étude

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étude
TENDANCES
INTERCULTURELLES
EUROMED
2010
LE RAPPORT ANNA LINDH
Tendances Interculturelles Euromed 2010
Le Rapport Anna Lindh
Direction
Andreu Claret (Directeur Exécutif)
Gemma Aubarell (Chef de l’Unité de Coordination du Programme)
Contenu
Eleonora Insalaco (Coordinatrice du Rapport Anna Lindh)
Nagla Abed – Asmaa Freig – Sarah Zaaimi
Rédaction
Paul Walton (Chef de la Communication)
Stefano Zucchiatti
Sondage d’opinion
Robert Manchin (Président et Directeur Général de Gallup Europe)
Richard Burkholder – Jihad Fakhreddine – Agnes Illyes – Aurelien Renard
Design
Equinox Graphics
Impression
Imprimerie Poot
Revision linguistique
Fabienne Pochart (expert)
Traduction
Heliopolis Business Centre
Publication en ligne
Consult and Design International Limited
Comité scientifique
Sara Silvestri (Maître de conférence à l’University de London City), Mohamed Tozy
(Professeur à l’University Hassan II de Casablanca et à l’Université d’Aix-en-Provence),
Naomi Sakr (Directrice du Centre des médias arabes à l’Université de Westminster), Heidi
Dumreicher (Directrice de Oikodrom), Said El Dakkak (Professeur à l’Université d’Alexandrie)
– Antoine Messarra (Professeur à l’Université Saint Joseph)
Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement
les points de vue de la Fondation Anna Lindh, de l’Union européenne ou des pays
membres de l’Union pour la Méditerranée.
AVANT-PROPOS
André Azoulay
Président de la Fondation Anna Lindh
J’ai la profonde conviction que pour tous ceux, gouvernements, sociétés civiles et institutions, qui depuis des décennies rêvent d’un grand soir
de l’Union des deux côtés de la Méditerranée, il y aura un avant et un après la feuille de route que la Fondation Anna Lindh avec son Rapport,
vient de tracer dans cette perspective exaltante.
Nous savions en nous lançant dans ce projet sans précédent par son ampleur et par son audace que notre démarche pionnière et déterminée,
n’était pas sans risque par les questions qu’elle posait et éventuellement par les réponses qui allaient y être apportées.
Autres questions susceptibles de fâcher :
• Nos différences supposées aux plans culturel, social ou religieux, seraient-elles à ce point profondes pour que l’on renonce aux promesses
d’un destin commun entre le Nord et le Sud de la Mare Nostrum ?
• Ce fossé théorique devenu pour beaucoup un postulat, rend-il caduque et irréaliste toute tentative de redonner à la Méditerranée les
couleurs de modernité, d’humanisme et de solidarité qui ont aussi jalonné et éclairé notre route.
Pendant des décennies, cette Méditerranée, celle de Braudel et de Paul Valery, celle d’Amin Maalouf, d’Edward Saïd ou d’Edgar Morin, cette
Méditerranée a subi les assauts et les outrages de tous ceux qui ont voulu habiller d’un alibi religieux et culturel les tragédies politiques que
connaît notre Région, au Moyen-Orient et ailleurs, et qui imposent bien évidemment d’abord des réponses politiques.
Nous avons été collectivement otages ou spectateurs passifs de ce rapt qui a connu son point d’orgue quand la communauté internationale
n’a pas su résister aux mirages et aux illusions d’un prétendu choc des civilisations et des religions, devenu l’alpha et l’oméga de tous nos maux.
Cette période je le crois est révolue et notre Rapport va nourrir et conforter ce retour à la raison en apportant enfin les réponses objectives et
exhaustives à toutes ces questions trop longtemps installées dans la logique dominante du cliché, des idées reçues et de la stigmatisation.
Avec les données que nous propose le Rapport de la Fondation Anna Lindh, il sera plus difficile désormais pour les décideurs et pour les
prescripteurs d’opinion de dire «je ne savais pas…». Pour les mêmes raisons, ceux qui s’étaient installés dans les fausses certitudes de la fracture
et dans le confort du repli, ceux-là auront incontestablement maintenant une vie plus compliquée. Les 200 pages du Rapport apportent en
effet avec la rigueur scientifique qui s’impose les informations qui jusqu’ici nous faisaient en partie défaut.
Je pense notamment aux paramètres qui déterminent au Nord comme au Sud, les fondements objectifs de la relation Islam-Occident. Je pense
aussi à la place de la culture et de la religion dans nos sociétés quand sont convoquées au banquet de la pensée et du dialogue nos capacités
respectives à l’altérité, à l’écoute et à une convivialité forgée par la connaissance et le respect de toutes nos histoires additionnées.Fidèle à la
feuille de route qui lui a été tracée au départ et cohérente avec les objectifs que nous nous étions assignés dans notre plan triennal 2008-2011,
la Fondation Anna Lindh peut ainsi sans état d’âme ou fausse pudeur proposer avec ce Rapport, un scénario alternatif, crédible et réaliste
en contrepoint des théories régressives du choc des civilisations, de la fracture culturelle ou de la confrontation des religions. Libre ensuite à
chacun d’entre nous de revoir son bréviaire euro-méditerranéen et de le relire à la lumière de ce qu’écrivait Paul Valery il y a fort longtemps dans
son essai sur «la liberté de l’Esprit» quand il nous disait qu’en vérité et quels que soient les aléas de l’histoire «la Méditerranée a été et restera
pour toujours l’espace privilégié où se fabrique et se construit la civilisation».
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
AVANT-PROPOS
AVANT-PROPOS
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Est-ce que les 750 millions de personnes qui composent le bassin démographique des 43 pays fondateurs de l’Union pour la Méditerranée
ont perçu ce projet comme un énième exercice diplomatique, conçu et construit par les prescripteurs habituels et conventionnels du
Mediterranean Business ou au contraire, l’ont-ils intégré et préempté dans la logique d’une rupture positive? Une rupture historique pour que
se mettent en place demain les institutions et les règles du jeu d’une Méditerranée recomposée dans un espace euro-méditerranéen paritaire
et apaisé, décidé à tourner le dos à toutes les régressions qui ont trop longtemps embrumé et fragilisé notre Région
5
Qu’on en juge :
PERSPECTIVES
Catherine Ashton
Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Depuis 2005, la Fondation Anna Lindh a favorisé le dialogue entre les cultures dans la région avec le soutien de tous les partenaires euroméditerranéens. Cela a conféré à la Fondation son rôle de moyeu tandis que ses Réseaux nationaux, constitués en plateforme collective, ont
constitué les rayons de diffusion et de mise en œuvre de ces projets.
Aujourd’hui, en 2010, je suis ravie de participer au lancement de ce Rapport qui vient en temps opportun. Cette étude montre que, malgré les
perceptions négatives et l’évolution difficile du projet euro-méditerranéen, il y a des tendances positives sous-jacentes au niveau régional. La
création d’un avenir commun, prospère, sûr et partagé pour les habitants de l’espace euro-méditerranéen reste l’ambition qui nous guide et
un objectif que nous pouvons atteindre.
Tandis que certains commentateurs et décideurs parlent volontiers d’une période de stagnation, les citoyens des deux rives de la Mer nous
disent qu’ils voient des avantages réels à l’adhésion à l’Union pour la Méditerranée. Ces avantages incluent la promotion de l’innovation et
de l’esprit d’entreprise, le respect des autres cultures et le dynamisme des jeunes. Les citoyens nous disent que l’Euro-Méditerranée existe
non seulement comme une zone de coopération politique et géographique, mais aussi comme un espace partagé pour les sociétés euroméditerranéennes.
Ce Rapport met en évidence une convergence de valeurs, mais souligne également des préoccupations sur les idées fausses qui sont souvent
à la frontière des stéréotypes. La lutte contre les stéréotypes a une longue histoire. Elle doit donc être au cœur de notre travail. Ici, les médias
ont un rôle crucial à jouer. Les médias sont plus que des témoins dans ce dialogue, ils sont aussi des acteurs. Les médias créent des images
culturelles et les transmettent. Les médias forment les opinions et ont le pouvoir de traduire des termes abstraits et des situations en images
que les gens peuvent comprendre et auxquelles ils peuvent s’identifier. Nous avons donc besoin de travailler avec les médias pour construire
des messages positifs et nous assurer de leur capacité à exprimer la diversité culturelle.
Je suis convaincue que ce Rapport, et ses recommandations, nous aidera, nous, décideurs, leaders d’opinion et société civile, à relever certains
des défis à venir. Je suis également persuadée qu’il peut nous aider à définir de nouvelles politiques et de nouveaux instruments en matière
d’éducation, d’interaction, de mobilité, d’utilisation des nouvelles technologies, et à renforcer notre engagement auprès des jeunes et des
femmes.
Je vous invite à lire ce Rapport et je vous encourage à le partager avec vos collègues. Je crois que c’est un guide précieux qui devrait intéresser les
lecteurs de toute la région, et un outil utile pour aider à renforcer le travail de la Fondation et les liens avec les sociétés euro-méditerranéennes.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
PERSPECTIVES
PERSPECTIVES
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Les valeurs, les perceptions, les attitudes et le rôle des médias dans leur façonnement sont les concepts clés du Rapport sur les tendances
interculturelles euro-méditerranéennes 2010 compilé par la Fondation Anna Lindh pour le Dialogue entre les Cultures. Cette étude novatrice
est davantage qu’un rapport de terrain supplémentaire. Elle a plutôt été élaborée à partir d’une étude scientifique sur l’état des tendances
interculturelles entre les peuples de la région. Pour la première fois, un sondage a interrogé 13 000 personnes de 13 pays sur ce que la notion de
«Méditerranée» et d’ «Euro-Méditerranée» signifie pour eux. Ce débat, souvent réservé au monde universitaire et à la recherche, s’est désormais
déplacé de l’élite vers la rue et a trouvé sa juste place – parmi les personnes directement concernées.
7
Nous vivons dans un monde de communication instantanée, avec l’Internet, les médias sociaux et un système de télévision multichaînes 24
heures sur 24. Il est parfois difficile de distinguer les nouvelles des rumeurs et les stéréotypes de la réalité. Représentations et perceptions
erronées peuvent facilement succomber aux délais imposés et, parfois, à d’autres forces plus sinistres. Tout cela donne réellement matière à
réflexion quand il s’agit de relations euro-méditerranéennes et de dialogue interculturel.
Amre Moussa
Jorge Sampaio
Secrétaire Général de la Ligue arabe
Haut Représentant des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations
Je voudrais commencer par féliciter la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh d’avoir publié le Rapport sur les tendances interculturelles
2010. Ce travail important entreprend de faire la lumière sur les relations culturelles dans la région euro-méditerranéenne à partir de différentes
perspectives globales concernant la diversité culturelle.
En qualité de représentant des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations, je suis très heureux d’accueillir le Rapport 2010 de la Fondation
Anna Lindh sur l’état des tendances interculturelles parmi les peuples de la région euro-méditerranéenne, la première étude basée sur un
sondage d’opinion effectué dans treize pays de cette région, complété par des conclusions et des propositions d’action sur le dialogue
interculturel.
Vue comme un espace géographique, la région «Euro-Méditerranée» a besoin de rapprocher les cultures et les civilisations existantes fondées
sur la croyance en la diversité culturelle. Le rythme de rapprochement ne peut être réglé et développé que par la démocratie. Si elle est l’un des
principaux constituants des sociétés européennes, la démocratie est également un objectif majeur pour le développement des autres sociétés
Euro-méditerranéennes. Une mauvaise interprétation de la culture arabo-islamique est actuellement la question prédominante au niveau
international, ce qui provoque des tensions et des perturbations dans les relations entre les nations. On peut dire que le conflit provoqué entre
la civilisation occidentale et la civilisation arabo-islamique provient du manque de compréhension, au cœur des deux civilisations, de leur
histoire et de leur capacité à se rencontrer et à vivre ensemble.
Dans ce contexte, la question de l’importance de l’apprentissage et de l’éducation se pose. Percevoir le développement de l’éducation et celui
de ses programmes avec une approche progressiste est également une condition nécessaire pour forger des générations capables de faire
face à la mondialisation et à ses exigences fondées sur la coopération, l’interaction et l’intégration. Dans le cas de la Méditerranée, nous voyons
en particulier la nécessité de mettre l’accent sur les valeurs sociales qui peuvent être partagées entre les différentes cultures et qui constituent
la base d’une plus grande proximité. La Méditerranée a été un pont pour le dialogue des cultures et des civilisations entre le monde araboislamique et l’Europe et doit rester une mer libre ouverte à ce dialogue et non un obstacle entre les nations euro-méditerranéennes.
Il est également important de s’occuper des problèmes d’offenses aux religions et aux cultures, et, à cet égard, le rôle joué par les médias sur
l’émergence de concepts positifs ou négatifs apparaît fondamental. Les médias devraient être un organe honnête, éclairé, qui corrigerait les
perceptions erronées qui nourrissent des doutes. Les médias devraient aussi être exempts d’inclinations, de préjugés, d’extrémisme et de
stéréotypes sur les autres. La paix, l’homogénéité, la coexistence, la tolérance et le respect de l’autre sont autant de valeurs à développer.
Les recommandations issues de ce Rapport ne devraient pas être présentées qu’à l’élite, qu’aux penseurs ou aux représentants du gouvernement.
Ces recommandations doivent parvenir à l’opinion publique, aux élèves dans les écoles et les universités ainsi qu’aux organisations de la
société civile et à d’autres afin d’obtenir de réels effets positifs quant à une meilleure compréhension et un dialogue plus facile. Mon message
aux médias est le suivant : «Oui à la liberté d’expression, oui à la liberté d’opinion, mais non au manque de respect des autres, non à l’attaque
des cultures et des civilisations». Nous pourrons ainsi aspirer à un monde de paix et de stabilité.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Ce Rapport comble une lacune et nous fournira un outil essentiel pour une meilleure compréhension des visions du monde, des attentes,
des préoccupations et des valeurs des sociétés euro-méditerranéennes. En outre, il nous aidera à évaluer l’impact de la multiplication des
tentatives de dialogue, à combler les écarts, à rapprocher les intersections et les chevauchements, et à développer les occasions de synergies.
À une époque où l’Alliance des Civilisations des Nations Unies fait connaître sa première Stratégie régionale pour la Méditerranée visant à créer
un cadre approprié pour l’action dans cette région spécifique, nous serons en mesure, grâce à ce Rapport pionnier, de concevoir le prochain
Plan d’action, en mettant en oeuvre notre stratégie sur la base de ces conclusions et propositions.
Jusqu’à présent, les dix domaines prioritaires interdépendants d’action et de synergies identifiés dans la Stratégie régionale de l’Alliance
des Civilisations pour la Méditerranée – à savoir l’accent mis sur les jeunes et les femmes, les médias, les villes, l’éducation interculturelle, la
lutte contre les préjugés, les stéréotypes et la discrimination, et la reconnaissance du rôle de la religion dans le dialogue interculturel – sont
totalement en phase avec les principales conclusions de ce Rapport.
Par conséquent, la prochaine étape consiste à suivre attentivement ses propositions d’action en vue de compléter, d’une manière utile, les
programmes menés par la Fondation Anna Lindh et qui contribuent à la réalisation de nos objectifs communs.
A cet égard, notre moteur essentiel pour relever ensemble les défis considérables auxquels cette région doit faire face devrait être le sentiment
d’appartenance partagé par les personnes vivant dans la région euro-méditerranéenne, qui est l’une des principales conclusions de ce Rapport.
Enfin et surtout, selon moi, les résultats du sondage d’opinion présentés dans ce Rapport sont très encourageants et montrent clairement que
nous devons redoubler d’efforts pour améliorer la compréhension et les relations de coopération entre les nations et les peuples à travers les
cultures et la religion dans la Région et, ce faisant, aider à contrer les forces qui alimentent la polarisation et l’extrémisme. Parce qu’en définitive,
comme le montre le Rapport, ce que les peuples euro-méditerranéens veulent, c’est pouvoir compter sur un espace partagé et riche où vivre
ensemble dans le respect mutuel et la paix.
Le Rapport Anna Lindh 2010
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PERSPECTIVES
PERSPECTIVES
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PERSPECTIVES
PERSPECTIVES
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
TABLE DES MATIERES
11
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TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
PERSPECTIVES
TABLE DES MATIERES
12
Catherine Ashton - Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité 7
Amre Moussa - Secrétaire Général de la Ligue des Etats arabes 8
Jorge Sampaio - Haut Représentant des Nations Unies pour l’Alliance des civilisations 9
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
L’élaboration du Rapport - Andreu Claret 16
Au cœur du sondage Anna Lindh/Gallup - Robert Manchin 18
ANALYSES DES EXPERTS ET BONNES PRATIQUES
Tendances générales 36
La Méditerranée entre imaginaire et réalités - Mohamed Tozy 36
Comportements, interactions et praxis du dialogue - Sara Silvestri 43
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Vue d’ensemble et perspectives 90
Médias et perceptions interculturelles dans la région euro-méditerranéenne - Naomi Sakr 90
L’empathie mutuelle contre l’ignorance et les incompréhensions - Rym Ali 96
Études par pays 98
La fiction d’une culture nationale homogène - Sabine Schiffer 98
Médias et diversité dans les pays en situation de post-conflit - Eldar Sarajlić101
Portraits dans la couverture médiatique de la vie quotidienne - Rasha Abdulla104
Les immigrés dans le paysage médiatique - Laura Navarro106
La voix des minorités et des immigrés - Isabelle Rigoni110
La couverture médiatique des minorités - Maria Kontochristou and Anna Triandafyllidou113
Priorités d’avenir à la qualité et à l’éthique de l’information - Antoine Messarra116
Nouvelles initiatives pour refléter la pluralité culturelle - Mona El Hamdani119
Le défi d’un monde de plus en plus interdépendant - Mike Jempson122
Donner un aperçu de la vie des autres - Alexa Robertson125
Des changements positifs dans les médias traditionnels - Erhan Üstündağ and Tolga Korkut128
Intérêt envers l’Autre et interactions 50
Pour une citoyenneté interculturelle méditerranéenne - Katérina Stenou 50
Identité et perceptions mutuelles - Amin Maalouf 53
L’impact culturel du facteur démographique - Youssef Courbage 54
Reconstruire des ponts, rétablir la confiance - Ismail Serageldin 57
Nouvelles manières de comprendre les mobilités - Natalia Ribas-Mateos 58
La traduction : un outil de dialogue - Aïsha Kassoul 61
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
Valeurs et perceptions mutuelles 62
Différences et similarités dans la carte des valeurs - Dalia Mogahed 62
La variable religieuse dans le système de valeurs européen - Grace Davie 64
La Méditerranée, toujours recommencée - Predrag Matvejevic 67
Les valeurs liées à l’éducation des enfants dans les pays du Sud et de l’Est - Magued Osman 68
Islam, Occident et Modernité - Michele Capasso 71
ANNEXES
Questionnaire du sondage d’opinion 144
Index des tableaux 150
Index des bonnes pratiques 151
Bibliographie152
Biographies164
Le Rapport Anna Lindh 2010
La Méditerranée comme un espace significatif 134
Onze domaines d’action 138
Le Rapport Anna Lindh 2010
13
André Azoulay - Président de la Fondation Anna Lindh 5
Visions pour la Méditerranée 72
La culture au cœur des relations entre Europe et Méditerranée - Thierry Fabre 74
Notre Europe partagée - Martin Rose 75
L’Euro-Méditerranée comme une carte cognitive - Anat Lapidot-Firilla 76
Espaces d’appartenance et de copropriété émotionnelles - Heidi Dumreicher and Bettina Kolb 79
Une perspective partagée vue par les pays nordiques - Tuomo Melasuo 82
Reflexions nomades sur le dialogue culturel - Bichara Khader 85
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
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14
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT
ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
16
ANDREU CLARET
Avec la publication de ce Rapport, dont le point de départ est
une enquête menée à terme dans 13 pays de la région euroméditerranéenne, la Fondation Anna Lindh s’affirme comme
une institution centrale pour le dialogue interculturel dans les
43 pays de cette région. Cinq ans après sa création, la Fondation
développe une des idées principales de ses promoteurs, à savoir
que tout projet de dialogue doit être bâti sur la connaissance
des mutations profondes qui ont lieu dans nos sociétés, et sur
l’analyse de l’impact que ces mutations ont sur les comportements,
les valeurs et les perceptions. Ce premier Rapport Anna Lindh
constitue donc un instrument de connaissance scientifique des
tendances interculturelles dans l’espace euro-méditerranéen et de
dissection des facteurs qui peuvent en expliquer l’évolution. Il est
censé apporter à la Fondation elle-même, ainsi qu’aux décideurs
et prescripteurs d’opinion, un outil pour le débat et pour l’action,
un logicien pour la mise en œuvre d’initiatives sociales et de
politiques publiques destinées à bâtir un projet commun pour la
Méditerranée.
Un exercice de connaissance unique
Le «Rapport Anna Lindh 2010» est à bien des égards un projet
unique. Il l’est par son approche conceptuelle et par la méthode
participative qui a présidé à son élaboration. Ce n’est pas la
première fois, effectivement, que l’on essaye de mesurer l’écart
ou la proximité qui existe entre les valeurs de sociétés qui ont
des matrices culturelles différentes, ou que l’on prend la mesure
de comportements significatifs par rapport à la connaissance, à
l’intérêt mutuel ou à la prédisposition au dialogue avec d’autres
cultures. Depuis une dizaine d’années, il y a même une inflation
de ce genre d’études, souvent basées sur des sondages – comme
c’est le cas pour le Rapport Anna Lindh – mais axées sur des
clivages traditionnels Occident/Islam ou “Europe”/pays arabes,
dont les conclusions sont souvent tributaires d’une approche
manichéenne, qui répond de moins en moins à la réalité, et qui
prétend qu’ «Occident», «Europe», «Islam» ou «monde arabe» sont
des catégories homogènes, qui peuvent se comparer, s’opposer ou
se rapprocher, sans intégrer les transformations qui les traversent et
les complexifient.
Notre approche est différente. Elle prétend rendre compte
de la diversité culturelle que présente un ensemble social et
humain dont la carte nous renvoie de Stockholm jusqu’à Rabat
et de Lisbonne jusqu’à Damas. Nous avons rejeté une approche
classique qui limiterait l’étude des valeurs, des perceptions et des
comportements à une lecture comparée entre le Nord et le Sud
de la Méditerranée, l’Europe et les pays arabes, car nous pensons
qu’une telle démarche n’aurait pas valorisé notre objectif principal:
Le Rapport Anna Lindh 2010
penser le futur de l’espace euro-méditerranéen. Nous avons donc
préféré travailler sur des catégories plus composées capables de
témoigner d’une région en plein changement, habitée par plus
de 700 millions de personnes, traversée par une crise économique
profonde, tiraillée par des réflexes identitaires et bouleversée par
la globalisation. Nous étions conscients qu’innover comportait
des risques et des difficultés méthodologiques, et nous avons
assumé que la première des tâches serait de mettre à l’épreuve les
concepts à partir desquels nous voulions mener à terme l’enquête
et construire le Rapport. C’est bien pour cela que la première
conclusion qui nous a paru porteuse de signification est le fait que
l’espace méditerranéen «fasse sens», c’est–à-dire que ses habitants
l’identifient avec un ensemble de valeurs positives qui ne sont pas
présentées, bien sûr, selon la même hiérarchie, mais qui dessinent
pour cet espace une personnalité différente de celle d’autres
ensembles humains et régionaux. Cette conclusion, que les analyses
du Rapport expliquent par les brassages d’êtres humains, d’idées et
d’images que la globalisation provoque dans cette région, nous
paraît d’une grande portée.
C’est bien la première fois, depuis le lancement du Processus de
Barcelone en 1995, que sa dimension humaine et culturelle est
contrastée. Le Rapport prouve donc que le projet qui lui a succédé
en 2008, l’Union pour la Méditerranée, a des assises dans les
valeurs et les attentes avec lesquelles ses citoyens pensent l’espace
méditerranéen. Il n’est pas seulement une construction politique. Il
peut être pensé en termes humains, sociaux et culturels sur lesquels
un programme politique peut s’enraciner s’il répond aux besoins de
ceux auxquels il est destiné. C’est une conclusion majeure pour la
Fondation, en ce qu’elle confirme le rôle stratégique de la dimension
culturelle et humaine dans tout projet euro-méditerranéen.
L’étude que nous publions est une première dans les annales
euro-méditerranéennes. On connaissait jusqu’à présent quelques
travaux à vocation essentiellement politique basés sur des
enquêtes qualitatives parmi les élites institutionnelles ou sociales
du Partenariat euro-méditerranéen. Notre propos fut dès le début
tout à fait différent. Nous avons voulu que le Rapport soit basé sur
une connaissance de ce qui s’exprime dans les sociétés de la région,
une connaissance du quotidien et des valeurs qui l’accompagnent.
Dans cette perspective, nous avons établi une collaboration très
fructueuse avec Gallup Europe et son Président, Robert Manchin,
avec qui nous avons travaillé de concert pendant plus d’un an
pour mettre en place une méthodologie appropriée. La démarche
n’était pas aisée car un même questionnaire devait servir pour
sonder l’opinion publique dans 13 pays de la région. Il fallait donc
trouver une formule commune capable de dépasser les approches
parfois trop euro-centriques de ce genre d’exercice. L’expérience a
Un vaste et pluriel panel d’experts
L’expérience nous a beaucoup appris sur un sujet qui semblait
épuisé, sur le rôle des valeurs culturelles, des perceptions
individuelles et des comportements sociaux, ainsi que sur les
relations qui s’établissent entre ce que les êtres font et ce qu’ils
pensent. Le premier défi était donc celui de donner la voix aux
personnes interrogées d’une manière scientifique, mesurable. Le
second était de traiter les informations recueillies par le sondage
à travers une grille d’analyse rigoureuse et plurielle qui mette en
exergue le cadre social et historique dans lequel tout exercice
démoscopique a lieu. Cette mise en contexte des résultats du
sondage était essentielle étant donné, encore une fois, le but du
Rapport Anna Lindh qui est de se pencher sur les opportunités
et les obstacles que le dialogue culturel et le vivre ensemble
rencontrent entre les sociétés de la région euro-méditerranéenne
et au sein même de ces sociétés. Le panel d’experts que nous avons
rassemblé est un gage de rigueur et de multiplicité des analyses. La
large gamme de champs académiques auxquels ils appartiennent
est volontaire, car nous avons cherché à combiner des disciplines
diverses pour éviter une approche trop «culturaliste» et ouvrir
l’interprétation à des domaines, comme la démographie ou
l’histoire, dont toute analyse a besoin pour offrir des perspectives.
L’un des résultats prévus, mais dont l’enquête donne une dimension
troublante, est la confirmation que nos sociétés sont victimes
du «choc des ignorances» dont parlait déjà le Groupe des Sages
qui fut à l’origine de la constitution de la Fondation Anna Lindh.
Effectivement, même s’il existe des valeurs communes susceptibles
d’être partagées, les perceptions sur l’idée que nous nous faisons
des autres, et les valeurs que nous leur attribuons faussent la donne
et sont à l’origine de nombre des difficultés que rencontre toute
stratégie de dialogue. Des deux cotés de la Méditerranée, nous
ne voyons pas les autres tels qu’ils se voient eux-mêmes, mais tels
que nous les imaginons, déformés par un prisme qui les enferme
dans une vision stéréotypée. Ainsi que l’enquête elle-même le
révèle, les médias jouent un rôle capital dans cette opération de
mystification. C’est pour cela que nous avons voulu leur donner une
place particulière dans le Rapport, dans une section spécifique où
un groupe d’experts de plusieurs pays, coordonnés par Naomi Sakr,
examinent leur rôle qui est aussi, bien sûr, celui de désenclaver les
mentalités et de rapprocher les mondes.
Etant donné la nature de la Fondation Anna Lindh, le Rapport a été
conçu comme une opportunité de participation des Réseaux de la
société civile qui sont l’expression de la Fondation dans les 43 pays
de la région. Nous aurions voulu que cette participation soit encore
plus active, mais elle est visible dans les bonnes pratiques qui
accompagnent certains textes, aussi bien dans la partie générale du
Rapport que dans le chapitre sur les médias. Cette appel à la pratique
sociale comme source d’analyse n’est pas rhétorique : elle constitue
un complément indispensable de l’apport des experts pour une
organisation dont la vocation est l’ action et pour une approche
qui donne la priorité au vécu, à l’expérience locale, à la dimension
nationale, par rapport à une tendance à la conceptualisation que
nous ne partageons pas. Cette participation est essentielle pour
rendre compte des changements profonds que les migrations
et la généralisation des nouveaux médias provoquent dans les
comportements humains. Nous sommes convaincus qu’elle enrichit
l’ensemble du Rapport et nous espérons qu’elle occupera une place
plus importante dans les prochaines éditions.
Pour la Fondation Anna Lindh, cet exercice n’a de sens que s’il
contribue au développement de notre activité et à celle de nos
Réseaux. Nous voudrions qu’il devienne un outil pour tous ceux
qui s’inscrivent dans une démarche identique à la nôtre. En premier
lieu nos partenaires, tous ceux qui nous ont accompagnés dans
le Forum que nous avons organisé en 2010 à Barcelone, et qui
travaillent pour tisser des liens entre les organisations de la société
civile dans notre région. Nous espérons que le Rapport sera utile à
leur activité, et nous le mettons à la disposition de tous ceux qui
pensent qu’il peut contribuer à mieux identifier les défis et à cibler
davantage les objectifs et les priorités du dialogue interculturel. C’est
l’usage que nous allons en faire parmi nos Réseaux. Les conclusions
préliminaires que nous en avons tirées, et qui constituent le dernier
chapitre du Rapport, ouvrent la discussion. Elles constituent le point
de départ d’une consultation et d’un débat que nous voudrions le
plus large possible et que nous allons promouvoir à travers la page
web du Rapport. Notre espoir et notre ambition sont que cette
consultation dépasse le périmètre de la Fondation, qu’elle soit utile
à nos partenaires et qu’elle contribue à la mise en place de politiques
publiques favorables au dialogue entre les peuples de la région.
C’est la raison d’être de cette première édition d’un Rapport que la
Fondation Anna Lindh va publier tous les trois ans et qui est appelé
à devenir un lieu d’observation des tendances interculturelles dans
la région.
ANDREU CLARET est Directeur Exécutif de la Fondation
euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre
les cultures.
Le Rapport Anna Lindh 2010
17
L’élaboration du Rapport
été en elle-même fascinante car il s’agissait de poser des questions
qui puissent être comprises et trouver des réponses significatives
auprès de 13 000 personnes (mille par pays) dont l’origine, l’âge, la
condition sociale, le niveau d’instruction et les croyances couvrent
une réalité sociale et culturelle très vaste. Je crois que nous avons
réussi, à travers un processus participatif qui a mis en commun
l’expertise de Gallup, les orientations des membres du Conseil
Consultatif de la Fondation, celles d’un groupe d’experts que nous
avons mis en place, pilotés par Mohamed Tozy et Sara Silvestri, les
analyses fournies par nos Réseaux dans chaque pays et, bien sûr, les
considérations politiques de notre Conseil d’Administration.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LES PAYS QUI VOUS VIENNENT À L’ESPRIT QUAND VOUS ENTENDEZ PARLER DE LA RÉGION
MÉDITERRANÉENNE
Pays européens
ROBERT MANCHIN
Albanie
8
Algérie
14
Bosnie-Herzégovine
8
Croatie
18
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Les indicateurs à suivre régulièrement portaient sur la diversité
culturelle, la connaissance des différences culturelles, les espaces de
rencontre, les appartenances à des identités multiples, la religion,
les perceptions mutuelles et le dialogue interculturel. Grâce à ces
indicateurs, les écarts de perceptions et les incompréhensions
concernant les différences et divergences actuelles entre les peuples
et les communautés des deux côtés de la Méditerranée devraient se
réduire. Ces indicateurs devraient également contribuer à réduire
les incompréhensions et à rétablir les liens humains et culturels
dans la région méditerranéenne afin de faciliter les activités de la
société civile, des décideurs et des leaders d’opinion. Le résultat
attendu est le renforcement du dialogue avec la perspective à long
terme de la transformation de l’espace méditerranéen en une «zone
de coopération, d’échanges, de mobilité et de paix», telle qu’elle est
mentionnée dans les valeurs principales ambitieuses et pourtant
si humanistes de la Fondation. Dans ce Rapport, les résultats sont
analysés à deux niveaux : par groupe de pays (pays européens et
pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée) et par pays. Dans la
majorité des cas, les différences entre les réponses touchant à des
spécificités socio-démographiques font aussi l’objet d’une analyse.
Une bonne image partagée mais des perceptions
différentes de la région
Les répondants des pays européens et des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée ont une perception bien différente les uns des
Le Rapport Anna Lindh 2010
Les répondants partageaient une bonne image de la région.
Quand ils ont été confrontés à différentes conceptions de la région,
les répondants des deux groupes ont eu tendance à préférer
les aspects positifs aux traits négatifs. Plus de trois-quarts des
personnes interrogées ont déclaré que la région était plutôt ou
fortement caractérisée par son hospitalité, son mode de vie et sa
gastronomie, son patrimoine culturel et son histoire communs et sa
créativité. Environ sept répondants sur dix lui ont associé des images
négatives, telles que la résistance au changement, les problèmes
environnementaux , ou ont décrit la région comme source de
conflits. Malgré ces points communs, des différences apparaissent
nettement dans les réponses des deux groupes. Par exemple, les
Européens associent plus souvent la région méditerranéenne à un
certain mode de vie et à une nourriture spécifique que ceux des
pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (90% contre 75%), et
perçoivent plus souvent la région comme une source de conflits
(73% contre 61%) (graphique 1.2).
Au niveau national, parmi les répondants européens, les Allemands,
les Grecs et les Suédois ont fait preuve d’une tendance à être
fortement ou plutôt d’accord avec les traits proposés, alors que
les Français étaient les moins d’accord avec les caractéristiques
suggérées. En effet, quand la quasi totalité des répondants allemands,
grecs et suédois trouvaient que la région méditerranéenne est
plutôt ou fortement caractérisée par son hospitalité (97%, 94% et
93%), les Français se distinguaient nettement des autres répondants
Européens (graphique 1.3). Cependant, même en France, la grande
majorité associe la Méditerranée à un mode de vie et à une cuisine
particuliers (82%). Les répondants allemands (83%), suédois et
grecs (tous deux 82%) considéraient la région comme une source
Albanie
Monaco
3
Algérie
Monténégro
7
Bosnie-Herzégovine
Maroc
Palestine
Portugal
22
France
Grèce
Israël
9
12
Egypte
autres de la région méditerranéenne. Lorsqu’ils ont été interrogés
sur les pays qui leur venaient spontanément à l’esprit en pensant
à cette région, les Européens ont eu tendance à faire référence
aux pays européens des rives de la Méditerranée, tandis que les
répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée citaient
davantage leurs pays voisins. Ainsi, les pays les plus fréquemment
mentionnés par les répondants européens en pensant à la région
méditerranéenne ont été l’Italie (72%), l’Espagne (65%), la Grèce
(54%), la France (39%) et la Turquie (30%) et, pour les répondants du
Sud et de l’Est méditerranéen, l’Égypte (38%), la Syrie (36%), le Liban
(34%) et le Maroc (28%). Toutefois, dans les deux groupes de pays,
un cinquième à un quart des répondants ont mentionné un pays de
l’autre groupe. Par exemple, dans le groupe des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée, une même proportion a cité l’Italie (26%),
l’Espagne (24%), la France (22%) et la Turquie (21%) (graphique 1.1).
En général, les Européens interrogés ont mentionné davantage de
pays que ceux du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Malte
21
Chypre
La société Gallup a été chargée par la Fondation Anna Lindh
de mener la première enquête euro-méditerranéenne sur les
tendances interculturelles. Ce sondage, unique par son ampleur, a
l’objectif ambitieux d’évaluer les véritables points de convergence
et de différences dans l’opinion publique et les attitudes au sein
de l’Euro-Méditerranée. L’enquête euro-méditerranéenne sera
renouvelée tous les trois ans, sur un échantillon prélevé au hasard
parmi la population, à raison de 1000 entretiens par pays, chaque
pays étant choisi sur la base d’une participation annuelle tournante.
La première enquête a été menée en août et septembre 2009 dans
plusieurs pays européens et des pays du littoral méditerranéen Sud
et Est. Les pays européens concernés par cette première enquête
étaient la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la Suède, le
Royaume-Uni, la Hongrie et la Bosnie-Herzégovine. Parmi les
pays du littoral méditerranéen figuraient la Turquie, l’Egypte, le
Liban, la Syrie et le Maroc. En Turquie et dans les pays du groupe
européen, les rencontres ont été menées par le système d’entretien
téléphonique assisté par ordinateur (Computer Assisted Telephone
Interview – CATI) et en face-à-face dans les pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée. En Hongrie, afin d’élargir le spectre de l’enquête,
700 entrevues ont été menées par CATI et 300 en face-à-face.
Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
Slovénie
39
Syrie
11
72
Liban
6
Libye
3
1
Tunisie
Malte
1
Monaco
1
1
Monténégro
2
Croatie
1
Chypre
Maroc
9
Palestine
France
Grèce
65
Israël
3
Italie
22
Turquie
23
Egypte
16
1
Espagne
54
Italie
23
1
38
22
13
Libye
9
Slovénie
0
24
Syrie
26
Liban
30
Portugal
Espagne
4
28
17
34
36
Tunisie
23
Turquie
21
0
Question du sondage: Pourriez-vous citer TOUS les pays qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez parler de la région méditerranéenne? Base: Tous les
participants, % de pays mentionnés (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE
Fortement
GRAPHIQUE 1.2
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Au cœur du sondage Anna Lindh/Gallup
GRAPHIQUE 1.1
Moyennement
Mode de vie et cuisine méditerranéens
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Hospitalité
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Histoire et patrimoine culturel communs
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Créativité
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Source de conflit
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Défis environnementaux
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Résistance au changement
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Question du sondage:Des personnes différentes ont des idées diverses sur ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir. Je vais vous
lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent fortement, moyennement
ou pas du tout la région méditerranéenne. Base: tous les participants, % de «fortement» et «moyennement» par pays (© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
potentielle de conflits, alors que seuls six répondants français sur
dix pensaient ainsi (62%). La plupart des répondants grecs étaient
fortement d’accord avec cette caractéristique négative, la moitié
d’entre eux environ (48%) percevant la région méditerranéenne
ainsi. Parmi les répondants des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée, les Marocains ont été les plus nombreux à exprimer
le sentiment que les caractéristiques décrites s’appliquaient à la
19
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
région (graphique 1.4).
Concernant la créativité, ce sont les Marocains qui ont été les plus
nombreux (53%), non seulement parmi les sondés de Sud et de
l’Est de la Méditerranée, mais aussi parmi l’ensemble des personnes
interrogées des deux régions, à affirmer qu’elle représente une
caractéristique forte de la région. Au total, 86% des Marocains
Le Rapport Anna Lindh 2010
Fortement
Moyennement
GRAPHIQUE 1.3
Pas du tout
Ne sait pas ou refuse de rép.
Allemagne
Moyennement
Pas du tout
Ne sait pas ou refuse de rép.
CRÉATIVITÉ
Fortement
Pas du tout
Ne sait pas ou refuse de rép.
LIEUX PRIVILÉGIÉS POUR
COMMENCER UNE NOUVELLE VIE
Européens
GRAPHIQUE 1.6
Médit. Sud et Est
Allemagne
BosnieHerzégovine
9
BosnieHerzégovine
Egypte
12
Egypte
Espagne
9
Espagne
France
12
France
France
Grèce
Grèce
Grèce
Hongrie
Hongrie
3
Moyennement
GRAPHIQUE 1.5
14
16
BosnieHerzégovine
12
Egypte
7
Espagne
Europe
Amérique
9
Afrique
Asie
18
4
Pays du Sud et de l›Est de la
Méditerranée
Hongrie
Liban
Liban
Maroc
Maroc
Maroc
Royaume Uni
Royaume Uni
12
Royaume Uni
Suède
Suède
6
Suède
Syrie
Syrie
5
Pays du Golfe
Autres
9
Ne sait pas
Turquie
14
Turquie
15
13
25
Syrie
21
20
Fortement
GRAPHIQUE 1.4
Allemagne
Liban
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
SOURCE DE CONFLIT
Refuse de répondre
Turquie
Question du sondage: Des personnes différentes ont des idées diverses sur
ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir.
Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de
personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent
fortement, moyennement ou pas du tout la région méditerranéenne Base: tous
les participants, % de ‘fortement’ et ‘quelque peu’ par pays (© Sondage Anna
Lindh/Gallup 2010)
Question du sondage: Des personnes différentes ont des idées diverses sur
ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir.
Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de
personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent
fortement, moyennement ou pas du tout la région méditerranéenne Base: tous
les participants, % de ‘fortement’ et ‘quelque peu’ par pays (© Sondage Anna
Lindh/Gallup 2010)
Question du sondage:: Des personnes différentes ont des idées diverses sur
ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir.
Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de
personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent
fortement, moyennement ou pas du tout la région méditerranéenne. Base:
tous les participants, % de «fortement» et «moyennement» par pays (©
Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
Question du sondage: Si vous pouviez recommencer une nouvelle vie avec
votre famille, où imagineriez-vous vivre ? Base: Tous les participants, % Total (©
Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
interrogés sont d’accord avec cette caractérique. L’exception à cette
tendance est le mode de vie et la cuisine méditerranénne, que les
répondants turcs ont le plus décrits comme des traits représentatifs
de la région du Sud et de l’Est de la Méditerranée (75% au total, dont
42% fortement d’accord), contre 72% au total, dont 32% fortement
d’accord chez les Marocains (graphique 1.5). Quant aux différences
entre les groupes sociodémographiques, des tendances stables
ont été observées dans tous les sous-groupes. En général, les
immigrés ou leurs enfants, les citadins, les diplômés, les employés
et les étudiants se sont dit plutôt ou fortement d’accord sur le fait
que les caractéristiques fournies dans l’enquête décrivaient bien
les pays méditerranéens. A titre d’exemple, neuf répondants sur
dix qui avaient immigré eux-mêmes (93%), ou dont les parents
avaient immigré (90%), qui vivaient dans une ville moyenne ou
grande (tous deux 89%), et qui étaient soit étudiants soit employés
affirmaient que la région était caractérisée par son hospitalité.
En moyenne, 86% des répondants pensaient de la sorte. Aucune
différence significative basée sur le genre et l’âge n’a été remarquée.
Les hommes, par exemple, étaient légèrement plus en accord que
les femmes avec les différentes caractéristiques mentionnées dans
l’enquête.
Méditerranée comme lieu de séjour, on a demandé aux participants
de l’enquête de choisir en toute liberté une destination de
prédilection pour y refaire leur vie avec leurs familles. Les résultats ont
indiqué l’Europe comme destination privilégiée pour s’y installer. En
effet, deux tiers des répondants européens préféreraient demeurer
en Europe si on leur en laissait le choix, alors que quatre répondants
sur dix du Sud et de l’Est de la Méditerranée préféreraient émigrer
en Europe (37%). Parmi ces derniers, 8% iraient dans un pays du Sud
et de l’Est de la Méditerranée, 16% en Afrique, et environ 1 sur 10
dans un pays du Golfe (13%), en Asie (11%) ou en Amérique (8%),
ou vers d’autres destinations (5%). Pour les Européens, l’Amérique
était la deuxième destination la plus prisée (12%), suivie par des
pays non compris dans l’enquête (9%), alors que 4% préféreraient
un pays du Sud ou de l’Est de la Méditerranée, et 3% l’Afrique et
l’Asie respectivement. Seuls 1% des répondants européens rêvaient
de s’installer dans un pays du Golfe. En détaillant les destinations
privilégiées, il en ressort qu’une part importante des répondants
préférerait demeurer dans le pays natal (graphique 1.6).
deux 33%) ont préféré leur pays natal, contre quatre répondants
sur dix égyptiens (39%), marocains et français (tous deux 44%) et
grecs (46%). Enfin, la moitié des répondants hongrois ont choisi la
Hongrie (51%) et six répondants espagnols sur dix préféreraient
l’Espagne.
Au niveau national, les répondants d’Allemagne, de BosnieHerzégovine et de Syrie ont démontré un attrait particulier envers la
culture, les religions et l’économie de l’autre groupe (graphique 1.8).
Pour définir l’attractivité de l’Europe et de la région Sud et Est de la
Le Rapport Anna Lindh 2010
Toutefois, cette part varie considérablement entre chaque rive de
la Méditerranée, de 16% des répondants du Royaume-Uni à deuxtiers en Turquie (64%). Environ le tiers des répondants allemands
(28%), bosniens (30%), suédois (32%), libanais et syriens (tous
Un fort intérêt mutuel pour la culture et l’économie
La majorité des répondants des deux groupes de pays s’est montrée
intéressée par les nouvelles et l’information sur la vie culturelle, le
mode de vie et la situation économique de l’autre groupe. L’intérêt
porté aux croyances et pratiques religieuses et à la culture de l’autre
groupe était plus marqué auprès des Européens, alors que les deux
groupes ont démontré un intérêt égal pour les sujets économiques.
Trois quarts des répondants européens se sont dit curieux de la vie
culturelle et du mode de vie du Sud et de l’Est de la Méditerranée
(61%), et 45% ont déclaré être intéressés par la religion dans cette
région. Six répondants sur dix des deux groupes ont déclaré suivre
les informations et les nouvelles sur la situation économique de
l’autre groupe. En revanche, un peu plus de répondants du Sud
et de l’Est de la Méditerranée ont déclaré être très intéressés par
l’économie de l’autre groupe que l’inverse (20% contre 14%)
(graphique 1.9).
Parmi les pays européens, l’intérêt porté à la culture et au
mode de vie des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée était
particulièrement prononcé en Allemagne (84%), alors que les
répondants britanniques ont fait preuve du minimum d’intérêt
(66%). Mis à part l’Allemagne, plusieurs pays étaient très intéressés
par les nouvelles et les informations sur la culture et le mode de
vie, dont la Bosnie-Herzégovine (37%) et la Grèce (35%). Parmi
les peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée, les répondants
marocains ont fait preuve du plus vif intérêt pour la culture et le
mode de vie en Europe (71%), tandis que les Syriens se sont dit très
intéressés (28%) (graphique 1.8).
L’intérêt porté aux croyances et pratiques religieuses variait, d’une
part, entre les deux-tiers des répondants pour la Bosnie-Herzégovine
(67%) et l’Allemagne (65%), la moitié des répondants pour la France
(51%) et l’Espagne (50%) et, d’autre part, entre 54% en Turquie
et un tiers en Egypte (35%). De même, l’enquête prouve que les
participants de Bosnie-Herzégovine (30%), d’Allemagne (24%) et
de Syrie (23%) étaient particulièrement nombreux à admettre qu’ils
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
HOSPITALITÉ
Très interessé
moyennement intéressé
Ne sait pas ou refuse de rép
Allemagne
17
BosnieHerzégovine
Egypte
Espagne
13
France
37
Maroc
23
42
37
41
49
Egypte
1
Espagne
France
26
1
1
53
34
9
Maroc
23
1
Turquie
48
51
18
23
54
1
1
23
35
1
32
1
Question du sondage: En pensant aux pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée/aux pays européens, comment qualifieriez-vous votre intérêt
pour les nouvelles et les informations les concernant sur les sujets suivants ?
Base: tous les participants, % par pays(© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
étaient très intéressés par les croyances et pratiques religieuses de
l’autre rive de la Méditerranée.
aux différents sujets, alors que cette tendance était nettement
moins marquée auprès des répondants européens. Par exemple,
aucune différence n’a été notée entre les groupes socioprofessionnels vis-à-vis des questions économiques. Toutefois,
les étudiants et les employés étaient quelque peu plus intéressés
par les informations sur la vie culturelle et le mode de vie (79% et
78% contre 76% en moyenne), et les étudiants par les croyances
et pratiques religieuses (62% contre 57% en moyenne).
Le Rapport Anna Lindh 2010
OUI
NON
GRAPHIQUE 1.10
Ne sais pas ou Refuse de rép.
Egypte
Liban
Situation
économique
Maroc
Croyances
et pratiques
religieuses
Turquie
29
Question du sondage: En pensant aux pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée/aux pays européens, comment qualifieriez-vous votre intérêt
pour les nouvelles et les informations les concernant sur les sujets suivants
?... Base: tous les participants, % de ceux «très intéressés» et «moyennement
intéressés» (© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)..
Les différences d’intérêt pour l’économie européenne auprès
des peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée étaient moins
prononcées. Les Syriens apparaissaient toutefois comme les
plus intéressés par ce sujet (35%). Dans les deux groupes, les
participants nés dans un pays différent du pays dans lequel ils
vivaient ou ceux dont les parents avaient émigré, étaient plus
intéressés par les nouvelles et les informations concernant l’autre
groupe de pays que ceux qui y étaient nés. Par exemple, 62% de
ceux qui avaient émigré vers l’Europe et ceux dont les parents
étaient des émigrés ont admis l’importance des croyances
et pratiques religieuses du Sud et de l’Est de la Méditerranée,
comparés à 56% de ceux qui n’avaient pas d’origine étrangère.
Les répondants bénéficiant d’un niveau d’éducation plus élevé et
ceux vivant dans de grandes ou moyennes villes ont démontré,
en général, un niveau de curiosité plus élevé envers les peuples
de l’autre groupe. Quant au genre et à la catégorie socioprofessionnelle, les tendances des réponses étaient différentes
entre les deux groupes. Parmi les répondants européens, les
femmes étaient les plus intéressées par les sujets de l’enquête,
alors que les hommes étaient les plus intéressés parmi les
répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Dans
le groupe des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, les
étudiants et les employés étaient les plus enclins à s’intéresser
PARENTS OU AMIS VIVANT DANS UN
PAYS EUROPÉEN
Syrie
34
36
Vie culturelle et
mode de vie
37
59
28
Médit. Sud et Est
22
56
40
Européens
GRAPHIQUE 1.9
26
43
15
13
24
56
35
3
INTÉRÊT POUR LES AUTRES PAYS
2
49
18
23
Syrie
21
57
26
Liban
2
16
39
32
20
Royaume Uni
Not interested
51
37
Hongrie
Suède
37
33
Grèce
52
35
12
2
39
44
Syrie
BosnieHerzégovine
GRAPHIQUE 1.8
Somewhat interested
Allemagne
2
42
38
4
1
38
37
9
Very interested
Don’t know or Refused
42
53
21
Turquie
44
48
Liban
Suède
28
49
9
Royaume Uni
22
41
20
Hongrie
28
40
10
Grèce
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
54
30
13
Pas intéressé
INTÉRÊT POUR LA VIE CULTURELLE ET
LE MODE DE VIE D’AUTRES PAYS
Famille et amis en Europe – vacances dans le Sud et l’Est
de la Méditerranée
Seulement quatre sondés sur dix du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ont déclaré avoir des amis ou des parents en Europe
(42%). Le lien était toutefois particulièrement prégnant en Turquie
(61%), au Maroc (58%) et au Liban (55%), où plus de la moitié
des répondants ont déclaré avoir des amis ou des parents en
Europe. En Syrie et en Egypte, où l’émigration vers l’Europe s’est
faite à plus petite échelle, une grande majorité de répondants
syriens (73%) et égyptiens (88%) ont déclaré n’avoir ni parents
ni amis en Europe. Les hommes, les répondants immigrants, les
moins éduqués, les habitants des grandes villes et les étudiants
avaient plus fréquemment des parents ou amis en Europe.
L’Allemagne, la France et l’Italie constituaient les trois destinations
européennes favorites des amis et des parents des répondants :
dans la majorité des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée,
Question du sondage: En pensant aux pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée/aux pays européens, comment qualifieriez-vous votre intérêt
pour les nouvelles et les informations les concernant sur les sujets suivants?
Base: tous les participants, % de ceux «très intéressés» et «moyennement
intéressés» (© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
Question du sondage: Avez-vous des parents ou amis qui vivent dans un pays
européen ? Base: tous les participants, % par pays (© Sondage Anna Lindh/
Gallup 2010).
ces trois pays figuraient en tête de la liste des 3 pays les plus
cités. A titre d’exemple, les trois-quarts des répondants turcs
ayant des parents et des amis en Europe ont indiqué que ceux-ci
vivaient en Allemagne (75%), 22% en France et 18% en Hollande.
L’Allemagne était le pays le plus cité en Syrie (36%), suivi par la
France (14%) et l’Italie (13%). La France était la destination favorite
des parents et amis des répondants marocains (43%) et libanais
(42%), suivie par l’Espagne (36%), l’Allemagne (31%), l’Italie (28%)
et la Suède (9%) (pour les répondants libanais). La plupart des
parents et amis des répondants égyptiens se trouvaient en Italie
(27%), en France (14%) et en Allemagne (7%) (graphique 1.10).
L’enquête a également porté sur le nombre d’Européens ayant
visité un ou plusieurs pays du Sud ou de l’Est de la Méditerranée.
Environ le tiers des répondants européens ont déclaré avoir visité
la région (36%), et les deux tiers ont répondu par la négative
(63%). Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée étaient
des destinations privilégiées de vacances, en particulier pour
les répondants Suédois, dont la moitié (51%) ont visité l’un des
pays de la région, suivis par les répondants allemands et français
(43%) et britanniques (42%). Les répondants d’Espagne (26%) et
de Bosnie-Herzégovine (23%) étaient les moins nombreux à avoir
visité la région (graphique 1.11).
les plus visités par les Européens. Les 3 destinations en tête de la
liste des touristes français étaient les pays du Maghreb (Tunisie,
Algérie et Maroc), suivis par la Croatie pour les répondants de
Bosnie-Herzégovine. La probabilité d’un voyage au Sud ou à l’Est
de la Méditerranée croissait avec l’âge et le niveau d’éducation.
A titre d’exemple, 41% des répondants âgés de 50 ans ou plus
ont eu l’occasion de visiter l’un de ces pays, contre 30% pour
ceux âgés entre 15 et 29 ans et 36% de ceux entre 30 et 49 ans
(graphique 1.13).
Une large proportion des Européens en visite dans la région
méditerranéenne se sont rendus en Turquie : ainsi, les répondants
de cinq des huit pays Européens de cette enquête ont déclaré
que la Turquie était leur destination de vacances préférée. La
moitié des répondants allemands, suédois et grecs, un tiers des
hongrois et 27% des bosniens ayant visité la région sont allés
en Turquie. Pour les Espagnols, la destination préférée était le
Maroc (48%), la Tunisie pour les Français (45%) et l’Espagne pour
les Britanniques participant à l’enquête (40%). Après la Turquie
venaient l’Egypte, la Tunisie, l’Italie et la Grèce parmi les pays
23
GRAPHIQUE 1.7
De même, on note une plus forte proportion de personnes ayant
visité la région parmi les répondants masculins, ceux dont les
parents ont émigré en Europe, les citadins des grandes villes, les
travailleurs indépendants, les salariés et les retraités. Par exemple,
c’est le cas de la moitié (49%) de ceux dont les parents n’étaient pas
nés dans leur pays de résidence actuelle, comparés au tiers (35%)
seulement de ceux qui n’avaient pas un antécédent d’émigration.
Un faible niveau d’interaction mais des similarités
perçues
Excepté en Suède et en France, seule une minorité de répondants
a eu des contacts avec des personnes de l’autre groupe de pays
durant l’année passée : un tiers des Européens et le quart des
répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ont
déclaré avoir rencontré ou parlé à des personnes de l’autre groupe
de pays, alors qu’une majorité respectivement de 64% et 76%
n’avait eu aucun contact. Parmi les Européens, de nombreux
répondants suédois (52%) et français (51%) ont déclaré avoir
rencontré ou parlé à des personnes de pays du Sud et de l’Est de
la Méditerranée, à l’opposé des Hongrois (12%). Parmi les pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée, ce sont les répondants libanais
qui avaient eu le plus de contacts avec des personnes d’Europe
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
INTÉRÊT POUR LA SITUATION
ÉCONOMIQUE D’AUTRES PAYS
NON
Ne sais pas ou Refuse de rép
Allemagne
BosnieHerzégovine
1
Espagne
France
1
Grèce
Hongrie
Suède
2
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
24
Royaume Uni
Question du sondage: Avez-vous visité des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ? Base: tous les participants, % par pays (©Sondage Anna Lindh/
Gallup 2010)
INTERACTIONS AVEC LES PEUPLES
D’AUTRES PAYS
OUI
NON
GRAPHIQUE 1.12
Ne sais pas ou Refuse de rép
Allemagne
1
BosnieHerzégovine
1
Egypte
Espagne
France
Grèce
Hongrie
1
Liban
Maroc
1
Royaume Uni
2
Suède
3
Syrie
(41%), alors que seulement un répondant sur dix d’Egypte (9%)
ou de Syrie (8%) avait parlé ou communiqué avec des Européens
durant l’année écoulée (graphique 1.12).
Parmi les répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée, les
répondants masculins, les personnes âgées de 15 à 29 ans, les
émigrés de première ou deuxième génération, les individus ayant
suivi des études secondaires ou universitaires, les habitants d’une
grande ou moyenne ville ou d’une banlieue, les salariés et les
étudiants ont été les plus enclins à déclarer avoir rencontré et parlé
avec des Européens. Parmi les Européens, le constat est semblable
bien que, dans ce cas, ce soit particulièrement ceux âgés de 15 à
49 ans, ceux qui ont fait des études secondaires ou universitaires,
les habitants de grandes villes et les travailleurs indépendants qui
avaient rencontré et communiqué avec des personnes de l’autre
groupe au cours des douze mois écoulés.
Les Européens ont rencontré des personnes du Sud ou de l’Est
de la Méditerranée pour affaires (38%) ou durant une excursion
ou un voyage (23%). Les répondants du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ont communiqué avec les Européens par internet
(24%), pour le travail (22%) et pour le tourisme (21%). Des
parts égales de répondants des deux groupes ont déclaré avoir
rencontré des personnes de l’autre groupe dans la rue ou dans
des lieux publics (17% d’Européens, 18% des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée) ou dans leur voisinage (17% contre 14%).
Parmi les Européens, l’Internet était rarement le lieu de rencontre
des personnes du Sud ou de l’Est de la Méditerranée (4%).
D’autres lieux d’interaction ont été mentionnés par les répondants
européens (19%) et le dixième des répondants du Sud ou de l’Est
de la Méditerranée (11%) (graphique 1.14).
Les hommes, les personnes âgées de 30 à 49 ans, celles qui ont
suivi des études supérieures, les travailleurs indépendants et les
employés et, pour les pays du Sud ou de l’Est de la Méditerranée,
les citadins, sont ceux qui ont communiqué le plus souvent avec
des personnes de l’autre groupe pour affaires. Les Européens nés
dans un autre pays ou dont les parents sont nés dans un autre pays
ont été les plus nombreux à rencontrer des personnes du Sud ou
de l’Est de la Méditerranée pour affaires durant les 12 mois écoulés.
Le profil sociodémographique de ceux qui ont rencontré des
personnes de l’autre groupe dans un cadre touristique était très
différent entre les deux groupes. Parmi les répondants du Sud ou
de l’Est de la Méditerranée, il s’agit essentiellement des personnes
qui ont fait des études supérieures et des citadins et, dans le
groupe européen, des étudiants et des plus de 65 ans. Dans les
deux groupes, les jeunes de 15 à 29 ans et les étudiants étaient
ceux qui avaient rencontré le plus souvent des personnes par
Internet suivis, parmi les répondants des pays du Sud ou de l’Est
de la Méditerranée, par les personnes ayant le plus haut niveau
d’instruction et les citadins. D’autres différences ont été observées.
Les femmes ont ainsi plus souvent rencontré des personnes
d’Europe que les hommes.
Turquie
Question du sondage: Au cours des 12 derniers mois, avez-vous
personnellement rencontré ou parlé avec une (des) personne(s) des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée/des pays européens ? Base: tous les
participants, % par pays (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
Le Rapport Anna Lindh 2010
Six Européens sur dix (62%) et 45% des répondants du Sud et de
l’Est de la Méditerranée considéraient avoir davantage de points
communs que de différences avec les peuples de l’autre groupe.
Environ sept répondants sur dix anglais (71%), grecs et allemands
(68%) qui avaient rencontré des personnes du Sud et de l’Est de
PAYS VISITÉS DU SUD ET DE L’EST DE LA MÉDITERRANÉE
Bosnie-Herzégovine
Turquie
France
Tunisie
GRAPHIQUE 1.13
Allemagne
Grèce
Turquie
Turquie
Egypte
Croatie
Maroc
Egypte
Italie
Algérie
Tunisie
Italie
Egypte
Egypte
Italie
Chypre
Monténégro
Turquie
Espagne
Israël
Slovénie
Italie
Grèce
Tunisie
Tunisie
Espagne
Maroc
Espagne
Maroc
Grèce
Croatie
Maroc
Syrie
Israël
France
France
Espagne
Croatie
Israël
Liban
Hongrie
Espagne
Suède
Royaume-Uni
Espagne
Turquie
Maroc
Turquie
Italie
Tunisie
Egypte
Italie
Grèce
Grèce
Egypte
Grèce
Espagne
Italie
Tunisie
Turquie
Croatie
Turquie
Maroc
Egypte
Tunisie
France
Espagne
France
Egypte
Israël
Israël
Maroc
France
Grèce
Italie
Tunisie
Israël
Algérie
Chypre
Chypre
Algérie
Liban
France
Malta
25
OUI
GRAPHIQUE 1.11
Question du sondage: Quel(s) pays? Base: Ceux ayant rencontré ou parlé avec des personnes de pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée %, les 10 pays
en tête de liste (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)..
la Méditerranée ont déclaré la même chose. Dans les pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée, ce sont les Marocains qui se
trouvaient le plus d’affinités avec les Européens (59%). Dans les
deux groupes, les plus instruits et les étudiants ont déclaré avoir
plus de points communs que de différences avec les autres.
