L`expansion des jeux d`argent au Canada

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L`expansion des jeux d`argent au Canada
ASSOCIATION CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE
DÉCLARATION DE PRINCIPE – 2000
L'expansion des jeux d'argent au Canada :
émergence d'un problème de santé publique
Énoncé du problème
Au cours des dix dernières années, le Canada a connu un nouveau phénomène social, à savoir l’expansion sans
précédent des jeux d’argent autorisés par la loi et entre les mains des gouvernements. Cette évolution de la politique
publique est pour l’essentiel attribuable à la volonté des gouvernements : de trouver de nouvelles sources de revenu sans
recourir à l’augmentation de la fiscalité ou à de nouvelles taxes; de stimuler l’expansion économique essentiellement dans
le secteur des loisirs et du divertissement; et de soutenir les jeux de charité.1 Six Canadiens sur dix estiment dans
l’ensemble que les jeux d’argent sont acceptables; sept sur dix déclarent avoir joué au cours de l’année précédente; et deux
tiers croient que les problèmes associés aux jeux d’argent se sont multipliés au cours des trois dernières années dans leur
province.2 À l’aube de ce nouveau millénaire, les jeux d’argent sur Internet constituent un nouveau problème grave.3 En
dépit de leurs coûts potentiellement élevés pour la santé et pour la société, ce n’est que récemment que les jeux d’argent
ont suscité suffisamment d’attention pour se retrouver à l’ordre du jour des questions de politique publique au Canada.4,5
Les groupes d’intérêt social et les personnes intéressées se posent des questions quant au rôle du gouvernement qui
encourage les jeux d’argent d’un côté tout en prétendant protéger les intérêts du public de l’autre.6 L’Association
canadienne de santé publique en prenant les devants dans ce débat national fera une contribution utile.
Définitions
Jouer, c’est parier de l’argent ou quelque chose de valeur sur un résultat faisant intervenir le hasard dès lors que la
probabilité de gagner ou de perdre est incertaine. Il existe de nombreux types de jeux d’argent, notamment les loteries, les
jeux de casino, les billets de loterie à gratter, les machines à sous et les appareils de loterie vidéo, les bingos, les paris
sportifs ainsi que la spéculation sur les marchés financiers et via Internet. On parie de l’argent dans une multitude
d’endroits allant du magazin du coin au casino, en pensant par les champs de course et les cours d’école. Des gens de tous
âges, de toutes catégories socio-économiques et de toutes les cultures s’y adonnent.
Le jeu compulsif se définit comme un trouble évolutif qui se caractérise par : a) une perte continue ou périodique
de contrôle par rapport au jeu; b) une obsession du jeu et de l’argent nécessaire pour jouer; c) une pensée irrationnelle; d)
la poursuite de l’activité en dépit de ses conséquences néfastes.7
Le jeu pathologique est un trouble impulsif répertorié dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders de l’Association américaine de psychiatrie. La définition psychiatrique insiste sur la diminution de l’aptitude à
contrôler les comportements de jeu; sur ses conséquences sociales néfastes qui perturbent le joueur, ses intérêts familiaux
ou professionnels; et sur la tolérance (soit le besoin de jouer des sommes de plus en plus fortes pour arriver au degré
d’excitation désiré) ainsi que sur le sevrage. Pour que l’on pose un diagnostic de jeu pathologique DSM-IV, le
comportement doit répondre à au moins 5 des 10 critères définis et ne pas relever d’un épisode maniaque.8
Chercheurs et praticiens se servent d’autres termes comme passion compulsive du jeu, passion pathologique du jeu
probable, passion excessive du jeu et passion du jeu à des fins récréatives. L’absence d’une terminologie scientifique
normalisée pour le jeu entraîne beaucoup de confusion et complique son étude scientifique et la façon d’en parler. Se
représenter le jeu comme un comportement allant de l’absence du jeu à des problèmes de jeu et au jeu pathologique
constitue un modèle de santé publique utile pour concevoir des stratégies d’intervention (voir graphique 5 dans Korn &
Shaffer, réf. 24).
