Wo Chun Tuen Muk 2013 MAAS Essay Winner

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Wo Chun Tuen Muk 2013 MAAS Essay Winner
Wo Chun Tuen Muk
2013 MAAS Essay Winner
TROP DIT, TROP BETE?
Les relations franco-américaines. Comme c’est un vaste sujet ! Mais à mon sens, on a trop parlé
de la guerre d'indépendance des États-Unis, de l’anti-américanisme français, de l’américanisation en
France, de la francophobie américaine, de la statue de la Liberté, de Chateaubriand, de Tocqueville, de
Lafayette, de Thomas Jefferson, de De Gaulle, de la guerre d’Irak... Entre la France et les États-Unis,
n’existe-t-il vraiment que ces totems : le McDo, le Big Mac, le Mickey Mouse, le Coca et les «frites
de la liberté» («Freedom fries») ? On a trop discuté de tout cela. En vue de ne pas violer le principe
français «trop dit, trop bête» (cf. «trop bon, trop con»), du reste, de ne pas passer pour une bête, je
garderai le silence à propos de ces choses-là.
Sans doute la culture américaine est-elle explicite. Afin de s’assimiler, dans un délai de
seulement deux siècles, sur une terre aussi étendue que l’Europe où se trouvent plus de deux cent
quatre-vingt millions d’étrangers dont beaucoup ne maîtrisent pas bien l’anglais, les Américains
doivent développer une culture particulière : on doit agir de façon efficace et opportune. Aussi est-il
nécessaire d’obtenir les informations sans être jugé sur le fait même d’avoir posé des questions ou sur
la manière dont on les a posées. En outre, on s’attend à des réponses aussi claires et bien formulées
que les questions posées.1 C’est l’origine de l’explicite de la culture américaine aux yeux d’un
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Baudry, Pascal. French and Americans - The Other Shore. Transl. Jean-Louis Morhange. Berkeley: Les
Frenchies, Inc., August 2005. 29. Print.
C’est un texte traduit en anglais et moi, j’ai fait la re-traduction car je n’ai pas le texte original qui est en français
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Français. Au fil des années, j’ai découvert moi-même que contrairement aux Américains, les Français
préfèrent l’implicite. Autrement dit, ils n’expliquent guère trop et dans un discours, une zone de flou
survient très souvent. Certes, les Français adorent la clarté. Autrefois, mon amie lyonnaise, Margaux,
et moi avons parlé d’un quartier de Lyon. J’ai énoncé mon adoration pour ce quartier en lui accordant
l’attribut «spécial». «Mais spécial en quoi ?» a-t-elle demandé, mécontente de mon court récit. «Ben
c’est l’ambiance, ai-je répondu, qui est spécial.» Tout de suite, j’ai ajouté : «Tout est pittoresque là
mais en même temps désert.» «Mais pourquoi ? C’est spécial par rapport à quoi ?» a-t-elle redemandé,
toujours insatisfaite. Malgré ce type d’adoration pour la clarté, comme le remarque Pascal Baudry, la
clarté de la langue française, tant louée par l’écrivain Anatole France, résulte d’un effort manifeste et
insistant qui va contre l’esprit de la culture française.2 Qu’est-ce que cet esprit de la culture française ?
C’est l’implicite.
Dans ce qui suit, j’essaierai d’analyser l’implicite français et l’explicite américain du point de
vue linguistique. Voici l’essentiel : par suite de la langue, les informations sont fréquemment
sous-entendues et suggérées dans un discours français. C’est à l'interlocuteur francophone de faire
appel à la déduction pour arriver à dégager ces informations implicites. Au contraire, les Américains
énoncent les informations en termes clairs et précis. Ainsi, les évènements sont exposés tels qu’ils se
sont passés. Donc, l’explicite prédomine dans la langue anglaise américaine.
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Baudry, Pascal. 32.
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La représentation linguistique se fait à l’aide de mots concrets (ou mots images, on peut
percevoir le signifié par les sens : «le marteau», «le maillet», «la massette», «le piolet», «la pioche»)
ou de mots abstraits (ou mots signes, on doit concevoir le signifié par la pensée et par l’âme :
«l’amour», « la haine», «l’honneur», «le bonheur»). Il apparaît que le concret, ou le plan du réel, est
favorisé par l’anglais américain et l’abstrait, ou le plan de l’entendement, est favorisé par la langue
française. J’avoue que tout mot comporte déjà de l’abstraction, mais l’abstraction même comporte des
degrés. On va voir que les Américains ont tendance à s’exprimer de manière concrète et explicite. Par
exemple, «grincement» peut vouloir dire «scraping», «screeching», «squeaking», «grinding»,
«grating», «creaking» pour les Américains. Chez eux, le sens vient principalement du contenu. Par
contre, chez les Français, l’entendement est principalement contextuel. C’est pourquoi à chaque fois
qu’un étudiant demande à son professeur de français : «Puis-je utiliser le mot… ?» ou bien «Est-ce
qu’on peut dire… ?», le professeur répond, avant que l’étudiant ne termine la
question, immédiatement: «Quel est le contexte ?» En français, le contenu est révélé grâce à tout ce
qui l’entoure. Comme le contexte est de première importance, tant de choses peuvent être impliquées
dans un discours français. Selon la bibliothèque municipale de Lyon, le français usuel comprend
environ 32 000 mots. Le Petit Larousse illustré en a plus de 35 000. Les dictionnaires français les plus
complets atteignent 90 000 mots. L'anglais, considéré comme particulièrement riche, dispose de plus
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de 200 000 mots.3 Cela ne nous surprend pas. Évidemment, les Américains ont tellement de moyens
pour montrer explicitement leur conscience et surtout d’éluder les zones de flou. Les Français non.