Valeurs principales partagées et différentes
Parmi les répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée,
en plus de ceux-ci, les habitants des métropoles et les femmes
étaient les plus proches des Européens, alors que les hommes et
les habitants des zones rurales et des petites villes et les retraités
en étaient le plus éloignés. Parmi les répondants européens,
ceux âgés de 50 à 64 ans, les immigrés de deuxième génération
et les habitants des petites ou moyennes villes pensaient que les
points communs étaient plus nombreux que les différences, alors
que les immigrés de première génération, ceux âgés de 64 ans
ou plus et les répondants d’une profession «autre» ressentaient
plus fréquemment que les personnes du Sud et de l’Est de la
Méditerranée leur étaient semblables.
L’un des objectifs de l’enquête était de définir les valeurs partagées
ou antagonistes entre les répondants européens et ceux du Sud et
de l’Est de la Méditerranée. Pour mieux identifier les valeurs clés des
répondants, les participants à l’enquête ont eu à choisir dans une
liste, et par ordre de priorité, les deux plus importantes valeurs pour
l’éducation de leurs enfants. Les résultats ont montré des différences
marquées entre les valeurs clés des répondants du Sud et de l’Est
de la Méditerranée et des Européens. Alors que la religion était la
valeur la plus importante pour les répondants du Sud et de l’Est de
la Méditerranée, les Européens ont déclaré que le respect pour les
autres cultures et la solidarité familiale étaient les valeurs les plus
importantes à transmettre à leurs enfants. Environ six répondants
du Sud et de l’Est de la Méditerranée sur dix ont mentionné les
croyances religieuses comme première et deuxième valeurs dans
l’éducation de leurs enfants (62%), alors qu’un Européen sur six
pensait de la même manière (14%) (graphique 1.15).
Concernant le respect des autres cultures, qui était la valeur la
plus citée parmi les répondants européens, l’image était opposée:
alors que six Européens sur dix l’ont mentionné à la première et
à la deuxième place (58%), seuls 17% des répondants du Sud et
de l’Est de la Méditerranée ont répondu de la même manière. Les
différences étaient moins marquées que pour les autres valeurs.
Par exemple, une majorité de 56% d’Européens ont mis la solidarité
familiale au cœur de l’éducation de leurs enfants, alors que quatre
répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée sur dix
(41%) pensaient de la même manière. Alors que l’indépendance
était plus souvent citée par les répondants européens en première
et deuxième places (24% contre 19%), les répondants des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée ont souligné plus souvent
l’importance de l’obéissance dans l’éducation de leurs enfants
(35% contre 24%). Apprendre à leurs enfants à être curieux était
plus important pour une part égale de répondants des deux
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
PAYS VISITÉS DU SUD ET DE L’EST DE LA
MÉDITERRANÉE
Tourisme
Relations
de voisinage
Par hasard dans la rue/
dans un lieu public
Discussion sur Internet
LES VALEURS CONSIDÉRÉES PAR LES PARTICIPANTS COMME ÉTANT LES PLUS IMPORTANTES À
TRANSMETTRE À LEURS ENFANTS
La plus importante
La deuxième plus importante
Européens
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
26
Solaidarité familiale
Allemagne
Allemagne
Allemagne
Allemagne
Allemagne
BosnieHerzégovine
BosnieHerzégovine
BosnieHerzégovine
BosnieHerzégovine
BosnieHerzégovine
Egypte
Egypte
Egypte
Egypte
Egypte
Espagne
Espagne
Espagne
Espagne
Espagne
France
France
France
France
France
Grèce
Grèce
Grèce
Grèce
Grèce
Hongrie
Hongrie
Hongrie
Hongrie
Hongrie
Liban
Liban
Liban
Liban
Liban
Maroc
Maroc
Maroc
Maroc
Maroc
Royaume Uni
Royaume Uni
Royaume Uni
Royaume Uni
Royaume Uni
Suède
Suède
Suède
Suède
Suède
Syrie
Syrie
Syrie
Syrie
Syrie
Turquie
Turquie
Turquie
Turquie
Turquie
groupes (17% Européens, 19% habitants du Sud et de l’Est de la
Méditerranée) (graphique 1.15).
Les répondants ont répondu aussi sur les valeurs qu’ils
considéraient comme primordiales pour leur groupe et pour
l’autre. Il était plus facile pour les participants des deux groupes
d’évaluer les valeurs primordiales des membres de leur groupe
que celles de l’autre. Les jugements portés sur les valeurs clés
de l’autre groupe n’allaient pas de pair avec les perceptions de
leur propre groupe, ou les répondants étaient insuffisamment
informés pour exprimer une opinion. En se concentrant d’abord
sur les jugements portés par les répondants sur les personnes de
leur propre groupe concernant la plupart des valeurs, la majorité
des répondants ont estimé la plupart de leurs valeurs similaires à
celles de leur propre groupe. Toutefois, ils ont porté des jugements
erronés sur les valeurs clés de l’éducation des enfants au sein de
leur propre groupe.
Les Européens considéraient le respect pour les autres cultures et
la solidarité entre les membres de la famille comme des valeurs
clés pour ceux qui avaient des enfants. Cependant, une grande
partie des répondants ont considéré ces valeurs comme plus
importantes dans l’éducation leurs propres enfants que pour
les autres enfants européens : seuls 46% considéraient que les
Européens en général apprennent à leurs enfants comment
traiter les peuples des autres cultures avec respect et la moitié
Le Rapport Anna Lindh 2010
pensaient avoir inculqué à leurs enfants l’importance de la
solidarité familiale, comparés à 58% et 50% respectivement qui
considéraient cela comme une part importante dans l’éducation
de leurs propres enfants. Comme pour l’évaluation de leurs
propres valeurs, environ le quart des répondants européens ont
mentionné l’indépendance et l’obéissance comme première et
deuxième valeurs pour les Européens ayant des enfants, et un peu
moins que le cinquième ont fait de même concernant les croyances
religieuses et le septième concernant la curiosité (graphique 1.16).
Comme pour leurs propres valeurs, la plupart des répondants du
Sud et de l’Est de la Méditerranée ont mentionné la religion en
première et deuxième places comme valeurs primordiales dans
l’éducation des enfants dans leur région. Cependant, davantage
de répondants ont considéré la religion comme plus importante
au sein de leur famille que dans les familles du Sud et de l’Est de
la Méditerranée (62% contre 55%). Seule une minorité pensait que
les parents de leur région considéraient qu’il était plus important
que leurs enfants apprennent à être indépendants (20%), curieux
(15%) et respectueux envers les personnes d’autres cultures (14%);
ces chiffres étaient semblables à ce qui avait été annoncé (19%
pour l’indépendance et la curiosité, et 17% pour le respect). Plus
de répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée pensaient
que la solidarité familiale était une valeur plus primordiale dans
l’éducation de leurs propres enfants que pour les autres parents de
la région (41% pour leurs propres valeurs, 32% pour les valeurs des
autres), alors que les répondants pensaient que l’obéissance était
32
26
Européens
Respect des autres cultures
Médit. Sud et Est
5
13
10
Européens
13
18
Médit. Sud et Est
Indépendance
18
10
14
Médit. Sud et Est
7
11
Européens
8
9
Curiosité
12
Médit. Sud et Est
Européens
Crovances religieuses
26
32
Européens
Obéissance
24
15
Médit. Sud et Est
Médit. Sud et Est
Question du sondage: par quel biais avez-vous rencontré ou parlé à cette personne ? Base: ceux ayant rencontré ou parlé avec des personnes d’autres pays, % par
pays (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
GRAPHIQUE 1.15
5
7
27
Affaires ou travail
GRAPHIQUE 1.14
9
41
21
Question du sondage: Parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents qui élèvent des enfants
dans les sociétés européennes ? - Je voudrais savoir laquelle de ces six valeurs vous diriez être la plus importante pour vous-même ? Et la deuxième plus
importante ? Base: tous les participants, % Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
plus importante pour les autres parents que pour eux-mêmes
(40% des valeurs des autres contre 35% pour leurs propres
valeurs) (graphique 1.17).
De manière générale, les répondants ont largement mésestimé
les valeurs primordiales mentionnées par les personnes de
l’autre groupe. Les répondants des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ont clairement surestimé l’importance des valeurs
individuelles telles que l’indépendance et la curiosité pour les
Européens, et ont sous-estimé l’importance de la solidarité
familiale, du respect des autres cultures et de l’obéissance. Les
Européens ont, de leur côté, surestimé l’importance du respect
des autres cultures pour les répondants du Sud et de l’Est de la
Méditerranée et sous-estimé le poids de toutes les autres valeurs.
Environ six répondants des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée sur dix pensaient que les parents européens
apprenaient en priorité à leurs enfants à être indépendants (57%),
et curieux (44%) alors que seul un Européen sur cinq a mentionné
l’indépendance en premier et deuxième lieu (19%) comme valeur
primordiale dans l’éducation, et seulement 13% pour la curiosité
(graphique 1.16). D’autre part, le quart des répondants des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée pensait que les Européens
veulent que leurs enfants respectent les autres cultures, 17%
pensaient que la solidarité familiale était importante pour
les Européens, et 14% pensaient quils attendaient de leurs
enfants qu’ils soient obéissants. Par contre, 58%, 56% et 24%
des répondants européens ont mentionné ces valeurs comme
de première ou deuxième importance dans l’éducation de leurs
enfants (graphique 1.15).
Les Européens ont également mal estimé les valeurs des parents
dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, et un nombre
moindre pensait que les valeurs de l’enquête étaient importantes
dans l’éducation des enfants de cette région. La plupart des
Européens pensaient, par exemple, que la solidarité familiale était
la première (ou la deuxième) valeur pour les parents des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée (48%), alors que 41% des
répondants de cette région la considéraient comme importante.
Les répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
ont jugé les croyances religieuses comme prioritaires (62%). Les
Européens ont sous-estimé l’importance de la curiosité (7% contre
19%), de l’indépendance (14% contre 20%), et de l’obéissance (28%
contre 35%) dans l’éducation au Sud et à l’Est de la Méditerranée.
En revanche, ils ont surestimé l’importance du respect des autres
cultures pour les peuples de cette région (31% contre 17%)
(graphique 1.17). Les Européens ont plus volontiers reconnu leur
ignorance des valeurs clés des parents du Sud et de l’Est de la
Méditerranée que l’inverse. Ainsi, 16% des Européens ont déclaré
ne pas pouvoir juger les valeurs des répondants des pays du Sud
et de l’Est de la Méditerranée, alors que 14% des répondants de la
région n’avaient pas d’avis sur les valeurs des parents européens.
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
MOYEN D’INTERACTION
GRAPHIQUE 1.16
PERCEPTIONS DES PARTICIPANTS DES VALEURS CONSIDÉRÉES COMME ÉTANT LES PLUS
IMPORTANTES À TRANSMETTRE À LEURS ENFANTS PAR LES PARENTS EN EUROPE
La deuxième plus importante
Européens
Médit. Sud et Est
Respect des autres cultures
27
Européens
Indépendance
8
Européens
13
Croyances religieuses
13
28
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Médit. Sud et Est
8
Européens
8
Européens
Médit. Sud et Est
Différences entre pays
Concernant leurs propres valeurs personnelles, les Espagnols
trouvaient que le respect des autres cultures était la leçon la plus
importante (ou la deuxième) à enseigner à leurs enfants (68%;
41% en première et 27% en deuxième mention). Les Hongrois
étaient, de loin, les plus nombreux à trouver la solidarité familiale
essentielle pour l’éducation des enfants : plus de huit répondants
sur dix ont mentionné cette valeur (84%), dont six sur dix en
première place (61%). D’autre part, trois répondants suédois (30%)
et égyptiens (29%) sur dix ont mentionné les liens familiaux. Seul
un quart des répondants (26%) trouvaient que l’obéissance était
une valeur primordiale parmi les valeurs de l’enquête.
Les Suédois ont mentionné leur désir que leurs enfants soient
curieux (48%), alors que seuls 7% des répondants turcs et grecs
partageaient cette vision. Les opinions sur l’importance de
l’indépendance variaient moins entre les pays; la part de ceux
qui la positionnaient au premier et au deuxième rang des valeurs
variait entre approximativement trois Allemands, Suédois (29%),
et Britanniques (28%) sur dix à un répondant sur dix en Egypte.
En étudiant les résultats des attitudes des répondants sur les
Le Rapport Anna Lindh 2010
Européens
Médit. Sud et Est
Européens
Obéissance
Médit. Sud et Est
Européens
Indépendance
10
9
Médit. Sud et Est
Européens
Curiosité
8
23
21
Question du sondage: Parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents qui élèvent des enfants dans les
sociétés européennes ? La bande marron indique les réponses des Européens sur les valeurs les plus importantes à transmettre aux enfants en Europe. La bande
orange indique les réponses des peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée sur les valeurs les plus importantes à transmettre aux enfants en Europe. Base: tous
les participants, % Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
Le taux de «ne sait pas» était particulièrement élevé en BosnieHerzégovine (27%) et en Turquie (44%).
Respect des autres
cultures
7
11
5
22
13
12
Médit. Sud et Est
Curiosité
Médit. Sud et Est
34
Européens
Européens
Solidarité familiale
20
17
Médit. Sud et Est
Obéissance
Médit. Sud et Est
25
Médit. Sud et Est
Européens
Croyances religieuses
22
11
7
La deuxième plus importante
valeurs primordiales d’autres peuples d’Europe ou du Sud et de
l’Est de la Méditerranée, les observations suivantes ont été faites.
Les Hongrois et les Espagnols pensaient que les Européens et les
peuples des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée partageaint
les mêmes valeurs dans l’éducation des enfants. Par exemple, les
Hongrois avaient tendance à penser que la solidarité familiale
était la valeur principale ou la deuxième pour les Européens (68%)
et les peuples des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée dans
l’éducation des enfants (66%) – bien qu’inférieure à l’importance
qu’ils lui portent eux-mêmes (84%). Les Espagnols pensaient que
les parents européens (61%) et des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée (64%) accordaient plus d’importance à cette valeur
qu’au respect d’autres cultures dans l’éducation de leurs enfants –
mais moins qu’à celle qu’ils lui accordent (68%).
Parmi les différents pays, les répondants libanais se sont démarqués
dans le jugement des valeurs des autres parents. Concernant les
valeurs des Européens, les Libanais ont surestimé l’importance
que les Européens accordaient aux valeurs individuelles telles
que la curiosité et l’indépendance. Huit répondants libanais sur
dix trouvaient que les première et deuxième valeurs d’importance
auprès des parents européens était d’apprendre à leurs enfants à
être indépendants (77% du total, 53% en première mention), et,
pour les deux-tiers, à être curieux (66% du total, 23% en première
mention). Les Libanais étaient les moins portés à considérer que
les Européens accordent une grande importance à l’obéissance
29
Solidarité familiale
La plus importante
GRAPHIQUE 1.17
Médit. Sud et Est
Question du sondage: Parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents qui élèvent des enfants dans les
sociétés du Sud et de l’est de la Méditerranée? La bande marron indique les réponses des Européens sur les valeurs les plus importantes à transmettre aux enfants dans
les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. La bande orange indique les réponses des habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée sur les valeurs les plus
importantes à transmettre aux enfants de cette région. Base: tous les participants, % Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
(5%), à la religion et à la solidarité familiale (tous deux 8%) dans
l’éducation de leurs enfants. Comme les Hongrois, les Libanais
pensaient que les croyances religieuses (tous deux 66%) étaient
les plus importantes valeurs des peuples du Sud et de l’Est de la
Méditerranée dans l’éducation des enfants. De même, comme
les Hongrois (9%) et les Suédois (7%) – ils étaient les moins
enclins à penser que les parents des pays du Sud et de l’Est de
la Méditerranée voudraient apprendre à leurs enfants la curiosité
(9%). Les Français (36%) et Anglais (37%) étaient moins portés à
penser que l’éducation religieuse des enfants était la valeur la plus
importante pour les peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Les Suédois ont surestimé l’importance de l’obéissance pour les
autres parents européens (36%) et étaient parmi les principaux
répondants d’Europe à penser que cette valeur était importante
pour les parents des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
(42% contre 28% en moyenne).
Considérations socio-démographiques
Concernant les propres valeurs des répondants, l’enseignement
du respect des autres cultures aux enfants a été mentionné
par les répondants âgés de 50 ans ou plus, par les immigrés
de première et deuxième génération, les répondants ayant
terminé leur études secondaires et universitaires, les citadins,
les employés et les retraités. Les deux derniers groupes ont fait
preuve d’une tendance à choisir la solidarité familiale comme
valeur primordiale ou seconde à transmettre à leurs enfants,
comme les personnes âgées de 65 ans ou plus ainsi que ceux qui
avaient terminé leurs études secondaires. Les répondants entre
15 et 29 ans ont le plus souvent mentionné la religion comme
valeur principale pour les enfants, tout comme les répondants
d’un niveau d’éducation inférieur et les femmes au foyer. De plus,
la religion a été mentionnée comme élément principal par les
habitants des métropoles et des zones rurales.
L’obéissance était jugée importante auprès de ceux sans éducation
formelle, les sans-emplois et les répondants des zones rurales.
Ceux qui ont mentionné la curiosité et l’indépendance avaient
un profil sociodémographique très similaire. Les deux valeurs
étaient particulièrement importantes pour les étudiants et ceux
ayant reçu une éducation supérieure. Par contre, la curiosité a
été aussi souvent mentionnée par ceux sans instruction que
ceux ayant terminé leurs études secondaires et universitaires.
L’indépendance a été beaucoup mentionnée par les hommes, les
immigrés de première et deuxième génération, les citadins et les
employés.
La conviction d’une vérité universelle était plus répandue dans
les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée : six répondants
de cette région sur dix croyaient en une vérité universelle, alors
que le tiers pensait que la vérité dépend des circonstances (34%).
Une grande majorité d’Européens pensaient que cette vérité est
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
La plus importante
PERCEPTIONS DES PARTICIPANTS DES VALEURS CONSIDÉRÉES PAR LES PARENTS DU SUD ET DE L’EST
DE LA MÉDITERRANÉE COMME ÉTANT LES PLUS IMPORTANTES À TRANSMETTRE À LEURS ENFANTS
Refuse de rép.
La vérité est absolue
Il n’existe pas de vérité absolue. Tout dépend des circonstances.
Assurément
Allemagne
BosnieHerzégovine
9
Egypte
Non
LES MÉDIAS ONT CHANGÉ EN POSITIF
LES POINTS DE VUES SUR LES AUTRES
Oui
Ne sait pas ou Refuse de rép.
Ne sait pas ou Refuse de rép.
Non
Innovation et
entrepreunariat
7
Allemagne
Dynamisme des jeunes
9
BosnieHerzégovine
GRAPHIQUE 1.20
16
80
23
Egypte
12
27
France
3
Souci de
l’environnement
France
13
86
Grèce
2
Égalité des genres
Grèce
13
82
Liberté individuelle et
primauté de la loi
Attachement aux
valeurs spirituelles et
morales
Royaume Uni
Suède
6
3
23
4
1
5
6
71
Liban
40
59
Maroc
38
62
1
Royaume Uni
14
84
2
Suède
12
86
2
Syrie
Syrie
77
19
Hongrie
Solidarité sociale
Maroc
Espagne
2
71
3
9
4
65
Espagne
Liban
30
Peut-être
GRAPHIQUE 1.19
Respect de la diversité
culturelle
Hongrie
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LA SOCIÉTÉ PROFITERAIT DU PROJET DE
L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE
Turquie
24
28
74
67
2
5
Turquie
Question du sondage: Certaines personnes croient qu’il existe des règles
absolues sur ce qui est bon et mauvais et ce qui est vrai. D’autres disent qu’il
n’y a pas de vérité absolue, mais que les choses sont relatives et que le bien et
le mal dépendent de la situation. Quel point de vue vous correspond le plus ?
Base: tous les participants, % par pays (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
Question du sondage: Votre pays, les pays voisins et la plupart des pays
européens ont décidé d’établir des échanges politiques, économiques et
culturels plus étroits au sein du projet de l’Union pour la Méditerranée. Quel
intérêt aurait votre société à participer à un tel projet? Pensez-vous qu’elle en
profiterait assurément, peut-être ou pas du tout ? Base: tous les participants, %
Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
Question du sondage: Vous souvenez-vous avoir entendu, lu ou regardé
récemment quoi que ce soit dans les médias qui ait changé ou renforcé
positivement votre point de vue sur les populations des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée/des pays européens ? Base: tous les participants, % par
pays (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
relative (78%), et seulement un cinquième d’entre eux croyaient
en une vérité universelle (18%). Au Maroc, presque tous les
répondants croyaient en une vérité universelle (88%), et seul un
sur dix n’y croyait pas. Le Maroc est rejoint en tête par l’Égypte,
avec sept participants sur dix (71%), et six Libanais (62%) et Syriens
(61%) sur dix. Les Turcs étaient les plus sceptiques du groupe
avec environ les deux-tiers des répondants qui ne croyaient pas
à une vérité absolue (64%) contre approximativement le quart
qui y croyait (27%) (graphique 1.18). Dans les pays européens,
les répondants de Bosnie-Herzégovine et du Royaume-Uni
croyaient le plus volontiers en une vérité universelle. Toutefois,
ils ne représentaient qu’une minorité d’Européens (28% et 25%).
Les Suédois partageaient moins cet avis : plus de huit répondants
sur dix croyaient en une vérité absolue ou relative selon les
circonstances (84%) et plus d’un répondant sur huit n’y croyait
pas (13%). Les personnes âgées de 15 à 29 ans, les habitants de
métropoles, ceux ayant un niveau inférieur d’instruction et les
femmes au foyer étaient ceux qui croyaient le plus en une vérité
absolue (graphique 1.18).
Les bénéfices attendus de l’Union pour la Méditerranée
Méditerranée soutiennent l’alliance, nous avons suggéré aux
répondants plusieurs éléments qui pourraient avoir un impact sur
leurs pays. Il a été demandé aux sondés des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée s’ils pensaient que ces éléments auraient
assurément, peut-être ou jamais un impact, et, aux répondants
européens, de mentionner trois éléments susceptibles de
se concrétiser. La plupart des répondants du Sud et de l’Est
de la Méditerranée étaient convaincus que l’Union pour la
Méditerranée peut être profitable à leur société. En leur offrant le
choix de plusieurs impacts positifs hypothétiques de l’Union, une
majorité relative des répondants a estimé que ces effets pourraient
assurément avoir lieu (entre 34% et 48%) et environ le tiers des
répondants pensaient que l’Union pourrait peut-être produire
de tels effets (entre 22% et 38%). Seule une minorité pensait que
ces apports pourraient ne pas se concrétiser (entre 8% et 25%).
Les répondants étaient majoritairement convaincus que l’Union
encouragerait l’innovation et l’entreprenariat. Environ la moitié
des répondants estimait que l’Union aurait assurément cet effet
(48%), et 37% pensaient que le développement dans cette région
serait possible. Seul un répondant sur dix en excluait la possibilité
(8%) (graphique 1.19).
Pour voir à quel point les citoyens des pays de l’Union pour la
Un peu plus de 45% des répondants des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée pensaient que leur région verrait assurément
naître une préoccupation croissante autour des questions
environnementales (47%), un dynamisme jeune et un plus grand
respect pour la diversité culturelle (tous deux 46%) dès que l’Union
entrerait en vigueur. Presque un tiers des répondants pensaient
que ces effets pourraient peut-être avoir lieu et un peu plus d’un
sur dix n’y croyait pas. Plus d’égalité des genres, de solidarité sociale
et une augmentation de la liberté individuelle et de l’autorité de
la loi ont été considérés comme des avancées certaines par un
quart des répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée et
vus comme résultats probables aux yeux, respectivement, de
35%, 37% et 38% d’entre eux, alors que 16% des répondants ne
croyaient pas que l’Union aurait un impact dans ces domaines. Les
répondants en attendent moins un impact sur l’attachement aux
valeurs morales et spirituelles. Ce point a été le plus controversé
(25% d’avis négatifs), un tiers seulement des répondants pensant
que cet effet pourrait assurément (34%) ou peut-être (35%) avoir
lieu si l’Union se formait. Les répondants du Liban pensaient que
l’Union entraînerait assurément un dynamisme jeune (65%), une
augmentation de la diversité culturelle (59%) et une préoccupation
de l’environnement (58%), qu’elle encouragerait l’innovation et
l’entreprenariat (56%), et améliorerait l’égalité des genres (52%).
Les répondants du Maroc étaient les plus nombreux à penser que
Le Rapport Anna Lindh 2010
l’attachement aux valeurs spirituelles et morales (50%), la liberté
individuelle, l’autorité de la loi (48%) et la solidarité sociale (50%) se
verraient assurément renforcés.
Les répondants européens ont été interrogés sur les mêmes
impacts de l’Union pour la Méditerranée et on leur a demandé
s’ils pensaient qu’elle aurait le même effet dans leurs pays. On leur
a également demandé de choisir les trois plus importants impacts
attendus dans leur pays. Les résultats indiquent que les Européens
attendaient le plus souvent de l’Union qu’elle contribue à un
plus grand respect de la diversité culturelle. Un peu moins de
la moitié des répondants ont attribué cet effet à l’Union pour la
Méditerranée (46%). Le tiers des répondants pensaient que l’Union
encouragerait l’innovation et l’entreprenariat et augmenterait
la solidarité sociale (tous deux 32%) et la préoccupation autour
des questions environnementales (30%). La liberté individuelle
(27%) et l’égalité des genres (25%) ont été cités par le quart des
Européens environ. L’attachement aux valeurs spirituelles et
morales (18%) et le dynamisme jeune (16%) étaient considérés
comme une résultante de l’Union. Un répondant sur dix ne
pouvait pas estimer l’effet que l’Union pourrait avoir et 2% ont
refusé de répondre (graphique 1.19).
Aucun pays européen n’avait d’avis tranché sur le soutien ou
l’opposition à l’Union. Toutefois, les Grecs, Français et Britanniques
étaient en tête de liste (indiquant que les répondants de ces pays
avaient le plus choisi l’élément positif respectif ) alors que la
Bosnie-Herzégovine était au bas de la liste. Par exemple, quatre
répondants grecs sur dix pensaient que l’Union apporterait
innovation et entreprenariat (41%) et augmenterait la sensibilité
aux questions environnementales (42%). Les Britanniques étaient
particulièrement convaincus que la diversité culturelle profiterait
de l’Union (63%), et ont mentionné la liberté individuelle et
l’autorité de la loi (36%). De même, les Français pensaient que
l’Union apporterait plus d’égalité des genres (36% pour les
Espagnols), et de dynamisme jeune (22%). Les répondants de
Bosnie-Herzégovine étaient particulièrement critiques quant à
l’éventuel impact positif de l’Union sur la préoccupation autour
des questions environnementales (19%), le dynamisme (12%) et
la diversité culturelle (20%).
L’analyse sociodémographique indique peu de variations dans
les réponses entre les groupes sociodémographiques. Parmi les
répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée, par exemple,
ceux avec un niveau d’éducation moyen (niveau secondaire),
les habitants de banlieues ou de grandes villes et les étudiants
par exemple étaient absolument persuadés que la participation
à l’Union encouragerait l’innovation et l’entreprenariat,
augmenterait le respect de la diversité culturelle, le dynamisme
jeune, la sensibilité aux questions environnementales et l’égalité
des genres.
Concernant la situation relative à l’immigration des répondants
du Sud et de l’Est de la Méditerranée (soit eux ou leurs parents
ayant émigré de leur pays natal), des différences majeures ont
été enregistrées; les immigrés de première génération étant
particulièrement convaincus des futurs impacts positifs de
l’Union. Par exemple, 64% des immigrés pensaient que l’Union
augmenterait la solidarité sociale dans leur pays, comparé à 39%
Le Rapport Anna Lindh 2010
31
GRAPHIQUE 1.18
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
OPINION SUR L’EXISTENCE D’UNE
VÉRITÉ ABSOLUE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
32
La majorité des répondants n’avaient pas l’impression que les
médias avaient amélioré l’image de l’autre groupe de pays. Cette
évaluation critique était prépondérante parmi les répondants
Européens. Huit participants à l’enquête sur dix en Europe ont dit
que les médias dans leurs pays n’encourageaient pas les images
positives des peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée (79%).
Cette proportion variai de 71% en Hongrie à 86% en Suède,
alors que la proportion de ceux qui croyaient que les médias ont
changé positivement l’image des peuples des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée variait entre 23% et 12% dans ces pays
(graphique 1.20).
Plus de répondants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
pensaient que les médias encouragent et améliorent l’image des
Européens (31%). Le quart des répondants en Syrie et quatre
sur dix au Liban en ont fait une évaluation positive, alors que
trois quarts (74%) en Syrie et six sur dix au Liban (59%) ont nié
cet impact des médias. Parmi les participants des pays du Sud
et de l’Est de la Méditerranée, ceux ayant le plus haut niveau
d’éducation, les habitants de métropoles et les étudiants se
rappelaient avoir lu, entendu ou vu des informations positives
concernant les Européens.
Dans les deux groupes, les immigrés et ceux dont les parents
avaient émigré partageaient cette vision. Les répondants qui
pensaient que les médias améliorent l’image de l’autre groupe de
pays ont été questionnés sur les sources de cette image positive.
La source d’information la plus citée dans les deux groupes de
pays était la télévision (58% dans les pays européens et 55%
dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée). Les opinions
divergeaient quant aux autres sources. La source d’informations
la plus citée ensuite était la presse écrite (27%) dans les pays
européens, et les films (20%) dans les pays du Sud et de l’Est de
la Méditerranée. Les films documentaires étaient en troisième
position dans les deux groupes (20% et 13% respectivement).
Environ un répondant européen sur dix a mentionné les livres
(11%), Internet (11%) et les films (9%). Les émissions radios ont
été mentionnées par 6%, 1% ont cité les blogs et 13% d’«autres»
sources.
Tout comme dans les pays européens, l’Internet (11%) et, dans une
moindre mesure, les blogs (2%) ont été mentionnés dans les pays
Méditerranéens, mais les livres (4%), la radio (2%) et les «autres»
sources ont été moins fréquemment cités (6%). Si l’on s’attache
aux différences sociodémographiques, on note, par exemple, que
la télévision a été le plus souvent citée, dans les deux groupes
de pays, par les répondants qui ont quitté l’école plus tôt, ceux
vivant dans les villages ou les zones rurales, les retraités et les
Le Rapport Anna Lindh 2010
Européens
European
GRAPHIQUE 1.21
Médit. Sud et Est
Nouvelles / infos télévisées
Nouvelles / infos dans la presse
écrite
Documentaires
Films
Autres sources sur Internet
Livres
33
Une faible contribution des médias à une meilleure
image mutuelle
LES SOURCES D’ IMPRESSION POSITIVE
SUR LES PEUPLES DES AUTRES PAYS
Programmes radio
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
de ceux qui étaient nés dans leur pays de résidence. Les réponses
des Européens indiquent des variations mineures selon les
groupes sociodémographiques, sans tendance particulière. Par
exemple, ceux entre 30 et 49 ans, les immigrés et les travailleurs
indépendants ont exprimé plus souvent leur conviction que
l’Union encouragerait l’entreprenariat et l’innovation..
Blogs
Autres
Question du sondage: uelle(s) source(s) véhicule(nt) cette impression
positive sur les habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée/des
pays européens ? Base: participants dont les points de vue ont changé d’une
manière positive, % Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
sans-emplois. Parmi les répondants européens, les femmes au
foyer ont cité la télévision plus souvent que les autres groupes
socioprofessionnels.
ROBERT MANCHIN est Président et Directeur Exécutif de Gallup
Europe et Professeur au Collège d’Europe de Bruges.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
35
34
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
ANALYSES DES
EXPERTS ET BONNES
PRATIQUES
GRAPHIQUE 2.1
Oui
La Méditerranée entre imaginaire et réalité
Non/ne sait pas
1
Oui
1
1.9
Non/ne sait pas
2
31
MOHAMED TOZY
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
36
Le travail empirique réalisé pour le sondage Anna Lindh/Gallup révèle que la Méditerranée est une réalité tangible
et complexe. Mohamed Tozy explore les multiples redéploiements culturels et spatiaux des interactions entre les
peuples des deux rives de la Méditerranée et examine les valeurs portées par ses habitants et par leurs voisins.
Il met en exergue l’importance d’une mise en perspective historique et sociale et réfute l’habituelle dichotomie
entre Nord et Sud.
La construction d’un champ de comparaison Euro-Med est
arbitraire dans la mesure où elle met ensemble Méditerranée
et Europe en pensant que la familiarité qu’on a avec l’une ou
l’autre catégorie nous dispenserait d’un travail de déconstruction
salutaire à l’aboutissement de cette recherche. Nous n’insisterons
pas assez sur le caractère risqué de cette entreprise dès qu’on
a pris la décision de penser Euro-Med en se donnant les moyens
d’investiguer un espace promu au rang d’objet de science sociale.
Décider d’un échantillon de 13 126 personnes représentatif d’une
population euro-méditerranéenne est davantage un acte de foi
qu’un acte scientifique. Ce parti pris – tout arbitraire qu’il soit – est
doté d’une intentionnalité rationnelle qui se donne des limites et
des moyens pour se penser en train de penser. Une telle réflexivité
s’appuie sur les acquis d’un historicisme scientifique qui fonde sa
démarche sur une déconstruction des objets les plus évidents et
une définition argumentée de sa démarche. Il va sans dire que nos
propres résistances sont nombreuses et que les débusquer pour
les neutraliser est un travail de longue haleine. Les discussions
qui ont précédé l’enquête pour gérer des problèmes d’items ou
de formulation des questions ont abordé rapidement ou pas
du tout la question cruciale du traitement des données et des
catégories et des échelles de comparaisons. Il aurait été prématuré
de faire un choix définitif entre trois possibilités d’organisation
des informations recueillies : un traitement des données à partir
d’un échantillon unique, à partir d’échantillons nationaux ou d’un
échantillon intermédiaire (groupe européen/groupe des pays du
Sud et de l’Est de la Méditerrannée). C’est une question qu’on ne
peut pas régler uniquement par des arguments sociologiques.
La question des typologies et des angles de lectures est cruciale
dans ce travail et aucun choix n’est légitime en soi. Si on prend
par exemple la constitution de deux catégories proposées par le
questionnaire – les pays européens et les pays du Sud et de l’Est de
la Méditerrannée –, on voit bien que la première est une catégorie
institutionnelle regroupant les pays de l’Union européenne et que
la seconde est définie en principe par déduction. Ce choix nous
donne une catégorie hétérogène alors même qu’elle cache un
parti pris honteux qui présuppose une homogénéité culturelle et
géographique qu’on n’ose pas revendiquer. Au contraire, on parvient
Le Rapport Anna Lindh 2010
aisément à conforter sa spécificité en recourant à des moyennes qui
atténuent les écarts au sein de chaque catégorie et éclipsent les
similitudes ponctuelles ou régulières entre, par exemple, le Liban
et la Suède, la Grèce et la Turquie, la Hongrie, l’Egypte et la France.
Confrontés au choix entre une typologie prescriptive et une
typologie qui résulterait des affinités et des régularités dégagées des
données empiriques, nous avons retenu l’option de les confronter,
ce qui demande un travail plus artisanal qui conjugue une intuition
contrôlée par une ouverture sur une sensibilité historiciste. Il fallait,
avec ce choix, accepter une sociologie de la complexité qui ne
serait pas déstabilisée par le fait que les types puissent se faire et
se défaire en fonction des congruences. Avant de revenir sur une
analyse des parties de l’enquête dont j’ai la charge, notamment la
signification de la Méditerrannée pour les populations d’Europe
et de la Méditerranée du Sud et de l’Est, la réalité des interactions
entre les populations et les valeurs et représentations qu’ils
ont sur eux-mêmes et sur leurs voisins proches et lointains, je
vais essayer de cerner les multiples redéploiements culturels et
spatiaux du concept de «Méditerranée», pointer les arrangements
qui cherchent à intégrer ou exclure en fonction des enjeux du
moment. Cette déconstruction de la catégorie permet de cerner la
question de l’autre et de la frontière. Dans ce cadre, l’anthropologie
culturelle (Tozy et Albera, 2005) qui est l’une des disciplines les
plus proches de ce débat sur les identités et les différences et qui
a été aussi la plus compromise dans les enjeux méditerranéens, va
nous servir de paradigme. Elle nous fournira un bon exemple de
projets de déconstruction, reconstruction des catégories aussi bien
européennes que méditerranéennes.
La crise de la Méditerranée comme «lieu» adéquat pose un problème
de délimitation des catégories régionales de comparaison. A ce
propos, on ne peut s’empêcher de remarquer que certains auteurs
associent le rejet de la notion de «Méditerranée» à des propositions
qui font preuve d’un certain flottement. Il n’est pas impossible
de voir le même chercheur défendre successivement trois
perspectives comparatives différentes rejetant la «Méditerranée».
Plus généralement, les unités de comparaison trouvées en
remplacement (que ce soit le Moyen-Orient, l’Europe, les nations
8
Mode de
vie
8
8
Hospitalité Patrimoine
commun
GRAPHIQUE 2.2
SOURCES D’INQUIÉTUDE
33
69
67
7
Créativite
Enjeux environnemetaux
Source de conflit
Base: tous les répondants, % des données agrégées. Graphique conçu
par M. Tozy à partir de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
Base: tous les répondants, % des données agrégées. Graphique conçu
par M. Tozy à partir de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
ou les ethno-nations) sont frappées des mêmes maux que ceux
que l’on reproche à la notion de Méditerranée. A quelque échelle
que l’on se situe, on court le risque d’être métaphysique, atomiste,
ethnocentrique et essentialiste. De plus, dans la discussion sur les
conditions requises d’une unité comparative on a lourdement mis
l’accent sur la continuité et l’uniformité culturelle. La catégorie
«Méditerranée» est rejetée parce que cette zone ne réunit pas ces
caractéristiques qui seraient présentes dans des unités homogènes
plus petites. Je prétends, au contraire, qu’une concentration sur le
pourtour méditerranéen pourrait donner des comparaisons très
fructueuses, justement à cause d’une interaction complexe entre
ressemblances et différences. C’est dans cette perspective qu’on a
choisi d’analyser les données de l’enquête en nous tenant à bonne
distance des typologies préconçues et de certains ouvrages qui
accentuent artificiellement le contraste entre Europe du Nord et
Méditerranée au risque de générer un néo-orientalisme.
la constitution d’un lien ou à sa normalisation. En moyenne, 80%
des répondants associent la Méditerranée à une vertu positive
comme la curiosité et le désir d’aller vers l’autre et de le connaître
et la conviction d’une proximité qui tirerait sa légitimité de sa
profondeur historique. Plus de 80,5% des répondants pensent
que la Méditerranée est un héritage commun (Graphique 2.1). La
Méditerranée est aussi objet et source d’inquiétude, et les répondants
ont montré un certain réalisme quant au risque de basculement de
cette image positive. En moyenne 68% des répondants pensent
que la Méditerranée peut constituer une source de conflit pour
la région. Les liens entre les enjeux environnementaux et l’idée
d’une tension potentielle ne sont pas explicites, des recherches
qualitatives devraient nous permettre de creuser cette hypothèse,
à plus forte raison si l’on convoque dans ce débat les questions
des changements climatiques et les questions relatives aux enjeux
hydriques (graphique 2.2).
Une perception significative de la Méditerranée
Au-delà de ces résultats agrégés qui montrent que la Méditerranée
fait sens et ne laisse pas indifférent, des nuances apparaissent et
dessinent des affinités qui peuvent paraître paradoxales mais qui
peuvent une fois conceptualisées devenir intelligibles ou du moins
permettre de faire des hypothèses fiables.
L’un des premiers apports de cette enquête est sans aucun doute
le parti pris de construire un échantillon d’une population euroméditerranéenne. Cette démarche ouvre plusieurs possibilités
de traitement des données. Elle permet de faire intervenir dans
l’explication des résultats aussi bien des variables spatiales
ou géopolitiques (Nord /Sud, Est/Ouest) que des variables
socioéconomiques ou démographiques (PIB par ha, IHD, etc.). Les
concepteurs de l’enquête redoutaient beaucoup cette question
relative au concept braudélien de «la Méditerranée acteur». Il était
important de savoir si la mare nostrum fait sens pour les populations
interrogées. L’enquête révèle que la Méditerranée fait sens chez
quatre répondants sur cinq. Les écarts ne sont pas très importants
entre les personnes les plus indifférentes et celles qui sont les plus
impliquées. Le jeu des associations a globalement bien fonctionné
autant pour les projections optimistes que pessimistes. L’évocation
positive de la Méditerranée montre que les images stéréotypées
véhiculées par la publicité et les médias comme le mode de vie,
le régime alimentaire, la réputation d’un espace accueillant et
hospitalier fonctionnent autant que des caractéristiques inédites
qui se projettent sur l’avenir comme des matériaux nécessaires à
Pour rendre compte de cette complexité qui ne remet pas en cause
une réalité qui fait presque consensus, nous avons choisi deux
images/valeurs pour faire un exercice d’analyse de la complexité.
Il s’agit de deux valeurs stéréotypées mais peu polysémiques :
l’hospitalité et le conflit. Nous avons écarté la créativité qui ne
constitue pas un trait de caractère reconnu et qui suggère des
contenus contrastés même si elle est consacrée par les répondants.
Les possibilités d’interprétation butent sur son caractère
polysémique. La créativité peut signifier aussi bien inventivité,
ingéniosité, innovation que débrouillardise, bricolage et aptitude
à contourner les obstacles en recourant à l’informel. Elle peut
suggérer aussi bien Leonard de Vinci que le commerce de la valise
ou la contrebande.
L’hospitalité est une valeur/image très utilisée par le marketing du
tourisme. Dans le même temps, elle fait partie de l’ethos oriental
Le Rapport Anna Lindh 2010
37
LES SIGNIFICATIONS DE LA
MÉDITERRANÉE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
TENDANCES GÉNÉRALES EN PERSPECTIVE
Moyennement
Pas du tout
Ne sait pas ou refuse de rép.
Allemagne
38
Fortement
Moyennement
GRAPHIQUE 1.4
Pas du tout
Ne sait pas ou refuse de rép.
Allemagne
BosnieHerzégovine
9
BosnieHerzégovine
Egypte
12
Egypte
Espagne
9
Espagne
France
12
France
Grèce
Grèce
Hongrie
Hongrie
3
Liban
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
SOURCE DE CONFLIT
14
16
7
18
Liban
Maroc
Maroc
Royaume Uni
Royaume Uni
12
Suède
Suède
6
Syrie
Syrie
Turquie
14
Turquie
15
13
25
Question du sondage: Des personnes différentes ont des idées diverses sur
ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir.
Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de
personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent
fortement, moyennement ou pas du tout la région méditerranéenne Base: tous
les participants, % de ‘fortement’ et ‘quelque peu’ par pays (© Sondage Anna
Lindh/Gallup 2010)
Question du sondage: Des personnes différentes ont des idées diverses sur
ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir.
Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de
personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent
fortement, moyennement ou pas du tout la région méditerranéenne Base: tous
les participants, % de ‘fortement’ et ‘quelque peu’ par pays (© Sondage Anna
Lindh/Gallup 2010)
revendiqué par les populations du Sud mais aussi reconnu par
les autres. Les résultats consacrent massivement cette association
hospitalité-Méditerranée, puisque 63% des personnes interrogées
sont fortement d’accord avec cette assertion, le pourcentage
atteignant 85% si on ajoute les personnes qui jugent cette
association plausible. Paradoxalement, sur les quatre pays les
plus enclins à considérer que la Méditerranée évoque l’hospitalité
(68%), trois appartiennent à l’Europe du Nord (Allemagne, Suède
et Royaume-Uni) tandis que les quatre pays les plus sceptiques
(42,5%) sont situés dans le pourtour méditerranéen (Turquie, Syrie,
France et Egypte) (graphique 2.3).
la Syrie –, on peut penser à une concurrence des ethos national et
méditerranéen. Les répondants de ces pays fortement socialisés
dans cette valeur ont tendance à considérer que l’hospitalité est
une vertu nationale plus forte chez soi que chez les voisins. Le
jeu des différences est brouillé par la proximité mais consolidé au
contraire par la distance géographique et culturelle.
Quant à la Méditerranée comme source de conflit, plusieurs facteurs
peuvent être convoqués pour rendre compte du comportement
de cette variable : le plus important à notre sens est l’expérience
historique de chaque pays mais celle-ci peut agir différemment
en fonction de la représentation que les répondants peuvent
avoir de la nature des conflits, s’agit-il d’un conflit ou d’un risque
de conflit local ou sous régionale ou d’un conflit associable à la
Méditerranée. Ainsi le conflit israélo-palestinien qui aurait pu inciter
des parties prenantes d’un conflit à l’associer à la Méditerranée
considèrent ce conflit comme faisant partie de la donne moyenorientale. Ainsi, seulement 27% des Syriens et 21% des Egyptiens
considèrent que la Méditerranée constitue une grande source de
conflit. C’est le cas aussi des Turcs qui ne sont que 13% à l’envisager
de la sorte alors qu’ils ont eu à gérer le conflit chypriote qu’ils
considèrent comme un conflit local qui ne menacer la sécurité ni
en Méditerranée ni en Europe, ce qui n’est pas le cas des répondants
grecs (48%) qui ont tout intérêt à associer leur expérience du conflit
à un cadre géopolitique plus grand. Par ailleurs on peut expliquer
l’inquiétude relative des pays du Nord – respectivement 41% des
Comment expliquer ce paradoxe ? Une première explication
nous renvoie à l’expérience qu’on a de l’autre. La combinaison de
la distance spatiale et culturelle favorable au dépaysement et du
type d’expérience fondée sur les vacances explique pourquoi les
Britanniques, les Suédois et les Allemands sont enclins plus que les
autres à considérer que la Méditerranée s’associe bien à l’hospitalité.
En effet, les trois pays du Nord sont des pays pourvoyeurs de touristes
et on voit ici la grande influence de l’image commercialisée par les
tours opérateurs. Pour le groupe des pays les plus sceptiques, on
peut faire deux hypothèses. La première renvoie à la proximité. En
France par exemple, la Méditerranée est symbolisée par le Midi et
la Corse qui ne sont pas fortement synonymes d’hospitalité pour
les Français du Nord. Pour les autres pays – l’Egypte, la Turquie et
Le Rapport Anna Lindh 2010
répondants allemands et 33% des Suédois – par la combinaison
de l’éloignement et de l’expérience historique. Les deux pays sont
très impliqués dans la gestion de certains conflits, et l’effet de
distance permet le rattachement de ces conflits à des ensembles
géopolitiques larges (graphique 2.4).
Les interactions en Méditerranée
La partie la plus importante de cette enquête est celle qui s’attache
à l’évaluation du volume et de la nature des interactions entre
les différentes populations. Il va sans dire que cette interaction
est forte. Ses principaux acteurs sont les migrants qu’ils soient
touristes ou émigrés et les hommes d’affaire. C’est une interaction
concrète, elle génère des contacts interpersonnels concrets mais
aussi virtuels, Internet devenant un substitut pour aller vers l’autre,
en particulier dans les pays qui connaissent des restrictions de
circulation.
Quatre répondants sur dix des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée avaient ou ont des amis ou des parents en Europe
(42%). Les résultats sont contrastés entre les pays d’émigration vers
l’Europe, notamment entre ceux qui sont en situation d’interaction
intense, tels la Turquie (61%), le Maroc (58%) et le Liban (55%) où
plus de la moitié des répondants ont dit qu’ils avaient des amis ou
des parents vivant sur le vieux continent, et les pays du ProcheOrient où les itinéraires migratoires sont autres. Les répondants
de Syrie (73%) qui sont des pays d’émigration ancienne vers
l’Amérique latine et les USA et les répondant d’Egypte (88%),
davantage orientée vers les pays du Golfe, ont déclaré qu’ils n’ont
pas d’amis ou de famille en Europe
En Europe, l’Allemagne, la France et l’Italie sont les trois premières
destinations pour les amis des répondants et les proches des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Ces résultats corroborent
les données sur l’émigration et les naturalisations dans ces pays.
Le fait que les trois quarts des répondants turcs qui avaient
des amis ou des parents en Europe aient dit qu’ils vivaient en
Allemagne (75%), 22% en France et 18% aux Pays-Bas trouve une
explication dans les chiffres de l’émigration. Entre 1998 et 2007,
444 800 ressortissants turcs se sont installés en Allemagne et 584
248 ont pris la nationalité allemande. La même observation peut
être faite pour les Marocains en France. Entre 1998 et 2006, 190
600 se sont installés en France, en grande partie dans le cadre du
regroupement familial (OCDE, 2009). Les Marocains sont aussi la
première population naturalisée en Belgique, en Italie, au PaysBas et en France et la seconde en Espagne, soit un total de 641 990
personnes naturalisées entre 1998 et 2006.
L’autre figure de la mobilité dans cette enquête est le touriste. Il
s’agit essentiellement d’une population européenne. Un Européen
sur trois a visité un pays de la rive Sud ou Est de la Méditerranée
soit 36% des répondants. Curieusement, ce sont les Suédois qui se
sont déplacés le plus sur les rives de la Méditerranée (51%), suivis
des Allemands et des Français (43%) et des Britanniques (42%).
Les Espagnols qui sont arrivés tardivement sur le marché du
tourisme ne représentent que 26%. Leur destination privilégiée
est la Turquie qui arrive en premier dans les réponses de cinq des
huit pays d’Europe. La moitié des répondants allemands, suédois
et grecs qui s’étaient rendus sur les rives de la méditerranée sont
allés en Turquie. En revanche, un Espagnol sur deux, soit 48% des
répondants, préfère le Maroc en raison de la proximité. Les Français
vont plutôt en Tunisie (45%) et les Britanniques en Espagne (40%).
Le tourisme et l’émigration créent probablement le contact
mais pas nécessairement le lien. Nous avons voulu savoir s’il y
existe une relation au-delà de la présence physique. Les contacts
interpersonnels sont beaucoup moins importants que le rythme
des déplacements sur l’une ou l’autre rive. Un Européen sur trois
(64%) et un ressortissant sur quatre (76%) du Sud et de l’Est de
la Méditerranée a déclaré avoir rencontré ou avoir parlé avec une
personne de l’ l’autre groupe de pays. Les Suédois (52%) et les
Français (51%) pour les pays d’Europe et les Libanais (41%) pour
les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée arrivent en tête
des personnes ayant eu des contacts. Les Hongrois (12% ), les
Egyptiens (9%) et les Syriens ont eu moins d’occasions d’être en
contact avec les ressortissants des autres pays
Les raisons et les modalités de cette interaction diffèrent d’une
sous-région à l’autre en plus des motivations de base qui sont le
tourisme pour les Européens et l’émigration pour la rive Sud. Il faut
noter que 38% des déplacements des Européens ont été faits pour
des raisons de travail. Les répondants des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée ont déclaré utiliser plutôt l’Internet pour nouer
des contacts (24%), alors que seuls 4% des Européens le font.
Valeurs et
différences
représentations,
entre
similarités
et
Il était indispensable dans une étude sur l’aire euroméditerranéenne de prendre le risque de s’intéresser aux
questions des valeurs et des représentations. Les discussions
en amont de l’enquête ont été très intenses dans la mesure
où la problématique des valeurs ne pouvait pas se départir des
présupposés portés par les uns et les autres. Il y est question de
la définition du concept lui-même sur laquelle je vais revenir plus
loin, mais aussi de la manière d’introduire ce type d’interrogations
auprès d’un échantillon large. Le risque était aussi important
de dessiner une frontière imaginaire que pourraient suggérer
les hypothèses qui portent le libellé même des questions et le
choix des réponses précodées. En effet, il était difficile de ne pas
faire des hypothèses sur l’état des représentations par rapport à
des thèmes comme le déclin des liens familiaux, la diffusion des
processus de sécularisation, le rapport à la tradition et l’autorité,
sachant que ce qui sous-tend implicitement nos hypothèses est
une conception particulièrement linéaire du changement qui
fait de la modernité diffusée à partir de l’Europe des Lumières un
modèle incontournable.
Les valeurs sont des préférences collectives qui réfèrent à des
manières d’être, de penser ou d’agir collectivement reconnues
comme idéales. Parler de valeurs c’est parler d’évaluation, d’une
comparaison explicite ou implicite consistant le plus souvent
à établir des préférences entre des pratiques et des croyances.
On part du principe général que les valeurs ont des fonctions
pratiques : elles inspirent, guident, légitiment, rationalisent,
orientent et hiérarchisent les actions pratiques individuelles
et collectives. Les valeurs se situent dans l’ordre idéal mais elles
s’expriment dans des pratiques, des opinions, et des normes. C’est
Le Rapport Anna Lindh 2010
39
Fortement
GRAPHIQUE 1.3
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
HOSPITALITÉ
Solidarité
familiale
Religion
Curiosité
Solidarité
familiale
Religion
Curiosité
Solidarité
familiale
Religion
Curiosité
Allemagne
44,4
2,6
8,5
32,4
10
5
33,1
34,4
2,5
BosnieHerzégovine
20,3
6,9
6
17,4
9,2
6,5
18,8
16
8,1
Egypte
3,1
50,6
16,4
4,5
12,8
39,8
6,9
38
17,4
Espagne
29,9
6,5
4,6
26,2
5,9
3,6
18,4
29,8
2,9
France
28
5,9
7,6
22,7
4,9
9,7
25,7
23,3
5
Grèce
35,1
6,9
2,4
27,2
8
3
19,9
34,2
2
Hongrie
61,8
6,9
3,5
51,2
10,2
5,2
34,6
45,7
1,5
Liban
21,3
39,6
11,5
4,2
4,8
24,7
15,3
45
5,4
Maroc
7,8
46,4
13,8
1,8
10,2
28
8,1
46,6
8,3
Suède
13
1,6
26,4
28,4
12,5
9,3
30,4
33,6
5,3
Syrie
9,9
23,3
16,6
10,6
14,3
24,8
8
38,2
8,5
Turquie
35
40
2,5
17,5
21,2
6,9
15,2
49,7
4,2
Royaume Uni
29,9
5,9
4,6
36,5
7,6
2,7
34,7
20,1
2,2
Base: tous les répondants, % total. Le graphique établit une comparaison parmi les 13 pays sondés en prenant en considération trois valeurs : solidarité
familiale, la curiosité et les croyances religieuses. Il présent aussi les perceptions que les répondants ont à propos des valeurs prioritaires dans les autres
pays sondés. Graphique conçu par M. Tozy à partir de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
à partir de manifestations verbales ou non verbales qu’elles sont
observables. Croire dans l’égalité entre les hommes et les femmes,
dans la tolérance, dans la prévalence de la collectivité, la liberté de
l’individu, etc., peut orienter les pratiques, les opinions, etc. On part
du principe que les gens font des choix, adoptent des pratiques
et en rejettent d’autres en fonction des valeurs auxquelles ils
adhèrent. Une même valeur peut inspirer une multitude de
pratiques religieuses ou sociales. Etre convaincu par exemple de
la nécessité d’appliquer la religion dans sa pureté initiale conduit à
plusieurs pratiques et attitudes positives et négatives. Les valeurs
peuvent aussi conduire à des pratiques en contradiction avec les
valeurs déclarées. Il faut bien préciser que les valeurs sont des
préférences collectives qui réfèrent à des manières d’être ou d’agir
que des personnes ou des groupes sociaux reconnaissent comme
idéales (Firth, 1971).
La curiosité, la solidarité, la liberté, l’autonomie de l’individu,
la patrie, l’obéissance, la religion, etc., sont des exemples de
valeurs. Dans la vie, les gens préfèrent maintes choses : le cinéma
au théâtre, la mer à la montagne, le printemps à l’hiver ou
inversement. Dans le domaine des valeurs, l’idée de préférence est
normative : ce n’est pas ce qu’on préfère qui prime mais ce qu’on
doit préférer. La notion de valeur implique ainsi une distinction
entre le préféré et le préférable, entre le désiré et le désirable
(Parsons, in Joas et Kluckhohn, 1959). Préférer le cinéma au théâtre
serait un jugement de goût qui n’est pas forcément lié à une
Le Rapport Anna Lindh 2010
obligation normative. On n’est pas obligé d’aimer le cinéma. On ne
peut dire autant des valeurs. Dans les pays où la patrie constitue
une valeur, on doit aimer sa patrie, on doit la faire passer avant
ses biens, sa famille voire sa propre vie. La lecture de l’enquête
devrait tenir compte de toutes ces précisions pour éviter toute
assignation identitaire en se basant uniquement sur des résultats
qui restent largement discutables mais qui n’en gardent pas moins
leur vertu suggestive. Prendre les résultats à la lettre en dehors de
toute contextualisation historique risque d’enfermer des sociétés
et des individus dans un système de valeurs qui déterminerait
définitivement leur mode d’action.
Nous avons demandé aux populations enquêtées dans un premier
temps de se déterminer par rapport à six valeurs : l’obéissance,
la solidarité familiale, la curiosité et l’indépendance individuelle,
le respect d’autrui et le respect de la religion. Les répondants
devaient dire quelles sont les valeurs qu’ils considéraient comme
importantes dans l’éducation de leurs enfants. Dans un deuxième
temps nous avons demandé quelles sont les valeurs qu’ils
pensent que les pays européens considèrent comme importantes
et quelles sont les valeurs qu’ils pensent que les pays du sud
et de l’Est méditerranéens privilégient. A chaque fois on leur a
demandé de nous donner un premier et un second choix. Avant
d’aller plus loin, nous proposons au lecteur un tableau synthétique
qui rend compte de trois valeurs sûres. Cet exemple nous permet
de dépasser une analyse sous forme de groupes homogènes, la
Les résultats sont parfois cohérents c’est-à-dire que la représentation
qu’on a de soi correspond à celle que les autres ont de nous, mais la
valeur dont il est question n’a pas la même signification. C’est le cas
de la religion, qui peut référer à une vertu qui n’est pas incompatible
avec la modernité, la liberté individuelle ou la lutte contre l’injustice,
qui peut aussi être considérée comme un archaïsme, un opium
(tableau 2.5).
Parfois les résultats sont moins évidents. Les répondants européens,
par exemple, pensent que la solidarité familiale est aussi importante
dans les pays du Sud que chez eux alors que les pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée pensent tout le contraire A la nostalgie pour
une fraternité perdue répond un désir de sortie de la communauté.
En réalité, les réponses nous interpellent par rapport au parcours
historique de chaque pays et du regard qu’il porte sur l’autre. Ce
regard n’est pas uniforme il est nourri par l’’expérience de chaque
société mais il n’est ni inamovible ni naturel. Il est toujours le fruit
d’une histoire.
Des affinités inattendues, à l’exception de la religion
Globalement les résultats de l’enquête sont très surprenants si l’on
excepte la question de la religion qui dessine un clivage attendu
entre pays européens et pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
L’importance accordée par la majorité des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée à la socialisation religieuse s’explique par
des différences sur la place qu’occupe la religion dans le système
normatif et son caractère stratégique dans la définition des
légitimités politiques. A ce propos on peut distinguer trois groupes.
Le premier est constitué de pays de l’Europe du Nord comme la
Suède et l’Allemagne qui laissent très peu de place à la religion
dans l’éducation de leurs enfants – respectivement 1,6% et 2,6%
des répondants. Les pays où la religion était sociologiquement
importante mais n’était pas une affaire d’Etat comme la BosnieHerzégovine et d’autres pays européens comme l’Espagne, la
France, la Hongrie, et la Grande Bretagne, forment le deuxième
groupe. Dans ces derniers pays, les églises catholique, anglicane ou
orthodoxe occupaient une position importante mais leur influence
avait tendance à baisser. Ces pays qui ont connu des processus de
sécularisation très différents partagent cette constante, leurs élites
ont assumé et porté le processus de séparation du religieux et du
politique. L’incorporation de la religion dans le socle des valeurs à
transmettre n’est pas prioritaire mais reste relativement significative,
entre 6 et 7%. Le troisième groupe est constitué des pays du Sud et
de l’Est de la Méditerranée. Les réponses oscillent entre 32% pour
la Syrie et 50% pour l’Egypte. Ces résultats ne sont pas surprenants
et ne se prêtent pas à une comparaison Nord-Sud. Une mise en
contexte permettrait de les relativiser. Il ne faut pas oublier qu’on
est en présence de systèmes politiques qui ont construit leur
référentiel normatif sur une utilisation massive de la religion et que
la socialisation religieuse est un objectif en soi. Même dans des
pays qui avaient connu un moment de décléricalisation comme
la Turquie kémaliste et la Syrie baathiste, la religion n’a jamais été
vraiment marginalisée. Dans cette perspective, il est, surprenant de
voir qu’un Marocain et un Egyptien sur deux, et deux Libanais, deux
Turcs et deux Syriens sur trois considèrent que la religion n’est pas
la valeur la plus importante à transmettre. Ce résultat relativise le
mythe de la religion comme solution à tout et pour tout, donnée
confirmée d’ailleurs par des enquêtes plus pointues sur la religion
vécue au quotidien (Tozy, El Ayadi et Rachik, 2007).
Pour les autres valeurs (curiosité, indépendance, obéissance
et solidarité familiale et respect de l’autre) la distribution des
réponses dessine des affinités imprévisibles. La distance entre
une conception de soi, c’est-à-dire les valeurs que des répondants
présentent comme étant les leurs, et celles qu’ils pensent être
celles des autres est abyssale. Les répondants sont souvent piégés
par les stéréotypes quand il s’agit de formuler un point de vue sur
l’autre. L’autre, ici, ne correspond pas aux catégories qu’on a nousmêmes conçues pour cette enquête (Europe/pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée), sa présence comme indicateur de l’altérité
commence au seuil de l’espace de l’Etat/de la nation. D’ailleurs la
principale conclusion à tirer de ce travail est la force et la pérennité
de ce principe identitaire, y compris au sein d’une entité comme
l’Union Européenne. Pour expliciter ce constat nous traiterons de la
question de la solidarité familiale.