Contexte
Cadre politique : Au Canada, le jeu est réglementé par une loi fédérale, le Code criminel du Canada adopté en 1892. Seuls
les gouvernements sont habilités à gérer et à administrer des installations de jeu ou à autoriser les jeux de charité sous
licence. Ces activités sont interdites au secteur privé. Au cours des années, des modifications apportées périodiquement
aux articles portant sur le jeu lui ont permis de prendre de l’expansion, mais ce n’est que depuis les années 1970 que les
loteries et les casinos peuvent fonctionner au grand jour et en toute légalité. En 1985, les appareils de loterie vidéo et les
machines à sous ont été légalisés et les provinces se sont vues accorder le contrôle exclusif du jeu.1
Expansion du jeu légalisé : Au cours des années 1990, on a constaté une augmentation spectaculaire des différents
types de jeu disponibles (casinos, loteries, bingos de charité) et des lieux où il est possible de jouer. Il existe à l’heure
actuelle plus de 50 casinos à demeure (dans 7 provinces), 21 000 machines à sous, 38 000 appareils de loterie vidéo, 20
000 séances annuelles de bingo et 44 hippodromes à demeure au Canada.2 Les casinos sont devenus la plus importante
source de recettes provenant du jeu, ayant même dépassé en 1997 les appareils de loterie vidéo et les loteries en 1998. Le
nombre d’emplois dans l’industrie du jeu a augmenté de 27 000 personnes entre 1992 et 1999, ce qui représente 1,5 % de
l’augmentation globale de l’emploi au Canada.9
Rôle de l’ACSP : l’Association canadienne de santé publique s’intéresse à cette question depuis le début des années
1990. Dès 1993, les membres de l’Association ont adopté une résolution lors de leur assemblée générale annuelle
demandant que l’on procède à une évaluation nationale des répercussions du jeu réglementé sur la santé.10 À ce momentlà, plutôt que d’essayer de trouver des fonds pour réaliser cette évaluation, l’ACSP a estimé qu’il était plus important de
recueillir de l’information sur les différentes initiatives relatives aux répercussions du jeu sur la santé partout au pays.
L’Association a rendu compte de cette information dans Sélection Santé et l’a mise à la disposition de tous ses membres
sur demande.11 Son intérêt pour ce dossier s’est maintenu et, en 1999, une deuxième résolution qui portait sur les
appareils de loterie vidéo a été adoptée.12
Les jeux d’argent : tendances au Canada
Participation, dépenses et recettes : En 1996 au Canada, 82 % des foyers ont misé de l’argent sur au moins un des jeux
légaux suivants : loteries gouvernementales et non gouvernementales, tombolas, casinos, machines à sous et bingos. En
1997, les Canadiens ont joué 6,8 milliards de dollars dans le cadre d’une activité de jeu gérée par le gouvernement, soit 2,5
fois le montant joué en 1992, les casinos et les appareils de loterie vidéo comptant pour approximativement 60 % de
l’ensemble des recettes que tire le gouvernement du jeu. En 1997, au moins 3 % de l’ensemble des revenus publics de
toutes les provinces provenaient du jeu. Les recettes provenant des jeux en dehors du secteur caritatif sont passées de 2,7
milliards en 1992 à 7,4 milliards en 1998, soit une augmentation de 170 %.9,13
Services aux joueurs compulsifs : Les premières dépenses publiques en rapport avec les services de soins à l’intention
des joueurs ont été faites en 1993. En 1997-1998, neuf provinces sur dix consacraient des fonds spécifiquement à ces
services, notamment pour sensibiliser le public, pour former les professionnels, pour offrir des lignes d’assistance
téléphonique et des services de traitement, pour réaliser des études sur la prévalence et autres recherches, pour un
montant total de l’ordre de 15 millions de dollars.5 L’une des principales raisons à l’origine du développement de ces
programmes a été l’expansion des jeux sous administration publique et les recettes encaissées par les gouvernements
découlant de cette croissance. Les services sociaux et les professionnels de la santé ont sensibilisé les décideurs au
problème que pose le jeu pathologique; conscient de leur responsabilité envers la société, les gouvernements ont élaboré
et financé des programmes pour réagir au problème du jeu pathologique. La plupart des nouveaux services publics pour
les victimes du jeu sont apparus dans les centres de traitement des accoutumances et des problèmes de santé mentale.
