L`Accueil Bonneau: refuge pour démunis depuis 1877

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L`Accueil Bonneau: refuge pour démunis depuis 1877
le délit
Publié par la société des publications
du Daily, une association étudiante
de l’Université McGill.
delitfrancais.com
L’Accueil
Bonneau:
refuge pour
démunis
depuis 1877
> 8-9
Parler le McGillois > 3
Dossier Afrique: Soudan et Libéria > 6-7
Entrevue avec Michel Marc Bouchard > 11
Spécial BD > 13
Le mardi 11 janvier 2011 - Volume 100 Numéro 13, le seul journal francophone de l’Université McGill.
Au service de ses étudiants depuis 1977.
Éditorial
Volume 100 Numéro 13
[email protected]
le délit
Le seul journal francophone
de l’Université McGill
Se lever du mauvais côté du lit,
Partir du bon pied
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
U
ne nouvelle année et une nouvelle
décennie débutent, et je suis toujours aussi insensible. En fait, pas
tout à fait insensible, mais un tant soit peu
inébranlable face aux tragédies que relaient
en boucle et arrosés de la même sauce
par la majorité des médias. Morts subites
d’oiseaux, de divers animaux marins, de
castors, de chauve-souris; six morts, ainsi
que la démocrate Gabrielle Giffords blessée dans une fusillade, suivie de toute une
réflexion sur la rhétorique politique; premier anniversaire du tremblement de terre
à Haïti qui souffre maintenant de l’insuffisance des services humanitaires… Les tragédies sont réelles, les discours sur cellesci, moins.
Ce n’est pas que les médias ne semblent s’intéresser qu’au sensationnel –et le
concept ne doit pas que se limiter aux 3S:
Sport, Sexe et Sang– mais la façon dont les
événements sont traités semble traduire une
certaine indifférence ou passivité. Un évé-
nement survient, puis il passe rapidement
aux archives. Repris plus tard lorsqu’on
commémore un anniversaire ou lorsqu’on
veut faire un rapprochement avec un autre
événement plus récent.
Je ne dis pas que toute tragédie devrait
marquer les mémoires comme la Shoah
ou le génocide rwandais, ou encore qu’il
faudrait une fête officielle pour commémorer les morts, mais qu’il faudrait revoir
la couverture de ces événements. Si l’on
s’inquiète de l’influence de la rhétorique
politique, de l’engagement réel des pays du
Nord pour lutter contre les changements
climatiques ou de la participation humanitaire de différents pays, l’inquiétude était
bien présente il y a dix ans. Qu’est-ce qui
a changé? Pourquoi n’apprend-on pas des
anciennes erreurs, des réflexions faites, des
discussions échangées?
Il semble qu’au-delà des grands discours, ce qui manque surtout ce sont les
petits gestes que tout un chacun peut accomplir chaque jour.
Il m’était difficile de commencer le
nouveau semestre en ne parlant que des
Le Délit & The McGill Daily
sommes Heureux D’accueillir
Les dÉlÉGUÉ(E)s de la
73e conférence annuelle
de la Presse Universitaire
Canadienne!
WE Are excited to Welcome
delegates from across
the country to the
73rd Canadian
university press
National student
journalism
conference!
cup.ca/collage
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2 Éditorial
bonnes résolutions qu’il faut prendre sans
actes concrets. Ainsi, petit pas pour Le Délit:
l’ancienne section dénommée «Nouvelles»
se fait maintenant connaître sous le nom
«Actualités», meilleure traduction de
«News». Votre dévoué et seul journal francophone de l’université et toute son équipe
éditoriale tient toujours à vous apporter des
informations singulières et vous permettre
de revisiter vous-même des enjeux actuels.
Pour partir du bon pied, la Société des
Publications du Daily (SPD), qui fête cette
année ses cent ans d’existence et qui publie
les journaux étudiants The McGill Daily et
Le Délit, vous invite à la Conférence nationale de la Presse universitaire canadienne
qui se tiendra du 12 au 16 janvier. Près de
400 journalistes étudiants seront présents
pour assister à différentes conférences, tables rondes et ateliers offerts par des médias
de masse, des médias locaux ainsi que des
médias indépendants.
Vous pouvez vous aussi participer à
cette rencontre, gratuitement après quelques heures d’aide volontaire. Inscrivezvous rapidement à bit.ly/nashbenevoles. x
rédaction
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L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le
texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages
ne reflètent pas nécessairement celles de
l’Université McGill.
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la
Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner
la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les
droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de
la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les
produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du
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Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press
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francophone (CIPUF).
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
Actualités
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CAMPUS
Bilingues à moitié
McGill, l’université reconnue internationalement, fait piètre figure quant à ses
traductions vers le français.
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
L
orsqu’un des membres de
l’équipe éditoriale nous
est revenu avec un formulaire qui devait attester de ses
études universitaires, nous avons
d’abord bien ri. Étudiant étranger,
il avait demandé que le formulaire
soit traduit pour l’administration
française. La feuille, on ne peut
pas réellement parler de texte,
car si peu est rédigé, était minée
de fautes. Puis, en moins d’une
semaine, d’autres erreurs de traduction à travers le campus nous
ont sauté aux yeux, et la situation
est devenue alarmante. Comment
l’Université McGill procède-t-elle
aux différentes traductions?
La réponse n’a pas été facile à
trouver. Après plusieurs échanges
avec Pascal Zamprelli, responsable des relations avec les médias,
qui lui-même ne connaissait pas
la réponse, nous avons pu nous
entretenir avec les personnes
concernées. Différentes personnes, parce que McGill n’a pas de
politique ou de procédure unique, et encore moins un bureau
central qui se charge des nombreuses traductions vers le français faites sur le campus ou pour
l’université.
Une seule personne, Karine
Majeau, chef au Service de traduction, est responsable de tous
les communiqués, rapports et
autres publications officielles de
l’administration liées aussi au
recrutement ou à l’admission.
Celle qui travaille depuis six ans
pour l’université délègue certaines traductions moins prioritaires à des pigistes lorsqu’elle ne
peut tout faire seule. Les activités,
les facultés et les départements
s’occupent eux-mêmes de leurs
documents à traduire.
À la bibliothèque McLennan,
les traductions vers le français sont plus répandues et de
meilleure qualité. Depuis un an,
la signalisation est bilingue et
toutes les brochures sont traduites au fur et à mesure des mises
à jour et des nouvelles impressions. La personne récemment
engagée aux communications se
débrouille très bien en langue
française selon Carole Urbain,
directrice adjointe au Service à
la clientèle de la bibliothèque de
sciences humaines et sociales, de
droit et de gestion. La bibliothèque offre également des visites
guidées et des cours de forma-
tion en français. Madame Urbain
mentionne toutefois que certains
étudiants préfèrent le service
en anglais, car s’ils sont venus à
McGill, c’est surtout pour pratiquer et perfectionner leur anglais.
Pour l’ancienne directrice,
Janine Schmidt, accroître le bilinguisme dans les services offerts
était un objectif important. Nous
n’avons pu parler à la directrice
actuelle, Colleen Cook, rentrée
en fonction la semaine dernière,
mais Carole Urbain dit ne pas
croire qu’un pas en arrière ne sera
fait. Malgré les efforts, celle-ci affirme que «la barrière de la langue» existe toujours dans la communauté universitaire. Toutefois,
elle souligne qu’il est satisfaisant
et agréable de pouvoir échanger
avec d’autres bibliothécaires, chacun ayant sa façon de faire.
Comment se fait-il alors que
nous ne puissions nous faire
servir en français à chaque fois?
Lynne Gervais, vice principale
adjointe aux ressources humaines, explique que, quant à l’embauche, un degré fonctionnel de
bilinguisme est requis que depuis
environ dix ans. Les employés embauchés avant cette politique ne
sont donc pas tenus d’apprendre
le français, sauf dans le cas d’un
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
renouvellement de contrat. Elle
assure que l’université encourage
son personnel à suivre un programme de francisation, mais que
celui-ci n’est pas obligatoire. Ceci
est navrant à constater quand on
pense que certains de ces anciens
employés ont un contact fréquent
avec les étudiants et le grand
public et peuvent même être la
meilleure personne ressource –si
on maîtrise bien l’anglais.
À titre légal, l’Université
McGill n’est pas contrainte à certains articles de la loi 101 et que
les services offerts ou documents
traduits en français sont faits
dans «le bon vouloir» de la direction, rappelle la Commission aux
affaires francophones (CAF) de
l’AÉUM. Ainsi, un budget précis
serait alloué à cet aspect; mais de
combien est-il? Nous l’ignorons.
La CAF, qui défend les droits des
étudiants francophones, et qui
leur a permis de remettre tous
leurs travaux en français (cette
politique doit être imprimée par
les professeurs sur tous les plans
de cours), explique qu’elle encadre et travaille dans l’intérêt des
étudiants francophones, mais
qu’elle n’a pas nécessairement
d’influence sur la politique officielle de l’administration.
L’Association Étudiante de
l’Université McGill (AÉUM) a
une vision singulière sur la question. Le président de l’AÉUM,
Zach Newburgh, avait affirmé,
dans une entrevue au Délit publiée le 9 mars avant la fin des
élections, que «les étudiants francophones [avaient] été négligés
et [qu’il] voulait changer cela».
Quant aux traductions actuelles, Zach Newburgh commente:
«L’administration
de
McGill
devrait être apte à communiquer aussi bien en anglais qu’en
français. Il est embarrassant de
remarquer que les communications en français sont souvent de
qualité médiocre; on devrait en
avoir honte et tenter d’améliorer la qualité de notre expression
dans les deux langues officielles
du Canada.»
Pour en revenir à notre premier objet, Janice Johnson, gestionnaire des services et des opérations au Point de service, confirme
que les employés sont bilingues,
que des traducteurs font partie du
personnel et que les formulaires
sont traduits manuellement (et
non par traducteur automatique
tel Google Translate). Une employée du Point de service nous
a pourtant affirmé que de tels
services de traduction y étaient
inexistants. Il semble alors difficile d’expliquer toutes les erreurs
que nous retrouvons dans le formulaire mentionné en début d’article. Si «l’erreur est humaine»
comme le dit Madame Johnson,
peut-on alors parler de négligence? S’il y avait en effet des traducteurs, et si le formulaire avait été
relu, plusieurs –sinon toutes– les
erreurs auraient ainsi pu être corrigées.
Si certains services et départements font des efforts importants pour offrir aux étudiants
francophones des ressources
en langue française de qualité,
d’autres montrent leur inaptitude ou leur inintérêt en ce qui
concerne le bilinguisme à l’Université McGill.
Ainsi, à chaque erreur que
vous rencontrez sur des documents ou des enseignes, que ce
soit dans votre faculté, au Point
de service, aux Services de santé,
aux bibliothèques, à la librairie
ou autres lieux sur le campus, ou
encore dans un courriel officiel,
nous vous encourageons à le signaler aux personnes concernées.
Le bilinguisme, et l’image de marque de notre université, ne pourront qu’en bénéficier. x
Cherchez les vingt-huit erreurs dans ce formulaire. Le corrigé sur www.delitfrancais.com.
Actualités
3
CAMPUS
La censure dans la peau
Au Collège de Bois-de-Boulogne, des étudiants ont crié à l’atteinte à la liberté
d’expression, et ils ont été écoutés... moyennant une certaine somme.
