La Loire - Thoba`s éditions

Transcription

La Loire - Thoba`s éditions
La Loire
un fleuve de vins
“La Loire, navigable depuis Roanne jusqu’à l’Océan, traversant
le royaume sur un cours de deux cents lieues, peut recevoir les vins du
Languedoc, du Lyonnais, Beaujolois, Mâconnois, ceux de Renaison,
du Bourbonnois…”
Mémoire de Balthazar-Jean-Pierre Girard-Labrely
Secrétaire des Etats du Mâconnais, 1780
Préface
Habitant depuis toujours sur le bord droit du fleuve, à 200 mètres à peine de son lit, bercé par son charme,
affolé de ses colères, je croyais tout savoir de lui.
Elevé dans ma plus belle enfance à l’ombre proche des Côtes du Forez, j’ai appris très tôt, aux côtés de
mon grand-père, le respect de la vigne et du labeur des hommes. Mais je ne soupçonnais même pas qu’il
y ait eu un temps, et même longtemps, des vins sur la Loire… destination Paris.
Dans cette ville de Saint-Just-Saint-Rambert, située de part et d’autre de l’eau, le fleuve est bienfaiteur.
Il a donné des émotions et du travail aux riverains. Il a permis l’essor de ce pays rugueux.
Les “rambertes” étaient fabriquées là, sur la rive gauche, à Saint-Rambert-sur-Loire, pays des bâtisseurs,
et partaient d’ici, de Saint-Just -sur-Loire, de l’autre côté, pays des mariniers.
Plus personne aujourd’hui n’a connu cette époque, mais chacun peut véritablement se souvenir. En effet,
la Madone des Mariniers, la rue de la Marine, le chemin des Bateliers ou encore la rue du Grand Port ou
du Port Haut et les anneaux d’amarrage en aval du pont, peut-être même la cabane Nicolas, sont autant
de preuves de cette période.
Le parc et la maison Mellet-Mandard, la rue Bernard Robelin : les témoignages sont réels. Ces gens-là ont
bien existé, ils ont construit des bateaux ou navigué sur l’eau, ils ont écrit les pages de notre histoire.
Mais il fallait pour parcourir le fleuve, et remonter le temps, un ouvrage comme celui-ci.
Aussi, je félicite les auteurs, Guy Blanchard et Henri Nochez, génies de la recherche, amoureux de la patience
et chantres du terroir, virtuoses du texte et des images, de nous avoir donné cette preuve du passé, sans la
nostalgie mélancolique du “temps des sables de l’été et des glaces d’hiver”. Ils ont (re)trouvé les mots simples
et beaux qui racontent nos racines.
Les détails sont précis et étonnants. On y apprend qu’il n’y a pas que l’eau qui coule sous les ponts, mais
aussi les taxes, comme à Decize. Les anecdotes sont croustillantes, quand on y voit la justice rendue sur un
bateau flottant. Mais le trait est vivant, et véridique aussi, parce qu’il est mémoire.
Plus ludique, plus touristique maintenant, ce fleuve reste indomptable, sensuel et sauvage, vif et chaleureux.
Il est encore et toujours pour chacun un élément du quotidien, comme une sève qui irrigue et donne la vie.
Jean-François CHOSSY
Député de la Loire-Forez.
Avant propos
Notre premier ouvrage, La Loire forézienne, paru en 2002, relatait le
transport du charbon de la région stéphanoise sur les saint-rambertes aux
XVIIIe et XIXe siècles. Au cours de nos recherches, nous avions découvert que plusieurs marchands ligériens, voituriers d’eau, se livraient au
commerce du vin en même temps qu’à celui du charbon. Nous avons donc
eu envie de chercher des réponses aux questions que nous nous posions :
- comment, à la même époque, s’est organisé le commerce du vin ?
- quelles étaient les conditions du transport, les difficultés, les obstacles ?
Nous avons lu de nombreux ouvrages traitant de ces questions, mais
surtout nous avons recherché des documents authentiques aux Archives
de plusieurs départements, dans des bibliothèques… Comme pour notre
premier ouvrage, nous avons eu la chance de rencontrer des personnes qui
nous ont permis l’accès à leurs archives familiales.
La plupart des documents originaux qui nous ont servi sont inédits.
Modestement nous espérons apporter ainsi notre pierre à la connaissance
d’un sujet extrêmement vaste et pas toujours facile à traiter.
En effet les vignobles français d’aujourd’hui sont bien différents de
ceux qui existaient avant l’arrivée du phylloxéra. La vigne est maintenant
absente de régions autrefois productrices comme le Brionnais. Par ailleurs,
il est difficile de juger de la qualité des vins produits et commercialisés il
y a 200 ans. La navigation fluviale elle aussi a bien changé et il faut beaucoup d’imagination pour retrouver les emplacements des anciens ports
avec leurs quais et leurs auberges. Certes des documents existent, mais leur
recherche exige beaucoup de temps et de patience et les trouvailles restent
partielles. Quant aux témoignages, ils sont rares et fragiles, s’appuyant sur
la mémoire de personnes âgées relatant des faits qu’ils n’ont pas directement connus.
Notre surprise a été de découvrir toute l’importance de ce commerce
du vin en direction de la capitale, importance liée à une consommation démesurée. N’a t-on pas dit que les taxes sur le vin étaient une des
causes du mécontentement populaire qui a abouti à la Révolution ?
Nous avons choisi de limiter notre sujet au commerce du vin qui
transitait de “haute Loire” en Seine, c’est-à-dire qui voyageait sur la
Loire, le canal de Briare et la Seine pour rejoindre Paris. Au XVIIe
siècle, lorsque l’on parle de la “haute Loire”, on évoque le fleuve et
les régions qu’il traverse en amont de Roanne et non, bien-sûr, le
département qui portera ce nom après la Révolution. à défaut d’étude
exhaustive, nous avons essayé de faire vivre des évènements et des personnages pour permettre au lecteur de retrouver par l’imagination les conditions
de vie et de travail des vignerons, des charretiers, des mariniers ou des
marchands…
Avant d’être embarqués sur la Loire, des vins provenaient du
Languedoc ou de la vallée du Rhône, d’autres avaient voyagé sur l’Allier,
venant d’Auvergne ou du Bourbonnais. Nous suivrons ensuite le cours du
fleuve, jalonné par les ports d’embarquement vers lesquels convergeaient
les “routes du vin” de l’époque.
Enfin, et avec la collaboration de Gérard Vachez, que nous remercions
vivement, nous verrons comment le chemin de fer a mis fin à l’épopée du
transport fluvial.
La vigne et le vin en Gaule
En Gaule transalpine, même si des pépins de raisins ont été découverts
dans des niveaux de l’Âge du Bronze au sud de la France, cela ne suffit pas
pour affirmer que l’on produisait du vin à cette époque.
Des origines au XVIIe siècle
Quelques années après la fondation de Marseille en 600 avant J.C., la vigne
est plantée dans les collines proches de Marseille. La production importante
d’amphores locales marque le début de la commercialisation du vin qui prend
rapidement un essor considérable dès 500 avant J.C.
Au Ve siècle, le vin de Marseille est essentiellement vendu sur la côte méditerranéenne et dans la basse vallée du Rhône. On y a retrouvé un grand
nombre d’amphores vinaires et de vases à boire en céramique commune. On
pouvait se procurer ce vin auprès des marchands en échange de minerais,
de céréales, de bétail et d’esclaves. Marseille en tira une grande prospérité et
conserva le monopole de ce commerce jusqu’au IIIe siècle avant J.C., date à
laquelle les vins de Sicile et d’Italie du sud apportèrent la concurrence.
Le vin apprécié en Gaule
Bas-relief d’un monument funéraire
Découvert à Cabrières d’Aygues (84) et datant du 1er siècle après J.C., ce bas-relief montre un bateau halé transportant
à la fois des tonneaux et des amphores à fond plat, dont certaines sont paillées pour éviter la casse.
Musée Calvet, Avignon (84), cliché André Guerrand
Les sociétés celtiques consommaient déjà des boissons alcoolisées comme
la bière ou l’hydromel. Les vins italiens vont se répandre rapidement dans
une grande partie de la Gaule. Vers 50 avant J.C., Diodore de Sicile écrit
« Le naturel cupide de beaucoup de marchands italiens exploite la passion du vin qu’ont
les Gaulois : sur des bateaux qui suivent les cours d’eau navigables ou sur des chariots qui
roulent par les plaines, ils transportent leur vin, dont ils tirent des bénéfices incroyables, allant
jusqu’à troquer une amphore contre un esclave, en sorte que l’acheteur livre son serviteur pour
payer la boisson ». Une preuve de ce commerce nous est donnée par la diffusion
des amphores Dressel qu’on a retrouvées dans le Languedoc, en Auvergne et
le long de la vallée de la Saône. Dès le IIe siècle avant J.C., les Arvernes sont
les meilleurs clients, mais rapidement les Ségusiaves vont aussi se livrer au
commerce du vin. Les fouilles conduites sur l’emplacement des oppida de
la vallée de la Loire, et particulièrement à Essalois qui est proche du port de
Saint-Rambert, ont révélé des quantités impressionnantes d’amphores. Quant
aux Eduens, forts de leurs liens privilégiés avec Rome, ils prennent une part
importante dans ce trafic comme l’ont montré les milliers d’amphores retrouvées à Bibracte ou à Chalon-sur-Saône : en deux mois une drague y a extrait
de la Saône 24 000 pointes d’amphores !
Le transport du vin dans l’Antiquité
Les voies fluviales jouent un rôle important dans l’acheminement de ces
vins. Le trafic, d’abord maritime, passe par Marseille. Trois directions essentielles existent :
Le marchand de vin
Bas-relief
Musée Calvet, Avignon (84)
Maquette du bateau romain (75-60 av. J.C.)
dont l’épave a été découverte à la Madrague
de Gien (83)
Près de 7 000 amphores de vin rouge
étaient transportées dans ce bateau.
Certains bateaux pouvaient porter
jusqu’à 10 000 amphores, soit 2 500
à 3 000 hectolitres de vin.
Archives : mairie d’Hyères-les-Palmiers
Des origines, au XVIIe siècle
• vers Narbonne, Toulouse et la vallée du Tarn,
• par la vallée du Rhône puis les chemins permettant de gagnerles
Cévennes, l’Auvergne, et au-delà, le Bassin parisien,
• par les vallées du Rhône et de la Saône vers le Mâconnais et la Bourgogne.
Il est intéressant de noter que des vins italiens arrivant par les chemins
muletiers jusqu’à Essalois et Feurs sont ensuite acheminés par la Loire en
direction de la région parisienne. Dix-sept siècles avant le canal de Briare, des
bateaux y conduisent déjà des vins, même si un relais par la voie terrestre est
nécessaire pour passer du bassin de la Loire à celui de la Seine.
Ancre
Diffusion des vins depuis la Campanie par le Rhône et la Loire
Villa gallo-romaine d’Anse (69)
Mosaïque romaine reproduisant
une ancre semblable aux ancres
dites de Loire. IIe siècle après J.C.
Le Rhône, voie de pénétration
Dans l’histoire de notre pays, le Rhône a eu un rôle important depuis
l’Antiquité. Sa vallée a permis les communications entre les provinces méditerranéennes et les pays du Nord. Ce fleuve rapide décrit par Michelet comme
« un taureau furieux descendant des Alpes » a un débit important favorisant la
navigation descendante et la remontée par halage. Le Rhône a été pendant des siècles une route privilégiée pour les hommes et les marchandises.
Strabon écrivait au 1er siècle après J.C. : « Le plus favorable au trafic est le Rhône en
raison des nombreux affluents qu’il reçoit et parce qu’il vient se jeter dans notre mer après
avoir traversé les régions les plus fertiles de la Gaule ».
à l’époque gallo-romaine, Arles était un port important, point de jonction
entre les bateaux venus de tous les rivages de la Méditerranée romaine et les
bateaux fluviaux remontant le Rhône jusqu’à Lyon. Des esclaves y déchargeaient les vins, huiles et autres marchandises transportées jusqu’ici dans des
amphores pour les transvaser dans des grandes jarres, les « dolia », ou dans
des tonneaux.
Vienne, ancienne capitale du peuple allobroge, était également un port important jusqu’où pouvaient remonter des embarcations de fort tonnage. De
là partaient plusieurs chemins muletiers traversant les contreforts du Massif
Central et permettant d’acheminer dans le territoire ségusiave les vins arrivés
par bateau ou produits sur place. Par la vallée du Gier, les marchandises pouvaient aussi parvenir vers la Loire et poursuivre leur voyage par un nouveau
transport fluvial.
Lyon était également un lieu de rupture de charge et de redistribution des
marchandises. Un entrepôt découvert récemment en bordure de la Saône
permettait de stocker dans des « dolia » 20 000 litres de vin. Des amphores
étaient fabriquées sur place pour le transport des vins amenés en vrac. Trois
ports de cette époque ont été localisés et des épaves de grands bateaux ont été
dégagées. La fouille du Parc Saint-Georges a notamment permis de découvrir
en 2003 six grands chalands dont trois ont été conservés pour être exposés.
à partir de Lyon et de la Saône, on rejoignait les vallées de la Seine et du
Doubs.
Pour le transport du vin, les amphores sont les récipients les plus répandus.
Elles ont l’inconvénient d’être lourdes, mais elles sont solides et permettent
une bonne conservation du vin. Des outres de peau sont aussi utilisées pour
les transports terrestres et pour de courts trajets. Une peinture de Pompéi
montre un char à quatre roues tiré par deux chevaux et portant une outre de
la taille d’un bœuf.
La Loire, un fleuve de vins
La vigne se répand en Gaule
La colonisation du Languedoc par les Romains incita certainement les
premiers colons à planter de la vigne. à Nîmes, des plantations du 1er siècle
avant J.C. ont été révélées par les fouilles. La pratique du marcottage était
connue et la densité des ceps a même pu être calculée : elle avoisinait 10 000
pieds à l’hectare.
Amphore vinaire du type Dressel
Musée d’Archéologie, Feurs (42)
Amphore gauloise
La distribution des vins gallo-romains se
fera essentiellemnt par ce vase.
Musée d’Archéologie, Feurs (42)
Dolia et outres
à partir de l’an 10 avant J.C., le transport du
vin par voies maritimes ou fluviales et son
stockage s’effectuent en partie dans un nouveau type de récipient, le dolium (au pluriel,
les dolia), énorme jarre de terre cuite, haute
de 1,60 à 1,80 mètres, pouvant contenir
2 000 à 2 500 litres de vins.
Lourde et de faible capacité (27 litres environ), l’amphore est inadaptée aux transports terrestres volumineux. Elle est alors
remplacée par un emballage souple et léger,
fait d’une peau de boeuf : l’outre.
Une outre de grande taille pouvait contenir
jusqu’à 500 litres de vin.
Des origines au XVIIe siècle
Le tonneau, invention gauloise ?
Le vignoble rhodanien est en
place dès le premier siècle de notre
ère. Les vins de l’Hermitage et des
Côtes-Rôties jouissent d’une grande
renommée. Le vin poissé de Vienne
« la vineuse » est très apprécié des
Romains. Vers l’an 70, Pline le naturaliste écrit « que les Allobroges sont très
fiers de la réputation de leurs vins ». Quant
au cépage Viognier, il aurait été introduit dans la région de Condrieu
par Probus au IIIe siècle.
Le Forez a vu arriver la vigne plus
tardivement. Des pépins de raisin et
des fragments ont cependant été retrouvés dans les fouilles de l’oppidum
du Crêt-Chatelard, près de Roanne.
La diffusion de la vigne en Gaule fut sans doute favorisée par la proximité
des cours d’eau puisque des grandes régions vinicoles se trouvent le long de
la Garonne, du Rhône, de la Saône et de la Loire.
Le tonneau est inconnu dans l’antiquité. Dans l’Egypte ancienne, on savait cintrer le bois, fabriquer des boisseaux,
mais on conservait le vin dans des vases en terre cuite. Chez les Grecs, quand on parle du tonneau des Danaïdes
ou de celui de Diogène, il s’agit de grands récipients en argile ou en bronze. Le mot tonneau est donc une mauvaise
traduction.
On a souvent fait dire à Pline l’Ancien que le tonneau est une invention gauloise. Il n’a jamais dit ça !
Comme les Etrusques, les Celtes fabriquaient des chopes, des cuves en bois et surtout des seaux cerclés de bronze
(on en a retrouvé près de 200), mais rien ne prouve qu’ils ont su fabriquer des tonneaux avant la conquête romaine.
Pour la boisson de leurs banquets, ils utilisaient des cruches en argile ou des vases en bronze.
Alors quel peuple a été l’inventeur ?
Le Rhône et le vignoble de Condrieu
La facilité des transports terrestres fut aussi un élément déterminant dans
cette diffusion. Ainsi le transport sur la Loire, puis par charrois de la Loire
à la Seine, ont rendu possible la formation d’un grand vignoble commercial
autour d’Orléans, dont Grégoire de Tours signale l’importance au VIe siècle.
Le tonneau s’est imposé plus tard pour le transport du vin, mais aussi de beaucoup d’autres marchandises comme
l’huile, le sel, le poisson, le blé, la « quincaille »… On évalue d’ailleurs la capacité d’un navire en tonneaux.
De nombreux documents prouvent la présence de la vigne au Moyen-Age.
Dans le territoire qui est maintenant constitué par les départements de la
Loire et de la Saône-et-Loire, les registres paroissiaux signalent des vignerons
un peu partout, y compris dans des zones où la vigne a complètement disparu
par la suite. Le Pélussinois et le Jarez, les plaines du Forez et de Roanne, le
Brionnais au nord et les coteaux de la rive gauche du Rhône portent de nombreux vignobles.
La Loire, un fleuve de vins
10
Effectivement on a découvert dans cette région des indices de tonnellerie : cercles, bouchons en bois, douelles
cintrées… On peut donc penser que ce peuple savait fabriquer des tonneaux avant la conquête romaine. Les Romains
ont probablement trouvé l’invention intéressante, tout au moins pour un usage bien particulier puisqu’on a trouvé
également dans de nombreux sites des tonneaux réutilisés comme cuvelage de puits. La plupart de ces tonneaux
étaient en bois de cônifères : sapin argenté, mélèze, épicéa. Le chêne sera utilisé plus tard.
Malgré les avantages connus du tonneau, l’amphore a semble-t-il bien résisté puisqu’on la trouve en quantité dans
les oppida et les cités gallo-romaines.
La vigne au Moyen-Âge
Une charte de l’abbaye de Savigny signale la présence de la vigne à Boënsur-Lignon en 980. Dans le Roannais, la vigne est attestée à Villerest en l’an
970, et il est écrit dans une charte accordée par les Bénédictins d’Ambierle,
que les femmes en couches reçoivent chaque jour une miche de pain et un
« méral » de vin. De plus, à la fête de Pâques, les religieux remettaient « du bon
vin pur en quantité nécessaire pour le partager entre les habitants, hommes et femmes… »
Bien évidemment seigneurs et religieux prélèvent chaque année leur part sur
les récoltes pour « la garde des vignes ».