L’épidémiologie du jeu
Au Canada, la plupart des études provinciales sur la prévalence des problèmes en rapport avec le jeu au sein de la
population adulte ont été réalisées dans le milieu des années 1990.14-17 Il n’existe aucune étude pancanadienne sur la
prévalence du jeu compulsif et du jeu pathologique. Plusieurs rapports épidémiologiques ont décrit les répercussions du
jeu dans certains segments vulnérables de la population comme les jeunes, les femmes, les adultes plus âgés et les
populations autochtones.18-20
La faculté de médecine de Harvard (division des accoutumances) a réalisé une méta-analyse portant sur 152 études de
prévalence menées en Amérique du Nord en 1997, dont 35 au Canada.21 Plus de la moitié de ces études ont été publiées
après 1992, ce qui témoigne de l’intérêt marqué pour le sujet. L’analyse de Harvard montre qu’au cours des 25 années
antérieures, les estimations de la prévalence du jeu compulsif au sein de la population adulte en général étaient faibles
mais en hausse, alors que chez les jeunes ou les personnes vivant en institutions elle était élevée mais stable. Au sein de la
population adulte en général, l’estimation de la prévalence du jeu compulsif et du jeu pathologique combinés sur la durée
de la vie (niveaux 2 et 3 de la nomenclature de Harvard) se situait à 5,5 %. Une estimation analogue pour les adolescents a
donné un pourcentage de 13,3 %. On n’a pas constaté de différence significative dans les taux de prévalence entre les
États-Unis et le Canada. Le fait d’être un individu de sexe masculin, d’être jeune et d’avoir une maladie mentale ou
d’abuser des intoxicants fait courir plus de risque d’avoir un problème avec les jeux d’argent. Le lien existant entre l’accès
aux lieux de jeu et les problèmes de jeu est une question très controversée. La recherche effectuée aux États-Unis à cet
égard fait apparaître un taux de prévalence plus élevé dans les États dont les ventes de billets de loterie par habitant sont
élevées22 et dans les régions se trouvant dans un rayon de 80 km d’un casino.23
L’utilité d’adopter une perspective de santé publique
Il est fort utile d’adopter une perspective de santé publique quand on parle du jeu.24 En effet, elle permet d’aborder le
problème du jeu dans la société dans une perspective très large, et de ne pas s’en tenir uniquement au jeu compulsif et
pathologique. Il s’agit d’une approche similaire à celle utilisée dans les études sur l’alcoolisme. Une approche de santé
publique met l’accent sur les stratégies de prévention et de réduction des méfaits* pour s’attaquer aux problèmes associés
au jeu et pour atténuer les conséquences néfastes des comportements des joueurs. Pareille perspective considère non
seulement le risque de problèmes pour le joueur mais aussi la qualité de la vie† des familles et des collectivités perturbées
par le jeu. Elle incarne les valeurs de la santé publique qui traduisent l’inquiétude par rapport à l’impact de l’expansion du
jeu sur les groupes vulnérables, marginalisés, et à risque. Adopter une position de santé publique, c’est reconnaître tant les
coûts que les avantages du jeu. En tenant compte des dimensions sanitaires, sociales et économiques du jeu, les
professionnels de la santé publique sont en mesure de mettre au point des stratégies minimisant les retombées négatives
du jeu tout en reconnaissant ses avantages potentiels.
*
La réduction des méfaits fait référence à une politique ou à un programme visant à minimiser ou à diminuer les conséquences
néfastes pour la santé, pour la société et pour l’économie des comportements de jeu chez les individus, les familles, les collectivités et la
société en général. Une stratégie de réduction des méfaits n’exige pas que l’on s’abstienne de jouer. Cette définition est extraite d’un
document publié par le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies.25
†
On définit la qualité de la vie comme ce qui résulte de l’interaction entre les conditions sociales, sanitaires, économiques et
environnementales qui touchent le développement humain et social.26
Les conséquences négatives du jeu
Les études scientifiques et les grands médias ont recensé un ensemble de difficultés se posant aux individus, aux
familles et aux collectivités qui peuvent être reliés directement ou indirectement au jeu. Entre autres conséquences, citons
:
a) Les troubles associés au jeu – cette expression sert à désigner tout un ensemble de problèmes associés aux
différentes activités du jeu et qui recouvre l’idée du jeu compulsif et pathologique;21
b) Le dysfonctionnement familial et la violence conjugale, notamment les sévices sur les conjoints et les
enfants;27-29
c) Les problèmes de jeu chez les jeunes et le jeu chez les mineurs;21,30
d) Les problèmes d’alcoolisme et autres toxicomanies;31,32
e) Les affections psychiatriques, notamment dépression grave, troubles bipolaires, personnalité antisociale, angoisse
et déficit de la capacité d’attention;32-34
f) Les suicides, les idées de suicide et les tentatives de suicide;35,36
g) Les graves problèmes financiers, notamment les faillites, les pertes d’emploi et la pauvreté découlant directement
des jeux d’argent;23,37
h) Les comportements criminels allant de la prostitution et du vol au trafic de drogues et aux homicides.23,38,39
Déterminer le rapport de cause à effet entre le jeu et chacune de ces activités est une question très délicate. Les
recherches montrent que la passion du jeu peut avoir des répercussions négatives sur la santé du fait qu’elle peut être
associée à la criminalité, à l’abus d’intoxicants, à la pauvreté et à la violence familiale.40 Toutefois, il y aura lieu de
multiplier les études pour trancher les grandes questions en rapport avec les caractéristiques propres au jeu pathologique,
la co-morbidité avec les autres problèmes de santé mentale, et l’identification des facteurs de risque significatifs d’ordres
biologique, comportemental et environnemental.
