Comment amener un arbre à maturité N°3

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Comment amener un arbre à maturité N°3
Comment amener un arbre à maturité N°3
Analyser les défauts et les corriger.
Carpinus Betulus
Photos et textes de François JEKER
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Dans les deux articles précédents, nous avons étudié la maturation d'un if japonais, puis d'un pin
sylvestre. Cette fois-ci, nous abordons les feuillus à travers cette forêt de charmes. J'ai collecté ces
arbres dans les Vosges (montagnes de l'est de la France) et j'ai mis quelques années pour les préparer individuellement : taille des racines pour réduire la motte et développer le chevelu, taille des
branches pour compacifier la végétation.
Le grand jour tant attendu de la plantation de la forêt est arrivé au printemps 1990.
Erreur de jeunesse ?
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J'avais scrupuleusement étudié les livres parus en Europe qui parlaient de la composition de forêt.
J'ai donc scrupuleusement (bêtement ?) suivi les règles, avec mon inexpérience de presque-débutant.
Quelques années plus tard, malgré l'achat d'un pot de Tokoname (de120cm de large !), je n'étais
toujours pas satisfait du résultat, sans vraiment savoir pourquoi...
C'est alors que j'ai vécu un véritable séisme dans mon parcours de "bonsaï aïkoka" : ma première
Kokufu-ten. Dès l'entrée de l'exposition, je suis tombé sur une forêt de hêtre d'une beauté à couper
le souffle (voir dans le livre de la 70e Kokufu, page 466) et une autre d'érable de Burger (page 376).
J'ai compris ... que je n'avais rien compris et ma première réaction a été de décider d'arrêter de
pratiquer le bonsaï.
Quelques jours plus tard, dans l'avion de retour, j'ai changé d'avis : j'allais tout recommencer à zéro
et me remettre sur le bon chemin.
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Voila la forêt en 1998. J'ai décelé pas moins de 8 défauts majeurs.
1 La végétation forme un vrai casque, sans espaces vides.
2 Les branches sont trop longues, trop droites, en tuyau d'arrosage, sans conicité.
3 La ramification secondaire est très désordonnée.
4 Les rythmes dans les intervalles entre les troncs sont trop réguliers.
5 L'arbre principal est trop près du centre de la composition et donne une impression de symétrie.
6 La perspective n'est rendue que par la différence de diamètre des troncs à l'avant plan et ceux
de l'arrière plan.
7 La forêt n'a pas de mouvement cohérent : il y un arbre central, puis des arbres qui "tombent" vers
l'extérieur, comme une poignée de crayons dans un verre.
8 Il n'y a pas de lien entre le nébari des différents arbres.
Voilà la forêt après corrections : j'ai créé un deuxième bosquet plus petit, en arrière plan sur la
droite pour accentuer la perspective et le mouvement vers la droite. La forêt est maintenant bien
asymétrique. Les nouveaux espaces vides donnent de l'air à la composition. La structure, le mouvement et la conicité des branches ont été améliorés. Les intervalles entre les troncs sont beaucoup
plus irréguliers.
Quant au nébari, il faudra de nombreuses années de patience et de travail pour l'améliorer...
A
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La ramification ? C'est facile, peut-être
même trop...
Le charme se ramifie très vite et facilement. Il
suffit, dès qu'un nouveau rameau a produit
une dizaine de feuilles, de tailler "à deux
feuilles". Cette opération peut se faire
plusieurs fois par an.
Si vous ne faites pas cette taille régulière, les
branches vont s'allonger, la vigueur va s'installer dans le bourgeon terminal et les précieux
petits bourgeons à la base du rameau vont
avorter.
J'ai coupé ces deux rameaux (A et B), au
printemps, juste avant le débourage.
Le rameau A avait été taillé correctement et
les deux premiers bourgeons démarrent avec
vigueur.
Le rameau B n'a pas été taillé : les bourgeons
terminaux sont vigoureux et les deux
premiers bourgeons (1 et 2) sont anémiques.
Cependant, comme le charme ramifie très vite,
on obtient très vite des branches complètement enchevêtrées et qui vieilliront mal. Il est
donc indispensable chaque année de faire
une légère taille de structure à l'automne
pour ordonner les branches, et tous les trois
ans une taille plus sévère pour améliorer le
mouvement et la conicité des branches.
On voit bien sur la photo ci-contre le résultat
d'une taille de structure bien faite.
Chaque automne, j'enlève les feuilles mortes
pour y voir plus clair, puis je coupe d'abord
toutes les pousses qui montent (sauf pour la
cime),celles qui descendent et celles qui
poussent vers l'intérieur. Puis je sélectionne
parmi ce qui reste, les branches qui vont me
donner le plus joli mouvement et la meilleure
conicité et compacité.
Un nébari commun à toute la forêt.
J'ai pu constater sur les forêts japonaises (Yose-ue, littéralement : planté dessus), que la maturité et
la qualité se mesurait à l'unité du nébari : les très vieilles forêts ont un nébari commun, solidaire, qui
dégage une impression de force et de sérénité.
Pour obtenir cela, il faut du temps et des techniques appropriées.
Lors de la première plantation, il faut d'abord rapprocher, imbriquer le plus possible les racines des
différents arbres. Il faut ensuite, à chaque rempotage, comme on le voit sur ces deux photos, ôter de
5 à 10mm d'épaisseur de terre pour dégager les racines : celles-ci, au contact de l'air et du soleil,
vont "faire de l'écorce" et beaucoup grossir.
A chaque rempotage, il faut ensuite travailler avec
soin les racines :
- peigner les racines en étoile, en plantant un
crochet profondément dans la motte, puis en
tirant avec force vers l'extérieur : ce travail va
payer les années suivantes car on obtient ainsi
des racines bien ordonnées, sans croisement
- faire sur les racines de surface comme pour les
branches : tailler pour créer de la conicité, du
mouvement et de la compacité.
Dernière technique et pas la moindre : lors du rempotage, il faut surélever la motte par rapport à ce
qui se fait habituellement, en mettant une bonne couche de substrat dans le pot; il suffit alors de
poser la motte par dessus, enfin de complèter avec du substrat tout autour. Au départ, ce monticule
n'est pas très esthétique.
Les années suivantes, avec le lessivage de surface lors des arrosages, avec les rempotages successifs, on obtiendra un bloc compact de racines, bien visible.
Il va falloir de nombreuses années pour arriver à ce résultat. J'espère qu'alors cette forêt sera une
source d'inspiration pour les amateurs, comme les forêts de la Kokufu l'ont été pour moi.

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