Il faut sans doute, pour le savoir, faire confiance à Pline qui a écrit « Circa Alpes ligneis vasis condunt circulisque cingunt » :
« Autour des Alpes on conserve le vin grâce à des récipients en bois entourés de cercles ». Il s’agirait donc de la région constituée par
l’Italie du nord, une partie de la Suisse et du Tyrol où existait dès le Ve siècle avant.J.C., une civilisation assez méconnue :
les Rhètes.
Sources : Archéologia n°421 (avril 2005)
Le village médiéval de Villerest (42)
Le vignoble de la Côte Roannaise date sans
doute de l’époque gallo-romaine, mais ce
sont les moines de Cluny qui ont été les
grands promoteurs de la viticulture dans la
région de Roanne. à Villerest leur influence
est attestée depuis le Xe siècle.
In Villerest, 25000 ans d’histoire sur les bords de
la Loire, Thoba’s éditions, 2006.
Linteau de la chapelle Saint-Pierre
La porte sud de la chapelle Saint-Pierre à Colonzelles (26) est
surmontée d’un linteau, vraisemblablement en réemploi d’un
monument funéraire de naute.
Ce linteau sculpté de deux gros tonneaux et de fragments
de deux autres, témoigne de l’utilisation du tonneau dans
l’antiquité gallo-romaine.
Des origines au XVIIe siècle
11
Comme dans beaucoup d’autres régions françaises, les Ordres monastiques et les grandes familles de la noblesse ont joué un rôle important dans
la propagation de la vigne qui s’étend un peu partout en France au MoyenÂge. Au XIe siècle, Raoul Tortaire, moine de Saint-Benoît-sur-Loire, écrit que
Sancerre regorge de vins. Lors de la reconstruction de l’église Saint Martin,
alors qu’on manquait d’eau pour le mortier, André de Fleury, le maître d’œuvre,
ordonna « qu’on y employât du vin, qu’on trouvait sur place en quantité ».
Les vins de qualité médiocre sont consommés sur place. Par contre les vins
de qualité réservés aux personnages importants sont souvent transportés fort
loin. Les ¾ des vins consommés à la Cour pontificale viennent de la vallée
du Rhône. En 1241, le vin de Saint-Pourçain est servi aux fêtes données par
Saint-Louis à Saumur. En 1325, le sire de Cassel en Flandre achète à la Foire
d’Orléans pour son hôtel, cinq tonneaux de vin de Sancerre, six de Nevers
et trois de Saint-Pourçain. Ces vins sont transportés la plupart du temps par
la voie fluviale. C’est par l’Allier et la Loire que le roi Louis II envoie quatre
tonneaux de vin qu’il offre à Messire Jehan de Breuilh, ce qui occasionne une
dépense de neuf livres « pour cause de charroy de mener par aygue de Molins à Tours ».
Par les Lettres Patentes données à Paris les 23 mai 1402, Charles VI accorde
aux marchands fréquentant la Loire l’autorisation de lever un droit sur les
marchandises transportées par eau. On peut lire : « Pour chacun chalan portant
trente pipes ou quées de vin ou le pesant d’icelles…sept sols dix deniers tournois…» et pour
chacun chalan portant portant vingt pipes ou quées de vin… cinq sols tournois. et que ledit
subside soit reseu à La Charité, à Moulins, à Nevers et audit lieu de Gien ou ailleurs… »
Jusqu’au XVIIe siècle, les vins restèrent la principale denrée transportée sur
la Loire et l’Allier.
La Loire, fleuve marchand
Pendant longtemps, à cause du mauvais état des routes et des chemins,
la navigation sur les fleuves et les rivières a été le moyen le plus pratique, et
souvent le plus rapide, de transporter des marchandises.
En parlant de la Gaule, Strabon écrivait déjà au début de notre ère :
« Les lits de tous ses fleuves sont les uns à l’égard des autres si heureusement disposés par
la nature qu’on peut aisément transporter des marchandises de l’Océan à la Méditerranée
et réciproquement, car la plus grande partie du transport se fait par eau en descendant ou
en remontant les fleuves et le peu de chemin qui reste à faire est d’autant commode qu’on
n’a que des plaines à traverser ».
Parmi ces cours d’eau la Loire a joué un rôle déterminant. Comme l’a
écrit François Beaudoin, elle est le seul cours d’eau d’Europe qui puisse être
remonté à la voile sur plus de 400 kilomètres, de Nantes à Orléans, grâce aux
vents d’Ouest. Dès le début du XIVe siècle, les différentes corporations dont
La Loire, un fleuve de vins
12
les activités étaient liées au fleuve se sont regroupées en une puissante fédération, la Communauté des Marchands fréquentant la Rivière de Loire et autres fleuves…
La chapelle saint-Pierre à Colonzelles (26)
Dernier grand fleuve sauvage d’Europe, riche de ses paysages, de sa flore
et de sa faune, la Loire fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Autrefois elle présentait surtout l’intérêt de porter des bateaux et de nourrir des
poissons. Elle était aussi réputée pour la violence de ses crues. Il est intéressant de connaître cette description du fleuve au XVIe siècle citée par Guy
Coquille dans son Histoire du Nivernois.
Les boutières
« La rivière de Loyre prend son origine ès hautes montagnes d’Auvergne près Le Puy
Notre-Dame en Velay et commence à porter bateaux à Roanne, vingt-huit lieues au-dessus
de Nevers, et dure son cours de navigation jusqu’à la mer Océane où elle s’embouche avec
son nom, et est ledit cours de navigation de cent soixante lieues, séparant le Royaume presque en deux portions égales : passe près des villes de Marsigny, Bourbon-Lanseiz, Desize,
Nevers, La Charité , Cosne, Gyen, Orléans, Blois, Amboise, Tours, Saumur et Nantes.
Selon l’ancienne description des Gaules, cette rivière de Loyre sépare la Gaule celtique de
l‘Aquitaine : rivière abondante en poisson, tant poisson naturel en icelle qu’en poisson de
mer qui en certaines saisons de l’an se jette en ladite rivière tirant contre mont icelles : comme
aloses et lamproyes ès mois d’avril et may, Mulets au grand été et Plies en tout tems : aucune
fois des Saumons qui autrefois y ont plus abondé, et disent les pêcheurs qu’il y a trente ans
qu’ils s’en sont effarouchez depuis que les mulets commencèrent à y repairer en abondance.
L’état actuel de la chapelle correspond à
celui qu’elle avait au XIIe siècle.
On appelle « boutières » des chemins anciens partant des ports du
Rhône et de la Saône et sur lesquels
des marchandises diverses étaient
transportées par des mulets. Le vin
était une des principales marchandises
ainsi transportées et l’origine du nom
« boutière » est à trouver dans le mot
latin « boteria » désignant « une peau
dans laquelle se porte le vin par les lieux
malaisés au charroy ».
Ces chemins muletiers se retrouvent
aussi bien dans l’ancien Vivarais que
dans la Bourgogne du sud. Les mulets
circulaient en convois de plusieurs
bêtes chargées qu’on appelait « coubles ».
Là est peut-être l’origine du mot
« coublage » désignant des sapines
liées par deux pour naviguer et qu’on
a traduit par le mot « couplage ».
Cette même rivière qui apporte plusieurs commoditez apporte aussi grands dommages
par ses inondations, parce qu’elle n’est retenue de rives hautes naturelles, vray est qu’au-dessous d’Orléans elle est retenue par levées faites de main d’homme : l’inondation est ordinaire
au mois de May, comme les Histoires disent du Nil en Egypte, qui croît tous les ans au
mois de juin : la creuë de May en Loyre vient par l’occasion de ce que les sapins qui sont
ès hautes montagnes de Forests et d’Auvergne en ce tems jettent une humeur qui est tiède,
laquelle avec les pluies douces qui ont accoutumé de cheoir du Ciel en ce même tems, font
fondre les neiges qui sont ès dites montagnes hautes outre laquelle crueuës ordinaire elle
inonde aussi par les grandes pluyes en Hyver, au Printemps et en Automne. Aussi cette
rivière fait grand dommage inconstance , car étant sablonneuse et ses rives étant de terre
légère elle change souvent son cours et son profond jettant grande quantité de sable ès lieux
où souloit être le sable : en sorte que les mariniers (ainsi appelle-t-on les bateliers navigans
sur icelle) ne peuvent être experts pour la conduite du gouvernail sinon avec une longue expérience et bon jugement naturel pour sçavoir discerner à l’œil de quelle part est le profond ».
L’histoire de la Marine de Loire est émaillée de difficultés et d’accidents,
malgré tous les efforts pour améliorer son cours et rendre plus sûre la navigation. C’est le roi Henri IV qui lancera une série de grands travaux, avec la
réalisation du premier canal à bief de partage : le canal de Briare.
Les Gorges de la Loire à Semène,
en amont de Saint-Just Saint-Rambert.
Les canaux à bief de partage
Ils réunissent des cours d’eau appartenant à des bassins-versants différents, séparés par une ligne de partage
des eaux, ainsi nommée parce que les
eaux de ruissellement coulent vers
l’un ou l’autre bassin. Des écluses à
sas - invention de la fin du XVe siècle permettent de franchir le dénivelé. Le
bief est la portion de canal comprise
entre deux écluses. Le bief de partage
est le bief le plus élevé, celui qui franchit la ligne de partage des eaux.
La principale difficulté rencontrée
dans le fonctionnement de ces canaux
était l’approvisionnement en eau,
obligatoirement assuré par des cours
d’eau ou des étangs situés au moins
au niveau du bief le plus élevé.
Des origines au XVIIe siècle
13
« Considérons que le
principal commerce de notre
royaume se fait sur la dite
rivière de Loire ».
édit du 31 décembre 1559 de François II.
« Les véritables chemins
pour les grandes communications sont les mers, les rivières
et les canaux navigables ».
Gauthey, inspecteur principal des Ponts
et Chaussées, Mémoire sur les canaux de
navigation, 1777.
« Les transports sur la
Loire comprennent principalement la houille de SaintEtienne, les vins récoltés dans
l’arrondissement (de Roanne),
les vins du Beaujolais et les
marchandises du Midi ».
Lettre du sous-préfet de Roanne au
préfet de la Loire, le 21 janvier 1832.
La Loire, un fleuve de vins
14
Vins d’Auvergne et du Forez , le transport dans les sapines
Vignes à Saint-Romain-le-Puy
Au pied du prieuré, datant du XIe siècle, la vigne a retrouvé son droit de cité, grâce à Daniel Mondon.
Les vins d’Auvergne
Loin d’être enclavée comme on pourrait le penser, l’Auvergne était à l’époque gallo-romaine, une zone de passage et de transit pour de nombreuses
marchandises. Un itinéraire méridional empruntait la basse vallée du Rhône,
puis la vallée de l’Ardèche sur 120 km et rejoignait les rives de l’Allier par le
col du Pal. Cette voie, moitié par eau, moitié par terre, partait de Marseille.
Elle existait déjà avant la conquête romaine
Un autre itinéraire permettant éventuellement de rejoindre l’Allier partait
de Beaucaire et passait par Nîmes et Le Puy. Jusqu’au XVIIIe siècle, il fut
préféré au Rhône pour acheminer à dos de mulets des marchandises du Languedoc et de Provence.
Des renseignements précis nous sont fournis par les cahiers de comptes
tenus par le « maître de garnison » du duc de Bourbonnais Louis II à la fin du
XIVe siècle. Le vin est transporté dans des tonneaux contenant chacun quatre « asnées1 ». En décembre 1389, le duc achète dix-huit tonneaux qu’il fait
« conduire au rivage de l’Allier » par un nommé Charpentier, marchand batelier qui se charge de les transporter par voie d’eau jusqu’à Moulins.
Dans les Lettres Patentes données par le roi Charles VI à Paris en 1402, les
Marchands fréquentant la Loire sont autorisés à lever un subside sur les marchandises transportées par eau. Le vin y figure en bonne place : « pour chacun
chalan portant trente pipes ou quées de vin, sept sols six deniers tournois, et pour chacun
chalan portant vingt pipes ou quées de vin, cinq sols tournois, et que ledit subside soit reseu
à La Charité, à Moulins, à Nevers et au lieu dit de Gien ou ailleurs… »
Lorsqu’on l’expédiait à la Cour pontificale d’Avignon, le vin était acheminé par voie de terre jusqu’à Chalon-sur-Saône. De là, il descendait la Saône
et le Rhône. Les ducs de Bourbon et les comtes de Forez appréciaient aussi
ces vins.
Porte Panessac, au Puy en Velay (43)
Passant devant les portes de la ville,
les muletiers transportent des outres de vins.
Le vin constituait la majeure partie de ce transport. Les nombreuses amphores vinaires découvertes dans la vallée de l’Allier démontrent l’importance
du trafic. Même après que la culture de la vigne se fût répandue en Gaule, on
continuait à faire venir des vins méditerranéens.
Les Arvernes étaient de sérieux clients. Les Grecs ont vanté le luxe et la
splendeur des fêtes données par leur roi. On y trouvait « des cuves emplies
de vin ». Récemment, au cours des fouilles entreprises sur l’oppidum gaulois
de Cadole, au sud-est de Clermont-Ferrand, on a retrouvé plusieurs dizaines
d’amphores intactes contenant encore du vin.
Plaque muletière
La Loire, un fleuve de vins
24
Les coteaux d’Auvergne et du Bourbonnais étaient déjà plantés de vignes
au Moyen-Age. Certains vins étaient réputés comme celui de Saint-Pourçain,
servi aux fêtes données par Saint Louis à Saumur en 1241. Il en fut également servi à l’occasion du sacre de Philippe de Valois en 1328. Ce vin était
transporté par l’Allier et la Loire jusqu’à Briare ou Gien, puis après un bref
charroi, par le Loing et la Seine.
L’Allier à Apremont-sur-Allier
Jusqu’au XVIIe siècle, les vins resteront la principale denrée exportée par la
voie d’eau depuis l’Auvergne et le Bourbonnais. Ces deux provinces n’étaient
pas concurrentes, puisque l’une exportait son vin blanc, et l’autre son vin
rouge. Les grands ports aux vins de la vallée de l’Allier se trouvaient à Monétay-la-chaise, Châtel de Neuvre, et Moulins dans le Bourbonnais, à Mirefleurs,
Les Martres-de-Veyre et Pont-du-Château en Auvergne.
L’ouverture du canal de Briare, en 1642, facilitera ce transport. Très
vite les sapines auvergnates acheminent en grandes quantités vers Paris les
charbons et les vins des bassins d’Auvergne et du Bourbonnais.
Note :
1. Asnée ou ânée : charge d’un âne
correspondant à un peu plus de
100 litres
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
25
« Si vous n’êtes en lieu
pour vendre votre vin, que
feriez-vous d’un grand
vignoble... La débite sera
la règle de notre vignoble »
Olivier de Serres
Théâtre d’agriculture et Mesnage
des champs. (1600)
En 1743, des vins d’Auvergne étaient vendus à l’Hôtel des Invalides à Paris.
Souvent ces vins n’étaient utilisés que pour en colorer d’autres. On leur reprochait
de « manquer de consistance et de corps », et aussi, d’être trop chers. Il faut dire que les
fraudes étaient nombreuses. Le vin était souvent additionné d’eau. Les mariniers
disposaient d’un fût sur vingt et un pour compenser le coulage et pour s’abreuver. S’ils étaient contraints de « mettre en fosse », ce qui prolongeait la durée
du voyage, ils buvaient aux tonneaux et compensaient avec de l’eau.
En effet, l’insuffisance du volume d’eau dans l’Allier et la Loire, mais
aussi parfois dans le canal de Briare, contraignait les mariniers à s’arrêter. Ils
laissaient un gardien et s’en retournaient dans leur pays. Auguste Mahaut,
célèbre marinier, raconte que des bateaux restèrent en fosse si longtemps que
la femme du gardien accoucha deux fois avant qu’il ne vienne assez d’eau
pour « déraper ».
On estime à 240 le nombre de bateaux de vin d’Auvergne ayant franchi en
1752 le canal de Briare. Chacun d’eux pouvait porter de 150 à 200 pièces, ce
qui représente un volume d’environ 100 000 hectolitres pour l’année. Toutefois les vins auvergnats subissaient le handicap des taxes à payer à la sortie de
la Province. Leur commerce reprit de l’extension à la période révolutionnaire
lorsque la douane de Vichy et les péages furent supprimés. En 1825, 35 000
pièces de vin, jauge d’Auvergne, passent par le canal de Briare. Ces expéditions importantes de vins ne vont pas sans poser des problèmes. La Chambre
de commerce de Clermont-Ferrand écrit en 1827:
« Les vins, eaux de vie,
se mènent facilement par
eau, et à peu de frais… »
Vauban (1633-1717)
« Les principales embarcations de vins sur l’Allier ont ordinairement lieu par les crues
de Novembre. Chacun s’empresse de profiter d’une circonstance qui n’est que passagère. La
précipitation fait renchérir souvent le prix des bateaux, des futailles et le salaire des mariniers. Les vins arrivent en masse au canal de Briare où l’encombrement est tel qu’ils sont
forcés d’y faire un long séjour ; enfin leur arrivée simultanée au port de la Rapée fait naître
une concurrence souvent préjudiciable aux vendeurs et toujours aux propriétaires… »
Malgré tous ces inconvénients, le transport par la voie d’eau restait
attrayant. « En effet cent pièces de vin descendaient l’Allier sur un bateau , alors que, par
la route, ce même transport aurait demandé 33 charrettes et 33 chevaux ».
Les sapines auvergnates
Les deux centres principaux de fabrication des sapines auvergnates
correspondent aux deux régions minières de Brassac-les-mines et de Moulins.
La navigation possible sur l’Allier, la présence du charbon et la proximité
des grandes forêts de sapins de Champagnac-le-Vieux et de La Chaise-Dieu
expliquent que les premiers ateliers de construction se soient installés dans la
région de Brassac. C’est à Brassaget, quartier de Brassac qu’apparaissent en
1670 les premiers noms de charpentiers en bateaux. Les bateaux destinés à
La Loire, un fleuve de vins
26
« l’avalaison », c’est-à-dire à la descente du courant, sont faits en longues planches de sapin. La proximité des forêts de Champagnac-le-vieux, Saint-Hilaire,
La Chaise-Dieu, favorise l’implantation d’ateliers sur les rives de l’Allier. Les
techniques de fabrication des sapines furent apportées par des charpentiers
en bateaux comme cet Antoine Simonnet qui venait d’Iguerande, un port sur
la Loire du diocèse de Mâcon.
C’est surtout à Jumeaux - appelé autrefois Gimeaux-sur-Allier - que s’établit un centre important de fabrication des sapines. En 1780 on y comptera
200 ouvriers fabriquant 2 000 bateaux par an. Un voyageur trace en 1788 le
tableau suivant :
«… le long de la rivière on ne voit que chantiers, amas de planches, constructions,
actions, sapinières à toutes les époques de travail, enfin un ensemble d’industries si ravissant
à voir et si rare en Auvergne. Ces bateaux sont entièrement en sapin. Destinés à ne faire
qu’un seul voyage et devant être vendus ou dépecés en arrivant dans la métropole, il n’a fallu
leur donner que la solidité nécessaire à la navigation. Mais en même temps, ayant à voguer
sur une rivière ayant très peu d’eau, il les fallait extrêmement légers. Nulle ferrure que
celle des avirons et autre absolument indispensable. Leurs pièces ne sont même assemblées
qu’avec des chevilles de sapin, et de là vient le nom de sapinière qu’on leur donne… »
Comme à Saint-Rambert, centre de construction des sapines foréziennes,
les ateliers, d’une surface d’environ 700 m2, s’échelonnaient le long des
rives. Le travail s’effectuait en plein air. Une simple cabane de planches servait au rangement des outils. Deux grands bateaux pouvaient être construits
simultanément dans chaque atelier. Ils avaient en moyenne une vingtaine de
mètres. Chargés de quinze à vingt tonnes dans la partie supérieure de l’Allier,
ils étaient surchargés en cours de route jusqu’à quarante tonnes.