Emma Ailinn Hautecoeur
Le Délit
Cependant, aucune des ces actions
n’avait franchi la limite du légal. Au
cours d’une altercation antérieure assez
cocasse, l’administration a pu se rendre
compte de sa propre illégalité. Le 6 mai
2010, sept étudiants distribuaient des
papiers sur le trottoir en bordure de la
propriété du collège. L’administration
les a pris en photo pour avoir une
preuve en main lorsqu’ils appelleraient
la police. La police a mentionné que
«ce qui était illégal, c’était les photos de
l’administration», note Antaki.
L’association étudiante de Boisde-Boulogne (AGEBdeB) a enfin pris le
taureau par les cornes. Le matin même
de la suspension des étudiants, une
mise en demeure a été envoyée à l’administration par Maître Julius Grey, un
avocat québécois connu pour son zèle
pour les causes de liberté individuelle.
Cette initiative n’a pas été accueillie
sans controverse au sein du corps étudiant. Un «élève outré» a commenté un
article sur le sujet, paru dans le Courrier
Bordeaux-Cartierville pour souligner qu’il
«trouv[ait] dommage que ces personnes
passent pour des petits martyrs dont la
liberté d’expression a été brimée alors
qu’ils ont engagé Julius Grey aux frais
E
n novembre, l’affaire avait des airs
de Munich, où les étudiants distribuaient des tracts antinazis signés
«La rose blanche». Keena Grégoire et
Simon Robitaille ont été suspendus le 29
novembre 2010 pour avoir distribué ces
pamphlets de sensibilisation au dégel des
frais de scolarité. L’argument de l’administration: cette activité pacifique nuirait à
l’image du collège.
Dans l’imaginaire collectif, et pour
une certaine génération, le Collège de
Bois-de-Boulogne est réputé pour l’excellence académique et la rigueur de ses
élèves, qui lui mérite, comme plusieurs
autres institutions, une étiquette plus
ou moins conservatrice. C’est pourtant
à s’y méprendre, affirme le porte parole
de l’association étudiante, Alexandre
Antaki: «Dans les cinq, six dernières
années, il y a eu beaucoup de débats
politiques; et c’est connu dans le milieu
étudiant que Bois-de-Boulogne est un
cégep très actif en ce moment.» Les deux
élèves n’en étaient effectivement pas à
leur première distribution de tracts, ni à
leur «premier avertissement».
de l’association [étudiante]». Le contentieux vient du fait que les honoraires de
Maître Grey ont été alloués du budget
Salaires, et demeuraient donc confidentiels selon la charte.
Cette pratique n’est toutefois pas
sans précédents (bien que ceux-ci
soient inconnus des étudiants) insiste
Alexandre Antaki. Il rappelle que «l’année passée, une étudiante en infirmerie
avait été lésée dans ses droits et avait utilisé tous les recours légaux possibles et
imaginables dans le cégep. L’association
lui avait alors donné 10 000 dollars pour
passer en cour et ça n’avait jamais été
approuvé par l’assemblée générale.» La
décision de s’en remettre aux recours légaux est de coutume au comité exécutif.
Cette fois non plus, il n’y a pas eu de
consultation par vote à l’assemblée générale. «On avait une ou deux journées
pour décider si on l’engageait comme
avocat ou non», ajoute Antaki. L’avocat
devait agir rapidement pour le jugement
déclaratoire, c’est-à-dire la demande
de suspension des suspensions, cette
dernière ayant été finalement rejetée,
la sentence des deux étudiants s’étant
rapidement écoulée. Finalement, avec
l’accord de l’avocat, le salaire, s’élevant
lu
CALCULEZ
ET ÉCONOMISEZ !
e
s
tud
i
d
n
ts
ian
LUNDI.
à 2000$ jusqu’à maintenant, a été divulgué. Le cas paraîtra en cour le 17 janvier.
Ces déboires sont un exemple de la
puissante marée étudiante qui monte et
qui risque de multiplier l’objet des articles
de journaux. L’Alliance sociale, composée des deux volumineux regroupements
nationaux étudiants (FEUQ et FECQ) et
de plusieurs syndicats (CSN, FTQ, CSQ
et CSD), met du vent dans les voiles à la
lutte pour stopper la hausse des frais de
scolarité. L’AGEBdeB a elle-même depuis
quelques années pris l’habitude de tendre
la main pour que plusieurs groupes
fassent écho à leurs causes. Lors de deux
semaines de solidarité à la Palestine, ils
avaient l’appui de Maria Mourani, députée d’Ahuntsic du Bloc Québécois, et du
PAJU (Palestiniens et Juifs Unis). Les étudiants de l’association sont passés maîtres
dans l’art du chantage médiatique. Pour
dissuader l’administration de leur mettre
des bâtons dans les roues, «dans les dernières années, c’est arrivé fréquemment
qu’[ils] menace[nt] de sortir des communiqués de presse». «Cette année, c’est la
première fois qu’on a été obligé de sortir
le communiqué, parce que l’administration n’a pas reculé devant ses atteintes à
la liberté d’expression.» x
de ra
bais
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4 Actualités
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
CAMPUS
Le semestre des 36 heures
Joshua Abaki (VP aux Affaires universitaires de l’AÉUM) a engagé la discussion avec l’administration en vue
de réduire le nombre de jours travaillés au cours du semestre d’automne.
«N
os étudiants travaillent déjà plus
dur que dans les
autres universités, il n’est pas nécessaire qu’ils étudient aussi plus
longtemps.» Joshua Abaki
Le projet initial était de
réduire le nombre d’heures de
cours. Joshua Abaki estime que
«si les professeurs réfléchissaient
bien au contenu qu’ils souhaitent transmettre aux étudiants,
il serait tout à fait possible de
réduire le semestre de trois heures». Le corps professoral appréciera.
Il s’agit, en clair, de passer de
trente-neuf à trente-six heures
par semestre, soit une semaine
de cours en moins. Si les doyens
«manquent
d’enthousiasme»
vis-à-vis de ce projet, c’est notamment parce qu’un certain
nombre de facultés (génie, physiothérapie et ergothérapie, etc.)
sont certifiées sur la base d’un
cahier de charges précis, qui
comprend le nombre d’heures
de cours.
Le VP aux Affaires universitaires explique qu’il serait favorable à ce que certaines facultés
aient une «marge de manœuvre»
en ce qui concerne les dates des
périodes d’examens bien que
cela entraîne un certain nombre
de difficultés logistiques, en particulier pour les étudiants inscrits dans plusieurs facultés.
Outre le fait qu’ils n’apprécient pas forcément le commentaire de Joshua Abaki sur la façon
dont ils choisissent le contenu
qu’ils enseignent, les professeurs
ne semblent pas opposer de refus de principe à une semaine de
vacances supplémentaire.
Stephen Saideman, professeur au département de sciences
politiques estime, quant à lui,
qu’une telle décision «amputerait l’avantage compétitif de
McGill». Pour lui, ce serait prendre le risque de perdre des places
aux classements internationaux.
Le groupe de travail devra
répondre à deux questions:
1- Comment réduire le
nombre de jours travaillés?
En plus de la réduction du
nombre d’heures de cours, les
pistes de réflexion incluent un
début de session plus précoce, et
une réduction de la durée de la
période d’examens. Pour ce faire,
on envisage d’avoir des examens
le soir de 18 à 21h, voire même
de 19 à 22h.
Pour éviter l’augmentation
des conflits, en particulier pour
motif religieux, l’option de la
tenue d’examens le samedi ou
le dimanche, comme le font
Polytechnique ou le HEC, n’a
pas été retenue.
2- Comment utiliser ces
journées ainsi dégagées?
Semaine de relâche à
l’automne? Plus de jours de révisions avant les examens? Des
vacances d’hiver plus longues?
Les étudiants seront amenés
à se prononcer sur toutes ces
questions par voie de sondage
administré par le VP aux Affaires
Universitaires de l’AÉUM car s’il
semble que l’idée d’une semaine
de vacances supplémentaire fasse l’unanimité, les modalités font
encore débat. x
ILS ONT OSÉ LE DIRE
«Je ne suis pas favorable à l’augmentation des frais de scolarité, mais c’est vrai
que si on pouvait les augmenter un peu ça nous aiderait beaucoup.»
- Dr Paul Allison, Doyen de la Faculté de médecine dentaire
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
Actualités
5
POLITIQUE INTERNATIONALE
Réfugiés ivoiriens au Libéria:
faim, insécurité et incertitude
Les nouveaux arrivants suscitent l’intérêt, et les réfugiés de longue date passent aux oubliettes.
Justin Doucet
Le Délit
D
epuis les élections contestées
de novembre dernier, le nombre de réfugiés qui sont passés
au Libéria s’élève à 23 000, selon le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés. La crise de 2002 et le conflit militaire en Côte d’Ivoire ont eux aussi provoqué une vague de déplacements de populations. De nombreux réfugiés sont, à ce
jour, isolés à la frontière, au camp Saclepea
de l’ONU. Ils ont récemment vu leurs espoirs de retourner dans un pays en paix
s’évanouir avec l’annonce des hostilités et
de 210 morts depuis début décembre; et
la vie n’est guère plus facile dans le camp.
Alors que la communauté internationale
sonne l’alarme, les conditions de vie des
Ivoiriens de l’autre côté de la frontière sont
déplorables.
Comme le rapportait récemment la
presse internationale, la Côte d’Ivoire se
voit maintenant réclamée par deux présidents et deux armées. La dispute électorale entre les deux candidats a provoqué
le déplacement vers le Libéria de plus de
20 000 Ivoiriens qui fuient l’insécurité et une éventuelle guerre civile.
Certains médias évoquent, sans scrupules, l’ombre menaçante du génocide.
Jean Miraymond, le porte-parole des
réfugiés dans un des secteurs du camp
Saclepea, voit sa communauté dans une
impasse. Cherchant la protection des
Nations Unies, il est arrivé en 2003, alors
que la guerre civile au Libéria continuait
ses ravages. Selon lui, les Nations Unies et
plusieurs ONG ont fui la violence, accroissant la vulnérabilité des réfugiés: «Nos
femmes sont allées cultiver le manioc
dans les champs pour qu’on puisse manger, mais certaines se sont fait enlever par
les rebelles et des mercenaires Libériens.
Les choses ont un peu changé depuis le
désarmement du Libéria [par L’ONU],
mais l’insécurité est toujours là.» Les disparitions et enlèvements, dans les champs
ou dans la forêt à proximité du camp,
sont trop fréquents, mais les réfugiés
n’ont pas le choix. Ils doivent s’y risquer
pour se nourrir, puisque le Programme
Alimentaire Mondial a coupé l’aide en
nourriture il y a deux ans.
Les emplois sont rares au Libéria,
et les emplois disponibles aux Ivoiriens
d’autant plus. Tant bien que mal, Doumbia
Moussa, cinquante ans, tente de subsister en élevant quelques poules et lapins.
Pourtant, lorsqu’il regarde autour de lui,
ce porte-parole de la communauté musulmane du camp de Saclepea se compte
parmi les chanceux: des enseignants, des
chauffeurs, des mécaniciens, des tailleurs,
eux, sont réduits au chômage depuis des
années. Certaines femmes doivent se prostituer pour gagner leur pain et nourrir leur
famille.