On a avancé des estimations relatives aux coûts sanitaires, sociaux et économiques du jeu compulsif et pathologique,
mais les méthodes de calcul doivent encore être précisées. Un exemple d’estimation souvent citée du coût annuel pour la
société de chaque joueur pathologique est 13 200 $ américains ou 20 000 $ canadiens.41 D’autres recherches laissent
penser que les joueurs compulsifs ont une influence négative sur un groupe de 10 à 17 personnes de leur entourage,
notamment la famille, l’employeur et le gouvernement.42
Les avantages potentiels pour la santé
Jusqu’à présent, les professionnels de la santé et les chercheurs ont largement ignoré la possibilité que le jeu pouvait
avoir des effets potentiellement positifs sur la santé des individus et des collectivités. Toutefois, les données empiriques à
l’appui de cette dernière affirmation sont largement absentes bien qu’il existe au plan théorique quelques données qui
vont dans ce sens. En outre, la possibilité de concevoir le jeu comme étant quelque chose de « sain » peut contribuer à
donner une explication de l’attrait du jeu, étant donné qu’en règle générale, les individus sont enclins à adopter des
comportements sains dans leur vie.24
Au plan individuel, le jeu peut apporter un sentiment d’appartenance et de socialisation à l’occasion des divertissements
pendant les loisirs; cela peut être particulièrement important pour les adultes d’âge plus avancé. Bon nombre de joueurs
sont dans l’expectative à l’idée qu’ils pourront triompher du hasard avec le temps, et de ce fait, s’enrichir, même si les
probabilités de gains au jeu sont assez infimes, comme le montrent avec conviction les loteries. Certains jeux peuvent être
associés à la capacité de gérer le stress par des activités de loisirs et des comportements ludiques d’adultes.
Au plan de la santé, les collectivités peuvent également y trouver leur compte, notamment celles qui connaissent des
problèmes économiques, grâce au développement économique généré par le jeu.40 Les casinos par exemple peuvent être
des locomotives de la création d’emplois dans l’industrie du jeu, et stimuler les secteurs du tourisme et de l’accueil.
Toutefois, il convient d’interpréter avec prudence les perspectives d’amélioration de la santé qui peuvent découler de
l’expansion du secteur du jeu et du développement économique local, étant donné qu’il faut que les gains économiques se
maintiennent dans la durée pour avoir une influence positive sur la santé. Pour l’instant, et mis à part les répercussions
dans les régions déshéritées, les gains économiques à long terme apportés par le jeu dans les collectivités n’ont pas été
prouvés, et l’idée repose à l’heure actuelle sur une analyse savante des prévisions d’avantages économiques et de
génération de richesse.43
Là où il existe des jeux de charité (par ex., le bingo), l’argent généré par ces jeux peut aider la collectivité en finançant
directement les organismes à but non lucratif et caritatif qui travaillent dans des domaines comme l’environnement, les
loisirs et la culture. Fait important, le jeu assure des revenus considérables pour les gouvernements provinciaux,
municipaux et autochtones qui permettent d’atténuer les pressions en faveur d’une plus forte imposition pour trouver des
fonds.
Les grandes questions de santé publique
Placer le jeu dans un cadre de santé publique éclaire l’approche stratégique à suivre pour s’attaquer aux problèmes de
santé et de politique publique sociale associés au jeu. Le jeu compulsif et le jeu pathologique constituent le principal
problème de santé et semblent être stimulés par une expansion rapide, une plus grande disponibilité et la promotion des
casinos et des loteries. Bien que les tendances anarchiques en matière de jeu constituent une question centrale dans la
population adulte, on s’inquiète beaucoup de la forte prévalence de problèmes rattachés au jeu chez les jeunes. Les
questions qui ont trait au jeu et à ses effets sur d’autres segments de la population vulnérables et d’autres groupes à risque
dont les besoins sont bien particuliers (les adultes d’âge avancé et les pauvres, les minorités ethnoculturelles, les
populations autochtones et les femmes), ne sont pas bien comprises et méritent de la part des responsables de la santé
publique une attention plus particulière.