La solidarité familiale, un révélateur des fausses
perceptions
Il est très courant, dans le prolongement des travaux sur la
modernisation, (Giddens, 1987 et 1994; Goody, 1985; de Singly,
1988; Taylor, 1992 et 1998) de penser que l’une des tendances
lourdes de la modernisation est l’émergence de l’individu comme
acteur et de l’individualisme comme valeur. Le corollaire de cette
évolution est une crise de la famille traditionnelle et un relâchement
des liens de solidarité intrafamiliaux. Ce mouvement observé dans
la plupart des sociétés industrielles serait consolidé par le passage
d’une famille élargie à une famille nucléaire et l’importance que
prend le «welfare state» pour pallier les besoins d’une solidarité
horizontale. La famille élargie et la solidarité familiale sont ainsi
associées dans notre imaginaire à la société traditionnelle et aux
formes de solidarité mécaniques considérées comme archaïques.
Il était par conséquent normal de croire que les répondants des
pays qui ont connu précocement la transition démographique
et la révolution industrielle seraient les moins attachés à la valeur
«solidarité familiale». Les résultats de l’enquête sont venus démentir
un sens commun partagé aussi bien par les profanes que par la
communauté savante. Paradoxalement, le groupe des pays où les
répondants pensent que la solidarité familiale occupe une place
marginale dans le corpus des valeurs à transmettre aux enfants
est hétérogène. La majorité d’entre eux appartiennent à la zone
du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Maroc, Egypte et Syrie avec
7% de moyenne). La Suède fait partie de ce groupe composé
majoritairement de sociétés en transition vers la modernisation. Le
groupe des répondants qui accordent une grande importance à la
solidarité familiale n’est pas plus homogène puisqu’y cohabitent
des pays comme la Hongrie (61%), l’Allemagne (44,4%), la Turquie
Le Rapport Anna Lindh 2010
41
Perceptions sur les valeurs dans les pays
de la Méditerranée du sud et de l’est
liste des valeurs proposées ne permettant pas d’établir un indice
de tolérance, d’ouverture ou de modernité. Nous analyserons
plus loin le paradoxe de l’attachement des pays musulmans du
Sud à la religion et aussi à des valeurs comme la curiosité tout en
marquant leur distance par rapport à la famille. Nous examinerons
également le fait que les pays les plus développés sont moins
enclins à favoriser la curiosité dans l’éducation de leur enfants
mais tiennent beaucoup à la solidarité familiale.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Valeurs prioritaires pour les répondants Perceptions sur les valeurs dans les pays
dans leur pays
européens
40
GRAPHIQUE 2.5
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VALEURS CONSIDÉRÉES IMPORTANTES PAR LES RÉPONDANTS DANS L’ÉDUCATION DES ENFANTS
SARA SILVESTRI
Le dialogue interculturel n’est pas seulement une question de perceptions et d’attitudes, il concerne aussi les
comportements et la façon dont les personnes agissent au quotidien. Dans cette perspective, Sara Silvestri explore
les interactions réelles ou souhaitées entre les habitants de la région euro-méditerranéenne à partir de l’analyse
des motivations, de la curiosité, des modes de contact et des types d’information échangés. En se concentrant
sur le dynamisme de ces relations, l’auteur souligne l’importance de la dimension humaine et éthique dans la
création d’un réel sentiment d’appartenance à l’espace euro-méditerranéen.
«L’interaction sociale existe dans un contexte culturel» disait Argyle
(1972). La culture a été définie par les psychologues sociaux et les
anthropologues comme un système de transmission d’informations
déterminant les modes de vie, de perception, de catégorisation,
et de pensée d’un certain groupe de personnes. Elle comprend
la prescription de la communication verbale et non verbale, les
règles et les conventions de comportement, les valeurs morales et
les idéaux, la technologie et la culture matérielle, l’art, l’histoire...
(Argyle, 1972). En conséquence, le souci de l’interaction sociale est
au cœur de l’engagement dans le dialogue interculturel.
Une réalité tangible et complexe
La Méditerranée s’est toujours imposée comme une donnée
géographique, mais rarement comme un ensemble culturel.
Son sort se joue le plus souvent entre deux représentations
diamétralement opposées : une frontière infranchissable qui
délimite deux espaces civilisationnels incompatibles ou une mare
nostrum idéalisée dont la conception est puisée dans une histoire
pensée sans référence à l’autre.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Comportements, interactions et praxis du
dialogue
Le comportement peut nous en apprendre beaucoup plus que
ce que nous pouvons exprimer et comprendre à partir de mots
écrits et dits. Observer et comparer les modes réels et les niveaux
d’interaction, et écouter comment les autres conceptualisent
un espace commun peut être très bénéfique. Une telle analyse
dévoile les similitudes et les différences qui peuvent déconstruire
des perceptions erronées et de fausses connaissances, sur ceux
que nous ne connaissons pas ou que nous croyons connaître –
par le biais indirect d’informations reçues – mais qu’on n’a jamais
vraiment rencontrés ou auxquels on n’a jamais parlé.
Concernant l’opinion des répondants sur les valeurs qu’ils considèrent
comme importantes dans les pays européens, les résultats sont le
plus souvent conformes aux stéréotypes et à l’idée que se fait chaque
pays de son particularisme national. Les écarts les plus importants
entre valeurs nationales et valeurs des autres sont enregistrées chez
les répondants suédois qui pensent qu’ils valorisent davantage la
curiosité que le reste des pays d’Europe (26,6% contre 9,3%) alors que
l’obéissance est moins implorante (9,6 en Suède et 20,3% en Europe).
Les répondants suédois considèrent aussi que les valeurs religieuses
prennent moins de place chez eux qu’en Europe (1,6% contre 11,4 %).
Les préjugés inverses sont portés par les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée envers l’Europe. Les Marocains déclarent que la religion
est moins importante en Europe que chez eux (9,6% contre 46%).
L’un des enjeux de ce travail auquel contribue cette analyse est de
penser la Méditerranée en devenir comme un référentiel qui habite
notre imaginaire et un projet qui traduit un parti pris politique qui
se fonde sur une réalité historique complexe mais prometteuse.
Notre souci est de rendre audible un discours de la complexité en
incitant à se méfier d’une connaissance de l’urgence. Construire la
Méditerranée comme un objet d’étude et comme un champ de
comparaison est un premier pas dans cette entreprise qui vise à
décrire la Méditerranée, en empruntant les termes de Wittgenstein,
comme un réseau de ressemblances de famille qui se chevauchent
et s’entrecroisent : tantôt similitudes globales, tantôt similitudes de
détail.
TENDANCES GÉNÉRALES EN PERSPECTIVE
Grâce à cette première enquête réellement interculturelle menée
dans l’espace euro-méditerranéen par la Fondation Anna Lindh, et
présentée au début du présent Rapport, il est enfin possible d’avoir
une vision précise de la pratique réelle du dialogue interculturel,
rompant ainsi avec les discours officiels répétitifs et souvent
improductifs ou les multiples conférences sur la beauté et la richesse
de nos cultures distinctes. En observant les comportements et
les attitudes, on peut aller à l’essence-même de la dynamique
entourant la rencontre entre personnes de cultures différentes.
Cela nous permet également de lutter contre les stéréotypes et les
préjugés sur nos voisins proches ou lointains, mais aussi – et surtout
– sur nous-mêmes..
MOHAMED TOZY est professeur de Sciences Politiques
à l’Université Hassan II de Casablanca et à l’Université
d’Aix-en-Provence
Comportement contre perceptions
Les idées développées dans ce chapitre portent sur deux aspects
étroitement liés de l’interaction interculturelle «réelle» : l’écart –
ainsi que les liens – entre les perceptions et la réalité. Perceptions
et réalité sont deux dimensions essentielles, bien qu’évidentes,
de toute forme de communication entre les êtres humains, et
leur observation est fondamentale pour apprendre à maîtriser les
questions interculturelles au niveau politique.
Notre perception des autres ne renseigne pas seulement sur ce que
nous pensons des autres, mais détermine aussi la façon dont nous
pensons, la façon dont nous nous engageons avec eux, ainsi que nos
attentes et notre satisfaction d’une réelle, ou potentielle interaction.
Notre perception des autres nous en apprend également beaucoup
sur la façon dont nous nous positionnons dans le monde et sur nos
aspirations. Sur ce point, le dramaturge sicilien Pirandello a écrit
de façon très juste sur tous les «masques» que les êtres humains
mettent, consciemment ou non, et que les autres voient, ou veulent
voir. Mais toutes ces perceptions se rapportent à une réalité, qui
peut être comprise de la même manière – ou pas – par les individus
qui la vivent. La zone euro-méditerranéenne est l’une de ces réalités
à multiples facettes.
Les historiens, anthropologues et archéologues ont produit des
quantités de recherche et de publications démontrant la fréquence
et les échanges des mouvements de population et des transactions
socio-économico-culturelles à travers la Méditerranée pendant des
siècles, en faisant valoir que la culture croisée méditerranéenne a
toujours existé, malgré des fractures et des continuités (voir par
exemple Accame, 1966; Hourani, 1992; Arbel et Jacoby, 1996;
Braudel, 1999; Bono, 2001; Albera et Tozy, 2005). La préoccupation
urgente pour nous, citoyens du XXIe siècle, est d’essayer de
comprendre une même histoire vue avec des yeux différents, avec
des contributions multiples du même espace géographique en
évolution et des expériences humaines. La question qui en découle
est donc de savoir si nous sommes capables, et désireux, d’écrire
une histoire euro-méditerranéenne «interculturelle» partagée, à
travers nos attitudes, nos comportements et nos actions actuels
et à venir. Cela dépend des progrès réalisés, de l’état des relations
interculturelles, ou, plus exactement, de ce qui se passe sur le terrain,
dans nos esprits, dans nos gestes quotidiens, et pas seulement au
niveau diplomatique.
Le Rapport Anna Lindh 2010
43
On peut faire plusieurs hypothèses pour expliquer ce paradoxe.
Pourquoi les répondants des pays les moins développés pensent que
la solidarité familiale n’est pas importante, alors que l’observation
empirique de leur réalité atteste du contraire ? L’allongement de
la scolarité, le chômage des jeunes, la crise du logement, l’absence
de filets sociaux due à la faiblesse des politiques sociales montrent
que le recours au soutien familial est indispensable aux équilibres
sociaux. Cette réalité qui caractérise ces sociétés de débrouille est
probablement mal vécue parce qu’elle n’est pas valorisée par le
discours sur la modernisation. La famille est souvent perçue comme
un fardeau voire un obstacle à l’émergence et à l’émancipation de
l’individu acteur. Le cas de la Suède ne rentre pas dans ce schéma
explicatif. Je pense que la Suède qui se considère et est reconnue
comme un cas exemplaire de la gestion des solidarités au niveau du
système global valorise son modèle. Ce n’est pas le cas des autres
pays européens qui nourrissent un certain scepticisme envers leur
Etats en reportant leur espoir sur la solidarité familiale, d’autant plus
que l’hyperindividualisme nourrit une certaine nostalgie envers les
valeurs communautaires.
L’empirisme dont il est question dans ce travail conforte notre
hypothèse que la Méditerranée est une réalité tangible et
complexe. Elle confirme aussi que des populations diverses se sont
côtoyées dans cet espace, observées, connues et fréquentées. Ces
populations continuent à le faire au-delà de toute prévision, en
dépit des obstacles et des préjugés. Cette cohabitation étroite a
engendré un éventail de situations : du conflit à la confrontation
pacifique, jusqu’à l’interpénétration et le syncrétisme. Ce travail
est un premier pas, il nous interpelle à plus d’un titre, notamment
à propos de nos méthodes d’interprétation et de conception des
enquêtes. Il nous invite à l’humilité et à la prudence. Pour parvenir
à une plus large perception de nos atouts et de nos limites, nous
avons besoin de temps, de recherche patiente et sceptique,
soutenue par une croyance dans la solidarité des interprétations,
et nourrie par une forme d’humanisme centré sur l’agencement de
l’individualité et de l’intuition subjective de l’humain, plutôt que sur
des idées reçues.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
42
(35%), l’Espagne et la Grande-Bretagne (29,9%), la France (28%), le
Liban (21,3%) et la Bosnie (20,3%).
Médit. Sud et Est
Vie culturelle et
mode de vie
Situation
économique
Pour essayer de comprendre cela, il convient de se concentrer sur
quelques composants essentiels de la relation entre la réalité et les
perceptions. Certains composants du lien réalité-perception ont
été indirectement saisis par le sondage Anna Lindh/Gallup. Dans ce
chapitre, nous allons donc essayer de mettre en évidence les parties
de l’enquête qui nous informent sur les différentes dimensions de
l’interaction réelle ou désirée dans l’espace euro-méditerranéen.
En analysant la motivation, la curiosité, les modes de contact, et le
type d’informations échangées, nous pouvons établir les niveaux
actuels d’interaction ainsi que l’opportunité et les avantages d’une
collaboration accrue dans la région.
La curiosité de l’Autre
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
44
Croyances
et pratiques
religieuses
Question du sondage: En pensant aux pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée/aux pays européens, comment qualifieriez-vous votre intérêt
pour les nouvelles et les informations les concernant sur les sujets suivants?
Base: tous les participants, % de ceux «très intéressés» et «moyennement
intéressés» (© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010).
LIEUX PRIVILÉGIÉS POUR
COMMENCER UNE NOUVELLE VIE
Européens
GRAPHIQUE 3.2
Médit. Sud et Est
Europe
Amérique
L’intérêt pour la situation économique des autres pays, qu’ils soient
proches voisins ou non, est régulièrement et équitablement partagé
entre tous les pays qui ont participé à l’enquête, avec une moyenne
d’environ 60% (graphique 3.1). L’importance de l’intérêt pour la
dimension économique n’est pas du tout surprenante en temps
de crise économique mondiale et si l’on pense que, du point de
vue des économistes, l’un des principaux moteurs de l’interaction
humaine est la possibilité de «gagner» quelque chose.
L’enquête révèle que la culture et le style de vie d’autres pays attirent
un peu plus la curiosité des habitants des pays du Nord (76%), alors
que le même groupe est moins intéressé par les croyances et les
pratiques religieuses (57%). Néanmoins, ce dernier chiffre est, en
comparaison, plus élevé que les 45% d’intérêt manifestés par les
pays des rives Est et Sud de la Méditerranée pour les croyances
et pratiques religieuses de l’autre groupe. Toutefois, il est difficile,
voire impossible, de rationaliser ces différences, de tenter de
déterminer des tendances concernant les attitudes à l’égard de la
culture, du mode de vie et de la religion des autres pays. C’est parce
que, comme les sociologues et les anthropologues le soulignent
inexorablement, les notions d’identité, de culture et de religion sont
très fluides, ont tendance à résister aux catégorisations, sont très
dépendantes du contexte, et sont façonnées par une batterie de
beaucoup d’autres facteurs.
Afrique
Asie
Pays du Sud et de l›Est de la
Méditerranée
Pays du Golfe
Autres
Ne sait pas
Refuse de répondre
Question du sondage: Si vous pouviez recommencer une nouvelle vie avec
votre famille, où imagineriez-vous vivre ? Base: Tous les participants, % Total (©
Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
Le Rapport Anna Lindh 2010
A partir des données de l’enquête, il est possible de formuler
quelques observations générales et de noter certaines
contradictions apparentes, que nous allons tenter d’expliquer au
moins en partie. Prenons par exemple les différents niveaux de
curiosité. Intuitivement, il est compréhensible que les gens qui
sont particulièrement satisfaits et fiers de leur propre culture et/ou
système de croyance puissent ne pas être très curieux des autres.
Dans le même temps, on pourrait s’attendre à ce que les personnes
vivant dans les pays où la religion joue un rôle social important
et qui, en général, sont sensibles au fait religieux, souhaitent en
apprendre davantage sur les religions des autres. On pourrait
spéculer sur l’attrait des individus pour des pays où leur religion est
la plus représentée... Rien de tout cela n’est démontré par l’enquête.
En réalité, le facteur «intérêt pour d’autres» se décompose par pays
et par groupe de pays en fonction des conditions économiques,
de la culture, du style de vie et des croyances religieuses (voir les
données par pays du sondage Anna Lindh/Gallup).
Les relations vers les pays de l’autre groupe changent et s’inversent
presque sur certains points. Cela devient évident quand, au lieu
LES VALEURS CONSIDÉRÉES PAR LES PARTICIPANTS COMME ÉTANT LES PLUS IMPORTANTES À
TRANSMETTRE À LEURS ENFANTS
La plus importante
GRAPHIQUE 3.3
La deuxième plus importante
Européens
Solaidarité familiale
32
15
Médit. Sud et Est
26
Européens
Respect des autres cultures
Médit. Sud et Est
5
13
10
Européens
13
18
Médit. Sud et Est
Indépendance
18
10
14
Médit. Sud et Est
7
11
Européens
8
9
Curiosité
12
Médit. Sud et Est
Européens
Crovances religieuses
Médit. Sud et Est
26
32
Européens
Obéissance
24
5
7
45
Européens
GRAPHIQUE 3.1
9
41
21
Question du sondage: Parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents qui élèvent des enfants
dans les sociétés européennes ? - Je voudrais savoir laquelle de ces six valeurs vous diriez être la plus importante pour vous-même ? Et la deuxième plus
importante ? Base: tous les participants, % Total (©Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
de curiosité théorique, nous essayons de mesurer les niveaux de
contact souhaités ou d’interaction réelle. Nous avons demandé aux
interrogés de s’identifier, d’une certaine façon, avec l’autre groupe de
pays, par exemple en formulant l’hypothèse d’un déménagement
dans un de ces pays. L’enquête révèle que plus d’un tiers (37%) des
répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée aimeraient vivre
en Europe, dans l’hypothèse d’avoir à commencer une nouvelle
vie. En comparaison, les Européens, qui ont montré un niveau plus
élevé de curiosité envers l’autre groupe de pays, sont de facto moins
intéressés par un éventuel déménagement dans un pays du Sud ou
de l’Est de la Méditerranée. La majorité des répondants des pays du
Nord se sont montrés plutôt enclins à rester en Europe (65%), bien
qu’ils ne souhaitent pas nécessairement continuer à vivre dans leur
pays de résidence actuel. En comparaison, parmi les répondants du
Sud et de l’Est de la Méditerranée (exactement le même groupe
qui dans l’ensemble, en réponse à une autre question, a exprimé
un grand intérêt pour déménager en Europe), de nombreuses
personnes ont également déclaré souhaiter rester là où elles vivent
actuellement (graphique 3.2).
Ecart entre la perception de l’Autre et la perception de
soi
Après avoir traité de la curiosité envers l’Autre, la section suivante
portera sur les modes de contact avec l’Autre. Relier les deux
dimensions de la curiosité et du contact, c’est poser la question
de la perception. L’enquête Anna Lindh/Gallup a mis en évidence
des résultats assez surprenants, qui révèlent un fossé entre la
perception de soi et la perception des autres dans la section
consacrée aux valeurs. Ne pas poser une question directe abstraite
telle que «Croyez-vous en la valeur x ou y ?», mais proposer un
scénario crédible dans lequel les valeurs deviennent applicables
est une pratique courante en sciences sociales pour étudier les
positions des individus sur des valeurs. Élever des enfants est un
scénario typique grâce auquel on peut mesurer les valeurs parce
que cette expérience représente un moment clé dans la vie d’une
personne, lorsque des décisions clés sont prises qui, consciemment
ou inconsciemment, se connectent avec les valeurs profondes de
l’individu en question.
Par conséquent, l’enquête Anna Lindh/Gallup a cherché à
examiner les valeurs de la population vivant sur les deux rives
euro-méditerranéennes en fournissant aux personnes interrogées
une liste de valeurs particulières et en leur demandant s’ils les
considèrent comme fondamentales dans l’éducation a) de leurs
propres enfants, b) des enfants des personnes vivant dans les pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée, et c) des enfants des habitants
des pays européens. Les trois séries de questions ont ensuite été
comparées et contrastées afin d’établir quelles valeurs ont été
considérées comme les plus importantes pour chaque groupe et
quelles valeurs ils croyaient être les plus importantes pour l’autre
groupe. Les réponses des pays européens sont en marron, ceux du
Sud et de l’Est de la Méditerranée sont en orange (graphique 3.3).
Les résultats sont surprenants, car ils soulignent l’inadéquation
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
INTÉRÊT POUR LES AUTRES PAYS
Pays européens Pays du Sud et
de l’Est de la
Méditerranée
Relations de travail ou
d’affaires
38
22
Tourisme
23
21
Relations de voisinage 18
14
Rencontres dans
la rue/dans un lieu
public
17
18
Internet
4
24
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
46
Question de l’enquête: Par quel biais avez-vous rencontré ou parlé avec cette
personne ? Base: les répondants qui ont rencontré ou parlé avec des personnes
d’autres pays, % par groupe de pays. (tableau conçu par Sara silvestri à partir du
sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
entre la perception des autres et la perception de soi. Par exemple,
les parents européens pensent que les deux valeurs les plus
importantes pour eux sont la solidarité familiale et le respect des
autres cultures. Lorsqu’ils ont été interrogés sur les pays du Sud et
de l’Est de la Méditerranée, ils ont déclaré qu’ils pensaient que le
respect des autres cultures y jouait aussi un rôle fondamental. Il n’est
pas dit si c’est parce qu’ils croient sincèrement que c’est central dans
l’éducation des enfants dans cette région ou s’ils espèrent que ça le
soit. Une dynamique similaire est observable de l’autre côté de la
Méditerranée. Les répondants du Sud et de l’Est de la Méditerranée
indiquent que les deux valeurs essentielles pour eux-mêmes sont
les croyances religieuses et l’obéissance. Toutefois, lorsqu’on les
interroge sur les valeurs principales des parents européens, ils
donnent l’indépendance et la curiosité, qui ne sont pas les mêmes
valeurs que celles mentionnées par les répondants européens.
En résumé, nous pouvons identifier trois modèles : 1) un décalage
entre la perception des autres et la perception de soi, en ce que
les valeurs attribuées à l’autre groupe ne coïncident pas avec les
valeurs réelles que les groupes disent être au centre du leur; 2) une
tendance, dans chaque groupe, à attribuer à l’autre des qualités qui
ont probablement disparu dans leur propre groupe; 3) dans les
parties de l’enquête où les répondants étaient invités à commenter
leur propre position par rapport à une valeur particulière, il reste
difficile de savoir s’ils ont parlé de ce qu’ils ont fait avec leurs enfants
ou de ce qu’ils pensaient devoir faire pour élever leurs enfants.
Le contact personnel indispensable au changement des
comportements
Jusqu’à présent, nous avons analysé l’intérêt ou le manque d’intérêt
général – théorique, pourrions-nous dire – que la population
euro-méditerranéenne exprime envers d’autres pays que celui
dans lequel elle vit. A ce stade, il est particulièrement intéressant
de comparer les niveaux réels, ou plutôt les modes de mobilité
et de communication. En pratique, cela comprend les voyages à
Le Rapport Anna Lindh 2010
l’étranger, les amitiés, et d’autres exemples d’interactions concrètes
telles que des rencontres occasionnelles dans la rue avec des
personnes qui proviennent d’un pays de l’autre groupe.
Chez l’homme, l’expérience personnelle directe est essentielle
pour produire du sens. La recherche a prouvé que, avec le temps, la
communication répétée et prolongée entre individus de différents
groupes culturels placés dans des conditions particulières telles
qu’une situation d’égalité et d’intérêts partagés, peut mener à des
attitudes plus positives envers l’interlocuteur et envers le groupe
auquel il appartient. Bien que cela soit encourageant, nous devons
avoir conscience de l’envers du décor : ces rencontres superficielles
uniques ou occasionnelles, déséquilibrées dans les relations
de pouvoir, sans enjeu clair et génératrices de communication
interpersonnelle ne sont pas productives en terme de dialogue
interculturel.
Nous savons, grâce aux recherches en psychologie, que les individus
développent des opinions, des attitudes et des points de vue sur
la société par le biais d’une combinaison de processus cognitifs
perceptuels et conceptuels. Nous recevons des informations par
nos sens, mais nous cherchons également un consensus social,
à savoir la validation par la société de notre interprétation de
ces informations. Une multiplicité de facteurs interdépendants
façonnent nos opinions, nos attitudes et nos comportements. Les
attitudes sont «un résidu de l’expérience acquise qui est conservé
par la personne sous la forme d’une disposition ou d’une réponse
implicite et qui, en tant que tel, affecte le comportement» (Jaspers,
1978). Pour comprendre le fonctionnement des attitudes, nous
devons être conscients du «système de valeurs et de normes
auquel elles sont intégrées» (Tajfel et Fraser, 1978). Dans la
pratique, les psychologues sociaux expliquent que les attitudes
ne peuvent pas être analysées de manière indépendante, mais
doivent être observées à travers le prisme de l’environnement et
du groupe social dans lequel elles sont produites. Cette approche
nous permet de comprendre pourquoi notre étude a produit des
données montrant que les attitudes diffèrent notamment selon
les groupes sociaux – généralement définis par l’âge, le sexe, le
niveau d’éducation, et le lieu de résidence. Ces groupes affichent
des attitudes parfois si divergentes des autres groupes et de la
moyenne de la population dans leur pays qu’ils nous empêchent
de faire des généralisations sur les attitudes particulières par pays,
malgré la possibilité de produire des moyennes numériques. Dans
le sondage, 42%, en moyenne, des habitants des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée ont déclaré avoir des amis et des parents
dans le Nord, et 36% des Européens avoir visité la région du Sud
(tableaux 1.10 et 1.13). Bien que les chiffres des deux groupes sur
la mobilité géographique et la sensibilité à l’Autre soient assez
semblables, il est important de remarquer que les motivations et les
modes d’interaction sont différents. L’expérience de l’immigration
(qu’elle soit personnelle ou indirecte, par exemple en étant né de
parents immigrés) facilite le contact direct et la curiosité envers les
membres de l’autre groupe, dans les deux groupes de pays. Dans
le graphique 3.4, il apparaît que les relations d’affaires (38%) et
le tourisme (23%) constituent les facteurs de contact principaux
pour les pays européens. Les mêmes activités sont également
d’importants vecteurs de communication pour le groupe des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée, représentant respectivement
22% et 21%.
Les habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ont
davantage d’occasions (42%) de contacts avec le Nord que l’inverse
(36%). Néanmoins, si l’on s’attache au type de rencontres – et
plus particulièrement aux interactions personnelles – les chiffres
changent. Dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, 24%
des répondants ont déclaré avoir parlé avec des Européens tandis
que 35% de ces derniers ont discuté avec des membres de l’autre
groupe. Nous avons également éclaté les données, afin d’établir des
typologies d’interaction dans chacun des pays sondés. Il apparaît
que l’outil privilégié pour la communication interculturelle dans les
pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée est l’Internet, utilisé par
24% de la population. Ce résultat est à la fois prévisible et étonnant.
Prévisible, parce que, dans cette ère de mondialisation, la domination
de l’Internet était attendue. Etonnant, parce que ce chiffre contraste
fortement avec celui de l’Europe. Seulement 4% des répondants du
Nord de la Méditerranée utilisent spécifiquement Internet pour
engager un contact virtuel avec des habitants des pays du Sud et
de l’Est de la Méditerranée. Ce chiffre est particulièrement faible si
l’on considère que le taux de pénétration d’Internet en Europe (53%
de la population) est environ deux fois supérieur à celui du MoyenOrient et six fois supérieur à celui de l’Afrique (Miniwatts Marketing
Group, 2010) et que les Européens passent de nombreuses heures
sur l’Internet, pour le travail ou et pour les loisirs.
Les modes de contact dominants
Les résultats de l’enquête présentés ci-dessus indiquent une fréquence
des contacts plutôt inégale dans l’ensemble des pays étudiés, ainsi que
des niveaux élevés de divergence dans les comportements, même
parmi les personnes vivant dans une même région. Néanmoins, les
formes prédominantes de contact ont été faciles à détecter : affaires,
tourisme, communication par Internet et aussi immigration, bien
qu’aucun tableau spécifique n’ait mis ce point en évidence.Tous
ces réseaux génèrent des contacts directs, qui produisent alors des
informations de première main – et, finalement, des images et des
attitudes – à propos de ce qui se passe et de ceux qui vivent dans
l’espace commun euro-méditerranéen. L’enquête Anna Lindh/Gallup
n’a pas recueilli d’informations supplémentaires susceptibles de nous
permettre d’établir d’autres corrélations entre les modes d’interaction
et les types d’image (positive/négative) développés à propos de nos
voisins euro-méditerranéens.
Des psychologues mettent en garde sur le fait que les attitudes ne
préjugent pas nécessairement des comportements et qu’il existe
souvent un écart entre ce que les gens disent et ce qu’ils font (Jaspers,
1978). Néanmoins, nous savons, grâce à la «théorie du contact»,
que le contact optimal intergroupes nécessite un «changement de
comportement» qui «est souvent le précurseur d’un changement
d’attitude» (Pettigrew, 1998). Un contact intergroupes idéal a lieu lorsque
cinq conditions sont remplies (statut d’égalité au sein du groupe dans
la situation donnée, objectifs communs, coopération intergroupes,
soutien des autorités, amitié potentielle) et quand un processus à
long terme impliquant des liens affectifs et une recatégorisation des
groupes internes/externes est déclenché (Pettigrew, 1998). En outre,
comme mentionné ci-dessus, l’enquête Anna Lindh/Gallup indique
que les personnes qui ont d’une façon ou d’une autre l’expérience de
l’immigration semblent bénéficier d’un point de vue privilégié dans le
processus de dialogue interculturel. Cela semble confirmer les études
démontrant que les immigrés et les minorités ethniques sont favorisés
pour s’engager dans le dialogue interculturel. Une fois que les immigrés
ont réussi à surmonter les problèmes initiaux de l’apprentissage d’une
nouvelle langue, de l’adhésion aux normes et aux valeurs du nouveau
pays, et de la tentation de les rejeter, ils parviennent à une position
de «pluriculturalisme». Eux et leurs enfants acquièrent «la capacité de
s’identifier et de participer à plusieurs cultures» (Conseil de l’Europe,
2009).
L’Internet comme instrument privilégié de l’expérience
interculturelle
Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée semblent se lier
avec les personnes de l’autre groupe beaucoup plus intensément
grâce à la communication en ligne (24%) que par des contacts
réels tels que les rencontres occasionnelles avec les voisins (14%)
ou dans la rue (18%). À première vue, cela paraît étonnant car
on pourrait s’attendre à des niveaux plus élevés d’interaction via
la rencontre physique réelle, et non pas les contacts virtuels. En
réalité, l’enquête montre que les contacts occasionnels dans les
lieux publics ne sont pas non plus particulièrement importants
pour les Européens soit, respectivement, de 18% et 17%. Comme
nous le verrons ci-dessous, la psychologie sociale et les études sur
les médias peuvent aider à interpréter le mystère du succès de
l’Internet comme outil de la communication interculturelle dans
l’espace euro-méditerranéen.
L’argument principal de la présente analyse du sondage Anna
Lindh/Gallup est donc que l’Internet est un instrument privilégié
de la rencontre interculturelle. A première vue, cette affirmation
peut sembler contradictoire avec ce qui a été dit précédemment,
à savoir que réel, direct, le contact personnel avec un interlocuteur
est la voie à suivre pour parvenir au dialogue interculturel. La
communication sur Internet, pourrait-on objecter, est médiatisée,
filtrée et froide. Si nous suivons notre préoccupation initiale du
lien réalité-perception, nous pouvons nous demander si l’Internet
est un moyen efficace de découvrir la réalité, ou peut-être un outil
qui contribue à renforcer les perceptions existantes en raison de la
façon dont il fonctionne. Bien que l’Internet soit potentiellement
une source infinie d’informations de toutes sortes, la production
de ses contenus dépend de la motivation et de la discrétion des
utilisateurs. Les internautes sont libres de choisir, en fonction de
leurs goûts personnels, sur quels sites naviguer, et d’accéder à
tel ou tel blog, liste de diffusion, page Facebook ou fil Twitter. On
pourrait ne pas trop s’attarder sur l’importance de l’Internet : après
tout, il y a moins d’utilisateurs d’Internet que de téléspectateurs
dans le monde, et les blogueurs représentent une fraction encore
plus faible (Lynch, 2007). On pourrait en outre faire valoir que
la communication par Internet peut renforcer les perceptions
existantes, parce que celui qui navigue aura tendance à établir
des liens avec des personnes aux points de vue et aux origines
similaires... Et, c’est vrai, l’Internet pourrait finir par être un simple
instrument pour rester en contact avec des amis et des parents
qui auraient déménagé loin, et pas nécessairement pour faire
de nouvelles connaissances ou apprendre de nouvelles choses à
propos des espaces lointains. Toutefois, il ne s’agit que d’un aspect
de l’histoire.
Selon Hiller et Franz (2004), la situation de la diaspora, de la migration,
Le Rapport Anna Lindh 2010
47
GRAPHIQUE 3.4
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
MODES D’INTERACTION
Les aspects positifs de la communication en ligne
Nous sommes souvent mis en garde contre les pièges de la
communication en ligne et les dangereux types d’associations
qu’elle peut cacher. Toutefois, dans cet article, je tiens à souligner
aussi ses côtés positifs. Par exemple, le courrier électronique
et les blogs sont des moyens de communication «immédiats»
qui favorisent une sorte de socialisation «abstraite» avec des
individus et des idées dans laquelle les divisions nationales ou
géographiques ou nationales n’ont pas cours ou, plutôt, prennent
une position différente dans l’élaboration de la signification. Dans
la communication en ligne, les identités personnelles et collectives
sont simultanément idéalisées, renforcées et cachées; cependant
Le Rapport Anna Lindh 2010
Une pratique du dialogue partagée
Si le dialogue interculturel, c’est apprendre à raconter une
histoire partagée, promouvoir une vue équilibrée de l’autre, une
sensibilité aux besoins des autres, la critique de soi, et l’élimination
des préjugés, il devrait alors en quelque sorte l’emporter sur la dé/
reconstruction des catégories qui sous-tendent nos attitudes et
nos comportements. Cela signifie que le dialogue interculturel
n’a de sens que dans la praxis, l’action, que dans son engagement
avec les autres formé par et conduisant à une forma mentis qui
s’éloigne des stéréotypes (des accentuations des attributs que
nos processus cognitifs associent à des «groupes externes», les
groupes de personnes avec lesquels le sujet ne s’identifie pas) et
des préjugés (catégorisations sociales guidées massivement par
la référence à soi). Le dialogue interculturel a souvent été critiqué
comme un slogan vague et vide adopté par les décideurs afin de
remplacer les termes discrédités comme le multiculturalisme ou
de distraire le public des politiques de sécurité intransigeantes.
Toutefois, si le terme est conçu comme un mode de pensée qui
produit certaines actions, et vice versa, il n’est plus statique et
inutile, mais a le potentiel de devenir une force dynamique.
Beaucoup de mots ont été utilisés pour essayer de donner une
définition du dialogue interculturel, tentatives qui se terminent
souvent par des déclarations politiquement correctes suaves et
superficielles. Ce que l’enquête Anna Lindh/Gallup et les auteurs
de ce rapport ont essayé de faire, c’est de déplacer l’attention
non plus sur des mots mais sur des actions, un comportement.
En empruntant à la psychologie sociale, nous nous sommes
intéressés à des schémas d’interaction qui indiquent que les
gens sont capables d’aller au-delà de leurs limites cognitives,
d’interpréter le comportement de l’autre pour ce qu’il est, d’une
manière non conflictuelle ou sans crainte. Une rencontre n’est
pas «interculturelle» simplement parce qu’elle porte l’étiquette
«interculturel». Avec ce projet de la Fondation Anna Lindh, nous
voulons voir s’il existe dans l’espace euro-méditerranéen des
attitudes et des comportements qui sont ou ont le potentiel
d’être un processus intrinsèquement interculturel conduisant à
l’acquisition d’un nouvel état d’esprit, sans dévaloriser les identités
et les origines culturelles, philosophiques ou religieuses. En ce sens,
nous évitons les attributs prescripteurs du dialogue interculturel
et abordons la question essentiellement comme quelque chose
en formation. Cette approche exige une perspective à très long
terme. Elle montre que le dialogue interculturel est bien plus
qu’un simple mécanisme politique pour échanger des produits
culturels et des programmes d’éducation, ou pour développer des
relations publiques, nationales et internationales, en exprimant la
neutralité et le respect de la diversité culturelle et religieuse. Le
dialogue interculturel nécessite un effort plus large dans tous les
domaines et à tous les niveaux de la société parce qu’il n’est pas
quelque chose de tangible, limitable à une discipline universitaire
ou à un domaine politique, ni juste une théorie abstraite. Il est à
la fois un état d’esprit et un processus, qui commence d’abord et
avant tout par la découverte de soi. En conséquence, sa réalisation
directe doit être des actes concrets, des comportements. Il
requiert un changement de philosophie réorientée vers la
sensibilité, vers la capacité et la volonté d’écouter l’interlocuteur
et d’être autocritique, vers un sentiment commun de justice, de
responsabilité (Maritain, 1948; Dallmayr, 2002; Smock, 2002;
Abu Nimer et coll., 2007; le Conseil de l’Europe, 2008; Mernissi,
2008). L’enquête montre qu’il est possible que ces changements
se produisent et que, dans plusieurs cas, cette transformation est
déjà en cours.
Salvatore a déclaré qu’«une pratique partagée du dialogue doit
veiller à ce que ces valeurs ne deviennent pas un carcan politique
et des chevaux de Troie» (Salvatore, 2009). En effet, un sentiment
trop développé d’identité et d’appartenance et les barrières de
défense que nous construisons autour de nous peuvent être
si forts qu’ils deviennent un handicap pour comprendre. Dans
le même temps, le dialogue ne doit pas rejeter la «différence»
ou des éléments tels que la religion, parce qu’ils se révèlent
trop difficiles à gérer, qu’ils sont trop controversés (Sacks, 2000;
Jamouchi, 2004). Faire preuve de respect envers ceux qui ont
des conceptions différentes de la nôtre est une première étape
importante. Peut-être que pour nous engager dans un dialogue
efficace, nous devrions nous inspirer de la notion de Braudel de
«perméabilité» des espaces et de la culture, à travers des voyages
et des échanges de biens commerciaux et culturels, en dépit de
leurs frontières politiques et géographiques fixes (Braudel, 1993).
Entrer dans le dialogue ne menace pas les identités (au contraire,
il en a besoin !), ne signifie pas corriger vos vérités, vous départir
de vos croyances, ou surpasser votre adversaire et imposer votre
vérité. En fin de compte, le dialogue, c’est la volonté d’écouter, le
dialogue n’implique pas une «modification de la vérité», mais un
changement de l’esprit et des processus cognitifs égocentriques.
En ce sens, le dialogue interculturel est guidé par un pragmatisme
éthique, a lieu et ne peut réussir que s’il favorise une dimension
«plus humaine» ou éthique de la politique orientée vers le
«bien commun», au-delà des préoccupations à court terme de
pouvoir, d’intérêts économiques et de sécurité. Comme le sens
de «propriété» de l’espace euro-méditerranéen se développe,
nous espérons que les gens vont progressivement partager leurs
préoccupations et les responsabilités de leur bien commun et
automatiquement s’engager dans des formes vécues de dialogue
afin de trouver des solutions communes. Avec le dialogue
interculturel, nous pouvons découvrir un sens partagé de
l’humanité, un sentiment commun de justice.
49
Un certain nombre de facteurs importants nous permettent
d’évaluer le poids croissant d’Internet comme nouvelle forme
de dialogue interculturel, comme quelque chose qui ouvre à un
nouveau monde d’expériences et de pensées et qui encourage
les individus à engager des conversations qui peuvent mettre
un terme aux fausses perceptions. Par exemple, «les utilisateurs
d’Internet ont un accès véritablement mondial par rapport
aux programmes plus locaux ou régionaux reçus à travers la
télévision»(Isherwood, 2008; Chadwick, 2006). La dimension
«multicentrique» de l’interactivité d’Internet est également très
importante (Haugbolle, 2007). Cette technologie donne accès
à une variété de nouvelles et de contenus savants en ligne, qui
exposent les utilisateurs à ce qui se passe dans le monde entier et
à des interprétations critiques. En outre, bien que les producteurs
de contenus tendent à être une élite, la multiplication des blogs
mérite l’attention. Il s’agit d’une nouvelle forme de communication
semi-anonyme et déterritorialisée à travers laquelle des questions
sont soulevées, la puissance des nouvelles et des structures de
production sont contestées, et des débats contradictoires peuvent
surgir, tout en protégeant les identités (Khan et Kellner, 2004;
Wall, 2005; Reese et Dai, 2007). On peut aussi émettre l’hypothèse
que la distance physique de communication en ligne permet une
atténuation, une rupture, ou la reconstitution des notions d’«intragroupe» et de «hors groupe» à savoir ces processus cognitifs de
catégorisation qui génèrent des perceptions stéréotypées (Hogg
et Abrams, 1988).
la recherche a montré que l’Internet permet de développer
des relations personnelles «normales» (Bargh et McKenna,
2004). En outre, l’Internet semble être propice à des contacts
personnels et à l’amitié (plus que les autres formes d’interaction
occasionnelles avec les autres mentionnées ci-dessus), parce que
celui qui s’engage dans une correspondance par courriel ou en
bloggant le fait explicitement parce que il/elle est à la recherche
de possibilités de communication. Un autre facteur important
expliquant le succès de l’Internet comme un instrument de
dialogue interculturel, c’est qu’il permet le contact prolongé entre
des interlocuteurs qui peuvent s’exprimer et être leur «vrai moi»,
tout en se sentant protégé par l’anonymat du système (Bargh et
McKenna, 2004). Une interaction fréquente soutenue et l’amitié
sont des éléments clés pour la transformation des attitudes
préconisée par les théoriciens du contact.
Même si l’Internet est utilisé comme un simple moyen pour
maintenir le contact avec la famille et les amis qui ont émigré,
il peut, en fait, indirectement, générer un accès à l’information
(et donc à l’élaboration d’opinions et d’attitudes) sur les autres
pays. Les interlocuteurs écoutent volontiers les avis de leurs amis
personnels et de leurs proches sur la vie ailleurs, sur les expériences
positives et négatives qu’ils ont eues, les caractéristiques et
coutumes du pays dans lequel ils se sont installés. Enfin, et surtout,
l’Internet est clairement la langue des jeunes du XIXe siècle,
partout dans le monde. Étant donné que les pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée ont une population beaucoup plus jeune
que l’Europe, nous pouvons expliquer – et cela devient moins
surprenant – les pourcentages différents qui sont apparus dans
l’enquête sur les deux régions. Selon les statistiques des Nations
Unies, le pourcentage de la population de moins de 15 ans dans
les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée est proche d’une
moyenne de 30, alors que la taille de la population correspondante
est environ de la moitié en Europe (Nations Unies, 2009). De
chaque côté des rives de la Méditerranée, les jeunes sont les plus
impliqués dans l’Internet et, inconsciemment, ils explorent grâce
à lui de nouvelles possibilités de dialogue interculturel. Mais,
dans la rive Sud, l’espace virtuel représente un formidable réseau
pour recueillir des informations, pour communiquer à travers les
frontières, et pour exprimer sa conscience civique (Mouawad,
2007; Isherwood, 2008).
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
48
conduit à utiliser l’Internet afin de (re)créer trois types d’attaches
personnelles : nouvelle, ancienne et perdue. Les mêmes auteurs
ont également souligné qu’il y a deux grandes écoles de pensée
expliquant l’engagement dans la communication médiatisée par
l’ordinateur. Selon la première, les gens interagissent en ligne
après avoir vécu une proximité géographique et de fréquentes
rencontres en face à face. L’autre école soutient que l’espace n’a
pas d’importance et que la principale raison pour laquelle les
gens interagissent en ligne est qu’ils ont des intérêts partagés. Les
échanges intenses sur Internet de la part des habitants des pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée vers ceux du Nord qui ont été
identifiés par l’enquête Anna Lindh/Gallup pourraient donc être
compris à la fois comme une tentative de maintenir vivant le sens
de la communauté ancienne ou perdue, de recréer une proximité
physique avec des parents et des amis partis à l’étranger, ou
encore comme une vraie motivation à rechercher les choses et
les discussions dans leur propre zone d’intérêt quels que soient
la distance géographique et les contacts personnels préexistants.
SARA SILVESTRI est chargée de cours en Politique
Internationale à la City University de Londres, et responsable
de programmes de recherche à l’Université de Cambridge.
Le Rapport Anna Lindh 2010
KATÉRINA STENOU
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
50
Dans un monde marqué par la multiplication des contacts et des réseaux sociaux, la communication interculturelle
est plus nécessaire que jamais pour comprendre notre propre culture aussi bien que celle des «autres». Selon
Katérina Stenou, la Méditerranée est un laboratoire pour la compréhension de cette nouvelle réalité, une région
caractérisée par la circulation entre les cultures et dans laquelle tout le monde peut trouver des soources de
ses origines, réelles ou symboliques. Pourtant, cette représentation ne peut rester immuable, ni se renouveler
complètement. Elle doir être adaptée et s’enrichir sans se renier.
La compression de l’espace et du temps rend le monde actuel de plus
en plus interconnecté et interdépendant dans tous les domaines de
l’activité humaine, à l’échelle planétaire. La nouvelle géopolitique
culturelle qui en découle crée une cartographie inédite qui brouille
les «aires culturelles» classiques et les anciennes frontières –
culturelles, linguistiques, religieuses et autres – en composant un
paysage inconnu, aux lignes mouvantes et aux formes contrastées.
De surcroît, le flux culturel, c’est-à-dire le cortège des œuvres
dématérialisées, mis en circulation à l’aide des nouveaux réseaux
sociaux tels que YouTube, FaceBook, MySpace, etc., sans parler de
Google, qui n’est pas proportionnel aux ressources ni aux besoins
de l’humanité, appelle à des formes différentes de positionnement
des individus et des groupes. Cet appel mobilise les capacités
cognitives et émotionnelles de chacun et permet de «flotter» entre
son propre univers culturel et celui d’autrui. Il appelle, par excellence,
à la communication interculturelle, une communication qui nous
arrache à notre propre culture pour nous confronter à une autre en
nous plongeant dans de nouveaux milieux de la connaissance et de
la sensibilité. Ce faisant, elle crée de nouveaux besoins de territoire
d’identification fictive. Dans ce nouveau contexte globalisé,
coexister, c’est-à-dire raisonner et sentir à l’unisson, ne signifie pas
vivre sur un module universel étriqué mais participer pleinement
à l’infinie richesse des cultures du monde qui deviennent de
véritables «soft powers» s’attelant à «persuader les autres de désirer
ce que veut le prescripteur à travers des icônes symboliques et les
images et valeurs positives qui leur sont associées».
Cette prise de conscience ne doit induire ni l’autarcie culturelle,
ni le négationnisme culturel, ni le darwinisme culturel mais la
compréhension du mécanisme du passage de la différence à la
diversité qui suggère une profonde évolution des perspectives.
L’idée de diversité, à l’opposé de celle de différence, repose moins
sur l’analyse des cultures en termes de structures, d’invariants
et de variables, que sur une analyse en termes de processus, de
dynamique, de métissage, bref de dialogues.
La différence, d’après Derrida, peut être conçue comme une
«différance». (Différance est un terme français inventé par Jacques
Derrida, homonyme du mot «différence». La «différance» joue sur
Le Rapport Anna Lindh 2010
le fait qu’en français, le mot «différer» a la double signification de
«retarder» et de «se distinguer». Derrida a utilisé ce terme pour la
première fois en 1963 dans un article intitulé Cogito et histoire de
la folie. Dans sa contribution à un colloque intitulée «Différance»,
Derrida indique que différance rassemble un certain nombre de
caractéristiques hétérogènes qui régissent la production du sens.
La première (en lien avec la notion de report) est que les mots et les
symboles ne peuvent jamais complètement être compris à partir
de leur signification, mais qu’ils peuvent seulement être définis
en référence à d’autre mots, dont ils diffèrent. Par conséquent, la
signification est continuellement «retardée» ou reportée via une
chaîne infinie de signifiants. La seconde caractéristique (relative à
la différence, souvent citée en référence à l’espacement) concerne
la force qui différencie les éléments les uns des autres et, ce faisant,
engendre des oppositions binaires et des hiérarchies qui étayent
le sens. ). Elle offre des stratégies de retard, de sursis, d’élision,
de détour, d’ajournement et de réserve; elle empêche donc
tout système de se stabiliser en tant que totalité close; elle vient
combler les failles et les apories qui constituent les lieux potentiels
de résistance, d’intervention et de traduction.
Cet art de la compréhension et de la gestion de la différence à
plusieurs niveaux, local, national et international, est difficile à
pratiquer car les mutations et les métissages culturels devancent
plus que jamais la capacité de réponse des institutions politiques,
prises de court par leur rapidité. L’exercice n’est pas sans danger : en
défendant les particularismes culturels, la différence peut se rendre
irréductible à une vie collective commune. On aboutirait alors à un
monde fragmenté, où chaque entité culturelle, dans un rapport
de force permanent avec les autres, revendiquerait davantage
d’espace, de reconnaissance ou de profit en utilisant sa spécificité
comme prétexte. On devine quelles seraient les conséquences de
cette surenchère : oublier, en insistant de manière unilatérale sur
la diversité, qu’une condition nécessaire à la survie de l’humanité
réside dans la reconnaissance de ce qui nous rend semblables les
uns aux autres, et que «chaque homme porte la forme entière de
l’humaine condition», selon le constat de Montaigne.
patrimoine naturel et culturel, matériel et immatériel.
Qu’entend-on par mémoire, histoire et éducation ? La mémoire
est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle
est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir
et de l’amnésie, inconsciente de ses déformations successives,
vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible
de longues latences et de soudaines revitalisations. L’histoire est
la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui
n’est plus. La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien
vécu au présent éternel. «Parce qu’elle est affective et magique, la
mémoire ne s’accommode que des détails qui la confortent; elle
se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants,
particuliers ou symboliques, sensibles à tous les transferts,
écrans, censures ou projections. L’histoire, parce que opération
intellectuelle et laïcisante, appelle analyse et discours critiques…
L’histoire ne s’attache qu’aux continuités temporelles, aux
évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et
l’histoire ne connaît que le relatif…» (Pierre Nora).
Ces phénomènes circulatoires reflètent les dynamiques qui, en
temps de prospérité et en temps de crise, ont commandé ces
interactions, aidant ainsi, au terme d’une analyse diachronique, à
mieux évaluer les chances et les modalités d’un véritable dialogue
interculturel dans les sociétés plurielles d’aujourd’hui – tout en
évitant de reprendre les débats du passé et de s’y perdre. En d’autres
termes, les «Routes» n’offrent pas seulement un historique et une
géographie du dialogue interculturel à travers les siècles; elles
contribuent également à une réflexion prospective : les rencontres
et les interactions qui, aujourd’hui, ont été quelque peu oubliées,
illustrent finalement l’antériorité des processus interculturels sur
le discours qui lui est actuellement consacré. Nous voici au cœur
du sujet : la Méditerranée comme métaphore de cette idée, la
Méditerranée comme laboratoire, la Méditerranée comme vivier
des identités culturelles, plurielles et dynamiques, la Méditerranée
comme palimpseste, la Méditerranée comme environnement
historique ouvert, accueillant et évolutif, où chacun y retrouve les
sources de ses origines, réelles ou symboliques.
La définition de l’éducation, d’après Dewey, correspond mieux
au caractère interculturel de celle-ci, en redéfinition constante, à
condition qu’elle soit centrée sur l’apprenant : «l’éducation est la
reconstruction ou la réorganisation de l’expérience qui développe
la capacité à changer le cours de l’expérience suivante». Ainsi, le
concept du développement en termes éducatifs signifie «que
l’éducation est un processus sans fin, et qu’elle est perpétuellement
en réorganisation, en reconstruction, en transformation». «Educare»
: nourrir et élever, et «Educere» : tirer hors de, conduire vers. Deux
conceptions, qui devaient être complémentaires, sont en réalité
contradictoires. (Qui sait et d’où sait-on ? Que et comment sait-on ?
Sur quoi sait-on et avec quel effet ?)
Nous retenons de ce qui précède la dimension symbolique
puisqu’elle caractérise, par un événement ou une expérience
vécue par un petit nombre, une majorité qui n’y a pas participé,
conduisant à un raisonnement identificatoire, circulaire du collectif
et de l’individuel. Notre approche retiendra ces phénomènes
de circulation qui reflètent les cheminements et les errances, la
complexité des va-et-vient et la complicité du regard. Fondée sur
le constat des effets bénéfiques de la rencontre entre les peuples et
entre les cultures, l’idée de circulation met en évidence les échanges,
au niveau des savoirs et des savoir-faire, des idées, des croyances,
des représentations, en intégrant les données fondamentales du
Mais de quel espace méditerranéen s’agit-il ?
La Méditerranée n’est plus une mer intérieure limitée par une frange
littorale; elle immerge profondément trois continents, sinon toute
la planète. Je me borne à quelques rappels de faits déjà inscrits dans
toutes les mémoires : les récentes fouilles de Bourges, en France,
qui révèlent des céramiques grecques du Ve siècle, mêlées à des
poteries locales de la Tène, celles d’Aï-Khanoun, en Afghanistan, où
l’on a découvert, dans les steppes de l’Asie centrale, loin de toute
mer, des fontaines en forme de dauphin. Je rappellerai de même
que les marbres de Carrare étaient exportés jusqu’à Marrakech au
XVIe siècle et que les cuirs et les étoffes du Maghreb et du Machrek
pénétraient le monde baltique en compagnie de ces verreries
syriennes que l’on a récemment retrouvées à Lübeck.
Dans un monde élargi où les mouvements de population ont depuis
longtemps acquis une amplitude planétaire, l’espace méditerranéen
s’est considérablement dilaté et diversifié. Echappant aux
confinements de la géographie, il touche aujourd’hui la Colombie
avec Carthagène, ce dernier avatar de Carthage. Cette migration
constante du savoir, des mythes ou des formes artistiques, qu’elle
soit conséquence de conquête ou du négoce, n’est pourtant ellemême que l’aspect le plus ostensible d’une intense et presque
Autriche - Forum de l’École interculturelle
En mettant l’accent sur les échanges éducatifs, le «Forum de l’Ecole euro-méditerranéenne pour le dialogue interculturel» s’est attelé à
développer les aptitudes et les compétences des étudiants et des enseignants pour la communication interculturelle. Grâce à ce projet, un
réseau de dix-sept écoles secondaires a été mis en place, réunissant des établissements d’enseignement basés en Autriche, au Danemark,
en Hongrie, en Israël, en Jordanie, au Liban, aux Pays-Bas et en Turquie. Outre l’accent mis sur le développement des compétences, le
Réseau s’est consacré aux échanges d’approches pédagogiques et aux bonnes pratiques en matière d’éducation culturelle et politique.
Cette initiative de «Interkulturelles Zentrum» bénéficie d’un large éventail de partenaires, y compris la Fondation Anna Lindh, le ministère
fédéral autrichien de l’Education, des Sciences et des Arts et la Commission nationale de l’UNESCO. Le Forum a également conduit à
initier des discussions avec des étudiants venant d’horizons différents sur des sujets comme l’identité et la diversité culturelle, et le
Réseau national de la Fondation Anna Lindh en Autriche a été un outil efficace pour élargir et promouvoir le débat au niveau national.
www.iz.or.at
Le Rapport Anna Lindh 2010
51
Pour une citoyenneté interculturelle méditerranéenne
Quelques précisions terminologiques
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
INTÉRÊT ENVERS L’AUTRE ET INTERACTION
De ce mythe, commenté par le chercheur japonais Toshiaki Kozakai,
je voudrais faire, comme Tzvetan Todorov, une représentation
symbolique de l’identité culturelle. Celle-ci ne peut être ni
figée de façon pérenne, comme le voudraient des politiques
fondamentalistes, ni intégralement renouvelée à chaque
génération. Elle doit s’adapter sans se perdre, s’enrichir sans se
renier. Les identités méditerranéennes interactives et évolutives à
la fois dans leur grande diversité et dans leur extrême similitude
réalisent peut-être l’idéal mythique de la nef Argo, celui d’une
perpétuelle jeunesse qui ne renie aucune mémoire. Mais ce constat
optimiste débouche immédiatement sur une autre question :
comment pouvons-nous tous, venus d’ici ou d’ailleurs, faire nôtre
le nouvel univers culturel, en déchiffrer les messages et y adhérer?
Apprendre, d’après Gilles Deleuze, c’est d’abord considérer une
matière, un objet, un être comme s’l émettait des signes à déchiffrer,
à interpréter.
Cette philosophie a fait irruption dans les programmes de
l’UNESCO : tout en restant fidèle à l’éducation pour tous, à
l’acquisition et à la diffusion des savoirs, à la mise à disposition des
ressources culturelles variées et à l’accès aux nouveaux moyens de
communication et d’information, l’Organisation prend conscience
de l’urgente nécessité de développer des «compétences
interculturelles». L’objectif de partage reste inchangé mais le but
ultime est de rendre chaque individu, ainsi émancipé, capable
de participer pleinement au nouvel environnement symbolique
Le Rapport Anna Lindh 2010
Il résulte également de leur faculté d’analyse critique afin de
«décoloniser» l’esprit, les valeurs et les systèmes de connaissances
qui perpétuent les motifs de supériorité. La compétence
interculturelle s’attache donc à nous sortir de notre propre logique
et de nos systèmes culturels afin de nous engager vers les autres
et d’entendre leurs conceptions. Celles-ci peuvent porter sur
l’appartenance à un ou plusieurs groupes sociaux, en particulier si
ceux-ci ne sont pas valorisés ou reconnus dans un contexte culturel
donné. L’aptitude à exprimer nos aspirations pour un meilleur
avenir de l’humanité et de la planète est une compétence d’autant
plus importante qu’elle vise à promouvoir la pérennité de la vie sous
toutes ses formes. Les compétences interculturelles sont donc liées à
deux dimensions majeures : la mémoire et la créativité. L’acquisition
d’une compétence interculturelle constitue un défi exaltant dans
la mesure où nous ne sommes pas appelés, naturellement, à
comprendre les valeurs des autres au même titre que les nôtres,
celles que nous rencontrons dans le contexte de la famille, le cercle
des amis, l’école, la religion ou encore la société. Ce défi constitue
une chance unique dans l’histoire de la Méditerranée comme
dans celle de l’humanité. Il nous invite à éviter tout phénomène
de confinement ou de ghettoïsation en offrant aux nouvelles
populations l’opportunité de lectures multiples, de découvertes
inattendues qui sont parfois la redécouverte de leur propre identité
sous les formes décryptées de l’Autre le rendant ainsi tantôt notre
allié tantôt notre contradicteur culturel.
Un dernier mot : Héraclite a dit que l’oracle «ne dit, ni ne cache,
mais (il) signifie (donne des signes)». Nous pouvons transposer
cette expression à la culture puisqu’elle «ne dit, ni ne cache, mais
(elle) signifie (donne des signes)» ! Notre tâche est de cultiver les
compétences interculturelles nécessaires afin d’acquérir une ou
plusieurs citoyennetés culturelles, notamment «la citoyenneté
interculturelle méditerranéenne».
KATÉRINA STENOU est Directrice de la Division des politiques
culturelles et du dialogue interculturel à l’UNESCO
Identité et perceptions mutuelles
AMIN MAALOUF
De mon point de vue, il est important que chaque personne puisse assumer les diverses
composantes de son identité. Je n’ai pas le sentiment que l’évolution au cours des
dernières années soit allée dans cette direction.
Dans un monde où l’on côtoie sans cesse des cultures différentes, gérer la diversité
culturelle, gérer le côtoiement des identités est une question majeure, qui nécessite
une attention sans relâche, une réflexion approfondie, et des solutions ingénieuses. Il
me paraît prématuré de parler d’identité méditerranéenne. Les gens se définissent en
fonction de leur nationalité, de leur religion, de leur langue, de leur appartenance sociale.
La notion d’identité méditerranéenne demeure une vision politique, une construction
intellectuelle, qui ne se traduit pas au niveau de la perception réelle des individus et des
groupes. Gérer la question de l’immigration doit être un prêche prioritaire pour ceux qui
s’intéressent à l’avenir de l’aire méditerranéenne. La difficulté de gérer ce dossier est en
train d’affecter négativement l’atmosphère intellectuelle et politique des pays riverains.
Alors qu’une bonne gestion de la coexistence serait un facteur bénéfique majeur. C’est
en encourageant les migrants à assumer leur double appartenance qu’on leur permet de
jouer le rôle de traits d’union entre pays d’origine et pays d’accueil.
Il existe, entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, un problème de confiance qui n’a
cessé de s’aggraver au cours des dernières décennies. Il est lié à la fois à des problèmes
réels qui nécessitent des solutions, et aussi à une perception négative de l’Autre. Pour
pouvoir espérer une amélioration significative dans les prochaines années et décennies,
il faudrait à la fois agir sur les problèmes – notamment trouver une solution équilibrée
et durable au problème du Proche-Orient – et agir également sur la perception, sur les
mentalités, ce qui est la responsabilité des leaders d’opinion, des médias, des intellectuels,
des enseignants, etc.
En ce qui concerne les médias, nous devons continuer, notamment par des initiatives
telles que le Prix méditerranéen du journalisme Anna Lindh, à soutenir la qualité
professionnelle et la qualité éthique. Cette dernière notion, à l’aune de laquelle on juge
le Prix, ne signifie pas qu’il faille s’installer dans le politiquement correct au niveau de la
réalité des affrontements, elle signifie qu’il faut trouver les mots justes, les images justes,
les approches adéquates, afin de faire reculer l’incompréhension et la haine.