Chaque année vingt mille grands sapins étaient nécessaires à la construction des bateaux. Un grand marché de bois se tenait à La Mothe, près de
Brioude. La foire de Notre-Dame des Neiges à Saint-Germain-Lherm
donnait lieu à d’importantes transactions. Les bois arrivaient dans les différents ateliers par flottage ou par charrois.
D’autres chantiers de construction s’implantèrent à Moulins et au Veurdre.
On y fabriquait des bateaux en sapin de plus grandes dimensions appelés
« toues » et aussi des « chênières », bateaux en chêne plus robustes. Toutes ces
embarcations, souvent nommées « auvergnates », transportaient du charbon de
terre et des vins en direction de la capitale.
Il ne faut pas oublier que de nombreux trains de bois étaient acheminés
par l’Allier et la Dore. Pour les taxes on distinguait deux sortes de trains de
bois, selon qu’ils étaient « chargés » ou « non chargés ». La charge était souvent
constituée de poinçons de vin.
Fontaine au Veurdre, « le coin des fénéants »
Ici se rassemblaient les ouvriers
occasionnels du port en l’attente
d’une embauche.
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
27
Les vins du Forez
bateaux. Cette industrie est devenue beaucoup plus active : on a porté ce nombre pendant
plusieurs années à 2 200 ; dans ce moment de stagnation, il ne dépasse guère mille.
Dès le Moyen-Age, et peut-être même avant, la vigne est cultivée en de
nombreux endroits du Forez. Malgré des conditions climatiques peu favorables, notamment les gelées tardives du printemps, la vigne couvre les pentes
rocailleuses et bien exposées des Monts du Lyonnais et des Monts du Forez.
Tous les bourgeois un peu aisés possèdent quelques arpents de vigne fournissant leur consommation familiale. Les inventaires après décès font souvent
état de stocks de vin. Ainsi en 1288, Jean de Sal bourgeois de Montbrison,
en possède 186 « ânées », environ 200 hl. En 1314, Mathieu Chambon a une
réserve de 267 « ânées » dont une partie, il est vrai, est du vin tourné.
Les bateaux partent chargés d’une petite partie du produit des manufactures de SaintEtienne, de Saint-Chamond, et surtout du charbon de terre. Arrivés à Roanne, où la
Loire ne présente plus d’écueils, la charge est augmentée dans la proportion de 10 à 15, et
quelquefois à 18, suivant la hauteur des eaux. Les bateaux vidés par cette opération, ainsi
que ceux qui se fabriquent à Roanne, au nombre d’environ 300, servent au transport des
vins du Roannais, et des marchandises expédiées du midi. La charge augmente ensuite en
descendant le fleuve : au canal de Briare on renouvelle la manœuvre faite à Roanne ; on
ajoute les deux tiers ou la moitié du poids. Les bateaux vides sont employés dans l’ouest au
chargement des vins, bois, charbons de bois et autres approvisionnements pour la capitale.
La charge y est augmentée dans les mêmes proportions, pour ceux qui suivent la Loire
jusqu’à Nantes.
La consommation semble élevée, mais la production forézienne couvre
sans doute les besoins locaux, car le trafic du vin est peu important. Sa qualité
médiocre n’en fait pas un produit recherché.
Les bateaux sont tous construits en bois de pin ou sapin, de la manière la plus frêle,
quoique sur une longueur commune d’environ trente mètres : aussi sont-ils déchirés dès
qu’ils sont arrivés à Paris ou à Nantes, à l’exception de ceux du chantier de Roanne,
construits en partie en bois de chêne.
à Saint-Rambert, bourgade située sur la « haute Loire », à 60 km environ
en amont de Roanne, on construit déjà des bateaux au Moyen-Âge. La vigne
étant répandue sur les coteaux bordant la plaine du Forez, il est probable que
ces bateaux de Saint-Rambert transportent des tonneaux de vin à destination
des bourgs proches de la Loire. En 1572, l’ingénieur Craponne se dit capable
« par des écluses et autres ouvrages, par brisement de rochers, [de] rendre la rivière navigable
pour les barques portant la pesanteur de trente poinçons de vin… ».
Avant la Révolution, un bateau coûtait à Saint-Rambert environ 200 francs ; il en
coûte aujourd’hui 5 à 600. Ceux de Roanne peuvent être évalués de 6 à 700 francs ;
et multipliant le prix moyen 650 par 1 200, nombre de bateaux construits annuellement,
on a un produit de 780 000 francs, que cette industrie laisse dans le département.
Champdieu, vigne et prieuré
Les travaux de La Gardette
Tant d’avantages seraient au moment de disparaître par le manque de bois de construction :
mais l’ouverture de la nouvelle route d’Annonay à Roanne, la confection presque achevée
des chemins de Montbrison aux bois des montagnes de l’ouest, et surtout de Pierre-surHaute, offrent des ressources prochaines, et peut-être suffisantes pour alimenter les chantiers
de Saint-Rambert.
Lorsque Pierre de la Gardette obtient en 1702 la concession de la
navigation sur la Loire, il entreprend des travaux importants destinés à rendre
la Loire navigable pour de grands bateaux en amont de Roanne. Dans les
gorges redoutées qui séparent la plaine du Forez de celle de Roanne, il dégage
à grand renfort d’explosifs le lit du fleuve des rochers qui l’encombrent et fait
construire des digues destinées à freiner les flots impétueux de la Loire dans
les périodes de crues importantes.
A cela on peut joindre le prolongement plusieurs fois proposé de la navigation de
le Loire au-dessus de Saint-Rambert jusqu’à Bas-en-Basset, qui fut reconnue possible
jusqu’au Chambon, par des essais faits en l’an 5. Une Compagnie de Saint-Etienne offre
de faire remonter à ses frais la navigation jusqu’à Saint-Paul-en-Cornillon. Cette entreprise, accueillie favorablement, rapprochera les bois nécessaires au transport du combustible
et des marchandises ».
Bien entendu La Gardette percevra un important droit de navigation sur
les bateaux empruntant la Loire au départ de Saint-Just. Il était également
autorisé par le roi à ouvrir des mines de charbon de terre dans la région de
Saint-Etienne. Le transport du charbon fera naître une navigation très importante dont bénéficiera le commerce du vin.
Les saint-rambertes
La navigation ligérienne au XVIII siècle
e
On peut lire, dans le Journal du département de la Loire du 16 décembre
1809 l’article suivant :
« De 1710 à 1789, il s’est fabriqué à Saint-Rambert, année commune, environ 1 200
La Loire, un fleuve de vins
28
Couplage de saint-rambertes
Aquarelle de E. Chassagne, 2002, réalisée pour le musée de
saint-rambertes transportant des tonneaux de vins.
Saint-Bonnet-les-Oules, figurant un couplage de
Les bateaux destinés à ce transport seront des sapines appelées ici « saintrambertes » car les ateliers de construction sont installés à Saint-Rambert, sur
la rive gauche du fleuve. Le premier de ces bateaux aurait été construit par
Bernard Robelin, un charpentier originaire du village de Melay en Saône-etLoire où existait un chantier de construction de bateaux. Les saint-rambertes
étaient de grands bateaux de 23 à 27 mètres de long, dont l’avant était relevé,
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
29
Saint-Just Saint-Rambert
Négociant en charbon à Saint-Just
l’arrière formant un tableau vertical. Construits en longues planches de sapin
se chevauchant partiellement dans un montage dit « à clin », ces bateaux à fond
plat pouvaient naviguer sur les eaux irrégulières et encombrées d’obstacles
de la Loire. Une longue rame servait de gouvernail, et des bourdes, longs et
solides bâtons ferrés, étaient utilisés pour éviter les obstacles. Calfatés sommairement avec de la simple mousse des bois, ils pouvaient porter une vingtaine de tonnes au départ de Saint-Just sur Loire. Consolidés et surchargés en
cours de route, il n’était pas rare de les voir arriver dans la région parisienne
chargés de plus de soixante tonnes de marchandises. Construits de manière
économique puisqu’ils effectuaient en principe un seul voyage, c’étaient néanmoins des bateaux parfaitement adaptés à la navigation fluviale.
Essentiellement utilisées jusqu’à Roanne pour le transport du charbon, de
nombreuses saint-rambertes libérées de leur cargaison seront ensuite chargées de pièces de vin. Dans les années 1830-1840, ce sont près de 3 000
bateaux fabriqués dans les ateliers de Saint-Rambert qui descendront la Loire
chaque année.
Du charbon, mais aussi du vin !
Charge du Forez
Charge utilisée par Daniel Mondon pour la
vendange 2000.
Voiturier à Saint-Rambert
La Loire, un fleuve de vins
30
Un chargement de charbon d’une vingtaine de tonnes se répartissait sur
une hauteur n’excédant pas 40 centimètres, on pouvait compléter le chargement avec des tonneaux de vin. C’est sans doute ainsi que des voituriers par eau
de Saint-Just sur Loire ont ajouté au négoce du charbon de terre celui du vin.
Dans son Histoire de la vigne et du vin, R. Dion affirme même qu’une des
fonctions principales de la voie navigable Saint-Rambert - Roanne était le
transport du vin. Ce qui est certain, c’est que l’ouverture du canal de Briare
avait rendu intéressante la navigation sur la Loire pour les vins de la vallée
du Rhône, de Languedoc ou de Provence. En effet la distance à vol d’oiseau
entre Condrieu et Saint-Rambert n’est que de 40 km. Après un trajet terrestre
par les chemins muletiers du Pilat on pouvait embarquer les vins sur la Loire
pour une descente au fil de l’eau. On évitait ainsi les taxes importantes payées
à Lyon, dans le Mâconnais ou en Bourgogne.
Dans un compte-rendu du directoire du district de Saint-Etienne du
27 mars 1791 on peut lire : « [il y a ] nécessité d’entretenir la route de Saint-Chamond
à la Loire, très fréquentée pour le transport des vins du Rhône, du Languedoc et de la
Provence sur les rives de la Loire pour y être embarqués… »
Quant à Marcel Lachiver, il écrit, dans son Histoire du vignoble français :
« … Pour échapper à la fiscalité pesante de Lyon à Dijon, il était possible, à partir de
Condrieu, qui marque la limite méridionale du vignoble de Côte-Rôtie, par un col de 650
mètres d’altitude, de gagner la vallée du Gier et du Furens, et de rejoindre la Loire à
Saint-Rambert… L’ouverture du canal de Briare, en 1642, incitait à essayer cette voie
devenue moins incommode… On travailla jusqu’en 1749 à la rectification du lit du fleuve.
A ce moment-là Saint-Rambert devenait pour les vins des Côtes-du-Rhône, l’équivalent de
Pouilly pour les vins du Beaujolais, mais le parcours demeurait malheureusement plus long
et plus coûteux, empêchant les expéditions de masse comme on en vit pour le Beaujolais dans
le seconde moitié du XVIIIème siècle… »
Naufrages entre Saint-Rambert et Roanne
La navigation entre Saint-Rambert et Roanne était particulièrement difficile et dangereuse. Combien de bateaux chargés de charbon ou de vin ont-ils
été accidentés ? S’il est impossible de répondre précisément à cette question,
un rapport de Charles Pierre Normand, ingénieur en chef du roi, apporte
tout de même quelques éléments de réponse. Dans un rapport de 1779, il écrit :
« …nous nous sommes fait représenter l’état des bateaux naufragés depuis environ cinq
ans, c’est-à-dire depuis le premier janvier 1774, duquel état il résulte que sur plus de 4 000
bateaux qui, depuis ce temps, sont partis de Saint-Rambert, il n’en a été naufragés que 37,
dont 14 perdus dans les ports ou gares avec leur charge par la débâcle des glaces…
Il en a été endommagé 6 mais qui ont été réparés et conduits au port de Roanne, par
imprudence, défaut de manœuvre ou pour avoir été mal surveillés ou enfin parce qu’étant
ensablés d’autres bateaux trop proches sont tombés dessus et les ont fracassés ,
3 ont été perdus sans ressource, dans un desquels trois hommes ont été noyés, et 7 autres
ont été réparés et conduits à Roanne.
Les coups de vent ont causés 4 accidents, quatre hommes noyés.
Un bateau a été endommagé à la digue du moulin de Vezolin et un perdu sans ressource
au barrage construit par les fermiers du M. le duc d’Harcourt seigneur de Roanne, pour la
pêche du saumon…
Des 37 accidents, 9 seulement sont arrivés dans les rochers. Les ¾ de ces accidents sont
arrivés dans la plaine du Forez. »
Si l’on en croit ce rapport, c’est en moyenne un peu moins de un bateau
sur cent quittant Saint-Rambert qui était accidenté avant Roanne. Ce pourcentage paraît relativement faible, mais il faut bien considérer que jusqu’à
Roanne c’est seulement une petite partie du parcours qui est franchie. Le
trajet jusqu’à Paris, destination pour la plupart des bateaux, est encore long et
les risques d’accidents nombreux.
Par ailleurs dans les années 1830-1840, ce seront plus de 4 000 bateaux
chargés qui quitteront chaque année les ports de Saint-Just sur Loire ou
Andrézieux. On peut estimer qu’en 150 ans de navigation, plus de 2 000
bateaux ont été accidentés.
Des tricheurs chez les charpentiers
Les charpentiers en bateaux de SaintRambert avaient leurs ateliers sur la rive
gauche de la Loire. Travaillant en petites
équipes, souvent en famille, ils étaient liés
par contrat à des marchands voituriers
de la région. Ils étaient payés à la tâche,
et non à la journée, fournissant les outils
et la mousse destinée au calfatage. L’apprentissage durait quatre ans. En été les
charpentiers travaillaient jusqu’à 14 heures et 16 heures par jour. L’hiver le travail,
qui se faisait en plein air, était souvent interrompu par les intempéries.
Les bateaux achevés traversaient la Loire
pour être chargés sur la rive droite où se
trouvaient les entrepôts. Ils devaient être
marqués et la fabricant était tenu de déclarer « le nom, surnom et demeure de
ceux à qui il les aura vendus », afin que les
droits de navigation dus à la Compagnie
Lagardette soient perçus avant le départ
des bateaux.
Comme toujours, certains tentaient de
se soustraire à ces obligations. Ainsi, le
22 floréal de l’an V de la République,
suite à une plainte des actionnaires de la
Compagnie Lagardette, le citoyen Relave,
huissier patenté immatriculé au greffe de
la Justice de paix de Saint-Rambert cite à
comparaître le nommé Hugues Déchandon, fabricant de bateaux sur le lieu dit
« le petit port ». Ce dernier refusait de
marquer ses bateaux et oubliait de se présenter au bureau de la Compagnie pour
prendre des acquits. Lors de la visite de
l’huissier il avait refusé de montrer ses registres. Toute sa famille faisait aussi de la
résistance puisque l’huissier ajoute dans
son procès-verbal : « J’ai laissé copie de
la présente citation en son domicile, en
parlant à une fille ou femme qui a refusé
de dire son nom, de ce sommée… »
La profession de garde-port sera créée
pour faire appliquer les règlements, mais
à Saint-Rambert en 1813, c’est un Claude
Déchandon qui refusera de payer le rétribution du garde-port pour les seize bateaux qu’il a fait « glisser à l’eau » depuis
le 20 avril jusqu’au 31 juillet.
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
31
Des marchands de Saint-Just sur Loire
Les trois bateaux de Montargis arriveront le 15 février à Bercy.
Nous connaissons plusieurs voituriers par eau de Saint-Just-sur-Loire qui
faisaient le transport des vins au début du XIXe siècle. Des courriers de la
Maison Mandard font allusion à ce commerce.
Quelques jours plus tard, c’est une « équipe » de 5 bateaux de vin qui
arrive. Le déchargement des bateaux se fait difficilement « vu la grande foule de
marchandise qui est arrivée… »
La culture de la vigne dans
le département de la Loire
au milieu du XIXe siècle.
Un document concernant la faillite des frères Vincent en 1809 précise
qu’ils conduisaient du vin à Paris depuis 1806 et qu’ils ont perdu 15 000
francs sur ces voitures. En 1809 c’est un bateau chargé d’eau-de-vie qui est
perdu, ce qui aggrave encore leur situation.
Les magasins de La Râpée sont encombrés car les vins se vendent mal. Les
évènements nationaux ont une influence certaine sur cette situation : « quant
au commerce, il va toujours bien mal … sur toutes sortes de marchandises en général …
les uns disent que nous allons avoir la guerre, on ne sait à quoi s’en tenir, c’est ce qui tient
le commerce suspendu, non seulement pour nos charbons, mais toutes les marchandises et le
plus sage parti, c’est d’aller piane à piane jusqu’à ce que ce mauvais temps soit passé ».
Les vignobles du département sont,
dans la proportion de plus des deux
tiers, situés dans l’arrondissement
de Roanne, puisqu’il en contient environ 9 350 hectares répartis dans les
cantons de Roanne, Perreux, Charlieu
et Saint-Just-en-Chevalet. Dans l’arrondissement de Montbrison ce sont
plus de 3 000 hectares dans les cantons de Boën, Saint-Rambert, Montbrison, Chazelles-sur-Lyon, Feurs et
Saint-Galmier. Les vignes proches du
Rhône occupent à l’époque environ
1 000 hectares.
« On cultive la vigne à peu près de la même
manière dans tout le département : aux
approches de l’hiver, on enterre le pied du
cep qui est ordinairement peu élevé : puis
on le découvre au retour du printemps pour
rendre la taille plus facile. En mai un
labour profond ; à la bêche ou à la pioche,
est donné au terrain, suivant qu’il est plus ou
moins pierreux : vers la floraison, une seconde
façon a lieu ; au mois d’août la vigne reçoit le
dernier labour. Ces trois opérations s’appellent dans le pays, essartir, biner et tiercer.
Le provignage (marcottage), qui se fait en
hiver et au printemps, est indispensable dans
la plupart des vignobles : sans cette méthode
le plant ne durerait pas douze ans et malgré
cet usage, la vigne ne rapporte guère au-delà
de vingt-cinq ans, dans les terrains pierreux
qui produisent les meilleurs vins… »
Mais la Maison de commerce la plus importante pour ce négoce est la
Société Vial/Grenetier. Laurent Grenetier, gendre de Martin Vial est installé
à Paris d’où il gère les commandes, l’acheminement et le débarquement des
bateaux, le salaire des mariniers. Une correspondance suivie pendant l’année
1806 nous renseigne sur l’importance de leur affaire. C’est une période particulièrement difficile pour le commerce en France. Les charbons, comme
les vins, se vendent mal à Paris. Pourtant Laurent Grenetier évoque dans ses
courriers de nombreux chargements de vins. Ainsi il écrit le 28 janvier 1806 :
« Nos trois bateaux de vin ne sont qu’à Montargis… ceux qui ont passé l’hiver dans le
canal y sont encore rapport à la Seine qui est débordée… et les derniers vins, dont mon frère
est dedans (sic) je les attends aujourd’hui ».