Moussa est au Libéria depuis 2002 et,
selon lui, la situation dans le camp ne fait
qu’empirer. «Il n’y a aucune force de sécurité autour du camp, et les mercenaires
ivoiriens et libériens font la navette entre
ici et la Côte d’Ivoire. L’assistance sanitai-
re, alimentaire et en matière d’éducation
est insuffisante. Nous avons peur pour
nos enfants.»
Moussa et Miraymond souhaitent faire un appel à la communauté internationale. Ils ont été abandonnés à eux mêmes,
dans un pays qui n’est pas le leur et ils ne
reçoivent ni protection, ni assistance.
Les Nations Unies ont déclaré cette
semaine qu’ils ouvriraient un nouveau
camp à la frontière, pour accueillir les 500
nouveaux réfugiés Ivoiriens qui arrivent à
chaque jour. x
Camp de réfugiés au Libéria
Réfugié ivoirien
Justin Doucet
Justin Doucet
CHRONIQUE
Crise climatique ou médiatique
Audrey Yank | Bulle climatique
CANCUN EST DÉJÀ PASSÉE AUX
archives. Cancun? Oui, cette destination
soleil qui a réuni des milliers de délégués
du monde entier et où s’est tenu, du 29
novembre au 10 décembre dernier, le 16e
sommet des Nations unies sur le climat.
La couverture médiatique de Cancun
a été plutôt timide. Contraste important
avec le cirque médiatique de Copenhague,
l’an dernier. La raison en est que très peu
de chefs d’États se sont déplacés sous le
soleil mexicain. Un article aura davantage
l’occasion d’attirer l’attention si Harper
6 Actualités
ou Obama y figurent, symbole typique de
notre système médiatique. Les médias possèdent le pouvoir d’informer et d’éduquer
la population, ainsi que de générer de nouveaux intérêts, mais qui oserait être le premier à sortir des sentiers battus?
Certains diront que le climat n’est pas
un sujet digne de faire la une des journaux,
peut-être que c’est un sujet passé de mode.
Aujourd’hui, c’est le sensationnalisme qui
fait fureur. Si on se sert de sang ou de terreur pour en parler, les changements climatiques peuvent pourtant faire l’affaire. On
estime à 350 000 le nombre de morts dues
aux changements climatiques en 2010. En
parle-t-on, de cela?
Dans le feu des négociations de
Cancun, un haut gestionnaire de Fox News,
Bill Sammon, a envoyé un courriel ordonnant aux journalistes du réseau de limiter
les affirmations concernant le réchauffement de la planète, à moins de mentionner en même temps que cette théorie était
basée sur des données erronées. Ce courriel
a même été émis moins de quinze minutes après que la correspondante de Fox,
Wendell Goler, a indiqué que l’Organisa-
tion météorologique mondiale annonçait
que la décennie 2000-2009 serait la plus
chaude jamais enregistrée. La souveraineté même des journalistes est donc à
remettre en doute dans ce genre de situation. Derrière cette tyrannie médiatique se
cachent peut-être des motifs politiques ou
économiques. Cependant, pour bien comprendre le problème, il faudrait plutôt se
demander au service de quels intérêts travaillent les médias.
La sénatrice Pamela Wallin a publié un
article au sujet du Canada, leader mondial
dans la lutte contre les changements climatiques, traitant de la menace que représente la réduction des émissions de CO2
pour la prospérité économique canadienne.
Soulignons le paradoxe entre les propos
de Madame Wallin et la position qu’elle
occupe auprès de la compagnie pétrolière
Oilsands Quest. Koch, la deuxième plus
grande compagnie pétrolière privée de toute l’Amérique, a dépensé près de 63 millions
de dollars entre 2005 et 2009, principalement aux États-Unis, pour des campagnes
de désinformation sur les changements
climatiques. Et l’on se demande pourquoi,
selon un sondage de l’Université Yale, 43%
des Américains pensent que la crise climatique pourrait être empêchée en arrêtant de
perforer l’atmosphère en lançant des fusées
dans l’espace... Doutez-vous encore de
l’influence des médias au sein de la population?
C’est exactement pour cette raison,
pour ce pouvoir que possèdent les médias,
que ces derniers sont utilisés à tort et à
travers au service de ceux qui recherchent
cette représentation auprès de la population. Certains journalistes se déculpabilisent en rejetant la responsabilité sur l’esprit
critique du public. Madame Wallin l’a dit
elle-même à Cancun: «Il ne faut quand
même pas croire tout ce qu’on dit dans
les médias…» Suis-je idéaliste, confuse
ou inquiète? L’heure est grave si certains
journalistes acceptent de plein gré ce rôle
de désinformateurs. Je propose un partage
plus équilibré des responsabilités afin que
les médias se réapproprient leur rôle premier: informer la population et se mettre au
service de celle-ci. De cette façon, espérons
que la crise médiatique cesse de contribuer
à la crise climatique. x
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
POLITIQUE INTERNATIONALE
Le 9 janvier 2011: nouveau pays?
Après un demi-siècle de guerre civile, le Sud-Soudan doit décider de son sort de manière démocratique via
un référendum sur son indépendance. Serons-nous témoins de la naissance d’un nouveau pays?
Laura Andrea Saavedra
Le Délit
L
e 9 janvier 2011, journée décisive
dans l’histoire africaine. L’enjeu: la
fin du plus grand pays du continent
et la création d’un nouvel État. Comme
les Québécois en 1995, les Sud-Soudanais
sont convoqués aux urnes cette semaine
pour répondre à une question qui peut
tout changer. Le taux élevé d’analphabétisme au sein de la population fait en sorte
que la question ne peut pas être écrite. Les
deux réponses possibles sont donc représentées par des symboles: une poignée de
main en signe d’unité nationale signifie
«oui», et une main ouverte symbolisant la
sécession, «non».
Ce désir de séparation est une conséquence directe d’une des plus longues
guerres civiles en Afrique. Khalid Mustafa
Medani, professeur à McGill et spécialiste
de cette région, propose deux raisons qui
pourraient être à la base du conflit entre le
Nord et le Sud. Premièrement, les citoyens
du Sud «n’ont plus confiance en le gouvernement du Nord». Selon lui, «plusieurs
promesses du Nord concernant l’augmentation d’autonomie et le partage des ressources naturelles depuis l’indépendance
en 1956 ne se sont pas matérialisées». En
effet, les Sud-Soudanais ont l’impression
«qu’ils ont été les vraies victimes de la terrible guerre, où presque deux millions de
personnes –dont une majorité de civils–
sont morts dans le Sud». Deuxièmement,
il affirme que nombreux sont ceux qui ressentent «une énorme division historique et
culturelle entre les musulmans arabes du
Nord et les Africains du Sud». Sans oublier
les pressions exercées par Khartoum vers
une arabisation et une islamisation de la
société sud-soudanaise, majoritairement
chrétienne et animiste.
La date du référendum a été choisie
lors de la signature des accords Naivasha
qui mettaient fin à la deuxième guerre civile
soudanaise. Cependant, les problèmes liés
à l’organisation de cet événement sembleraient indiquer que le référendum du 9
janvier était trop précipité. En effet, selon
Medani, «plusieurs individus, dont des
gouvernements et des organismes internationaux, pensaient que la date aurait dû
être repoussée». Cependant, l’Armée populaire de la libération du Soudan (APLS) et
les principaux dirigeants du gouvernement
du Sud n’étaient pas prêts à se risquer. Ils
avaient peur que la prolongation s’éternise, et que le référendum n’ait jamais lieu.
Selon Medani, le Nord n’a aucun intérêt à
libérer le Sud, étant donné que la richesse
pétrolière du pays –le Soudan est actuellement le troisième plus grand exportateur
de pétrole en Afrique– se trouve majoritairement dans le Sud.
Plusieurs sondages internationaux
semblent indiquer que la victoire du «oui»
est inévitable. Toutefois, même si le gouvernement du Nord était «officiellement»
obligé d’accorder la séparation, selon
Medani, «ils ne vont pas facilement lâcher
le pétrole qui se trouve au Sud». En effet, il
est très probable que plusieurs problèmes
surgissent lors du processus de démarcation de la nouvelle frontière, et que le Nord
«ne donne pas au Sud tout le territoire que
sa population demande», ce qui sans aucun
doute créerait des conflits entre les deux
nouveaux pays. Medani établit un parallèle intéressant avec le référendum éthiopien de 1993 qui avait donné naissance à
Bulletin de vote au Sud-Soudan compte tenu du fort taux d’analphabétisation
Raphael Thézé
l’Érythrée. Malgré le fait que cet événement
se soit déroulé pacifiquement, «ils continuent à avoir d’énormes conflits à cause
des frontières». Donc, le cas du Soudan
pourrait mener, à long terme, à de gros
problèmes, surtout parce que ce pays «est
plus grand [que l’Éthiopie], beaucoup plus
compliqué, et qu’il y a aussi le problème
du pétrole». Selon lui, «pour ceux qui se
soucient du bien-être des gens du Sud et
qui sont déterminés à résoudre le conflit,
ou à éviter une nouvelle guerre, c’est très
important de se poser ces questions pour
le futur».
Les conséquences de cette séparation ne se limiteraient pas à un conflit de
frontières entre les deux nouveaux pays.
Le conflit au Darfour se verrait sûrement
très affecté par cette rupture. En effet, il est
très probable que les discussions de paix
entre les rebelles du Darfour et le gouvernement du Nord en sortent handicapées.
Medani affirme que «les gens du Darfour
ne veulent pas être indépendants, ils veulent plus de concessions politiques et économiques». Par conséquent, la séparation
du Sud ne ferait que les inciter à augmenter
leurs demandes au gouvernement lors des
négociations. D’après lui, «après la séparation du Sud, il sera difficile de trouver une
résolution politique pacifique permanente
au Darfour». x
nous ne voulons pas nous en détacher.
Que faire quand on ne veut pas assumer
la responsabilité de nos actions et de nos
désirs? On se tourne vers le gouvernement
et on demande qu’il le fasse à notre place.
C’est exactement ce que fait Daniel Turp.
Son manifeste, s’il avait été réellement axé
sur la protection du patrimoine religieux,
aurait fait la promotion de l’importance
d’avoir la foi. Ici, il ne fait que récupérer
la lamentation de gauche implorant le
gouvernement de tout faire pour l’«intérêt
supérieur des Québécois».
Deux solutions s’offrent réellement à
nous. La première serait d’instaurer un impôt religieux volontaire que les Québécois
paieraient en indiquant la religion dont
ils sont membres. Ainsi, un Catholique
se déclarerait tel et paierait une certaine
somme qui irait à sa paroisse. Cet impôt lui
donnerait accès aux services religieux tels
le baptême, le mariage et les funérailles.
S’il ne voulait pas payer, mais qu’il voulait
tout de même avoir accès à certains services, il devrait débourser la somme requise
par l’église. Agir ainsi permettrait à tous de
supporter le patrimoine religieux sans devoir aller à la messe et sans être contraints
par le gouvernement de débourser, par
le biais des impôts obligatoires, pour des
églises qui ne leur importent pas où dont
ils ne veulent pas assumer le fardeau individuellement. Un tel système existe en
Suisse.