De mon point de vue, il est trop tôt encore pour juger de la validité d’un cadre comme
celui de l’Union pour la Méditerranée. La saine approche, me semble-t-il, consiste à miser
sur l’aspiration profonde des peuples à la dignité, au bien-être, à la liberté, à la démocratie.
Il faut montrer en permanence un attachement à ces valeurs essentielles; c’est à ce prix
qu’on peut bâtir la confiance sur des fondements solides et durables.
AMIN MAALOUF est libanais. Romancier et journaliste, il a été Président du Jury
international pour le Prix méditerranéen du journalisme Anna Lindh.
Le Rapport Anna Lindh 2010
53
Au terme de ce rapide tour d’horizon, on pourrait conclure
que la dynamique du voyage est un trait essentiel de l’identité
méditerranéenne. Je ne voudrais pas m’arrêter à ce constat
d’évidence, mais souligner au contraire que le mouvement, au
sens physique et premier du terme, n’est pas indispensable à la
dynamique identitaire. Comme nous voyons à Rome, dans les
basiliques chrétiennes, des bas-reliefs empruntés aux monuments
antiques, comme nous voyons à Kairouan, dans la grande
mosquée, des chapiteaux corinthiens provenant d’édifices païens
ou chrétiens, nous pouvons admirer, à Istanbul, la Mosquée bleue,
librement inspirée de l’architecture de son vis-à-vis byzantin,
Sainte-Sophie de Constantinople. Ces exemples, et bien d’autres,
illustrent l’étonnante capacité des cultures les plus diverses à se
construire sans faire table rase d’un patrimoine commun, en évitant
l’amnésie comme la sclérose. Cet inventaire, forcément hétéroclite,
comprend une exigence d’humilité dans la pratique des relations
interculturelles, une recherche d’empathie et d’hospitalité, voire
le désir de connaître et d’accueillir l’altérité, accepter de se mettre
sous sa surveillance. L’image qui me vient à l’esprit pour illustrer
cette dynamique interne – une dynamique compatible avec
la plus grande sédentarité – est celle d’un mythe grec : le mythe
des Argonautes et de la nef Argo. Au cours de son interminable
périple à la quête de la toison d’or, le bateau a subi d’innombrables
avaries; pièce par pièce, sa coque, son bastingage, son gréement
ont été refaits par les charpentiers, en sorte qu’il ne subsiste plus
aucun élément d’origine. Pourtant, ces modifications qui affectent
la substance – et peut-être la forme – de la nef Argo ne menacent
en rien son identité : l’équipage de Jason n’a jamais le sentiment de
voguer sur un autre navire.
mondial; en d’autres termes, lui accorder les moyens d’acquérir
une ou plusieurs citoyennetés culturelles, voire interculturelles .
Cette idée de citoyenneté culturelle présuppose des compétences
spécifiques pour de nouveaux apprentissages, enjeux majeurs de
l’UNESCO aujourd’hui, pour faire barrage aux amalgames nés des
ignorances, des préjugés, des humiliations, des frustrations, des
ressentiments, des peurs et des exclusions, qui engendrent la spirale
des tensions, de l’insécurité, de la violence et des conflits à tous les
niveaux, local, régional et international. Le dialogue interculturel
peut être considéré comme un moyen d’acquérir une «compétence
interculturelle». Cependant, le succès d’une telle acquisition dépend
de l’aptitude des différents partenaires à redécouvrir le passé et le
présent à partir d’une perspective culturelle différente de la nôtre.
EXPERT ANALYSIS AND GOOD PRACTICE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
52
incessante circulation interculturelle qui a multiplié les brassages et
ouvert la voie aux métissages.
La révolution démographique dans les pays du sud et de l’Est de la Méditerranée,
1970-2010
L’impact culturel du facteur démographique
YOUSSEF COURBAGE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
54
Le rôle de la démographie est essentielpour analyser l’évolution des relations interculturelles comme un
vecteur puissant de connexions entre les cultures, et comme un moyen vital de révéler les mentalités. Youssef
Courbageétudie l’impact culturel de la transition démographique en cours sur les deux rives de la Méditerranée,
une source de nombreux processus de modernisation, et un défi à la théorie du «Choc des civilisations». Du
«youth buldg e» à «l’immigration», il fait des prospectives et montre à quel point les ressemblances l’emportent
largement sur les divergences.
En Méditerranée, la méconnaissance de l’autre est avérée.
L’enquête de la Fondation Anna Lindh en témoigne. En
interrogeant un échantillon des deux rives, on est saisi par
le manque d’intérêt porté à l’autre, comme si les deux rives
se tournaient le dos. L’économie, la culture, le mode de vie,
les croyances et les pratiques religieuses de l’Autre laissent
indifférents. Un Européen sur trois ne s’intéresse pas à la rive Sud,
son économie et sa religion surtout (43%). De la Turquie au Maroc,
les pays du Sud manifestent un manque d’intérêt semblable pour
les choses du Nord (45%), en particulier pour sa religion (55%)
(graphique 1.9). Réalité déroutante mais guère uniforme. Repérer
les pays méditerranéens s’avère plus ardu que ce que l’on imagine,
jusqu’à 17% d’erreurs au Royaume-Uni, 25% en Turquie. Même
quand elle est moins fausse, la perception est tronquée. Mais, si les
deux rives se tournent largement le dos, il suffirait que le contact
s’établisse pour des raisons de travail, de tourisme, de connexion
par internet, de voisinage, etc., pour que le courant puisse passer
(graphique 1.14). Les contacts qui ont pu s’établir avec des gens
du Sud ont convaincu les Européens que les ressemblances entre
les deux rives l’emportaient sur les dissemblances.
La démographie utilisée comme prétexte au conflit des
civilisations
Si l’Europe et le Sud jouissaient d’une culture démographique
conséquente et ne se contentaient pas seulement des slogans
médiatiques qui leur sont assénés quotidiennement, ils seraient
encore plus convaincus de ce rapprochement qui s’opère sous
nos yeux. La démographie – c’est bien malheureux – est trop
souvent perçue comme scolaire, didactique, ennuyeuse. Mais,
sous la plume d’écrivains talentueux, elle peut prendre vie, exciter
les passions, devenir polémique, voire incendiaire. Ce qui est
encore plus malheureux. Samuel Huntington, qui a immortalisé le
concept de conflit des civilisations, en est un exemple fameux. Très
médiatisé, son Choc des civilisations (Huntington, 1996) continue
à frapper les esprits à coups de millions d’exemplaires. Nous autres
Méditerranéens sommes aux premières loges de ce conflit, qui se
déroule comme une tragédie grecque, avec la confrontation de
deux civilisations antagonistes : chrétienne et musulmane. Et la
Le Rapport Anna Lindh 2010
démographie dans tout cela ? Elle est, nous dit-on, amorphe d’un
côté, explosive de l’autre. Le nombre est la pierre de touche du
conflit pour Huntington. Et quelle ligne de fracture plus idéaltypique que cette Méditerranée, de Gibraltar au Bosphore ?
2010
BosnieHerzégovine
LIban
Albanie
Turquie
Tunisie
Egypte
Israël
Algérie
Maroc
Libye
55
1970
8.5
8
7.5
7
6.5
6
5.5
5
4.5
4
3.5
3
2.5
2
1.5
1
0.5
0
GRAPHIQUE 4.1
Syrie
Palestine
Graphique developé par Y. Courbage, 2010
«La croissance démographique dans les pays musulmans, en
particulier l’augmentation de la part des jeunes de quinze à vingtquatre ans dans la population totale, fournit des recrues en grand
nombre au fondamentalisme, au terrorisme, aux mouvements de
révolte et aux migrations. La croissance démographique rend plus
forts les gouvernements asiatiques; la croissance démographique
menace les gouvernements et les sociétés non musulmanes. […]
La Résurgence de l’islam, quant à elle, a été alimentée par des
taux de croissance démographique tout aussi spectaculaires.»
(Huntington, 1996) Jamais depuis l’aube de cette discipline, peu
portée à l’émotion, on n’a donné autant dans le pathos en prêtant
le rôle du vilain à la démographie. Le youth bulge – l’explosion
des jeunes –, est à la genèse du fondamentalisme, du terrorisme,
des insurrections et des migrations, menaces qui planent à la fois
sur les gouvernements des pays musulmans et des sociétés nonmusulmanes. Le Choc fut écrit en 1996, l’expression forgée en 1990
par Bernard Lewis (Lewis, 1990). Huntington a été bien entendu, à
telle enseigne qu’un rapport écrit par des officiers à la retraite de
l’OTAN (Gen. Naumann et al., 2007) a hiérarchisé les 6 défis clés
qui menacent la communauté globale, en mettant au premier
chef la démographie, en liaison avec la montée de l’irrationnel et
du fondamentalisme religieux, couramment l’islamisme radical.
Récemment, Christopher Caldwell (2009), journaliste au Financial
Times, a repris la même antienne «démographico-civilisationnelle»,
nous mettant d’emblée dans le bain, en exhumant les projections
démographiques catastrophistes d’Enoch Powell sur le RoyaumeUni.
Déconstruire le paradigme d’Huntington
Il ne peut y avoir de relations interculturelles saines et paisibles
dans l’espace méditerranéen sans une déconstruction du discours
de Huntington. Au plan démographique, en premier lieu. Une
démographie bien comprise, non-démagogique, permet de sortir
du bruit et de la fureur de la chronique médiatique. A rebours du
paradigme huntingtonien, elle montre l’inanité du fantasme du
choc des civilisations étayé sur une vision démographique du
monde qui nourrit les peurs, à l’instar de celles des Occidentaux
de la rive Nord face aux Arabes et aux musulmans de la rive Sud.
Car la démographie peut démontrer l’inverse. Le paradoxe est
que durant ces deux décennies, qui ont vu naître et prospérer ce
paradigme néfaste, le rapprochement entre les deux rives n’aura
jamais été aussi fort, porté par la lame de fond de la convergence
démographique. On nous permettra d’insister sur la démographie,
car elle est un puissant vecteur d’interculturalité. La variable
démographique n’est pas un banal indicateur de l’«état des lieux»
d’un pays. Elle est aussi et surtout un révélateur des mentalités.
Les indicateurs démographiques vont au plus profond dans
l’ordre de l’intime la sexualité, l’union entre hommes et femmes,
la reproduction, les relations parents-enfants, la mésentente,
etc., la mort enfin. La démographie est une psychanalyse
collective, ses tableaux et graphiques, les tests de Rorschach des
sociétés. La démographie couvre un vaste champ. Les migrations
internationales, le youth bulge ou son antithèse, le vieillissement,
ont une portée considérable sur les relations interculturelles en
Méditerranée et sont tous reliés entre eux par l’indicateur fétiche
des démographes, celui que nous avons choisi de développer, la
fécondité, qui est en amont des autres phénomènes.
La transition démographique au Sud de la Méditerranée
Malgré la globalisation, le nombre d’enfants par femme conserve
toujours une amplitude considérable dans le monde, de 8
enfants pour les populations les plus fécondes, à 1 enfant pour
les plus malthusiennes. Les populations européennes se situent à
des niveaux très bas : 1,5 enfants seulement. Le «beau modèle»,
celui à qui il conviendrait de ressembler, se place plus haut : en
France notamment où la fécondité de 2,02 enfants assure mieux
la reproduction de la population (graphique 4.1). L’Europe avait
pris une grande avance. Au milieu du XVIIIe siècle, une formidable
révolution culturelle a balayé le continent, dont le résultat peutêtre le plus profond fut la généralisation du contrôle des naissances
par la contraception. C’est la conséquence ultime de la marche
vers l’alphabétisation des hommes, tôt suivis par les femmes,
puis de la sécularisation des mentalités; le phénomène de la
procréation devenait un calcul rationnel, détaché de la volonté
divine. Ce qui se déroule sous nos yeux dans le Sud méditerranéen
est une réédition de cette formidable révolution culturelle. Ici,
cette transition démographique qui démarra avec retard fut
aussi plus fulgurante. Sauf de rares exceptions, la fécondité vers
1970 atteignait encore des sommets : 7-8 enfants, rarement audessous de 6 (sauf en Israël, dont la population était surtout
d’extraction européenne). En contrepartie, on est frappé par son
raccourcissement. Il aura fallu deux siècles pour que l’Europe
passe d’une fécondité d’Ancien Régime à la fécondité moderne,
quatre décennies seulement au Sud de la Méditerranée, pour
passer de 7,26 enfants en 1970 à 2,58 en 2010. Ces populations
qui s’alphabétisent sont en route vers la modernité qui ouvre
la voie à la baisse de la fécondité, condition sine qua non du
développement économique général. Il s’agit d’une histoire
universelle d’accession à la modernité dont le moteur est la sortie
de l’analphabétisme. Pour n’avoir conquis que récemment le Sud
de la Méditerranée, elle n’en a pas moins un allant remarquable
(Courbage et Todd, 2007). Mais, outre des degrés différents
d’alphabétisation qui expliquent pourquoi certains pays sont plus
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
INTERET ENVERS L’AUTRE ET INTERACTIONS
Le coup de fouet qui sera accordé aux investissements
économiques par rapport aux investissements dits
démographiques, moins astreignants du fait du ralentissement
de la croissance de la population, permettra d’élargir la sphère
productive et la création d’emplois. Le taux d’épargne – et
donc d’investissement – sera stimulé par des structures par âge
plus favorables. La transition démographique se traduira aussi
par une diminution des inégalités de répartition du revenu
national entre catégories sociales, condition nécessaire même
si elle n’est pas suffisante pour l’émergence de démocraties
représentatives au Sud (Courbage 2001). Raconter aux uns et
aux autres l’histoire de la révolution démographique de part
et d’autre de la Méditerranée est essentiel pour diminuer
l’ignorance commune et mettre en exergue les ressemblances
entre les peuples. Les démographes ne sont malheureusement
pas outillés pour narrer cette simple histoire avec les mots
qu’il faut, imbus comme ils le sont de leur mathématique et
de leurs modèles. Pour élever les relations interculturelles
méditerranéennes, il faudrait pouvoir raconter cette simple
histoire avec l’élégance du conteur.
Perspectives et leçons
La convergence démographique des deux rives est riche
d’enseignement. De part et d’autre de la Méditerranée, les
ressemblances l’emportent largement sur les divergences, car la
démographie incarne les comportements humains dans ce qu’ils
ont de plus profond. Cette convergence a notamment été rendue
possible par les interactions multiformes entre les rives Nord et
Sud qui se perpétuent jusqu’aujourd’hui grâce à la diffusion de
l’instruction et à l’action des émigrés, ces passeurs de culture,
Le Rapport Anna Lindh 2010
YOUSSEF COURBAGE est Directeur de recherches à
l’Institut National d’Etudes démographiques, Paris
Reconstruire des ponts, restaurer la
confiance
ISMAIL SERAGELDIN
La région euro-méditerranéenne a été bénie par la nature de plusieurs façons. Son climat,
sa situation géographique, ses ressources naturelles et humaines ont fait d’elle le berceau
de grandes civilisations, et son bassin, qui a vu la naissance des trois religions monothéistes,
a eu un impact extraordinaire sur l’histoire et le développement culturel de l’humanité.
Toutefois, cette diversité culturelle, qui devrait être considérée comme une source
d’enrichissement et de progrès, a souvent, à travers les siècles, été malmenée par des
troubles politiques, des conflits et des confrontations. Pourtant, certains sages ont pris
sur eux d’encourager les peuples de la région à construire des ponts et à surmonter
les différences religieuses, ethniques et culturelles en mettant l’accent sur ce qui les
rassemble plutôt que ce qui les sépare. Ces ponts ne peuvent être construits sans dialogue
interculturel, un dialogue qui favorise une meilleure compréhension de l’autre, une
acceptation de ceux qui sont différents, et la conviction que la diversité peut être une
source d’enrichissement mutuel et créer les conditions nécessaires qui permettront aux
sociétés d’en tirer parti et d’évoluer, de se développer et de prospérer dans un climat de
paix et de stabilité.
En effet, c’est l’absence de dialogue interculturel qui est à l’origine des malentendus et de
la méfiance. Les individus ont souvent peur de ce qu’ils ne connaissent pas et ont souvent
des idées fausses sur l’autre, une attitude qui suscite des tensions, des confrontations, et
parfois même des guerres. A partir de ce constat, et afin de contrecarrer l’idée erronée
que les civilisations vont à l’affrontement, une série d’initiatives a été lancée avec pour
objectif une alliance, plutôt qu’un choc des civilisations. Par conséquent, le partenariat
euro-méditerranéen et la Fondation Anna Lindh promeuvent activement ce dialogue
interculturel sur les deux rives de la Méditerranée.
Je suis intimement convaincu que la seule façon de faire face aux défis de notre région est
de promouvoir et d’approfondir ce dialogue en vue de tirer parti de toutes ces initiatives,
et de créer un sentiment de partenariat entre tous les hommes et les femmes de notre
région, indépendamment de la couleur, de la croyance ou du sexe, afin d’aider à changer
la philosophie de la politique, et de faire en sorte que dans notre monde, nous puissions
collaborer les uns avec les autres, même si le passé a été conflictuel, afin de promouvoir la
justice, l’inclusion et la participation, et donc de construire un avenir meilleur pour nous
et nos enfants.
Par conséquent, je crois que nous devons tous nous engager dans cette voie, non
seulement parce qu’elle correspond à des principes et à des idéaux auxquels nous croyons,
mais aussi parce qu’elle est dans l’intérêt des peuples de la région. Nous devons, à travers
le dialogue culturel, contribuer à créer une atmosphère pacifique qui puisse mettre fin aux
conflits dans la région, et encourager le développement économique, social et culturel
dans toute la région. Nous avons besoin de prendre des initiatives concrètes dans un cadre
stratégique et structurel et de donner la priorité à la mise en place, avec la Fondation Anna
Lindh, l’Alliance des civilisations, l’Union pour la Méditerranée et l’UNESCO, d’un plan pour
le dialogue interculturel fort d’une nouvelle vision et d’un nouvel élan.
ISMAIL SARAGELDIN est Directeur de la Bibliotheca Alexandrina
Le Rapport Anna Lindh 2010
57
En outre, dans les pays à population composite tels IsraëlPalestine, Syrie, Liban, etc., il arrivait que la compétition entre
groupes joue en faveur de la hausse de la fécondité. L’exemple
d’Israël est symptomatique à cet égard. Les pays du Maghreb
quant à eux sont plus éloignés de cet épicentre sismique. Pour des
raisons de proximité géographique, du poids de l’histoire aussi,
le Maghreb a reçu les influences de l’Europe plus fortement que
le Machrek. L’émigration maghrébine depuis les indépendances
s’est presque exclusivement tournée vers l’Europe, alors que
l’émigration du Proche-Orient a recherché la péninsule Arabique
et le Golfe. Les émigrés, ces passeurs de culture, sont en
contact permanent avec leurs proches restés au pays. Ils ont pu
directement ou indirectement influencer leurs attitudes sur la
famille, la femme, le nombre d’enfants. Les familles maghrébines
sont par exemple moins réticentes que celles du Proche-Orient
à accepter une descendance sans héritier mâle. Avec un indice
de fécondité de 2 enfants par femme, le quart environ des
Maghrébins acceptent une lignée exclusivement féminine. En
revanche, au Proche-Orient, où l’on est plus soucieux d’avoir un
garçon, la fécondité est spontanément plus élevée. Le graphique
4.1 montre bien comment de part et d’autre de la Libye se rangent
les pays de la rive Sud de la Méditerranée : Maghreb, Liban et
Turquie à gauche où la révolution démographique est achevée
ou en phase de l’être autour de deux enfants par femme; Egypte,
Israël-Palestine, Syrie où l’on semble s’être fixé à trois enfants.
Une interaction complexe entre l’histoire, la géographie, la
destination des migrants internationaux, le poids de la politique,
des conflits et des rivalités internes rend compte des différences
intra-méditerranéennes. En aucun cas, la démographie ne peut
être essentialisée par une appartenance religieuse ou nationale,
qui reviendrait à stigmatiser les populations du Sud et à aviver le
conflit de civilisations. La baisse de la fécondité en terre chrétienne
puis en terre musulmane, ou encore dans la rive Nord puis dans la
rive Sud de la Méditerranée, réduit à néant l’idée manichéenne
d’un fossé infranchissable entre l’Occident et l’Orient, et l’idée qu’il
existe des racines religieuses intangibles aux mentalités et aux
comportements
même s’ils le font en silence. Les exceptions que nous avons
soulignées ne relèvent pas d’une essence culturelle, mais de
situations politiques complexes. Les prochaines décennies
seront prometteuses. Le youth bulge, à supposer qu’il fut à
l’origine des violences dans les pays du Sud, a déjà amorcé une
rapide décrue, surtout au Maghreb. Une conséquence de taille
dans les interrelations est le ralentissement de l’émigration
internationale du Sud vers le Nord, du fait de la décélération de
la pression démographique des jeunes demandeurs d’emploi
et de la vraisemblable mutation du Sud de la Méditerranée de
pays de départ en pays d’accueil (Afrique subsaharienne, Asie).
En contrepartie, le vieillissement que l’on croyait être l’apanage
du Nord connaîtra une croissance tellement fulgurante que le
doublement de la proportion des personnes âgées (65 ans et
plus) qui a pris plus d’un siècle en Europe (114 ans en France) ne
prendra que 20 ans au Sud de la Méditerranée. Cette révolution
en marche que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de «miracle
démographique» et d’autres plus modestement de «bonus»
ou de «dividende démographique», sera sans hésitation
possible à l’origine de nombreux processus de modernisation:
participation plus massive des femmes à la main-d’oeuvre
permise par la limitation des naissances, amélioration des
systèmes d’enseignement en raison du tradeoff entre quantité
et qualité.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
56
en retard que d’autres, il y a des «pannes de transitions» que l’on
peut superficiellement imputer à la culture arabe ou à l’islam. Des
résistances délibérées à la transition existent, qui n’ont rien à voir
avec la religion musulmane. Elles sont d’essence politique avec
un habillage religieux. Par exemple au Proche-Orient. Les conflits,
notamment le conflit de Palestine, ont stimulé ici, contrairement
au Maghreb, les attitudes populationnistes et pro-natalistes dans
la population et chez les gouvernants; le nombre d’habitants et le
taux d’accroissement démographique furent considérés comme
des atouts stratégiques.
NATALIA RIBAS-MATEOS
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
58
Dans le contexte actuel de mondialisation, l’un des enjeux majeur est la définition de «nouveaux espaces de
mobilité». Natalia Ribas-Mateos affirme que ces mobilités ne peuvent plus se résumer à la mobilité physique des
individus, mais qu’elles sont davantage liées aux flux croissants d’informations entre les habitants de la région
méditerranéenne et les communautés immigrées dispersées dans le monde entier. Des interrelations dans un
parc public à l’expérience des routes culturelles touristiques, l’auteur explore différents exemples et redéfinit
notre compréhension des mobilités humaines.
La Méditerranée peut être considérée comme un espace de
circulation et un lieu d’échange dans une période caractérisée par
un fort impact des technologies de communication. Les habitants
de la région méditerranéenne mentionnent dans le Rapport
différents moyens pour interagir avec des personnes de l’autre
rive. Ils identifient des modes d’interaction qui vont au-delà des
migrations : les relations d’affaires, le tourisme, les relations de
voisinage, Internet – considéré comme l’outil le plus commun de
communication en particulier chez les jeunes – et les rencontres
dans les espaces publics, qui peuvent ou non avoir un impact
positif sur la qualité des perceptions mutuelles. Malgré l’impact
considérable des changements liés à la migration globale dans la
région, la question culturelle est toujours une question complexe.
C’est une région particulière, avec une présence historique de
diversité des cultures, de diversité à l’intérieur des cultures, de
formes de domination des cultures (colonialisme, orientalisme,
etc.). Néanmoins, cela configure un espace où l’on peut penser
à l’idée de cultures à partir d’un sens relationnel, et c’est sous
cet angle spécifique que nous comprenons l’idée du dialogue
méditerranéen, même si les perspectives exotique et coloniale n’ont
pas encore disparu. Mais cet espace construit dans notre Rapport
comme un espace interculturel est particulièrement complexe,
en particulier si l’on prend en considération l’augmentation des
échanges humains à travers la Méditerranée, où l’on détecte de
nombreux circuits mondiaux qui permettent l’interaction, mais
ferment aussi beaucoup de portes et créent de nombreux conflits.
Nous tenterons, dans cet article, de répondre à une partie de ce
scénario interculturel en nous intéressant directement à la question
de la mobilité à l’ère de la mondialisation, en essayant de donner
une définition opérationnelle mieux adaptée aux nouvelles
mobilités de la migration circulaire, des réseaux transnationaux et
des migrations de retour qui sont aujourd’hui les caractéristiques
de la dynamique de la mobilité humaine dans notre région
Mobilités et circularité
La plupart de ces complexités ont été démontrées ily a longtemps
par le travail de Tarrius sur les mobilités en Méditerranée. Il a été
en mesure de mettre en lumière que les identités des migrants
Le Rapport Anna Lindh 2010
ne sont pas réaffirmées comme intrinsèquement stables, mais
comme des populations caractérisées par leurs mouvements; elles
fonctionnent par combinaison du territoire et des mouvements.
Tarrius forge le terme «territoires circulaires» pour désigner certains
groupes de population qui sont caractérisés par les mouvements,
les allées et venues, le type d’entrée et de sortie entre les mondes
étant présentés comme différents (Tarrius, 2000).
Nonobstant, ces circularités ne peuvent pas être traduites par la seule
mobilité physique des personnes, elles sont aussi liées aux circuits
d’information qui lient les communautés transnationales, aux flux
d’informations qui, avec l’aide des technologies d’aujourd’hui,
créent des liens dans la vie sociale des individus entre différents
sites méditerranéens, étant donné la dispersion des migrants
dans le monde entier. L’importance des réseaux migratoires et des
stratégies de survie, le rôle des migrants en tant qu’entrepreneurs
répondant aux conditions structurelles des migrations de travail, le
rôle des investisseurs et des envois de fonds dans le développement
social des pays d’origine, les nouvelles formes de déterritorialisation
politique des migrants en sont quelques exemples. La mobilité
des migrants contemporains serait caractérisée par l’intensité
des mouvements – même des mouvements de circulation –, une
culture intensifiée de la migration, l’utilisation du réseau de la
diaspora et les références développées par les identités renforcées
des diasporas.
En outre, ces mobilités fonctionnent également en liaison avec
d’autres types d’interactions sociales. Ces dernières années, j’ai fait
des recherches de fond sur les circuits mondiaux qui peuvent être
identifiés dans la région méditerranéenne. Dans cette région, je
me suis attachée à la façon dont on pouvait étudier, dans les villes
frontalières (telles que Tanger et Durrës, voir Ribas-Mateos, 2005), les
nombreux types de circuits entre le Nord et le Sud, tels que les circuits
textiles (qui sont un bon exemple des tendances de délocalisation
industrielle). Toutefois, de nombreux autres circuits pourraient
être décrits comme l’internationalisation des Organisations Non
Gouvernementales, les circuits affectant les acteurs vulnérables du
passage des frontières et étant aussi affectés par, notamment, la
marchandisation du corps ou les mariages arrangés.
L’impact du tourisme culturel
Parmi ces différences de mobilités, je voudrais donner quelques
exemples sur les mobilités et le tourisme (Ribas-Mateos, 2008).
Je pense ici à l’idée d’un caravansérail, comme un lieu nodal sur
une route de la Méditerranée, comme une route où les marchés
(produits), les mobilités (personnes) sont connectés et où des
informations sur les itinéraires sont échangées. Les mobilités
des personnes sont très diverses : les nomades, les passagers, les
touristes, les pèlerins, les migrants temporaires, les migrants à long
terme, les réfugiés temporaires, les réfugiés définitifs, etc. Elles
peuvent également être liées à d’autres processus, telle l’attraction
causée par les sites archéologiques et historiques, comme en Syrie.
Nous avons rencontré dans notre recherche des touristes assoiffés
de connaissances historiques sur le berceau du Moyen-Orient,
de la vieille civilisation, de l’espace de carrefour culturel entre les
continents. A ces héritages historiques, nous pouvons également
ajouter la gentillesse syrienne et l’intérêt pour la gastronomie du
Levant. Ce sont des gens assez courageux pour venir, sans tenir
compte de la liste des pays interdits. Ce sont des touristes qui, à
bien des égards, cherchent encore les images intactes de l’Orient
du XIXe siècle : la paresse de l’atmosphère, le narguilé, les images
du Vieux Damas et sa vie quotidienne, les citadelles, les chevaux et
les chameaux, et plus particulièrement l’icône du désert qui a de
tout temps attiré les voyageurs. En d’autres termes, les images qui
sont encore intactes dans l’imaginaire de nombreuses personnes, et
surtout dans l’imaginaire du touriste et du touriste culturel.
Dans un contexte de changements globaux caractérisés par
un processus de libéralisation économique intense, processus
très évident depuis les sept dernières années en Syrie, et plus
particulièrement dans sa capitale, nous analyserons l’augmentation
du tourisme espagnol sur le site urbain de Damas intra-muros,
reconnu comme une zone protégée par l’Unesco en 1979. Les
mobilités et le cosmopolitisme de cette ville habitée depuis plus de
5 000 ans, nous offrent une perspective d’analyse appropriée pour
observer les changements actuels de la situation en Méditerranée,
qui dans un tel cas sont spécifiquement liés à une position très
particulière dans la structure migratoire du Moyen-Orient.
Exclusion et cosmopolitisme dans l’espace public
Les places publiques et les marchés nous offrent d’autres
exemples d’interactions publiques. Ces dix dernières années, de
nombreuses études ont été menées sur les différentes relations
entre les migrants, les communautés ethniques et les autochtones
dans différentes régions – en particulier les villes – du Nord de la
Méditerranée. Néanmoins, la plupart d’entre elles ont mis l’accent
sur l’interaction sociale conflictuelle entre les communautés qui
Allemagne - Exposition sur l’immigration urbaine
Le projet d’exposition d’investigation «Au carrefour de Munich» est le résultat d’une coopération unique et novatrice entre des scientifiques
internationaux, des universitaires et des étudiants en histoire et en études culturelles. La recherche à la base de l’initiative est axée sur treize
thèmes liés à la migration dans le milieu urbain de Munich. Elle a été réalisée en 2008 et 2009, avec l’objectif principal d’examiner les images
répandues, les opinions et les politiques liées à l’immigration. En s’appuyant sur les informations provenant des archives de la ville, ainsi que
sur des exemples de travaux dans le domaine, il a été possible d’élargir la perspective sur les questions liées à la société pluraliste de Munich.
Au total, treize installations sont visibles dans l’exposition finale, qui présente la ville dans son contexte comme un lieu d’immigration
depuis 1955, l’année où l’Allemagne a signé avec l’Italie le premier accord de travail pour les «travailleurs étrangers». L’exposition a abordé
une série de sujets, notamment la mondialisation, la transnationalisation et l’hybridation des sociétés européennes en milieu urbain.
www.crossingmunich.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
59
Nouvelles manières de comprendre les mobilités
Par conséquent, les mobilités contemporaines peuvent être
considérées comme un capteur des changements interculturels
selon une conception post-fordiste de la flexibilité, par opposition
à la conception fordiste des migrations organisées. Aujourd’hui,
ces mobilités peuvent être présentées à travers divers concepts :
l’ancien réseau communautaire, la complexité des catégories, la
circularité et l’impact des nouvelles technologies.
Concernant l’ancien réseau communautaire, la base de ces
mobilités repose sur l’expérience consolidée au cours des temps
fordistes, qui a construit le modèle de migration du travail ainsi que
les bases d’un réseau social pour ces mobilités. Aujourd’hui, ces
réseaux en ont bien sûr intégré d’autres, y compris les réseaux de
voisinage, les groupes de pairs basés sur les relations, comme j’ai
pu le constater dans une de mes études consacrée aux jeunes dans
la ville de Tanger (Ribas-Mateos, 2005). Actuellement, les familles
du Sud utilisent très souvent ces ressources entre les relations
construites dans l’espace euro-méditerranéen et élaborent de
nouvelles stratégies tenant compte des facteurs structurels tels
que les questions politiques liées à l’accès restreint aux frontières
et les questions économiques corrélées à la crise économique et au
chômage. Au sujet de la complexité des catégories, ces dernières se
sont construites autour de la migration mondiale et sont beaucoup
plus diffuses et plus hétérogènes que dans les temps fordistes,
mais le modèle fordiste est encore souvent la référence pour les
projets de mobilité sociale des migrants et de leurs familles. La
féminisation des flux de migrants et la diversité des stratégies
féminines devraient également être examinées en fonction de
cette complexité des catégories illustrée à un stade ultérieur à
travers quelques exemples concernant le tourisme culturel.
Une autre nouveauté dans les projets des migrants est l’idée de
circularité entre les différents espaces de la Méditerranée. Cela est
lié aux idées exposées ci-dessus par les travaux de Tarrius. Dans
cet article, nous l’examinerons à travers l’exemple des immigrés
marocains dans les marchés aux puces catalans. Enfin, en ce qui
concerne les nouvelles technologies, elles sont en principe utilisées
pour répondre aux besoins du réseau de la diaspora. Mais cet usage
est très inégal, à l’image de la région de Jebala du Nord Maroc, où
pratiquement aucun village n’a accès à Internet et où le réseau
téléphonique mobile fonctionne mal en hiver (Ribas-Mateos, 2009).
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
INTERET ENVERS L’AUTRE ET INTERACTIONS
Un projet méditerranéen partagé ?
NATALIA RIBAS-MATEOS est chercheur Ramón y Cajal à
l’Université de A Coruña
Jordanie - Voyages pour la compréhension interculturelle
Une initiative de tourisme culturel, «Le Chemin d’Abraham» a pour but de promouvoir la compréhension mutuelle en mettant
l’accent sur l’histoire unique et commune de la région. Depuis 2008, un circuit touristique qui suit les traces d’Abraham dans
la région d’Ajloun en Jordanie a été mis au point, retraçant un voyage effectué par plus de trois milliards de personnes dans
le monde et qui a perduré pendant quatre mille ans. En 2009, plus d’un millier de marcheurs ont organisé des voyages et
ont pris part à la route, et, la collaboration avec les médias a permis à environ 150 millions de lecteurs de suivre l’histoire. Grâce
à cette initiative, les organisateurs – «Idéal pour le développement de Routes culturelles et touristiques – ont aussi l’objectif
de promouvoir le développement économique par le tourisme durable et de protéger l’environnement naturel et les lieux
historiques de la région, le projet étant d’apporter un revenu dans les zones rurales en encourageant les populations locales à
transformer des maisons abandonnées du village en maisons d’hôtes et à proposer aux touristes les produits de leurs jardins.
www.abrahampath.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
La traduction : un outil de dialogue
AÏSHA KASSOUL
L’espagnol, l’arabe, l’italien… Langues «mineures» par rapport à l’anglais, décrété
officiellement langue internationale, apparemment consensuelle, distançant quelque
peu l’autre langue, le français…
Adieu la tour de Babel et le volontarisme différentiel et rassembleur. Si notre projet reste
celui de l’élaboration communautaire brassant des populations suédoises et tunisiennes,
slovènes et espagnoles, point de salut sans la traduction qui se trouve au centre de la
«créativité pour le dialogue».
Donc la traduction et ses problèmes. Au premier chef, celui de la lecture qui régresse au
profit de l’image un peu partout dans notre monde, mettant à égalité (une fois n’est pas
coutume) le Nord et le Sud.
A quoi servirait de traduire des livres qui ne seraient pas lus par un destinataire
immédiatement séduit au quotidien par le télévisuel ? L’enjeu est de taille. Il s’agit
d’intervenir très tôt dans l’éducation citoyenne des populations euro-méditerranéennes
de demain, en faisant valoir une pensée et une réflexion qui soient à même de se jouer
un jour des clivages et des clichés. Encore faut-il accepter de sortir de sa paresse quasi
innée à force d’habitudes rassurantes. Encore faut-il s’efforcer d’aller vers cet Autre qui ne
me ressemble pas, supporter les doutes et les questionnements toujours déstabilisateurs,
trouver au final que le risque en vaut pour soi son pesant d’humanité. Cette aventure est
celle que les traducteurs engagent et vivent à chaque fois, ne ménageant pas leur peine
pour notre plaisir… et le leur.
Nul doute en effet que la remise en cause perpétuelle de soi ne constitue la plus vivifiante
des épreuves, éminemment formatrice en ce qu’elle nous évite l’encrassement et la
grasse certitude de ceux que Bachelard appelle la «masse visqueuse». En franchissant
allègrement et sérieusement les limites géographiques qui morcellent la carte du monde
réel, le traducteur qui libère le passage d’un territoire à un autre choisit une posture peu
réconfortante en ce qu’elle est un perpétuel déséquilibre pour lui mais aussi pour son
destinataire qu’il entraîne dans une incessante confrontation avec soi, aussi vraie que
la lecture et l’écriture sont indissociables et qu’une langue n’est rien sans les référents
culturels qui l’ont faite et continuent de la faire vivre. On comprendra dès lors la pertinence
d’une cible jeune qui grandit dans un espace ouvert à la réjouissante contamination, se
riant des stéréotypes et des étiquettes mortifères. Elevée dans l’ignorance des identités
meurtrières, notre jeunesse méditerranéenne se jouera de la différence comme celui qui
joue avec son image devant un miroir florentin où se nichent dans chacune des alvéoles
quelque chose qui lui ressemble sans être vraiment lui.
Dans cette dynamique d’un rêve en marche, les traducteurs ont un rôle prédominant de
pontiers mais aussi de tisserands. Confiée à leurs mains habiles, notre belle étoffe humaine
serait de la meilleure qualité qui soit. Confectionnée dans la patience et le labeur qui
sans cesse nous rajeunit, Pénélope elle-même n’aurait aucune raison de la défaire dans
l’équilibre de nos jours et de nos nuits.
AÏSHA KASSOUL est écrivain et professeur à l’Institut Diplomatique et des Relations
internationales (IDRI).
Le Rapport Anna Lindh 2010
61
Le projet méditerranéen partagé est, bien sûr, un échange humain,
mais un tel échange ne doit pas être compris d’une façon totalement
abstraite. Il est le résultat de la construction historique de la
Méditerranée comme un espace de points communs, d’interactions
mais aussi de conflits sévères. Certains des cas évoqués dans cet
article nous ont montré une partie de cette complexité. De tels
échanges humains sont également fortement conditionnés par
la conjoncture socio-économique, par l’évolution socio-politique
interne de chacun des pays de la Méditerranée et par l’impact
du processus d’européanisation des pays d’Europe du Sud. Les
mobilités sont au cœur de ces échanges et montrent l’expérience
réelle des contradictions structurelles mondiales entre, d’une part,
la fermeture des frontières européennes et, d’autre part, la volonté
des personnes de se déplacer. Quelle sera la définition finale de
ces endroits précis à partir desquels on a analysé les mobilités au
Sud de la Méditerranée à l’époque de la mondialisation ? Seront-ils
simplement une production des périphéries, des espaces de transit,
ou des lieux où les images et les désirs de mobilité – sociale ou
géographique –, jouent un rôle important ? En un mot, les difficultés
rencontrées, les contradictions et les paradoxes sur la question du
rapport inégal aux mobilités en Méditerranée sont un des plus
grands handicaps à la construction sur des fondations solides d’un
projet méditerranéen partagé.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
60
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
ont abouti à des situations catastrophiques tel que l’épisode de
El Ejido en 2000. On pourrait citer de nombreux autres exemples,
notamment concernant la construction de mosquées, ou d’autres
populations immigrées affectées par les mobilisations pro-sécurité
qui se sont développées ces dernières années en Espagne et
qui trouvent un fort écho en Italie depuis les années 80. Nous
comptons également sur la recherche ethnographique menée
par exemple sur les interrelations qui peuvent se produire dans
un espace public tel que le parc. A cet égard, je tiens à mentionner
les résultats des travaux de Díaz-Cortes (2009). L’auteur, par ses
recherches sur les pratiques de vie dans les espaces publics des
quartiers urbains populaires catalans a trouvé un terreau favorable
à l’analyse des pratiques interculturelles. Dans ces quartiers,
identité et appartenance s’expliquent par les constructions
sociales et matérielles, où les espaces publics sont intimement
liés à une histoire récente, celle de l’activisme visant à améliorer
les conditions de vie et celle de la lutte politique contre le régime
de Franco. Une telle identité peut aujourd’hui être utilisée comme
un outil d’exclusion contre les étrangers et contre une interaction
harmonieuse entre les différentes communautés (pas seulement
en fonction des différences ethniques, mais aussi sur la base de
l’âge et du sexe). Le problème est souvent transposé dans les
espaces de vie. Nous nous référons en particulier aux tensions
provoquées par l’utilisation des places emblématiques, où les
inégalités et les conflits ethniques ont donné lieu à des champs
de bataille réels. Un autre exemple est l’espace cosmopolite du
marché des Encants de Barcelone (Ribas-Mateos, 2004). Ce marché
est un marché aux puces de Barcelone différent des magasins
traditionnels et développé par les Marocains sous la forme de
commerces ethniques. Les marchés hebdomadaires, les vendeurs
et les acheteurs suivent l’insertion du Maroc dans la géographie
catalane. Les marchés sont une expression géographique claire
des espaces relationnels des Marocains en Catalogne. Ce qui est
ici plus intéressant, c’est qu’ils se rapportent constamment dans
les relations cosmopolites à la négociation en tant que stratégie
commerciale. Certains d’entre eux vont même à Perpignan, en
France, une fois par semaine. Les relations de réciprocité sont
ici entretenues par l’appartenance ethnique, une appartenance
ethnique qui sert de moyen d’adaptation au marché et à la société.
Néanmoins, ces relations nécessiteraient un plus large champ
d’application pour permettre de parler et d’être en relation avec les
autochtones, avec les Équatoriens et avec d’autres Africains.
Différences et similarités dans la carte des
valeurs
DALIA MOGAHED
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
62
Dalia Mogahed souligne l’importance des valeurs partagées dans la construction d’un projet commun dans la
région. De l’esquisse d’objectifs communs à l’exposé de lignes directrices en faveur d’une interaction positive
entre les peuples, l’auteur illustre la façon dont les valeurs communes peuvent être utilisées comme fondations
d’une vision politique définie. Toutefois, dans le même temps, Dalia Mogahed insiste sur l’importance du fait de
ne pas ignorer les différences de valeurs afin de clarifier les défis auxquels faire face ainsi que les opportunités
d’apprentissage mutuel entre les cultures et de compréhension des atouts des différentes communautés.
Dans la première étude complète de ce genre, la Fondation
Anna Lindh, en partenariat avec Gallup, a évalué les attitudes
des Européens et des habitants des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée en fonction d’une pléthore de questions, y compris
sur des valeurs personnelles. Si l’objectif des deux organismes
partenaires est d’explorer la viabilité d’une nouvelle union des
pays méditerranéens, pourquoi une étude de l’opinion publique au
sujet des valeurs est-elle importante ? Une analyse des avantages
stratégiques économiques et géopolitiques d’une telle union ne
serait-elle pas suffisante ?
Il y a en fait plusieurs raisons qui rendent l’étude des valeurs d’une
société essentielle pour évaluer la viabilité d’une union d’Etats.
En premier lieu, les valeurs aident à anticiper les priorités. Toute
structure de coopération débutera avec des objectifs communs
qui seront régis, à leur tour, par ce que les parties jugent important.
Un état des lieux des valeurs de chaque communauté, et une
reconnaissance à la fois des points communs et des différences,
donne des informations utiles au processus de création d’objectifs
communs pour l’Union.
Deuxièmement, les valeurs révèlent ce que les sociétés considèrent
comme leurs plus grands atouts, ce que chacun espère protéger et
de quoi chacun tire sa force. Cela permet de guider une interaction
où chaque groupe de pays comprend la réaction probable de
l’autre à des programmes et des initiatives qui vont à l’encontre
de ses principes les plus chers. Enfin, une étude des valeurs des
communautés contribue à identifier les opportunités de domaines
d’apprentissage croisé. Un groupe de pays peut donner de la valeur
à un ensemble de normes que l’autre groupe apprécie au prix
d’un petit effort. Ces aires d’échange mutuel peuvent renforcer le
sentiment de cohésion au sein d’une union et bénéficier à ses États
membres. Pour toutes ces raisons, on peut trouver de la valeur non
seulement dans les points communs mais aussi dans les différences.
Les points communs dans les valeurs méditerranéennes
Les valeurs communes sont des bases de travail et de construction.
Toutefois, les différences présentent le défi d’évaluer la diversité,
mais aussi la possibilité d’apprendre et peut-être de comprendre
plus profondément sa propre communauté. C’est là aussi que les
Le Rapport Anna Lindh 2010
sociétés peuvent compléter leurs points forts respectifs en créant
des liens plus étroits, les reproductions signifiant souvent que l’un
des partenaires n’est pas nécessaire.
Le point commun prééminent entre les Européens et les
habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée est la “
solidarité familiale ” (Graphique 1.5). Les deux groupes de pays
la classent comme la valeur la plus importante ou la deuxième
plus importante à transmettre à leurs enfants. Une appréciation
similaire de l’importance de la famille est une base solide pour la
coopération pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la “ solidarité
familiale ” est probablement liée au fait d’élever des enfants en
bonne santé, lesquels représentent l’avenir de toute communauté.
Une même attention portée aux enfants et à leur bien-être peut
représenter la fondation la plus solide pour la création d’organismes
de coopération.
Deuxièmement, la famille, contrairement, peut-être, au progrès
économique, est l’élément d’humanité partagée le plus
fondamental. Il s’agit d’un domaine où aucune société ne peut
prétendre être supérieure. Enfin, l’importance de la famille est un
enseignement central de l’Islam. Alors que la religion n’est pas
importante pour la plupart des Européens, et est la valeur clé
pour les résidents des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, il
convient de noter que cette valeur reconnue de l’Islam est toutefois
partagée avec les Européens, comblant ainsi l’écart entre le croyant
et le laïc.
D’autres valeurs comme la curiosité, l’indépendance et l’obéissance
sont considérées comme mineures dans les deux groupes de pays. Il
est intéressant de noter qu’une minorité seulement des répondants
dans les deux groupes de pays porte du crédit aux deux valeurs
individualistes que sont la curiosité et l’indépendance et à leur quasi
opposé, l’obéissance, une valeur de conformité communautaire.
Cela contribue à dissiper l’idée que “ l’Occident ” a une haute estime
de l’individualisme, tandis que “ l’Orient ” lui préfère des valeurs de
conformité. En réalité, les répondants européens contrent cette
idée, en mettant en haut de leur liste de valeurs prioritaires la “
solidarité familiale ”, une valeur que l’on peut considérer comme la
modération de l’individualité extrême.
La différence dans les valeurs la plus marquée entre l’Europe et
les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée est l’importance
accordée à la foi. La majorité des habitants des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée considèrent la religion comme la valeur la
plus importante ou comme deuxième valeur la plus importante à
transmettre à leurs enfants, plus que toute autre valeur étudiée.
D’autres recherches Gallup montrent qu’une large majorité des
habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, y compris
la Turquie, disent que la religion occupe une place importante dans
leur vie quotidienne et citent les valeurs religieuses comme le plus
grand atout de leur société (Esposito et Mogahed, 2008).
À l’opposé, les Européens considèrent la religion comme la valeur la
moins importante à transmettre à leurs enfants parmi toutes celles
qui leur étaient proposées. Cette différence frappante représente
probablement le plus grand défi auquel ce groupe de pays est
confronté. Si un groupe juge la religion comme un élément central,
tandis que l’autre le considère comme sans importance ou même
nuisible, la relation comporte alors des risques de malentendus et
d’offenses mutuels.
Il faudra reconnaître pro-activement ce défi et tâcher d’y faire face
dès le début. Puisque les Européens sont attachés au respect des
cultures différentes, les dirigeants devraient utiliser cette valeur
comme un levier qui pourrait les aider à comprendre l’importance
que les habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
accordent à la religion, même si elle est très différente du point de
vue dominant en Europe.
Dans le même temps, les habitants des pays du Sud et de l’Est de
la Méditerranée doivent comprendre que, même si la religion n’est
pas une valeur en soi pour les Européens, ces derniers accordent
toutefois une grande valeur à quelques-uns des enseignements
centraux des religions, la solidarité familiale notamment. Un
éminent savant musulman égyptien du XIXe siècle en visite en
France a dit ces mots désormais célèbres : “ En Occident, j’ai trouvé
l’Islam et pas de musulmans. En Orient, j’ai trouvé des musulmans
et pas l’Islam ”, se référant à sa perception que l’Occident parvenait
mieux à mettre en œuvre les valeurs de l’Islam que sa société
d’origine (Noakes, 1991).
L’autre différence majeure est la valeur accordée au respect des
autres cultures. Cette valeur est importante pour les Européens
alors qu’elle l’est moins pour la plupart des habitants des pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée. Il convient de noter qu’il existe
une plus grande diversité culturelle dans les pays européens que
dans la plupart des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Bien que des Européens vivent dans les pays du Sud et de l’Est de
la Méditerranée, ils sont souvent mal intégrés, restent au sein de
communautés isolées d’expatriés, et sont rarement en interaction
avec la population locale. En revanche, la plupart des personnes qui
ont émigré dans les pays européens vivent dans des communautés
mixtes (Coexist Index, Gallup, 2009). Et s’il existe une grande diversité
dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, en particulier au
Liban, celle-ci est davantage de nature religieuse que culturelle.
En conclusion, les pays européens et les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ont un socle de valeurs communes sur lesquelles il est
possible de construire. Dans le même temps, il existe des différences
importantes entre les deux groupes, qui représentent à la fois des
défis et des opportunités pour la coopération naissante.
63
Des différences à l’égard de la valeur “religion ”
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VALEURS ET PERCEPTIONS MUTUELLES
DALIA MOGAHED est analyste et Directrice exécutive du
Centre Gallup d’Etudes musulmanes.
Albanie - Réseau de recherche sur la religion
Dans le but de développer un projet de recherche commune axée sur la compréhension des principes religieux, l’initiative «Femmes
et Religion» a réuni des représentants de femmes de trois groupes de croyance en Albanie : musulmans, catholiques et orthodoxes.
Organisé sur six mois par le Forum de l’Alliance des Civilisations, chef du Réseau Anna Lindh en Albanie, les participants ont attiré
l’attention sur l’importance des zones communes pour leurs communautés de foi, et ont identifié la «compréhension» et «la maîtrise
de soi» comme valeurs dominantes d’une femme croyante, malgré les différentes doctrines sur lesquelles la pratique est basée.
Les représentants ont également conclu qu’il existe un besoin particulier de reconnaître et d’encourager l’alphabétisation des
femmes croyantes et que leurs croyances peuvent jouer un rôle central dans la promotion du goût des autres cultures, des autres
religions, et favoriser l’harmonie entre elles. Un des principaux résultats de l’initiative a été la création et le renforcement d’un
réseau entre les femmes dédié à développer une plus large discussion sur le rôle de la foi dans la compréhension interculturelle.
www.afalc.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
La variable religieuse dans le système de valeurs
européen
6. Une progressive, mais croissante prise de conscience que les
tendances de la vie religieuse dans l’Europe moderne doivent être
considérées comme un «cas exceptionnel» – elles ne sont pas un
prototype mondial. Ce point apparaît de façon très évidente dans
les données recueillies par la Fondation. Les Européens pensent
clairement que la religion est une variable plus importante pour
l’éducation des enfants dans les pays riverains des rives Sud et Est
de la Méditerranée que pour l’éducation des enfants en Europe.
GRACE DAVIE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
64
Dans le but d’explorer et d’expliquer la réalité du système actuel de valeurs en Europe, Grace Davie dresse un
panorama de la façon dont la religion a été présente dans les sociétés européennes à travers l’histoire du siècle
dernier. L’un des sujets majeurs que soulève l’auteur est que, d’une part, la laïcité est assez importante dans la
majorité des pays du continent alors que, d’autre part, on assiste à une résurgence notable de la religion dans le
débat public, un facteur qui a un impact significatif sur la formation des perceptions dans la région.
Il existe deux façons de regarder la situation religieuse en Europe:
la première considère les caractéristiques qui sont communes à
l’ensemble du continent, la seconde s’attache aux spécificités
des différentes régions et des différents pays. Ces deux aspects
sont importants au vu des données recueillies par la Fondation
Anna Lindh, qui révèlent à la fois des points communs et des
différences. Nous commencerons cet article en décrivant une
série de facteurs qui doivent être pris en compte quand on
regarde l’Europe dans son ensemble, le principal point à retenir
étant qu’ils poussent et tirent dans des directions différentes. La
deuxième partie développera une série de variations en Europe
fondées sur (a) les différents blocs confessionnels (orthodoxes,
catholiques et protestants), (b) les contrastes entre l’Europe de
l’Ouest et les parties du continent qui ont été sous la domination
communiste de 1948 à 1989, et (c) un certain nombre de variables
démographiques.
Les six facteurs sont les suivants :
La conclusion de l’article souligne le paradoxe actuel : d’une
part, les niveaux relativement élevés de la laïcité dans la plupart
sinon la totalité des pays européens, d’autre part la résurgence
notable de la religion dans le débat public. L’explication des
raisons de ce paradoxe nécessite une réflexion approfondie, car
elles concernent en particulier la présence croissante de l’Islam
en Europe. Un point préliminaire est important. La manière dont
ces tendances se traduisent par des valeurs n’est pas simple. Ce
serait une erreur de simplement relever des valeurs à partir des
profils religieux. En effet, il est très clair, à la lecture des données
recueillies pour ce projet, que les relations entre ces variables sont
complexes, et dépendent, entre autres, des trajectoires à long
terme de chaque pays.
3. Un changement observable chez les pratiquants du continent, qui
opèrent de plus en plus sur un modèle de choix, plutôt que sur un
modèle d’obligation ou de devoir. En conséquence, l’appartenance
à des Eglises historiques change de nature; elle est de plus en plus
choisie plutôt qu’héritée, et plus encore dans certains endroits que
dans d’autres.
Clés pour la compréhension de la place de la religion en
Europe
Il y a six facteurs très différents qui – une fois combinés – contribuent
à une meilleure compréhension de la place de la religion dans
l’Europe moderne. Ces facteurs changent et s’adaptent au fil du
temps. Actuellement, ils interagissent de façon inédite, produisant
ainsi des formulations distinctes, dont certaines sont inattendues.
Le Rapport Anna Lindh 2010
1. Le rôle des Eglises historiques dans la construction culturelle
européenne. Il est très facile à illustrer, la tradition chrétienne
ayant eu un effet irréversible sur le temps (calendriers, saisons,
fêtes, vacances, semaines et week-ends) et sur l’espace (le système
paroissial et la domination des édifices chrétiens) dans cette partie
du monde.
2. Une prise de conscience que les Eglises historiques ont toujours
leur place à des moments particuliers de la vie des Européens
modernes, mais qu’elles ne sont plus en mesure de discipliner
les croyances et les comportements de la grande majorité de
la population. En dépit de leur relative laïcité, les Européens
retournent souvent dans leurs églises pour les cérémonies ou dans
des moments de douleur (qu’elle soit individuelle ou collective).
4. L’arrivée en Europe de groupes de personnes venues de différentes
parties du monde. Bien que les motivations soient à l’origine
principalement économiques, les implications pour la vie religieuse
du continent sont immenses. La présence croissante des chrétiens
du Sud et d’importantes communautés d’autres confessions a
modifié le profil religieux de l’Europe. Indépendamment de cela,
certaines de ces communautés ont – par leur simple présence –
remis en cause certains postulats européens profondément ancrés,
notamment l’idée que la religion devrait être considérée comme
une affaire privée. Dans ce contexte, l’affirmation forte de respect
des autres cultures que l’on retrouve dans cette enquête est tout à
fait bienvenue.
5. Plutôt différentes sont les réactions parfois violentes des élites
laïques de l’Europe à cette évolution, à savoir l’importance croissante
Différences régionales et variables démographiques
La première rupture importante dans le monde chrétien s’est
produite au XIe siècle, lorsque les tensions qui persistaient entre
les chrétiens d’Europe occidentale (catholiques) et orientale
(orthodoxes), n’ont plus été contenues. Les raisons de ces tensions
étaient à la fois doctrinales et ecclésiales. Cette division résonne
encore dans ce sens que l’Europe orthodoxe (Est) et l’Europe
catholique (Ouest) ont suivi des chemins distincts pendant la
majeure partie d’un millénaire. Ces différences ne sont pas faciles
à surmonter.
La deuxième rupture concerne seulement l’Europe occidentale et
s’est produite beaucoup plus tard, au moment de la Réforme. En
conséquence, l’Ouest de l’Europe se divisa (plus ou moins) en un
Sud catholique et un Nord protestant, avec, entre eux, une gamme
de «pays mixtes». Le point crucial est le suivant : des frontières
sont peu à peu apparues dans toute l’Europe, séparant une nation
d’une autre, une région d’une autre et une forme de christianisme
de l’autre. Les frontières impliquent une position dominante et des
différences. Des majorités et des minorités ont été, et sont encore,
créées en fonction de l’emplacement précis de la ligne de frontière
en question. Il est évident, par ailleurs, que les majorités et les
minorités se comportent différemment à l’égard de leurs systèmes
de valeurs : les premières ont fortement tendance à considérer
leur héritage religieux pour acquis, les dernières savent qu’elles
devront travailler dur pour le conserver. Ce contraste est largement
confirmé par les données qui m’ont été envoyées.
Un autre point est également important. D’une manière générale,
à la fois les pays catholiques et les pays orthodoxes maintiennent
des niveaux plus élevés de pratique religieuse que les parties
protestantes du continent, bien qu’il existe d’importantes exceptions
à cette règle. En terme d’activité religieuse, par exemple, la France
ressemble davantage à ses voisins protestants qu’à ses homologues
latins, quoique l’Espagne rattrape rapidement son retard. Fait
intéressant, la Suède (le pays le plus souvent cité comme le plus
laïque du monde, sans parler de l’Europe) attache plus d’importance
que les autres pays européens du panel aux croyances religieuses
dans l’éducation des enfants, mais pas au plan personnel. Cela est
particulièrement vrai chez les jeunes.
L’Europe a été divisée différemment après la Seconde Guerre
mondiale, chacune des parties victorieuses ayant revendiqué son
butin. Les Etats baltes, la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Hongrie,
la Tchécoslovaquie, l’Albanie, la Bulgarie, la Roumanie et (jusqu’en
1948) la Yougoslavie sont tombés sous contrôle soviétique. Les
conséquences sur la religion ont été considérables. L’idéologie
qui régnait dans le bloc soviétique était agressivement laïque.
Les manifestations publiques de religiosité étaient considérées
comme une menace pour le régime et ont été supprimées, plus
brutalement dans certains cas que dans d’autres. Ce qui s’est passé
précisément dans chacun des pays énumérés ci-dessus varie d’un
pays à l’autre; les effets de la politique soviétique sur la vitalité
religieuse ont également été différents. Un débat intéressant à cet
égard concerne l’importance relative des facteurs à long terme (la
longue durée) vis-à-vis du court terme, mais parfois dévastatrice de
l’expérience communiste.
Le genre est généralement considéré comme une variable cruciale
dans la cartographie des comportements religieux - en termes de
pratique, de croyance et de comportement. Il apparaît comme
dominant dans un large éventail de recherches empiriques (par
exemple celles menées sous les auspices de l’Etude des Valeurs
Européennes). Fait intéressant, dans les données recueillies par la
Fondation Anna Lindh, ces différences ne se traduisent pas par la
reconnaissance de la croyance religieuse comme quelque chose
d’important pour l’individu ou pour l’éducation des enfants. Il n’est
pas non plus possible de trouver un lien cohérent entre l’importance
des croyances religieuses et ceux qui travaillent à domicile ou dans
d’autres catégories socio-professionnelles.
L’âge est un autre facteur à prendre en compte, qu’il soit considéré
comme une variable du cycle de vie ou comme une variable de
groupe. La plupart des données présentées ici affirment que
les jeunes/les plus jeunes générations sont moins attachés aux
Maroc - Débats sur la religion et le pouvoir
Sous le titre d’«Ibn Rochd», en référence au philosophe arabe à l’influence considérable en Occident, une série de rencontres et
de débats ont été organisés sur l’interrelation entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. Intellectuels, universitaires, artistes,
étudiants et grand public étaient invités à réfléchir sur différentes questions clés sur le sujet, notamment : comment ces deux sphères
en arrivent à être irrémédiablement enchevêtrées dans l’espace public ? Peut-on se moderniser sans se séculariser ? Comment gérer
les fondamentalismes ? Pendant ces Rencontres, des textes littéraires et philosophiques ont également été lus au public et, le soir, des
films ou des pièces de théâtre apportant un autre éclairage sur le thème étaient présentés. Des «jeunes penseurs», sélectionnés parmi
les élèves de dix lycées qui avaient participé à un concours sur le thème «Raison et Liberté» assistaient aussi à ces rencontres, et l’objectif
est de répéter cet événement tous les deux ans, en partenariat avec l’Association de recherche en communication interculturelle
(ARCI), la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, l’Institut Français de Rabat, l’Institut des hautes études en Management.
www.espaceculture.net
Le Rapport Anna Lindh 2010
65
de la religion dans la vie publique et dans la sphère privée. Ces élites
ne s’attendaient pas à un changement de cette nature.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VALEURS ET PERCEPTIONS MUTUELLES
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Gardant tous ces points à l’esprit, c’est l’imprévisibilité de la
situation actuelle qui est la plus frappante. Dans une grande partie
de l’Europe occidentale, deux choses se produisent à la fois. D’une
part on trouve des niveaux plus élevés de laïcité que dans d’autres
parties du monde – une situation qui conduit inévitablement à
une baisse de la connaissance religieuse, ainsi que de la croyance
religieuse. Dès lors, il n’est plus possible de partir du principe qu’il
existe un certain degré d’éducation religieuse de base à travers
le continent, les jeunes générations en particulier opposant une
résistance à la foi de leurs parents et grands-parents. Précisément
au même moment, la religion est entrée à nouveau dans l’espace
public – suscitant des débats considérables, tant sur le continent
dans son ensemble que dans les nations qui le constituent. Et en
dépit du respect des autres cultures témoigné dans cette enquête,
la discussion qui en résulte est, trop souvent, à la fois mal informée
et mal élevée.