Le mauvais temps s’en mêle : « Je vous apprends avec peine que la nuit du 12
mars, il a fait un gros coup de vent de mer qui a mis 15 bateaux de vin au fond… » ;
« Le canal est débordé et la Seine est sur 18 pieds et le temps est toujours à la pluie
(25 mars) ; au contraire le 26 juin « … la Seine se met bien basse… ».
Mais on espère des jours meilleurs : « peut-être que ça reprendra vu l’arrivée de
l’empereur à Paris… » ; « on espère que ça reprendra pour la fête du premier mai… » .
« Nous avons la paix signée avec la Russie et les négociants de Paris désireraient que celle
d’Angleterre soit faite car le traité avec l’empereur de Russie a fait un peu augmenter les
eaux-de-vie. Les marchands y perdaient la moitié auparavant ». Les vins sont vendus
à la pièce de 220 litres. « Le bon vin Mâcon vaut 106 à 108 F et celui d’Arnaison
(Côtes Roannaises) 80 F ».
L’origine des vins transportés par la Maison Vial-Grenetier est rarement
précisée. S’il est probable que c’étaient parfois des vins du Forez chargés à
Saint-Just ou dans un autre port de la région, la plupart du temps les vins
étaient chargés sur les saint-rambertes à Roanne ou à Pouilly-sous-Charlieu.
Ils arrivaient par charrois de la région roannaise, du Brionnais, du Beaujolais
ou du Mâconnais. Pourtant, comme en Auvergne, les vins étaient abondants
en Forez, au point que plusieurs demandes d’autorisation pour l’installation
de verreries autour de Saint-Etienne avaient été faites avant 1789. Elles furent
toutes refusées par l’Intendant de Lyon qui voulait préserver les intérêts de sa
ville. Les arguments ne manquaient pourtant pas :
Portrait de Jean Grenetier
Marinier de Saint-Just-sur-Loire, décoré
en 1846 pour « acte de dévouement »
lors de la grande crue de la Loire
de cette même année.
Lettre de Laurent Grenetier.
La Loire, un fleuve de vins
32
- il n’existait aucune verrerie dans le Forez
- l’éloignement des verreries et les difficultés du transport faisaient renchérir le prix des produits : le cent de bouteilles valait 15 livres en Lyonnais et
24 livres en Forez
- les vins du Forez pourraient être vendus le long de la Loire jusqu’à Nevers…
Touchard Lafosse
Les vins du Forez descendaient-ils la Loire sur les saint-rambertes ? Nos
recherches ne nous ont pas permis d’apporter une réponse définitive à cette
question. Si l’on en croit Touchard-Lafosse, « les vins du département de la Loire ne
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
33
Poème
Jadis en taillis maigre, un fourré de broussailles,
Prolongeait au couchant le bois jusqu’aux murailles ;
Que j’ai mis là d’argent, de sueurs et d’ennui !
Mais cent tonneaux de vin en coulent aujourd’hui ;
Et ma vigne, si haut sur les monts reculée,
Y mûrit sans subir ni brume, ni gelée,
Tant l’héritage entier, sur un sol attiédi,
Reçoit un bon soleil du levant au midi.
Victor de Laprade
Poète forézien né à Montbrison
(1812-1883)
se conservent pas » ce qui pourrait induire qu’ils ne se transportent pas. Pourtant
de nombreux indices nous incitent à penser que le vin produit dans la région
de Montbrison et Boën-sur-Lignon a pu être expédié sur la Loire.
Le seul fait que des marchands voituriers de Saint-Just-sur-Loire se soient
livrés à ce commerce, implique qu’ils aient eu une source d’approvisionnement locale. De même, les nombreux textes évoquant le transport des vins
entre Saint-Just et Roanne ne peuvent concerner que les vins locaux. Un arrêt
du Conseil d’état de 1749, fixe par exemple les droits de navigation sur la Loire entre Saint-Just et Roanne, en précisant qu’il sera perçu quarante sols pour
chaque poinçon de vin. Dans les archives de Nervieux, une pièce datée du 18
novembre 1823 concernant le chemin de Bussy-Albieux à Nervieux précise
que « ce chemin est suivi par les marchands de poissons et par les marchands de vins des coteaux
situés entre Boën et Saint-Germain », or Nervieux est à cette époque un port. Marcel
Lachiver, enfin, écrit : « dans le Roannais, les marchands vont chercher des vins renommés,
comme ceux de Renaison, et poussent même leurs achats un peu plus haut, sur la rive gauche de la
Loire, autour de Montbrison, là où se situe aujourd’hui le petit vignoble des Côtes du Forez ».
Le vin des Côtes d’Aurec était apprécié à Paris ! Légende ou réalité ?
Aurec était au début du XIXe siècle une bourgade de quelques centaines d’habitants située dans les gorges de la Loire « haute », en amont de Saint-Rambert.
Un vignoble y existait depuis longtemps puisqu’en 1090, le comte de Forez donne
à l’hôpital de Montbrison « la dîme du pain et du vin provenant du castrum d’Aurec ».
Dernière vigne à Aurec-sur-Loire
Photo, Jean Pestre, 1980.
« Monsieur Torti, dernier vigneron d’Aurec,
avait construit un « vinoduc » en poteries
enterrées permettant de descendre le vin depuis
le coteau, jusqu’au bord de la Loire d’où il
l’acheminait, par barque,
à son domicile ».
Note page 35
1. Les Mandard, de Saint-Just-sur-Loire,
étaient des voituriers par eau. M. Lutton
était un riche négociant d’Orléans
marié à la fille de M. Mandard aîné
qui dirigeait depuis sa « maison »
de Paris le transport de charbon
et de vin sur la Loire.
La Loire, un fleuve de vins
34
En 1819, la vigne installée sur les pentes de la rive gauche de la Loire couvrait une centaine d’hectares, d’Aurec à Saint-Paul-en-Cornillon. Pour retenir
les terres régulièrement emportées par les orages, des kilomètres de terrasses
avaient été aménagées. Ce vignoble de coteau orienté vers le sud/sud-est, à
une altitude ne dépassant pas 500 mètres, produisait un vin jugé le plus souvent
médiocre. En effet le milieu est difficile à cause des gelées tardives de printemps, des orages fréquents, de la grêle…
La vendange avait lieu à partir de la mi-octobre. Curieusement le ban de
vendange est encore en vigueur au milieu du XIXe siècle. En 1836, le Pan de
Chazourne doit récolter les 19 et 20 octobre, le Pan d’en bas le 21 octobre. Le
travail ne pourra se faire que du lever au coucher du soleil, et les grapilleurs
ne pourront entrer dans les vignes avant le lundi 24 octobre. Par contre, les
propriétés closes pourront être vendangées sans tenir compte du ban. Dans
la commune voisine de Saint-Paul-en-Cornillon, le Conseil municipal vote le
texte suivant le 1er juin 1845 : « Il est défendu de commencer les vendanges de toute
vigne non close de murs avant l’époque qui aura été fixée par les membres du Conseil municipal auxquels seront adjoints cinq propriétaires de vignobles choisis parmi les quinze plus
fort imposés de la commune ».
à Aurec les vignerons possédaient dans leurs vignes une cabane - appelée
une loge en Forez - dans laquelle ils rangeaient leurs outils, mais le raisin était
pressé au bourg, le plus souvent dans le pressoir communal. Il fallait donc
descendre la récolte sur son dos, par les sentiers et les marches bâties dans
les murs des terrasses. C’est ensuite en bateau que le raisin traversait la Loire,
puisque le bourg d’Aurec est bâti sur la rive droite. à cette époque de l’année,
la rivière était souvent grossie par les pluies d’automne, et en 1811, une crue
emporta le bateau du port utilisé pour « desservir les propriétés et les vignes que les
habitants du bourg possèdent de l’autre côté de la Loire ».
Qui buvait le vin d’Aurec ?
Les documents sont rares, ce qui a pu faire naître des hypothèses devenues
des affirmations… non fondées, ou en tout cas non prouvées.
Jusqu’au XVIe siècle les vins du Forez étaient consommés sur place. Au
début du XIXe, avec l’ouverture du port de la Noirie destiné à l’embarquement
des charbons de Firminy, des bateaux seront construits à Aurec, et plus en
amont, à Retournac. Ces bateaux transportèrent certainement du vin d’Aurec
à destination des mariniers foréziens. Ce vin allait-il parfois jusqu’à Paris pour
y être vendu ? C’est peu vraisemblable, si l’on en croit cette délibération du
5 mai 1828 : « la qualité du vin est tellement médiocre qu’il ne souffre pas le transport,
et que le propriétaire est obligé de le donner à vil prix pour le faire consommer sur les lieux ».
Une confirmation nous est donnée par un courrier adressé le 7 novembre 1826, par le sieur Monterrad, actionnaire de la Compagnie des mines de
Roche la Molière-Firminy, à Messieurs Mandard et Lyonnet, négociants
foréziens en charbon et en vins : « J’ai fait beaucoup de démarches pour remplir la
commission de Mr Lutton1, mais à mon grand regret, elles ont été jusqu’ici infructueuses.
Le vin d’Aurec de la dernière récolte n’est pas encore en état d’être mis en bouteilles ;
celui de la récolte précédente tout ce qui se trouvait en bonne qualité a été enlevé : je ne pense
pas qu’il faille envoyer du vin aussi loin, s’il n’a pas le mérite d’être bon… »
Ce qui est certain, c’est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle et jusqu’à
l’arrivée du phylloxéra vers 1880, la région industrielle de Firminy et Saint-Etienne
constitua un marché important, car la consommation de vin y atteignait des records.
Mais depuis l’arrivée à Firminy du chemin de fer de la Compagnie du PLM
(Paris-Lyon-Marseille) en 1859, des viticulteurs d’Aurec et aussi des ouvriers de la
région faisaient venir du raisin du Midi de la France. Le chemin de fer particulier de
la Compagnie des Mines transportait même du raisin pour ses ouvriers mineurs.
La réputation du vin des Côtes d’Aurec a peut-être été véhiculée par les
mariniers foréziens désireux de vanter les produits de leur région.
La Loire, département
de trois vignobles.
Le département de la Loire, point de
départ des sapines foréziennes qui ont
transporté vers la région parisienne des
millions d’hectolitres de vin, est plus
connu pour ses industries que pour son
vignoble.
Pourtant trois secteurs géographiques
du département portent des vignes qui
couvrent en tout un peu plus de mille
hectares et produisent annuellement environ 50 000 hectolitres, dont la moitié
en AOC.
Le Piémont rhodanien et les coteaux qui
dominent le Rhône portent des vignes
dont le produit jouit depuis longtemps
d’une réputation méritée. Ce sont notamment les Château-Grillet, les Condrieu et
les Saint-Joseph de la région de Chavanay.
Le vignoble forézien appartient à la catégorie
des vignobles en bordure de montagne. La
présence de vignerons montagnards est
attestée depuis le Moyen-Age. Ils utilisaient la charge pour transporter la récolte
et faire leur vin. Le plant est essentiellement
du Gamay. Aujourd’hui, le développement
de la Coopérative de Trelins, l’obtention
de l’AOC, ont contribué à la réputation
des « Côtes-du-Forez ». Certaines vignes
sont plantées sur des terrains basaltiques,
ce qui donne un vin aux caractéristiques
intéressantes.
Dans les Côtes Roannaises, les vignes sont
établies sur des coteaux bien orientés au
pied des Monts de la Madeleine qui font
suite aux monts du Forez. La proximité
du fleuve et donc la facilité des transports
ont favorisé l’expédition des vins vers la
capitale. Une longue tradition viticole a
permis, à partir de plants de Gamay comme dans le Beaujolais proche, d’obtenir
des vins de qualité qui conservent une
notoriété bien assise.
Comme dans beaucoup de régions, la vigne
a disparu de nombreux secteurs, mais les
exigences du marché, l’amélioration des
techniques et du matériel, ainsi que le
savoir-faire des vignerons concourent à
une progression constante de la qualité.
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
35
Daniel MONDON, paysan-vigneron forézien
Attaché au patrimoine viticole du Forez, Daniel Mondon fait revivre les vignes du prieuré millénaire de SaintRomain-le-Puy.
C’est un paysan, un homme qui est né, qui travaille et qui vit au pays. Il a vu le jour et a grandi dans la ferme familiale
que sa famille exploite depuis au moins le début du XVIIe siècle. Une petite ferme de 25 hectares, en polyculture :
un petit troupeau de vaches laitières, quelques chèvres, des pommes de terre, des betteraves, et un hectare de vigne.
En 1974, après avoir suivi une formation de paysagiste, Daniel Mondon s’installe avec son frère sur l’exploitation familiale. Il se lance dans la culture du tabac qu’on veut alors développer, mais qu’on abandonnera au bout de
quelques années dans les régions qui
n’y sont pas traditionnellement consacrées. Il développe alors son élevage
de vaches laitières et il plante de la
vigne, doublant sa surface. Car la vigne,
c’est sa passion. Si le paysan est fier de
ses vaches, il l’est encore plus de son
vin ! La Cave coopérative de Trelins
lui prend sa production de gamay.
Daniel Mondon vit maintenant de
ses vignes. Il a conservé les cépages
traditionnels de l’exploitation familiale
et il commercialise son « viognier » qui
intéresse des œnologues et des grands
chefs. Mais là ne s’arrête pas l’originalité
de ce « paysan-vigneron », comme il se
définit lui-même. à l’inverse de la pratique habituelle dans les zones pentues, il a planté les rangs de ceps dans
le sens de la pente, en lignes convergentes vers le sommet, ce qui met en audacieux qui ont fait du Forez une terre
valeur la beauté du site.
d’innovations.
On l’aura compris, Daniel Mon- En 1999, une proposition lui est faite
don est un vrai paysan, un travailleur par la mairie de la commune voisine,
attaché à la terre et aux valeurs tra- Saint-Romain-le-Puy : replanter de la
ditionnelles de ceux qui en vivent, vigne sur les pentes du piton volcanique
mais il est aussi un novateur qui sait qui s’élève au-dessus de la plaine. En
prendre des risques. Fidèle héritier effet, ce sommet de basalte couronné
d’une longue lignée de gens du ter- par un prieuré millénaire et mainteroir, défenseur de la nature et du pay- nant envahi par une végétation sauvage,
sage, il appartient à cette race de gens portait autrefois des vignes sur ses flancs.
La Loire, un fleuve de vins
36
Le projet passionne immédiatement
Daniel Mondon qui trouve là l’occasion
d’allier sa passion de la vigne et son
intérêt pour le paysage.
La mairie fait débroussailler, nettoyer et défoncer le sol.
Il faut ensuite planter la vigne, mettre des piquets. Les racines des arbres
et arbustes arrachés sont infectées
par un champignon « On fait de grands
trous, on enlève les racines touchées et on
change la terre. Quand les orages descendent
la terre, on la remonte… »
La colline de basalte retrouve sa vocation : la vigne s’y installe et s’y sent
bien ! Et quelle vigne ! Daniel Mondon
a eu l’idée de planter du viognier, ce cépage aristocratique du nord de la vallée
du Rhône qui produit le fameux vin
blanc de Condrieu et qui avait bien failli
disparaître.
En 1972 il n’en restait que six
hectares au monde. Un pari fou:
jamais on n’avait planté ce cépage
en Forez ! Et l’intuition était bonne.
La production se révèle d’une qualité extraordinaire. Le terrain volcanique donne au vin sa personnalité :
il est aromatique, très structuré, de
bonne garde.
Roanne et les vins du Roannais
Vue de Roanne vers 1690 - 1700
Monnet, huile sur toile, 185 x 104 cm,
Musée Joseph Déchelette, Roanne.
Le château, l’église des Jésuites, la chapelle Saint-Nicolas-du-Port...,
édifices toujours visibles de nos jours, se reconnaissent sur ce grand tableau naïf.
Trois bateaux à cabanes et deux bateaux gréés d’une grande voile latine confirment
l’importance de la navigation à Roanne au XVIIe siècle.
Le bac à traille permet la traversée du fleuve quelles que soient les conditions.
Roanne : un port ancien
Roanne a longtemps été un port de commerce très important à cause de
sa situation géographique. Situé au point extrême à partir duquel la navigation
vers l’amont devenait impossible, mais où la jonction avec la vallée du Rhône
était relativement facile, la ville s’est développée pour devenir un des ports
fluviaux français les plus importants.
En août 1528, un certain Navagero vient à Roanne, il écrit : « Un peu hors
de Roanne, on passe la Loire en barque, et souvent on peut la passer à gué. Là se trouvent
beaucoup de barques pour naviguer en aval de la Loire, qui se vendent ensuite et ne retournent plus en amont à cause de la rapidité du fleuve. Ce sont des barques couvertes, et un
grand nombre sont ornées à la façon d’une chambre. On pêche là encore des saumons, à une
si grande distance de la mer. »
Les vins du Roannais
Le vignoble roannais est ancien puisque la présence de la vigne est attestée
à Villerest en l’an 970. En 1253, le Comte de Forez accorde aux habitants de
cette bourgade le privilège de vendre leurs vins « en toute saison ».
Au Moyen-Age les vins de la Côte, notamment ceux de Saint-Haon étaient
déjà appréciés. On les envoyait en Bourbonnais ou même en Normandie
pour les garnisons du Comte ou pour l’hôtel de la duchesse.
Une charte octroyée en 1583 par les moines Bénédictins d’Ambierle,
nous apprend que les femmes en couches recevaient chaque jour une miche de pain et un méral de vin et aussi qu’à la fête de Pâques les religieux
remettaient du bon vin en quantité nécessaire pour le partager entre les habitants, hommes et femmes.
Vendanges à Renaison
Dès le XVIe siècle, le petit bourg de Roanne grandit. Les marchandises
affluent et les auberges se multiplient pour accueillir les voyageurs.
Le vignoble de la Côte Roannaise se mêle
au bocage et aux forêts des pieds
des monts de la Madeleine.
Au milieu du XVIIe siècle, la mise en service du canal de Briare, puis celle
du canal d’Orléans ouvrent la route vers Paris et les provinces du Nord de
la France, ce qui aide encore à son développement. Papire Masson écrit :
« Roanne est un entrepôt célèbre dans toute l’Europe. C’est le premier port sur la Loire,
fleuve qui offre à la navigation un parcours de plus de soixante et dix lieues, le plus long qui
soit en Europe après la Danube. Les bois de sapin qui croissent en abondance aux environs de cette ville, servent à construire des bateaux beaucoup plus légers que tous les autres.
Ces bateaux, servis par de bons rameurs, descendent le fleuve avec une telle rapidité qu’ils
semblent voler plutôt que marcher. Souvent les courriers pressés quittent leurs chevaux pour
aller plus vite par cette voie ».