La seconde solution serait que les
gens retournent à l’église et vivent leur foi
sans avoir à passer par le gouvernement
pour collecter la dîme et la redistribuer.
Si le patrimoine religieux est si important
aux yeux des Québécois, qu’ils le prouvent
en allant écouter ce que leur curé a à dire.
Sinon, ce désir de préserver le côté agréable de la foi, soit la valeur esthétique des
églises, ne tient aucunement compte du
but de la construction de telles infrastructures. Elles n’ont pas été construites uniquement pour être belles et pour servir de
reposoir à une identité nationale boiteuse.
Elles sont là pour célébrer Dieu.
Si plus personne ne veut le faire, laissons le marché s’occuper d’elles. Si des
entrepreneurs veulent y construire des
condos et que des gens veulent y habiter,
nous ne pouvons rien y faire. Nous ne
pouvons refuser à des personnes le droit
de vivre dans certains édifices parce que
jadis, ils étaient importants. À tous ceux
pour qui le patrimoine religieux est important, quand êtes-vous allés à la messe
pour la dernière fois? Si votre réponse est
jamais, allez donc y faire un tour et faites
votre part. Sinon, taisez-vous à jamais. x
CHRONIQUE
Au nom du Père?
Jean-François Trudelle | Attention, chronique de droite
QUEL MEILLEUR MOMENT QUE
le retour des vacances de Noël pour vous
parler de patrimoine religieux au Québec?
Après avoir apprécié les derniers restants
de notre héritage chrétien pendant deux
semaines, je désire revenir sur un débat
qui a eu lieu au courant du mois de juin,
entourant la préservation d’églises et d’orgues, par le biais de la nationalisation.
Avec l’ex-député péquiste Daniel
Turp en tête, quelques dizaines de personnes ont signé une lettre ouverte implorant
le gouvernement québécois d’intervenir
pour que cesse la vente des églises et des
orgues pendant un an. Je dois avouer que
c’est un sujet qui me touche. Je suis le
premier à déplorer la dégradation de nos
églises et le nombre de Québécois qui
manquent de respect envers les traditions
religieuses qu’ils ont jadis endossées.
Mes doléances s’arrêtent là. Qui suisje pour imposer le dictat de mes valeurs à
mon voisin? Absolument personne. C’est
ce que Daniel Turp et ceux qui approuvent
son initiative ne semblent pas avoir compris. Si les Québécois se sont massivement
détournés de la foi catholique, ils doivent aussi en assumer les conséquences.
Celles-ci sont nombreuses et elles doivent
être acceptées, si les gens ne changent pas
librement de comportement.
Il faut dire que le manifeste pour la
sauvegarde du patrimoine religieux du
Québec n’a rien d’étonnant. Un sondage
publié le 3 avril 2010 dans La Presse nous
apprenait que 61% des gens qui ne vont
jamais à l’église au Québec croient malgré
tout que Jésus est le fils de Dieu, ce qui
est l’une des pierres angulaires du dogme
catholique. Autrement dit, pour reprendre
les mots de l’analyse du quotidien montréalais, nous sommes les «champions du
catholicisme non-pratiquant». Où est le
lien avec le manifeste? Je dirais qu’il se
trouve dans l’hypocrisie.
Il semblerait que nous tenions à notre
religion. Malgré la désaffection de masse,
xle délit · le mardi 11 janvier 2011· delitfrancais.com
Actualités
7
Société
[email protected]
Une crèche ouverte
toute l’année
Servant bien davantage que des repas, l’Accueil
Bonneau occupe une place importante dans le
quotidien des itinérants montréalais.
Une bénévole s’enquiert des besoins d’un bénéficiaire des services alimentaires à l’Accueil Bonnneau
Photos: Gabriel Ellison-Snowcroft
Anabel Cossette Civitella et
Xavier Plamondon
Le Délit
L
’Accueil Bonneau existe depuis
maintenant 130 ans. En 1877,
Joseph Vincent, un riche philanthrope, ainsi que René Rousseau, sulpicien et aumônier de la Société de SaintVincent de Paul, décident de dédier temps
et argent aux besoins des sans-abris. Ils
s’allient aux Sœurs Grises dans l’espoir
de créer un mouvement d’aide qui saura
apporter un peu de réconfort aux plus
démunis. Avec l’hospice Saint-Charles, ils
créent les prémices de ce qui allait devenir
l’Accueil Bonneau.
8
Malgré la fermeture de l’hospice, Grises, des Sulpiciens et de la Société
la Société Saint-Vincent de Paul et les Saint-Vincent de Paul siègent au le conseil
Sœurs Grises réussissent à maintenir les d’administration.
Instaurée pour fournir repas et vêteservices de repas et de lingerie dans un
nouvel emplacement, connu sous le nom ments à «toute personne à risque d’itidu Vestiaire des pauvres, sur la rue de la nérance», l’œuvre de bienfaisance s’est
agrandie pour offrir
Commune.
C’est
des services de proen 1909 qu’une
Le pire a été lorsque j’ai pris motion
humaine
épatante
figure
afin de donner aux
prend la relève et conscience que je n’avais plus
se charge de l’or- aucune clé dans mes poches. Plus itinérants l’indépendance nécessaire à
ganisme jusqu’en rien ne m’appartenait»
leur insertion socia1934: Sœur Rosele. De plus, le service
de-Lima Bonneau.
C’est d’ailleurs en son honneur que le d’intervention psycho-sociale de l’Accueil
centre sera rebaptisé en 1971. Encore Bonneau offre un service de gestion budaujourd’hui, des représentants des Sœurs gétaire régulière, une bonne manière de
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
«
partir du bon pied pour atteindre une stabilité résidentielle. En tout, 225 personnes
profitent de cette aide essentielle.
Dans le bâtiment principal, une salle
d’attente pour la salle à manger et une
salle de jour pour les activités sociales
sont mises à disposition de ceux dans le
besoin. L’Accueil Bonneau compte aussi
165 chambres pour hommes réparties entre quatre résidences. Aubin Boudreault,
directeur de l’Accueil depuis 2009 assure
que tout un chacun peut bénéficier des
repas. Par contre, les logements et les services d’intervention sont réservés à ceux
qui remplissent certains critères –des gens
en démarche de réinsertion sociale par
exemple.
Les bénévoles, ces piliers de l’organisation
Si les professionnels en intervention
sociale sont employés de l’Accueil Bonneau,
tous ceux aux services alimentaires accomplissent leur tâche d’une façon tout à fait
bénévole. De tous âges, de toutes origines,
de tous milieux, les volontaires sont précieux, surtout en hiver. «Durant le temps
des Fêtes, il y a une nette augmentation de
la demande pour le bénévolat. Il y aussi plus
de dons. En fait, de la mi-décembre jusqu’à
la fin mars, la générosité augmente avec le
climat qui ne se fait pas clément», souligne
le directeur Aubin Boudreault.
«Cela ne nous empêche pas d’avoir
de l’achalandage à l’année», explique
Normand Wallot, coordonateur aux services alimentaires. «Par exemple, pendant les
belles journées d’été, où il est facile pour
les itinérants de se déplacer à pied ou à bicyclette, on peut facilement atteindre 700
visiteurs en matinée.» La mobilité facilitée
des itinérants dispersés dans la métropole, ajoutée au tourisme d’itinérance,
peut prendre l’Accueil Bonneau de court.
tablement qu’une minorité des itinérants
qui vivent dans la rue. Il s’agit du noyau
dur de la communauté. Ce sont les plus
vulnérables et les plus difficiles à approcher». Ainsi, plusieurs peuvent, comme
Normand, errer de refuge en refuge, alors
que d’autres peuvent squatter des maisons vides ou des entrepôts abandonnés.
«J’ai même connu quelqu’un qui vivait
dans une vieille voiture stationnée dans
un garage. On fait toujours preuve de
créativité en temps de besoin».
Faune itinérante
«Il n’existe pas de compétition entre les différents organismes d’aide aux
itinérants», poursuit Monsieur Wallot,
«chacun a sa spécialisation». Ainsi, alors
que l’Accueil Bonneau se concentre sur
la provision de collations et de repas du
midi, d’autres organismes peuvent veiller
aux repas du soir et à l’accueil de bénéficiaires pour la nuit.
Ceci est aussi le cas en ce qui concerne l’âge des personnes en recherche
«
«
C’est une minorité des itinérants qui vivent dans la rue. Ce
sont les plus vulnérables et les
plus difficiles à approcher.»
Normand Paris, le chef cuisinier, est bien
d’accord quant au manque de bénévoles
pendant la saison estivale: «Il nous arrive
de n’être que deux dans la cuisine à faire
à manger pour des centaines de personnes, mais on trouve toujours un moyen de
nourrir tout le monde».
Toutefois, pendant l’année scolaire, les
jeunes bénévoles ne sont pas une denrée
rare puisque les écoles secondaires mettent
de plus en plus l’accent sur l’initiation au
bénévolat en exigeant des étudiants qu’ils
remplissent un certain nombre d’heures de travaux communautaires. Aubin
Boudreault félicite cette initiative de plus en
plus répandue: «Chaque jour, une douzaine
d’étudiants viennent travailler pour l’Accueil Bonneau. En plus de leur instiguer
une conscience sociale, leurs heures de
bénévolat apportent une contribution non
négligeable». De plus, ce qu’il y a de particulièrement encourageant, c’est lorsqu’un
certain nombre de ces «volontaires obligés»
reviennent donner un coup de main.
d’aide. «Ici, à l’Accueil Bonneau, nous
recevons surtout des gens entre 30 et 75
ans. Quand nous avons des jeunes entre
18 et 25 ans, nous les référons à d’autres
organismes comme le Refuge des Jeunes.
Un garçon qui réalise un petit méfait et
qui est mis en prison avec des hommes
qui ont fait des hold-up va commettre à
son tour des hold-up en regagnant sa liberté, c’est pratiquement inévitable. Dans
la même logique, on veut seulement que
ces jeunes n’apprennent pas les mauvais
coups des plus anciens.»
Beaucoup de cœur, de volonté et de
générosité, voilà ce qui est essentiel pour
le bon fonctionnement de l’Accueil, mais
ne nous leurrons pas; rien n’est possible
sans la participation monétaire des entreprises et des associations, mais surtout
grâce au grand public. Collecter de l’argent requiert de la persévérance. D’après
Aubin Boudreault «ce qui fonctionne le
mieux en ce moment est la campagne de
publipostage par laquelle les gens sont
sollicités à la maison. Il faut maintenant
développer plus du côté des entreprises».
Et il y a toujours de la place pour l’innovation: «La fondation qui prendra fonction dans les prochains mois permettra de
lever des fonds d’une nouvelle manière»,
ajoute M. Boudreault. Normand Wallot
explique, quant à lui, le succès de l’Accueil
Bonneau par sa réputation: «Cela fait 130
ans que nous existons et au cours de ces
années on a réussi à gagner la confiance
du public grâce à notre bonne gestion.»
«L’Accueil Bonneau, c’est une institution montréalaise de 133 ans qui vous
appartient», rappelle Aubin Boudreau, le
directeur. «C’est le dernier filet de sécurité
pour les personnes les plus démunies et
c’est, par vos dons généreux, la multiplication des histoires de réussites.» Après
un congé des Fêtes bien mérité, célébrons
maintenant cette inspirante organisation
qui a su changer pour le mieux de nombreuses vies. x
De tous âges, de toutes origines, de tous milieux, les volontaires sont précieux.»
