus ou moins repenti, il est arrivé à
Oz sur un fauteuil roulant. Son rôle est double. D’un côté, c’est un détenu comme les autres.
De l’autre, c’est ce personnage omniscient, mythologique. Grâce à lui, nous comprenons les
arcanes d’Oz.
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Il est joué par Harold Perrineau, qu’on a vu plus tard dans Lost, Sons of Anarchy ou
Constantine. Schillinger est joué par J.K. Simmons, vu dans Spiderman et oscarisé dans
Whiplash. Tobias Beecher, est interprété par Lee Tergensen. Je me souvenais de lui dans la
sitcom ado Code Lisa… Il y jouait un obsédé des armes un peu crétin qui torturait son petit
frère. C’était troublant de le retrouver dans Oz, surtout dans ce rôle complètement inversé.
Tobias Beecher est le personnage le plus maltraité de la série. Et Lee Tergensen le fait exister
avec intensité et sensiblité.
Vouloir passer en revue le reste du casting serait illusoire, tant le taux de mortalité à
Oz est élevé. Ils sont des dizaines à se croiser, s’affronter, s’aimer ou se haïr. Je vais quand
même évoquer les plus marquants.
Commençons par Simon Adebisi, interprété par Adewale Akinnouye-Agbaje.
Toxicomane et dealer en quête de ses racines, sa silhouette menaçante et ses hallucinations
en font un danger permanent. Il s’oppose souvent à Kareem Said, le médiatique porte-parole
des musulmans, joué par Eammon Walker. Jaz Hoyt est le leader psychopathe des bikers. Ses
muscles et ses tatouages sont élégamment endossés par Evan Seinfeld, l’ancien chanteur de
Biohazard. Les frères O’Reilly sont joués par les frères Winters. L’aîné, Ryan, est un fin
manipulateur, qui assure sa position en profitant des rivalités entre ses codétenus. Ernie
Hudson, le Zeddemore de Ghostbusters, incarne Leo Glynn, le directeur de la prison. Une des
rares femmes au casting, Rita Moreno interprète Sœur Peter Marie, la psychiatre de la
prison. Son écoute, son empathie en font l’un des personnages les plus positifs de la série.
HBO est une grande famille, et on retrouvera un grand nombre de ces acteurs dans ses
autres productions, comme les Sopranos, The Wire, Treme ou encore Game of Thrones.
Essayer de repérer le caméo de Peter Dinklage dans la quatrième saison !
Oz, c’est aussi le point de départ d’une autre télévision. À son lancement en 1997,
c’était la première série moderne de HBO. Sex and the City et les Sopranos sont peut-être
plus connues, mais sont arrivées plus tard, respectivement en 1998 et 1999. Avec le recul, Oz
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était un laboratoire pour HBO. La chaîne a proposé une création transgressive, dans ses
propos comme dans son image. La violence, le sexe, l’immoralité, tous les curseurs sont
poussés à onze. Tout est fait pour désarçonner le téléspectateur. Oz n’est pas confortable.
Le malaise commence dès le générique, quand on voit défiler des fragments de scènes
à venir. Une musique discordante les accompagne, traversée par un cri primal. On est
vraiment loin du Kansas… Cet étouffement ne nous quittera pas. Pour aggraver notre
claustrophobie, Oz ne nous fait jamais voir l’extérieur. Ou si peu. Tout se passe entre les
murs de la prison. On passe d’Emerald City au réfectoire, de l’infirmerie au mitard. Mais,
comme les prisonniers bloqués dans leurs cellules, on ne cherche plus de lumière dans ce
cloaque.
HBO a tout fait pour créer une série différente. À l’époque de sa diffusion, elle n’avait
pas d’équivalent. Juste, un an plus tôt, la série Profit, qui avait essayé de bousculer les
cadres, sans rencontrer le succès qu’elle aurait mérité. Mais 1997 fut une année propice aux
séries. Outre Oz, on a vu démarrer Ally McBeal, Daria, Buffy contre les vampires ou encore
South Park. Plutôt un bon cru, non ? Pour comparer, en France, cette même année, nous
avions eu droit à Joséphine ange gardien…
Mais on ne va pas se fâcher. Oz n’est pas faite pour séduire, mais j’espère que vous
aurez envie de la découvrir. Au-delà de sa violence, c’est une série indispensable pour
sonder notre monde, sa morale, sa justice. Car s’interroger sur la façon dont une société
traite ceux dont elle veut se protéger est un exercice difficile. Oz ne propose pas de
solutions, mais elle force la réflexion et encourage à abandonner toute vision manichéenne.
Si Oz vous interpelle, peut-être aurez-vous envie d’explorer autrement sa
problématique. Voici donc quelques pistes à arpenter. Vous trouverez certains de ces
documents à la Médiathèque. D’autres sont disponibles librement sur Internet. La liste
complète est accessible sur notre site, en suivant le lien sous la vidéo.
J’ai commencé cette chronique avec une citation de Dante, tirée de la Divine Comédie.
Vous pouvez aussi lire Le dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo. Plus romancé, vous
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avez Le Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas, ou Le magicien d’Oz, de Frank Baum,
qui donne son titre à la série.
Une dernière lecture ? Allez… L’équipe de Rockyrama a consacré un article à la série
dans The Rockyrama TV Show.
Beaucoup de chansons évoquent la prison. À commencer par Saint-Lazare, de Bruant.
Trust, sur l’album Répression, dénonce la condition des détenus et anciens détenus dans Le
mitard, Sors tes griffes et L’instinct de mort. Deux ans plus tard, Iron Maiden imagine les
derniers instants d’un condamné dans Hallowed be thy name. En 1968, Johnny Cash avait
enregistré un concert dans le pénitencier de Folsom.
Côté films, vous avez le choix. Bronson, de Nicolas Winding Refn, Un prophète, de
Jacques Audiard, Le baiser de la femme araignée, d’Hector Babenco sont quelques-uns des
films que vous trouverez dans nos bacs. À noter que le dernier film de la documentariste
Mathilde Syre, Au bout de leur peine, est consacré à la réinsertion des détenus.
Une dernière chose… Si vous avez envie de parler de séries, de celles que vous adorez
comme de celles qui vous ont déçu, sachez que le groupe de discussion À Suivre est là pour
vous ! Il se réunit une fois par mois à la Médiathèque de Rumilly et dans la bonne humeur.
C’est le théâtre d’échanges passionnés mais toujours courtois. Vous trouverez plus
d’informations, notamment les prochaines dates, sur notre site.
En attendant de vous y croiser, je vous donne rendez-vous d’ici un mois à peu près,
pour la prochaine chronique du vidéothécaire sériephile.
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