Une gravure de la même époque porte cette légende : « Roanne est à douze
lieues de Lyon, dans un terroir fertile et dans une belle situation… Son passage la rend fort
peuplée, particulièrement de grand nombre de gens qui n’ont autre métier que de conduire
et descendre sur la rivière de Loire dans de petits bateaux couverts qu’on appelle cabanes,
ceux qui viennent à Paris d’Italie ou des provinces du Dauphiné, Provence ou Languedoc
et autres voisines. La diligence que l’on fait sur ladite rivière, pour peu que le vent soit
favorable, oblige souvent à prendre cette commodité ».
La peinture (photo page précédente) conservée au musée de Roanne montre
le port au XVIIe siècle. On y voit plusieurs bateaux chargés de marchandises
diverses. Certains portent une voile, ce qui démontre que l’on remontait la
Loire jusqu’à Roanne.
Les vins des Côtes Roannaises et du Beaujolais, les charbons de
Saint-Etienne donneront un nouvel essor dès le début du XVIIIe siècle.
En 1790, Roanne comptera environ 7 000 habitants
La Loire, un fleuve de vins
38
Pied de Gamay
Cépage unique de l’appellation
Côtes Roannaises, le Gamay est utilisé dans
sa variété Gamay Saint-Romain.
Dès le XVe siècle, grâce au Grand Chemin Royal qui longe la Loire de Nevers
jusqu’à Roanne, la ville se développe pour devenir « la rivière marchande de
Lyon ». Pourtant ce n’est qu’au XVIIe siècle, après l’ouverture du canal de
Briare, que le commerce du vin en direction de la capitale va s’organiser.
Le curé de Noailly écrit vers 1650 que les meilleurs vins de la Côte - on ne
disait pas encore les Côtes roannaises - sont ceux d’Ambierle, de Saint-Haon
et de Renaison.
En 1697 Lambert d’Herbigny écrit dans son Mémoire pour le gouvernement de Lyon : « Vers Roanne ce ne sont pas de très grandes montagnes, mais des
coteaux qui portent de très bons vins, d’autant meilleurs pour les gens du pays, qu’ils se
transportent par la Loire. Ceux de Renaison ont le plus de réputation ».
Roanne et les vins du Roannais
39
Le coup de coeur d’un Grand Chef : Pierre Troisgros
Depuis ses origines, aux premiers siècles de notre ère, la Côte Roannaise a gagné ses lettres de noblesse. Les sols de
granit et de porphyre de ce coteau confidentiel par sa taille, 200 hectares situés sur la rive gauche de la Loire, conviennent parfaitement au Gamay Saint Romain, cépage unique de l’appellation.
Grâce au savoir-faire et à la ténacité des vignerons, les vins de la Côte Roannaise ont été récompensés en 1994, par
l’accession à l’Apellation d’Origine Contrôlée (A.O.C.). Pierre Troisgros n’est pas étranger à cette ascension et à la
reconnaissance qui en découle.
Installé à Roanne depuis un demi
siècle, il ne renie pas ses origines
bourguignonnes, mais partage avec
les vignerons locaux l’amour de
leurs vignes et de leur terroir. La
célèbre table roannaise a constitué
la meilleure vitrine pour ce vin dit
« de mâchon » à ses débuts, qui avec
l’âge est devenu un compagnon apprécié des viandes grillées et des
fromages régionaux. Chaque année
Pierre et Michel Troisgros accompagnés de leurs sommeliers sélectionnent sur le domaine Sérol une cuvée
qui porte leur nom. Issue de vignes de
soixante à quatre-vingts ans d’âge, à
faible rendement, elle se caractérise
par l’harmonie et la concentration
des arômes et des tanins.
Mais Pierre Troisgros ne pouvait en
rester à ce seul stade d’ambassadeur.
Aimer et promouvoir un vin est une
satisfaction, le produire est une
aventure, la réalisation d’un rêve.
Avec la complicité de quelques
amis et les encouragements de
Paul Bocuse, il donne naissance
en 1992-1993, au vignoble des
Blondins, parcelle de deux hectares
conquise sur les sapins. Ce coteau
escarpé, exposé plein sud, sur un
sol sablonneux est situé sur le
domaine de la famille Sérol établie
depuis le XVIIIe siècle au lieu-dit
Les Estinaudes à Renaison.
Texte et photo : René Fessy
Depuis, Pierre Troisgros produit
chaque année, avec Robert et
Stéphane Sérol, 15 000 bouteilles
d’un vin très fruité aux arômes de
cassis, dont la qualité ne cesse de
progresser avec le vieillissement
naturel de la vigne.
En savoir plus
Musée Alice Taverne, Ambierle (42)
La Loire, un fleuve de vins
40
Roanne et les vins du Roannais
41
à Paris, les vins de la région roannaise sont connus sous le nom de vins
d’Arnaison, ancienne dénomination de la commune de Renaison.
Les vidanges à Roanne
« Sur trois bateaux qui arrivent d’Andrézieux,
on fait une vidange à Roanne ; avant la construction du chemin de fer, les vidanges étaient utilisées pour le transport des vins... ».
Etudes du canal de Roanne au Rhône - 1843
Ce commerce des vins est important. Un auteur anonyme écrit en 1788 :
« Roanne me parut une ville considérable. Elle fait grand commerce d’entrepôts et de commissions. De petites charrettes traînées par des bœufs viennent journellement apporter des
vins que l’on dépose sur son port pour être chargés sur des bateaux que la Loire transporte
à Paris ou ailleurs. »
Les notes d’un curé de Renaison décrivent les aléas de la culture de la vigne
et l’importance du commerce du vin pour de nombreux habitants de la Côte :
La principale route des vins de Languedoc au XVIIIe siècle.
En 1779, « s’embarquent à Roanne et descendent la Loire... les liqueurs, les vins du
Languedoc. »
La réputation des vins languedociens est établie depuis de nombreux siècles. Philippe le Bel (1268-1314) affirmait : « il n’est de bon vin que de Tavel ».
Dans Pantagruel, Rabelais cite Frontignan produisant « le bon vin de Languedoth ».
Au XVIIIe siècle, ce vin de Frontignan est vendu à Paris, mais aussi exporté en
Angleterre et en Hollande, comme le rapporte l’intendant de Basville en 1734.
« L’an 1740… le peu de vin que l’on a fait est sans couleur et vert d’une façon que les
Parisiens n’ont point voulu en acheter crainte qu’il ne s’aigrisse… »
Port de Roanne sous la neige
Emile Noirot,
Musée Joseph Déchelette, Roanne
« 1742… pour le vin il s’en est pas trop ceuilly dans cette côte, la trop grande sécheresse
a gâté le raisin qui n’a pas pu bien mûrir, après les pluies, par rapport aux gelées qui sont
survenues. Les Parisiens en ont pris fort peu dans ce pays… »
« Une charge de deux
couplages formant
quatre bateaux dits
saint-rambertes... de
409 pièces de Languedoc
et 2 pièces d’Arnaison ».
Sources : Etude de Maître Hugues Grenot,
notaire public à Decize. Onze ventôse de
l’an sept (29 février 1799).
« L’année 1769 a été remarquable par la bonne vente des vins en cette côte… toutes les
vignes des païs bas ont été entièrement endommagées… le Parisien a donné dans la côte… »
Le transport et le commerce du vin
Le Barrot
Assiette - faïence de Roanne - 23 cm
Musée Joseph Déchelette, Roanne
Le « barrot », charrette à deux roues, servant au transport du vin de la Côte au port
de Roanne n’a totalement disparu que dans
les premières années du XXe siècle.
C’est vers 1790 qu’on crée la route de Renaison à Roanne pour le transport des vins de la Côte. à la même époque on commence aussi la route de
Roanne à Charlieu et à Marcigny, destinée à faciliter le transport des blés du
Charolais et des vins du Beaujolais.
Des expéditions de vin sont faites par voie terrestre, notamment avec le
Bourbonnais par la route royale rejoignant La Palisse. Ce vin est souvent
échangé contre des marchandises diverses : grains, bois, huiles, chanvre…
Les vins produits dans les paroisses du sud de la Côte comme Renaison sont
acheminés vers le port de Roanne où ils sont embarqués alors que ceux des
vignobles situés plus au nord sont dirigés vers Briennon, en face de Pouillysous-Charlieu.
Le commerce est géré par les voituriers par eau de Roanne dont la plupart
habitent des maisons proches du port.
Le port de Briennon
La Loire, un fleuve de vins
42
Un certain nombre de mariniers et de voituriers par eau demeurent sur le
Coteau situé sur la paroisse de Parigny, en Beaujolais. Ils sont spécialisés dans
le commerce du vin, importé du Beaujolais viticole ou du Languedoc, qui
arrive ici par un transport terrestre. Au Coteau existent deux ports : le port
de Varenne où arrivent les saint-rambertes chargées du charbon de la région
stéphanoise et le port des Balmes où sont chargés les vins.
Carte dressée par Gérard Vachez
La route du Languedoc
Pour accéder au marché parisien, dès la fin du Moyen-Âge, des vins du Languedoc
et de la vallée du Rhône ont été charroyés sur cette route dite « du Languedoc ».
Quai de Beaucaire
point de départ des vins du Languedoc
Roanne et les vins du Roannais
43
On connaît plusieurs voituriers par eau qui conduisaient du vin à partir de
Roanne : Antoine Perrot, Jean Plossard, Claude Brissat. Les Berry-Labarre,
les frères Vincent, Martin Vial, les frères Mandard, de Saint-Just-sur-Loire,
avaient une succursale de leur maison de commerce à Roanne et se livraient
également au commerce du charbon de la région stéphanoise.
Des marchands de vin parisiens, comme les sieurs Rondet et Chanal, possédaient un entrepôt à Roanne et employaient par contrat un voiturier par eau
roannais. Ainsi Antoine Perrot s’était engagé « à n’entreprendre pour son compte
particulier, ni pour autre, voiture ni commerce séparé… pendant tout le temps que les sieurs
Chanal et Rondet auront des vins dans leur dépost ».
Les marchands fournissaient les sommes nécessaires pour l’achat des
bateaux et payaient pour le transport. à titre d’exemple, pour une demi-pièce
jauge du Languedoc :
- 16 livres 15 sols pour du vin du Languedoc
- 12 livres 10 sols pour du vin du Forez
- 9 livres 13 sols pour du vin de Renaison ou du Beaujolais
D’après le registre d’entrée des vins dans Paris pendant les années 17021705, pour les vins qui viennent du Beaujolais et du Roannais, le port d’embarquement est Roanne, plutôt que Digoin. En moyenne on a chargé à Roanne
chacune de ces années, 35 000 hectolitres de vin, ce qui représente le chargement d’une centaine de bateaux, alors qu’à Digoin, à la même époque,
on en charge trois fois moins. C’est en 1792, avec l’ouverture du canal du
Charolais appelé plus tard canal du Centre que les vins de Mâcon voyageront par
Chalon-sur-Saône et Montceau-les-Mines pour rejoindre la Loire à Digoin.
On estime qu’au XVIII siècle et au début du XIX , ce sont 40 à 50 000
pièces de vin des Côtes de Roanne qui étaient transportées chaque année par
la Loire pour être vendues dans la région parisienne.
e
e
Des mariniers de mauvaise réputation
La corporation des mariniers roannais était puissante. Sur 665 chefs de
famille dont la profession est indiquée, on note pour les années 1701-1702,
94 mariniers et 45 charpentiers en bateaux, ce qui représente plus d’un cinquième de la population active. Le tableau des professions fait apparaître,
pour l’année 1801, 163 mariniers, ce qui représente 11,4% des citoyens actifs
de Roanne.
Au XVIIe siècle, ces mariniers roannais n’ont pas bonne réputation.
Un voyageur, Thévenot, s’en plaint :
« Les gens de Roanne ne valent rien, principalement les mariniers qui vous vendent, si
La Loire, un fleuve de vins
44
vous n’y prenez garde, c’est-à-dire qu’ayant fait marché avec eux et leur ayant tout donné
l’argent, car ils veulent tout recevoir, sous prétexte d’acheter un bateau, ils vous donnent à
conduire à un autre à bon marché, de sorte que lorsque vous voulez partir, croyant d’avoir
trois mariniers, vous n’en trouvez qu’un que vous n’avez jamais vu, lequel, si vous n’y prenez garde, vous laisse au premier lieu où vous descendez et s’en retourne. C’est pourquoi il
fait bon connaître à Roanne quelqu’un qui vous choisisse vos mariniers et fasse votre marché. »
Cent ans plus tard, les choses n’ont pas changé. Dans un courrier adressé
à l’Intendant de Lyon M. de Flesselles, M. Thévenon, subdélégué de Roanne,
écrit : « Depuis la suppression du coche d’eau établi sur la Loire, il est resté libre à toutes
personnes de conduire les voyageurs et les marchandises. Les mariniers de notre ville comme
plus au fait de la navigation se sont emparés de cet emploi, parce qu’ils y trouvent un
avantage considérable… Cependant tantôt ils abusent de l’ignorance, de la bonne foi, ou
du pressant besoin qu’ont les voyageurs d’arriver à leur destination, pour exiger d’eux des
prix de conduite exorbitants ou, lorsque ce piège ne réussit pas, ils promettent de les conduire
au prix ordinaire et les laissent compter sur l’embarquement jusqu’au moment du départ
pour leur dire ensuite qu’ils ne mettront pas le pied dans le bateau s’ils ne donnent tant ;
tantôt, au lieu de se rendre à leur destination, ils les conduisent seulement à quelques lieues
de Roanne, et sous prétexte que la Loire est trop forte ou trop basse, ou enfin qu’on ne
peut aller sur l’eau sans danger, ils les mettent à terre et leur font continuer la route à pied
sans néanmoins leur rendre l’argent qu’ils ont reçu, et reviennent tranquillement à Roanne
chercher de nouvelles dupes ; tantôt, ils ont l’imprudence de faire conduire le bateau par
un homme seul souvent sans expérience ; tantôt enfin après s’être fait payer d’avance fort
chèrement la conduite, ils disposent à leur profit d’une partie de l’argent, et remettent l’autre
à un marinier en sous-ordre ou même à un étranger inconnu qu’ils chargent de la conduite
qu’ils ont promis de faire eux-mêmes…
Ce n’est pas tout. L’avidité et l’imprudence des mariniers sont cause de bien des accidents
qui semblent devenir plus fréquents. En peu de temps, plusieurs bateaux ont péri et une
partie des voyageurs se sont noyés. Je ne peux surtout me dispenser de vous rendre un compte
détaillé du dernier de ces accidents. Le nommé Melot, marinier en cette ville, avait promis
d’embarquer le 25 juillet dernier et de conduire lui-même jusqu’à Orléans 14 personnes.
Au lieu de s’exécuter il chargea de cette conduite un nommé Mamecy, jeune garçon marinier
très peu au fait de la navigation et qui conduisait seul le bateau chargé de ces 14 personnes
et de différentes marchandises. Le lendemain 26 à 7 heures du matin, sur la paroisse
d’Avrilly à une lieue de Marcigny ce bateau coula à fond par l’imprudence ou l’impéritie du
conducteur. De ces 14 personnes il en périt cinq, et parmi ces cinq la femme enceinte et le fils
d’un nommé Guérin, cy-devant soldat de la compagnie de Monval au régiment de Hainaut,
infanterie qui se retirait à Versailles, lieu de sa naissance et dans le sein de sa famille.
Ce malheureux s’est présenté à moi dans l’état le plus déplorable ayant les reins écorchés et
le corps singulièrement meurtri. Je le fis sur le champ entrer à l’hôpital…
Il est à craindre que bientôt on n’ose plus s’embarquer sur la Loire ni y embarquer
aucune marchandise, ce qui priverait cette ville d’une branche de commerce considérable… »
Roanne et les vins du Roannais
45
Fortes-têtes !
Les mariniers manifestaient un esprit d’indépendance qui les poussait parfois à braver l’autorité. Ainsi, en 1795, pour protester contre leurs conditions
de vie difficiles, ils refusent d’acheminer jusqu’à Orléans des caisses de fusils.
Les autorités décident que le départ de tous les bateaux de vin sera stoppé
jusqu’à ce qu’un bateau soit cédé pour le transport des armes.
En 1797, plusieurs mariniers remplacent les flammes tricolores ornant
la girouette de leur bateau par des flammes blanches, ou même par une
couronne. Un arrêté pris aussitôt leur interdira d’afficher sur leurs bateaux
« des signes rappelant la royauté ou la féodalité… ».
Des incidents fréquents opposaient les mariniers à la Compagnie Lagardette
qui avait obtenu du roi la concession du transport sur la Loire. à partir de
1793, ils refusèrent d’acquitter les droits dûs à la Compagnie.
Une corporation qui sait se défendre
Si les mariniers de Roanne ont souvent su se faire respecter, c’est parce qu’ils
formaient une corporation solidaire. Cette solidarité se manifestait notamment
quand des négociants voulaient embaucher des mariniers extérieurs moins
exigeants pour la conduite de leurs bateaux. Les exemples sont nombreux.
Une véritable émeute survint lorsqu’un négociant roannais voulut confier la
conduite de ses bateaux à des mariniers de Digoin moins exigeants.
Plus tard, c’est Madame Mandard qui devra, devant les menaces, renoncer
à engager des hommes de Pouilly-sous-Charlieu.
Marinier
Assiette - faïence de Nevers, 24,5 cm
Début XIXe siècle
Collection particulière
1
Note
Médiathèque de Roanne 25-32
La Loire, un fleuve de vins
46
« Les soussignés maîtres-mariniers demeurant soit à Roanne, soit à Saint-Just-sur-Loire,
unis dans un intérêt commun, ont réciproquement pris les engagements suivants :
- à dater du quinze septembre présente année il sera perçu sur chaque bateau chargé de
houille, de toutes autres marchandises ou vide, arrivant à Roanne ou se chargeant à Roanne
au chemin de fer et appartenant aux soussignés, une somme de cinquante centimes.
- Les dits cinquante centimes seront provisoirement versés entre les mains de Monsieur le
Receveur de la navigation qui seul délivrera quittance et tiendra note des payements effectués.
- Cette contribution aura lieu de la part des soussignés jusqu’à concurrence d’une somme de
seize cents francs ; elle devra durer tout le temps nécessaire pour atteindre à ce résultat.
- Le montant de la contribution qui fait l’objet du présent engagement sera affecté en
premier lieu à l’établissement de vingt-huit pieux d’amarre qui doivent être prochainement placés par l’Administration des Ponts et Chaussées sur les deux rives de la
Loire, établissement pour la dépense duquel les maîtres-mariniers soussignés ont offert
de coopérer pour une valeur de six cents francs. Les mille francs restants seront destinés
soit à augmenter ultérieurement le nombre de pieux, soit à pourvoir à tous les autres
besoins généraux du commerce de la marine. Ces dernières dépenses imprévues jusqu’ici
ne pourront avoir lieu que du consentement de la majorité représentée par des syndics
choisis par elle.
- Fait à Roanne le dix septembre mille huit cent trente cinq. »
Suivent une trentaine de signatures parmi lesquelles on relève les noms
de plusieurs maîtres mariniers de Saint-Just : les Labarre, Olivier, Barrallier,
Guitton, Didier…
Les Bords de Loire (détail)
Emile Noirot - 1886 - collection particulière
Peint sur la rive droite de la Loire,
au Coteau, ce tableau montre le quai
commandant l’Herminier et l’ouverture
d’alimentation du canal.