D’hier à aujourd’hui
Cela fait une dizaine d’années que
Normand Wallot travaille à l’Accueil
Bonneau, mais sa vie stable d’aujourd’hui
n’a pas toujours été ainsi. Il est lui-même
un ancien itinérant. De ce fait, il est en position d’écouter et de comprendre ces gens
qui demandent de l’aide. «Devenir itinérant
n’arrive pas du jour au lendemain. C’est un
processus au cours duquel tu n’arrives pas
à gérer l’argent que tu as. Cela peut être dû
à plusieurs facteurs, comme les drogues,
l’alcool, ou le jeu. On aperçoit d’ailleurs
une hausse de problèmes de santé mentale
de nos jours.»
Normand a vécu sans domicile fixe
pendant un an. «Le pire a été lorsque j’ai
pris conscience que je n’avais plus aucune
clé dans mes poches. Plus rien ne m’appartenait.» Il existe néanmoins un bon esprit
de solidarité au sein de la communauté itinérante. «On se met tous au courant des
endroits où on peut manger et se loger.
Dans mon cas, j’ai toujours réussi à trouver des refuges pour la nuit. Et si on soigne
son apparence, on peut passer ses journées
dans les centres d’achats en hiver, afin de se
garder au chaud.»
L’ancien itinérant a donc toujours
eu, si l’on peut dire, de la chance dans sa
malchance. «Il faut noter que ce n’est véri-
Visitez le site de
l’Accueil Bonneau au
www.accueilbonneau.com
pour savoir comment
vous pouvez vous investir
comme bénévole.
Société
9
CHRONIQUE
Cirrhose des fêtes
Christophe Jasmin | Les pieds dans les plats
Quel dur retour de vacances vous devez avoir! La session d’hiver est
sans contredit la plus pénible, ne serait-ce
qu’à cause de la température qu’il fait à
Montréal. En fait, c’est comme si le froid
de janvier rendait impossible l’euphorie
qui s’empare du campus lors de la rentrée
d’automne, alors que les Montréalais vivent
leurs derniers jours d’été. Bien sûr, il y a aussi le fait que l’université ne soit pas envahie
par une horde de freshmen hyperactifs qui ne
demandent qu’à boire de la bière jusqu’à
ce qu’ils expulsent leurs tripes par les voies
nasales. Toutefois, je pense que cette morosité est aussi due au fait que, pour la grande
majorité d’entre nous, les vacances des Fêtes
sont tout sauf reposantes.
Prenons, si vous le voulez bien, mon
exemple: quatre soupers de Noël en famille,
suivis d’un souper d’amis, sans oublier
bien sûr un souper supplémentaire avec
l’âme sœur. À ce moment-là, la grande
quantité de mousseux, de vin rouge, de
fromage et de foie gras ingurgitée a déjà
atteint des sommets vertigineux, mais ce
n’est pas fini. Ensuite, il y a, évidemment,
le repas du réveillon, suivi de la traditionnelle débauche dionysiaque de la nuit du
1er janvier, elle aussi arrosée de mousseux
de diverses qualités. Le lendemain matin
–vers 14h-15h– c’est au tour du brunch,
même si on a du mal à croire que nos œufs
Bénédictines vont rester en place au fond
de notre estomac. Le soir même, c’est revin, re-fromage et re-foie gras avec la famille. Le 2, on ne fait rien et même ça, ça
demande encore trop d’effort. Finalement,
le 3 on se dit qu’il faudrait quand même
profiter de son congé, en allant voir un
film, par exemple. Évidemment, qui dit
cinéma, dit popcorn!
Et là, le lendemain matin, on est
censé se pointer sur le campus, repasser
devant la bibliothèque dans laquelle on
avait presque emménagé deux semaines
auparavant, aller à un cours très souvent
inutile, et tout ça avec entrain?! Oubliez la
hausse des frais de scolarité. Pour le bien
de votre corps, la prochaine cause des étu-
diants de McGill doit être le réalignement
des dates des vacances sur celles des universités francophones.
Sur une plus grande échelle, et aussi
bien pour le bonheur de nos papilles gustatives que pour le respect de tout ce que
nous mangeons ou buvons pendant les
Fêtes, je propose qu’on mette en place de
nouvelles règles très claires. Règles qui viseraient à éviter tout excès des bonnes choses
durant une trop courte période de temps
pendant l’année. L’excès, toutefois, pourrait
être permis une journée par type de denrée
dans une période donnée. Ainsi, le 24 décembre, ce serait la journée mangeons-dufoie-gras-jusqu’à-ce-qu’un-troisième-foienous-pousse-dans-l’estomac. La pertinence
de commencer par cette journée se trouvant
justement dans le fait que ce foie éphémère
nous permettrait de mieux filtrer les surplus
d’alcool ingurgités. Le 25 serait le jour du
mangeons-du-fromage-jusqu’à-ce-quenos-poitrines-en-deviennent-des-pis. Et le
31 s’appellerait non plus la Saint-Sylvestre,
mais la Saint-j’ai-tellement-bu-de-vineffervescent-que-je-ne-sais-plus-faire-ladifférence-entre-du–Veuve-Clicquot-et-cemousseux-hongrois-à-12-dollars.
Maintenir le statu quo en place condamnerait les générations futures à nous imiter:
manger et boire de bonnes choses à l’excès,
sans plaisir. Pour éviter ceci, il faut donc
appliquer ces nouvelles règles, ou bien
déplacer la nouvelle année au 1er juillet.
Mais non! C’est vrai, c’est déjà la fête du
déménagement…
*****************************
Comme preuve que j’ai fait autre chose
que manger durant les Fêtes, je partage ici
avec vous quelques lignes d’un texte paru le
28 décembre dans le prestigieux quotidien
Le Monde, portant sur la place qu’occupe
la gastronomie dans l’identité nationale
et la société en général. L’auteur traite
évidemment du cas de la France, mais le
tout pourrait s’appliquer un peu partout en
Occident, voire ici, au Québec.
Livré aux médias, l’homme gastrofabriqué ne découvre rien, n’a pas droit à la
nourriture sacralisée. Sur le petit écran, le
défi héroïque de concurrents, consiste, sous
l’œil de censeurs, à respecter des codes culinaires. Au risque d’être excommuniés. Passe
pour le côté ludique; mais il s’apparente à
un dressage, les émissions à un foyer de rééducation.
Josée Di Stasio et Ricardo ne seraient
ainsi pas sœur ni curé, comme je l’avais dit
dans ma dernière chronique, mais plutôt de
grands rééducateurs de notre société.
À dans deux semaines, depuis
Barcelone. D’ici là, bonne rentrée! x
RÉSEAUX SOCIAUX
La drague 2.0
Comment ikiffu.fr pourrait révolutionner la façon de faire la cour de nos cousins français.
Raphaël Thézé
Le Délit
la culture anglo-saxonne, dans laquelle
on observe bien souvent une distance respectueuse avec les inconnus. L’utilisation
d’Internet fournit alors un outil fantastique
pour créer des liens et amplifier les rapports
sociaux. La culture francophone, quant à
elle beaucoup plus directe et expressive,
a moins recours à ce genre d’outils, car le
besoin est moins présent. Les concepteurs
de www.ikiffu.fr en sont parfaitement conscients et se disent prêts à prendre le risque
de lancer le concept en France. Malgré le
lancement officiel du site en pleine période de fêtes, et donc de congés scolaires, le
site a reçu près de 5 000 visites au cours
de cette période. C’était une décision difficile, selon les dires de Monsieur Sarezinski:
«Nous étions confrontés à un dilemme,
car attendre signifiait se faire doubler par
un autre, bref nous avons pris ce risque…
Dans tous les cas, nous préparons pour la
semaine prochaine une campagne sur le
terrain à l’Université Panthéon Sorbonne.
Le pari est de réussir à se faire remarquer à
cet endroit pour que la sauce prenne dans
les autres universités.» Il reste encore du
chemin à faire au jeune site français avant
d’atteindre la popularité de son grand frère
américain, mais il ne fait aucun doute que
les étudiants français vont kiffer. x
«
Séparés par quelques tables, nos
regards se sont croisés. J’ai craqué
pour ses yeux bleus. C’était hier à la
bibliothèque, j’aurai dû lui parler. Si seulement…» Ce genre de pensées récurrentes
habitent les étudiants pendant les longues
heures de solitude ou d’ennui que constituent les cours et les périodes de révisions.
Cette question émotionnelle a trouvé sa
réponse il y a quelques mois avec le lancement du site américain www.likealittle.
com dans plusieurs universités aux ÉtatsUnis et au Canada, permettant ainsi aux
étudiants de flirter grâce à la publication
de messages anonymes. Suite à l’explosion
de sa popularité, amplifiée par le stress et
la procrastination qui caractérisent les semaines d’examens finaux, le site a fait écho
jusqu’en Europe. L’idée a séduit le Français
Olivier Sarezinski qui, avec une équipe dans
la toute récente agence web parisienne Net
Exetera, a voulu offrir un service équivalent
aux étudiants français. Le concept est simple: un coup de cœur, un message anonyme
décrivant l’intéressé(e), le lieu et l’heure de
la rencontre; on n’a plus qu’à espérer une
réponse. Le message est appelé un kiff, en
référence au mot d’argot français voulant
dire «apprécier», par déformation de l’arabe
kif, au Maghreb, qui signifie plus ou moins
«plaisir».
Sans chercher à innover complètement, les concepteurs français proposent de
légères adaptations, notamment au niveau
de l’ergonomie, plus attrayante, et dans une
10 Société
Raphaël Thézé
utilisation simplifiée du site. L’ajout majeur,
et probablement le plus intéressant pour les
étudiants, est la création d’une application
mobile qui offrira un accès plus efficace et
discret au site en tout temps. Ainsi, après
une mise en place rapide en quelques jours,
le site www.ikiffu.fr est né.
Ce type de réseau social pour étudiants était quasi inexistant en France. En effet, le réseautage semble plus présent dans
Faites aller
votre plume.
[email protected]
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
Arts&Culture
Le mensonge en héritage
[email protected]
THÉÂTRE
Avec sa plus récente pièce, Michel Marc Bouchard revisite ses obsessions: le deuil et l’amour entre hommes.
Mai Anh Tran Ho
Le Délit
L
e Théâtre d’aujourd’hui
n’offre peut-être qu’une demi-saison cette année, mais
quelle programmation prometteuse! Au menu: une pièce de Greg
MacArthur dans une mise en scène
de Geoffrey Gaquère, la nouvelle
création de Wajdi Mouawad et Tom
à la ferme, un texte de Michel Marc
Bouchard mis en scène par Claude
Poissant. Ce dernier a acquis une
solide réputation, autant auprès
des professionnels que du public,
depuis le spectacle de clôture des
Francofolies avec Pierre Lapointe
en 2007, le succès de Rouge gueule
d’Étienne Lepage, ainsi que The
Dragonfly of Chicoutimi de Larry
Tremblay, présenté au dernier festival TransAmériques.
C’est à partir d’anciens
brouillons que Michel Marc
Bouchard a écrit cette nouvelle pièce, il y a deux ans, avec un camarade
acteur, François Arnaud. «L’écrivain
a ses propres obsessions et ses propres nécessités», confesse l’auteur.