Tout aussi importante est cependant la prise de conscience
croissante chez les Européens que leur propre situation n’est peutêtre pas caractéristique du monde dans son ensemble. Ce point se
reflète clairement dans cette enquête. En termes de perceptions, les
personnes interrogées en Europe ont convenu que les convictions
religieuses sont plus importantes pour les habitants des pays de
l’Est et du Sud de la Méditerranée que pour elles-mêmes. En bref, les
Européens commencent à comprendre que l’Europe est laïque non
pas parce qu’elle est moderne, mais parce qu’elle est européenne.
Il est également vrai que certains Européens se réjouissent à cette
idée, et que d’autres sont déconcertés.
Pourquoi cela ? Il est difficile d’éviter la conclusion que le débat
public sur la religion en Europe est disproportionnellement lié à la
présence des musulmans dans la plupart des sociétés européennes.
Les statistiques concernant ce phénomène sont difficiles à établir,
mais la plupart des commentateurs s’accordent à dire qu’à l’heure
actuelle environ 5% de la population européenne est musulmane
– et rappellent que ce chiffre varie considérablement d’un pays à
l’autre. Ce n’est pas un pourcentage élevé, mais les communautés
musulmanes en Europe sont relativement visibles à la fois par leur
provenance et par leur mode de vie, qui comprend la pratique à la
fois publique et privée de leur religion.
La nécessité d’un respect mutuel est évidente : d’un côté les
populations européennes doivent apprendre à accueillir les
minorités qui font des demandes nouvelles et différentes à leurs
sociétés hôtes; de l’autre, les musulmans doivent trouver des
PREDRAG MATVEJEVIC
Ce titre est dû à une invocation du «Cimetière marin» de Valéry : «Mer, toujours recommencée». La
suite renvoie à Fernand Braudel : «Qu’est-ce que la Méditerranée? Mille choses à la fois. Non pas un
paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une
civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres. [...] La Méditerranée est un très vieux
carrefour. Depuis des millénaires tout a conflué vers elle, brouillant, enrichissant son histoire. «Tant
de choses ont été dites et redites sur Mare nostrum et malgré tout, heureusement, il reste toujours
quelque chose à ajouter sur son unité ou sa division, ses transparences ou ses ténèbres. Nous savons
depuis longtemps qu’elle n’est ni «réalité en soin» ni une «constante». L’ensemble méditerranéen est
composé de plusieurs sous-ensembles qui défient ou réfutent nombre d’idées reçues.
Percevoir la Méditerranée à partir de son seul passé reste une habitude tenace, tant sur le littoral
que dans l’arrière-pays. Elle finit parfois par devenir néfaste. Notre mer, et nous avec elle, souhaitons
avoir aussi un nouveau présent. Il serait utile d’apprendre à nous débarrasser de certains répertoires
invétérés. La tendance à confondre la représentation de la réalité avec cette réalité nuit souvent au
discours sur cette mer, à sa poétisation : l’image de la Méditerranée et la Méditerranée elle-même
n’arrivent pas toujours à s’accorder. Une «identité de l’être», très forte dans notre «bassin “ et sa manière
de vivre, ne trouve pas toujours une «identité du faire» correspondante – cette dernière reste sans
emploi ni projet. La rétrospective finit ainsi par l’emporter sur la prospective.
La Méditerranée a affronté la modernité avec du retard. Elle n’a pas connu la laïcité sur toutes ses rives.
Chacune de ses côtes connaît ses propres contradictions qui ne cessent de se refléter sur le reste du
bassin ou sur d’autres espaces, parfois lointains. La réalisation d’une «convivance» (ce terme d’ancien
français me semble en l’occurrence plus approprié que celui de convivialité) au sein des territoires
multiethniques ou plurinationaux, là où se croisent et s’entremêlent des cultures variées et des religions
diverses, subit sous nos yeux tant d’épreuves : la Méditerranée mérite un meilleur destin.
Peut-on d’ailleurs considérer cette mer comme un ensemble sans tenir compte en même temps des
fractures qui la divisent, des conflits qui la déchirent : Palestine, Liban, Chypre, Maghreb, Balkans,
ex-Yougoslavie, etc. ? «La Méditerranée existe-t-elle autrement que dans notre imaginaire ?» – se
demande-t-on au Sud comme au Nord, au Ponant et au Levant. Et pourtant il existe des manières de
vivre communes ou proches, en dépit des scissions et des conflits.
GRACE DAVIE est Professeur de sociologie dans le
Département de sociologie de l’Université d’Exeter.
République tchèque - Conférence sur la perception de l’islam
Organisée à l’Université de Brno, la conférence «L’Islam en République tchèque» visait à promouvoir les liens entre les étudiants locaux
et soixante-dix groupes religieux du pays. L’événement, une première en son genre, était organisé conjointement avec les différentes
associations des communautés islamiques du pays, et associait aux séances d’ouverture des experts venus présenter un aperçu des
perceptions nationales envers l’Islam. Le débat a également puisé dans les expériences des musulmans tchèques qui ont grandi dans des
familles mixtes, ainsi que chez les musulmans tchèques nouvellement convertis, et les discussions ont également porté sur les perspectives
partagées de développement de l’Islam dans le pays. Parmi les points soulevés au cours de de la conférence, on peut notamment retenir
la nécessité de lutter contre les stéréotypes réputés être «renforcés dans les médias nationaux» et le rôle des communautés islamiques
dans l’élaboration d’une stratégie globale pour le dialogue interculturel. Afin de renforcer la portée et l’impact de l’initiative, la société
arabo-tchèque a diffusé ses conclusions aux bibliothèques, aux universités et au grand public, et a appuyé des projets d’évaluation.
www.iir.cz
Le Rapport Anna Lindh 2010
La méditerranée, toujours recommencée
Bien des définitions qui font partie de notre patrimoine sont sujettes à caution. Il n’existe pas qu’une
seule culture méditerranéenne : il y en a plusieurs au sein d’une Méditerranée unique. Elles sont
caractérisées par des traits à la fois semblables et différents, rarement unis et jamais identiques. Leurs
similitudes sont dues à la proximité d’une mer commune et à la rencontre, sur ses rives, de nations et
de formes d’expression voisines. Leurs différences sont marquées par des faits d’origine et d’histoire, de
croyances et de coutumes, parfois irréconciliables. Ni les similitudes ni les différences n’y sont absolues
ou constantes. Ce sont tantôt les premières, tantôt les dernières qui l’emportent.
«Elaborer une culture interméditerranéenne alternative» : la mise en œuvre d’un tel projet ne semble
pas imminente. «Partager une vision différenciée» : c’est plus modeste, sans être toujours facile à
réaliser.
PREDRAG MATVEJEVIC est Professeur au Département de littérature et de langues slaves à l’Université
la Sapienza de Rome. Il est aussi l’auteur de nombreux livres.
Le Rapport Anna Lindh 2010
67
66
La religion fait une nouvelle entrée dans l’espace public
moyens de vivre dans une diaspora. Ce n’est facile pour aucun des
deux. Beaucoup d’Européens, par exemple, ont du mal à accepter
que les débats sur les minorités doivent être engagés sur les
différences ethniques et religieuses. Les musulmans, à l’inverse,
ont besoin d’établir précisément ce que signifie être musulman
en Europe – la religion, en d’autres termes, doit être séparée de
la culture. Quoi qu’il en soit, l’Europe doit être replacée dans son
contexte global. De nouvelles formes arrivent de l’extérieur – cela
est clair.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
croyances religieuses que leurs aînés, mais il existe quelques
exceptions intéressantes, en particulier en ce qui concerne
l’importance des croyances religieuses dans l’éducation des enfants
(voir la référence à la Suède, ci-dessus). Les niveaux d’éducation
peuvent également avoir un effet sur les attitudes à l’égard des
croyances religieuses, mais les modèles ne sont pas uniformes dans
tous les pays. La même chose est vraie en ce qui concerne le lieu de
résidence..
VALEURS ET PERCEPTIONS MUTUELLES
DISTRIBUTION RELATIVE DE SIX VALEURS
DANS L’ÉDUCATION DES ENFANTS
C
O
CR
I
GRAPHIQUE 5.2
SF
GRAPHIQUE 5.3
Écart entre l’Europe et les pays du
sud et de l’est de la mÉditerranÉe
RAC
Les valeurs liées à l’éducation des enfants dans
les pays du Sud et l’Est de la Méditerranée
MAGUED OSMAN
Valeurs dans l’éducation des enfants GRAPHIQUE 5.1
dans le Sud et l’Est de la Méditerranée
Selon les données recueillies dans les cinq pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée, les parents mettent davantage l’accent, dans
l’éducation de leurs enfants, sur les croyances religieuses (tableau
1). Cela est plus évident en Egypte et au Maroc où 51% et 46%
des répondants ont déclaré que la croyance religieuse est, à titre
personnel, la valeur la plus importante à mettre en valeur dans
l’éducation de leurs enfants. Même si les croyances religieuses
représentent également la valeur la plus importante dans les trois
autres pays, le pourcentage est moindre au Liban (40%), en Turquie
(40%) et en Syrie (32%). En deuxième position des valeurs les plus
importantes ont été citées l’obéissance en Egypte, au Maroc et en
Syrie, et la solidarité familiale au Liban et en Turquie. La troisième
position est occupée en Egypte, au Liban, au Maroc et en Syrie
par la curiosité et en Turquie par le respect d’autres cultures.
Comme l’illustre le tableau 1, les trois valeurs considérées comme
les moins importantes ont recueilli seulement 7 % en Egypte,
15% en Turquie, 19% au Maroc, 22% en Syrie et 28% au Liban
(pourcentages cumulés des valeurs «respect des autres cultures»,
«indépendance» et «solidarité familiale»), ce qui suggère un niveau
différent dans l’homogénéité de la carte des valeurs de chacune
des sociétés du Sud et de l’Est de la Méditerranée. En combinant
les réponses sur la valeur la plus importante et la deuxième plus
importante dans l’éducation des enfants, on constate qu’une
proportion significative supplémentaire dans les cinq pays a
identifié les croyances religieuses comme la deuxième valeur la
plus importante. La proportion la plus élevée apparaît en Egypte
(73%), suivie par la Turquie (67%), le Maroc (65%), le Liban (62%)
CR: Croyances Religieuses, O: Obéissance, C: Curiosité, SF: Solidarité Familiale, I:
Indépendance, et RAC: Respect des Autres Cultures. % de répondants décrivant
la valeur comme la plus importante pour eux à titre personnel.
Base: % de l’ensemble des répondants. Tableau conçu par M. Osman sur la base
de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Egypte
Syrie
Maroc
Liban
Turquie
CR (51)
CR (32)
CR (46)
CR (40)
CR (40)
O (26)
O (30)
O (21)
SF (21)
SF (35)
C (16)
C (17)
C (14)
C (12)
RAC (10)
SF (3)
SF (10)
I (8)
I (11)
I (9)
I (3)
I (8)
SF (8)
O (11)
O (3)
RAC (1)
RAC (4)
RAC (3)
RAC (6)
C (3)
et la Syrie (53%). L’obéissance et la solidarité familiale viennent à la
deuxième et à la troisième place dans les sociétés du Sud et de l’Est
de la Méditerranée, l’obéissance étant davantage mise en avant en
Egypte (57%) et au Maroc (de 41%) alors que la solidarité familiale
est comparativement plus importante en Turquie (64%), en Syrie
(49%) et au Liban (34%). Les trois autres valeurs, à savoir la curiosité,
l’indépendance et le respect des autres cultures, sont considérées
comme moins importantes dans l’éducation des enfants. Le respect
d’autres cultures vient en dernier dans la liste des valeurs les plus
importantes dans l’éducation des enfants en Egypte, au Liban, au
Maroc et en Syrie tandis que la curiosité arrive dernière en Turquie
(graphique 2).
Le modèle de disparité en fonction des variables démographiques
(âge, sexe, lieu de résidence, niveau d’éducation et catégorie socioprofessionnelle) diffère selon les pays. Les croyances religieuses
sont considérées comme la valeur la plus importante sur laquelle
les parents insistent dans tous les groupes sociaux en Egypte, au
Liban et au Maroc. En Syrie, l’obéissance apparaît comme la valeur
la plus importante chez les hommes, les répondants les plus âgés
Egypte
Liban
Maroc
Syrie
Turquie
CR
O
SF
RAC
C
I
C: Curiosité, O: Obéissance, CR: Croyances Religieuses, I: Indépendance, SF:
Solidarité Familiale et RAC: Respect des Autres Cultures.
Base: % de l’ensemble des répondants. Tableau conçu par M. Osman sur la base
de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
CR: Croyances Religieuses, O: Obéissance, SF: Solidarité Familiale, RAC: Respect
des Autres Cultures, C: Curiosité et I: Indépendance. Ecart de valeurs concernant
l’éducation des enfants entre les parents européens et la parents des pays du Sud
et de l’Est de la Méditerranée.
Base: % de l’ensemble des répondants. Tableau conçu par M. Osman sur la base
de l’enquête Anna Lindh/Gallup 2010.
qui travaillent comme employés et les habitants de banlieues de
grandes villes. En Turquie, les répondants les plus instruits et les
étudiants ont mis davantage l’accent sur la solidarité familiale.
Lorsque les sondés des cinq pays ont été interrogés sur les valeurs
importantes pour les parents qui élèvent des enfants dans les
sociétés du Sud et de l’Est de la Méditerranée, ils ont unanimement
positionné les croyances religieuses en tête. L’obéissance suit les
croyances religieuses en Egypte, au Liban, au Maroc et en Syrie.
En Turquie, la deuxième valeur la plus répandue est la solidarité
familiale. Une comparaison entre les résultats de la valeur
considérée comme la plus importante pour le répondant lui-même
et celle qu’il croit être la plus importante dans les sociétés du Sud
et de l’Est de la Méditerranée indique que la valeur primordiale est
la croyance religieuse dans les deux cas. Toutefois, l’importance de
cette valeur à titre personnel est significativement plus faible pour
les répondants de Turquie (40% contre 50%), de Syrie (32% contre
38%) et du Liban (40% contre 45 %). Une tendance inverse a été
constatée en Egypte. Le pourcentage des Egyptiens qui ont déclaré
que les croyances religieuses étaient la valeur la plus importante
dans l’éducation de leurs propres enfants était plus élevé que le
pourcentage de ceux qui ont affirmé qu’elles représentaient la
valeur la plus importante dans les sociétés du Sud et de l’Est de
la Méditerranée (51% contre 38%). Cette différence, inexistante
au Maroc, suggère que les Egyptiens se perçoivent comme plus
attachés aux croyances religieuses dans l’éducation de leurs enfants
que les membres d’autres sociétés voisines. Cet état d’esprit est
inverse au Liban, en Syrie et en Turquie. Lorsqu’on les a interrogés
sur la valeur que les parents européens considèrent comme la
plus importante dans l’éducation de leurs enfants, la plus grande
partie des répondants du Liban, du Maroc et de Syrie ont identifié
l’indépendance (57%, 37% et 35% respectivement). Un quart de
plus des répondants des trois pays ont cité la curiosité comme la
Suède - Publication pour l’apprentissage de la langue arabe
Basée sur une collecte de matériaux de cours, la publication «Elifboken» encourage les jeunes non-arabophones à apprendre la langue
arabe. Le livre est une initiative de l’ONG suédoise Mekteb qui vise à aider la deuxième génération d’immigrés à développer leur
propre identité suédoise musulmane à travers l’organisation de cours de langue arabe et de lecture du Coran avec des groupes mixtes
d’étudiants suédois et internationaux. En utilisant différents exercices didactiques, ils enseignent aux jeunes dans leurs collectivités
des règles de grammaire générale et, grâce à la publication Elifboken, les étudiants accroissent également leur compréhension des
autres langues ce qui peut être un avantage pour leur parcours professionnel. En outre, le module de formation lié à l’écriture arabe est
destiné à élargir les perspectives des participants sur le monde extérieur et sur d’autres cultures, et à développer leur capacité globale
de communication. L’initiative ayant été développée dans le cadre de l’initiative «Restaurer la confiance, Reconstruire des ponts», les
organisateurs ont étudié la possibilité que l’approche méthodologique de l’ouvrage puisse être mise en œuvre au niveau européen.
www.swedishmekteb.se
Le Rapport Anna Lindh 2010
69
Le présent article analyse une série de questions liées à la perception
d’un échantillon de personnes interrogées provenant de cinq pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée, à savoir l’Egypte, le Liban, le
Maroc, la Syrie et la Turquie. Les questions sont liées aux valeurs sur
lesquelles les parents insistent dans l’éducation de leurs enfants. Six
valeurs (curiosité, obéissance, croyances religieuses, indépendance,
respect des autres cultures et solidarité familiale) sont énumérées
et les sondés ont été invités à identifier la plus importante et la
deuxième plus importante pour eux personnellement, pour les
sociétés des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée et pour les
sociétés européennes.
1ère 2ème 1ère 2ème 1ère 2ème 1ère 2ème 1ère 2ème
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
68
L’enquête Anna Lindh/Gallup pointe les différences de perceptions entre les populations des deux rives de la
Méditerranée au sujet des valeurs fondamentales dans l’éducation des enfants. Magued Osman analyse de plus
près le rapport des sociétés du Sud et de l’Est de la Méditerranée à cette question, en particulier s’agissant des
croyances religieuses, de la solidarité familiale et de l’obéissance. Dans cette perspective, il cherche à comprendre
s’il existe une vérité absolue sur ce qui est bon ou mal, ou si les choses sont relatives, en fonction des circonstances.
Une autre question a été posée sur l’opinion des répondants
concernant l’existence d’une vérité absolue sur ce qui est bon
ou mauvais ou si les choses sont relatives et dépendent des
circonstances. Une grande majorité de Marocains (90%) dit que
la vérité est absolue. On assiste à la même tendance en Egypte,
où 74% des interrogés sont d’accord pour dire que la vérité est
absolue. Un pourcentage plus faible d’absolutisme a été observé
en Syrie (65%) et au Liban (62%). Les opinions des répondants
turcs envers une vérité absolue sont très différentes. Une majorité
des Turcs interrogés (71%) croient que la vérité est relative et que
décider de ce qui est bon ou mauvais dépend des circonstances.
La conviction d’une vérité absolue diffère selon les caractéristiques
démographiques, notamment l’âge et le lieu de résidence. Le
pourcentage des répondants qui déclarent que la vérité est absolue
augmente avec l’âge. En Syrie, le pourcentage était, chez les plus
La valeur de l’absolutisme peut être un facteur déterminant pour
les valeurs adoptées pour élever des enfants. Une association
négative est suggérée entre la croyance en une vérité absolue et la
valeur «respect des autres cultures». Considérer la croyance en une
vérité absolue comme une variable dans l’explication du respect
des autres cultures peut avoir une implication dans la politique de
modification des attitudes à travers l’éducation et les programmes
médiatiques.
MICHELE CAPASSO
Dans le dialogue entre les cultures, la relation entre Islam et Occident est fondamentale.
L’Islam est un dénominateur commun par lequel on entend représenter tout le monde
musulman malgré sa diversité : un concept générique, dans lequel l’imaginaire historique
occidental fait converger plusieurs inconscients sous-entendus. Ce terme indique une
«société dans laquelle l’Etat est l’autorité et où la vie civile est réglée par les normes
religieuses dictées par le Coran».
Mais la Modernité aussi est un dénominateur commun, indiquant une «société fondée sur
le droit humain et non pas sur le droit divin, sur l’égalité juridique et sur l’égalité d’accès
aux positions de représentation politique». Tout comme l’Islam est la représentation
statique d’une réalité différenciée et dynamique, de même la Modernité est l’abstraction
statique de réalités diversifiées et en devenir. Voilà pourquoi la Modernité ne s’identifie
pas avec l’Occident et avec l’Europe d’aujourd’hui. C’est un projet de société qui est né en
Europe à l’époque des Lumières et s’est développé pendant la période du Positivisme, et
ses principes basilaires sont indispensables pour la complexité de la vie moderne, qui a
apporté partout des changements aux structures qui étaient appropriées aux manières
de vivre du passé.
Si le monde de l’Islam doit faire face aux problèmes découlant de l’absence de Modernité
– entendue comme affirmation du droit individuel et de la démocratie – l’Occident souffre
d’un excès de modernité. Vitesse, rationalité, délocalisation de la production, absence de
solidarité, anomie des contextes collectifs, manque d’un «sens de vie» chez les jeunes :
voilà les nouveaux problèmes d’une société qui se définit comme post-moderne.
MAGUED OSMAN est Président du Centre d’information et
d’aide à la décision du Cabinet des ministres égyptiens.
Espagne - Publication trimestrielle sur les cultures
méditerranéennes
Dans le but de contribuer à la recherche et aux études sur la Méditerranée, «Quaderns de la Mediterrània» est une publication dont
le but est de donner un aperçu des questions contemporaines dans toute la région. Publiée sur une base trimestrielle par l’Institut
de la Méditerranée (IEMed), basé à Barcelone, la revue aborde les sujets d’actualité des deux rives de la Méditerranée tels que les
perceptions mutuelles, les médias, les migrations, les valeurs en mouvement et les fonctionnements sociologique, économique et
politique des peuples. Chaque numéro de «Quaderns» contient un dossier central qui aborde un sujet clé, ainsi qu’une série d’articles
sur l’actualité, un recueil de documentations sur les aspects culturels, anthropologiques et sociologiques, une sélection de ressources
Internet et une section de critique littéraire. De cette façon, la publication, qui a fonctionné avec succès depuis son lancement en
2000, contribue au débat et à la discussion sur les questions de dialogue interculturel et sur l’avenir des sociétés méditerranéennes.
www.iemed.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
Islam, Occident et Modernité
Le problème «Islam et Modernité» n’est donc pas l’opposition de deux antagonismes mais
un problème à trois termes : l’Islam, l’Occident et la Modernité. Deux réalités historiques
et une aire critique commune; une situation problématique où chacun voit l’expression
de son propre défaut dans l’œil de l’autre; un univers partagé où les logiques du grand
capital mondial rendent l’Occident européen et la Méditerranée périphériques par
rapport aux lieux de gouvernement. Si cette question est posée en deux termes, elle mène
à une politique d’opposition, mais si les termes sont trois, elle demande une politique de
solidarité pour avancer ensemble dans une évolution parallèle et d’un commun accord
vers un but partagé, même si le point de départ est différent, comme sont différentes les
distances jusqu’au but et les objectifs.
La Méditerranée, l’Europe et les pays de culture arabo-musulmane ont un intérêt vital à
suivre un chemin autre que celui suivi jusqu’à présent. Il ne faut pas oublier que la civilisation
européenne a une grande dette à l’égard de l’Islam, car l’Europe occidentale doit, en large
partie, son réveil à la civilisation islamique. Le moment est arrivé de payer cette dette, mais
souvent la Modernité n’est pas offerte à l’Islam dans des formes promouvant son égalité,
mais plutôt à travers des structures visant à exprimer sa soumission.
Le défi qui nous attend est de construire une «coalition de valeurs et d’intérêts partagés»
en évitant que la modernité homologue et aplatisse les différentes identités culturelles :
une grande ressource pour l’Islam et pour l’Occident.
MICHELE CAPASSO est Président de la Fondazione Mediterraneo.
Le Rapport Anna Lindh 2010
71
L’écart entre la carte des valeurs des sociétés européennes et
des sociétés du Sud et de l’Est de la Méditerranée est évident en
ce qui concerne l’éducation des enfants. Cet écart est calculé,
pour chacune des six valeurs, par la différence entre la part des
répondants qui déclarent que cette valeur est la plus importante
dans les sociétés des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
et la part des répondants qui considèrent cette valeur comme
la plus importante dans les sociétés européennes. On trouve les
écarts les plus nets pour les valeurs «croyances religieuses» et
«indépendance», les croyances religieuses étant perçues comme
moins fondamentales en Europe, à l’opposé de l’indépendance.
Pour comparer l’ampleur de l’écart culturel dans chaque pays,
la somme des différences absolues a été calculée. Les résultats
montrent un écart plus significatif au Liban (149) suivi par le Maroc
(106), la Syrie (97), l’Egypte (72) et la Turquie (61). Les résultats des
données recueillies dans les sociétés européennes indiquent que
les parents vivant en Europe ont une préférence pour des valeurs
comme la solidarité familiale et le respect des autres cultures
dans l’éducation de leurs enfants. L’avis des personnes interrogées
dans les cinq pays ne reflète pas une carte similaire des valeurs
des sociétés européennes. Cette discordance illustre l’écart de
perception entre les pays européens et les pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée (graphique 3).
jeunes (15 à 29 ans), de 58,9%, mais de 83% chez les plus âgés
(65ans et plus). Les répondants retraités au Liban et en Turquie sont
les plus enclins à affirmer que la vérité est absolue. Les habitants
des zones rurales au Liban et en Syrie ainsi que les résidents des
banlieues des grandes villes au Maroc et en Turquie sont en faveur
de la vérité absolue. En Egypte, l’écart se situe entre les habitants
des petites ou moyennes villes et les habitants des grandes villes,
où 57% contre 79% des personnes interrogées considèrent la
vérité comme absolue. Les étudiants du Liban, de Syrie et de
Turquie sont moins conservateurs que la population générale
avec un pourcentage moindre de réponses déclarant la vérité
comme absolue. Le pourcentage est près de six points inférieur au
pourcentage relatif à la société dans son ensemble (56,5% au Liban,
58,2% en Syrie et 22,9% en Turquie). Une autre preuve de l’impact
de l’éducation est illustrée par le pourcentage significativement
plus élevé de répondants turcs n’ayant reçu aucune instruction qui
disent que la vérité est absolue.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
70
valeur la plus importante. En Turquie, la plus forte proportion des
personnes interrogées a identifié l’indépendance (38%), suivie par
les croyances religieuses (21%) tandis qu’en Égypte la curiosité était
la plus mentionnée (40%), suivie par l’indépendance (23%).
THIERRY FABRE
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
72
Pour Thierry Fabre, la dimension culturelle des relations euro-méditerranéennes a été singulièrement marginalisée,
et on ne lui a pas accordé la place qu’elle mérite. Il reste nécessaire de reconnaître les héritages communs à partir
desquels la région s’est construite et de promouvoir et défendre la culture dans la vie quotidienne, à travers la
gastronomie, le design ou l’architecture. L’auteur encourage la circulation des œuvres et des artistes pour favoriser
l’interconnaissance entre les peuples et les sociétés.
Comme le soulignait si justement Camus dans ses Carnets : «Poser
la question du monde absurde, c’est demander : “ Allons-nous
accepter le désespoir, sans rien faire ? ” Je suppose que personne
d’honnête ne peut répondre oui.» Nous en sommes toujours là
aujourd’hui. Un élan reste possible et nous pouvons inventer un
avenir commun entre Méditerranée et Europe. Au vu des résultats
produits par l’enquête Gallup auprès des sociétés européennes
et méditerranéennes sur leurs représentations mutuelles, il serait
absurde et vraiment pas «honnête», comme le soulignait Camus,
de désespérer. Il reste un avenir à inventer et à construire dans
les relations entre Méditerranée et Europe, et singulièrement au
plan des relations culturelles, là où peut être institué un monde
de significations communes. Il s’agit justement de leur donner
forme, de leur donner sens et consistance. Là est la véritable raison
d’être de la Fondation Anna Lindh : placer la culture au cœur des
relations entre Méditerranée et Europe. Nous en sommes toutefois
encore bien loin aujourd’hui, quinze ans après le lancement du
processus de Barcelone et deux ans après le sommet de Paris qui
a fait naître l’Union pour la Méditerranée. La dimension culturelle
a été jusqu’alors réellement marginalisée dans les relations euroméditerranéennes.
La Fondation Anna Lindh peut être et veut être un acteur qui
compte sur la scène des relations culturelles internationales.
C’est en essayant d’imaginer ce qu’elle sera qu’elle pourra devenir
pleinement ce qu’elle est, ou doit être ! A partir de quels terrains,
selon quelles priorités et au nom de quel projet ? Comment peutelle contribuer à mettre la culture au coeur des relations entre
Méditerranée et Europe ?
Il existe trois strates, au moins, qui peuvent être distinguées dans le
champ culturel : les mémoires, les manières de faire et les œuvres
(ou produits de la création intellectuelle et artistique). Ces trois
strates ne sont pas isolées, elles sont poreuses, en interactions
permanentes les unes avec les autres, mais elles peuvent néanmoins
être distinguées pour tenter d’imaginer un horizon, esquisser une
stratégie à l’échelle des relations culturelles entre Méditerranée et
Europe et ainsi tenter de définir un projet d’avenir dont la Fondation
Anna Lindh pourrait être le moteur..
Le Rapport Anna Lindh 2010
Vers une politique de la reconnaissance
«En Méditerranée, on n’oublie rien...» Cet adage pourrait servir de
boussole pour imaginer l’avenir. Il ne s’agit pas, ici, de recenser la
multiplicité des conflits de mémoires qui travaillent le monde
méditerranéen, la liste serait trop longue et l’exercice vain. L’idée est
d’esquisser plutôt deux grandes orientations stratégiques autour
desquelles bâtir une politique de la reconnaissance. Longtemps le
monde méditerranéen a été profondément divisé par des discours
qui opposaient les grands héritages culturels : gréco-latin contre
judéo-arabe, Athènes et Rome contre Jérusalem et Cordoue. Ce vieil
antagonisme se perpétue et il continue à légitimer des oppositions
frontales. Au nom de ces discours exclusifs il n’existerait pas de
monde commun en Méditerranée. Il y a «Eux» et «Nous» et rien
entre... Les sources grecques et latines, juives et arabes ne seraient
pas susceptibles de s’entremêler, comme pourtant cela n’a pas
cessé de s’accomplir à travers l’histoire. Une reconnaissance de ces
généalogies plurielles, de ces liens tissés entre ces grands héritages
du passé est une base indispensable pour construire l’avenir.
Loin des dénis qui sont volontiers pratiqués pour séparer et opposer,
véritables ruptures dans la transmission, il s’agit d’encourager des
initiatives et des projets fondés sur cette reconnaissance. C’est un
premier travail de mémoire indispensable, un fondement à partir
duquel il est possible d’assembler les fragments qui composent
la diversité du monde méditerranéen. De la reconnaissance des
généalogies et des filiations entre les grands héritages culturels
dépend la sortie du face à face entre «Eux» et «Nous». Il s’agit de
se donner les moyens d’associer les grandes capitales symboliques,
Athènes et Rome, Jérusalem et Cordoue, qui fondent les relations
entre les ensembles méditerranéen et européen.
La deuxième grande priorité est de ne plus se détourner des
«nœuds de mémoire», là où le passé ne passe pas, mais au contraire
de s’y pencher avec la plus grande attention. Le déni des mémoires
blessées fomente les conflits à venir. «On ne se débarrasse pas
des morts, on n’en a jamais fini avec eux» observait le philosophe
Paul Ricœur qui opposait fort justement au «devoir de mémoire»
un «devoir d’histoire». Il existe en effet un immense besoin de
Vers un style de vie méditerranéen
Le terrain de la culture au quotidien, des manières de faire, des
lieux et des formes à partir desquels se dessinent un style de vie
méditerranéen du XXIe siècle, est sans doute un autre champ
d’intervention prioritaire, notamment pour la Fondation Anna
Lindh. Ce terrain culturel est d’autant plus significatif qu’il est
susceptible de toucher en profondeur de très larges couches
de populations et donc de ne pas simplement s’adresser aux
élites. Il existe une alternative à l’american way of life, dont la
planète ne pourra d’ailleurs pas supporter bien longtemps les
conséquences.
Au lieu d’être sur la défensive, dans une logique perpétuelle de
rattrapage et comme pris en défaut par la modernité occidentale,
le monde méditerranéen devrait bien tranquillement défendre
ses valeurs et son style de vie. Le terrain alimentaire en est un
excellent exemple. Le «régime méditerranéen» a fait ses preuves,
jusqu’aux Etats-Unis d’ailleurs, sur la santé publique. Alors que
dans les sociétés occidentales les phénomènes d’obésité ne
cessent de progresser, notamment parmi les jeunes générations,
il est possible de trouver un tout autre équilibre alimentaire. Le
fast food, désastreux pour les corps et pour le mode de vivre
ensemble, pourrait très bien être supplanté par le slow food. Ce
mouvement, lancé en Italie par Carlo Petrini, donne une idée de
ce qui pourrait être entrepris à l’échelle de la Méditerranée et de
l’Europe, du Nord comme du Sud. Prendre toute la dimension
culturelle de ces questions alimentaires, et donc de mode de
vie, serait un champ d’action original et porteur d’avenir pour
la Fondation Anna Lindh . Cela permettrait, en fin de compte,
de renouer avec une grande tradition philosophique, venue
du monde méditerranéen, la philosophie comme savoir vivre,
comme inspiratrice d’une manière de vivre. Il y a tant à faire
à ce sujet dans les relations entre sociétés d’Europe et de
Méditerranée. L’accélération est sans doute le phénomène qui
caractérise le mieux la modernité occidentale «Nous n’avons pas
le temps, alors même que nous en gagnons toujours plus.» (Rosa,
2010) Un savoir vivre méditerranéen du XXIe siècle pourrait être,
dans les gestes du quotidien, une façon de reprendre en main
notre rapport au temps.
«La condition urbaine», soit l’art d’habiter des lieux et de
ne pas simplement se laisser traverser par des flux – flux
de la mondialisation, flux d’information, flux financiers, flux
commerciaux, etc. – est un autre terrain fertile dans lequel le
monde méditerranéen, héritier de l’art de faire Cité, la polis, a
toujours beaucoup à nous apprendre pour aujourd’hui et pour
demain. Le design et l’architecture sont des terrains majeurs de
la culture où se fabriquent nos manières de faire et de vivre du
XXIe siècle. Pourquoi ne pas investir ce terrain-là ? Coaliser des
acteurs de l’urbain et des créateurs pour tenter de donner un
autre visage aux villes et aux cités, de plus en plus défigurées
par un urbanisme irresponsable. La tâche est immense bien
sûr, mais il s’agit de commencer par donner une impulsion,
de pensée et de culture, pour faire se rencontrer ceux qui ne
se rencontrent pas car tous ces métiers sont dispersés et ces
savoirs parcellisés. La Fondation Anna Lindh pourrait être un
ensemblier, un dispositif qui encourage des rencontres fertiles
entre des acteurs de l’urbain et des artistes, des designers et
des architectes, tous ceux qui sont amenés à imaginer la ville
de demain. La Fondation Anna Lindh pourrait ainsi devenir un
lieu qui encourage l’affirmation d’un style de vie méditerranéen
du XXIe siècle. Il ne s’agit bien entendu pas de s’enfermer dans
un monde exclusif et encore moins de se replier sur une entité
géographique, fût-elle méditerranéenne ! L’horizon est plutôt
d’encourager des valeurs, des manières de faire ou de vivre
que chacun pourrait s’approprier et qui d’ailleurs vagabondent
volontiers sur les routes du monde, dans le sillage des diasporas
et de l’internationale des imaginaires...
Vers une politique de l’interconnaissance
La strate des œuvres, des produits de la création intellectuelle et
artistique, est celle qui semble la plus évidente pour une grande
institution culturelle internationale. Autour de quelles priorités
? L’objectif premier, me semble t-il, est d’encourager la circulation
des œuvres, et donc des auteurs, des artistes, entre Méditerranée
et Europe. Les terrains pourraient être très nombreux et diversifiés,
Palestine - Étude sur les communautés en situation de post-conflit
Le projet qui a duré de novembre 2009 à juillet 2010 a consisté en une recherche conjointe entre l’Autriche et la Palestine sur la mitigation
post-conflit à travers une étude comparative, suivie par une grande conférence organisée à Gaza sur les résultats de la recherche. L’objectif
de cette initiative de l’Institut Civitas était d’enrichir l’expérience palestinienne dans le domaine de la réponse humaine à la transformation
sociale dans les zones de conflit par la production d’une importante étude de recherche pionnière, en concevant un programme de
formation sur la résolution et la transformation des conflits, et sur la consolidation de la paix au sein de la communauté. Un cours de
formation a été réalisé pour 20 étudiants de l’Université islamique et de l’Université Al-Azhar incluant des ateliers techniques. En même
temps, 1 500 exemplaires du livret du projet ont été publiés contenant les résultats de la recherche. Les élèves ont tenu 40 débats et des
cercles de discussions chez les Palestiniens de 40 organisations non-gouvernementales dans la bande de Gaza. En outre, deux émissions
de radio ont été réalisées sur le sujet. En raison du succès de ce modèle, des coopérations avec de nouveaux partenaires sont prévues.
www.annalindhreport.org/goodpractice/postoconflictstudies
Le Rapport Anna Lindh 2010
73
La culture au cœur des relations entre
Méditerranée et Europe
savoir, face à tous les silences volontiers entretenus. Une politique
active de reconnaissance de ce qui est advenu et un travail de
mémoire, encouragé par de grands lieux culturels tout autour de la
Méditerranée, en lien avec la Fondation Anna Lindh, est une priorité,
notamment pour les jeunes générations qui ont besoin de repères
et qui aspirent à sortir des conflits du passé pour inventer l’avenir.
S’orienter vers une politique de reconnaissance, sur le terrain des
mémoires, est sans doute une des priorités pour mettre la culture
au cœur des relations entre Méditerranée et Europe.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VISION POUR LA MÉDITERRANÉE
On assiste à l’émergence de scènes musicales urbaines
contemporaines, à Istanbul comme à Casablanca, à Beyrouth, à
Marseille, à Essaouira ou à Berlin. Ces nouveaux lieux comme ces
nouvelles expressions musicales touchent l’immense public des
jeunes générations qui composent la majorité des populations
du pourtour de la Méditerranée. Ces scènes musicales urbaines
contemporaines sont d’ores et déjà en contact, mais il serait plus
fertile de mieux les connecter, d’encourager les dispositifs qui
leur permettraient de mieux travailler ensemble. «Les inventions
d’inconnu réclament des formes nouvelles», l’esprit frappeur
d’Arthur Rimbaud ouvre le chemin aux jeunes artistes du monde
méditerranéen, en quête d’une vie nouvelle. Il s’agit de rendre
possibles ces recherches et d’accompagner l’avènement de ces
formes nouvelles, notamment sur le plan musical. Favoriser une
Méditerranée du XXIe siècle qui choisit le goût de la vie contre le
goût de la mort, une Méditerranée vivante et créatrice face à tous
les immobilismes. C’est cette Méditerranée-là, volontiers reliée à
l’Europe, qu’il s’agit d’encourager. Les scènes musicales urbaines
contemporaines en sont le théâtre, il convient désormais de mieux
relier les acteurs.
MARTIN ROSE
L’écart parfois sulfureux qui s’ouvre entre les Européens musulmans et les Européens
d’autres religions et cultures est un défi sérieux pour les praticiens des relations culturelles.
Nourrie de l’impact des événements politiques, économiques et internationaux et de la
volonté délibérée d’activistes cyniques de l’attiser de part et d’autre, la tension croissante
(dont le référendum suisse est l’exemple le plus récent) devient plus vive. Ce n’est pas une
situation qu’un continent civilisé peut, ou devrait tolérer.
Après une vaste consultation auprès de musulmans d’Europe, et des rives Nord et Sud
de la Méditerranée, le British Council a lancé son projet Our Shared Europe – «Notre
Europe partagée». Il s’agit d’une tentative sur un large front de démontrer que «les
musulmans sont une partie intégrante du passé, de présent et de l’avenir de l’Europe». Il
vise à développer et à défendre le sens imaginatif et généreux des mots «nous», «à nous»
et «notre», qui sont vitaux pour la société civilisée. Surtout, il reconnaît que ce n’est pas
seulement une question de justice, d’équité et de décence. L’incapacité à bien gérer les
attaques souvent délibérées et méchantes (bien que quelquefois simplement dues à la
négligence et à l’ignorance) contre la culture et les peuples de l’Europe d’aujourd’hui, met
en danger l’ensemble de la société libérale occidentale. Les attaques viennent de la droite
nativiste tout autant que des côtes plus sauvages de l’Islamisme.
Ainsi, le British Council a réuni un certain nombre de domaines dans lesquels il a une
grande expérience – l’éducation, les arts, les échanges de jeunes, les expositions, le web et
l’organisation de débats sérieux – pour toucher un large public sur cette question cruciale.
Un programme de débats a commencé au sein du Parlement européen et se déplace
vers d’autres villes européennes, incluant un débat diffusé dans le monde entier en mars
2010. Une recherche sur la consommation des médias des Européens musulmans et sur
les obstacles à la participation des musulmans dans les échanges de jeunes est déjà en
cours; de même que la première étape d’un travail éducatif multi-pays et la production de
matériel audiovisuel. De nombreuses autres réalisations sont à venir.
THIERRY FABRE est chercheur et auteur de nombreux
essais. Il est chargé de la programmation du Musée des
Civilisations d’Europe et de Méditerranée à Marseille.
Portugal - Livre sur des idées pour le dialogue
Paru pour la première fois en mai 2007, le concept de la publication est de fournir «quarante-quatre idées» pour que le dialogue et la
diversité puissent être appliqués et encouragés dans la vie quotidienne des gens. Que ce soit pour les citoyens ou les professionnels,
pour les mères ou les pères, une série d’idées simples sont présentées qui pourraient être recréées et adaptées à la réalité des gens
dans leurs communautés. La publication, une initiative d’ACIDI, contient également une section pédagogique intitulée «Le saviez-vous
?», qui fournit des informations sur les 174 nationalités qui coexistent au Portugal et des données de base sur un certain nombre de
communautés religieuses et les dates importantes pour elles. De plus, il y a des informations sur les services d’aide aux immigrants, les
institutions offrant des cours de langue et de culture gratuits pour les étrangers, et sur les accords spécifiques adoptés au sein de l’Union
européenne concernant la protection des droits des immigrants et des minorités ethniques. L’approche globale consiste à s’assurer que
les idées et les ressources sont présentées d’une manière intéressante pour le lecteur et la plus simple possible à mettre en pratique.
www.entreculturas.pt
Le Rapport Anna Lindh 2010
Notre Europe partagée
Il s’agit d’un projet de partenariat, et il ne fonctionnera bien que s’il agit comme un aimant
pour les nombreuses organisations et personnes qui travaillent dans le même secteur.
Nous cherchons des partenariats de tout genre avec ceux qui sont engagés dans le même
projet d’une Europe civilisée dans laquelle on ne doit faire sentir à aucune foi et à aucun
groupe ethnique qu’il n’en fait pas partie.
Avant tout, Our Shared Europe signifie ce qu’il indique : l’Europe ne doit pas être le terrain
de jeu des politiciens nativistes, des commentateurs américains, et des musulmans
culturellement introvertis. Elle est la maison commune des peuples des deux côtés de la
Méditerranée, et de beaucoup plus loin. Nous la partageons, et nous sommes fiers de la
partager. Le passé de l’Europe n’est pas le passé à court terme de la tradition téléologique
européenne: il est une partie de l’histoire de l’humanité, et il doit le rester. La même chose
est encore plus vraie de notre avenir commun.
MARTIN ROSE est Directeur national du British Council au Maroc. Il est l’ancien responsable
du projet Our Shared Europe du British Council.
Le Rapport Anna Lindh 2010
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Umberto Eco, dans une belle formule, avait souligné que «la
langue de l’Europe, c’est la traduction». On peut dire, tout aussi
clairement, «la langue de la Méditerranée, c’est la traduction !»,
c’est une possible langue commune, un nouveau type de lingua
franca dans les relations entre Méditerranée et Europe. Faire circuler
de la pensée et de la littérature, à partir d’une vaste et raisonnée
initiative de traduction, fondée sur la réciprocité et inscrite dans
une perspective multilatérale, est un enjeu capital. On touche là aux
fondements, aux références partagées qui peuvent faire trace et qui
ne sont pas dans le simple flux de relations culturelles éphémères.
Une politique de l’interconnaissance, fondée sur la traduction, est
une priorité stratégique. Cela va de la littérature pour enfants à de
la pensée philosophique et critique, l’éventail est très large et les
priorités des œuvres à traduire sont à définir en commun, à partir
d’une bonne connaissance de l’existant. Une sorte d’Internationale
de la traduction pourrait ainsi voir le jour, impulsée par la Fondation
Anna Lindh . Une pollinisation de la culture et de la pensée, loin des
replis identitaires, des rejets et des peurs qui prolifèrent aujourd’hui,
pourrait naître à partir d’une telle initiative, qui a d’ailleurs
commencé avec le projet «Traduire en Méditerranée».
La circulation des œuvres ne peut pas simplement être virtuelle.
Elle suppose la circulation des hommes et des femmes de la
Méditerranée, la circulation des artistes pour inventer des projets
communs. Les dispositifs numériques permettent, il est vrai, de
réelles connexions et favorisent des hybridations culturelles. Mais
rien ne vaut la rencontre, de personne à personne. Rien ne vaut l’art
vivant, l’interconnaissance qui naît d’un travail en commun, ce qui
suppose que les artistes puissent se déplacer. Nous en sommes très
loin aujourd’hui, de plus en plus enfermés dans la «citadelle Europe»,
qui a peur de ses voisins du Sud et qui donc entrave la circulation
des personnes. La Fondation Anna Lindh a un rôle majeur à jouer
pour favoriser notamment la mobilité des artistes, pour rendre
possible des rencontres intellectuelles et artistiques, pour aider à
la traversée des frontières, du Sud vers le Nord, sans doute, mais
aussi entre pays du Sud, où les frontières sont également dressées.
Une politique de l’interconnaissance, qui favorise la circulation des
œuvres et des artistes, est une priorité pour un projet d’avenir de la
Fondation Anna Lindh . Sa crédibilité tiendra, pour une large part,
dans sa capacité à rendre possibles de telles mobilités.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
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je n’en indiquerai ici que trois qui me semblent prioritaires pour
l’avenir.
ANAT LAPIDOT-FIRILLA
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
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Ces quinze dernières années ont été marquées par un intérêt croissant pour la Méditerranée, à travers des
tentatives politives de coopération régionale. Pourtant, selon Anat Lapidot, il n’y a a pas de consensus sur le
fait qu’une «catégorie Méditerranée» soit nécessaire, et les cartes cognitives sont fabriquées, elles ne sont ni
inhérentes ni naturelles. Anat Lapidot analyse l’évolution historique de cette identité régionale, avançant que les
images coloniales du passé doivent désormais laisser la place à une vision partagée qui permette aux peuples des
rives Sud et Est de se représenter eux-mêmes.
Après des années de déclin culturel et politique, la Méditerranée,
longtemps ignorée en tant que centre unificateur, est, une fois de plus,
l’objet de discussions et de projets culturels et politiques. Le processus
de Barcelone de 1995, la coopération entre l’Europe et la Méditerranée,
et la création récente de l’Union pour la Méditerranée, ont adopté
et redéfini la Méditerranée comme un concept historiographique,
un ciment idéologique fédérateur et un programme économique,
politique et culturel.
Comme souligné par les chercheurs, il est difficile de déterminer
avec certitude si la région méditerranéenne a jamais eu une histoire
commune et une même culture au fil du temps. Les nations qui bordent
ses rives ne partagent pas des traditions similaires, la même langue
ou la même structure de gouvernance. Ce sont les Européens qui, au
cours des XVIIIe et XIXe siècles, ont formé l’idée d’une Méditerranée
vue comme une image romantique et idéale d’un lieu où des
personnes de différentes religions peuvent vivre côte à côte, un lieu
de tolérance, d’échanges commerciaux sûrs et de multiculturalisme.
Une serre pour la symbiose culturelle entre les religions et les cultures
le long de la rive méditerranéenne, de l’Andalousie à Istanbul dans le
Nord-Est et à Alexandrie dans le Sud-Est.
La Méditerranée dans les études historiques
Des travaux géographiques et historiques écrits en Europe,
principalement en Allemagne et en France, mais aussi de l’autre
côté de l’océan Atlantique, ont placé la Méditerranée à la pointe
de la recherche historique et géographique en soulignant les
points communs entre les sociétés et les cultures dans la région.
Les approches ethno-géographiques en Europe qui ont reçu
une validation à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle aux
États-Unis, ont rapidement été mondialement placées au centre
des connaissances académiques avec des idées déterministes
développées par des géographes tels que Ellen Churchill Semple
(1863-1932) et le climatologue Huntington Ellsworth (1876-1947). Il
n’y avait pas de distinction entre Espagnols, Grecs ou Turcs. Les gens
de la Méditerranée étaient considérés comme ayant des institutions
sociales primitives et féodales. Ils étaient une menace – comme les
Wisigoths l’étaient pour les Romains. Ces conceptions se sont reflétées
dans les attitudes historiques, dans les images formatives, dans les
Le Rapport Anna Lindh 2010
visions du monde religieux et le travail missionnaire, dans les salons
du tourisme et même dans les politiques de reboisement. En outre,
l’image de la Méditerranée a été constamment façonnée et diffusée
par la puissante industrie du film d’Hollywood. De Cléopâtre et Ben
Hur à Shirley Valentine et Midnight Express, des films percutants ont
réinventé la romantique mais primitive Méditerranée.
Aux attitudes géographiques et sociologiques des deux côtés
de l’Atlantique, nous devons également ajouter la contribution
des historiens européens à la création de la conscience de la
Méditerranée. Les plus éminents d’entre eux ont été Henri Pirenne
(1862-1935), l’historien allemand Shelomo Dov Goitein et l’historien
français Fernand Braudel (1902-1985), de l’école des Annales, qui a
créé un modèle global total qui lie la société de l’homme à son espace
physique géographique. Malgré les nombreuses critiques de leur
travail, personne ne conteste que leurs publications ont contribué à
positionner la Méditerranée comme une unité distincte historique et
géographique imaginaire.
Les autres personnes qui ont contribué à la création de la Méditerranée
en tant que concept organisateur étaient des intellectuels de ses
côtes Nord et Sud. Parmi eux, Albert Camus (1913-1960), l’auteur
franco-algérien qui a tenté de décrire un espace méditerranéen
distinct cosmopolite laïc, un lieu de rencontre pour les commerçants,
les artistes et les touristes du monde entier. Toutefois, Camus était
une exception dans le paysage intellectuel régional. Le concept de
Méditerranée n’a pas reçu beaucoup de soutien le long des côtes
orientales et méridionales – ni au Liban ni en Syrie, en Turquie, en
Egypte ni même en Israël. Dans ces pays, l’idée a été marginalisée,
traitée comme un simple cadre régional et non comme une partie des
forces qui façonnent l’identité culturelle. La plupart des intellectuels
d’Egypte se considéraient comme faisant partie d’autres cercles
identitaires : africain, musulman et arabe. L’écrivain juif tunisien Albert
Memmi, a fait valoir que la Méditerranée est toujours décrite avec
de généreuses poignées de clichés et a mis en garde les rêveurs de
méditerranéisme, menacés de devenir des piliers de sel.
Une exception peut être trouvée dans les écrits de Taha Hussein et
son célèbre essai intitulé L’Avenir de la culture en Egypte (Mustaqbal
Al-Thaqafa fi Masr, 1938), dans lequel il tentait de lier les Egyptiens
Associations avec la région dans la deuxième partie du
XXe siècle
Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des tentatives pour
relancer le discours sur la Méditerranée comme un espace
stratégique, peut-être en réponse au défi américain. Cependant, la
mer est rapidement devenue rien de plus qu’un lac américain dans
plus d’un sens. Tout au long de la guerre froide, l’Est et l’Ouest ont
été considérés comme correspondant à des valeurs différentes.
La Méditerranée n’était pas reconnue comme un lieu unique, ni
stratégiquement, ni culturellement. De plus, la recherche de la
généralisation et des modèles a succédé à l’étude des régions.
Toutefois, l’effondrement de l’URSS a alimenté des processus
mondiaux et régionaux socio-culturels et économiques, qui ont
ravivé l’intérêt politique et social dans la région, ainsi que l’intérêt
pour la culture, en tant que sous-produit. La Méditerranée, après des
années de discours nationaliste hégémonique, est redevenue un
centre d’intérêt. Bien que les raisons motivant ce nouveau discours
aient principalement été politiques et souvent accompagnées de
craintes, ce dernier a conduit à un nouveau débat sur les concepts
de base tels que l’existence de traditions judéo-chrétienne ou judéoislamique. La démonstration claire de l’intérêt nouveau pour la
Méditerranée a été la création de programmes d’études dans diverses
universités à travers l’Europe ainsi que dans les instituts de recherche
qui se concentrent sur la région méditerranéenne en Jordanie, Israël,
Turquie et en Afrique du Nord. L’intérêt et les études concernant la
Méditerranée se sont déplacés du domaine des agences de tourisme
et des biologistes marins vers les centres de recherche stratégique et
les diplomates spécialisés en affaires étrangères. Même en Turquie,
il existe une tendance à discuter la Pax Ottomanica, devenue un
symbole de l’option politique marquée par la nostalgie d’un monde
prénational, méditerranéen, précolonial; une fois de plus, un espace
imaginé, voire utopique, où les mondes musulmans et chrétiens
ne soient pas en conflit constant, mais coopèrent et s’influencent
mutuellement et utilement.
Les défis actuels
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L’Euro-Méditerranée comme une carte
cognitive
à l’héritage des pharaons et à l’arène méditerranéenne. Au Liban,
l’idée a été mieux accueillie que dans tout autre endroit de la
région. Toutefois, comme l’influence des chrétiens, les plus fervents
partisans de l’idée, a diminué, le charme de la mer s’est dissipé.
Des personnages importants dans la culture arabe, tels que Michel
Chiha, Georges Naccache, Amin Maalouf, Nizar Qabbani et Adonis,
ont tous contribué à des époques différentes et de diverses façons
au maintien de l’idée méditerranéenne, et constituaient un lobby
culturel pour une vision d’une unité arabo-occidentale. En Israël,
pays qui a lutté pour créer une idéologie nationale locale qui pourrait
facilement relier les nouveaux immigrants venus du monde entier,
la vision méditerranéenne a rencontré de nombreux obstacles.
Beaucoup y ont vu une tentative d’organiser et de manipuler la
société israélienne, tout en ignorant ses véritables problèmes – le
conflit avec les Palestiniens et les pays arabes. D’autres ont vu le
projet méditerranéen comme un compromis infructueux entre les
identités de l’Est et de l’Ouest – un fond agréable, mais peu réaliste
de la vie quotidienne dynamique et stressante d’Israël. Il y avait aussi
ceux qui considéraient (et qui considèrent toujours) la Méditerranée
comme l’antithèse de la culture occidentale progressive, et
l’identifient avec les pratiques sociales des immigrants nord-africains
qui ont été marginalisés dans la société israélienne. A ces obstacles,
pourrait être ajoutée la religion comme une idéologie politique,
sociale et culturelle, qui, depuis les années 1980, est revenue dans
la sphère publique dans la plupart des pays. En effet, ces dernières
années, la religion est devenue un outil de division, de classification
qui menace de scinder davantage les communautés des rives de la
Méditerranée.
Malgré l’intérêt croissant dans la région, également en termes
d’initiatives politiques, il n’existe aucun accord quant à la question
de savoir si une catégorie «Méditerranée» est nécessaire et ce qu’elle
refléterait exactement. De vieilles images peuvent-elles être reprises
et devenir une partie intégrante de notre modèle cognitif, après
avoir été pendant de nombreuses années une simple catégorie de
référence, pas une métaphore ou une unité de l’identité idéologique?
Sommes-nous, dans l’ère post-moderne, revenus à la pensée
moderne basée sur des dichotomies qui créent des catégories pures
de la nature contre la culture, de l’Est contre l’Ouest, du rationnel
contre l’émotion ? Cette façon de penser, après tout, ne laissait aucune
place à la symbiose culturelle que représentait la Méditerranée.
La Méditérranée peut-elle être extraite du discours eurocentrique
et envisagée comme une nouvelle option politique culturelle ?
Sommes-nous disposés à contester des principes culturels majeurs
et des normes acceptables en interrogeant les grandes théories de la
paix démocratique et en reconnaissant le lien entre, d’une part, le long
processus de laïcisation et de formation des nationalismes européens
et, d’autre part, la purification ethnique d’el-Andalus et la suppression
de la co-existence ? En réalité, le plus grand défi aujourd’hui est de
savoir comment créer un Méditerranéisme qui ne renie pas ses liens
Souk de la recherche interculturelle
Se déroulant simultanément dans différents endroits, le «Souk euro-méditerranéen de la recherche» a offert une plate-forme aux
jeunes chercheurs de la région pour qu’ils puissent présenter leurs projets liés au dialogue interculturel et aux priorités de l’Union
pour la Méditerranée., La deuxième édition du Souk de la recherche, une initiative de l’Université euro-méditerranéenne (EMUNI),
a été organisée à la Bibliotheca Alexandrina en partenariat avec la Fondation Anna Lindh, sur le thème «vivre ensemble dans une
société multiculturelle» et a rassemblé environ 150 étudiants qui ont réfléchi sur les défis et les opportunités, et développé des projets
susceptibles de favoriser la coexistence dans et entre les sociétés. Grâce à l’utilisation des outils en ligne et à la diffusion sur le Web, il
a été possible d’élargir le débat aux chercheurs et experts universitaires dans les pays participants, c’est-à-dire la République tchèque,
l’Egypte, la Grèce, l’Italie, le Liban, le Maroc, le Palestine, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie, l’Espagne, la Tunisie et la Turquie.
www.emuni.si
Le Rapport Anna Lindh 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VISIONS POUR LA MEDITERRANEE
Le respect des immigrés et des nouvelles communautés à l’intérieur
de l’Europe est une exigence fondamentale. Il est important,
cependant, de garder à l’esprit que la reconnaissance des droits
collectifs des communautés et de leur patrimoine ne constitue pas
un accord catégorique pour accepter toutes les traditions socioculturelles du passé et du présent et les appliquer. N’oublions pas que
la tradition a été écrite par des hommes, et que l’un de ses objectifs
est de maintenir l’équilibre du genre patriarcal. Une nouvelle vision
de la Méditerranée doit rejeter les restes du patriarcat, ainsi que les
pratiques de discrimination et d’intolérance envers les minorités
politiques, ethniques, de genre, religieuses et de préférence sexuelle.
Au grand dam de beaucoup, ces dernières décennies, il semble
que la géographie régionale soit revenue au centre de la scène. A la
lumière de la reprise des études de secteur et au vu des changements
ANAT LAPIDOT-FIRILLA est chercheur et directeur d’études
de l’Unité sur les voisins méditerranéens à l’Institut Van Leer
de Jérusalem.
Israël - L’Orchestre des jeunes judéo-arabes
Espaces d’appartenance et de copropriété
émotionnelle
HEIDI DUMREICHER ET BETTINA KOLB
La quête d’identité est importante pour les êtres et les communautés de toute la région euro-méditerranéenne,
et elle continue à jouer un rôle central dans la construction d’une région commune. Heidi Dumreicher et Bettina
Kolb soulignent l’importance de la perspective locale lorsqu’on dresse le contexte socioculturel dans lequel
l’identité évolue, de la maison et de la rue aux membres de la famille et aux voisins. A partir de ce point de vue,
les auteurs affirment qu’une copropriété affective peut être développée comme base d’un avenir partagé dans la
région méditerranéenne.
Oui, je veux avoir un sentiment d’appartenance, savoir d’où je viens,
sentir que je fais partie d’un lieu et avoir un contexte social qui prend
en charge mon image de moi, comment je pense et comment je me
sens. Mais, oui, je veux aussi me sentir différent des lieux et des gens
autour de moi; je rêve et je cherche un sens différent à la réalité.
Les êtres humains ont besoin de ces deux qualités de la conception
de soi - des rôles d’appartenance socialement et spatialement
établis qui fournissent la base et la confiance en soi nécessaires à la
recherche de nouveaux endroits et de nouvelles activités capables
de nous porter vers l’avenir. La quête d’identité joue un rôle majeur
dans l’identification du concept ancien mais toujours valable
d’une région méditerranéenne commune et dans la construction
d’un nouveau; ceci concerne les personnes et les nations, les
individus et les groupes sociaux, le Machrek et le Maghreb, la
vieille Europe et les nouveaux Etats membres. En recherchant un
concept commun d’identité culturelle et politique, il est conseillé
à l’Utopie méditerranéenne de commencer par un concept
pluraliste d’identité. Suivant un concept d’unité dans la diversité, les
identités se chevauchent, elles apparaissent comme une mosaïque
d’histoires communes mais différenciées, de situations politiques
controversées, de modes de socialisation et de racines culturelles et
religieuses qui apparaissent dans ce processus. Dans la quête d’une
identité commune entre les deux rives de la Méditerranée, deux
sortes de desiderata émergent, à savoir l’aspiration à l’uniformité
et à la continuité d’une part, et la nostalgie d’une identité locale,
d’autre part.