Mais cette solidarité se manifesta aussi par la création, en 1819, de la
Caisse de secours mutuels et de prévoyance entre les mariniers de Roanne qui deviendra
plus tard Société de bienfaisance.
Les voituriers par eau
à Saint-Just-sur-Loire comme à Roanne, dès le début du XVIIIe siècle,
des mariniers se livrent aussi au commerce. Ces « maîtres mariniers », comme
ils s’appellent eux-mêmes, deviennent voituriers par eau. Certains, comme
les Labarre et plus tard les Mellet-Mandard, fondent des maisons de commerce importantes. Ils font établir des contrats avec des charpentiers pour la
construction de leurs bateaux, ils emploient des dizaines de mariniers, ils ont
des dépôts et des bureaux à Saint-Just-sur-Loire, à Roanne, à Briare.
Ils savent unir leurs forces pour la défense de leur profession, prenant ensemble des décisions. Un document daté du 10 septembre 18351 montre qu’ils
acceptent même de participer financièrement à des travaux qui devraient être à
la charge de l’Administration :
Roanne et les vins du Roannais
47
Les charpentiers, les bateaux
Un obstacle à la navigation : les pêcheries
De nombreux constats concernent des plaintes de mariniers ou des accidents de bateaux causés par les piquets de
bois plantés dans le lit de la rivière et destinés à soutenir les filets pour la pêche des saumons. On peut lire dans un
courrier adressé à un « Citoyen administrateur » et daté de fructidor an 11 :
à Roanne et dans la région on construit des bateaux depuis très longtemps. Au début du XVIIIe siècle, leur corporation est regroupée dans un
quartier situé proche de ce qui sera plus tard le bassin du canal.
« Avant la Révolution, c’est-à-dire avant 89, l’on ne connaissait depuis la mer en remontant le cours de la Loire, fleuve navigable
jusqu’au-dessus de Saint-Rambert dans le département de la Loire, d’autres barrages fixes pour la pêche aux saumons et aloses que celui
du duc d’Harcourt ci-devant seigneur de Roanne en qualité d’époux de la dame La Feuillade. Depuis l’époque ci-dessus, c’est-à-dire depuis
la suppression de ce barrage chacun des propriétaires riverains croyait user de la pêche vis-à-vis sa propriété comme du droit de chasse, et
des individus de toutes classes se sont permis d’aller parcourir les bords de la Loire pour y faire à l’envie une quantité de barrages les uns
partiels, les autres traversant la totalité du lit.
Leurs maisons étaient construites en bordure du fleuve, bâties en cailloux
de Loire et non en pisé pour mieux résister au débordement des eaux en
cas de crue importante. Elles se composaient d’un rez-de-chaussée et d’un
premier étage, rarement d’un second. Dans le vaste grenier, séchaient
tasseaux, chevilles, couvre-joints… Comme à Saint-Rambert, l’espace qui
sépare chaque maison du fleuve servait de chantier pour la construction des
bateaux. Pour sauvegarder l’outil de travail, lorsqu’un événement familial
donnait lieu à un partage entre héritiers, la maison était partagée en deux, mais
la cour servant de chantier était toujours attribuée à une seule personne.
Des réclamations justement fondées sur ces abus ont été faites auprès des administrations de district et département, sans qu’aucune
exécution s’en soit ensuivie. Le gouvernement s’étant emparé des fleuves et rivières navigables ne mettra-t-il pas un terme à ce que sous peu
aucun individu ne se permette impunément d’encombrer la Loire de piquets qui entravent partie ou la totalité du lit. L’affermage d’une
étendue déterminée dans chaque département lui serait avantageux et productif, mais le mode de pêche devrait être de ne pouvoir pêcher
qu’avec des filets dont la maille fût conforme à l’ordonnance de 1669… (la pêcherie) dont la marine se plaindrait comme nuisible au cours
de la navigation, après que procès-verbal aurait été légalement rédigé par un notaire ou huissier assisté de deux ou quatre mariniers… serait
détruite de suite aux frais de celui qui l’aurait établie… »
Les barrages sur la Loire
à Villerest en amont de Roanne, un riverain avait érigé des petits barrages
La Loire, un fleuve de vins
48
Les bateaux étaient construits en plein air et les matériaux stockés sur
place. On travaillait tant qu’il faisait jour. En hiver, quand la nuit tombe vite,
les charpentiers poursuivaient leur travail dans la grande salle du rez-de-chaussée de leur maison, qui servait à la fois de cuisine, de chambre à coucher et
d’atelier. Ils y confectionnaient les petites pièces nécessaires à la construction.
Quand les bateaux étaient achevés, on les acheminait jusqu’à la Loire sur
des sortes de rouleaux appelés « roualets » actionnés avec des barres de bois
ou de fer.
Les ateliers de fabrication de sapines
à Roanne en 1851.
Lithographie de Louis Noirot,
Musée Joseph Déchelette, Roanne
Roanne et les vins du Roannais
49
La sapine de Roanne, dite « roannaise »
« On construit à Roanne des bateaux en sapin dits
roannaises, qui sont mieux confectionnés que ceux
de Saint-Rambert ».
Source : études du canal de Roanne au
Rhône, 1843. Les roannaises en sapin et
chêne, (de 1705 à 1860) sont de dimensions
et de formes semblables à celles des saintrambertes Leur construction est cependant
plus solide grâce à des plats-bords en chêne.
Elles naviguaient aussi bien sur la Loire que
sur les canaux et servaient aux transports
des vins et de diverses marchandises.
Chantier de Roanne
Gravure - Médiathèque de Roanne
Le bâtard
Conçu pour naviguer sur le canal de
Roanne à Digoin, mis en service en 1838,
ce bateau est construit dans les chantiers
navals de Roanne. Tout en chêne, le bâtard peut transporter 120 tonnes et durer
douze ans. On le retrouve jusqu’au XXe
siècle sur le canal du Nivernais.
Les cabanes
Conçues pour naviguer sur la Loire, elles
sont en activité jusqu’en 1790. L’abri qu’elles
portaient était couvert soit d’un toit arrondi
soit d’une toiture aiguë à double pente.
Cabanes dans le port de Roanne
Détail du tableau de Monnet conservé
au Musée Joseph Déchelette à Roanne
La Loire, un fleuve de vins
50
Ces bateaux étaient souvent des sapines, très semblables aux auvergnates
ou aux saint-rambertes. Surtout utilisés pour le transport du charbon, ces roannaises construites en bois de sapin avaient l’avantage d’être peu chères et
parfaitement adaptées à la navigation sur la Loire. Mais on fabriquait aussi
à Roanne des bateaux plus solides, en chêne, destinés à naviguer plusieurs
années et à faire des trajets « à la remontée ». C’étaient des toues, encore
appelées coches d’eau ou cabanes, qui ramenaient parfois les futailles vides…
et les mariniers.
On peut lire, dans un courrier adressé au duc de la Feuillade par un maîtrecharpentier en bateaux :
« Les petits bateaux, ou thoues qu’on appelle cabanes, qui servent au coche c’est-à-dire
depuis dix toises jusqu’à onze et douze se fabriquent partie à Rouane et le reste depuis
deux lieues jusqu’à cinq plus bas que Rouane. Celles qui se font à Rouane sont toutes en
planches de chesne qui sont d’un poulce et demy d’épaisseur et le bord de deux poulces que
l’on met au dessus… lesquelles thoues ou cabanes pour les faire servir au coche il faut leur
faire un dessus de planche de sapin pour les mettre en état de servir…»
Ces « petits bateaux », selon l’expression du maître-charpentier, avaient
tout de même de 20 à 24 mètres de long ! Ils étaient surtout destinés au transport des voyageurs.
Comme il est expliqué en détail, page suivante, les bois servant à la
construction des bateaux de Roanne venaient des Monts de la Madeleine,
des Bois-Noirs et parfois du Beaujolais. Le plus souvent, les marchands
achetaient une coupe de bois et passaient un marché avec des bûcherons et
des scieurs de long. Des paysans assuraient le transport des planches pendant
la morte-saison.
Les sapines fabriquées à Saint-Rambert et qui arrivaient à Roanne chargées
de charbon avaient souvent souffert du voyage et il fallait les remettre en état
pour qu’elles puissent continuer leur voyage. Quant à celles qu’on libérait de
leur chargement, elles étaient la plupart du temps utilisées pour le transport
du vin.
Les bateaux en chêne appelée chênières, plus solides, avaient plus de valeur
que les sapines, si l’on en croit le désaccord entre Antoine Berland, voiturier
par eau de Digoin, et le sieur Sauvagnat, aussi voiturier par eau. Un marché
a été conclu entre eux en décembre 1816 : Sauvagnat s’est engagé à fournir
à Berland cinq bateaux. Deux ont été livrés rapidement, mais six mois plus
tard les trois autres, qui devaient être livrés à Chalon, ne le sont toujours pas.
Sauvagnat propose de livrer trois saint-rambertes, mais Berland veut trois chênières
ou trois roannaises. Le notaire établira un procès-verbal
Les bois pour la construction des bateaux
Les marchands charpentiers en bateaux cherchaient évidemment à acheter les bois nécessaires dans les forêts les plus
proches. Les forêts de sapins du Livradois approvisionnaient les chantiers de construction des sapines auvergnates.
Les monts du Forez et quelquefois du Pilat fournissaient le bois des saint-rambertes.
Les charpentiers du Roannais et du Brionnais achetaient des arbres dans les Monts de la Madeleine ou dans des
forêts de feuillus de leur région. Ils passaient ensuite un contrat devant notaire avec un ou plusieurs scieurs de long
chargés de débiter les arbres. En voici deux exemples.
Le 7 octobre 1743, un marchand de Charlieu, Jean Baptiste Collet, et deux marchands charpentiers en bateau,
Guillaume Ginet de Saint-Pierre-la-Noaille et Jean Lapillonne d’Iguerande, signent un contrat avec Sébastien Trunel,
scieur de long de la paroisse de Job, en Auvergne.
Sébastien Trunel s’engage à fabriquer pour ces trois marchands des plateaux de chêne ou de fayard (nom local du
hêtre), de 12, 15 et 18 pieds de longueur (de 4 à 6 mètres). La largeur de ces plateaux est généralement de 0,40 m et
l’épaisseur varie de 6,5 à 11 centimètres.
Le contrat est très précis. Les croûtes, premières planches de sciage des troncs, seront de la même longueur que les
plateaux et auront une épaisseur de 2 pouces et demi, soit 6,7 cm. Les pointes, parties sommitales des arbres, seront
de la plus grande longueur possible. Les arbres seront coupés à un demi-pied du sol (16 cm). Le scieur ne pourra
quitter la forêt avant d’avoir fini de scier les bois en question.
Le prix convenu est de 22 livres par cent toises de bois, 200 mètres. S’il arrivait que les dimensions fixées ne soient
pas respectées, Turnel ne pourrait réclamer aucun salaire pour les bois « rebutés ».
Enfin le travail devra être livré dans le courant du mois de février, quatre mois plus tard.
Un autre contrat est établi le 18 mars 1780 entre René Lapillonne et L. Berthellier, tous deux marchands charpentiers en bateaux de Pouilly-sous-Charlieu et trois scieurs de long. Damien et Pierre Chantegré, père et fils, sont natifs
de la paroisse de Job en Auvergne, comme Sebastien Trunel, dont il est question plus haut, et Guillaume Costille, de
la paroisse de Bertignat en Auvergne.
Les scieurs mettront en planches et bords de bateaux 5000 toises de bois que les marchands ont acheté dans la
paroisse de Chénelette.
Le prix convenu est de 15 livres par cent toises de bois. Un acompte de 48 livres est versé par les marchands à la
signature du contrat. Le travail devra être terminé à la Saint-Jean prochaine, le 24 juin.
L’achat des bâtons nécessaires à la conduite des bateaux faisait également l’objet d’un acte écrit et signé en présence
de témoins. Le 28 octobre 1722, Claude Fouilland, habitant de la paroisse de Jarnasse en Lyonnais, vend à Jean Gal,
bâtonnier en bateaux de la paroisse de Pouilly-sous-Charlieu, la quantité de quatre-vingt-un arbres « propres à faire des
bâtons de bateaux pour mener deux bateaux attachés ensemble, lesdits bois à prendre dans les bois dudit vendeur situés dans la paroisse
de Jarnasse ». Le prix fixé est de 92 livres.
Roanne et les vins du Roannais
51
Louis Prélange, marinier au Coteau
Né en 1784, Louis Prélange était un de ces mariniers qui conduisaient à
Briare, et parfois jusqu’à Paris, des sapines foréziennes ou roannaises chargées de marchandises diverses. Il savait écrire et nous a laissé son livre de bord
dans lequel il a consigné ses activités professionnelles et parfois des évènements de sa vie privée survenus entre 1809 et 1843.
Ce livre de bord commence ainsi : « Ce livre appartient à moi, Louis Prélange.
Je prie ceux qui le trouveront de me le rendre, je paierai tout ce qu’il faudra. Je demeure sur
le coteau de Roanne. L’année 1806. »
Pas seulement marinier !
Les mariniers de Roanne
Gravure de 1821
Archives de la Médiathèque de Roanne
En 1809 Louis Prélange a 25 ans et commence son métier de marinier,
sans doute après une longue période d’apprentissage. Le 31 janvier, il « se loue »,
suivant l’expression de l’époque, pour conduire un bateau à Briare, mais le
bateau ne peut aller au terme de son voyage. Stoppés près de Nevers pour une
raison qu’on ignore, peut-être le mauvais temps, les mariniers « mettent en fosse » à
Decize. Deux semaines plus tard, Louis Prélange se loue à nouveau pour aller
à Fourneau, près de Bourbon-Lancy.
L’année suivante, en 1810, il accomplit plusieurs voyages sur la Loire , à
Briare, à Orléans, à Paris. Outre son activité de marinier, il fabrique des tonneaux, greffe des arbres…
En 1811 il fait plusieurs voyages à Briare, et en avril il plante 4 000 sapins.
Au passage, il donne une recette pour avoir des œillets doubles : « il faut cueillir
la graine le 14 de la lune et les semer le 14 de la lune ». Il signale une période de mauvais temps : « le 10 avril il y a tombé de la neige au moins trois jours la vigne a toute gelé
les 11 et 13 avril mais les blés n’ont pas eu grand mal, Dieu merci ».
Un voyage particulièrement long !
En 1812 il nous fait le récit d’un voyage particulièrement long : « un voyage
que j’ai fait pour messieurs Destras frères et Marque de Roanne. Je suis parti le 19 décembre de Roanne l’année 1812 pour Paris. Nous sommes arrivés le 24 au port de S... où
nous avons gardé l’hiver. Nous en sommes partis le 6 janvier 1813 et nous sommes arrivés
le 13 à Briare. Et nous sommes partis le 16 de Briare pour Paris. Nous sommes arrivés
le 21 à Rogny où nous avons été obligés de rester là pour l’hiver. Nous sommes partis de
Rogny le 10 février pour Paris. Nous sommes arrivés le 22 à Paris. J’ai vu le petit Roi
de Rome le 28 février 1813 aux Tuileries. Je suis parti le 1er mars de Paris pour venir à
Roanne. Je suis arrivé le 4 mars dans mon pays. »
Son voyage a donc duré deux mois et demi ! Il ne se plaint pas pour autant,
nous rapportant seulement qu’il y a appris un remède contre les maux de dents.
Pour chacun des voyages qu’il entreprend, Louis Prélange tient soigneusement ses comptes
La Loire, un fleuve de vins
52
Louis Prélange est mobilisé en décembre 1813
« je suis parti dans le mois de Décembre pour la levée de trois cent mille hommes pour
servir l’empereur Napoléon. On m’a tiré le 2 février dans les grenadiers dans le 24ème
de ligne, 6ème Bataillon, 1ère Compagnie ; Nous sommes partis le 9 mars du côté de
Villefranche pour nous battre contre certains des Carga… A Lyon nous avons commencé
à nous battre à deux lieues de Villefranche. Le 11 mars à 8 heures du matin nous avons
repoussé l’ennemi jusqu’à la porte de Mâcon. De là ils nous ont crap… à Lijieux et ils
nous ont repoussé à une lieue et demie proche de Villefranche. Nous les avons tenus là jusqu’au 18 que nous avons recommencé le feu et ils sont entrés dans Villefranche. De là nous
avons battu en retraite à Limonest. Nous avons recommencé à nous battre le 20 à 8 heures
du matin. Ils nous ont repoussé jusqu’au village proche de Lyon. C’est là que nous sommes
battus comme il faut. Nous étions à peu près 25 000 hommes et l’ennemi était 80 000
hommes toute de... Ils n’ont pas entré ce jour-là à Lyon ; ils n’y ont entrés que le lendemain
parce que l’on nous a fait évacuer dans la nuit du côté de Vienne en Dauphiné. De là à
Valence et puis de là à Loriol quatre lieues plus bas que Valence . C’est là que la paix ( ?)
s’est décidée. De là nous sommes partis pour aller au Puy-en-Velay, dans le département
de la Haute-Loire. Je suis parti le 5 mai du Puy pour revenir chez nous. Je suis arrivé le 7
auprès de mon père et de ma mère. Je n’ai emporté que mon habit. Ma capote, mon shako
et ma feuille d’ordonnance …, ma giberne, tout ça je l’ai laissé pour le bataillon.
Rappelé
Fait le 12 mai 1814. »
« J’ai été rappelé le 7 mai à Montbrison pour repartir à la guerre. J’ai demandé au général
que je désire bien d’entrer dans la deuxième légère. Mon départ était à Paris. Je me suis fait
donner une feuille de route pour moi tout seul. Je suis parti de Roanne le 15 mai et je suis
arrivé le 20 juillet chez nous auprès de mon frère et de ma mère en bonne santé, Dieu merci.
Nous sommes partis, ma mère et moi le 31 mai 1816 pour Lyon pour accomplir un vœu
que nous avions promis il y a 11 ans. Nous y avons fait tous les deux nos dévotions auprès
de notre Bonne Mère de Fourvière le jour de la Pentecôte. Cette Bonne Mère qui m’a sauvé
d’une maladie. Et du feu de la guerre. Nous sommes revenus à Roanne le 4 juin… »
Une vie de marinier
« J’ai fait un voyage pour M. Benoit Labarre et Cie le 6 novembre pour aller à Briare.
J’ai reçu de conduite 30 F
J’ai refait un voyage pour M. Benoit Labarre pour aller à Briare . Je suis convenu de prix
80 F ; Reçu de conduite 25 F
13 décembre. J’ai refait un voyage pour M. Benoit Labarre. Le prix est de 60 F.
Reçu de conduite 30 F ; Ces trois voyages sont payés.
16 janvier Voyage à Briare pour M. Giton de Briare
18 avril Voyage à Briare pour M. Giton
20 juin Voyage à Collonges, une lieue sous Nevers, pour M. Mandard (20 F).
Retour le 25 juin
Le village de Rogny-les-sept-écluses
Vue de Rogny et du canal de Briare
Comptes relevés dans le carnet de bord
« le 22 octobre 1812 je commence à travailler pour M. Destras frères et Marque
Voyage à Orléans : 60 F
Dépense pour revenir : 25 F
Acheté deux bonnets de coton à
Orléans : 4 F
Donné à ma mère : 20 F
Donné à mon père : 1 F
Gardé pour moi : 10 F
Mémoire de l’argent que j’ai reçu
l’année 1813.