Les siennes sont «le mensonge, le
rapport à la violence physique, le
deuil et l’amour entre les hommes».
Tom à la ferme raconte l’histoire de
Tom, un jeune homosexuel qui va
aux funérailles de son amant, organisées par la famille du défunt. Ce
voyage à la campagne s’avére une
réelle descente aux enfers: de profonds secrets sont étalés au grand
jour lorsque la belle-famille, qui
s’attendait à accueillir une veuve,
et non un veuf, voit arriver Tom.
Le défunt cachait donc son homosexualité, et la faune homophobe
au milieu de laquelle il vivait pourchasse Tom sans répit.
Avec Tom à la ferme, Michel
Marc Bouchard attaque de front la
question de l’homosexualité et sa
marginalité encore forte. Le dramaturge tient à rappeler que l’homophobie est encore très répandue:
«Malgré une conscientisation et
l’existence de groupes d’aide tel que
Gai Écoute et Émergence, l’homosexualité est encore punie de mort
dans plusieurs pays, et marginalisée
dans plusieurs régions du Québec,
juste à l’extérieur de Montréal.» Le
domaine amoureux n’est pas chose
facile pour un homosexuel. Les
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
gens ne s’affichent pas, on n’a pas
de carte de membre, sauf sur quelques réseaux de rencontre sur le
web. Le jeune qui a un béguin pour
un athlète de son école va rentrer
dans l’équipe, puis se lier d’amitié avec l’être convoité, explique
l’auteur. «Les premiers pas d’un
jeune gai vers l’objet du désir est
une entreprise de travestissement
et de faux semblant pour aller vers
l’autre.»
Cet écho à notre contemporain n’empêche pas Michel Marc
Bouchard de nous présenter une
pièce à l’allure de fable. Il reprend
des archétypes tel le bourreau et le
personnage absent. Tom finit par se
prendre au jeu, ajoutant des détails
sur la femme qu’aurait fréquenté
le mort. Ces mensonges forment
le dernier fil qui le rattache encore
à cet amour perdu, mais qui défigure rapidement la réalité. Le crime
–l’amour homosexuel– revient
comme dans une tragédie grecque.
On apprend à travers les silences et
les mensonges que quelque chose
de terrible est survenu et pourrait
expliquer pourquoi le défunt n’est
jamais sorti du placard.
Julie Bouchard
Michel Marc Bouchard se livre
à une réflexion sur ce qu’est notre
vraie nature et sur notre éducation
sentimentale. «Plus on s’interroge
sur ce qu’on est, plus ça galvanise
les choses, et plus on trouve des
repères», constate-t-il. «Le mariage, l’adoption, la vie traditionnelle,
ce n’est pas pour moi.» L’auteur
a pensé à plusieurs titres pour sa
pièce, notamment La Fabrication des
synonymes et La Veuve-garçon, mais
c’est finalement Tom à la ferme qui
est resté, pour ses accents bucoliques et sa connotation enfantine.
«Un titre trompeur comme le reste
de la pièce», affirme-t-il.
Tom à la ferme est une pièce cathartique qui débute bien
l’année et qui sera présentée dès
l’ouverture du nouveau Théâtre
d’Aujourd’hui, dès le 11 janvier. x
Arts & Culture
11
CINÉMA
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Cours
Graciseuseté de la Cinémathèque Québécoise
Jusqu’au 2 février à la Cinémathèque
québécoise, une rétrospective bien ficelée pour
redécouvrir l’œuvre du réalisateur du meilleur
film de tous les temps... rien de moins.
Véronique Samson
Le Délit
Q
uel cinéphile pourrait
oublier la remarquable
scène de la veille de Noël
dans Mon oncle Antoine? Le jeune
Benoît et son oncle, emmitouflés
dans leurs fourrures, traversent la
campagne blanche avec une sinistre cargaison dans leur traîneau:
le cadavre d’un adolescent, dont
le cercueil finira par choir dans la
neige, confrontant Benoît à l’impuissance de son oncle et à la dure
réalité de la mort.
Vingt-cinq ans après la disparition de Claude Jutra et quarante
ans après la sortie du poignant
récit d’apprentissage qu’est Mon
oncle Antoine, la Cinémathèque
québécoise accorde au cinéaste
une rétrospective sans précédent. Pendant quelques semaines
seulement reviennent sur grand
écran les œuvres qui ont fait sa
renommée, comme Kamouraska,
une adaptation du roman d’Anne Hébert, et bien sûr Mon oncle
Antoine, fréquemment cité comme
le meilleur film canadien de tous
les temps.
L’intérêt de la rétrospective
réside cependant ailleurs. Nombre
d’œuvres méconnues et même inédites figurent à la programmation,
dont le tout premier film tourné
par Claude Jutra, alors adolescent,
Le Dément du lac Jean-Jeunes, et son
film le plus marginal et esthétisant,
Mouvement perpétuel.
La sélection opérée par la
Cinémathèque québécoise insiste
ainsi sur le caractère neuf et même
révolutionnaire de l’œuvre du réalisateur, qui a contribué à l’avènement du cinéma direct au Québec
à la fin des années cinquante, après
avoir brièvement côtoyé François
Truffaut et Jean Rouch. Initié par
ceux-ci à un nouveau rapport au
12 Arts & Culture
réel, Claude Jutra fera équipe avec
Michel Brault pour la réalisation
d’une série de documentaires où
les images franches font l’économie de tout commentaire.
On pense entre autres à La
Lutte, de 1961, ou à Québec-U.S.A.
ou l’Invasion pacifique, de 1962; à
partir de deux sujets bien différents, soit les populaires combats
de lutte au Forum et le débarquement massif d’étudiants américains
dans la Vieille capitale, le cinéaste
accomplit une pénétrante étude de
mœurs et offre un regard oblique,
parfois même ironique, sur la réalité de la société québécoise.
C’est ce questionnement
identitaire, cette tendance à ébranler les institutions et les opinions
d’un Québec selon lui trop immobile, qui fait de Claude Jutra un
cinéaste toujours actuel et rend le
détour par la Cinémathèque québécoise indispensable. Le mouvement qui l’animait se fait plus
fortement sentir dans son premier
long-métrage, À tout prendre, sorti
en 1963, que le programmateur
de la rétrospective décrit comme un «acte fondamental de la
Révolution tranquille», multipliant
les sujets tabous dans une histoire
de liaisons amoureuses qui n’est
pas sans rappeler le Jules et Jim de
Truffaut.
Il est à noter que les prochaines semaines seront aussi consacrées à la «période canadienne»
du réalisateur, qui est parti en
Ontario réaliser pour la télévision
et le cinéma anglophone après
avoir essuyé quelques revers dans
un Québec où ses films, peut-être
arrivés trop tôt, demeuraient souvent incompris. On présente entre
autres Dreamspeaker, le 19 janvier,
un film portant sur la rencontre
d’un enfant farouche et d’un vieil
Indien dans la forêt de Vancouver.
Afin de terminer rondement
ce cycle, la Cinémathèque a invité
le 2 février prochain le monteur
Werner Nold, qui parlera de son
travail sur deux films de Claude
Jutra, Rouli-Roulant et Comment
savoir. En somme, cette rétrospective est une occasion de découvrir
les multiples facettes d’un cinéaste
qui a fait bien plus que laisser son
nom aux Prix Jutra. x
Rétrospective Claude Jutra: 25 ans déjà
Où: Cinémathèque Québécoise
335 bd de Maisonneuve Est
Quand: Jusqu’au 2 février
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Gracieuseté de la Cinémathèque Québécoise
Sessions quotidiennes :
Semaine du 17 jan. @ 14 h
Semaine du 24 jan. @ 11 h
Sessions hebdomadaires :
Tous les vendredis de
février @ 14 h
Lieu :
Carrefour Sherbrooke
(Salle de bal)
475 Sherbrooke O.
Montréal H3A 2L9
Lieu :
R.V.C.
(Roscoe Lounge)
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Montréal H3A 2A8
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xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
LITTÉRATURE
Spécial bande dessinée
L’enfance dans une valise
Dans l’excellent premier tome de Vogue la valise, Siris explore avec
originalité l’univers des services sociaux qu’il a lui-même connu
dans sa jeunesse.
R
écit très personnel puisque
en grande partie autobiographique, Vogue la valise met
en scène la famille de Renzo Sioris,
un alcoolique dont les déboires influencent malheureusement beaucoup la vie de ses proches. Prenant
pied dans un univers réel bien que
romancé, l’album Vogue la valise explore la déchéance et l’éclatement
d’une famille dont les cinq enfants
sont confiés aux services sociaux
et se retrouvent dans des familles
d’accueil parfois peu accueillantes.
L’album suit d’abord le personnage de Renzo, son accident de
bateau et sa rencontre, dans une
usine d’armement en 1940, avec
Luce, sa future femme. La vie des
jeunes amants est rapidement bouleversée par l’alcoolisme de Renzo
qui l’empêche de trouver un travail
et de prendre en charge ses enfants, un à un confiés aux services
sociaux. L’histoire se clôt sur les
errances de foyer en foyer du petit
dernier, La Poule. Ce personnage,
s’il est le seul à ne pas avoir une
apparence humaine, comme l’indique son prénom si particulier, est
pourtant profondément humanisé
et participe pleinement à la réussite
touchante de ce sombre récit.
Gracieuseté des éditions La Pastèque
Loin d’être un récit drôle ou
léger, Vogue la valise raconte, dans
un humour tendre et corrosif, une
histoire dramatique sur fond de
critique sociale. Les commentaires
de la voix narrative, qui créent une
certaine distance avec l’histoire,
la pimentent d’humour décalé et
permettent au lecteur de compatir avec les personnages, sont toujours justes et réfléchis. Avec ce
que l’on pourrait presque considérer comme de la poésie et à travers
un regard acide et pertinent, Siris
aborde des thèmes durs dans un
dessin décalé et richement coloré,
Retour sur 1970
toujours justement lié à la narration. L’équilibre entre l’humour et
le propos, dans le dessin comme
dans le récit, permet d’ailleurs au
bédéiste d’insuffler de la tendresse
dans ce récit dramatique qui semble sans espoir. En outre, le découpage de l’album en cases irrégulières et variées permet à l’auteur
de surprendre et de charmer son
lecteur. Les cases multiformes qui
se chevauchent et sa mise en page
éclatée enrichissent ainsi considérablement non seulement les planches en elles-mêmes, mais aussi le
récit.
Il semble même important,
en considérant Vogue la valise, de
mentionner jusqu’à la beauté de
l’objet, ce livre dont la couverture
séduit dès le premier contact, les
éditeurs de la Pastèque ayant fait de
cet album un véritable bijou qu’on
prendra plaisir à mettre en valeur
dans sa bibliothèque.
Vogue la valise est une bande
dessinée d’une grande richesse
comme on aimerait en lire plus
souvent, tant du point de vue du
dessin que de l’histoire. Une excellente découverte qui, sans aucun
doute, laissera en haleine les lecteurs pour le deuxième tome. x
Sylvain Lemay et André St-Georges explorent les illusions et
désillusions d’un groupe d’amis face à leurs idéaux de jeunesse dans
Pour en finir avec novembre.