Foyer et appartenance
Dans le but de favoriser l’amitié et la compréhension, l’Orchestre des jeunes judéo-arabes se compose d’environ vingt-quatre
jeunes musiciens âgés de 15 à 28 ans – douze Arabes et douze Juifs – en provenance de différentes régions d’Israël. La direction
musicale est assurée par Taiseer Elias, qui est réputé en Israël et dans d’autres pays pour ses talents artistiques et sa connaissance
approfondie de la musique arabe. L’initiative vise à promouvoir la compréhension mutuelle du public dans toute la région. Des
concerts ont été joués dans des lieux juifs et arabes, et à travers l’Europe, et le projet est considéré comme un succès en termes
de développement musical et d’impact social. L’une des réalisations artistiques majeures est la création d’un nouveau son et
la composition d’œuvres originales en plus des œuvres issues des traditions juives ou arabes d’Orient, un mélange d’Orient et
d’Occident, qui se reflète également dans les instruments utilisés, oud, kanoon, violoncelle et violon. Lorsque les musiciens jouent
ensemble sur scène, c’est une parfaite illustration du fait que l’harmonie et la coexistence sont une réalité et une possibilité pour tous.
www.youth-music.org.il
Le Rapport Anna Lindh 2010
VISIONS POUR LA MEDITERRANEE
Pour nous, l’équipe de recherche, les photos des différents lieux
de la Méditerranée ne sont pas exceptionnelles et elles pourraient
avoir été prises dans de nombreux pays du monde. D’autres
partenaires essaient d’y découvrir un certain style architectural
et voudraient s’assurer qu’ils font partie d’un territoire national
donné. Pour son habitant, la maison, dont il montre les photos,
est très bien définie, elle représente tout simplement son chez lui :
«C’est ma belle maison et ici vit ma femme chérie». C’est la manière
dont un habitant interrogé présente ses photos d’une maison et
d’une cour. Pour lui, la maison est une combinaison d’éléments
physiques et sociaux, un endroit sûr avec des personnes familières
mais exceptionnelles. Notre foyer – le lieu et ses habitants – la
maison, la rue, les membres de la famille et les voisins – tous
ces éléments constituent la base de la situation socioculturelle
spécifique grâce à laquelle l’identité se développe. La combinaison
de l’identité individuelle et collective est la base des traditions
culturelles, des activités sociales, avec des éléments personnels et
sociaux. A partir de la maison, qui représente l’espace de l’individu,
des membres de sa famille les plus proches et de ses amis, l’espace
identitaire se développe en cercles concentriques, en domaines de
rencontre spatiale et sociale (Dumreicher et Kolb, 2006 et 2008).
Plusieurs de ces domaines peuvent être liés à la familiarité et
contribuer à la socialisation d’une construction identitaire. C’est
une combinaison d’éléments spatiaux et sociaux qui construit le
sentiment d’appartenance et d’affiliation sociale : la famille fait de
la maison un foyer, la communauté des habitants de la rue et du
quartier transforment un espace ouvert anonyme en un quartier
familier auquel j’appartiens.
Ces champs offrent une synthèse des identités fondées sur
l’empathie, le domaine social et spatial où l’être humain trouve
une place pour exprimer l’intimité et les liens d’affection. A la
lisière du village ou du quartier, la construction de l’«identité» et
de l’«altérité» gagne de plus en plus d’influence. Le processus de
construction d’une identité commune commence à cette étape
: le village devient «mon» et/ou «notre» village, la ville devient
«mon» et/ou «notre» ville et ils sont différents du village voisin
ou de la ville voisine. Les objets façonnés et les biens culturels
sont un peu différents à l’intérieur et en dehors de ces domaines
spatiaux, les formes des maisons combinent des caractéristiques
locales et, en même temps, des éléments intrinsèques de la région,
et le folklore commun trouve une expression particulière. Même
la langue porte des formes particulières, que ce soit l’accent ou
la formulation. L’Etat-nation fixe la frontière géopolitique pour
ce que nous considérons comme notre peuple. Le monde donne
le plus large cadre spatial possible – l’espace de l’homme dans
la limite de la nature, où les cultures et les religions dans leur
diversité, créent une identité humaine à multiples facettes. Audelà de ce domaine spatial commence le champ de la philosophie
Le Rapport Anna Lindh 2010
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L’histoire de la région suggère un lieu où l’homme peut
simultanément faire partie d’un certain nombre de communautés
et de réseaux. Actuellement, la langue sociologique de l’Occident
ne peut concilier cette complexité. Le défi est de créer un nouveau
langage qui permettra la conceptualisation appropriée à la nouvelle
réalité des Turcs à Berlin, des Marocains à Paris et des Russes en
Israël. Les rives de la Méditerranée ne sont plus une attraction
supplémentaire, mais une partie de la fusion par traits d’union de
la région. L’Euro-Méditerranée est une région, mais aussi un cadre
conceptuel et une image. Cette catégorie d’analyse requiert une
cohérence et un nouveau point de vue original. Les opposants à
l’Euro-Méditerranée en tant qu’idéologie unificatrice prétendent
que c’est artificiel. Ce qui est vrai à bien des égards, mais ne fait
aucune différence. Des modèles cognitifs sont créés – ils ne sont pas
inhérents ou naturels. En outre, la même chose peut être dite au sujet
d’autres ciments sociaux. Après tout, les élites du Caire, d’Istanbul ou
d’Athènes ont peu en commun avec leurs compatriotes vivant dans
la périphérie économique, écologique et culturelle. De plus, au cours
des deux dernières décennies, la carte des migrations démontre que
la symbiose culturelle et une société constituée par nature en réseau
ne sont pas seulement l’apanage des minorités chrétiennes ou
juives. La réalité des centaines de milliers de personnes se déplaçant
d’un continent à un autre a créé une nouvelle dynamique. Une
dynamique qui conteste même les définitions fondamentales de qui
est européen, pas seulement de qui est méditerranéen.
globaux, s’est développé le besoin de revenir aux termes régionaux et
à la recherche, ainsi que la nécessité de définir et de re-conceptualiser
les régions et leur relation avec d’autres disciplines. A l’aversion
de discuter de la nécessité d’études régionales en général, il faut
ajouter l’aversion de discuter de la Méditerranée en particulier,
provenant d’une histoire complexe, chargée d’émotion et nourrie de
sentiments anticoloniaux. Les peuples de la Méditerranée, qui ont
été désignés comme «du Sud», se sont sentis considérés comme la
périphérie de l’Europe et les options méditerranéennes n’ont fait que
souligner leur statut subalterne. Toutefois, les tendances actuelles
des études universitaires portant sur les périphéries ont favorisé
le développement de discours internes qui commencent dans ces
soi-disant marges et qui se définissent selon leurs propres termes
culturels. Dans le même temps, les spécialistes dont la recherche porte
sur une théorie subalterne et postcoloniale ont également suggéré
de renverser le discours dominant et de provincialiser l’Europe ellemême. Un tel décalage peut conduire la recherche universitaire à
voir la Méditerranée comme un centre et aidera à reconceptualiser
l’Europe et d’autres régions elles-mêmes. Le défi est de savoir
comment y parvenir sans revenir aux descriptions orientalistes
qui orientent la discussion vers une nostalgie romantique sans
fondement, qui ne voit que les branches d’olivier et des citronniers,
un coucher de soleil romantique et de belles plages où les amoureux
flânent. La mer et ses rives sont parsemées de dizaines de cadavres
d’immigrants et de pêcheurs qui travaillent dur. Les images coloniales
qui ont créé la Méditerranée devraient être remplacées par d’autres
qui permettront aux peuples de la rive Sud de se représenter euxmêmes, de devenir des agents actifs du changement dans l’économie,
l’histoire, la politique et la société.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
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avec l’Est – les cultures arabe, turque ou israélienne –, mais définit
plutôt des frontières souples, fluides, conceptuelles et physiques qui
permettent une relation symbiotique avec l’Occident.
CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE
Fortement
GRAPHIQUE 6.1
Moyennement
Mode de vie et cuisine méditerranéens
Tendre la main à environ cinq cents personnes à travers la ville de Zagreb : l’initiative a consisté en une série de conférences, de
présentations, de débats et d’ateliers sur le thème du multiculturalisme. A l’initiative de l’organisation Veselkoleutar, les discussions
ont traité des politiques et des pratiques menées dans différentes parties du monde. Le but du programme était de mettre la
question des «différences culturelles» au cœur du débat public, en tenant compte que Zagreb n’a pas une politique officielle
en matière d’immigration, de ségrégation et de diversité culturelle. La façon dont les gens de la ville perçoivent et traitent
les différences des «autres» a également été abordée, en mettant en perspective la réalité multiculturelle de la Croatie et de
Zagreb, tout en explorant les moyens d’appliquer les idées et les pratiques multiculturelles à l’intérieur des frontières du pays. En
conséquence, des politiques interculturelles ont été établies pour être mises en œuvre avec les associations non gouvernementales
de l’Est de la Slovénie, et l’initiative a conduit à l’organisation et à la promotion de la «Journée internationale de la tolérance».
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Hospitalité
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Histoire et patrimoine culturel communs
Croatie - Débats sur le multiculturalisme
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Créativité
www.cekate.hr
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Méditerranéens du Sud et de l’Est
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
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Défis environnementaux
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Résistance au changement
Européens
Méditerranéens du Sud et de l’Est
Question du sondage:Des personnes différentes ont des idées diverses sur ce que représente la région méditerranéenne et sur leur vision de l’avenir. Je vais vous
lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de personnes différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent fortement, moyennement
ou pas du tout la région méditerranéenne. Base: tous les participants, % de «fortement» et «moyennement» par pays (© Sondage Anna Lindh/Gallup 2010)
et de la spiritualité; ce sont des concepts qui peuvent trouver
leur ancrage indépendamment du lieu géographique. Tous ces
domaines spatiaux et sociaux contribuent à créer les identités
à multiples facettes qui constituent l’être humain. Grâce à son
activité sociale, l’individu se construit une relation à un domaine
spatial spécifique. Dans plusieurs études empiriques sociales et
spatiales, nous avons trouvé la preuve que même les activités de
résidents qui semblent être en elles-mêmes assez insignifiantes
contribuent au processus d’appropriation où «l’usage crée le sens»,
dans un sens emphatique et non abstrait. A partir de nombreuses
déclarations similaires de villageois ou de citadins, il est apparu
clairement que «si les habitants utilisent le potentiel de la ville et
de ce qu’elle a à offrir (y compris les aménagements de l’espace
public), ils seront alors capables de s’identifier parfaitement avec
le lieu, le faisant sortir de l’abstraction» (Dumreicher et Kolb,
2003). Ceci a fondé notre thèse sur la copropriété émotionnelle
que nous avons découverte à travers différentes situations locales
dans des territoires humains, mais qui peut aussi s’appliquer à un
champ plus large – dans notre cas, la région méditerranéenne
qui est une réalité, mais aussi une vision humaine et politique.
La copropriété émotionnelle décrit un attachement fort à un lieu
et à sa signification sociale, à l’architecture et aux activités socioculturelles qui ont lieu dans cet environnement urbain. Sous
réserve de copropriété affective, cet intérêt incite les citoyens à
apprécier les qualités du lieu et à se sentir responsables de son
présent et de son avenir. Cette implication crée des espaces de
possibles et des champs d’action pour un citoyen autorisé qui
Pologne - Des ateliers éducatifs sur l’islam
Lancé dans les écoles de vingt villes de Pologne, «Dans le monde de l’Islam» a visé à utiliser l’éducation comme un moyen de
modifier les stéréotypes négatifs culturels et religieux liés aux communautés arabes et musulmanes. Grâce à une série d’ateliers
de dialogue organisés sur une période de trois ans, de 2005 à 2008, plus de neuf cents élèves ont participé activement à des
séances comprenant des aspects théoriques, des informations de base sur les pays arabes et islamiques, des discussions, et une
dimension pratique, telle que l’apprentissage de la calligraphie arabe. Selon l’évaluation réalisée auprès des participants, l’initiative
a eu un impact significatif non seulement sur les connaissances des élèves et leur attitude envers les Arabes et les musulmans,
mais aussi sur leurs visions d’autres cultures – y compris les Roms et les Hindous –, qui ont changé de manière positive. À la
suite du projet, un atelier a été organisé en 2009 avec des enseignants et des éducateurs des pays de la mer Baltique, ainsi que
d’Ukraine et de Biélorussie, et le matériel d’étude a été diffusé à travers une série de nouvelles publications destinées aux écoles.
www.unesco.pl
Le Rapport Anna Lindh 2010
prend part au processus de décision au sein de sa localité. Tous les
champs spatiaux ont besoin d’une combinaison de l’individu – je
– et du collectif – nous –, d’espaces d’identité pour les personnes
et leurs capacités individuelles. Notre recherche dans les villes
méditerranéennes islamiques montre que le «hara» – le petit
chemin étroit qui représente le modèle urbain de la Médina à
sa plus petite échelle – fonctionne comme un premier espace
collectif pour la création d’une copropriété affective. Le lieu
de naissance de mes grands-parents dans mon hara est plus
important que l’endroit où j’habite aujourd’hui. «Nous avons
vécu ici dans le hara, là où mon frère et moi avons grandi, et nous
sommes maintenant prêts pour le mariage.» L’origine, tout comme
l’avenir de l’individu et de sa famille est ancrée dans un hara
spécifique. La qualité du hara est déterminée par des éléments
spatiaux et sociaux qui, ensemble, forment l’histoire de la vie
dans le quartier (Dumreicher et Kolb, 2010). La tradition culturelle
islamique est vivante à travers la boulangerie commune assurant
les besoins physiques, l’école coranique et la bibliothèque pour
les besoins de l’éducation, la mosquée du vendredi pour établir
le rythme religieux hebdomadaire et annuel, et le hammam
comme un lieu de bien-être personnel, de luxe et de convivialité.
Lorsque nos interlocuteurs parlent si tendrement de leur hara, ils
se réfèrent à leur expérience de la vie quotidienne qui les ancre
au contexte local. Cet ancrage social et culturel contribue à la
perception d’appartenance et d’identité, résultat de ce processus
de socialisation locale. Dans ses similitudes et ses différences,
les éléments perçus dans le hara, ses pratiques sociales et ses
structures culturelles forment une mémoire collective commune,
cette petite ruelle devenant partie intégrante du cadre historique
et politique de la ville islamique. Comment des personnes qui ont
une relation si intense avec l’endroit de leur socialisation primaire
établissent-elles un concept pour un avenir commun de la région
méditerranéenne ? Est-ce que le concept d’identités multiples
et multiformes est une hypothèse qui aide à comprendre la
construction d’une utopie d’un espace commun entre la rive
Nord et la rive Sud ? Le hara comme expérience essentielle de
socialisation correspond à l’origine, à la base, alors que la rive de
l’autre côté de la Méditerranée représente l’altérité, la curiosité
de la «différence». La conception pluraliste de «l’unité dans la
diversité» offre plus d’une identité. Le hara est le point de départ
d’une culture commune, mais sera élargi à un concept plus large
d’identité du territoire. L’espace culturel de la mer Méditerranée
représente l’altérité, en dépit de sa longue histoire de contacts et
de relations, de ses échanges de biens culturels, de ses histoires et
de ses traditions – et, en même temps, de ses affrontements tout
au long de l’histoire et à l’époque actuelle.
La Méditerranée comme espace commun
L’espace commun de la mer Méditerranée peut être considéré comme
un champ spatial spécifique – une région constituée de villages,
de villes, de monuments, de paysages et de nations : une région
présentant une diversité de conditions économiques et culturelles,
répondant à différents défis de l’histoire. Bien qu’il y ait un accord
sur la perception commune d’un lieu social et spatial constitutif
d’une région méditerranéenne, les dernières études quantitatives
montrent qu’il y a aussi un consensus sur les principaux éléments
d’une culture méditerranéenne. Qu’ils remportent «fortement» ou
«moyennement» l’adhésion des sondés, plusieurs éléments sont
majoritairement considérés comme caractéristiques de cet espace
commun : le mode de vie et la nourriture (84%), l’hospitalité (81%)
et un patrimoine culturel et historique commun (81%) (Tableau
6.1). Notre approche, qui part du principe que l’identité a besoin
à la fois de la proximité et de l’altérité, est soutenue par une série
d’autres questions qui vont au-delà de la reconnaissance de la
compréhension commune du «projet Méditerranée». Les résultats
quantitatifs montrent une demande pour le respect de la diversité
culturelle : 46% des personnes interrogées pensent que leur propre
société peut gagner en respect de la diversité culturelle grâce à des
échanges politiques, économiques et culturels plus étroits entre les
pays méditerranéens. En conclusion, le concept d’identités multiples
devrait tenir compte du fait que la diversité culturelle est fondée
sur une copropriété émotionnelle exprimée au niveau local et une
participation active au sein de la société locale, incluant un concept
plus large d’espace et de temps : l’avenir va au-delà des identités
spatiales et culturelles, contribuant ainsi à l’apparition d’une identité
citoyenne locale et mondiale.
HEIDI DUMREICHER est fondatrice et directrice de
Oikodrom. Bettina Kolb est chargée de cours à l’Institut de
Sociologie de l’Université de Vienne.
Le Rapport Anna Lindh 2010
81
Européens
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
Source de conflit
TUOMO MELASUO
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
82
De la sociologie à l’exploration, au commerce et aux échanges littéraires, les pays nordiques ont, tout au long de
leur histoire, développé des relations avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée. Comme Tuomo Melasuo le
souligne, ces liens restent vivants à travers le tourisme et l’immigration, ainsi qu’à travers le rôle joué par des pays
comme la Finlande et la Suède dans la politique étrangère de l’Union européenne. Pourtant, ce sont la société
civile et la culture populaire qui offrent les champs de coopération les plus prometteurs.
Le monde méditerranéen est une sorte de berceau culturel dont
les frontières sont presque impossibles à définir. Son rayonnement
politique mais aussi culturel n’a pas de limites, et concerne tous les
continents. En ce sens, il est devenu la propriété de toute l’humanité.
L’Europe du Nord est composée des pays scandinaves, de la Finlande
et des pays baltes ainsi que d’autres pays riverains de la mer Baltique
qui sont tous des nations maritimes. Pour cette raison, ces pays ont
toujours eu beaucoup d’échanges culturels et commerciaux avec
les régions lointaines, ainsi qu’avec le monde méditerranéen, qui
a été pendant des siècles, depuis même plus de deux millénaires,
la principale source d’inspiration pour le Nord de l’Europe. Ces
longues relations historiques ont été multiformes, qualitativement
très importantes et tenaces, mais, en même temps, fines et étroites.
Une grande partie de la vie sociale et culturelle des pays nordiques
est basée sur des éléments méditerranéens, qu’il s’agisse des lettres
latines, des chiffres arabes ou des religions moyen-orientales.
Echanges historiques
Le premier contact connu est l’expédition de Pythéas de Marseille
vers le Nord au IVe siècle avant J.-C. Plus d’un millénaire plus tard,
au IXe siècle, les Vikings ont navigué en Méditerranée où ils ont
rencontré les Arabes, et aussi sur les fleuves de Russie, comme Ibn
Fadlan le rapporte dans son livre de bord environ cent ans plus tard.
De même, Idrisi, le géographe marocain, a donné une description
de l’Europe du Nord dans son manuel de géographie du XIIe siècle
tout comme Ibn Khaldun, l’historien d’Afrique du Nord et fondateur
de la sociologie, dans son histoire célèbre du XIVe siècle.
Au cours du Moyen Age, les pèlerins nordiques allaient à SaintJacques-de-Compostelle et en Terre Sainte et certains membres de
familles royales des pays nordiques se sont rendus en Méditerranée
et au Moyen-Orient pour passer du temps dans le Sud. De leur côté,
les Templiers et les chevaliers de Malte ont réussi à s’établir dans
îles de la Baltique. Mais de façon générale, les Nordiques ont bien
plus voyagé vers le Sud que les Méditerranéens n’ont voyagé vers le
Nord. Certains mythes prétendaient aussi qu’au XVIIe siècle la Suède
était une réincarnation de l’Atlantide perdue et que les origines des
Le Rapport Anna Lindh 2010
Finlandais se trouvaient dans les îles méditerranéennes.
Au XVIIe siècle, l’arabe était enseigné et étudié dans au moins trois
universités scandinaves et au siècle suivant, le roi de Danemark
a envoyé une expédition scientifique – Arabia Felix – dans la
péninsule Arabique et au Yémen. Depuis ce temps, les activités
scientifiques nordiques concernant la Méditerranée et le monde
du Moyen-Orient se sont maintenues, et elles ont eu un impact sur
l’évolution des sciences dans le Nord. Par exemple, il y a plus d’une
centaine d’années, la sociologie finlandaise est née au Maroc avec
les travaux d’Edward Westermarck et quelques-uns des meilleurs
écrivains de renommée internationale scandinaves, tels que Axel
Munthe ou Mika Waltari, ont développé la plus grande partie de
leurs œuvres autour du monde méditerranéen.
Aujourd’hui, la compréhension des relations entre les pays
nordiques et le monde méditerranéen devrait être fondée sur
ce vaste patrimoine, et non sur des conjonctures politiques ou
commerciales à court terme.
Dimensions politiques et économiques
La compréhension nordique de l’Union européenne et de son
rôle détermine généralement l’approche des pays nordiques
vis-à-vis du Partenariat euro-méditerranéen dans ses différentes
formes. Dans leurs relations avec le monde méditerranéen, les
Nordiques soulignent parfois qu’ ils n’ont pas de passé colonial
comme beaucoup d’autres nations européennes. Ils rappellent
également qu’ils avaient des relations diplomatiques avec la rive
Sud de la Méditerranée avant le colonialisme, qu’ils ont été critiques
à l’égard de l’aventure coloniale, et qu’ils ont soutenu activement
le processus de décolonisation à la fois directement et au sein de
l’ONU. Ce n’est que partiellement vrai. Les pays nordiques ont tout
de même pris une part active dans les performances économiques
de l’ordre colonial.
Quoi qu’il en soit, l’idée que les pays nordiques forment un ensemble
avec les pays méditerranéens du Sud, une sorte de périphérie par
rapport au centre de l’Europe, aux membres fondateurs de l’Union
européenne, n’a pas vraiment pris, même s’il y a eu des tentatives
Au début des années 1990, les perspectives d’adhésion à l’Union
européenne ont modifié les approches envers la Méditerranée de
façon importante dans des pays comme la Finlande et la Suède.
Une fois membres de l’Union européenne, ces deux pays voulaient
assumer leur nouvelle adhésion entièrement, en s’investissant
dans tous les domaines, dans les enjeux et les questions qu’ils
jugeaient essentiels pour la performance de l’Union et pour
son avenir. Ils ont aussi compris que s’ils voulaient que les pays
membres d’Europe centrale et méridionale appuient leurs propres
objectifs et ambitions dans le Nord, en particulier la «Dimension
nordique» et plus récemment la stratégie de l’Union européenne
pour la région de la mer Baltique, ils devaient montrer leur intérêt,
leur engagement et leur responsabilité envers les questions
méditerranéennes et envers les objectifs de ces pays. En outre,
pour les pays nordiques, le Partenariat euro-méditerranéen est un
élément essentiel des relations de l’Union européenne avec les
régions voisines et, en tant que tel, une préoccupation partagée
par l’ensemble des pays membres.
suédoise 2009 de l’Union européenne a permis de présenter
la stratégie de l’Union européenne pour la région de la mer
Baltique qui, à long terme, pourrait jouer un rôle important dans le
renforcement du partenariat euro-méditerranéen par la production
de différentes options et d’outils mettant en évidence l’importance
des zones maritimes en général et de celles à proximité de l’Union
européenne en particulier. Il est évident que dans le domaine de
l’énergie, de l’environnement, des secours d’urgence et du transport
maritime, ils pourraient même créer des institutions communes
afin de relever des défis partagés. La concrétisation de tels projets
dépend en réalité de la volonté politique.
Les approches et l’attitude des pays nordiques envers l’Union pour
la Méditerranée, créée en 2008, a jusqu’alors été pragmatique.
Lorsque les premières propositions préliminaires ont été faites en
2007, qui proposaient d’exclure les pays non côtiers, la déception
ressentie par les pays nordiques a été nette et claire, mais discrète.
Les cercles qui, dans ces pays, avaient lutté au cours des deux
décennies précédentes pour rendre leurs pays actifs dans les
politiques euro-méditerranéennes se sont sentis très découragés.
Les Nordiques appréciaient que la nouvelle Union renforce le
Processus de Barcelone et, en cela, ils l’ont soutenue. Mais ils
étaient aussi persuadés que cette nouvelle Union devrait concerner
l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Ainsi, ils ont
beaucoup appuyé l’Allemagne, quand la chancelière Angela Merkel
a exigé publiquement que le partenariat euro-méditerranéen de
coopération appartienne à tous les Européens.
Aujourd’hui, on sent, dans les pays nordiques, une certaine déception
en raison des résultats modestes de l’Union pour la Méditerranée.
Dans le même temps, ils estiment que les réalisations du Processus
de Barcelone devraient être développées et mieux intégrées dans
l’exercice de l’Union pour la Méditerranée. Plus généralement, le
partenariat euro-méditerranéen est fortement ressenti comme une
question concernant l’Union européenne, trop importante pour ne
pas être traitée avec tous les pays membres. L’enquête Anna Lindh/
Gallup indique que, par exemple en Suède, le respect de la diversité
culturelle sera renforcé par l’Union pour la Méditerranée.
La Finlande et la Suède avaient déjà initié leurs politiques officielles
méditerranéennes avant leur adhésion à l’Union européenne en
1995, quand elles ont également signé la Déclaration de Barcelone.
Elles ont toutes deux pris une part active dans le Processus de
Barcelone. A titre d’exemple, la Finlande a organisé la première
conférence ministérielle sur l’environnement et la Suède a
présenté avec l’Espagne la première initiative pour le dialogue
entre les cultures bien avant l’événement tragique de 2001 à New
York et le plan d’action de Valence en 2002. La Finlande a créé
son propre réseau euro-méditerranéen des principaux acteurs
internes qui regroupe près de quarante personnes, fonctionnaires,
représentants d’instituts de recherche et d’ONG.
Les sociétés civiles, les migrations et les cultures
La présidence finlandaise de l’Union européenne en 2006 a
été considérée par plusieurs spécialistes comme sans doute la
meilleure jusqu’alors pour le Processus de Barcelone. La présidence
Les attitudes et les approches des sociétés civiles nordiques et de
l’opinion publique envers la Méditerranée ont été, au cours des
dernières décennies, principalement influencées par les évolutions
Finlande - Conférence «mer Baltique et mer Méditerranée»
S’appuyant sur un précédent Forum de 2002 sur la coopération «des pays baltes et méditerranéens», la conférence de 2008
a été préparée par TAPRI, l’Institut Balte de Finlande et Tamk dans le contexte de la création de nouveaux cadres de coopération
régionale, y compris la stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique et l’Union pour la Méditerranée. L’objectif principal
de l’événement était d’accroître la compréhension mutuelle et la reconnaissance de l’axe mer Baltique-Méditerranée, avec des
discussions sur la coopération scientifique et scolaire, sociale, politique et culturelle, et sur la coopération économique à la fois au
niveau macro et micro économique. Cette manifestation a rassemblé environ soixante-dix experts et militants de la société civile de
vingt pays différents bordant la mer Baltique et la mer Méditerranée. Une des principales conclusions de la conférence a souligné
la nécessité d’une cohérence accrue et d’une meilleure coordination entre les réseaux, partenariats et programmes en vue de
renforcer les activités de coopération globale et les initiatives de dialogue entre les régions de la mer Baltique et de la Méditerranée.
www.annalindhreport.org/goodpractice/balticmedconference
Le Rapport Anna Lindh 2010
83
Une perspective partagée vue par les pays
nordiques
avant la Première Guerre mondiale de développer ce concept.
Dans les années 1980 et au début des années 1990 se sont tenues
plusieurs conférences scientifiques internationales du Maghreb et
des pays nordiques, et au moins une à Madrid qui a réuni toutes les
périphéries, ibérique, maghrébine et nordique. Après la Seconde
Guerre mondiale, les sociétés nordiques se sont lentement tournées
vers l’Atlantique et ce genre de sensibilités méditerranéennes ont
perdu au moins une partie de leur charme.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
VISIONS POUR LA MEDITERRANEE
Le seul pays d’Europe du Sud méditerranéen étant du côté positif
de la moyenne européenne est l’Espagne. Le tourisme nordique
et les migrations méditerranéennes ont tous deux un impact
sur les dimensions culturelles dans le monde nordique. Avant
d’aller plus loin, notons que les tout premiers instituts culturels
nordiques ont été créés dans la région méditerranéenne. Et ce
n’est pas une coïncidence si les plus récents sont implantés sur
les rives Sud et Est de la Mare nostrum tels que l’Institut danois
au Caire et l’Institut finlandais à Damas. Le nombre de ce genre
d’instituts nordiques en Méditerranée est considérable, et leur
rôle dans le dialogue culturel encore plus. En ce qui concerne la
société civile et les cultures populaires, le rôle de la cuisine est
très visible et peut-être le plus prometteur. En Finlande, la «pizza
nationale» (jambon et ananas) a été développée dès les années
1980, quand les maisons Kebab ont supplanté les kiosques à
saucisse traditionnels qui ont quasiment disparu. Les nouveaux
phénomènes sont les «couscous au renne», les falafels locaux, et
le dernier en date, le «sapas», les tapas originaux finlandais. Tout
cela pour dire que le mélange des cultures est un phénomène
très complexe et très riche, mais aussi très créatif et très novateur;
il aboutit à la création d’un «art de vivre» qui ne connaît pas de
frontières.
TUOMO MELASUO est Professeur de recherche sur la
résolution des conflits armés et le rétablissement de la
paix et directeur de recherches à l’Institut de recherche
sur la paix de Tampere, à l’Université de Tampere.
Lettonie - Semaine interculturelle
Prenant place dans neuf villes de Lettonie, une «Semaine interculturelle» a été organisée en novembre 2009 avec le soutien de la
Fondation Anna Lindh, par son Réseau national letton de la société civile. Partant du constat que les données sur la région euroméditerranéenne ne sont pas facilement accessibles pour le grand public, l’objectif principal du projet était d’accroître la compréhension
des gens sur la diversité actuelle des pays de la zone Sud et Est de la Méditerranée. Le programme de la semaine comprenait 24 activités
différentes, telles que des cours de langue, des lectures de poésie, des rencontres avec des chefs religieux ainsi que des discussions
avec les représentants de toute la région euro-méditerranéenne. Environ mille cinq cents personnes ont participé à l’initiative, la
«soirée interculturelle» réunissant 400 personnes dans un café chic à Riga avec des salles de danse, des espaces d’exposition, des
projections de films et une salle pour des entretiens et des discussions informelles. En plus des répercussions sur la sensibilisation
du public, l’événement a également été l’occasion de consolider et de promouvoir le travail du Réseau Anna Lindh en Lettonie.
www.euromedalex.org/networks/latvia
Le Rapport Anna Lindh 2010
VISIONS POUR LA MEDITERRANEE
Réflexions nomades sur le dialogue culturel
BICHARA KHADER
Selon Bichara Khader, les perceptions et les stéréotypes qui existent actuellement parmi les peuples des deux
rives de la Méditerranée sont le résultat de siècles de frictions entre musulmans et occidentaux. Pour Bichara
khader, c’est en comprenant mieux l’intense histoire de la région qu’on parviendra à construire une vnouvelle
vision pour l’avenir. A cet égard, l’auteur affirme que le dialogue interculturel doit jouer un rôle central pour aider
la nouvelle génération à changer le point de vue que les peuples ont sur eux-mêmes et sur les autres.
D’emblée, quelques évidences : la Méditerranée n’est ni barrière,
ni frontière, elle est lien et milieu. Les Arabes l’appellent «la Mer
blanche du Milieu». Elle unit plus qu’elle ne sépare. Mer nourricière
des mémoires fertiles, matrice des identités multiples, berceau des
religions du «Dieu unique», mais tombeau des empires qui ont
prétendu en faire leur «mer éternelle».
Telle est la vocation de la Méditerranée, mais telle est aussi sa
particularité puisque constamment tiraillée entre existence, sens et
puissance. Porteuse de modèles aspirant à l’universel, de synthèses
conjuguant foi et raison, elle a été, depuis l’Antiquité, le lieu de
production d’une pensée inquiète et innovante, alliant sagesse
philosophique, interrogation métaphysique, et art de vivre. C’est
cette vocation de la Méditerranée qui est aujourd’hui menacée
par les «délires identitaires» des uns et les «dérives meurtrières»
des autres. A la confrontation intellectuelle succède l’affrontement
idéologique : jadis entre religions monothéistes et à l’intérieur
des religions, hier entre colonisateurs et colonisés, et aujourd’hui
entre «identité» et «altérité». Autant de polarités traumatisantes
qui expliquent pourquoi le dialogue culturel en Méditerranée est
actuellement sérieusement ébréché, voire rompu. Le constat est
amer et pour moi, homme des deux rives, douloureux.
Les racines des relations historiques en Méditerranée
Pourquoi en est-on arrivé là ? Il est malaisé de situer historiquement
le point d’inflexion, voire de rupture culturelle, parce que cela
suppose un avant et un après. En réalité, quatorze siècles de
frottement permanent entre musulmans et Occidentaux ont
façonné des imaginaires collectifs nourris par des stéréotypes et des
lieux communs et irrigués par des souvenirs douloureux qui puisent
leurs racines dans les conquêtes musulmanes de l’espace européen
entre le VIIe et le XVe siècle, les croisades chrétiennes en Orient entre
1099 et 1290, la colonisation européenne de l’espace arabe aux XIXe
et XXe siècles, la poursuite de la domination occidentale, sous des
formes diverses, allant de l’implantation de l’Etat d’Israël au cœur
du monde arabe en 1948, jusqu’à l’invasion américaine de l’Irak en
2004. Il y a eu à l’évidence, malgré de longues périodes d’apaisement,
des contentieux historiques entre les deux rives de la Méditerranée
qui continuent, jusqu’à nos jours, à hanter les esprits, à modeler les
imaginaires, et à vicier les regards, au point que les événements du
passé acquièrent aujourd’hui une «fonction instrumentale» et agissent
comme «mythes politiques» cristallisant l’hostilité contre l’Autre, voire
la légitimant. La dénonciation par certains musulmans radicaux
de la «nouvelle croisade de l’Occident» contre l’Islam n’est qu’une
des formes de l’instrumentalisation du passé dans des stratégies
d’opposition. De même, la référence à l’immigration clandestine en
Espagne comme «el retorno del moro», ou les propos incendiaires
de certains polémistes occidentaux contre «l’islamisation rampante
de l’Europe», «le péril vert», ou «la violence islamique» ne font que
réactiver les vieux mythes de l’ennemi «essentiel» et «incurable», et
du «mal absolu».
Vivant en Europe depuis plus de quarante ans, j’ai pu constater
combien les opinions publiques demeuraient sous l’emprise des
préjugés concernant les Arabes et les musulmans. J’attribuais cela à
l’ignorance des faits historiques et des réalités sociales, et sans doute
aussi à une certaine conception selon laquelle l’Occident n’avait rien
à apprendre des autres. Venant de Palestine où j’étudiais à l’école cinq
langues, déclamais les poètes arabes et occidentaux à l’âge de 15
ans, apprenais l’histoire de l’Europe et celle du monde arabe, j’étais
consterné par le peu d’intérêt porté, dans les écoles et les universités
européennes, aux problèmes du monde arabe contemporain. Bref,
il y avait de l’ignorance, mais pas de mépris. Le monde arabe n’était
pas perçu comme «une menace» et l’Islam était rarement mis sur
la sellette. Depuis la fin du système bipolaire, avec la chute du Mur
de Berlin le 9 novembre 1989, et surtout depuis les attentats du 11
septembre 2001, j’assiste, attristé et désarmé, aux déchaînements des
passions.
L’impact néfaste sur les relations entre Occident et Islam
L’implosion de l’Union soviétique a enclenché une série
d’élaborations intellectuelles autour de trois idées-forces qui,
rapidement, allaient acquérir le statut de théories. La première
est celle de Francis Fukuyama qui postule qu’avec l’effondrement
du système soviétique rien ne paraît plus interrompre la marche
triomphale de l’Occident démocratique et capitaliste. La deuxième
Le Rapport Anna Lindh 2010
85
L’immigration des Méditerranéens, en particulier issus des rives Sud
et Est, est un élément très important dans l’élaboration de l’image
de la Méditerranée et des relations euro-méditerranéennes dans
les pays nordiques. Là encore, les données de l’enquête montrent
que les Suédois ont plus de contacts avec les gens du Sud que les
autres Européens. Si, dans les années 1960, quelques milliers de
personnes seulement venant de pays de la Méditerranée vivaient
dans le Nord de l’Europe, nous pouvons aujourd’hui parler de
centaines de milliers. Cela est extrêmement important à plusieurs
égards. Ils forment une sorte de pont humain vers la Méditerranée
méridionale et orientale. Une partie d’entre eux sont venus aussi
parce qu’ils se sont mariés avec des Nordiques. Et le nombre de
ces couples transméditerranéens ne cesse de croître de façon
importante. Donc, aujourd’hui, avec la deuxième génération, le
nombre de jeunes Nordiques ayant la moitié de leurs grandsparents de l’autre côté de la Méditerranée est des dizaines de fois
supérieur aux chiffres des années 1970. Nous ne pouvons pas
sous-estimer l’importance de ce type de relations familiales. Elles
rapprochent le monde méditerranéen et la Scandinavie bien plus
que n’importe quel type d’échange officiel ou semi-officiel ou que
n’importe quel programme de dialogue culturel ne pourra jamais le
faire. Selon l’Enquête sociale européenne de 2006, la Finlande et la
Suède sont les pays dont la population a l’attitude la plus positive
envers les migrants étrangers.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
84
dans trois domaines différents : le tourisme, les migrations et les
cultures. Le tourisme de masse des pays nordiques en Méditerranée
a commencé dans les années 1950. Aujourd’hui, plus d’un demisiècle plus tard, le nombre de Nordiques qui passent tous les ans
une quinzaine de jours sous le soleil de la Méditerranée s’élève à
au moins deux millions. La signification de ce phénomène pour
un tel nombre de personnes ayant une expérience directe, mais
restreinte, du Sud n’est pas vraiment connue. Pourtant, il est évident
qu’il a une importance. Et l’on peut présumer que cela rend le
monde méditerranéen plus familier et joue ainsi un rôle positif en
rapprochant ces deux régions. Il a certainement un impact sur la
façon dont les flux migratoires en Méditerranée sont ressentis par
les Nordiques, et il fait la promotion de la cuisine méditerranéenne,
deux éléments importants du dialogue culturel. Pour vraiment
juger de la signification du tourisme nordique en Méditerranée,
nous avons besoin de plus d’études et d’enquêtes. L’enquête Anna
Lindh/Gallup fournit quelques éléments démontrant que les
Suédois voyagent davantage dans les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée que les autres Européens, y compris ceux des pays
côtiers.
Dans leur livre Notre route commence à Bagdad (Saint-Simon, 2003),
William Kristol et Laurence Kaplan écrivent sans détour : «le régime
de Saddam Hussein c’est la quintessence des régimes brutaux du
Proche-Orient; si on ne commençait pas par là, on renoncerait à
changer quoi que ce soit dans la région.» On connait la suite :
l’invasion américaine de 2004 et l’appui de certains pays européens
à cette invasion, comme l’Espagne d’Aznar et l’Angleterre de Blair.
Le dialogue culturel entre les musulmans et les Occidentaux, entre
les Arabes et les Européens, a été la première victime collatérale
des thèses de Fukuyama et de Samuel Huntington. La colère des
musulmans a été telle que les attentats du 11 septembre, commis
par des terroristes fascinés par l’apocalypse, ont été sinon applaudis,
C’est dire la dégradation du climat de confiance et du dialogue
des cultures. Tous les projets échafaudés dans les années 2000
pour retisser le dialogue, renouer le contact, appeler au dialogue
des civilisations, rapprocher les peuples, apaiser les esprits se sont
révélés, jusqu’ici, insuffisants pour endiguer les dérives identitaires,
les replis communautaires et les amalgames insensés.
Le chemin qui mène au dialogue
Faut-il, pour autant, rester les bras croisés ? Non, a répondu
Romano Prodi, avant de quitter son poste. «On ne peut pas laisser
le champ libre aux crispations identitaires et aux peurs réciproques
: la Méditerranée ne doit pas devenir un front où chaque rive se
retranche sur elle-même» se plaisait-il à répéter en s’adressant
au Groupe des Sages pour le Dialogue Culturel en Méditerranée
qu’il venait de mettre en place. Parmi les propositions du Groupe,
figurait la création d’une «grande Fondation» dont l’objectif
serait de lancer des actions concrètes destinées à promouvoir le
dialogue culturel en Méditerranée. La création d’une Fondation, de
préférence située au Sud, répondait à plusieurs souhaits exprimés
par le Groupe des Sages : donner de la visibilité au volet culturel du
Partenariat euro-méditerranéen, accroître le caractère opérationnel
pour rompre avec les discours répétitifs et finalement lassants des
grandes rencontres célébrées à grands frais, mais sans impact réel
sur les opinions publiques, impliquer la rive Sud dans la sélection et
la concrétisation des projets, pour casser l’asymétrie de l’échange
culturel qui a longtemps prévalu dans les relations entre le Nord et
le Sud de la Méditerranée.
C’est cela le sens de la création de la Fondation Anna Lindh dont les
activités polyvalentes ne visent qu’un objectif : changer le regard
sur nous-mêmes et sur les autres. Je reconnais que c’est une tâche
titanesque, qui nécessite du souffle, de la patience et des moyens.
Mais elle est primordiale si on veut en finir avec la culture de la peur
et du ressentiment. Changer le regard du Sud sur lui-même passe par
le pardon généreux et l’oubli assumé, la cicatrisation des blessures
du passé, la libération des rets d’une mémoire instrumentale,
l’utilisation de l’histoire comme réservoir d’enseignements et non
comme une idole qu’on glorifie, et donc, le développement d’une
vision futuro-centrée, qui s’irrigue d’une identité confiante et
d’une culture de l’espérance. Changer le regard du Nord sur lui-
Luxembourg - Fête du dialogue
A l’occasion de la Journée internationale du Travail, la «Grande fête des Cultures et du Dialogue» a attiré des milliers de personnes
venues célébrer la diversité culturelle. L’événement, accueilli au Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, propose de
la musique et des ateliers créatifs, des spectacles, des expositions et un village gastronomique. Des stands d’informations et un
espace dédié aux jeunes artistes en herbe complètent le riche programme d’animations préparé pour cette célébration des temps
nouveaux d’un jour férié de tradition. Grâce à la contribution des nombreuses ONG et associations, les valeurs sociales et de solidarité
font partie intégrante de cette grande fête. La Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg ne veut pas limiter sa fête
populaire du 1er Mai au seul aspect festif et souhaite impliquer davantage le grand public à travers des activités interculturelles.
www.annalindhreport.org/goodpractice/celebratingdialogueday
même passe par une culture de l’humilité et du respect. Il faut une
grande dose d’amnésie historique pour oublier que l’Occident doit
beaucoup aux fécondations des autres cultures, notamment la
culture arabo-musulmane. Il faut une grande dose d’humilité pour
reconnaître que le parcours historique de l’Occident et des Etats qui
le composent n’a jamais été un chemin semé de pétales de roses et
que son parcours a été jalonné de luttes, de conflits, et de violences
dont la barbarie hitlérienne n’a été que le point culminant.
Mais on existe aussi dans le regard des autres. C’est parce que le
Sud méditerranéen, surtout arabe, ne se sent pas reconnu comme
producteur de sens qu’il éprouve un sentiment d’aliénation et de
frustration qui débouche sur le repli et le refus. Lucio Guerrato,
ex-directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh, ne dit pas autre
chose.
L’Occident, surtout européen, existe bel et bien dans le regard des
Arabes et des musulmans : il fascine et rebute à la fois. Il fascine
par ses prouesses économiques et technologiques, ses percées
démocratiques, la sécurité et la protection qu’il offre à ses citoyens
: cet Occident-là s’est insinué dans les cœurs et les esprits arabes.
Mais il rebute par la perception d’un comportement jugé hautain
et arrogant, pas suffisamment à l’écoute, quelquefois indifférent à
la détresse des Arabes, et souvent incohérent dans ses pratiques ou
malhabile dans ses discours. Souvent les Arabes ont le sentiment
que les pays occidentaux, notamment européens, tendent à
projeter leurs phantasmes et leurs peurs sur ses étrangers les plus
proches et les plus intimes, érigeant les différences en barrières
infranchissables.
Dans le but de stimuler la réflexion sur l’échange interculturel parmi les jeunes étudiants, une série d’ateliers et de débats ont eu lieu pendant
cinq mois à Malte avec le soutien de «Projets d’Atelier Culture». Une cinquantaine de jeunes créateurs ont produit des formes écrites de
poésie ou de prose qui ont été transformées en deux installations publiques utilisant des projections et des conseils. L’un des principaux
thèmes de discussion suscités par les œuvres des artistes a été de s’interroger sur ce que le dialogue représente pour les étudiants dans leur
vie quotidienne, puis de transmettre ces réflexions au plus large public sous la forme de poésie ou d’autres types d’écriture. La première
exposition a été lancée à l’occasion de «La Nuit du dialogue euro-méditerranéen», organisée le 22 mai 2008 par la Fondation Anna Lindh
et Réseau qui réunit plus de 3000 organisations de la société civile dans toute la région. Cet événement a été suivi par l’organisation
d’une projection de photos à Birgu et l’installation Norbert Attard «Où êtes-vous?» qui s’est tenue sur la Place de la Liberté à La Valette.
Changer le regard sur soi et sur les autres, c’est une affaire de
générations. C’est passer d’une identité-prison à une identitépasserelle. C’est une tâche rude qui requiert des mobilisations
collectives, des médias responsables, des institutions éducatives
ouvertes sur le monde, des hommes politiques affranchis des
échéances électorales, et des élites intellectuelles qui distribuent
et transmettent le savoir. L’Europe et le monde arabe et musulman
sont comme les chats siamois : inséparables. Plus on cherche à
arracher l’un à l’autre, plus il lui colle à la peau. Peut-on séparer les
rives de la Méditerranée alors qu’elles sont, sans cesse, caressées
par les mêmes vagues ?
www.annalindhreport.org/goodpractice/maltaexhibition
Qu’on soit disciple de Henri Pirenne qui, dans Mahomet et
Malte - Exposition sur le dialogue dans la vie quotidienne
Le Rapport Anna Lindh 2010
Charlemagne voit la résurgence de l’Islam comme une rupture
entre l’Antiquité et le Moyen Age, ou disciple de Maurice Lombard
qui, dans L’Islam dans sa première grandeur présente l’Islam comme
le messager et l’interprète de l’héritage grec, une évidence demeure
: dans l’intimité historique et la connivence intellectuelle, l’Europe
et le monde arabe et musulman s’interpellent, se questionnent,
se posent, s’opposent, comme si l’existence de l’un définissait et
déterminait celle de l’autre. Il n’y a donc pas deux camps retranchés
qui s’affrontent : il y a un seul camp qui peine à définir son identité
multiple.
Je récuse par conséquent la séparation arbitraire et historiquement
fausse entre culture judéo-chrétienne et culture arabo-musulmane.
La frontière n’est pas telle par vocation, écrit Joseph Maila, mais par
création. Si je rappelle cette question de la frontière «inventée» c’est
parce que celle-ci tend à séparer le dedans et le dehors, ce côté-ci
de ce côté-là, le semblable et le différent. Or, au vu des processus
circulatoires en Méditerranée, comment peut-on ériger des
frontières là où il n’y a que mouvement ?
La Fondation Anna Lindh doit contribuer à inventer de nouvelles
modalités d’une connivence méditerranéenne fondée non sur la
notion hégémonique de «Mare nostrum» mais sur celle, beaucoup
plus belle, que j’emprunte à Edgar Morin, de «Mater nostra» qui
renvoie à la référence commune, à l’attachement solidaire et à la
fraternité spontanée.
BICHARA KHADER est Professeur en sciences économiques,
politiques et sociales et Directeur du Centre d’Etudes et de
Recherches sur le Monde Arabe Contemporain à l’Université
Catholique de Louvain, en Belgique
Le Rapport Anna Lindh 2010
87
Toutes ces théories ont eu un effet très néfaste sur les rapports
Islam-Occident et cela pour trois raisons. La première tient au
fait que l’effondrement du modèle soviétique renforce l’idée
selon laquelle l’Amérique, par la singularité de son histoire, s’offre
désormais comme un exemple, voire comme le modèle pour tout le
monde. Bill Clinton est allé jusqu’à parler de «nation indispensable»
(indispensable nation), Hagan a forgé le concept d’«empire
bienveillant» (benevolent empire). Cette vision choque beaucoup
de personnes, y compris les mondes de l’Islam. La deuxième
raison tient à la thèse, de plus en plus brandie, de l’ennemi de
remplacement. Pour Huntington, les nouvelles confrontations
sont culturelles et identitaires et pour lui l’Islam apparaît comme
«l’ennemi de remplacement». Il l’écrit noir sur blanc : «[…] Il y a du
sang aux frontières de l’Islam […] par conséquent, le problème
central pour l’Occident n’est pas le fondamentalisme islamique.
C’est l’Islam.» (Huntington, Odile Jacob, 1996). Quand on sait que le
livre de Huntington a été une des meilleures ventes aux Etats-Unis
et en Europe, on peut saisir l’immensité des dégâts produits sur les
esprits et la brèche qu’il a ouverte dans les relations Islam-Occident.
La troisième raison de l’effet néfaste des théories qui ont fleuri après
la fin du système bipolaire sur les opinions arabes et musulmanes
tient au nouveau dispositif idéologique américain avec des notions
telles que l’exportation des valeurs démocratiques que représentait
le projet du Grand Moyen-Orient.
du moins approuvés par une majorité de personnes sondées dans
de nombreux pays.
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
86
est celle du «choc des civilisations» de Samuel Huntington qui
divise le monde en sept aires civilisationnelles, mais dont les plus
menaçantes pour l’Occident sont l’Islam et la Chine. Quant à la
troisième thèse, prônée par les néoconservateurs américains, elle
découle de la théorie de la Fin de l’Histoire et est appelée tantôt la
«destruction créative» (creative destruction) et tantôt «théorie du
domino démocratique».
ANALYSE
THÉMATIQUE
DES MÉDIAS –
ÉTUDES PAR PAYS
NAOMI SAKR
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
90
Les medias ont été choisis comme cible thématique du premier Rapport Anna Lindh sur les tendances
interculturelles en fonction de la grande importance qu’ils revêtent dans la promotion du dialogue interculturel
et de la diversité culturelle dans la région euro-méditerranéenne. Naomi Sakr, coordinatrice de la section medias,
présente un aperçu du travail dans le secteur des medias aujourd’hui, des politiques éditoriales à la pratique
journalistique et introduit les articles par pays qui abordent des enjeux clé et des pratiques émergeantes positives
dans la couverture médiatique entre les cultures.
Toute analyse écrite de la manière dont les divers voisins de la région
euro-méditerranéenne parlent les uns les autres par le biais de leurs
médias est confrontée à un défi immédiat : si l’on veut aborder le
sujet d’une manière intéressante, on risque d’adopter exactement les
mêmes pratiques que les médias, pratiques qui devraient être l’objetmême de notre étude. La tentation existe, par exemple pour attirer
l’attention du lecteur dès le début, de citer une statistique choquante
du sondage d’opinion que la Fondation Anna Lindh a commandé sur
le type d’images que les gens des deux groupes de pays composant
l’Union pour la Méditerranée voient les uns des autres dans les
médias. Il ressort du sondage que près de quatre cinquièmes des
personnes interrogées dans huit pays européens et les deux tiers
des personnes interrogées dans cinq pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ont été incapables de se rappeler avoir récemment
trouvé quoi que ce soit dans les médias qui ait amélioré leur point
de vue sur les personnes de l’ «autre» groupe. La statistique est
saisissante et justifie sans aucun doute l’examen qui en sera fait dans
le présent article. Mais jusqu’à quel point est-il légitime de mettre en
évidence la dimension négative de cette information ?
Le faire, c’est risquer de perpétuer le cycle de la négativité que la
Fondation Anna Lindh, par son objectif de dialogue interculturel au
sein des pays de l’Union pour la Méditerranée, vise à contrer. Si les
gens sont plus habitués à entendre des nouvelles négatives plutôt
que positives au sujet de leurs homologues d’un autre groupe de
pays de l’Union pour la Méditerranée, il est logique, du point de vue
des médias, de commencer par les informations négatives, parce
qu’elles sont les plus faciles à assimiler, puisqu’elles s’inscrivent dans
un cadre négatif existant. Il est tout aussi logique, du point de vue
des médias, de présenter l’information en termes de «côtés» – ici, le
«côté européen» et le «côté du Sud et de l’Est de la Méditerranée» –
parce que, comme pour les statistiques saisissantes, toute référence
à des adversaires dans une histoire donne une impulsion au récit
qui pousse le lecteur à lire. Pour mettre fin à de telles pratiques
susceptibles de diviser, nous devons prendre du recul par rapport
aux statistiques et aux habitudes pour avoir une vue plus holistique
de la manière dont les médias sont utilisés pour représenter les
habitants des régions euro-méditerranéennes les uns par rapport
aux autres. C’est ce que cette partie du Rapport Anna Lindh 2010,
Le Rapport Anna Lindh 2010
avec ses chapitres par pays sur l’ouverture des médias au dialogue
interculturel et la mise en lumière des initiatives prometteuses, vise
à fournir.
Chevauchements culturels et niveaux multiples d’analyse
L’une des caractéristiques importantes de l’Union pour la
Méditerranée, qui forme une toile de fond indispensable à toute
étude du traitement médiatique des questions interculturelles
dans la région euro-méditerranéenne, est sa longue histoire de
migrations et, par conséquent, de chevauchements dans les
cultures et les religions. Ce phénomène rend caduque toute
notion de groupes culturels distincts entre Européens et habitants
du Sud et de l’Est de la Méditerranée, même si leur statut en tant
qu’entités politiques peut être différencié de façon relativement
claire. Dans une étude récente menée dans cinq pays et portant
sur la manière dont l’Europe est représentée dans les médias des
pays «à majorité musulmane» et comment les pays musulmans et
l’islam sont représentés dans les médias européens, un chercheur
de l’Université d’Oxford a conclu que les termes «européen»
et «majorité musulmane» étaient inappropriés pour la France,
l’Allemagne, la Bosnie-Herzégovine, l’Egypte et la Turquie. Il a
suggéré qu’il serait plus adéquat de les décrire comme «deux
pays de l’Union européenne avec des populations musulmanes
minoritaires, deux pays à majorité musulmane et un pays européen
avec une importante communauté musulmane» (Abou-ElFadl, 2009). Aujourd’hui, après un demi-siècle d’immigration en
Allemagne à partir de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, de la Grèce,
de la Turquie, de l’ex-Yougoslavie, du Maroc et d’ailleurs (Nötzold et
Dilli, 2009), les immigrés et leurs descendants – dont beaucoup ont
la nationalité allemande – représentent quelque vingt pour cent de
la population allemande. En France, où la collecte de données sur
les origines ethniques a toujours été subordonnée à une politique
d’assimilation, la population n’est pas moins diverse. Déjà, dans
le milieu des années 70, Mosaïque, un programme pionnier de
télévision pour les téléspectateurs français d’origines diverses, a attiré
un public d’environ 4,5 millions de personnes (Frachon et Sassoon,
2008). Comme le sondage Anna Lindh/Gallup l’a révélé, plus de la
moitié des personnes interrogées en Turquie, au Maroc et au Liban
Évaluation du potentiel de divertissement des médias
Les pratiques éditoriales varient évidemment selon les différents
types de médias, de la radiodiffusion et de la presse aux films, et
de l’information et de l’actualité aux divertissements. Ces dernières
années, un certain nombre d’études ont attiré l’attention sur
le potentiel des formats autres que les actualités ainsi que des
divertissements comme les drames télévisés ou les longs métrages
pour accroître la compréhension interculturelle, en raison de
leur capacité à explorer des questions de fond et des histoires
personnelles de façon plus intime (Observatoire européen des
phénomènes racistes et xénophobes, 2002). Cette suggestion
semble convaincante, si l’on se base, par exemple, sur les articles
de ce Rapport sur la Grèce et l’Allemagne qui citent des exemples
de fictions télévisées qui reflètent des questions de diversité
culturelle comme les migrations, les mariages mixtes et la religion.
D’un autre côté, il y a clairement des limites à l’impact actuel des
divertissements, si l’on considère les conclusions du sondage
Anna Lindh/Gallup comme un bon indicateur. La minorité des
répondants qui a déclaré qu’un élément des médias avait amélioré
sa perception de l’autre groupe de pays (pas en tant qu’immigrés,
mais dans leur pays d’origine) a ensuite été interrogée sur la source
grâce à laquelle elle avait reçu l’image positive. Les sources les plus
citées par cette minorité sont les nouvelles et les informations à la
télévision ou dans la presse écrite. Les chiffres pour la télévision
étaient respectivement de 58% et 55% pour les personnes vivant en
Europe et dans le Sud et l’Est de la Méditerranée et, pour la presse
écrite, de, respectivement, 27% et 12%. Pour les documentaires,
les chiffres correspondants étaient de 20% et 13%. Pour les
longs métrages, cependant, ces ratios étaient inversés : 20% des
personnes vivant en Egypte, au Liban, au Maroc, en Syrie et en
Turquie ont cité les films comme une source de perception positive
des personnes vivant dans les pays européens, alors que seulement
9% des personnes interrogées en Europe se sont référées au film
comme un vecteur d’image positive des personnes vivant dans le
Sud et l’Est de la Méditerranée.
En attendant une enquête plus approfondie sur les raisons de
ce constat, quelques pistes peuvent être tirées de la recherche
existante. Une possibilité est que les usagers des médias trouvent
juste autant de représentations négatives et insatisfaisantes dans les
médias de divertissement que dans les nouvelles et les actualités. Les
films traitant équitablement des problèmes de l’incompréhension
mutuelle entre les différentes communautés dans l’Union pour
la Méditerranée ou exorcisant le souvenir amer d’une injustice
historique sont rares, notamment parce que le jugement quant à
«l’impartialité» d’un film dépend en définitive des prédispositions
de celui qui le regarde et de la façon dont il interprète les détails
du récit et l’incarnation des personnages. Une personne qui n’a
pas connu de discrimination ou de marginalisation particulières
peut trouver un film favorable et progressiste, mais une victime
verra les nuances qui peuvent sembler perpétuer un sentiment
d’inégalité. Les preuves suggèrent que, même sur le petit écran, des
représentations fictives apparemment positives des minorités dans
la société peuvent créer un mécontentement parmi les groupes que
Prix du journalisme Anna Lindh
Ce prix a été créé en 2006 par la Fondation Anna Lindh et la Fédération internationale des journalistes. Il est le plus prestigieux prix de la région
en ce qui concerne les rapports entre les cultures et les questions de diversité culturelle. Ce prix a été conçu comme une réponse aux défis
auxquels les journalistes spécialisés dans ce domaine sont confrontés pour rendre compte de la transformation rapide qui s’opère dans
toute la région, où les sociétés largement homogènes ont fait place à des communautés multiculturelles et multireligieuses dynamiques,
ainsi que des conflits et des guerres de plus en plus complexes. Le jury du prix est composé d’experts des médias internationaux, d’anciens
présidents, dont des personnalités de Méditerranée renommées, notamment Amin Maalouf et Edgar Morin. Les lauréats des prix
annuels sont invités à travailler à titre d’ambassadeurs pour le dialogue culturel à travers des événements organisés dans les 43 Réseaux
nationaux Anna Lindh de la société civile . Les partenaires de cette initiative sont notamment la plate-forme audiovisuelle COPEAM,
la Commission européenne, l’Organisation des Nations Unies, l’Alliance des civilisations et la Fondation Méditerranéenne de Monaco.
www.euromedalex.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
91
Médias et perceptions interculturelles dans la
région euro-méditerranéenne
ont dit qu’ils avaient des amis ou des parents vivant en Europe.
Pourtant, l’exemple allemand montre également que l’immigration
est plus diversifiée que les flux à travers la mer Méditerranée. Si,
donc, nous voulons évaluer l’ouverture des médias au dialogue
interculturel, de multiples volets du contenu des médias doivent
être examinés. D’une part il existe un traitement médiatique des
personnes qui traversent les frontières en quête de travail et de
sécurité, et, sur ce point, il y a beaucoup à dire, tant sur l’image qui
est donnée d’eux dans le pays qu’ils quittent que sur celle qui est
montrée dans le pays où ils arrivent. Ainsi, la couverture médiatique
britannique des communautés polonaises au Royaume-Uni ou la
couverture médiatique suédoise des Bosniaques en Suède (et
vice versa, en termes de couverture médiatique polonaise ou
bosnienne de ces mêmes communautés) est aussi pertinente
que la couverture médiatique libanaise des Syriens au Liban ou
la couverture médiatique marocaine des expatriés marocains en
Allemagne ou en France. Sur un autre plan, se pose la question de
l’espace disponible, pour les groupes ethniques minoritaires de
différentes parties de l’Union pour la Méditerranée, afin de créer
et de profiter de leurs propres médias, et la question de savoir s’ils
regardent vers l’intérieur ou vers l’extérieur. À un troisième niveau,
on peut s’interroger sur la façon dont les différentes populations et
régions de l’Union pour la Méditerranée sont représentées les unes
par rapport aux autres. Sommes-nous seulement informés sur nos
partenaires de l’Union pour la Méditerranée quand ils sont touchés
par des crises, et, si oui, est-ce pour cela que si peu de répondants
du sondage Anna Lindh/Gallup se sont rappelés avoir trouvé, dans
les médias, des sujets qui leur ont laissé une impression favorable
sur les personnes du groupe des «autres» pays ? Des questions
comme celles-ci sont abordées dans les études par pays qui suivent.
Le but du présent chapitre est d’étudier le terrain pour analyser les
aspects des pratiques des médias réputés être les plus et les moins
propices à la conduite efficace du dialogue interculturel à travers
l’Union pour la Méditerranée.