Qui plus est, le substantif prédomine dans la langue française. Les verbes, les adjectifs et les
adverbes sont extrêmement explicites en anglais alors que les locutions verbales, les locutions
adjectivales et les locutions adverbiales françaises sont presque toujours construites autour d’un
substantif, donc d’un entendement contextuel : «to tiptoe» vs « (marcher ? descendre ?) sur la pointe
des pieds», «to be blown away» vs «être emporté par le vent», «to fly across the English Channel» vs
«traverser la Manche en avion», «to collide» vs «entrer en collision», «to surface» vs «remonter à la
surface», «to retreat» vs «battre en retraite», «hopeless» vs «sans espoir» (bien que le mot
«désespéré» existe), «aimless» vs «sans but», «orderly» vs «en bon ordre» (bien que le mot
«ordonné» existe), «condescendingly» vs «de manière condescendante», «abruptly» vs «avec
brusquerie», «nicely» vs «de façon agréable»... Parfois, en français, même le substantif a besoin d’un
autre substantif pour élucider le contexte, ce qui n’est pas usuel en anglais : «a kick» vs «un coup de
pied», «a punch» vs «un coup de poing», «a stroke» vs «un coup de sang»…
Dans un discours américain, lorsqu’un verbe d’action est employé, tout est clair sur-le-champ :
vous savez qu’il s’agit d’une action, comment elle s’est passée, qui l’a accomplie, etc. Ce n’est pas
tout à fait pareil dans un discours français, qui est caractérisé par l’importance contextuelle : une
chose entre, mais où entre-t-elle? Non, il ne s’agit pas de lieu. Il faut attendre pour comprendre le
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http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?t=9699 le 12 avril 2013
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message complet car c’est une chose qui entre en collision avec une autre chose. Votre papier est
emporté, mais par quoi, ou par qui? C’est par une chèvre ou par votre petit chat Félix ? Non, mais
c’est par le vent. Lorsqu’une personne fait une action «condescendingly» (en anglais), c’est cette
personne même qui est condescendante. En revanche, la langue française permet l’implicite : c’est la
personne même ou la manière (car on fait une action «de manière condescendante») dont elle a fait
l’action qui est condescendante ? Les Français doivent le comprendre par eux-mêmes.
Federico Fellini, réalisateur italien célèbre, a remarqué : «Chaque langue voit le monde d'une
manière différente.» Dans la même veine, Jacques Lacan, psychiatre et psychanalyste français célèbre,
a remarqué : « L'inconscient est structuré comme un langage.» En effet, la langue et la culture sont
profondément liées. Les Américains n’ont pas tellement besoin de déduire les informations du
contexte car ils peuvent se faire comprendre sans détour grâce à leur langue. Par conséquent, on a
raison de qualifier la culture américaine d’explicite. A l’opposé, la langue française est riche en
contexte, cela c’est sûr. Mais que signifie la richesse contextuelle par rapport à la culture ? En
conséquence du décalage entre ce que l’on veut dire et ce que l’on dit, il y a place pour les allusions,
pour les règles tacites et pour la référence culturelle, géographique et historique partagée. Ainsi, les
Français peuvent manifester ses pensées et ses sentiments avec insinuation.
A bon droit, vous vous plaindrez auprès de moi : «Les Britanniques sont anglophones aussi.
Cependant, ils ne sont pas du tout explicites !» Je vous offrirai une explication conçue par un Français:
les Pères fondateurs des États-Unis ont pris le contre-pied de la culture royaliste britannique. Ils ont
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établi un système de «checks and balances», c’est-à-dire un ensemble de procédures qui visent à
empêcher quiconque des trois branches du gouvernement d’exercer un pouvoir excessif. Ce système
repose sur une immense transparence et exige donc un effort constant pour garantir l’explicite.4
Cette théorie intéressante est-elle valable ou douteuse? Vous vous réservez le droit de juger. En
tout cas, moi, j’ai constaté que contrairement aux Britanniques, les Américains sont épris de locutions
prépositives. En français, «ici» signifie «ici» et «là» signifie «là», tout étant simple et clair. Pourtant,
l’anglais américain insiste sur l’opposition prépositive. Donc, les mots «here» et «there» sont tout le
temps accompagnés par «up», «right», «back», «over», «down» en anglais américain, ce qui est
illustré le mieux par les locutions telles que «right down over there», «all the way through right here»,
«right back down here», «all the way down over there». En anglais britannique, cela est rare, en
français aussi. Bien que la locution «là-bas» soit beaucoup utilisée en français, le mot «bas» suit le
mot «là» peut-être pour des raisons euphoniques. En tout cas, les Français doivent être perdus : «A
quoi bon faire savoir les manières d’aller et de venir ici ou là si explicitement?»