Voyage pour M . Destra et Marc. Je suis
parti le 19 janvier 1813 pour Paris et je suis
arrivé le 5 mars 1813. J’ai reçu :
Pour mon compte : 3 F
A Cosne : 1 F
À Rogny : 6 F
A Paris : 15 F
Et puis en partant de Paris : 125 F
Total : 150 F
Dépenses pour venir de Paris à Roanne :
48F, ça fait 102 F que j’ai pour mon compte.
Donné à chez nous : 52 F
Acheté une montre à Paris : 15 F
Gardé pour moi : 35 F
Total : 102 F
J’ai vendu à ma tante Ganot la ferblantière 5
aunes et demie de toile à cinquante sous l’aune.
Il se monte à 13 F 15 sous. J’ai reçu un
acompte de 10 F. Le 27 mars 1813. »
Roanne et les vins du Roannais
53
Je me suis loué à la Société de monsieur Peicoret pour aller à Briare dans le charbon. Il me
donne 80 F pour le voyage. J’ai reçu de conduite à Briare 35F.
Je me suis loué le 17 novembre 1816 pour monsieur Berrau et Compagnie pour aller à
Briare dans un couplage de charbon. ; Il me donne 53 F pour faire le voyage. J’ai reçu de
conduite à Briare 30 F, une voie de charbon que nous avons pris vers lui : 38 F. ; Ca fait
68 F ; Je touche ou en argent ou en marchandise. Je redois donc 15 Fà monsieur Berrau
de Saint-Rambert et Compagnie.
J’ai fait un voyage pour M. Berrau le 26 mai 1811. J’ai gagné dans ce voyage 40 F pour
aller à Briare. J’ai reçu de conduite à Briare 30 F.
Sapine
Assiette - faïence de Roanne, 24,5 cm
Début XIXe siècle
Collection particulière
Je suis parti dans un couplage de charbon pour aller à Briare le 18 avril 1819 pour Madame
Mandard. J’ai gagné 105 F . J’ai reçu acompte à Briare 35 F.
Je suis parti dans un couplage de charbon pour aller à Briare le 19 juin 1819 pour Messieurs Détras frères. J’ai gagné 135 F. Nous avons été que trente-six lieues de Roanne.
Nous avons laissé le bateau faute d’eau. J’ai reçu de conduite 30 F. J’ai à recevoir du
voyage 67 F 4 sous... »
On peut s’étonner des différences de tarif pour le même trajet RoanneBriare. Il faut rappeler qu’il n’existait aucun barème de référence et que le salaire des mariniers était fixé au coup par coup. A certaines époques la concurrence était rude et faisait baisser les prix. On peut aussi penser que les risques
accrus de la navigation étaient pris en compte.
Autour du vin
Louis Prélange ne semble pas avoir conduit beaucoup de bateaux de vin.
Par contre il se livre à de nombreuses activités relatives au vin. Il fabrique des
tonneaux, il les répare, il soutire du vin, rince et remplit les bouteilles.
« Le 9 septembre 1919, j’ai fini 26 tonneaux et toutes les pièces que j’avais entrepris
chez M. Toine Françon. J’ai fait le prix à 35 sous par tonneau et deux journées de bois ;
ça fait 45 F 10 sous. »
Mémoires de Monsieur Chappe
« Le 2 octobre 1819 je lui ai rebattu un grand tonneau, je l’ai bouché et mis 6 cercles,
le tout fait 1 F 3 sous.
Une autre fois je lui ai rebattu deux tonneaux et mis 30 cercles, le tout fait 3 F 10 sous.
Le 7 février 1820, j’ai rebattu un tonneau et mis 10 cercles, le tout fait la somme de 1 F .
Le 18 octobre 1820 j’ai rincé toute la journée des bouteilles chez M. Lorange.
Le lendemain j’ai mis des vins en bouteille chez lui.
Le 10 octobre 1821 j’ai travaillé chez Madame la Comtesse de Foudras jusqu’au
17 octobre pour rebattre des tonneaux…
Une autre fois j’ai été de Roanne à Vougy prendre sa vendange pour la mener à
M . Linare à Pouilly ». (1821)
La vie privée
Le livre de bord de Louis Prélange nous livre également des renseignements intéressants, parfois émouvants, sur sa vie privée et sur la diversité de
ses activités.
Couplages devant le pont de Roanne
Louis Noirot, Lithographie
Musée Joseph Déchelette, Roanne
Louis Prélange travaille souvent pour des Labarre et des Mandard de
Saint-Just-sur-Loire.
En 1819 il fait six voyages dans un couplage de charbon :
- le 18 avril voyage à Briare pour Mme Mandard : 105 F
- le 19 juin, voyage à Briare pour M. Detras interrompu à 36 lieues de Roanne : 35 F
- le 21 octobre, voyage à Briare pour Mme Mandard interrompu à Digoin : 80 F
- le 14 novembre, voyage au Bec d’Allier pour M. Mandard : 80 F
- le 27 novembre voyage à Briare pour Mme Mandard : 65 F
- le 21 décembre voyage à Briare pour Mme Mandard : 50F
La Loire, un fleuve de vins
54
« Je me suis marié à la municipalité le 28 mai l’année 1816 avec Mademoiselle
Philiberte Gannos mon épouse . Nous y avons épousé le 6 juin à la grande paroisse.
C’est là que nous y avons promis s’aimer pour la vie de l’un ou de l’autre.
J’ai été trouver mon confesseur qui est monsieur Montany aumônier à l’hôpital de Roanne
le 7 octobre 1816.
J’ai fait mes dévotions à la paroisse de Sainte Anne le 9 avril 1817.
J’ai été, ma femme et moi, faire nos dévotions à Varenne auprès de la Bonne Vierge le 3
novembre 1818.
21 octobre 1820. J’ai déménagé pour aller demeurer dans la maison de M.Parant. Je lui
donne 120 F par an. J’ai deux chambres, un grenier, une cave, un magasin propice pour
faire des tonneaux.
Marinier fumant sa pipe
Assiette - 24,5 cm, faïencerie Jacques
Nicolas, Roanne, début XIXe siècle
Musée Joseph Déchelette - Roanne
Tonnelier
Assiette (détail) - faïence de Roanne - 22 cm.
Musée Joseph Déchelette - Roanne
Tonnelier
Assiette (détail) - faïence de Roanne - 22 cm.
Musée Joseph Déchelette - Roanne
Roanne et les vins du Roannais
55
Le « perruquier » payé à l’année !
« Je me suis mis à l’année chez M. Théve-
net perruquier. Je lui donne cent sous par
an pour me raser et me faire les cheveux.
On commence le 9 aout 1818.
J’ai recommencé avec M. Thévenet perruquier le 12 août l’année 1820. Je lui
donne toujours le même prix 5 F pour
me raser et me faire les cheveux quand je
veux et me raser de même. »
Les laveuses de linge
Le 5 avril 1822 nous avons prêté trois paniers de truffes à la Rigolette Prélange, le panier
de ma mère tant qu’il peut tenir, jusqu’à l’anse.
Le 21 mai l’année 1817 ma femme est accouchée à neuf heures et demie du soir . Elle m’a
fait une petite fille. Elle a été baptisée à la grande paroisse de Saint-E…. à dix heures
du matin. Sa marraine est ma mère Gonnaud, elle s’appelle Françoise Gonnaud et son
parrain est mon père qui s’appelle Pierre Prélange. Par conséquent ma petite fille s’appelle
Françoise Prélange de Roanne. Sa mère s’appelle Philie Gonnaud et moi qui suis le père je
m’appelle Louis Prélange.
Le 12 mai 1818 ma femme est accouchée à neuf heures du soir . Elle m’a fait une petite
fille. Elle a été baptisée le 14 à la grande paroisse de Saint-E…. à midi. Sa marraine est
ma mère et son parrain est mon beau-frère Vicare.
Le nourricier et sa femme et ma petite fille sont venus le 10 octobre 1818…. Je leur devais
deux mois. Je lui ai donné 14 F.
Ma femme est accouchée le 18 décembre 1819 à six heures du soir. Elle m’a fait un petit
garçon. Il a été baptisé le 19 à la grande paroisse. Son parrain s’appelle Jean-Marie Prélange et sa marraine s’appelle Jeanne Vicare.
Mon petit est mort en nourrice le premier janvier 1820. J’ai donné pour l’enterrement 7 F
8 sous. Le curé s’appelle De Jurer Prajoux.
Ma petite Fanchette a été à l’école le 21 octobre 1822 chez sa première maîtresse. Elle
s’appelle Claude Marie Georges. »
Le retour des mariniers
Laveuse de linge
Assiette - faïence de Roanne - 22 cm.
Musée Joseph Déchelette - Roanne
Comme nous l’avons dit, la plupart du temps les mariniers de Roanne, de
Pouilly-sous-Charlieu et des autres points de départ de la région ne conduisaient les bateaux que jusqu’à Briare ou Orléans , où ils étaient relayés par les
mariniers locaux. Quelquefois, cependant, ils allaient jusqu’à Paris ainsi que le
montre le carnet de voyage de Louis Prélange. Mais comment revenaient-ils ?
L’opportunité de « remonter » en bateau était rare. On a souvent écrit que
les mariniers revenaient à pied. Il est certain que les gens de l’époque pratiquaient cette manière de se déplacer, mais le plus souvent, ils utilisaient un des
moyens de transport terrestres de l’époque.
Le confort devait être bien relatif !
En 1775, les prix ont changé : « il sera payé pour chaque place dans la diligence,
avec dix livres de hardes gratis, 13 sous par lieue et pour toutes autres places en dehors des
dites voitures, 7 sous 6 deniers par lieue » . Les autres places concernent les passagers qui voyageaient dans le cabriolet, compartiment avant protégé par une
capote de cuir, ou sur l’impériale, le toit du véhicule !
Les diligences parcouraient en moyenne deux lieues par heure (environ
9 km), soit 25 à 30 lieues par jour (120 à 140 km). En 1750, pour aller de Paris
à Lyon par le Bourbonnais (La Charité, Nevers, La Palisse, Roanne, Tarare) le
trajet était couvert en un peu plus de 10 jours. Le réseau routier s’améliorera
sensiblement à la fin du XVIIIe siècle.
à partir du 1er mai 1793, les mariniers pouvaient revenir en malle-poste.
Les malles-poste étaient des voitures rapides à deux roues destinées d’abord
à transporter les dépêches et le courrier, mais qui pouvaient aussi prendre un,
deux, voire trois voyageurs. Parcourant au moins deux lieues par heure, les
malles-postes cheminaient jour et nuit. Le tarif pour les voyageurs était de
1 livre 10 sols par lieue. Ils n’avaient droit qu’à un paquet d’un poids maximum de 10 livres.
Louis Prélange, marinier du Coteau, donne peu d’informations sur ses
voyages retour. En 1813, parti de Paris le 1er mars, il arrive chez lui à Roanne
le 4 mars, un voyage éclair ! Mais combien dépensait-il pour rentrer ?
Note manuscrite de Louis Prélange
J’ai acheté un poêle le
25 novembre l’année 1821
Le poêle me coûte
20 f
Il a ses pieds de forme
qui font
7f
Le total du poêle
27
J’ai à prendre mon poêle
le 5 Décembre 1821
Chez Mr Cadet Broy qui me l’a vendu
En octobre 1812, il dépense 25 F pour revenir d’Orléans, alors qu’il a
reçu 60 F pour y conduire un bateau. En mai 1813, le trajet retour de Paris à
Roanne lui coûte 48 F alors qu’il a touché 150 F.
On peut donc estimer que les mariniers dépensaient pour le voyage retour
à peu près le 1/3 de l’argent qu’ils recevaient au terme de leur voyage aller.
Il est curieux de noter que quelquefois le marinier est payé, si on peut dire,
« au kilomètre ». Ainsi Louis Prélange écrit : « Le 15 avril 1823 je suis parti pour
mener un couplage de marchandises à Nevers : 40 F. Plus loin je serai payé lieue par lieue,
ça fait par lieue 26 sous et demi plus 2 deniers ».
Le retour était souvent retardé par des occupations temporaires en cours
de route. Certains se louaient comme débardeurs, déchireurs, rouleurs de tonneaux et même comme charpentiers.
Laveuse de linge
Assiette - faïence de Roanne - 22 cm.
Musée Joseph Déchelette - Roanne
La Loire, un fleuve de vins
56
Les coches et carrosses publics pouvaient transporter des voyageurs sur
les routes royales. En 1623, de Paris à Nevers le prix de la place était de 12
livres plus 1 sol et 10 deniers par livre de bagage. Pour ce prix, les fermiers
étaient « tenus de mettre jusqu’à 8 personnes si bon semble aux voyageurs »
Vente mobilière (détail)
P. Solyet, huile sur toile, 1874
Musée des Ursulines, Mâcon (71)
Roanne et les vins du Roannais
57
La liaison Rhône-Loire
Une auberge témoin de cette époque
à Saint-Symphorien-de-Lay, l’Auberge de
la Tête-Noire existe encore de nos jours.
C’est un ancien relais de poste de la fin du
XVe siècle. Des personnages célèbres s’y
sont arrêtés : Madame de Sévigné, ou encore Napoléon. On raconte que le célèbre
empereur s’étant étonné du prix qu’on lui
demandait pour un œuf, on lui répondit :
« Sire, chez nous, des œufs nous en avons tous les
jours, mais pas des empereurs ! »
Le port à vins des Balmes
Gravure, fin XVIIIe
Médiathèque de Roanne
par Albert Michel, gravure, 1989,
En amont du pont de bois reliant l’Isle
au Coteau, en contre-bas des maisons de
négociants, la langue de berge dite des
Balmes, faisait partie de la commune de
Roanne. Il en est toujours de même.
La Loire, un fleuve de vins
58
Pendant des siècles le trafic fluvial du Rhône se prolongeait sur la Saône
pour rejoindre la Loire par la route Belleville-Charlieu. Mais au XVe siècle,
on aménage la route qui permet de relier Lyon à Roanne en passant par
Tarare. Route est un bien grand mot pour désigner ces chemins de l’époque,
fussent-ils très fréquentés. Il faut imaginer des chemins pleins d’ornières,
poussiéreux en été et transformés en bourbiers à la mauvaise saison. Les dénivelés importants aggravaient encore la difficulté. Entre Tarare (375 m d’altitude) et Le Coteau (280 m), le Col du Pin-Bouchain est à 760 m. De plus, les
anciens chemins gravissaient directement les pentes pour une distance la plus
courte possible. Madame de Sévigné écrivait « cette horrible montagne de Tarare » , et à la veille de la Révolution, il fallait atteler des bœufs pour aider les
chevaux de la diligence. Ce trafic routier était pourtant très important. Pour le
transport des marchandises, à raison d’une douzaine de kilomètres par jour, il
fallait compter une semaine pour relier Lyon à Roanne.
La route aboutissait au Coteau où se trouvait le port des Balmes. Jusqu’à
la construction du pont de pierre, les quais descendaient en pente douce vers
le fleuve, ce qui permettait d’utiliser le port quel que soit le niveau des eaux.
Tout au long du quai étaient édifiées les maisons des mariniers et des négociants. Des caves creusées sous les maisons permettaient de stocker les marchandises destinées à être embarquées.
La chapelle Saint-Nicolas-du-Port
Saint Nicolas, patron des mariniers, était particulièrement vénéré à Roanne
où deux chapelles portant son nom, furent construites.
La première, élevée sur l’Île, et appelée Saint-Nicolas de l’Isle, fut détruite par
un incendie en 1660. Reconstruite en 1728, elle disparut lors de l’aménagement du quai de la Loire.
La seconde, Saint-Nicolas-du-Port, fut édifiée à la suite d’un vœu pour conjurer la terrible peste qui dévastait la ville. Elle fut consacrée en 1630 mais eut
un usage plus civil que religieux. Ironie du sort, cette chapelle devint par la
suite un dépôt de vin à l’enseigne « à la cave du bon vin de pays ». Elle existe
encore aujourd’hui.
Chaque année, mariniers et charpentiers roannais y célébraient ensemble
avec solennité la fête de saint Nicolas, le 6 décembre.
La Chapelle
Saint-Nicolas-du-Port,
Plus communément
appelée Chapelle des
mariniers, elle se situe
sur l’esplanade qui
précède l’accès au
pont du Coteau et fait
face au quai du Canal.
à l’époque de sa
construction, elle était
le dernier bâtiment
de la rue des Minimes
et donnait sur le quai
de la Loire. Lors des
grands aménagements
de la fin du XIXe
siècle, on a construit le
canal dans l’ancien lit
du fleuve et aménagé la
place de la Loire pour
servir de digue en cas
de crues.
Prière à saint Nicolas
O grand saint Nicolas,
patron des mariniers,
Avant d’nous embarquer
nous venons vous prier.
Rude est notre travail,
dangereux notre métier,
Sous votre protection
nous voulons nous placer.
Refrain
Protégez-nous, saint Nicolas,
Des sables de l’été, des glaces de l’hiver,
Des écueils, du vent, du naufrage
Que jamais ne sonne le glas
Au clocher de notre village.
On raconte souvent
que ceux de la marine
Sont tous des mécréants
buvant force chopines.
C’est là petit défaut
qui mérite indulgence,
Nous savons quand il faut
faire aussi pénitence
Manier la lourde rame,
pousser sur les bâtons
Nous amène parfois
à pousser des jurons.
Mais vous le savez bien,
C’est pas pour vous déplaire,
Notre cœur est meilleur
que notre vocabulaire.
Devant la grande croix
qui domine la Loire,
Dans les terribles gorges
où tant des nôtres sont morts
Jamais nous n’oublions,
vous pouvez nous en croire
De faire une prière
pour conjurer le sort.
Le jour de votre fête
à l’église nous irons
Porter votre statue
en grande procession.
Nos femmes et nos enfants
nous accompagneront,
Nous vous demanderons
votre bénédiction.
Paroles : Henri Nochez
Musique : Hervé Freycenon.
Roanne et les vins du Roannais
59
Réflexions d’auteurs
Le lecteur aura peut-être été surpris par l’apparente discontinuité de nos propos. Elle est la
conséquence du choix que nous avons fait de l’emmener au fil de la Loire et des canaux du point de
départ des premiers vins : Saint-Just Saint-Rambert, vers leur destination finale : Paris.
Ce voyage a été l’occasion de découvrir divers aspects de la navigation et du commerce du
XVIIe au XIXe siècle : les bateaux et les mariniers, les ports, les aléas du transport fluvial, les taxes
et les péages… Il aura aussi permis, nous l’espérons, de découvrir ou de se rappeler la vie des gens
d’autrefois, souvent différente de la nôtre, mais marquée par les mêmes constantes du caractère
humain.
On est étonné de constater que le transport fluvial des siècles passés avait été complètement
oublié, y compris dans les manuels scolaires. Pourtant il a été un moteur extraordinaire pour
l’économie du pays, faisant vivre les « gens de l’eau », et aussi tous les acteurs de l’artisanat et du
commerce : charpentiers, vignerons, tonneliers, voituriers, marchands… Il a grandement aidé au
désenclavement et au développement de certaines régions. Au hasard des voyages et des rencontres,
il a favorisé le brassage des populations, l’échange des coutumes, des savoirs et des savoir-faire.