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
VUE D’ENSEMBLE
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
92
www.journalismnetwork.net
les scénaristes et les producteurs tentent de dépeindre (Dhoest,
2009). Plusieurs chercheurs attribuent cette insatisfaction à une
tendance à la symbolique dans ces productions, due au fait qu’en
l’absence d’une plus grande diversité des rôles et des fonctions,
un seul personnage doit «porter le fardeau de la représentation»
au nom d’un groupe entier. Pour des raisons similaires, peut-être,
des jugements divers sont apparus sur l’aptitude de la télé-réalité
à lutter contre les préjugés. La télé-réalité, ou le divertissement
factuel populaire capable de transformer instantanément des nonprofessionnels en célébrités, a décollé dans les années 2000, lorsque
des chaînes de télévision du Nord et du Sud de la Méditerranée ont
acheté des formats de spectacles d’expériences sociales comme
Big Brother (Loft Story en France) et des concours de chant comme
Fame Academy (Star Academy en France). Etant donné l’intérêt
des chaînes commerciales à accroître leurs recettes publicitaires
en puisant dans de nouveaux publics (Tsagarousianou, 1999), les
formats de télé-réalité ont donné aux producteurs une occasion
de réunir à l’écran des types de téléspectateurs de composantes
ethniques et culturelles de plus en plus larges, sans avoir à chercher
des artistes interprètes professionnels qualifiés issus des groupes
ethniques concernés. La tendance était si marquée qu’en 2005,
Trevor Phillips, alors président de la Commission britannique
pour l’égalité raciale, a déclaré que la télé-réalité avait offert à de
nombreux Britanniques l’occasion de «rencontrer des gens d’autres
groupes ethniques d’une manière dont ils ne le feraient jamais dans
leur propre vie quotidienne». Cependant, tout le monde n’était
pas d’accord,. Les réponses du public tant de Big Brother que de
sa version française, Loft Story, pouvaient tout autant réfuter la
thèse de Phillips selon laquelle le programme avait réussi à faire
disparaître les stéréotypes (Fayard, 2003).
d’autres termes, il ne s’agit pas d’essayer de renverser les stéréotypes
pour créer des images positives, mais plutôt de créer une multitude
d’images et de révéler les pratiques qui intègrent certaines
représentations et excluent les autres. Il semble y avoir, ici, un
argument pour repenser la façon de promouvoir la communication
interculturelle à travers la fiction, avec, comme éléments clés,
l’éducation aux médias du côté du public et l’auto-questionnement
du côté des producteurs. Par exemple, les interviews, dans les
médias, pourraient davantage demander aux réalisateurs ou aux
directeurs de chaînes de télévision de s’expliquer sur leurs choix de
récits et sur leurs décisions de casting. Il s’agit d’une alternative au
fait de leur demander de produire des divertissements selon une
sorte de recette interculturelle, grâce à laquelle le public comprend
plus rapidement. Les spectateurs n’apprécient généralement pas
la propagande ou la didactique, ils veulent des divertissements
véritablement créatifs. Dans le même temps, plus leur situation
immédiate est difficile, plus ils comptent sur les divertissements
pour échapper provisoirement à la réalité de la vie quotidienne.
Ce constat a été établi à partir d’une série télévisée en dix parties
faite par et pour les Palestiniens en 2008, avec un financement de
l’Allemagne et de l’Union européenne, sous le nom Matabb (qui
signifie dos d’âne). Calquée sur une combinaison de feuilletons
populaires turcs et allemands, mais produite avec une fraction de
leur budget, Matabb a été saluée par les critiques en Europe, qui ont
vu dans la série une fenêtre ouverte sur le monde des Palestiniens
vivant sous occupation israélienne. Mais ils ont aussi noté que les
téléspectateurs européens auraient besoin de la connaissance
locale de la Cisjordanie pour comprendre les plaisanteries, tandis
que d’autres prédisaient que le public local palestinien, qui fait face
aux problèmes sans fin représentés dans Matabb, ne choisirait pas
de regarder ces problèmes reproduits à l’écran (Frenkel, 2008).
De la même façon, comme il est souligné dans le chapitre de ce
rapport sur l’Allemagne, les éloges sur la série humoristique primée
Türkish für Anfänger (Le Turc pour débutants), pour son traitement
du conflit dans un foyer mixte, ont été contrebalancées par les
critiques portant sur le fait qu’elle avait effectivement renforcé
les stéréotypes. Pour trouver une réponse au problème de la
symbolique dans la représentation des minorités et des groupes
marginalisés, de nombreux spécialistes des questions de genre,
de classe et d’origine ethnique dans les médias se tournent vers
le théoricien culturel d’origine jamaïcaine Stuart Hall. Il conseille
d’occuper le terrain qui a été «saturé par une représentation fixe et
fermée» dans le but d’ «ouvrir les stéréotypes de telle sorte qu’ils
deviennent inhabitables pour très longtemps» (Hall, 1997). En
De sympathiques critiques de Matabb ont fait part d’un autre défi
fondamental qui se pose à toute tentative de communication
interculturelle à travers la fiction et la comédie. Ce défi, connu
sous le nom de «discount culturel», réside dans le fait que les
téléspectateurs, au sein d’une communauté spécifique, ont en
commun des histoires, des croyances, un humour, un environnement
physique, etc. Ainsi, des programmes réalisés du point de vue
d’autres communautés avec d’autres blocs de connaissances
partagées ont beaucoup moins d’intérêt pour eux, surtout lorsque
s’y ajoute une barrière linguistique à surmonter. C’est précisément
ce phénomène qui donne un de ses plus grands avantages
concurrentiels aux films d’Hollywood et à l’industrie de la télévision.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Pour surmonter ces restrictions, les cinéastes, dans les pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée, ont la possibilité de demander
le parrainage européen pour faire des films sur les questions
sociales. Mais ceux qui prennent cette option en arrivent, après
des pressions subtiles, à modifier leur scénario et leurs convictions
afin de satisfaire les goûts et les préjugés européens, ce qui limite
le film à la distribution européenne et empêche les cinéastes de
réinvestir avec des bénéfices auto-produits (Menicucci, 2005 ). En
Cohésion de la nation et culture : médias d’information
et construction de la nation
En vertu des normes de professionnalisme journalistique
développées dans certaines parties de l’Europe et des EtatsUnis, la mort et les blessures font la une des nouvelles. Il y a
donc une raison structurelle à ce que les reportages sur les
guerres et les conflits violents voyagent plus rapidement sur de
longues distances dans l’Union pour la Méditerranée que les
autres types de nouvelles, bien que les autres types de nouvelles
soient susceptibles de modifier fondamentalement le socle de
connaissances auquel les utilisateurs des médias se réfèrent
lorsqu’ils essaient de donner un sens à des conflits sans avoir
d’expérience de première main ou historique (Sakr, 2008). On
a beaucoup écrit sur les modes de couverture des conflits qui
classent les victimes en fonction de leur relation avec l’auditoire
du journaliste, ou offrent des explications simplistes, sousdocumentées comme celle qui se réfère à «de vieilles haines»
sans examiner les inégalités contemporaines tangibles. Il existe
également une riche littérature sur «le journalisme de paix» qui
peut encadrer les conflits de façon à aider à le transformer et à le
résoudre (Lynch et McGoldrick, 2005). On a moins parlé de la façon
dont les médias ont toujours été impliqués dans les processus de
construction des nations dans la plupart des régions de l’Union
pour la Méditerranée, de sorte que la communauté nationale
imaginée reste ancrée dans les pratiques des médias, malgré les
mouvements de population à travers les frontières et en dépit de
l’augmentation des espaces médiatiques transnationaux grâce à
la télévision par satellite et à l’Internet. En tant que cadre pour la
participation politique et véhicule pour la pratique démocratique,
l’Etat peut offrir des mécanismes pratiques à ses communautés
culturelles constitutives pour favoriser la compréhension et la
Mécanisme de réponse rapide des médias
Dans le cadre d’une stratégie commune pour répondre aux crises interculturelles dans la région méditerranéenne, la Fondation Anna
Lindh, la Commission européenne et l’Alliance des Civilisations des Nations Unies ont élaboré un programme visant à soutenir le travail
des journalistes sur les sujets interculturels. L’une des principales propositions à cet égard a été de fournir aux professionnels des
médias travaillant dans la région méditerranéenne un accès rapide, libre et direct à certains des principaux analystes, universitaires et
commentateurs du monde entier. Cet accès est rendu possible par la promotion des ressources en ligne ainsi que par l’organisation de
forums «de réponses rapides» avec des journalistes, des experts universitaires et des dirigeants de la société civile, comme cela a été le
cas du «Forum des médias de Londres» organisé à la suite du déclenchement de la guerre de Gaza. Grâce à cette stratégie commune,
la Fondation, la Commission et l’Alliance contribuent à faciliter les projets de reportages conjoints entre les journalistes des deux
rives de la Méditerranée en vue de traiter des questions d’intérêt commun y compris les migrations, la mondialisation et la culture.
www.globalexpertfinder.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
93
Réunissant des journalistes et des rédacteurs en chef des deux rives de la Méditerranée, le Groupe de travail des médias euro-méditerranéens
est un réseau de professionnels des médias impliqués dans l’analyse des enjeux du secteur des médias, dans le développement d’initiatives
conjointes et dans la formulation de recommandations politiques pour les décideurs. L’initiative a débuté en septembre 2005, près de
la mer Morte en Jordanie dans le cadre de la conférence «L’Euro-Méditerranée et les médias» de la Commission européenne qui vise à
donner une voix aux journalistes engagés dans une coopération régionale. Depuis lors, la participation a augmenté, atteignant plus de
500 professionnels des médias, et a abouti à un large éventail de manifestations sur des questions diverses, y compris la couverture des
conflits, la liberté de la presse, les reportages sur le terrorisme, les médias et les migrations. Dans le cadre de ce réseau régional, un «groupe
de travail» de journalistes a été sollicité pour donner des avis sur les développements politiques dans le cadre du Partenariat euroméditerranéen, pour conseiller la Commission, et pour formuler des recommandations dans des forums liés aux relations interculturelles.
d’autres termes, l’image des personnes que le public, en Europe,
voit dans des films «arabes» pourrait bien être celle qui a été conçue
sous l’influence européenne. Paradise Now (2005, dir. Hany AbuAssad), un film réalisé par un Palestinien qui a été nominé aux
Oscars en 2006, était une co-production palestinienne, israélienne,
française, allemande et néerlandaise. Caramel (2007, dir. Nadine
Labaki, titre arabe Soukkar Banat), une co-production libanofrançaise annoncée en Europe comme contrecarrant les préjugés
en ce qu’elle représentait une tranche paisible de la vie quotidienne
libanaise, a été diffusé en France pendant la guerre entre Israël et le
Hezbollah qui a provoqué des pertes massives et des destructions
au Liban en juillet 2006.
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
Groupe de travail des médias euro-méditerranéens
Parce que les États-Unis ont le plus grand marché intérieur au
monde, d’importants bénéfices peuvent être faits dans le pays par
des films à gros budget avant que le «discount culturel» n’entre en
jeu (Hoskins, McFadyen et Finn, 2004). De la même façon, les petits
pays font face à des obstacles majeurs pour le financement de films
ou de séries télévisées pourtant assez remarquables pour être vus
dans des régions très diverses de l’Union pour la Méditerranée.
D’autre part, comme le montrent les statistiques du sondage
Anna Lindh/Gallup sur le cinéma comme source d’impressions
positives, les habitants de la région ne font pas face aux obstacles
de la même façon : beaucoup plus de personnes vivant dans les
pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée semblaient avoir reçu
une impression positive de leurs homologues en Europe à travers
le cinéma que l’inverse. Ce déséquilibre indique qu’il doit y avoir
des obstacles supplémentaires qui freinent la circulation des films
du sud vers le nord. Un facteur possible pourrait être les lourdes
contraintes qui pèsent sur la distribution dont font l’expérience les
réalisateurs de films et de programmes de télévision, même dans
des pays du Sud et de l’Est méditerranéen dont le marché intérieur
est assez vaste pour encourager l’investissement dans les films et
où, en conséquence, l’exportation des films est plus probable. La
production indépendante de films est en plein essor en Turquie et les
cinéastes turcs ont remporté des prix prestigieux à l’étranger. Mais
chez eux ils se plaignent du nombre limité de projections, tandis
que leur succès en Europe semble être principalement attribuable
au bouche-à-oreille parmi les résidents de langue turque en
Europe. Il reste à voir si d’autres Européens développeront un goût
pour le cinéma turc. En Egypte, un pays très peuplé, dont l’industrie
du cinéma a une histoire à succès, de multiples couches de censure
directe et indirecte garantissent actuellement que seulement une
fraction de la créativité du pays se reflète sur l’écran (Farid, 2006).
Il existe en particulier des restrictions, en Egypte et ailleurs, sur la
représentation des divisions sociales dans la fiction, de peur que
cette représentation aggrave une discorde plutôt que de stimuler
un débat public rationnel et bien intentionné qui puisse finalement
aboutir à un consensus.
En Europe, après la Seconde Guerre mondiale, le modèle de la
radiodiffusion de service public a en partie été élaboré pour
forger un sentiment d’unité nationale. Dans de nombreux pays
les radiodiffuseurs d’Etat ont conservé une position dominante
pendant plusieurs décennies. Dans les pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée, les médias audiovisuels ont été déployés
pour mobiliser et unifier des nations après leur accession à
l’indépendance. Aujourd’hui, l’héritage de ces approches est
parfois considéré comme un problème, l’identification culturelle
nationale ne pouvant être «pensée en dehors du carcan [national]»..
Une recherche faite à partir de sources non-européennes sur les
communautés qui, en Europe, consomment des médias révèle
qu’elles développent de nouvelles pratiques plurielles d’utilisation
des médias – des pratiques qui «les font participer à une mobilité
imaginative et intellectuelle à travers les espaces culturels»
(Robins, 2009). Pourtant, parfois, l’imagination omniprésente
et homogénéisante de la communauté nationale crée une
perception initiée par les groupes de la diaspora qui consomment
les médias dans leur propre langue et qui prend la forme d’un
«nationalisme de longue distance», d’une «communauté unie,
connectée dans un espace culturel unifié» (Robins, 2009). Les
commentateurs qui appellent à une reconnaissance alternative
– à savoir que les groupes de la diaspora «rassemblent des
éléments des cultures de l’ancienne et de la nouvelle patrie
ainsi que des perceptions culturelles propres» (Browne, 2005)
– trouvent un écho sur le côté Sud de la Méditerranée auprès
de ceux qui sont impatients de voir un mouvement intellectuel
se démarquer d’une situation «où il y a toujours eu un équilibre
social qui lissait systématiquement toutes les différences, au
prétexte de la cohésion après l’indépendance», et aller vers
une situation où parler de «pluralisme et représentativité» est
traduit en propositions concrètes (Naji, 2009). Inévitablement,
l’ouverture au pluralisme et au dialogue à travers les médias
d’information est influencée, tout comme elle l’est dans le cas des
médias de divertissement, par l’expérience concrète de ceux qui
Le Rapport Anna Lindh 2010
Construire sur des pratiques positives : des indicateurs
pour de futures actions
Plusieurs perspectives d’action se dégagent des facteurs mentionnés
ci-dessus. Si, par exemple, on part du principe que la vraie diversité
interculturelle dans le contenu et le recrutement des médias diffère
intrinsèquement du simple geste symbolique, il devient alors
impératif de faire pression en faveur de la multiplication d’images
et de représentations ouvertes qui reconnaissent le même degré
de complexité aux identités individuelles et communes des autres
qu’à celle que les producteurs médiatiques revendiquent comme
la leur. S’il est reconnu que le phénomène du «discount culturel»
et de l’inégalité des flux de médias donnent à des médias produits
localement un avantage sur les importations en terme de capacité
à communiquer efficacement sur la diversité culturelle, ceci fait
porter une énorme responsabilité sur les médias locaux et leur
devoir d’aborder des sujets pertinents pour la coexistence dans
l’espace euro-méditerranéen. Cela signifie également qu’ils doivent
sauvegarder le nombre et la qualité des reportages étrangers
et empêcher qu’ils soient considérablement réduits à cause
des compressions budgétaires. Cela signifie établir des critères
d’intégration dans le recrutement et la couverture médiatique
et mesurer régulièrement leur mise en oeuvre, sur la base du «ce
qui est mesuré est fait». Cela signifie aussi faire en sorte que les
professionnels des médias d’information et de divertissement
soient invités à chaque étape à réfléchir de manière critique sur
ce qu’ils font. Selon la publication l’«Agenda pour une pratique
responsable des médias», l’acquisition d’une «compétence [de
communication] interculturelle» exige que tous les professionnels
des médias soient aidés pour acquérir une «compréhension critique
réflexive sur les structures de croyance et les sentiments qu’ils
intègrent dans leurs relations avec la diversité ethnique», ainsi que
la possibilité de «réfléchir sur la pertinence de leur propre répertoire
comportemental» (Downing et Mari, 2005). Ce n’est pas un exercice
abstrait. Il peut être concrétisé par le biais d’initiatives telles que le
partenariat entre des journalistes de médias minoritaires et grand
public, ou par le Mécanisme Média de Réponse Rapide (voir les
«Bonnes pratiques des médias»), et soumis au regard du public
par des séances de questions-réponses avec des directeurs et des
rédacteurs en chef. A l’ère du numérique, on ne manque pas de
canaux de communication pour partager une telle réflexion et un
tel examen minutieux.
Quant à savoir qui est bien placé pour promouvoir le dialogue
interculturel à travers les médias, on remarque que les actions
réussies ont été entreprises tant au niveau «micro» des individus
et des petits groupes qu’au niveau «macro» des organismes
intergouvernementaux. On trouve une liste d’exemples
recommandés dans une publication de la Commission européenne
de 2009. Intitulée Prendre le pouls de la diversité des médias,
l’étude a couvert les 27 pays de l’Union européenne plus l’Islande,
le Liechtenstein et la Norvège. Elle a recensé 472 propositions
pertinentes d’exemples de projets qui visent à promouvoir
la diversité et l’égalité à travers les médias. Après en avoir
présélectionné 150, l’équipe de recherche a finalement choisi 30
projets lancés par les médias, les organisations de la société civile
et les gouvernements, dans des domaines tels que la formation,
le recrutement, l’encadrement, la sensibilisation, l’évaluation, la
production de contenu et le refus de la désinformation. Plusieurs
caractéristiques de cet exercice sont pertinentes pour l’action
en faveur du dialogue interculturel. La première est que, même
si les initiatives médiatiques faisaient référence à de nombreux
aspects de la diversité, y compris l’âge, le sexe et le handicap,
les propositions les plus nombreuses avaient trait aux origines
nationales, ethniques ou «raciales» et à la diversité des religions et
des convictions (Commission européenne, Unité G4, 2009). L’autre
caractéristique est que les 30 initiatives ont été choisies en partie
parce que leurs méthodes ont été jugées faciles à imiter. Toutefois, il
reste beaucoup de champ pour une action non axée sur les projets.
Elle correspond à la nécessaire prise de conscience et à l’utilisation
active des instruments existants, sous la forme d’institutions
transfrontalières et de traités – une prise de conscience et un
engagement dont les professionnels des médias devraient disposer
(peut-être par les réseaux de la Fondation Anna Lindh) pour en
faire la promotion. Parmi les institutions de médias existants qui
couvrent la Méditerranée, on peut citer la Conférence Permanente
de l’Audiovisuel Méditerranéen (COPEAM). Créée au Caire en 1996,
elle regroupe les grands groupes audiovisuels de service public
comme l’Union européenne de radio-télévision et l’Union de
radio-télévision des Etats arabes, et vise à fournir une plateforme
de coopération à tous les intervenants des médias audiovisuels,
publics et privés. La Charte de Séville COPEAM de mai 2005, signée à
ce jour par 26 diffuseurs euro-méditerranéens, a appelé à considérer
le «nouveau modèle multiethnique et multiculturel» induit par les
migrations dans les sociétés méditerranéennes comme un «élément
fondamental du développement social et culturel». Ces diffuseurs
ont appelé les médias à étendre les connaissances d’une manière
novatrice, «sans stéréotypes», à privilégier «la programmation
ouverte et pluraliste à la télévision» et à accorder une attention
particulière aux «sujets se rapportant au dialogue interculturel et
au partenariat euro-méditerranéen» grâce à de nouveaux genres
de programmes et à des outils technologiques qui conviennent aux
jeunes et à «la nouvelle génération». Les principes exprimés dans
la Charte ont été mis en application dans des projets comme le
Festival «Plural Plus» ( Alliance des Civilisations des Nations Unies),
qui invite des responsables médiatiques de moins de 25 ans à
envoyer des vidéos sur des questions communautaires touchant à
la migration, à l’intégration, à l’identité, à la diversité, aux droits de
l’Homme et à la cohésion sociale. Mais les engagements pris dans la
Charte de Séville sont fondés sur le volontarisme de chacun et il n’y
a aucun mécanisme coercitif pour leur application. Cela signifie qu’il
est possible, pour les publics des pays représentés dans la COPEAM,
de rappeler aux journalistes leurs promesses, comme ce fut le cas,
en Espagne, lorsque les critiques de la Loi Générale de mars 2010
sur la Communication Audiovisuelle ont souligné les contradictions
avec les engagements pris au sein de la COPEAM.
La Convention UNESCO sur la Diversité Culturelle
D’autres modalités de suivi des engagements existants à l’égard du
dialogue interculturel dans les médias sont prévues par la Convention
UNESCO sur la Diversité Culturelle de 2005. Dans son titre complet,
la convention vise à la protection et à la promotion de la diversité
des expressions culturelles; ses objectifs et principes directeurs
visent notamment à encourager le «dialogue entre les cultures en
vue d’assurer des échanges culturels plus larges et équilibrés dans
le monde», et de favoriser «l’interculturalité afin de développer
l’interaction culturelle dans l’esprit de bâtir des passerelles entre
les peuples». La Convention est un traité international, qui est
juridiquement contraignant pour les pays qui l’ont ratifiée ou qui y
ont adhéré. Il y a donc des mesures à prendre à l’échelle nationale
non seulement dans des pays comme la Turquie, le Liban et le Maroc
qui n’ont pas encore signé ou ratifié la Convention, mais aussi dans
l’ensemble de l’Union pour la Méditerranée, afin de s’assurer que ses
objectifs sont largement diffusés et tenus.
De même, les 47 membres du Conseil de l’Europe ont développé
une politique qui considère le dialogue interculturel comme
un moyen de construire une «société européenne dynamique
et ouverte, sans discrimination». Elle recommande que les
compétences interculturelles soient enseignées et apprises, que des
espaces pour le dialogue interculturel soient créés et développés,
et que le dialogue interculturel soit porté au niveau international
(Conseil de l’Europe, 2008). Le Rapport Anna Lindh 2010, spécialisé
dans l’ouverture des médias au dialogue interculturel, aspire aux
mêmes objectifs.
NAOMI SAKR est Professeur de politique des medias et
directrice du centre des médias arabes, Université de
Westminster, Royaume Uni
Le Rapport Anna Lindh 2010
95
y participent. Le dialogue interculturel n’est guère susceptible
d’apparaître comme une priorité immédiate pour les personnes
en état de siège ou victimes d’attaques physiques. Les médias
ne fabriquent pas les événements; dans les situations de conflits
violents et d’insécurité, les secours et la résolution des problèmes
sont de la responsabilité des politiciens et des militaires, pas des
médias. On peut raisonnablement attendre des professionnels
des médias qu’ils rapportent les faits fidèlement et de manière
constructive, mais, finalement, ils ne peuvent rapporter que ce qui
se passe. À la lumière des agressions commises à l’encontre des
Palestiniens, des Afghans, des Irakiens et des Libanais, il n’est pas
surprenant que l’analyse de trois mois de contenu de trois séries
différentes de talk-shows politiques, sur une chaîne de nouvelles
panarabe appartenant à un entrepreneur pro-américain d’Arabie
Saoudite, ne révèle presque aucune image positive des Etats-Unis
ou des politiques européennes (Hroub, 2009). Les rares exceptions
sont un programme qui mentionnait des prêts au Liban et un
autre consacré à un entretien avec Ahmed Aboutaleb, un citoyen
néerlandais d’origine marocaine et premier maire musulman de
Rotterdam, qui venait d’être nommé secrétaire d’Etat au ministère
néerlandais des Affaires sociales et de l’Emploi. Sachant que les
populations qui vivent au milieu des conflits et de l’insécurité sont
obligées de s’appuyer davantage sur les médias d’information
que celles qui en sont préservées, il y a un déséquilibre structurel
dans les possibilités d’accroître la compréhension interculturelle
à travers les médias d’information, en ce sens que toutes les
parties prenantes du dialogue souhaité ne partagent pas le même
appétit pour les nouvelles. Ceci crée un cycle (souligné dans le
chapitre de ce Rapport consacré au Royaume-Uni) dans lequel
le manque d’intérêt du public dissuade les rédacteurs en chef
des pays politiquement stables de commander la collecte des
nouvelles des pays instables. Le déséquilibre est encore aggravé
par le fait que les collecteurs de nouvelles ou metteurs en scène de
documentaires de Méditerranée méridionale et orientale font face
à plus de restrictions à l’entrée de l’Europe que leurs homologues
européens voyageant dans la direction opposée.
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
94
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
confiance mutuelles. Dans son travail sur le multiculturalisme,
Bhikhu Parekh identifie la confiance comme une clé du dialogue,
parce que le fait de s’engager réciproquement à s’auto-questionner
et à travailler ensemble sur un pied d’égalité est nécessaire pour
modifier le contexte d’un conflit interculturel, et le désamorcer
(Parekh, 2006). Il apparaît dans l’analyse de ces pays de l’Union pour
la Méditerranée où la production et la consommation des médias
sont alignées sur les divisions ethniques dans la société, que les
médias nationaux interculturels pourraient offrir des plateformes
plus efficaces que celles qui existent actuellement pour instaurer
la confiance entre communautés et le dialogue interculturel. En
revanche, les médias nationaux de certains autres pays de l’Union
pour la Méditerranée sont utilisés pour diffuser des versions
exclusives et homogénéisantes de l’identité nationale. Le risque
est alors de «pathologiser l’hétérogénéité comme une condition»
et de présenter le changement comme «un héritage subverti»
(Georgiou, 2005). Là où les médias sont complices de l’«invention
de la tradition», par exemple dans le traitement rituel des discours
des dirigeants de la nation ou de grands événements sportifs, ils
contribuent à perpétuer une vision d’un Etat-nation continu et
invariable, de sorte que les possibilités de cohésion sociale soient
considérées comme liées à un sentiment de continuité avec le
passé (Hobsbawm et Ranger, 1992).
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
96
Des perceptions qui changent sur le terrain
Nous tenons comme une vérité que cette Mare est vraiment
«nostrum». Certains Européens du Nord, possèdent des «riyadhs»
à la mode à Marrakech, d’autres achètent des maisons d’été sur la
côte croate; dans certaines régions d’Afrique du Nord, nombreux
sont ceux qui quittent leur famille et leurs proches, pour une part
de la richesse économique qu’ils voient en l’Europe occidentale. Al
Hambra et les nombreux forts croisés témoignent de cette longue et
souvent tumultueuse histoire d’interaction et nous apprécions tous
les recettes que la diffusion des ingrédients comme l’huile d’olive
a rendu réalisables au-delà des limites géographiques de l’endroit
où poussent des oliviers ! Notre culture commune nous rassemble
malgré les déséquilibres complets entre le Nord et le Sud de la
Méditerranée. Est-il donc trop naïf de poser la question : pourquoi
ne pouvons-nous pas simplement nous entendre ? Que savons-nous
réellement les uns des autres ? Et quel rôle peuvent jouer les médias ?
Le sondage d’opinion Anna Lindh/Gallup jette une lumière précieuse
sur certaines réalités : par exemple, ceux qui ont effectivement vu
l’autre côté de la Méditerranée, ou ont été directement en contact
avec des gens de l’autre côté de la Méditerranée sont en fait une
étonnante minorité. C’est ce qui explique dans une large mesure le
manque réel de connaissance de l’autre, qui conduit à un recours
accru aux médias pour acquérir ce savoir, ce qui pointe à son tour les
potentiels manques dans les médias..
Le paysage médiatique
Il peut sembler étonnant qu’il y ait si peu de compréhension
mutuelle si l’on considère l’afflux d’informations dû à l’avènement
des nouveaux médias sociaux, dont une grande partie pourrait
jouer un rôle constructif. En Jordanie par exemple, la plupart
des blogueurs jouent un tel rôle, et sont définis comme des
«constructeurs de ponts», essentiellement composés de jeunes
éduqués et anglophones qui écrivent pour communiquer
sur ce qu’ils sont et sur les valeurs auxquelles ils croient. Mais
paradoxalement, la vitesse de propagation et la quantité
des contenus médiatiques peuvent amplifier les idées et les
perceptions erronées. Comme presque partout dans le monde,
sur toutes les rives de la Méditerranée, les médias se concentrent
sur les événements les plus tragiques ou sensationnels. À certains
moments, comme pour l’épisode des caricatures danoises, on attise
souvent les flammes du conflit et des tensions et on ignore les
éclaircies qui existent – ou même le simple fait que nous sommes
tous connectés : combien d’Européens se rendent compte que
l’essentiel du gaz naturel qu’ils consomment provient d’Afrique du
Nord ?George Terzis, en écrivant sur le rapport à «l’autre» (Terzis,
2008) explique comment les préjugés se forment : les médias
utilisent ces oppositions «binaires» (nous contre les autres, le bien
Le Rapport Anna Lindh 2010
contre le mal, le moral contre l’immoral, etc.) dans la construction
de ces préjugés. Au départ, «les médias font de ces oppositions
une partie intégrante des politiques de recherche, de collecte,
d’évaluation, d’écriture, d’édition, de distribution/programmation
et de reportage, dans tous les domaines politiques, économiques et
sociétaux.» Un cercle vicieux se dégage de l’ignorance de «l’autre»
: les médias ne se contentent pas de refléter ces perceptions, ils les
perpétuent ou les renforcent. Récemment, un article d’une source
de nouvelles européennes respectée faisait allusion encore une fois
à des crimes dits d’honneur comme une pratique «islamique», ce
qu’elle n’est pas, même si elle est parfois réelle, malheureusement,
dans la majorité des pays musulmans. C’est une idée fausse assez
répandue, mais inattendue de la part de journalistes chevronnés
européens. Le fait que tant d’incompréhension prévaut en dépit de
tous les avantages potentiels des médias témoigne de la valeur du
contact en face-à-face et d’une présence physique dans la culture
de «l’autre» pour favoriser l’empathie mutuelle et la coopération.
Ainsi, alors que nous entendons beaucoup parler les uns des autres
dans les médias, la quantité de reportages masque leur qualité ou
leur exactitude, et nous sommes en quelque sorte amenés à croire
que nous savons beaucoup plus les uns sur les autres que ce n’est
réellement le cas. Enfin, bien que peu d’efforts de communication
existent, ils sont généralement unidirectionnels. Les médias
d’Europe occidentale qui communiquent vers le monde arabe sont
très nombreux (par exemple BBC World Service, Radio Monte-Carlo,
Doualiya, Deutsche Welle, Euronews en arabe, etc.), tandis que le seul
média arabe qui communique à la même échelle avec le reste du
monde est Al Jazeera International – et malgré son poids financier,
le réseau rencontre des obstacles pour être diffusé en Occident. Un
autre facteur qui alimente les perceptions erronées est l’image de
l’Europe du Nord telle qu’elle est véhiculée : les films et les journaux
télévisés montrent un continent riche et relativement puissant, où
il n’y a pas seulement moins de pauvreté mais aussi plus de liberté
politique que dans la plupart des pays du Sud. Les gouvernements
ainsi que leurs peuples sont considérés comme n’étant pas dans
le besoin impérieux de biens, ce qui conduit à l’hypothèse que si
l’Europe n’ouvre pas ses portes à davantage d’immigrés et si elle ne
fait pas pression sur Israël – financièrement ou politiquement – ce
n’est pas parce qu’elle ne peut pas, mais simplement parce qu’elle
ne veut pas. Cette perception suffit à elle seule, et pour longtemps,
à expliquer les multiples théories de conspiration et les mythes qui
abondent dans notre partie du monde au sujet de «l’Occident».
Quelques images diffusées occultent la bonne foi ou les efforts
consentis : celles des immigrés qui risquent leur vie pour traverser
la Méditerranée pour arriver en Italie ou en Espagne, ou qui sont
parqués dans des camps de rétention entourés de grillage éclipsent
tous les efforts moins médiatisés faits par certaines villes espagnoles
Le racisme, les attitudes isolationnistes, l’étroitesse d’esprit, le
nationalisme, les tensions religieuses et les extrémismes existent
sur tous les rivages de la Méditerranée. Et bien sûr, il y a le processus
de paix au point mort en Palestine. Ses causes et ses conséquences
sont souvent timidement évoquées par de nombreux médias
occidentaux européens; beaucoup d’entre eux hésitent à utiliser
des mots comme occupation, colonies, ségrégation, crimes de
guerre et violations flagrantes des droits de l’Homme, sans les
qualifier. En vertu du droit international, les colonies sont illégales.
Pourtant, même si c’est un fait, il est couvert comme si c’était
juste une question de perception – «les colonies, considérées
comme légales par les Israéliens, mais pas par de nombreux
autres pays» est une tournure de phrase commune – introduisant
un doute dans l’esprit du spectateur ou du lecteur quant à leur
réelle illégitimité. Dans ce cas, la représentation médiatique des
événements ne reflète pas seulement, mais atteste aussi du refus
de la communauté internationale à traiter impartialement la
question. Pour que la perception bouge vraiment, il faut que les
réalités sur le terrain changent. Inonder les ondes pendant des
mois avec des images montrant des Palestiniens ensanglantés et
démembrés pris sous les bombardements à Gaza peut donner
l’impression que les histoires de mort et de destruction laissent
peu de place pour autre chose dans les médias arabes. Mais une
guerre dans laquelle des femmes et des enfants sont tués en toute
impunité ne peut pas paraître moins réelle en «équilibrant» ce qui
est diffusé sur les ondes avec d’autres images de «success stories»,
inventées ou avérées. Ces histoires ne suffiront pas à distraire un
public dont les familles ont assisté à la dépossession de générations
entières, à l’humiliation et à la violence, en particulier aujourd’hui,
à l’ère d’Internet, où les nouvelles circulent si vite et où les réalités,
bonnes ou mauvaises, transmises par des caméras de téléphone
mobile, sont difficiles à contester. Cela peut expliquer pourquoi
tant d’initiatives concernant les médias pour établir des liens entre
les Palestiniens et les Israéliens ne donnent pas les résultats positifs
escomptés : dans l’ex-Yougoslavie, quels que soient les efforts de
consolidation de la paix qui aient pu être tentés, ils n’ont jamais
été tentés quand les réfugiés étaient expulsés de leurs maisons.
Alors, quand il s’agit du Moyen-Orient, on ne peut guère s’attendre
à ce que des journalistes des deux côtés tentent une formation
commune sur les médias alors que le processus de paix est entaché
par la poursuite des assassinats, l’occupation, la construction
continue de colonies de peuplement. Cela ne signifie pas que rien
ne doit être fait ou tenté quand il s’agit de travailler sur l’évolution
des perceptions qui pourraient engendrer un risque pour la paix et
l’acceptation de l’autre, au contraire, il devrait y avoir un sentiment
d’urgence à le faire. Un des résultats marquants de l’enquête
Anna Lindh/Gallup a été l’importance et l’influence positive de la
culture pour mobiliser la population et favoriser la compréhension
commune. Les festivals devraient recevoir autant de soutien que
possible, qu’il s’agisse de musique, de films ou d’autres événements
culturels. Des festivals qui courent d’un théâtre romain à l’autre dans
les différents pays pourraient déboucher sur un sens du patrimoine
historique commun. Faciliter l’accès aux films – dont les droits sont
extrêmement coûteux – dans toute la région serait d’une grande
aide. Mais ces efforts, pour avoir plus d’impact, doivent être combinés
simultanément à des initiatives plus ciblées et plus efficaces
dans une variété de domaines dont l’éducation, la recherche et la
formation. Noha Mellor estime que les professionnels des médias
occidentaux ont tendance à se pencher superficiellement sur les
problèmes arabes (Mellor, 2007). «Le résultat est que la grande
majorité des productions journalistiques, et même la majorité des
contributions universitaires, affligent tous les Arabes d’une identité
stéréotypée. Les travaux des savants arabes devraient être mis à la
disposition des chercheurs et des étudiants de l’Ouest, et devraient
servir de base pour des études ultérieures. Nous avons également
besoin d’enquêtes plus approfondies auprès des journalistes
arabes et du public.» Il est intéressant de noter à cet égard que,
lorsque Amin Maalouf a écrit Les Croisades vues par les Arabes, par
exemple, aucun autre auteur arabe n’apparaissait sur les listes de
lecture des étudiants pour l’époque des Croisades. En amont, on
devrait porter une plus grande attention à la qualité de la formation
aux médias et à sa continuité. Une des nombreuses interventions
de consolidation de la paix dans les médias pourrait consister en
un échange de journalistes, où les professionnels des médias des
pays du Sud seraient invités à travailler dans les rédactions des
médias occidentaux et inversement. Toutefois, pour être efficace
et transformer véritablement la situation, il faudrait faire des efforts
à long terme pour y inclure des échanges entre les reporters qui
travaillent dans les salles de rédaction de «l’autre côté» pour au
moins un an (les effets des ateliers de deux semaines disparaissent
généralement rapidement). Ils ne devraient pas être limités à
l’enseignement du journalisme, mais s’adresser aussi à d’autres
domaines incluant l’environnement juridique et social. L’éducation
généralisée aux médias est également importante. En Jordanie,
par exemple, la présence de centres de savoirs qui dispensent une
formation à ceux qui voudraient en savoir plus sur l’Internet dans
les régions éloignées du Royaume montre une détermination, avec
peu de moyens, de faire partie de cette équation. Enfin, on pourrait
imaginer plusieurs capitales méditerranéennes hébergeant des
salles de rédaction rassemblant les journalistes de tous les pays
de la région pour diffuser, dans diverses langues, une télévision
méditerranéenne, et des publications (y compris un magazine
féminin et un magazine pour enfants mettant en valeur notre
patrimoine commun par exemple) qui pourraient servir de mise en
œuvre concrète de programmes de formation. La Fondation Anna
Lindh, avec son vaste réseau participatif rassemblant des ONG de
presque tous les pays du pourtour méditerranéen, a déjà contribué
à la prise de conscience croissante de la population dans cette
vaste région. D’autres, nous l’espérons, l’imiteront, en redoublant
d’efforts pour promouvoir, à travers une plus approche «holistique»,
la compréhension et la coopération autour de «notre mer».
SAR LA PRINCESSE RYM ALI est la fondatrice du Jordan
Media Institute. Elle a été productrice et correspondante
pour CNN et de nombreuses organisations nouvelles.
Le Rapport Anna Lindh 2010
97
L’empathie mutuelle contre l’ignorance et les
incompréhensions
RYM ALI
pour intégrer les immigrants d’une manière constructive et digne.
Mais il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut plus accuser
les seuls médias d’être responsables de perceptions erronées
qui conduisent à des conflits ou à des tensions. Il existe d’autres
obstacles, réels et sérieux, sur le chemin vers la compréhension,
la coopération et la paix réelle – de la même nature que celle que
les Français et les Allemands ont connue après la Seconde Guerre
mondiale. On ne peut pas espérer voir ces obstacles disparaître
grâce à la seule recrudescence d’images positives.
ANALYSE THÉMATIQUE DES MÉDIAS
PERSPECTIVES
SABINE SCHIFFER
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
98
Selon l’Enquête Anna Lindh/Gallup, les Allemands ont manifesté un intérêt particulièrement important pour en
apprendre davantage sur les «autres», même si une majorité d’entre eux ne pense pas que les médias encouragent
une image plus positive des autres groupes de pays. Sabine Schiffer souligne un certain nombre de limites de ce
format médiatique quant à l’impact positif sur la perception interculturelle, avec des exemples de stéréotypes
ayant été renforcés plutôt que contestés. À cet égard, Schiffer souligne un certain nombre de bonnes pratiques
qui peuvent soutenir une nouvelle tendance de la diversité dans les médias.
Le Plan national d’Intégration de 2007 du gouvernement allemand
cite explicitement les médias comme un facteur pour soutenir le
«processus d’intégration» (ALM, 2003). Dans la «Section 4.8» qui
comprend 13 des 202 pages du plan, le slogan «Bénéficier de la
diversité» expose l’idée principale qui sous-tend le concept de
diversité. Ses recommandations sont «de présenter la diversité
culturelle dans le cadre de la réalité courante, d’encourager
davantage de migrants à postuler à des emplois dans les médias, de
réduire les carences dans la recherche sur les médias et l’éducation
aux médias pour les migrants, et d’offrir des programmes spéciaux
pour les migrants, afin d’attirer leur attention».
Outre le fait que les propositions ne soient pas contraignantes, le
manque de compréhension concernant la notion d’intégration
de la diversité semble être le premier obstacle à une amélioration
effective. L’accent mis sur l’immigration est aussi trop limité pour
conduire à des représentations de la diversité, qui couvre également
le sexe, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, etc. (Commission
européenne, 2009; Paulus, 2007), et, en effet, le marquage de la
culture et de la migration porte déjà le risque de renforcer l’idée de
«l’autre».
Une perspective comparative
Par rapport aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, les
ambitions en Allemagne sont à la traîne (Geisler, 2007; DLM, 2003).
Le fait qu’il y ait eu des efforts pour améliorer la diversité culturelle
dans les médias allemands montre que la formulation de principes
n’est pas suffisante (Zambonini, 2007; Maier-Braun, 2007; WDR,
2007; Medien Monitor, 2007) : «à peine 3% des effectifs des médias
sont issus de l’immigration, bien que les immigrés représentent près
d’un cinquième de la société allemande»(Oulios, 2007; Bohmer,
2007). Au moins, davantage de formations professionnelles sont
offertes aux «nouveaux Allemands» (Linder, 2007). Cependant,
l’Union des Journalistes Allemands indique que les immigrés sont
très souvent des pigistes et ne font pas partie de la corporation
des médias (Nghi Ha, 2007; , voir aussi CEDAR). En outre, leur
classification en catégories est apparente et la demande croissante
pour les membres des minorités marginales, qui remplissent un
Le Rapport Anna Lindh 2010
certain rôle dans le discours d’une part majoritaire de la société
(par exemple, Ayaan Hirsi Ali/Magan), est extrêmement contreproductive pour la cohésion sociale (ibid.). Cela montre que
l’éducation des décideurs (BAMF) est plus importante que celle de
ceux qui cherchent à y accéder.
La comparaison avec la stagnation relative du taux de participation
des femmes (Gallagher, 2006) montre qu’il existe une déconnexion
entre les déclarations, d’une part, et la volonté d’accepter le
changement et le manque de prise de conscience des limites
structurelles, d’autre part. Les deux questions doivent être abordées
(Roben, 2007 et 2008; Iglesias, 2005; Berliner Beiträge, 2006;
Hartmann, 2002). Le «biais systématique» concernant le personnel
semble avoir été entendu plus tôt par les télédiffuseurs privés. Face
à la concurrence des «ethno-médias», les radiodiffuseurs de service
public ont tardé à reconnaître l’avantage d’inclure des gens de
couleur dans leur personnel, y compris de façon visible à l’écran –
aussi pour attirer ces groupes dans la société (Zambonini et Simon,
2008). La crainte d’un effet de ségrégation des «ethno-médias»,
d’autre part, s’est révélée sans fondement (Weber-Menges, 2007;
Windgasse, 2007).
Mais la lutte contre la discrimination est un problème vaste et très
souvent sous-estimé. Alors que, durant les années 1980, l’accent
était mis sur la délinquance des étrangers, les migrants, ces
dernières années, sont de plus en plus représentés dans le cadre de
la terreur dite «islamiste» et de la différence culturelle (Ruhrmann,
2007; Jager et Halm, 2007; van Dijk, 2006; Hafez et Richter,
2007). Les «étrangers» semblent être devenus des «musulmans»
et l’islamophobie est désormais un frein important à l’intégration
(Schiffer, 2005; Jager et Halm, 2007).
La fiction d’une culture nationale homogène se perpétue. Par
conséquent, la couverture médiatique dominante soutient l’agenda
politique au lieu d’agir comme un organe de contrôle à son égard
(van Rossum, 2007; Becker et Flatz, 2005; Trebbe, 2009). Plusieurs
analyses de la couverture des nouvelles concluent que les immigrés
font l’objet d’un intérêt moindre et sont très souvent présentés de
manière négative, bien qu’on note une certaine amélioration au
La recherche qualitative menée sur l’une des séries policières
les plus populaires (ARD, Tatort), montre que les rôles dépeints
n’invitent toujours pas certains groupes à les regarder (Ortner,
2007). Bien que certaines améliorations puissent être ressenties,
les propositions de la conférence de l’EUMC sur «le racisme, la
xénophobie et les médias» en 2006 sont toujours d’actualité :
«une meilleure présentation par une meilleure représentation
des minorités, plus de diversité dans les non fictions grand
public, la connaissance interculturelle inscrite dans le cadre de
l’enseignement, une motivation grâce à de meilleures pratiques,
plus de dialogue entre les différents groupes ethniques, religieux
et culturels, une meilleure maîtrise de soi et au moins un forum
de discussions sur le racisme». Suivant le modèle canadien,
l’UER ou l’Eurovision interculturelle et le Groupe de Diversité ont
recommandé l’accompagnement de tous les efforts de recherche,
parce que «ce qui est mesuré est fait» (Linder, 2007a; Screening
Gender, 1998). Cela répond au fait que les sociétés audiovisuelles et
les journaux allemands refusent un «comptage ethnique» et toute
discussion sur un quota (Linder, 2007b).
Certaines organisations non gouvernementales tentent de soutenir
la diversité en faisant campagne pour «Plus de couleurs dans les
Médias» (Institut Adolf Grimme), en accueillant des colloques
comme «Médias et diversité» (Loccum Academy) ou en mettant
en place des bourses «Jeunes migrants dans le journalisme»
(Fondation Heinrich Böll). Les médias créent des programmes
comme l’atelier de talent «Grenzenlos WDR», qui prévoit souvent
l’accès à des niches comme Cosmo TV sur le canal Funkhaus
Europa, DW-World et son partenaire qantara.de tout en offrant
l’accès à d’autres formules et à d’autres sujets. Le site qantara/pont
permet aux visiteurs de rencontrer le monde islamique en dehors
des cadres habituels de la couverture des nouvelles quotidiennes.
Pour proposer des formats similaires au programme chrétien (ARD)
ou juif (RBB), ZDF et SWR ont lancé des programmes en ligne faits
par et pour les musulmans, où différents acteurs et points de vue
sont représentés (SWR Islamisches Wort, ZDF Forum am Freitag).
On trouve d’autres exemples dans le magazine interculturel de
Eleni Iliadou diffusé par BR5, la nouvelle formule TV Puzzle produite
par Özlem Sarikaya, ou encore la recherche IZI d’Elke Schlote et sa
Televizion imprimée. Bien que le concept de «l’autre» soit encore
souligné ici, ces initiatives peuvent être considérées comme des
étapes importantes.
D’un autre côté, il y a aussi des revers, comme la fermeture de
Radio Multi-Kulti à Berlin (remplacée par Funkhaus Europa) ou, pire
encore, les séminaires sur la prétendue «islamisation de l’Europe»
proposés, par exemple, par l’École Axel Springer de journalisme
(Nghi Ha, 2007). En ce qui concerne les impressions sur l’Islam, la
couverture médiatique des affaires étrangères est cruciale (Hafez,
2002).
Compte tenu du fait que de nombreux membres des groupes
marqués ne se sentent pas bien représentés, ils lancent leurs propres
médias : canaux ouverts (www.bok.de), blogs (par exemple www.
theinder.net), imprimés comme Migazin, Gazelle, journaux en russe,
comme Jewropazentr, Russkij Berlin, Nowaja Berlinskaja Gazeta ou
même des festivals de cinéma comme l’événement annuel turcoallemand à Nuremberg (www.fftd.net).
Représenter «l’autre»
La surveillance des médias repose principalement sur l’autocontrôle en Allemagne, mais la diversité n’est pas un sujet d’un
intérêt particulier (par exemple, Presse du Conseil, FSF/TV). La
même chose s’applique aux organismes de veille sur les blogs
comme bildblog.de ou nachdenkseiten.de. Presque une fois tous
les deux ans, la WDR mène une auto-évaluation et des artistes de
cabaret, comme Hagen Rether, sont devenus une sorte de chien de
garde des médias en réprimandant différents magazines pour leur
acharnement contre l’islam (par exemple ARD Scheibenwischer
29.12.1007). Les exemples suivants peuvent donner une idée des
problèmes auxquels nous sommes encore confrontés : une analyse
des documentaires pour la télévision montre que leur point de vue
Allemagne - La série «Lindenstrasse»
Bien avant que tous les programmes d’intégration et que les concepts sur la diversité aient été mis au centre des débats en Allemagne, la
chaîne de télévision publique WDR a lancé la série télévisée hebdomadaire «Lindenstrasse» qui a eu une énorme importance sur le plan
culturel en ce qu’elle reflétait la diversité sociale, ethnique et culturelle de la société allemande des vingt dernières années. Cette série,
basée sur un thème communautaire et qui a pour décor un quartier de Munich, est directement dérivée de la série britannique «Coronation
Street». Le premier épisode a été diffusé en 1985 et la série est rapidement devenue l’un des plus grands succès hebdomadaire de la
télévision allemande. «Lindenstrasse» retrace la vie de différentes familles et de leurs voisins dans un quartier et offre un vaste terrain d’étude
des relations familiales et interpersonnelles. Les gens de différentes origines ethniques, comme les Grecs et les Turcs, font partie de cette
série depuis le premier épisode. Outre les traditionnelles histoires d’amour, de mariage et de mort, le feuilleton est connu pour aborder
les questions sociales difficiles : le SIDA, l’homosexualité, les questions d’immigration, le cancer, la xénophobie et la violence familiale.
www.media.ba
www.lindenstrasse.de
Le Rapport Anna Lindh 2010
99
La fiction d’une culture nationale homogène
cours des dernières années (Ruhrmann, 2006; Müller, 2005). En ce
qui concerne la couverture d’événements locaux dans les journaux,
une tendance positive peut être observée (Fick, 2006; comparer
à Pollak, 2010). Le potentiel d’intégration semble être davantage
présent dans les formules de divertissement télévisé, où l’on perçoit
une plus grande sensibilité envers le sort des réfugiés, etc., (Thiele,
2005). La télévision, en particulier, s’est révélée être un support
de premier plan pour atteindre des personnes très différentes
(Oehmichen, 2007). Chaque jour, environ 80% des Allemands et
des migrants vivant en Allemagne regardent la télévision. Dans
98% des ménages ayant une origine ethnique, il y a au moins un
poste de télévision. En fait, les immigrants sont également exposés
à des radiodiffuseurs allemands comme le révèle l’étude ARD/ZDF
«Médias et migrants» (2007).
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
ALLEMAGNE
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Ces exemples d’aliénation ou d’«altérité» semblent souvent être
dus au fait de ne pas avoir envisagé de mettre l’accent sur «l’autre»
(ZDF Migrationsbroschüre). Les résultats de mes analyses d’une
formule «Islam» (SWR) souligne ceci et peut se résumer par les mots
de Riepe : «Le bien-pensant est à l’opposé du «bon», la définition
enracinée de l’Islam comme «violent», «oppressant» et «arriéré»
a été tellement dominante que le résultat ne fut pas seulement
l’aliénation de nos citoyens musulmans, mais aussi la détérioration
de leur image.» SWR a ensuite lancé le programme mensuel en
ligne «La Parole islamique» offrant des vues internes islamiques de
sujets pertinents et marquant un changement important dans la
façon dont l’islam est présenté.
Il est bien entendu que les responsables des programmes euxmêmes «soulignent nos bons côtés, et leurs mauvais côtés;
atténuent nos mauvais côtés, et leurs bons côtés», – pour
citer approximativement Teun van Dijk à propos de la presse
européenne. En effet, la presse manque de concepts sur la diversité
et l’intégration comparables à ceux des sociétés d’audiovisuel. Dans
le Code de la presse (article 12), le Conseil de Presse allemand a défini
comme mineure sa volonté de ne pas discriminer les minorités dans
le traitement des nouvelles. En outre, l’organe de contrôle Presserat
ne prend de mesures que suite à des plaintes officielles, dont
seulement un très petit nombre sont suivies d’effet (Desgranges,
2007). Les journaux conservateurs comme Die Welt sont sur le
point de devenir des porte-parole néo-conservateurs, tandis que
Daniel Pipes et d’autres renforcent la couverture islamophobe.
Cependant, le journaliste Andrea Dernbach (Tagesspiegel) atteste
qu’un «contexte de l’immigration» n’est pas indispensable pour la
couverture des questions liées à la diversité.
Pour atteindre l’objectif d’une plus grande diversité, différentes
mesures devront être prises. Des méthodes de surveillance
pourraient être imposées. De bonnes méthodes de travail
contre les idées racistes sont disponibles, par exemple, au Centre
d’information et de documentation contre le racisme (www.idaev.
de). La formation pour les décideurs est assurée par l’Institut de la
diversité des médias et des formations sur la diversité et un cadre
de réflexion pourraient être introduites dans toutes les écoles de
journalisme et être rendues obligatoires pour chaque élève. De plus,
les immigrés devraient être inclus dans la recherche de l’institut de
sondage GfK pour qu’ils apparaissent dans les statistiques sur le
public, le lectorat et les clients afin que leurs souhaits puissent être
pris en compte.
Pour mettre un terme ou du moins réduire la discrimination, le
Conseil de la presse doit ajouter un chapitre au Code de la presse
portant sur l’utilisation des images dans les journaux et magazines.
Sur la base de l’article 12.1 du Code de la presse, un article 12.2 doit
être inclus indiquant que l’utilisation des images dans la couverture
médiatique des nouvelles qui ne sont pas du tout pertinentes pour
le sujet est un sujet de préoccupation, tels qu’un vêtement juif dans
la couverture de la guerre du Liban en 2006, ou des mosquées ou la
prière dans la couverture des attentats de Londres en 2005.
Rendre possible une plus grande diversité doit commencer par des
améliorations dans le système éducatif allemand, qui a eu tendance
à exclure cette dimension. L’importance de ceci est révélée par
une citation de la jeune journaliste Ferda Ataman (Tagesspiegel):
«Ma présence ici n’était pas prévue – si ma mère avait suivi les
recommandations pour mon orientation scolaire, je ne serais jamais
devenue journaliste.»
Concepts contre la pensée raciste
Mis à part quelques exemples d’auto-idéalisation par les
responsables des médias, il existe quelques bonnes pratiques
dont on peut s’inspirer. Birand Bingül, par exemple, est l’un des
commentateurs de l’émission d’actualités ARDtagesthemen,
Brigitte Pavetc et Pinar Abut sont présentateurs d’une émission
de nouvelles locales. Till Nassif a pris la suite pour présenter le
programme des Affaires étrangères de l’ARD/ZDF-Morgenmagazin.
Son collègue Dunja Hayali n’est pas seulement d’origine arabe,
Le Rapport Anna Lindh 2010
SABINE SCHIFFER est à la tête de l’Institut für
Medienverantwortung (IMV) en Allemagne
BOSNIE - HERZÉGOVINE
Médias et diversité dans les pays en situation
de post-conflit
ELDAR SARAJLIĆ
Malgré un cadre législatif garantissant la liberté d’expression et le respect des minorités, les médias de BosnieHerzégovine continuent à être profondément divisés selon des lignes ethniques. C’est particulièrement le cas des
nouvelles à la télévision, un média qui représente la principale source d’information sur les autres cultures de la
Méditerranée. Eldar Sarajlić analyse l’influence et l’impact des politiques sur le secteur médiatique, les tendances
actuelles dans le reportage interculturel et la capacité des nouveaux formats de médias à promouvoir la diversité
culturelle au niveau national.
Le paysage médiatique en Bosnie-Herzégovine est profondément
divisé selon des lignes ethniques, tant en termes de politique
éditoriale que de public. A part quelques exceptions dans les
médias en ligne et la presse écrite, la plupart des radios et des
chaînes de télévision, des quotidiens et des magazines suivent
une stricte allégeance ethno-politique et s’adressent à des intérêts
ethniques particuliers.
La sphère médiatique, dans le pays, peut être considérée comme un
très bon indicateur des clivages sociaux et politiques existants, car,
dans la plupart des cas, elle reflète fidèlement toutes les nuances de
la politique ethnique. Mais, dans le même temps, ce sont les médias
qui renforcent nombre de ces clivages, à travers des processus
discursifs, en définissant, en promouvant et en insistant sur les
questions sujettes à la production systémique de conflits sociaux
et politiques. En outre, les médias jouent parfois un rôle de premier
plan dans la production de clivages et de conflits, agissant en tant
que réseau d’influence dominant et dédaignant les institutions et
les organisations officielles.
Législation et contexte médiatique contemporain
Étant donné le rôle très sensible des médias dans les pays en transition
post-conflit, tels que la Bosnie-Herzégovine, la réglementation juridique
du secteur des médias est fondamentale. En Bosnie-Herzégovine, il
existe plusieurs lois, codes et institutions qui déterminent les règles
de jeu des médias, dont la liberté d’expression, règle de base pour
tout système médiatique, qui est garantie par la Constitution du pays,
et est conforme à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits
de l’Homme, à la Convention européenne des droits de l’Homme et
est précisée dans la Loi sur les communications et la Loi sur la liberté
d’accès à l’information.
En outre, l’accès à l’information, la liberté d’expression et la liberté
d’ingérence sont garantis par le Code de conduite de l’audiovisuel défini
par l’Agence de régulation des communications (ARC), un organisme
d’Etat chargé de la réglementation du secteur des communications
du pays. D’autres lois de moindre portée politique fournissent des
garanties pour la liberté de la presse : la Loi sur l’information publique,
la Loi sur les médias dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la Loi
sur l’information publique et La loi sur la protection de la diffamation
en République Srpska. L’indépendance formelle des médias
électroniques est protégée depuis la création de l’Agence nationale de
réglementation, l’ARC.
Toutefois, de nombreux rapports font état de fréquentes interférences
des politiques dans le fonctionnement des médias, principalement
par des pressions économiques et financières et par l’incitation à
l’autocensure. D’autre part, il n’existe aucune réglementation pour
la presse écrite. A sa place, des principes éthiques sont établis par le
Code de la presse, un document du Conseil de la presse de BosnieHerzégovine, une association non gouvernementale de journalistes,
qui n’a pas de pouvoir d’imposer des sanctions aux médias.
Par rapport à la taille de sa population, la scène médiatique de BosnieHerzégovine est très développée. l’ARC ayant comptabilisé, dans son
rapport public de 2009, 45 chaînes de télévision, 144 stations de radio
et 6 stations de radio publiques en Bosnie-Herzégovine, dans un
pays de moins de quatre millions d’habitants. Le marché de la presse
écrite est également considérable, avec 8 journaux quotidiens et près
de 50 hebdomadaires et bihebdomadaires, publiés plus ou moins
régulièrement. Le paysage audiovisuel public en Bosnie-Herzégovine
se compose, quant à lui, de différentes branches distinctes dominées
par trois principaux diffuseurs de radiotélévision : la BHRT (la chaîne
nationale commune), la RTRS (la radiotélévision de la République
Srpska, à dominante serbe) et la FTV (télévision fédérale, à dominante
croato-bosniaque). L’espace public est divisé en trois parties clairement
délimitées dans lesquelles les médias ethniques jouent un rôle
prépondérant. On trouve quelques exceptions à cette règle dans la
presse écrite (principalement des magazines hebdomadaires, comme
BH Dani, Slobodna Bosna et un journal quotidien, Oslobodjenje) et
dans certaines composantes du système audiovisuel public. Mais, en
général, la division ethnique dans la sphère publique reste la règle.
Diversité et différence: l’«autre» méditerranéen dans le
miroir des médias
Divers groupes de médias sont dominés par les différentes priorités
Le Rapport Anna Lindh 2010
101
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Une certaine pratique d’illustration renvoie l’impression que – dans
ce cas – les femmes musulmanes sont opprimées, symbole d’un
Islam dangereux ou prototype de l’étranger. De plus, la série félicitée
à grands cris «Le Turc pour débutants» a renforcé énormément les
stéréotypes (Henning et al., 2007) tandis que le programme de
la ZDF – une semaine spéciale – sur la «Migration» n’a pas reçu
l’attention que ses responsables avaient souhaité (Schiffer, 2008;
voir aussi Yildis, 2006).
mais aussi chrétien – déjouant ainsi les attentes stéréotypées.
Aujourd’hui, le Galileo d’Aiman Abdallah sur Pro7 n’est plus une
exception. Pourtant, il n’existe pas de présentatrices d’un certain
âge alors que leurs collègues masculins peuvent être plus âgés.
Le marché du livre est aussi de plus en plus diversifié et comprend
depuis longtemps de célèbres auteurs anglais, mais seulement
quelques noms turcs. La Fondation Bosch a donc mis en place
une «Bibliothèque turque» pour élargir l’accès aux traductions des
auteurs turcs. Les prix existent et valorisent encore la focalisation
sur les migrants et les sujets liés à l’immigration, l’intégration et
les images de «l’autre». Ils dévient donc de leur objectif réel et ne
parviennent pas à l’idée globale de l’intégration de la diversité : par
exemple, le Prix CIVIS Media (www.civis.ard.de).
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
est répandu, ce qui suppose un public particulier, à qui s’adresser,
tout en excluant l’autre. Des titres comme «Voisins étrangers : les
musulmans entre l’intégration et l’isolement» (Chiara Sambucci,
2004) ou «Les Turcs : pourquoi Faruk conduit une Mercedes verte»
(Rita Knobel-Ulrich, 2000) révèlent que les Turcs/musulmans sont
perçus comme ne faisant pas partie de la société allemande, qui
est présupposée chrétienne ou majoritairement chrétienne laïque
(Paulus, 2007).