Nous devons admettre que les deux cultures mêmes ne partagent pas le même esprit. Que ce soit
la conséquence immédiate des deux langues, je devrais faire d’énormes recherches pour arriver à une
conclusion affirmative. Mais écartons la différence linguistique entre le français et l’anglais américain.
Ce dont on est sûr, c’est qu’aux États-Unis, il est commun d’avoir des séances de partage pour que les
membres d’un groupe échangent des informations et partagent leurs sentiments. En France, on ne
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Baudry, Pascal. 29.
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ferait jamais de réunion pour parler de ses sentiments, ou de ce qu'on pense de la vie au sein du
groupe. Autrefois, un professeur français m’a parlé de son choc culturel : «Les professeurs américains
finissent leurs courriels en disant « I look forward to meeting you all at the beginning of class. » Un
Français ne dirait jamais ça. De même, les Français disent beaucoup plus rarement « Je suis content de
te voir » ou ce genre de phrase.» Selon mon professeur français, le fait qu'il soit content de
commencer les cours n'est important que pour lui et on ne raconte pas ses sentiments à quelqu’un que
l’on n'a jamais rencontré. En quelques mots, pour les Américains, dire ce qu'ils ressentent, ou ce qu'ils
pensent, est très important, alors que les Français ont tendance à garder leurs sentiments pour eux. Ce
que les Français partagent, c’est l’implicite, à peine leurs sentiments.
Trop d’explicite est qualifié de naïf par les Français, pour ne pas dire d’imbécile, ou pire
encore.5 Mais quant à la notion de «trop», c’est à qui de percevoir, ou bien, d’installer les bornes ?
J’ai voyagé à Paris il y a un an. Un matin, dans la rue, j’ai demandé à un Français le chemin pour aller
à un musée :
«Excusez-moi, Monsieur. Savez-vous où se trouve le musée des Arts décoratifs ?
- Il faut aller tout droit.
- Mais devrait-on tourn…
- Bof !»
Je n’ai pas encore terminé la question. Il est parti. Je ne l’ai pas encore remercié non plus.
Selon Pascal Baudry, les livres de cuisine américains sont beaucoup plus circonstanciés que
leurs homologues français, ne reposant pas sur la prévision que les lecteurs savent déjà séparer le
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blanc et le jaune de l’œuf.6 A la lumière de quelques recherches simples, j’affirme, sans tenir compte
du sarcasme de la part de Pascal Baudry, que cette constatation est juste : les recettes de quiche
lorraine écrites par les Français ont tendance à omettre la quantité de sel, de poivre et de paprika,
tandis que celles qui sont écrites par les Américains l’éclaircissent tout le temps. Il y a aussi des
recettes de gâteau écrites par des Américains qui, très attentionnés, rappellent aux lecteurs de vérifier
la DLUO de la levure de boulanger, ce qui semblerait peut-être «naïf» et «imbécile» à un Français.
Est-ce vraiment bête de «trop» dire ? Mais faut-il le dire en premier lieu ? Au sujet des recettes
de quiche dont je viens de parler, peut-être les Français veulent-ils laisser une trace personnelle, ou
peut-être cherchent-ils à se distinguer, c’est pourquoi la quantité de sel, de poivre et de paprika n’est
pas précisée. Certes, il n’y a pas d’inconvénient à déduire une information à partir des données
implicites dans une recette. Le petit interstice entre ce qui est dit et ce qui est signifié est tellement
insignifiant qu’ajouter un peu plus de sel ne tue personne. Cependant, cela ne fait pas mal d’exiger
l’exactitude. Si le monsieur français à qui j’ai demandé le chemin avait été plus explicite, je n’aurais
pas choisi la mauvaise voie plusieurs fois de telle façon que le musée était déjà fermé au moment où
j’y suis arrivé.
Bien que l’implicite crée sûrement du malentendu de temps en temps, il est considéré comme un
indice de sagesse par les Japonais, les Chinois et les Anglais. En d’autres termes, les Français ne sont
pas seuls. De toute façon, il n’y a pas de bon ou de mauvais principe concernant l’explicite et
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Baudry, Pascal. 33.
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l’implicite. Je dirais qu’être implicite est un moyen pour éviter la précipitation et être explicite est un
moyen pour éviter la nonchalance et le malentendu. C’est une question d’équilibre et de mode de vie,
mais non pas de qui a raison et de qui a tort.
On my honor, I (Student ID : 118-357-949) pledge that I am not a native speaker of French and I have
not learned French primarily in any French-speaking school. Also, I have not sought anyone’s help
with French while writing this essay, which is entirely the work of me and has not been previously
submitted for another essay contest or to satisfy a University course requirement. The length of this
essay is between 2000 and 2500 words.
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