Heureusement le vent a tourné et de multiples manifestations démontrent le regain d’intérêt
actuel pour le fleuve Loire et les activités qu’il a fait naître. Tout au long de ses rives on construit des
bateaux « à l’ancienne » en re-visitant les techniques et les astuces de nos illustres prédécesseurs, on
célèbre les mariniers dans des spectacles, des chansons, des écrits. Le Festival de Loire d’Orléans est
une magnifique illustration de ce retour sur le passé qui ouvre des perspectives d’avenir, notamment
dans le domaine touristique.
Le commerce du vin, qui prend aujourd’hui une dimension internationale, a bien changé lui
aussi. La consommation a baissé mais la qualité s’est considérablement améliorée. Dans cette
période de grande mutation, il était intéressant de comprendre comment était née l’organisation du
transport de la boisson préférée des français.
Enfin, nos recherches nous ont permis de rencontrer des hommes passionnés et passionnants.
Beaucoup nous ont aidés en partageant leurs connaissances et leurs découvertes ou en nous confiant
des documents familiaux.
à ces hommes et ces femmes que le souci de vérité anime nous disons merci au nom de tous les
lecteurs. Notre seul souhait : que cet ouvrage donne envie d’en savoir davantage.
Auguste Mahaut, marinier sur la Loire de 1858 à 1870, écrivait en 1905 :
« Dans
cent ans, non seulement il n’y aura plus du tout de navigation sur la
Loire, mais nos descendants ne soupçonneront pas qu’une navigation ait existé
sur le fleuve… ».
Aux mariniers de Loire
Chanson à boire des mariniers foréziens
écrite par Henri Nochez
Refrain
Amis, levons nos verres
aux mariniers de la Loire (bis)
Buvons à ceux de Roanne,
Et à ceux de Saint-Just.
Vive la marine et vive les sapines
qui nous emmènent jusqu’à Paris. (bis)
1
A Saint-Just chez la Pierrette
Tous, nous nous retrouverons (bis)
Aujourd’hui c’est la fête
Demain nous embarquerons !
2
Laissons notre bonne amie
Trente jours et trente nuits (bis)
Pour nous la meilleur’ des femm’s
C’est encor’ la dame-jeann’.
5
Après Roan
ne, en équipe
Sur la Loire naviguerons (bis)
Tous les soirs dans une auberge
Un’ barrique viderons.
6
Si la servante est jolie
Nous y passerons la nuit (bis)
Tant pis si les gens nous font
Un’ mauvais’ réputation. (bis)
7
3
Arrivés à Balbigny
Nous retrouv’rons des amis (bis)
Ce soir, nous ferons ripaille
Avec les gratte-muraille.
Voici les coteaux de Sancerre
Il nous faut vite accoster (bis)
Sitôt descendus à terre,
Un cabaret faut trouver.
4
A Vernay près de Cordelle
Un moment arrêterons (bis)
Pour charger quelques bouteilles
Du bon vin de Renaison.
8
A Paris quand nos sapines
Seront toutes déchargées (bis)
Nous viderons des chopines
A la santé des mariniers !
Sommaire
Des origines au XVIIe siècle
page 6
La vigne et les vins en Gaule - Le vin apprécié en Gaule
Le transport du vin dans l’Antiquité - Le Rhône, voie de pénétration
La vigne se répand en gaule - La vigne au Moyen Âge - Le Tonneau, invention gauloise ?
La Loire, fleuve marchand
Les vins du Rhône et du Languedoc
page 15
Les vins d’Auvergne - Les sapines auvergnates - Les auberges
Les vins du Forez - Les travaux de La Gardette - Les saint-rambertes - Naufrages entre Saint-Rambert et Roanne
Des marchands de Saint-Just-sur-Loire - Le vin des Côtes d’Aurec
Daniel Mondon, paysan-vigneron forézien - La Loire département de trois vignobles
Roanne et les vins du Roannais
page 37
Roanne : un port ancien - Les vins du Roannais - Portrait de Pierre Troisgros
Le transport et le commerce du vin - Des mariniers de mauvaise réputation - Fortes-têtes
Une corporation qui sait se défendre, Les voituriers par eau - Un obstacle à la navigation : les pêcheries
Les charpentiers de bateaux, Les bois pour la construction des bateaux
Louis Prélange, marinier du Coteau - Le retour des mariniers - La liaison Rhône-Loire
La chapelle saint-Nicolas du port
Pouilly-sous-Charlieu, port d’embarquement des vins
Jean-Marie Fotgerat, voiturier par eau - Le vignoble beaujolais au XVIIIe siècle
Le premier vin de Macon à Paris, Portrait du paysan beaujolais - Ban de vendanges en 1768
Les débuts du commerce - L’organisation du commerce du vin - Portarit : Georges Duboeuf
Les routes du vin - Les dépôts - Déjà au XVIIIe siècle on souhaite la tracabilité du produit !
Iguerande, Artaix et les vins du Brionnais
Pierre Ducroux, négociant à Iguerande, - Les tonneaux - Le port d’Artaix - Les lettres de voiture
Rencontre avec Joannès Burdin, aux Gallands, commune de Melay (71)
page 82
page 124
Le port de Nevers - La gare de la Nièvre - Les aménagements autour de Nevers
Le péage de Givry - Les mariniers - La bataille des « cous de pied » - La belle Cosnoise, renaissance de la gabarre
Les vins blancs de Pouilly-sur-Loire - Le rôle des négociants - à Paris
Quand les négociants foréziens échangeaient du charbon contre du vin
Le vignoble sancerrois - Un commerce « protestant » au XIIe siècle - De grands amateurs
Saint-Nicolas et Saint-Vincent - Le péage de Myennes
Briare et son canal
Le canal de Briare - La circulation sur le canal - La justice du canal
Des vins victimes du froid sur le canal - Manque d’eau, perte de vins - Des tonneaux défectueux
Les canaux du Centre de la France
Orléans, port de commerce
page 60
page 109
Les ports - Les ponts - Des taxes, toujours des taxes - accidents de navigation
Naufrages à Decize en 1737 - Naufrage de deux bateaux de vins de Mâcon - Deux couplages de vins La justice sur la Loire - Les galvachers du Morvan - Les vins de Bourgogne, une idée ancienne... très moderne
Le canal du Nivernais - à qui appartiennent les agrès de marine ?
Nevers et ses mariniers
page 22
page 94
La construction des bateaux - Digoin, un port aux vins - émeutes à Digoin
Le vin, remède à tous les maux - Le canal du Charolais - Deux nouveaux canaux reliés à Digoin
Le canal latéral à la Loire - Navigation difficile entre Digoin et Decize
Jean-Baptiste Bernachez, marchand voiturier à Diou.
Decize et ses ponts célèbres
Les vins du Rhône - Les vins du Languedoc - 1709, le grand hiver
Une navigation difficile - Les bateliers du Rhône - Les bateaux
Le Rhône n’est pas un long fleuve tranquille - Conflits avec le bac à traille
Des accidents de navigation - Un fleuve encombré
Vins d’Auvergne et du Forez, le transport dans les sapines
Digoin, un grand carrefour
page 138
Le port d’Orléans - Orléans, étape du commerce triangulaire - Les mariniers
Trains de bateaux - L’équipage - Réglements de navigation - Contrat de travail d’un marinier
Les causes d’accident - Comment voyager d’Orléans à Roanne ? Le halage
Du vin... au vinaigre
Paris, ses ports au vin et ses guinguettes
page 159
La consommation de vin en France, au XVIIIe siècle - à Paris - D’où viennent les vins consommés à Paris ?
Les guinguettes - Les barrières de Paris et les guinguettes
L’hiver de 1709 - Bercy, le port aux vins
Le mariage du cabaret et de la danse - Bercy, lieu de plaisirs - Bercy, lieu de désolation
Le chemin de fer, ruine de la navigation sur la Loire
Le baroud d’honneur des partisans de la voie fluviale
Portrait de Gérard Vachez
page 168
Bibliographie
Archives Médiathèque de Roanne, fonds J.M. Forgerat
Archives Départementales de la Loire
Archives Départementales de la Nièvre
Archives Départementales du Loiret
Archives Départementales de Saône et Loire
Archives Départementales du Cher
Archives municipales de la ville de Nevers
Archives municipales de Nervieux
Dupin, Le Morvan, 1853
R. Dion, Histoire de la vigne et du vin, 1959
Elie Mouiller, Le Vignoble de la Côte Roannaise, Les amis de Saint-André-d’Apchon, 1989
Robert Bouiller, La Vigne et les Hommes en Côte Roannaise, Musée Alice Taverne, Ambierle, 1984
Robert Bouiller, La Viticulture en Côte roannaise
Paul Chaussard, La Marine de Loire, éditions Horvath, 1981, réédition ECB éditeur, Charroux, 1998
Touchard-Lafosse, La Loire historique pittoresque et biographique, 1851
Fournial, Les Villes et l’économie d’échange en Forez, 1967
P. Mondanel, L’ancienne batellerie de l’Allier et de la Dore, 1975
M. Perrin, Saint-Etienne et sa région économique, 1937
Fournial, Saint-Etienne, Histoire de la ville et de ses habitants, 1976
Pierre Miquel, Histoire de la France, éditions Fayard, 1976
Brac, Le Commerce des vins réformé, rectifié et épuré, 1769
Bertall, La Vigne, voyage autour des vins de France, 1878
Le Vin, nectar des dieux, génie des hommes
Paul Bonnaud, La Navigation à Roanne sur la Loire et les canaux, 1944
J. Chervalier, La Navigation sur la Loire et l’Allier, 1983
Gauthey, Mémoire sur les canaux de navigation, réédition 1816
Mantellier, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, 1867
Bauby, Orivel et Pénet, Mémoire de guinguettes
Dangréaux, Le Rhône et le vin, 2002
Maurice Labouré, Roanne et le Roannais, études historiques
Roanne pendant le Révolution, Maury éditeur
Denis Luya, L’axe ligérien dans les pays hauts, Thèse du 3e cycle
Denis Luya, Axe ligérien Loire-Allier, Mémoire de thèse
Denis Luya, Batellerie et Gens de rivière à Roanne au XVIIIe
Marthe Gauthier, Au carrefour des trois provinces Nivernais-Bourgogne-Bourbonnais, Imprimeries Réunies, Moulins, 1968
Revue des œnologues n°115, 116 et 117
Revue Objets du vin à collectionner, 1999
Bulletin de la Société d’études du Brionnais, 1925-1934
La Loire et ses terroirs n° hors série, 1994
Yves Fougerat, Le chemin qui marche, 2000
Georges Duboeuf et Henri Elwing, Beaujolais, éditions Jean-Claude Lattès, 1989
Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, Bateaux de Saône, mai 1986
Fernand Braudel, L’identité de la France
Pierre Volut, Decize en Loire assise
Archéologia n°419, février 2005, n°421, avril 2005
Chantal Oharnessian, Les vignerons à Pouilly-sur-Loire au XVIIIe siècle, thèse d’histoire
Cyriaque Gavillon, De Loire en Seine, 2004
Marcel Lachiver, Vins, vignes et vignerons - Histoire du vignoble français, éditions. Fayard, 2002
Roger Semet, Le temps des canalous, éditions Calmann-Lévy, 1972
Mémoires de la Société Académique du Nivernais, 1944
Le guide familier des vins du Rhône , éditions La Boëtie
Recherche sur les mariniers du Rhône , Claude Bonnard, Editions « Visages de notre Pilat »
Loïc Gandin, Saint-Rambert sur Loire et la construction des rambertes
Justine Dutraive, Jadis en Beaujolais , Lyon 1976
Nicolas, Si Bercy m’était conté
Notes sur l’histoire du département de la Loire, 1913
Textes et documents pour la classe n°193 « Les voies navigables d’autrefois »
Paul Villiers et Annick Senotier, Une histoire de la marine de Loire, Editions Grandvaux
Bourgogne magazine : « Les vins blancs de Pouilly sur Loire »
Histoire de Sancerre par M. Poupard curé de cette ville, 1838
Les vignerons à Pouilly-sur-Loire au XVIIIe siècle : thèse de Chantal Oharnessian (1992)
Revue du commerce et de l’Industrie et de la Banque, Septembre 1911
François Billacois, Voituriers par eau et marchands fréquentant la rivière de Loire au XVIIe siècle , Mémoire de thèse
Bulletin de la Société d’Histoire de Firminy n°24, décembre 1977, article de J.P. Bravard
Andrée Ecalle Pichereau, Mémoire sur la Marine de la Loire au XVIIIe siècle
Bernard de Gaulejac, Rôle économique des voies d’eau du Nivernais, Loire, Allier, de l’époque romaine à 1789,
Bulletin de la Société Nivernaise, vol 36, 1988.
Remerciements
Tout particuliers à Claude Blanchard pour sa participation active aux recherches et pour
son aide dans la transcription de nombreux documents ainsi qu’à Gérard Vachez, auteur du
texte sur le chemin de fer et des cartes qui illustrent cet ouvrage.
aux conservateurs des musées :
Calvet, Avignon - Crozatier, Le Puy-en-Velay - du Vin de Bourgogne, Beaune - Romain Rolland,
Clamecy - de la Marine de Loire, Chateauneuf-sur-Loire - Cluny, Paris - Carnavalet, Paris - Le
Hameau en Beaujolais, Romanèche-Thorins - des Beaux Arts, Orléans - des Ursulines, Mâcon
- Greuze, Tournus - Reflets du Brionnais, Iguerande - d’Archéologie, Feurs, Municipal, Nevers Municipal, Saint-Romain-en-Gal, et plus particulièrement à Brigitte Bouret, conservatrice en
chef des musées de Roanne, Robert Bouiller, musée Alice Taverne d’Ambierle (42), Nicolas
Brocq, médiateur du patrimoine, musée de Cosne-sur-Loire.
Aux conservateurs des médiathèques qui nous ont soutenus dans nos recherches :
Orléans, Villefranche-sur-Saône et plus particulièrement à Isabelle Suchel-Mercier, Médiathèque de Roanne.
aux responsables et personnels des Archives départementales de la Loire, Saône-et-Loire
et Nièvre, du Loiret et du Cher, des Archives municipales de Cleppé, Nervieux, Nevers et
Charrin.
à la Société Historique de La Diana de Montbrison et la Photothèque de la Ville de Paris.
à tous ceux qui nous ont aidés à comprendre, illustrer, faire savoir :
M. Barbery, Christian Bayle, Jeanine Belot, Joseph Bernachez, François Billacois, Frédéric
Bouchot, Chantal Bressan, Cécile Brodard, Joannès Burdin, madame Chamard, Louis
Chandon, Elizabeth Chassagne, Roger Chapuis, Amélie Chestier, Antoine Cuisinier, MarieFrançoise et François Darnieaud, Georges Duboeuf, Laurent Duclieu, Pierre Durand, JeanHenri Etienney, René Fessy, Louis Fraisse, Michel Garnier, Laetitia Gauthier, Gilbert Goetz,
Maurice Grand, Yvon Grenetier, Philippe Jenny, Isabelle Lagoutte, René Laporte, Pierre
Marchand, Daniel Mondon, Pierre Muckensturm, Pascale Muscat, Jérôme Pourrat, Sylvain
Perret, Jean Pestre, Simone Pigat, Maxime Pommier, Daniel Poyet, Roger Poyet, Jean-Luc
Rocher, Jean Thollot, Pierre Troisgros, Pierre Volut, Jean-François Vial, Sabine Veber, Cécile
Vallet, Jean-Raoûl Vuillermet.
à Hervé Freycenon, directeur du Centre Musical de Roche la Molière (42). Les chansons dont
les paroles figurent dans cet ouvrage ont été écrites pour le Chœur de ce Centre.
Remerciements enfin au Conseil Général de la Loire et au Crédit Mutuel qui apportent
leur soutien à la parution de cet ouvrage.
Crédits photographiques
Les clichés récents ont été réalisés par Guy Blanchard, co-auteur de l’ouvrage, aidé dans son reportage
par François Darnieaud, Saint-Mammès et Moret-sur-Loing, par Christan Bayle, pour les photos du Musée
Joseph Déchelette de Roanne et du Musée de Feurs, par Henri Nochez pour le Festival de la Loire et par
les éditions Thoba’s.
Les cartes illustrant ce long voyage sur la Loire et les canaux adjacents ont été réalisées par Gérard Vachez.
Les cartes postales servant d’illustration au chapitre sur le chemin de fer font partie de la collection B. Arrivé,
Association des Amis du Rail du Forez.
Les documents anciens et les représentations de tableaux ont été reproduits avec l’autorisation de :
Musée Calvet, Avignon (84), cliché André Guerrand, pages 6 et 7
Mairie d’Hyères-les-Palmiers, avec l’autorisation de monsieur Léopold Ritondale, maire, page 7.
Musée d’Archéologie, Feurs (42), cliché Christian Bayle, page 9.
Jean Pestre, page 34
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie Joseph Déchelette, Roanne (42), page 37, 42, 43, 49, 50, 52, 54, 55, 56, 117
Aline Périer, page 39
René Fessy, page 41
Médiathèque de Roanne, pages 48, 50, 57, 58, 62 et 63, 93, 103, 169, 170
Visages de la Bourgogne, éditions des horizons de France, Paris, 1942, page 73
Richard Bonin, pages 69 et 70
Le hameau du Beaujolais, Romanèche-Thorins, pages 71, 81
Musée des Ursulines, Mâcon (71), page 73, cliché J.C. Culas, page 75, cliché P. Tournier, page 98,
Musée de Cluny, page 72
Mairie de Charlieu, page 72
Georges Duboeuf, page 78
Confrérie du Vieux Pressoir, page 82
Musée Reflets du Brionnais, Iguerande (71) pages 85
Observaloire, Digoin, page 104
Joseph Bernachez, page 108
Musée de Clamecy (58), page 122
Musée de Cosne-sur-Loire (58), cliché Nicolas Brocq, médiateur du patrimoine, pages 94, 111, 131, 151, 154
Office du Tourisme, Briare, clichés Briare Déclic, pages 139,141,143
Musée des Beaux-Arts d’Orléans (45), pages 140, 147
Musée du vin, Orléans (45), page 159
Musée Greuze, Tournus (71), page 161
Musée Carnavalet, Paris, © Photothèque des musées de la ville de Paris, cliché Degraces - Joffre, page 160, cliché
Degraces, page166, cliché Ladet, page 168
Musée du vin, Beaune (71), pages 162, 167
Collectionneurs particuliers n’ayant pas souhaité être cités, pages 46, 47, 52
Directeur de Collection
Jean-Luc Rocher
Rédaction
Guy Blanchard et Henri Nochez
Mise en page
Julien Perey - OZ Média
Thoba’s éditions
14 rue Brison
42300 - Roanne
www.thobas-editions
contact@thobas-editions
ISBN 2-916393-07-2
Achevé d’imprimer au 4e trimestre 2006
sur les presses de l’imprimerie Chirat - 42540 Saint-Just-la-Pendue
Imprimé en France
N°

Documents pareils