Le jeu a également des retombées sur la qualité de la vie des familles et des collectivités. Entre autres problèmes
familiaux, on peut citer les relations dysfonctionnelles, la négligence, la violence, et les abus de tous ordres. Les
répercussions de la multiplication des lieux de jeu aux plans de la viabilité, de la santé, et de la qualité de la vie des régions
ou des localités font l’objet de débats animés. Les professionnels de la santé et le public semblent penser que les troubles
associés au jeu peuvent déboucher sur l’abus d’intoxicants, la dépression, le suicide et le crime. On est pour l’instant très
en désaccord sur la meilleure stratégie à mettre en oeuvre pour à la fois favoriser les avantages socio-économiques et
minimiser les méfaits du jeu.
Les nouvelles technologies au service du jeu posent de nouvelles questions. Ainsi, beaucoup s’inquiètent de
l’omniprésence des ALV qui ont des caractéristiques qui favorisent le développement de comportements
d’accoutumance. L’existence et la croissance spectaculaire du jeu sur Internet et à l’étranger échappant à toute
réglementation constituent aussi des tendances inquiétantes, en raison de l’accès facile à ces jeux à partir d’un ordinateur à
la maison ou au bureau, et du fait de la popularité des cybercasinos et des paris sportifs. Enfin, il est un domaine qui n’a
pas reçu beaucoup d’attention jusqu’à présent et qui concerne les paris spéculatifs dans le monde de la finance. La
spéculation financière impulsive et à haut risque, tout spécialement la spéculation sur les transactions au jour le jour, peut
avoir des retombées profondes sur les individus et les institutions sociales.
Recommandations
L’Association canadienne de santé publique peut montrer la voie en faisant bien ressortir les dimensions de la santé
publique dans le jeu. En recourant à un cadre d’action qui repose sur des objectifs et des principes de santé publique,
l’ACSP peut encourager les décideurs politiques, les chercheurs et les praticiens de la santé à minimiser les répercussions
négatives du jeu sur la santé tout en faisant valoir ses avantages potentiels. L’ACSP devrait donc :
1. Faire sienne l’idée comme quoi la multiplication des jeux d’argent au Canada a des retombées importantes sur la santé
et la politique publique. L’ACSP doit donc faire preuve de leadership dans le débat national sur cette question; situer le
jeu comme l’élément d’une nouvelle problématique de santé publique en rapport avec la qualité de la vie pour les
individus, les familles et les collectivités; et mettre sur pied un mécanisme ou un groupe d’intérêt au sein de l’ACSP à
l’appui de ce projet.
2. Adopter les objectifs suivants pour canaliser l’action de la santé publique et sa responsabilité :
a) Prévenir les problèmes rattachés au jeu chez les individus et les groupes à risque d’accoutumance au jeu.
b) Encourager des attitudes, des comportements et des politiques équilibrés et éclairés sur le jeu et sur les joueurs,
tant de la part des individus que des collectivités.
c) Protéger les groupes vulnérables des conséquences négatives découlant des jeux d’argent.
3. Mettre sur pied un groupe de réflexion de la santé publique sur les jeux d’argent, qui serait constitué par exemple de
représentants de l’industrie du jeu, de la lutte contre les accoutumances, de l’éducation, de la santé publique et de la
santé de la population. Pareil groupe pourrait porter toute son attention sur les questions de santé publique,
notamment sur les retombées du jeu sur les groupes vulnérables, et impulser un cadre d’action.
4. Préconiser un examen de la politique publique nationale en ce qui a trait à l’expansion du jeu qui permette de
faire une analyse des responsabilités et de la rentabilité du jeu pour l’État, d’étudier la prévalence pancanadienne du jeu
compulsif et du jeu pathologique, et d’évaluer les coûts-avantages socio-économiques et sanitaires qui y sont associés.
Remerciements
L’ACSP tient à remercier pour leurs contributions David A. Korn, MD, CAS, et Harvey Skinner, PhD, Département
des sciences de la santé publique, Université de Toronto.
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