J
ean, Luc, Mathieu et Marc sont
quatre amis emballés par les
événements d’octobre 1970, des
événements tellement marquants
qu’indéniablement trop grands
pour eux et leur sensibilité à fleur
de peau. Poussés par un besoin de
s’inscrire dans l’Histoire, ils décident de monter une cellule d’action
terroriste, la cellule Montferrand.
Alors qu’ils prévoient leur première
action, un enlèvement, rien ne se
déroule comme prévu et leur acte
politique échoue en une erreur
meurtrière.
Les années passent et les amis
se retrouvent à diverses reprises,
sans jamais réellement parler de
cette mystérieuse nuit de leur jeunesse –ce qui laisse le lecteur sur
sa faim pendant un certain temps.
Lorsque Jean décède, Mathieu et
Luc découvrent qu’il a laissé derrière lui le manuscrit d’un roman levant le voile sur les faits de cette fameuse nuit de novembre. Mathieu
veut empêcher la publication de ce
récit qui leur serait fatale. L’histoire
pourrait s’arrêter là si l’ordinateur
de Jean ne disparaissait pas aux
mains d’un cambrioleur. Le voleur
s’avère en effet être un maître chanteur qui envoie des passages du
manuscrit, menaçant ainsi les deux
hommes paniqués. Qui est ce vengeur inconnu et, surtout, que s’estil réellement passé cette nuit-là?
Gracieuseté des éditions Les 400 coups
Il n’est pas question de prétendre que Pour en finir avec Novembre
fait preuve d’une grande originalité quant aux fils de l’intrigue ni
même dans le traitement de celle-ci. Toutefois, une chronologie
décousue permet de donner un
certain dynamisme à cette histoire
qui aurait pu tomber rapidement
dans le banal. Les auteurs ont en
effet choisi d’opérer plusieurs allers-retours entre octobre 1970 et
novembre 2008 afin d’insister sur
l’évolution de chaque personnage.
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
Ils s’attardent particulièrement sur
les compromis auxquels chacun
fait face, avec l’âge et les responsabilités grandissantes.
Le dessin, sobre et élémentaire, parfois à l’extrême, ne sera pas
nécessairement l’élément susceptible de vous séduire au premier
abord, même si l’on se fait petit à
petit à la simplicité du trait d’André
St-Georges. Toutefois, cette même
sobriété, qui occasionnellement
dérange, permet de mettre en valeur les personnages, terriblement
humains et réalistes ainsi que le
découpage du récit.
Ce que l’on aime ainsi sans
aucun doute, c’est le choix des
auteurs de montrer des personnages emportés par des idéaux qu’une
vingtaine d’années suffit à effacer.
La remise en question des idéaux
politiques ainsi que l’ébauche de
réflexion proposée sur le fait que
tout acte est, ou n’est pas, un acte
politique (écouter les Beatles, boire
de la Molson, travailler pour le gouvernement, etc.) rendent cet album
pour le moins intéressant.
Sans être la bande dessinée de
l’année, Pour en finir avec Novembre,
publiée aux éditions Les 400 coups,
est donc tout de même un bon moment d’évasion. x
Par Annick
Lavogiez
Le Délit
Voyage au cœur de
la marginalité
Dans Justine, la bédéiste québécoise Iris
invente un univers loufoque et réaliste.
Gracieuseté des éditions La Pastèque
J
ustine, une adolescente sympathique un peu immature, vit
à Gatineau en colocation avec
Manon, une femme antipathique
et tyrannique. Coincée dans un
fauteuil roulant, celle-ci cache à
Justine un passé quelque peu mystérieux que la jeune héroïne, poussée par une impertinente curiosité,
finira par découvrir. L’univers de
Justine se cantonne principalement à cette colocation jusqu’au
jour où elle obtient un emploi de
secrétaire au centre sportif Les
Fils du King. Ce lieu qui a tous les
attributs d’une secte propose à ses
adeptes marginaux et originaux
des séances de remise en forme sur
des airs d’Elvis.
Dans cet étrange endroit,
Justine expérimente un monde du
travail plutôt particulier. Son patron, Aaron, est en effet un escroc
qui n’hésite pas à faire payer à ses
clients 500 dollars pour une supposée mèche de cheveux du célèbre chanteur de rock. La jeune fille
y rencontre aussi, entre autres gens
déboussolés, Guillaume. Ce jeune
homme, charmant mais pour le
moins perturbé, prend plaisir à se
déguiser quotidiennement, de façon irrationnelle mais terriblement
touchante. Son passé tourmenté,
ponctué notamment par un séjour
en hôpital psychiatrique, est évoqué subtilement à travers les yeux
d’adolescente inquiète et sentimentale de Justine.
Alors qu’il se présente comme
un album traditionnel par son
découpage en cases régulières et
sa trame principale (une histoire
d’amour adolescent), Justine surprendra ses lecteurs grâce aux car-
nets de Guillaume et à un épilogue
particulièrement savoureux. Les
carnets, dessinés par Skin Jensen,
retracent, dans un dessin enfantin, une sombre histoire grâce à
laquelle on comprend le comportement perturbé et perturbant de
Guillaume. L’épilogue propose
quant à lui une série de portraits
agrémentés d’anecdotes sur l’avenir de Justine et de ses acolytes,
sorte de retour teinté d’humour
sur chacun des personnages, ce
qui renforce avec subtilité leur réalisme.
Récit complètement inventé
malgré ses airs autobiographiques,
Justine fait indéniablement penser,
par son atmosphère décalée et
son univers trash, aux œuvres de
Daniel Clowes (on pensera entre
autres à Ghost World), d’ailleurs
une des sources d’inspiration de
l’auteur. Le mélange entre les dessins et le style narratif, qui sont très
simples, l’ambiance et les thèmes
(la solitude, la marginalité, etc.),
inquiétants et originaux, est subtil
et très réussi. C’est d’ailleurs ce décalage entre l’attachant et l’étrange
qui donne sa force à l’album et
permet au lecteur de passer outre
le dessin parfois trop naïf pour se
concentrer sur la justesse de ces
personnages loufoques évoluant
dans l’univers réaliste d’une banlieue dans laquelle on n’est pas
vraiment sûr de vouloir habiter.
Grâce à sa mise en scène réussie d’une communauté fragile et
fragmentée dont les membres ont
perdu leurs repères, Justine, édité
par La Pastèque, est donc un divertissement qui saura séduire son
public. x
Arts & Culture
13
CHRONIQUE
Au firmament
Francis Lehoux | Coup de plume
Une petite constellation de créateurs et d’interprètes
brille dans mon firmament. Au fil
des années, des artistes d’exception comme Réjean Ducharme,
Wajdi Mouawad, Patrick Watson
et quelques autres s’y sont hissés
pour une simple et bonne raison:
ils ont su proposer de nouvelles
visions du monde, le nommer
avec sensibilité et justesse, révéler des vérités inédites et offrir un
substitut à la transcendance religieuse aujourd’hui disparue. Une
nouvelle étoile a récemment fait
son apparition dans ma voûte céleste: celle du réalisateur de génie
Darren Aronofsky.
Sa dernière œuvre cinématographique, Black Swan (2010),
est un suspense psychologique
fascinant qui raconte l’expérience initiatique (aussi bien
l’ascension que la descente aux
Enfers) de Nina Sayers (Natalie
Portman), une jeune ballerine de
la compagnie du Lincoln Center
à New York.
La jeune femme, fragile
mais ambitieuse, vit avec sa mère
(Barbara Hershey), une ancienne
danseuse qui cherche à vivre son
rêve de ballerine à travers sa fille,
qu’elle retient en enfance et surprotège. Nina vit dans une chambre tout de rose décorée, peuplée
d’animaux en peluches et de
figurines de ballerines, et multiplie depuis longtemps les heures
d’entraînement, les rituels et les
sacrifices pour réaliser son rêve:
incarner le rôle-titre dans Le lac
des cygnes de Tchaïkovski.
Jour d’audition. Nina, nerveuse mais déterminée, entend
bien décrocher le rôle de Odette/
Odile. Toutefois, le chorégraphe
(Vincent Cassel), s’il concède
que Nina possède la grâce, la pureté et la maîtrise technique pour
interpréter le cygne blanc, doute
qu’elle puisse incarner le cygne
noir, figure sombre, sensuelle et
délurée, avec autant de succès.
Toutefois, à force de détermination, elle finit par obtenir le rôle
tellement convoité. Commence
alors une longue danse qui la
mènera pas à pas dans les zones
les plus sombres de sa personne.
D’emblée, la caméra épouse
les mouvements de la danseuse
et virevolte autour d’elle comme
un véritable partenaire. La réalisation est à la fois fluide et saccadée, rythmée et frénétique, et
représente, voire fait ressentir à
merveille l’angoisse de la ballerine qui, ayant obtenu le rôle de
sa vie, se trouve constamment
menacée de le voir confier à sa
rivale.
Car si Nina fait preuve d’une
grâce et d’un contrôle exemplaires, elle apparaît incapable de
s’abandonner suffisamment pour
entrer dans la peau du cygne
noir. Son chorégraphe, imposant et séducteur, tentera de lui
faire repousser ses limites. Selon
lui, la perfection artistique réside
autant dans la maîtrise que dans
l’abandon de ses pulsions intimes, entre autres. En proie à une
pression insoutenable, la danseuse tente alors, non pas sans
difficulté, d’obéir davantage à
ses désirs et à ses instincts; une
collègue de la compagnie (Mila
Kunis) l’aidera à y parvenir. Peu
à peu, l’interprète perd pied et
sombre dans un véritable délire
cauchemardesque. Les frontières
entre rêve et réalité se brouillent
et, pour Nina comme pour le
spectateur, il devient presque
impossible de distinguer les deux
mondes.
La tension s’accroît, les
«hallucinations» se multiplient
et le corps de l’interprète commence même à prendre les traits
de l’animal qu’elle doit incarner.
L’angoisse et l’émerveillement
atteignent leur paroxysme à la fin
du film, lors de la première représentation du ballet, où Nina,
d’abord nerveuse, gagne en assurance dans la seconde partie et se
transforme tant artistiquement
que physiquement en cygne noir.
Ces scènes sont, aux plans de
l’interprétation, de la chorégraphie et de la réalisation, un pur
ravissement; elles forment l’une
des séquences les plus extraordinairement prodigieuses du ciné-
ma contemporain.
Même si l’on peut lui reprocher des effets sonores un
peu trop appuyés, notamment
des bruissements d’ailes utilisés pour ponctuer certains moments, Black Swan s’avère être
une œuvre originale, audacieuse
et bien menée qui rend compte
de la richesse des possibilités de
l’art cinématographique et de
toute la complexité de l’existence
de l’artiste.
Au-delà des interprétations
sans failles des acteurs et de
la performance magistrale de
Natalie Portman (qui danse ellemême avec un aplomb étonnant
presque toutes les scènes de ballet: elle figure maintenant elle
aussi parmi les étoiles de mon
firmament!), le film met surtout
en lumière mieux que tout autre
film les gloires et les écueils
que rencontre l’interprète. Pour
créer, ressentir et véritablement
devenir le personnage qu’elle
joue, la danseuse doit repousser
ses limites et sonder ses propres
ténèbres jusqu’à sacrifier une
part d’elle-même dans un processus menant à la quasi perfection, à l’Art. x
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14 Arts & Culture
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
L’ÉDITO CULTUREL
CHRONIQUE
Culture rehab
Catherine Renaud | Billet incendiaire
Gracieuseté de 20th Century Fox
Black Swan: pour ou
contre?
Émilie Bombardier
Le Délit
B
lack Swan, le nouveau thriller de Darren Aronofsky,
mettant en vedette Nathalie
Portman, a fait couler beaucoup
d’encre depuis sa sortie (même
dans nos pages). Plusieurs médias
nationaux et étrangers semblent
même s’être sentis investis d’un
certain devoir, celui d’évaluer le
réalisme de l’œuvre, plus particulièrement de la représentation du
monde du ballet qu’elle véhicule.
Constatant
que
Robert
Gottlieb, le critique de danse du
New York Observer a déclaré que
le film «renouait avec tous ces
clichés qui dépeignent le ballet comme une discipline sadomasochiste», ce fut au tour de la
critique du quotidien britannique
The Guardian, Judith Mackrell, de
s’emparer du même sujet. La journaliste a donc invité cinq grands
noms du ballet britannique à une
projection de Black Swan afin de
recueillir leurs réactions. Tamara
Rojo du Royal Ballet déplorait le fait
qu’une actrice et non une ballerine eût été choisie pour incarner le
personnage principal, Nina, soulignant au passage que Nathalie
Portman devait travailler sur son
port de bras. Sa collègue Lauren
Cuthbertson abondait dans le
même sens, ajoutant toutefois
qu’il était vrai que l’attitude d’un
danseur abordant un nouveau
rôle pouvait parfois avoir quelque
chose d’obsessif. Les trois autres
invités de Mackrell s’accordaient
quant à eux pour dénoncer le fait
que le portrait du quotidien d’une
ballerine dépeint par Black Swan
soit si sombre, si peu nuancé.
Rapportant que «certains
danseurs de ballet canadiens
étaient (eux aussi) mécontents de
la représentation de leur discipline
dans le thriller psychologique», un
article de la Presse canadienne publié sur le site de la CBC reprenait
à peu près la même formule. Les
danseurs interviewés partageaient
d’ailleurs les mêmes impressions
que leurs collègues britanniques,
se moquant du fait que le réalisateur, à qui l’on doit notamment
Requiem for a Dream et The Wrestler,
les faisaient en quelque sorte «tous
passer pour des fous». Mêmes
échos dans les pages du Devoir,
qui, tout en soulignant qu’il était
normal qu’un film hollywoodien
se «déploie dans une logique manichéenne», recueillaient les réactions de danseurs qui se disaient
eux aussi déçus.
La couverture médiatique de
la réaction du milieu de la danse
devant Black Swan est sans appel.
L’œuvre d’Aronofsky renouerait
avec ces clichés dont on cherche
à se défaire depuis une vingtaine
d’années. Pourtant, la majorité des
danseurs interrogés étaient également unanimes en affirmant que
leurs jugements ne pouvaient être
«objectifs». Ils ne forment pas non
plus un échantillon très représentatif du public à qui le film est
destiné; cela va de soi. Ainsi, pourquoi les médias font-ils grand cas
des réactions des spécialistes et
des gens du milieu, alors que le
genre sous lequel le film est classé
annonce en lui-même que nous
sommes bien loin d’un quelconque souci de réalisme?
Black Swan n’a en effet absolument rien d’un documentaire. Il
est d’ailleurs bien loin de se présenter ainsi. Si les journalistes et le
milieu de la danse souhaitent évaluer le réalisme avec lequel la discipline est représentée, pourquoi
ne pas se tourner vers La Danse,
de Frédéric Wiseman, un véritable
documentaire sur le quotidien des
danseurs du ballet de l’Opéra de
Paris, présenté sur nos écrans peu
de temps avant le thriller psychologique d’Aronofsky?
Il est vrai que les représentations véhiculées par le cinéma
hollywoodien frappent davantage
l’imaginaire, qu’elles soient réalistes ou non. Toutefois, le souci
qui ronge manifestement les journalistes traduit une crainte, celle
que le public confonde clichés et
réalité, et révèle de surcroît qu’ils
sous-estiment gravement l’intelligence et le jugement de celui-ci.
Un article du quotidien The
Independent révélait d’ailleurs que
l’omniprésence du ballet à la télévision comme au cinéma, notamment grâce à Black Swan, a provoqué un engouement sans précédent pour les leçons de danse, les
représentations de Casse-Noisette
et même le style vestimentaire
des ballerines. Grands dieux!
Serait-ce parce que le public
de Black Swan est soudainement
envahi d’une fascination malsaine ou d’un goût pour la démence? x
Pour être honnête
avec vous, je n’ai pas grand- chose à vous dire cette semaine. Il
ne se passe rien de spécial culturellement parlant, du moins
dans mon univers. J’ai bien reçu
quelques livres et DVDs pour
Noël, mais je ne peux pas dire
que je les ai vraiment ouverts. Le
temps des Fêtes est toujours une
période qui m’engourdit, une
espèce de triangle des Bermudes
dans lequel Le sapin a des boules
joue en boucle. Dans cet univers parallèle, on se bourre la
face comme on fourre la dinde
de farce, on rit, on fait des casse-têtes, on regarde des vidéos
de «Christmas Lights Gone Wild»
sur Youtube, dans lesquelles
les lumières de Noël décorant
les maisons de programmeurs
informatiques beaucoup trop
motivés sont synchronisées au
rythme de différentes chansons.
On en ressort abrutis, parfois un
peu bedonnants, et certainement
sans aucune envie de reprendre
les cours et de se replonger dans
le bain des activités culturelles,
car les magnifiques productions
de National Lampoon sont aussi
puissantes que les drogues dures: plus on en visionne, plus
notre cerveau s’acclimate à la
niaiserie et en redemande.
Ainsi, pour éviter le manque qui suit nécessairement
une période d’intense consommation de produits culturels
de faible qualité, de même que
pour adoucir le rapide et difficile retour à la vie universitaire
après seulement deux semaines
de répit, je me suis proposé un
programme de retour progressif
à la culture intelligente. Il serait
fou de participer à un marathon
le lendemain d’une méchante
brosse. De même, ne nous imposons pas un film indépendant
japonais sous-titré après une
semaine de «junk TV». Visons
plutôt des objectifs réalistes. Je
vous propose donc deux bandes
dessinées en ligne afin de réhabituer tranquillement votre cerveau à comprendre un humour
subtil et recherché.
La première bande dessinée
s’adresse à mes collègues, mes
frères d’armes, mes meilleurs
amis, tous ceux qui, comme
moi, sont étudiants au cycle
supérieur: je vous présente Piled
Higher and Deeper: A Grad Student
Comic Strip (www.phdcomics.com).
Publiée depuis les années 1990
dans le journal étudiant de
l’Université Stanford et maintenant diffusée en ligne, cette
bande dessinée présente de façon ironique et humoristique la
vie d’étudiants au doctorat, procrastinateurs hors pair, ignorés
et torturés par leurs directeurs
de recherche. Ceux qui, comme
moi, ont parfois l’impression
que le but des études supérieures est d’extraire de nous tout
désir de vivre et de faire de cette
activité une carrière retrouveront le sourire en lisant ces planches. Ma deuxième proposition
de lecture est Hipster Hitler (hipsterhitler.com), une bande dessinée
qui vise à parodier l’ancien leader nazi et le mouvement hipster en fusionnant l’un et l’autre
dans un même personnage.
Avec des jeux de mots comme
«Arcade Fürher», «You Make Me
Feel Like Danzig» et «Nuremberg
to Williamsburg», Hipster Hitler
propose des planches hilarantes
qui feront travailler à la fois vos
savoirs historiques et anthropologiques (une connaissance
du mouvement qui prolifère et
s’épanouit dans les quartiers
du Mile-End à Montréal et de
Williamsburg à Brooklyn est
requise).
Comme dans toute bonne
cure de désintoxication, il y a
risque de rechute. J’ai le regret
de vous annoncer, chers lecteurs, que j’ai failli à ma tâche :
je suis effectivement retombée
dans la drogue la plus addictive qui soit: Jersey Shore is back,
b*tches. x
Vous désirez participer au journal?
[email protected]
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com
Arts & Culture
15
ARTS VISUELS
Peau, art,
hockey et
ours
Réchauffez-vous à la
Maison de la culture
Frontenac qui expose La
Peau de l’Ours.
Guy L’Heureux
Véronique Martel
Le Délit
V
La bd de la semaine
par Martine Chapuis
16 Arts & Culture
ers 1904, un groupe de collectionneurs décide de rassembler des œuvres d’artistes marginaux et inconnus et de les vendre au bout d’une dizaine d’années. Ainsi, à la fin de la Première
Guerre mondiale, la collection La Peau de
l’ours réunit des œuvres qui avaient jusque
là été rejetées par le milieu artistique. Séduit
par l’idée de découvrir le nouveau Matisse,
l’ancien sculpteur Robert Poulain convainc
les membres de sa ligue de hockey de se
joindre à lui dans la collection d’œuvres
d’art. L’exposition organisée à la Maison de
la culture Frontenac célèbre aujourd’hui les
quinze ans d’existence de ce groupe québécois de collectionneurs d’art contemporain.
Les œuvres de la collection sont bien
trop grandes pour figurer toutes dans
les espaces d’exposition de la Maison
Frontenac. Robert Poulain a donc choisi les
morceaux les plus représentatifs. Le visiteur peut néanmoins feuilleter un cahier
de photographies retraçant l’intégralité de
la collection. La Peau de l’ours compte une
soixantaine de toiles de grands formats.
L’ancien sculpteur avoue considérer la
peinture comme la forme ultime de l’art.
Robert Poulain affirme ne pas voir l’intérêt de collectionner des œuvres de petites
tailles et préfère n’acquérir que d’immenses
toiles. Contrairement au collectif français
du début du XXe siècle, il ne compte pas
revendre ses œuvres, ses collègues et lui
s’étant trop attachés aux tableaux.
Les toiles sont disposées en fonction
de leur valeur esthétique. En effet, Robert
Poulain mentionne qu’il a disposé, par
exemple, Land (2008) de John Ancheta aux
côtés de Bruits (1996) de Louise Prescott
parce que les lignes et les couleurs de
ces deux toiles créaient des rappels et des
contrastes intéressants pour l’œil. Outre les
toiles de grand format, la collection La Peau
de l’ours se différencie d’autres collections
privées par sa forte personnalité. Toutes les
œuvres de la collection semblent présenter
une certaine agressivité. Non pas tant dans
leurs propos, mais plutôt dans leur imposante présence, dans le geste vif et sec du
peintre et dans l’utilisation de couleurs primaires. Cependant, la taille des œuvres et
l’unité de style implicite peuvent créer un
certain inconfort chez le visiteur qui n’apprécierait pas les œuvres de très grand format ou l’art contemporain.
La collection La Peau de l’ours présente
plusieurs exclusivités canadiennes, québécoises et internationales. La collection
assemblée par Robert Poulain et ses amis
hockeyeurs surprend puisqu’elle propose
des œuvres qui s’écartent de la production
artistique contemporaine actuellement présentée dans les musées. x
xle délit · le mardi 11 janvier 2011 · delitfrancais.com

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