La majorité des informations relatives à la diversité culturelle
dans la région viennent de la forme journalistique la plus sujette
à l’influence politique : les nouvelles. Ayant à faire face aux
problèmes de transition relatifs aux luttes économiques, financières
et pour la propriété, les médias bosniaques ont peu développé
les programmes éducatifs, les documentaires, ou des émissions
similaires. La plupart des programmes de télévision et des pages
de journaux sont réservés aux thèmes explicitement politiques ou
aux nouvelles qui font la une de l’ensemble des médias. Cela est
attesté par les indicateurs des principales sources d’information sur
les peuples et les cultures sur les rives de la Méditerranée, qui sont,
dans la plupart des cas, les nouvelles (environ 64% des personnes
interrogées les ont mentionnées comme une source d’information
positive sur d’autres cultures, alors que seulement 27 % ont cité
les films documentaires). Ces données indiquent également une
autre chose intéressante décrite précédemment sur la nature
La conclusion la plus frappante de cette enquête est que ces
sources qui véhiculent le plus de connaissances sur les «autres»
ont tendance à avoir une influence négative sur l’image des autres
cultures. Plus de 80% des personnes interrogées n’ont en effet pas
du tout mentionné les nouvelles à la télévision comme une source
d’informations positive sur les cultures de la Méditerranée. La
représentation de la différence culturelle se rapportant aux «autres»
peuples et groupes culturels se fait plutôt en marge que comme une
représentation directe de caractéristiques négatives supposées. Par
exemple, les membres d’autres groupes culturels sont rarement
considérés comme des sources sérieuses et fiables d’information.
Dans certains cas, les «autres» sont même explicitement étiquetés
comme des arbitres indésirables de certains différends. En général,
les individus et les groupes venant d’autres cultures sont rarement
présentés dans des contextes qui seraient équivalents dans la
culture locale et ses valeurs. La différence culturelle constitue donc
un outil de cadrage pour faire passer des messages implicites sur
l’inadéquation entre les valeurs morales, sociales et politiques
des «autres» et celles de la population locale. En raison de la
nature particulière des différences ethnoculturelles au sein de
la population de Bosnie, ce trait est, dans la plupart des cas, la
religion. Ainsi, les descriptions et les présentations d’autres cultures
et d’autres peuples de Méditerranée dépendent également de la
dimension religieuse de l’idéologie ethnique particulière qui exerce
son influence notamment sur les médias. Par exemple, les médias
influencés par l’idéologie ethnique des musulmans de Bosnie
présenteront la culture turque de manière résolument positive;
les médias ethniques serbes feront la même chose avec la culture
Bosnie-Herzégovine - Le Centre des médias de Sarajevo
Fondé en 1995 par la Fondation Open Society, le Centre des médias de Sarajevo est une organisation soutenant le développement
d’un journalisme professionnel et indépendant en Bosnie-Herzégovine. Elle a été créée pour aider à la démocratisation de la
société bosniaque par le développement d’un contenu médiatique équilibré. La tâche est particulièrement importante étant
donné le rôle crucial des médias dans la mobilisation ethnique et dans les conflits dans la région. Le Centre des médias assure la
formation des journalistes, prépare diverses publications et produit des contenus. Toutefois, le Centre apporte sa contribution
la plus importante à la meilleure compréhension interculturelle par le biais de ses activités de recherche visant à approfondir
les connaissances sur divers sujets présents quotidiennement dans les médias. Les études, telles que celles sur le discours des
médias et des conflits ethniques, l’exclusion sociale ou les radiodiffuseurs publics dans les sociétés divisées aident à comprendre
comment les médias aggravent ou apaisent les dispositions des uns et des autres aux conflits sociaux et culturels dans un
pays comme la Bosnie-Herzégovine et, ce faisant, fournissent une base pour la création d’une politique des médias inclusive.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Tahqiq Sahafi - Reportage d’investigation
«Tahqiq Sahafi» est une expérience originale de journalisme comparatif réunissant des jeunes professionnels des médias venus d’Algérie,
d’Égypte, de France, d’Italie, du Liban, de Malte, du Maroc, de Palestine, d’Espagne, de Tunisie et de Turquie. Lancé en 2009 avec le
soutien financier de la Fondation Anna Lindh, l’objectif du projet est de soutenir la production de sources d’information alternatives
et indépendantes sur des questions culturellement sensibles qui sont d’intérêt commun pour la coopération euro-méditerranéenne,
y compris «l’immigration» et le «défi auxquels font face les communautés de jeunes». Pendant la première phase de l’opération, douze
jeunes journalistes, avec l’aide de praticiens chevronnés, ont conçu plus de quatre-vingts articles sur les thèmes de «Portrait d’une
génération» et «Guerre et paix : les jeunes face à leur avenir». Cette première série de travaux est devenue une source de débat, plus de 15
000 utilisateurs ayant consulté les articles publiés sur le site Web de Babelmed qui anime et coordonne l’initiative. De cette façon, «Tahqiq
Sahafi» vise également à stimuler la discussion sur les questions qui reçoivent souvent un écho limité dans les médias traditionnels.
www.babelmed.net
grecque, tout en présentant en filigrane la culture turque ou arabe
sous une forme négative; les médias majoritairement croates
feront, par exemple, un portrait positif de la culture italienne et,
implicitement, donneront une image faussée des cultures et des
peuples méditerranéens non-catholiques. Dans tous les cas, la
représentation des autres cultures méditerranéennes se fera dans
un contexte fortement filtré en conformité avec les valeurs et les
normes établies par la politique ethnique dominante.
Investir dans des programmes documentaires
interculturels
En guise de conclusion pour cet article, on peut dire qu’il existe
une interrelation étroite entre les médias, la politique et la diversité
en Bosnie-Herzégovine. Cette réalité résulte de la constitution
ethnique particulière du domaine public de Bosnie, avec trois
sphères publiques et médiatiques distinctes créées au fil du
temps. Ces domaines servent de filtres pour tous les contenus des
médias, y compris l’information sur les cultures et les peuples euroméditerranéens.
être utilisés comme un outil valable, intergénérationnel, capable de
modifier les perceptions, de faire avancer et de maintenir une vision
positive de la diversité culturelle.
La plus grande contrainte structurelle dans ce domaine est de
nature financière : étant aux prises avec des luttes financières
incessantes aggravées par la crise mondiale actuelle, les médias
bosniaques sont réticents à investir dans des films documentaires
et dans des programmes similaires, en particulier pour ceux liés à
des cultures et à des peuples de Méditerranée. En conséquence,
le développement de programmes de coopération au-delà des
frontières nationales visant à promouvoir les films documentaires
pourrait avoir une influence positive sur la région et contribuer à la
rupture du cercle ethnique où nombre de ces pays sont pris au piège.
Il serait particulièrement important de cibler les jeunes avec ces
programmes de coopération et des longs métrages documentaires
et d’essayer de développer un nouveau sentiment d’appartenance
à l’Euro-Méditerranée, libéré de l’exclusion culturelle et des préjugés
ethniques.
La télévision, parce qu’elle a la plus grande influence sur la
population bosniaque, représente le plus puissant pourvoyeur
d’informations sur la diversité. Les résultats du sondage Anna
Lindh/Gallup, cependant, suggèrent que la télévision est rarement
une source d’information positive sur les autres cultures, bien
qu’elle soit l’un des médias les plus influents. Une des raisons
d’explication pourrait être le fait que la majorité des informations
sur les cultures et les peuples de la Méditerranée est présentée
dans des programmes d’information ou des shows, qui sont les plus
exposés à l’influence politique et, ainsi, à la distorsion en fonction
des clivages ethniques et culturels dominants dans le pays.
Néanmoins, les données indiquent aussi quelque chose qui peut
tracer une voie à suivre pour les institutions et organisations
concernées par la coopération culturelle dans la région euroméditerranéenne. Comme le montre le sondage, les documentaires
diffusés à la télévision sont rarement mentionnés comme une source
d’information positive sur la diversité culturelle (seulement 27%
des personnes interrogées ont déclaré avoir reçu des informations
positives sur d’autres cultures à travers des films documentaires).
Pourtant, étant donné la nature de ces programmes et leur
potentiel artistique pour prendre de la distance avec la politique
au jour le jour qui affecte d’autres formes de médias, ils pourraient
ELDAR SARAJLIĆ est éditeur pour les journaux Pulse of
Democracy et Status. Il est l’auteur d’articles sur la politique,
la culture et la société de Bosnie-Herzégovine.
Le Rapport Anna Lindh 2010
103
orale traditionnelle des cultures balkaniques : c’est la télévision qui
détermine la perception du public beaucoup plus que tout autre
média. La presse n’est citée que par 19% des répondants, contre
64% pour la télévision. Les livres comme source de connaissance
des «autres» sont presque en fin de liste - seuls 9% des personnes
ayant affirmé avoir lu quelque chose qui a modifié positivement
leur perception des autres cultures de la Méditerranée de façon
positive les citent. Les blogs et Internet semblent avoir un rôle
peu pertinent dans le transfert de connaissances positives sur la
diversité culturelle de la Méditerranée – respectivement 0,5% et
9% des personnes interrogées ayant reçu des impressions positives
sur la diversité culturelle en ligne. Cela en dit beaucoup plus sur
les canaux de communication et les modèles de perception de la
population de Bosnie que sur la sensibilité de chacun des médias à
la diversité culturelle.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
102
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
ethniques à l’aune desquelles l’ensemble des informations et des
productions sont filtrées. L’allégeance ethnique, qui n’est pas
nécessairement explicite dans le nom du média (bien qu’ il y ait
beaucoup de télévisions, de radios et de journaux portant une
étiquette ethnique évidente), sert de référence clé pour l’ensemble
du contenu des médias, y compris pour la présentation de
«l’altérité» et de la diversité culturelle dans le bassin méditerranéen.
Toutefois, dans les textes, les médias de Bosnie (au moins les
radiodiffuseurs publics) sont tenus de respecter la diversité
culturelle et de lui fournir un espace de visibilité. La Constitution
du pays, à travers l’article 2, garantit à tous les citoyens les droits
individuels et culturels. En outre, la Loi sur la protection des droits
des minorités stipule que les radiodiffuseurs publics doivent fournir
un espace pour l’expression publique des cultures minoritaires. Il
existe donc un terreau favorable à une plus grande ouverture sur
la diversité culturelle. Bien qu’aucune loi ne prescrive la manière
dont les cultures étrangères doivent être présentées, certains
principes éthiques pourraient être tirés de ces documents, ainsi
que de leur conformité formelle avec les normes européennes
et mondiales du respect de la diversité culturelle. Néanmoins, les
données statistiques recueillies pour le sondage Anna Lindh/Gallup
au cours du deuxième semestre 2009 semblent indiquer que, dans
les médias, les programmes susceptibles de changer positivement
la perception de la population sur les peuples et les cultures de la
région méditerranéenne sont très rares en Bosnie-Herzégovine, un
quart seulement (25,9 %) du total des répondants ayant affirmé se
rappeler de tels programmes sur la diversité culturelle.
Portraits dans la couverture médiatique de
la vie quotidienne
RASHA ABDULLA
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
104
Avec l’émergence des chaînes satellitaires privées et la diffusion des outils d’information en ligne, le secteur des
médias égyptien est en cours de diversification. Pourtant, comme le montre Rasha Abdulla, il manque toujours
aussi cruellement de directives sur le traitement des questions relatives à la diversité culturelle, et d’un traitement
minimum des sujets concernant l’autre rive de la Méditerranée. Rasha Abdulla analyse cette situation et propose
des pistes afin que les médias puissent jouer un rôle éducatif pour donner un aperçu de la vie quotidienne de
«l’autre».
Pour le monde arabe, la diversité culturelle est aujourd’hui plus
que jamais une question essentielle. Depuis les attentats du 11
septembre 2001 aux États-Unis, le monde arabe, en particulier
les musulmans mais aussi les arabes non-musulmans, a déploré
l’image fausse et inexacte des Arabes en Occident, et le manque
de compréhension de la culture et des religions de cette partie du
monde. La crise a atteint son paroxysme avec la publication de
douze caricatures danoises décrivant l’islam comme une religion
terroriste et le Prophète Mahomet comme un terroriste, et a
déclenché une colère massive dans l’ensemble du monde arabe et
musulman. Il n’a jamais été plus important, donc, pour le monde
arabe, que les Arabes aient suffisamment d’information sur le
monde extérieur et qu’ils fournissent au monde des informations
précises sur leur culture.
Dans le même temps, la diversité culturelle semble être mise
à mal dans le monde arabe. Le paradigme dominant semble
être une dualité des extrêmes, qui donne à voir le très religieux
ou le très non-religieux, le trop conservateur ou le trop libéral,
le trop dogmatique ou le trop conciliant. Les entre-deux et la
modération semblent perdus sur de nombreux fronts. N’oublions
pas, toutefois, que l’islam, la religion dominante dans le monde
arabe, encourage la diversité culturelle. «O hommes! Nous vous
avons tous créés d’un mâle et d’une femelle, et nous avons fait de
vous des nations et des tribus, pour que vous vous connaissiez les
uns les autres» (Le Coran, Al Hujrat, 49, # 13).
Cet article analysera certains aspects de la diversité culturelle dans
les médias égyptiens, avec une attention particulière pour les
pays de la région euro-méditerranéenne. Il est à noter, cependant,
que la plupart des images de l’«autre» ou de l’Occident dans les
médias arabes se réfèrent principalement aux États-Unis ou aux
Américains. Cela est dû à la position dominante des États-Unis à
travers sa politique étrangère au Moyen-Orient ainsi qu’à la grande
quantité de programmes des médias américains régulièrement
diffusés sur les chaînes satellitaires arabes. Ces programmes ont
réussi à rallier un large public, en particulier parmi les jeunes du
monde arabe.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Directives sur la diversité culturelle
Il y a un manque énorme de directives sur la diversité culturelle dans
le monde arabe en général, et l’Egypte ne fait pas exception. Malgré
son importance capitale, le concept de diversité culturelle ne fait
pas partie de la langue quotidienne des individus dans cette partie
du monde. Récemment, l’auteur du présent article a participé à
une formation à destination de professeurs d’université spécialisés
dans la communication et les médias sur l’importance de la diversité
culturelle et la façon de l’intégrer dans leurs programmes scolaires
et dans leurs cours. Il a été frappé par le peu d’intérêt porté à cette
notion importante, même chez les personnes les plus instruites.
Les lois sur les médias dans le monde arabe ne mentionnent pas
la diversité culturelle, pas plus que les codes de déontologie
des journalistes ou des professionnels des médias. Même la très
controversée Charte arabe de radiodiffusion par satellite qui a
été approuvée par les ministres arabes de l’information (sauf par
ceux du Qatar et du Liban) lors d’une réunion de la Ligue arabe ne
comprend pas une seule référence à la diversité culturelle ou des
médias.
Le monde arabe manque aussi d’organisations qui agissent comme
des organismes de surveillance des médias. La plupart des efforts
faits dans ce sens sont minimes, et prennent généralement la
forme de projets financés par des organismes internationaux et des
fondations, plutôt que d’efforts de suivi continus menés par des
organisations locales non gouvernementales.
Au cours des dernières années, l’une des avancées les plus
importantes sur la scène médiatique a été l’introduction de
quelques chaînes satellitaires privées qui tentent de rivaliser avec le
nombre pléthorique de chaînes appartenant au gouvernement ou
contrôlées par l’Etat. Ceci, par définition, a conduit à une plus grande
diversité dans les médias. L’utilisation d’Internet et l’introduction
de sites web interactifs (web 2.0) ont également beaucoup profité
à la diversité, chaque individu ayant désormais le potentiel d’être
un éditeur (Abdulla, 2010). Toutefois, la pénétration d’Internet
est relativement faible dans le monde arabe, et la diversité reste
un phénomène aléatoire, et non réglementée ou officiellement
Les recherches scientifiques sérieuses sont une denrée rare dans
le monde arabe, et, par conséquent, les études sur la diversité
des médias ou de l’image de l’Autre en général sont très peu
nombreuses, à l’exception de quelques travaux sur l’image des
Arabes dans les médias occidentaux (en particulier américains)
et celle des Etats-Unis dans les médias arabes. Ce phénomène
s’explique par les quantités massives de programmes américains
sur les écrans de télévision arabes, où plusieurs chaînes satellitaires
populaires diffusent exclusivement des films ou des feuilletons
américains. A titre d’exemple, une thèse de doctorat non publiée
soutenue à l’Université du Caire a comparé la couverture
médiatique des États-Unis, de la France et de l’Angleterre dans
le journal Al Ahram de septembre 2001 à 2003. L’étude a révélé
que les États-Unis constituaient le sujet de 66% des articles
analysés, tandis que la couverture de la France représentait 10%,
et le Royaume-Uni 7% seulement. Compte tenu de la période de
l’étude, les papiers concernant les Etats-Unis étaient centrés sur
le 11 septembre et sur les événements ayant conduit à la guerre
en Irak. La couverture de la France a été positive en raison de son
opposition à la politique américaine, tandis que la couverture du
Royaume-Uni a été négative, décrivant le pays comme un simple
suiveur de la politique étrangère américaine (El Said, 2008).
Les représentations dans les médias arabes
Actuellement, la couverture médiatique de l’Europe est plus
importante dans les journaux qu’à la télévision. Toutefois, dans un
pays où le fléau de l’analphabétisme touche toujours un tiers de
la population (PNUD, 2009), les journaux sont lus majoritairement
par l’élite. Malgré cela, les papiers sur l’Europe dans les journaux
égyptiens se concentrent principalement sur les aspects politiques
ou économiques, plutôt que sur les aspects de la vie quotidienne
ou de la culture, et est donc tributaire du climat politique général
et des relations économiques entre l’Egypte ou le monde arabe
et quelques pays européens. Certaines périodes ont été propices
à la diffusion d’une image plus positive de l’Europe, ou de pays
européens particuliers dans les médias égyptiens. Par exemple,
les positions pacifistes française et allemande au début de la
guerre de 2003 en Irak ont été perçues très favorablement par les
citoyens égyptiens, contrairement à la position britannique sur la
même question. Le modèle économique de l’Union européenne
est également généralement positivement véhiculé par les médias
égyptiens, et présenté comme un modèle à suivre pour les pays
arabes.
Ces dernières années cependant, lorsque l’Europe a eu une place
importante à la télévision et dans les journaux, elle l’a surtout
eue par rapport à un traitement négatif de l’islam dans les pays
européens, qui, naturellement, n’est que négativement décrit
dans les médias égyptiens. Ironie du sort, la France et l’Allemagne
ont occupé une place de choix dans ce traitement médiatique
: la France, à cause de sa position contre le foulard islamique, et
l’Allemagne pour la tristement célèbre affaire Marwa El Sherbini, le
médecin égyptien musulman qui a été poignardé à mort dix-huit
fois par un homme russe à l’intérieur d’un tribunal allemand. Le
Danemark a aussi eu une couverture importante, suite à la crise des
caricatures danoises, tout comme le Pape Benoît XVI en raison de
ses propos controversés sur l’islam qui ont été très mal perçus dans
tout le monde arabe, ou encore le référendum suisse qui a abouti à
une interdiction de la construction de minarets dans les mosquées.
Le cas de Marwa El Sherbini est le seul sujet à avoir bénéficié
d’une couverture télévisuelle importante en 2009. Surnommée «la
martyre du foulard» par les médias locaux et internationaux, son
assassinat brutal a porté l’islamophobie en Europe au premier rang
des préoccupations de la presse, de la télévision et des médias en
ligne égyptiens. Cela n’a fait qu’empirer les choses quand, selon le
Guardian, l’Allemagne a réagi «froidement» à l’affaire, la considérant
davantage comme un problème de manque de sécurité à l’intérieur
d’une salle de tribunal plutôt que comme un crime raciste contre
l’islam (Connolly et Shenker, 2009). Lorsqu’ils traitent d’un sujet
majeur, les médias égyptiens, en particulier la télévision, intègrent
des sources européennes. Par exemple, El A’ashera Masa’an (22
heures), l’un des talk-shows du soir les plus populaires en Egypte,
a envoyé une équipe de journalistes en Allemagne pour couvrir le
cas Marwa El Sherbini, dirigée par son présentateur vedette, Mona
El Shazly. Les journalistes ont réalisé plusieurs interviews avec des
dirigeants allemands et des citoyens, dont certains étaient contre
le crime, d’autres n’en avaient jamais entendu parler ou, au mieux,
l’avaient vu comme un simple incident dû à l’absence de sécurité à
l’intérieur de la salle d’audience.
Le manque de programmes européens sur les écrans de télévision
arabes ne laisse de la place qu’à un traitement de l’Europe très
dépendant de l’actualité dans les médias égyptiens. Ces médias
ont mis l’accent ces dernières années sur les réactions de l’Europe
envers les Arabes et les musulmans, qui ont été largement négatives.
Egypte - Le service européen de Radio Cairo
Le Service local européen de Radio Cairo assure la retransmission en six langues, à savoir l’anglais, le français, l’allemand, l’arménien,
le grec et l’italien, répondant ainsi aux attentes des expatriés étrangers et des communautés parlant des langues étrangères à
travers l’Égypte. Le Service a toujours bénéficié d’une large audience parmi la jeunesse égyptienne, bien qu’il ait été concurrencé
récemment par l’introduction de stations de radio privées. La raison principale qui explique ce succès du Service local européen
de Radio Cairo est qu’il diffuse beaucoup de musique occidentale, qui est en fait plutôt américaine qu’européenne – mais cette
distinction est rarement faite. Outre de la musique, la station présente également des nouvelles, du sport et une grande variété de
spectacles. Même si le contenu global de la station ne dit presque rien au sujet de la vie européenne, il offre la possibilité à ceux qui
ne parlent pas arabe de se tenir informés de l’actualité nationale égyptienne, les bulletins d’information présentés sur le Service local
européen étant généralement composés de nouvelles diffusées sur d’autres stations radio du Caire traduites dans différentes langues.
www.annalindhreport.org/goodpractice/radiocairo
Le Rapport Anna Lindh 2010
105
encouragée par des entités médiatiques ou des documents.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
ÉGYPTE
Les médias comme agents de connaissance
Concernant la culture, des financements devraient être mis à
disposition des musiciens indépendants, des peintres, des acteurs,
des producteurs et des artistes de toutes les disciplines pour qu’ils
puissent exprimer leur talent hors des frontières de leur propre
pays. Enfin, dans le domaine des nouveaux médias, les technologies
de l’information et de la communication devraient être utilisées
pour éduquer chacun à la culture et au milieu de l’autre. L’Internet
est un merveilleux outil pour créer des amitiés entre les différentes
cultures et les différents peuples. Pour les Arabes, il pourrait être
un lieu idéal de diffusion de leur culture dans le monde et, pour
les musulmans, un lieu d’enseignement aux non-musulmans de la
véritable essence de l’islam, une religion pacifique et accueillante.
Les réseaux sociaux tels que Facebook, MySpace, etc., pourraient
jouer un rôle important dans le rapprochement des cœurs et
des esprits des jeunesses égyptienne et européenne, et dans la
diffusion d’un esprit de compréhension et de respect mutuel.
Le dialogue interculturel est d’une importance capitale pour
le bien-être des sociétés. Pour favoriser la diversité et l’image
de l’autre, des efforts devraient être faits par les deux parties
prenantes du dialogue. Dans le cas de l’image des Européens
auprès des Egyptiens, les Egyptiens et les Européens ont chacun
un travail à fournir. Dans les «4 P» du marketing, le premier «P»
est le «produit». L’image n’est que le reflet du produit réel. Il sera
difficile d’améliorer l’image des Européens aussi longtemps que
les Egyptiens les percevront comme des islamophobes, et il
sera également compliqué d’éliminer l’islamophobie tant que
les musulmans ne feront pas assez d’efforts pour diffuser des
informations précises sur leur religion. L’éducation est essentielle
sur les deux fronts, et les médias, en particulier la télévision,
pourraient en être un agent de poids, tout comme d’autres
secteurs culturels tels que la musique, le théâtre, et toutes les
formes d’art. Un certain nombre de mesures devraient être
prises pour renforcer le dialogue interculturel entre l’Egypte
et les pays euro-méditerranéens. La première concerne l’«édudivertissement». Les productions de divertissement doivent être
utilisées pour «instruire» sur les autres les gens de différents milieux
RASHA ABDULLA est Présidente du département de
journalisme et de communication à l’Université américaine
du Caire.
Ondes méditerranéennes
Lancé en janvier 2010 à Tunis avec le soutien de la Fondation Anna Lindh, le programme «Les Ondes pour la Méditerranée» a
établi un partenariat entre les plus importantes radios de Méditerranée, dont la Radio nationale de Tunisie, Radio France, la
Compagnie algérienne de radio-télévision, la Société nationale de radio et télévision du Maroc et la CPEAM, basée en Italie.
La coopération radiophonique en Méditerranée se heurte à différents problèmes majeurs tels que la collaboration entre
professionnels et l’échange et la circulation des produits. Ce manque de rencontres et d’échanges ne permet pas aux radios de
développer des pratiques de réalisation standard. Dans cette perspective, le réseau de partenaires développe des coproductions
innovantes liées à l’histoire, à la vie sociale et culturelle de la région sur des thèmes communs et réalise, à tour de rôle, des séries
radiophoniques à travers la région euro-méditerranéenne. D’autre part, le programme fournit un appui aux professionnels du
secteur radio à travers l’organisation d’ateliers et de formation à la coproduction, notamment pour les jeunes professionnels.
www.copeam.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
ESPAGNE
Les immigrés dans le paysage médiatique
LAURA NAVARRO
L’Espagne est un pays qui continue, aujourd’hui encore, à accueillir d’importantes communautés
immigrées venues de l’autre rive de la Méditerranée et du monde entier. Selon Laura Navarro, les
principaux médias espagnols parlent rarement des différentes communautés, mais plutôt des immigrés
en général. Dans ce contexte, l’auteur souligne la nécessité d’adopter une nouvelle législation au niveau
national sur le traitement de la diversité et de l’immigration dans les médias, et de favoriser les bonnes
pratiques et les initiatives citoyennes, reflets d’un intérêt croissant de la société pour les immigrés.
En Espagne, il n’existe pas actuellement, à l’échelle nationale, de
législation concernant la mise en place de formes de discrimination
positive ou de quotas envers les minorités ethniques dans les
médias, ni d’institution chargée d’évaluer et de contrôler la
représentation et la représentativité des minorités ethniques
dans les médias. Seules quelques régions autonomes comme
la Catalogne, la Navarre et l’Andalousie disposent de Conseils
audiovisuels régionaux, qui ont elaboré des recommandations
pour le traitement informatif de l’immigration dans les médias. On
peut citer en particulier le Consell Audiovisual de Catalunya – créé
en 2000 – qui publie des études sur le sujet et promeut la diversité
culturelle dans les médias à travers la Mesa per a la Diversitat en
l’Audiovisual. La télévision publique catalane (TV3) a également été
pionnière dans ce domaine, en créant en 2006 une Comissió per a
la Diversitat chargée de promouvoir des émissions sur la diversité,
d’encourager la recherche chez les journalistes et les présentateurs
provenant des minorités, ainsi que d’organiser des formations pour
les professionnels de la télévision.
Certaines initiatives citoyennes reflètent également l’intérêt de la
société pour ce sujet, à l’image de l’Observatorio de la Diversidad,
créé en 2000 dans les Provinces basques dans le but de promouvoir
des bonnes pratiques, parmi lesquelles la création de l’Agenda de
la Diversidad, qui fournit aux journalistes des contacts directs avec
des experts et des sources d’information dans les communautés
immigrées. Dans le même esprit, l’Observatorio Mediterráneo
de la Comunicación, créé en 2004 à Barcelone par un réseau
interdisciplinaire de personnes et d’institutions des deux rives de
la Mediterranée travaillant dans le secteur de l’information et de la
communication dans cette région, cherche à encourager le dialogue,
le développement humain et le respect des droits de l’Homme. .
Diversité culturelle dans les médias, valeurs et
accessibilité
La plupart des travaux de recherche espagnols qui ont analysé le
traitement de la diversité culturelle dans les médias se sont focalisés
sur les représentations des «immigrés» et de «l’immigration». La
plupart de ces travaux ont constaté la (re)production d’une vision
négative de l’immigré, la présentation de l’immigration comme un
problème prédominant sur l’analyse des raisons des mouvements
migratoires et sur leur contribution à la société espagnole.
Il existe aussi des recherches plus spécialisées sur l’image des
Arabes et des musulmans dans les médias espagnols ou, encore, sur
le traitement médiatique d’un pays arabe précis, comme l’Algérie,
la Palestine et le Maroc. La plupart d’entre elles soulignent que les
Arabes et les musulmans sont constamment réduits à une série
de stéréotypes et de généralisations qui contribuent à perpétuer
l’image d’un Islam monolitique, porteur de menace et de danger
pour l’Occident, d’une religion violente et irrationnelle.
L’un des écueils des études menées sur le traitement médiatique de
l’immigration est d’être le plus souvent consacrées à une description
très générale des immigrés, et non à des communautés spécifiques,
tels que les Pakistanais, les Chinois ou les Sénégalais. L’absence
d’analyse de la production de médias par les immigrés eux-mêmes
est une autre lacune importante des travaux sur la relation entre
médias et immigration (Retis, 2008; Gómez-Escalonilla, 2008;
Navarro, 2008). La recherche sur le traitement médiatique de l’Islam
et du monde arabe en particulier, souffre également de deux
faiblesses.
D’une part, l’essentiel des travaux se focalise sur la presse écrite,
au détriment des programmes de la radio et de la télévision;
d’autre part, la recherche devrait se consacrer davantage au rôle
des femmes, la presque-totalité des études ayant comme sujets
les hommes arabes/musulmans, omettant les particularités des
représentations des femmes arabes/musulmanes. Parmi les rares
études sur la présence de ces femmes dans le champ médiatique,
on peut citer celle de Gema Martín Muñoz (2005). Concernant la
représentation des immigrées dans les médias, on peut se reporter
aux analyses de Estela Rodriguez (2005), Faviola Calvo (2001), Clara
Pérez (2003), Erika Masanet Ripoll et Carolina Ripoll Arcacia (2008) et
Asunción Bernárdez Rodal (2007).
En mars 2010, la première loi cadre sur l’audiovisuel – Ley General
Audiovisual – a été adoptée en Espagne. Elle a conduit à la
Le Rapport Anna Lindh 2010
107
culturels. Les programmes qui dépeignent la vie quotidienne des
Européens sont beaucoup plus rares dans le monde arabe que
ceux qui traitent de la vie des Américains. Quant aux émissions qui
montrent aux Européens la vie quotidienne des Egyptiens ou des
Arabes, elles sont inexistantes. Des financements devraient être
alloués à la production de contenus dramatiques (sitcoms, séries,
etc.) qui introduisent des éléments de «l’autre» sur les écrans de
la télévision nationale. La deuxième mesure concerne le suivi de
la diversité et des valeurs véhiculées par les nouvelles. Les ONG
devraient agir comme des organismes de surveillance des médias
chargés d’évaluer le contenu des nouvelles en termes de diversité
ainsi que d’équité, d’équilibre, de crédibilité et d’objectivité. Les
médias sur les deux fronts devraient être encouragés à respecter
les valeurs défendues par les codes universels de déontologie.
Des personnes de différentes origines culturelles devraient
être intégrées dans la couverture médiatique des événements
touchant à leur vie ou à leurs sociétés et à leurs cultures. De part
et d’autre, les journalistes devraient être formés à prendre du
recul vis-à-vis des stéréotypes dépeignant les Européens comme
des islamophobes ou les Arabes et les musulmans comme des
terroristes.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
106
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Des incidents tels que les caricatures danoises, les remarques
controversées du Pape Benoît XVI, en France, les réactions au foulard
islamique, l’interdiction, en Suisse, de la construction de minarets,
et le meurtre de Marwa El Sherbini ont été très largement couverts
dans les médias égyptiens. Naturellement, cette couverture a été
négative. Le sentiment général est que les Arabes et les musulmans
ne sont pas les bienvenus en Europe, et que l’islamophobie prévaut
dans les pays européens. Le récent sondage Anna Lindh/Gallup
a montré que près des trois quarts de l’échantillon (72,4%) ont
dit ne rien avoir lu, vu ou entendu dans les médias qui ait eu une
incidence positive sur leurs perceptions des Européens. À mon
avis, le pourcentage d’interrogés qui ont déclaré l’inverse (27,6%)
est surévalué, de nombreux Egyptiens étant «trop gentils» pour
dire autre chose. Pour ceux qui ont affirmé avoir été positivement
influencés, les nouvelles télévisées représentent leur principale
source d’influence (63,1%), suivie par les films (18,9%). Il aurait
aussi été intéressant de connaître la nature des médias qui ont
influencé ceux qui n’ont pas été positivement influencé. Toutefois,
les résultats globaux montrent l’importance de la télévision comme
moyen d’affecter la perception des Egyptiens sur les Européens, et
un manque général d’influence positive dans cette matière.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Selon les résultats du sondage Anna Lindh/Gallup en Espagne, la
plupart des répondants (77.4%) «ne se souvient pas avoir regardé,
lu ou ecouté quelque chose dans les médias qui les aurait fait
changer ou renforcer positivement leur opinion sur les habitants
des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée». Bien qu’il s’agisse
d’un pourcentage très élévé, il est légèrement inférieur aux 79%
obtenus en moyenne dans les 8 pays européens concernés par le
sondage. Toutefois, les résultats de l’enquête espagnole restent
préoccupants car, d’une certaine manière, ils remettent en question
le rôle des médias dans la promotion d’une société interculturelle
et, en particulier, dans la lutte contre l’islamophobie.
Le sondage révèle également que 19.4% des répondants ont
été influencés positivement par les médias. Cette affirmation
appelait une deuxième question – «dans quelles sources avez-vous
trouvé ces images plus “ positives” ?» – dont les résultats sont très
intéressants : la plupart des répondants (57.2%) – presque le même
pourcentage que la moyenne des 8 pays européens étudiés –
mentionne les journaux télévisés, suivis par les films documentaires
(26.6%), la presse écrite (25.2%) et les livres (17.2%). Les sources les
moins citées sont Internet (6.7%), le cinéma (4.3%) et, en dernier
lieu, la radio (1.8%).
Ces chiffres suscitent de nombreuses interrogations. Pourquoi les
informations télévisées, spécialement critiquées dans les études
Les différences de profil sociologique des personnes interrogées
ont peu d’impact sur la nature des réponses, à l’exception des
résultats liés à la variable «religion». Un pourcentage très élevé des
répondants musulmans (81.8% contre 19.4% en moyenne), affirme
avoir été influencé positivement par les médias. A première vue,
cette donnée paraîtrait contradictoire, puisque l’image négative
des musulmans prédominante dans le discours médiatique pourrait
faire penser qu’ils se montreraient particulièrement critiques vis-àvis des mass media. Or, de nombreux facteurs permettent de mieux
comprendre cette contradiction apparente. A la télévision, par
exemple, un même discours peut être interprété de façon différente
en fonction des trajectoires, des imaginaires et des attentes de
chaque spectateur, de sorte que certaines images qui peuvent
renforcer les stéréotypes négatifs de certains spectateurs peuvent
être perçues de manière neutre – voire positive – par d’autres. Ces
résultats pourraient également témoigner des différences dans le
type des médias consommés, la population musulmane interrogée
regardant davantage que le reste des sondés d’autres chaînes –
comme la chaîne arabophone Al Jazeera.
Conditions pour favoriser la diversité culturelle
Ces dernières années, les radios et les télévisions publiques
espagnoles ont inclus, dans leur programmation, des émissions
avec des contenus spécifiques sur l’immigration et la promotion
de la diversité culturelle, telles Tot un món de TV3 (Catalogne),
Bienvenidos de Canal Sur Radio (Andalousie) et Telenoticias sin
fronteras de TeleMadrid (Madrid). Ces émissions fournissent des
renseignements utiles aux travailleurs immigrés, ainsi que des
Espagne - Sans frontières
On peut trouver de bonnes pratiques dans les médias créés par ou pour les immigrés, qui représentent un phénomène très récent en Espagne.
Parmi les nombreux facteurs qui l’expliquent, on peut souligner la volonté d’offrir un visage pluriel et moins stéréotypé de l’immigration.
On peut citer, par exemple, le programme Sense fronteres, créé par l’association Maghrébins sans Frontières réunissant des immigrés
ressortissants du Maghreb, en particulier du Maroc, diffusé sur les ondes de la radio publique de Salt (Catalogne). Ce programme vise à
encourager la persistance de liens entre Maghrébins et à maintenir les référents culturels de la Catalogne et du Maroc. Un autre facteur qui
contribue à la création de ces nouveaux médias est la volonté de ces minorités ethniques et/ou religieuses de participer au débat public et
de revendiquer leurs droits. La revue Attawasul, créée par l’association socio-culturelle Ibn Batuta, en est un bon exemple. L’émission Sin
fronteras de Radio Almenara et le centre de production radiophonique www.masvoces.org sont également révélateurs de cette tendance.
www.masvoces.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
Image du monde arabe et musulman
Publié en 2010, le rapport «L’image du monde arabe et musulman dans les médias espagnols» révèle l’image de la région arabe
transmise par la presse espagnole généraliste. Consciente de la grande influence des médias sur la formation de l’opinion publique et
de son rôle dans le processus du dialogue interculturel, la «Fundacion Tres Culturas del Mediterraneo» a publié ce rapport, basé sur une
analyse quantitative et qualitative portant sur plus de 2 100 journaux et près de 10 000 articles publiés dans six journaux espagnols (El
Pais, El Mundo, La Razon, ABC, La Vanguardia et El Periodico de Catalunya). Il met l’accent sur les questions de la plus haute importance
pour la formation de l’opinion publique espagnole sur ce thème : les relations entre l’Espagne et le Maroc, le conflit israélo-palestinien,
l’approche journalistique du terrorisme, le choc culturel et la construction de ponts entre l’Occident et le monde arabe et musulman. A cet
égard, la recherche est unique dans la sphère nationale et se situe au niveau des meilleures enquêtes internationales sur le même sujet.
www.tresculturas.org
informations sur leurs cultures afin de renforcer la communication et
l’empathie entre les populations autochtone et immigrée. C’est dans
ce genre de programmes que l’on peut trouver des présentateurs
issus des minorités ethniques. En revanche, ces minorités ne sont
en général pas représentées dans les équipes de direction, de
production et de réalisation de ces émissions. Une autre initiative,
née de la télévision publique catalane soucieuse de se rapprocher
des nouveaux migrants, a été de sous-titrer en d’autres langues,
comme l’arabe et l’espagnol, quelques-uns de ses programmes
habituellement diffusés exclusivement en langue catalane.
À l’échelle nationale, la Télévision Publique Espagnole (TVE) diffuse
actuellement une seule émission avec ce genre de contenus : Babel.
On peut aussi voir sur cette chaîne Azahar, une série documentaire
sur le développement durable dans plusieurs pays du Sud et l’Est de
la Mediterranée. TVE diffuse également, à l’attention des minorités
religieuses, un programme dédié à la religion musulmane et ses
croyants : Islam hoy, la seule émission des médias publics espagnols
à être dirigée par un journaliste maghrébin.
L’Institut des Journalistes de Catalogne a été pionnier dans la
création de manuels pour les journalistes. En 1995, il a rédigé la
Convention sur la protection de la culture et de l’image des minorités
ethniques dans les médias. Cette convention a été adoptée en 1996
par les principaux médias catalans et est devenue le Manuel sur le
traitement médiatique des minorités ethniques. Le même Institut a
créé en 1995 une commission appelée «Solidarité Journalisme», au
sein de laquelle les journalistes tentent d’avancer sur le chemin du
multiculturel, en accord avec le Manuel. Ultérieurement, d’autres
associations de journalistes, telles la Fédération d’associations
de journalistes d’Andalousie et la Fédération des journalistes
d’Espagne, ont à leur tour élaboré des recommandations sur le
traitement médiatique des immigrés.
Pour les journalistes et les responsables des médias espagnols, le
premier pas à faire afin de parvenir à une vision plus juste de nos
voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée consisterait à suivre les
recommandations et les codes déontologiques déjà existants sur
le traitement de l’immigration et des minorités ethniques. L’étape
suivante serait de prendre en compte les dimensions politique,
économique et historique dans les informations, afin de ne pas être
tenté de donner des explications culturalistes à des phénomènes
sociologiques aussi complexes que les islamismes ou le terrorisme
de type Al-Qaeda. Il serait également bénéfique de montrer la très
grande diversité culturelle et sociale de cette région, en présentant
aussi les dernières transformations sociales tant dans le champ
intellectuel et artistique que dans les mouvements des droits de
l’Homme et, en particulier, des droits des femmes.
Par rapport aux sources d’information, les professionnels de la
communication devraient chercher un équilibre entre les sources
institutionnelles occidentales (prédominantes dans la plupart des
informations) et les sources non-occidentales (victimes des conflits,
experts arabes et musulmans, etc.). Afin de construire des points de
vue plus critiques et pluriels, ils pourraient faire appel à des agences
de presse alternatives telles que Inter Press Service, et se servir d’outils
précieux comme l’Agenda de la diversidad. Il serait également
utile d’élargir le réseau restreint de correspondants espagnols qui
travaillent actuellement au Sud et à l’Est de la Mediterrannée, ainsi
que de consolider les réseaux entre les journalistes espagnols et les
journalistes marocains qui travaillent dans la presse indépendante
marocaine (dont beaucoup résident en Espagne) et dans les médias
créés par/pour les immigrés maghrébins résidant dans ce pays.
Il y a tellement de facteurs qui conditionnent la construction des
images stigmatisantes des Autres dans les mass media espagnols
que l’on ne doit pas compter uniquement sur la bonne volonté
des journalistes pour parvenir à une représentation plus juste de
la diversité culturelle. Dans les faits, les pratiques hégémoniques et
la routine – manque de temps disponible, prévalence de l’émotion
sur l’explication, etc. –empêchent les journalistes sensibles à cette
question de faire leur travail.. En définitive, l’objectif n’est pas
seulement de changer les discours et les pratiques journalistiques
dominants dans les principaux médias, mais aussi d’établir les
conditions favorables pour que les discours médiatiques en
provenance d’autres secteurs sociaux –comme les mouvements
citoyens et constestataires du Nord et du Sud de la Mediterrannée
– aient une présence équivalente dans la sphère publique. Enfin,
la lutte contre l’hégémonie des discours ethnocentriques passe
également par le rééquilibrage des énormes inégalités entre Nord
et Sud en matière d’information et de communication.
LAURA NAVARRO est maître de conférences en
communication interculturelle à l’Université de Valence et
expert en médias et migrations.
Le Rapport Anna Lindh 2010
109
108
Par ailleurs, cette loi fragilise le Tiers Secteur de la communication
(composé des médias ni commerciaux ni publics), bien qu’elle
reconnaisse son rôle dans la «promotion de la cohésion sociale et
du dialogue interculturel» (cf. déclaration du Conseil de l’Europe
sur le rôle des médias communutaires). En fait, bien que cette loi
reconnaisse, pour la première fois en Espagne, l’existence des «médias
communautaires sans but lucratif» (cf. article 32), elle ne met en place
aucune mesure susceptible de garantir leur existence. Au contraire,
elle tend à établir des freins économiques à leur développement.
sur les médias et le racisme, apparaissent-elles en premier lieu
? Est-ce parce que la télévision reste le média le plus populaire ?
Les répondants faisaient-ils référence aux journaux télévisés ou
plutôt aux reportages de fond souvent difusés dans des émissions
hebdomadaires (où les journalistes ont, en général, plus de temps
pour l’analyse critique et la réflexion) ? Est-ce le résultat – au
moins en partie - de la mise en œuvre, ces dernières années, de
bonnes pratiques dans les télévisions publiques ? En outre, alors
que plusieurs études ont démontré leur rôle important dans la
construction d’identités culturelles plurielles et hybrides, pourquoi
Internet et le cinéma sont-ils si peu mentionnés par les personnes
interrogées ? Y a-t-il aussi des obstacles à la distribution de ces
productions cinématographiques «alternatives» ? Les incroyables
outils offerts par Internet sont-ils bien exploités ?
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
création d’un Consejo Estatal de Medios Audiovisuales (CEMA),
une institution publique qui devra garantir l’application des droits
établis dans cette loi, parmi lesquels «le droit à la diversité culturelle
et lingüistique». Cependant, cette «diversité» ne fait pas reférence
à la diversité ethnique en général, mais plutôt à «la promotion de
la production audiovisuelle européenne» et à la diffusion «dans les
différentes langues officielles de l’Espagne». De plus, elle n’envisage
aucune mesure spécifique pour favoriser une représentation plus
juste des minorités ethniques dans les médias.
ISABELLE RIGONI
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
110
La place des immigrés et des minorités dans les médias français est encore perçu comme un sujet rarement
traité, selon le sondage Anna Lindh/Gallup. Isabelle Rigoni dresse un panorama de la recherche nationale et
internationale des dix dernières années pour mettre en perspective l’évolution de la façon dont les questions
relatives à la diversité culturelle ont été couvertes dans les médias. Outre l’émergence de bonnes pratiques dans
les médias des minorités, Isabelle Rigoni identifie un certain nombre de points auquel il convient de s’intéresser
dans les médias grand public pour promouvoir la diversité des voix.
La place des immigrés et des minorités ethniques dans les médias
est l’objet de nombreux débats en France comme dans d’autres
pays européens (Rigoni, 2007a). Cette question, qui est devenue
incontournable en quelques années à la fois dans les milieux
politiques, bénévoles, universitaires et médiatiques doit être
replacée dans le contexte du discours le plus large en faveur de la
«diversité culturelle». Qu’il soit appliqué à l’ensemble de la société
ou à d’autres secteurs d’activité, le discours politique en faveur
de la diversité date, dans les médias, du début des années 2000
(Dagnaud, 2000) et est monté en puissance avec la cristallisation
des revendications identitaires. Le rapport commandé en 2004
par le Fonds d’Action Sociale (FAS) sur la représentation et
la représentativité des immigrés dans les médias (Frachon &
Sassoon, 2009), retrace la genèse de cette question dans la France
contemporaine. Il entend en particulier montrer que le rôle des
organismes publics concernant la représentation et la présence
des immigrés et des minorités dans les médias a été façonné par les
priorités des gouvernements successifs, mais aussi par les exigences
et les pressions de la société civile. Des politiques interventionnistes
visant à donner plus de considération à ces groupes dans les médias
ont été menées en France depuis plus de trente ans. A l’origine,
elles ont été proposées par le FAS (devenu FASILD puis ACSE) qui
a incontestablement été un chef de file dans la transformation de
la représentation des immigrés et des minorités dans les médias.
D’autres organismes publics tels que le Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel (CSA) et le Haut Conseil à l’Intégration (HCI) sont aussi
devenus actifs dans le domaine, souvent après avoir été soumis à la
pression des organisations de la société civile.
Combattre les stéréotypes et la discrimination
Depuis 1999, les organisations de la société civile ont joué un rôle
crucial dans l’engagement de certaines institutions et elles ont
contribué, par exemple, à développer la prise de conscience bien
au-delà du FAS et à propulser le débat sur la représentation des
minorités dans la sphère publique et parmi les nouveaux acteurs
concernés. Outre la question du degré de visibilité de la diversité dans
la société française et l’émergence ou la persistance de stéréotypes,
d’autres thèmes ont été abordés, tels que la discrimination,
Le Rapport Anna Lindh 2010
l’esclavage et le rôle joué par la colonisation dans la représentation
de certaines minorités dans la France d’aujourd’hui. En termes de
politique de lutte contre les discriminations, le CSA reste hostile
aux quotas, mais il peut travailler de concert avec la Haute Autorité
de Lutte Contre les Discriminations et Pour l’Egalité (HALDE) qui
aborde les questions de la gestion du personnel ou encore de la
visibilité à l’écran, tandis que le CSA traite les plaintes concernant les
contenus diffusés à l’écran tels que l’incitation à la haine raciale. Le 7
septembre 2007, Louis Schweitzer, Président de la HALDE a déclaré
que la HALDE n’avait jamais, jusque-là, trouvé un organe de presse
coupable de pratiques discriminatoires, ni avoir mené d’enquêtes
sur une possible discrimination dans les médias. Ces investigations
sont difficiles à organiser et coûteuses. La HALDE a encouragé les
organes de l’audiovisuel à leur préférer l’auto-évaluation. En outre,
le CSA collabore avec d’autres organismes publics, comme le Haut
Conseil à l’Intégration (HCI). Le 24 avril 2004, le CSA et le HCI ont
organisé un symposium intitulé «Ecrans pâles ? Diversité culturelle
et culture commune dans l’audiovisuel» réunissant les présidents
des chaînes de télévision, des professionnels de l’audiovisuel et des
associations et qui, pour la première fois, a porté la question de la
représentation de la diversité dans les médias sur la place publique.
Un an plus tard, le HCI a rendu au Premier ministre un avis intitulé
«Diversité culturelle et culture commune dans l’audiovisuel» (HCI,
2005), qui a reconnu des changements réels, mais insuffisants,
le retard de la France en la matière sur les autres pays européens
n’ayant toujours pas été comblé. Quelques mois plus tard, les
émeutes urbaines survenues en octobre-novembre 2005 dans des
zones défavorisées françaises largement couvertes par les médias
du monde entier ont profondément marqué la question de la
représentation de l’altérité et la participation des minorités visibles
dans les médias. Elles conduisirent à une implication renforcée du
pouvoir politique avec un engagement particulièrement important
du Président de la République Jacques Chirac, qui convoqua pour la
première fois ensemble à l’Elysée les onze présidents des principales
chaînes de télévision et des groupes audiovisuels, ainsi que des
membres du HCI, du CSA et du Club Averroès. Le chef de l’Etat a
annoncé diverses mesures, dont certaines ont donné naissance à la
loi dite «pour l’égalité des chances» adoptée le 9 mars 2006. Cette
initiative a eu des répercussions immédiates et concrètes avec
De la diversité dans les médias à la diversité des médias
Malgré les mesures politiques prises, les effets sur le contenu des
médias semblent encore assez faibles. C’est parce que la plupart
des actions, qu’elles soient à l’initiative des organisations de la
société civile, des institutions publiques ou du pouvoir politique, se
concentrent principalement sur le secteur audiovisuel et ont peu
d’impact sur la presse et surtout étant donné le caractère récent, en
France, de la défense de la diversité culturelle dans les médias. Des
études menées par des sociologues et des historiens ont décrit les
principales questions liées à l’immigration et, plus généralement, à
l’altérité, couvertes par les grands médias en France (Rigoni, 2007a
et b) ainsi que les difficultés auxquelles les médias sont toujours
confrontés notamment pour la mise en œuvre de la politique de
«diversité» (pour une analyse détaillée de la recherche universitaire
depuis le milieu des années 80 jusqu’en 2006, voir la contribution
de Rigoni dans Frachon et Sassoon, 2009). L’analyse des résultats
du sondage Gallup/Fondation Anna Lindh réalisé en France sur les
valeurs véhiculées par les médias concernant la diversité culturelle
et les relations interculturelles montre que la place des immigrés et
des minorités ethniques dans les médias français est encore perçue
comme un sujet rarement traité. Les données ont été recueillies
auprès de 1001 personnes vivant en France, dont 520 femmes (52%)
et 481 hommes (48%). Un tiers ont entre 30 et 49 ans (33,7%), 23,9%
entre 15 et 29 ans, 22,7% entre 50 et 64 ans et 19,6% plus de 65
ans. La plupart des personnes interrogées (90%) sont des Français
nés de parents français, tandis que 4,5% ont des parents étrangers;
3,2% sont nés à l’étranger ainsi que leurs parents, et 1,92% sont nés à
l’étranger. Parmi les pays d’immigration des personnes interrogées,
les plus représentés sont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, mais
65,4% ont refusé de répondre à cette question. De la même
manière, 81,6% n’ont pas accepté de répondre au sujet de leur
religion. Ce faisant, on présuppose que la plupart des répondants
souhaitent éviter toute stigmatisation. En ce qui concerne leur
situation économique, la plupart d’entre eux considèrent avoir un
niveau de vie dans la norme d’une famille moyenne - sans doute
parce que plus de la moitié vivent dans une région rurale ou un
village (36,9%) ou dans une ville petite ou moyenne (36,1%). Le
sondage montre – et c’est très intéressant - que seulement 12,7%
des personnes interrogées se rappellent avoir récemment lu ou
regardé quelque chose dans les médias qui ait changé ou renforcé
leurs points de vue sur les habitants de la région méditerranéenne
dans un sens plus positif. Parmi eux, seulement 5,5% pourraient
citer un film qui leur a donné cette impression positive, 6,6% un
livre, 11,4% une émission de radio, 12,5% des sources sur Internet,
sauf les blogs, 15,5% un film documentaire, 29,8% la presse écrite, et
49,1% des nouvelles à la télévision. Deux raisons distinctes peuvent
être avancées pour expliquer cette disparité entre la réalité sociale
d’une France cosmopolite et la perception de sa représentation
dans les médias : d’une part l’espace marginal réservé dans la
programmation aux reportages de fond et aux documentaires,
et d’autre part l’omniprésence de représentations préétablies des
groupes d’immigrés (Mills-Affif, 2004).
Certaines études montrent que c’est dans un contexte de
représentation faussée et de sur-stigmatisation que de nombreuses
personnes vivant en situation de minorisation se tournent vers
des médias qu’ils considèrent comme différents ou tout au moins
où ils peuvent faire entendre leur voix. Dans leur quête d’autoreprésentation, les différentes populations d’origine immigrée se
sont tournées, en France comme ailleurs, vers les médias produits
et diffusés depuis leur pays d’origine, en particulier pour la presse
papier et en ligne et la télévision par satellite, dans l’espoir de recevoir
des informations et de se divertir. Depuis le milieu des années
1990, les recherches ont principalement porté sur le phénomène
de la télévision par satellite et l’augmentation concomitante des
paraboles dans les banlieues françaises (Mattelart, 2007 et 2002;
Guaaybess, 2005).
A côté des médias traditionnels et des médias produits dans les
pays d’origine, coexistent une multitude de productions culturelles
gérées par des groupes ethniques ou religieux qui, à la fois dans
leur existence et leurs positions, contribuent à la redéfinition de
l’identité nationale, de l’identité des groupes minoritaires, et des
identités individuelles - et, ce faisant, à la question de la diversité.
Le prix media des diversités
Le prix Media des diversités, créé par l’Institut Panos Paris (IPP), et décerné à Radio France le 31 janvier 2007, a souligné la contribution
des médias des minorités ethniques (médias des diversités) dans le paysage audiovisuel français. Cette visibilité a été renforcée au cours
de l’été 2007 grâce à une opération visant à la mise en place d’équipes formées d’un journaliste issu des minorités et d’un journaliste des
médias grand public. Toutes les stations de Radio France y ont pris part, avec RFI, RFO, Radio Orient, Radio Rencontre, Beur FM, Radio Hauts
de Rouen, Radio Mangembo, Africa N° 1, Radio Campus Dijon, Fréquences Paris Pluriel et EPRA. La presse écrite était aussi représentée.
L’objectif était de produire, de distribuer et de publier conjointement des articles écrits et des reportages radio. En 2008, cette opération a été
sélectionnée par l’Union européenne et la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) comme l’une des initiatives les plus réussies en
Europe sur le thème «médias et diversité». Par ce projet, les organisateurs ont facilité la création de partenariats durables entre journalistes.
www.panosparis.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
111
Les voix des minorités et des immigrés
l’arrivée des présentateurs de minorités «visibles» dans quelques
chaînes publiques et privées. Bien que d’autres exemples puissent
être cités, il convient de mentionner la figure symbolique et très
médiatisée d’Harry Roselmack, journaliste d’origine martiniquaise,
qui a remplacé le très célèbre présentateur Patrick Poivre d’Arvor au
Journal de 20 heures de la principale chaîne de télévision privée.
Par ailleurs, le 24 janvier 2007, Rachid Arhab, un journaliste français
d’origine kabyle, ancien présentateur du bulletin de la mi-journée
sur la principale chaîne de télévision publique, a été nommé
membre du CSA par Jean-Louis Debré, Président de Assemblée
nationale, et Président du nouveau groupe de travail sur «la
diversité».
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
FRANCE
Dans le secteur audiovisuel ainsi que dans la presse, certains se
sont eux-mêmes qualifiés de médias «de la diversité» afin de ne
faire référence à aucune origine ethnique. Parmi d’autres initiatives
apparues au milieu des années 2000, il convient de mentionner le
programme européen Mediam’Rad coordonné de 2005 à 2008 par
l’Institut Panos Paris, dans le cadre de son travail sur les médias et les
migrations internationales. Grâce à diverses activités de rechercheaction, ce programme a aidé à établir, au sein des ONG, mais aussi
dans le paysage médiatique français tout entier, le label «diversité»
- qu’il s’agisse de la promotion de la diversité dans les médias ou de
GRÈCE
Il semble que deux actions principales doivent être menées de
façon urgente au niveau français. Alors que la presse écrite en
France a souvent contribué au débat public sur la représentation des
immigrés et des minorités dans les médias, leurs propres pratiques
ont rarement été analysées et semblent complètement exonérées
de l’autocritique. Contrairement au secteur de l’audiovisuel, la
presse écrite n’est soumise à aucun cadre réglementaire concernant
la représentation des minorités. Pourtant, comme l’imprimé peut
souvent jouer un rôle stratégique dans la structuration de l’ordre
du jour des nouvelles pour les plates-formes d’autres médias,
davantage de recherches devraient être menées sur la façon dont
les minorités sont représentées dans la presse et comment, à
leur tour, elles s’y expriment. En outre, l’Internet et l’ensemble du
processus de convergence numérique mériteraient d’être étudiés
de près, puisqu’ils sont en train de redéfinir les règles de l’industrie
des médias, en particulier pour la presse écrite, et qu’ils ouvrent
de nouvelles opportunités pour l’expression des minorités. Alors
que les médias des minorités ethniques se sont développés avec
succès dans plusieurs pays occidentaux, en particulier au RoyaumeUni, aux États-Unis et au Canada et jouent un rôle significatif dans
ces paysages médiatiques nationaux, ils restent relativement peu
connus en France, bien qu’ils soient environ un millier au total, selon
le programme de recherche Minoritymedia. Ces médias répondent
à un besoin légitime de reconnaissance et d’expression d’une partie
de la population souvent stigmatisée. Nous devons leur prêter plus
d’attention.
MARIA KONTOCHRISTOU AND ANNA TRIANDAFYLLIDOU
Ces dix dernières années, la Grèce a assisté à l’arrivée de centaines de milliers d’immigrés et de réfugiés, un
phénomène qui a conduit à une évolution rapide des médias des minorités. Comme le soulignent Maria
Kontochristou et Anna Triandafyllidou, ce développement offre, plus que jamais, l’occasion de mettre en place
des politiques claires sur la façon dont la diversité culturelle doit être abordée dans le secteur des médias. En
outre, les auteurs affirment qu’il existe un besoin urgent de voir émerger des bonnes pratiques positives, telles
que la diffusion en plusieurs langues et la formation aux médias
En Grèce, il n’y a pas de stratégie politique particulière en faveur des
médias des minorités ou de programme important portant sur les
questions des médias et de la diversité culturelle. En outre, il n’existe
pas de code de bonnes pratiques inclusives relatives à la régulation
de la couverture médiatique, dans la presse et à la télévision, de la
diversité culturelle, des minorités ethniques, du racisme et autres
sujets connexes. Les questions culturelles sont régies par des codes
d’usages généraux tandis que le Conseil national de la radio et de
la télévision (NCRTV), agit comme un organisme de surveillance.
En particulier, le Code de déontologie des journalistes (Code de
déontologie), ainsi que d’autres codes associés (par exemple le
Code de déontologie de l’information et d’autres programmes
rédactionnels et politiques) autorisé par NCRTV, et les codes des
journalistes professionnels, ont jeté les bases pour la protection
des droits de l’Homme et pour un traitement équitable. De plus, la
Grèce a pris des dispositions pour transposer dans le droit national
la nouvelle Directive Services de médias audiovisuels, qui approuve
des règles spécifiques concernant la protection des minorités.
Aperçu de la production médiatique
ISABELLE RIGONI est responsable de l’équipe d’excellence
du programme européen Minoritymedia hébergé par
Migrinter, Université de Poitiers.
Belgique - Bourses pour journalistes
De 2003 à 2008, la Fondation Roi Baudoin a accordé des bourses à des journalistes qui ont réalisé des reportages, des articles ou des
émissions sur l’islam et sur des communautés musulmanes au Maroc, en Turquie ou ailleurs en Europe. L’initiative est née du constat
qu’une grande partie des quelque 400 000 musulmans de Belgique est originaire du Maroc et de Turquie et que la représentation des
communautés de migrants que nous développons reste subordonnée à celle que les médias nous livrent. Pour contribuer à agir sur
cette perception, 119 journalistes ont bénéficié des bourses de la Fondation Roi Baudouin sélectionnés par un appel à projets destiné
à proposer un soutien financier à des journalistes, individuellement, et leur offrant un séjour au Maroc et en Turquie qui leur a permis
de prendre le temps de mieux appréhender la société locale, à un rythme différent de leur travail quotidien. Suite à une évaluation de
ce premier cycle de bourses, un élargissement à d’autres communautés d’immigrés a été conçu et un nouvel appel a été lancé en 2010.
www.kbs-frb.be
Le Rapport Anna Lindh 2010
La couverture médiatique des minorités
Des thèmes liés aux médias et à la diversité culturelle ont fait
l’objet de recherches principalement au cours des deux dernières
décennies. Ces travaux ont essentiellement porté sur la couverture,
dans la presse, des immigrés et des questions relatives aux minorités
(par exemple Mikrakis et Triandafyllidou, 1994; Vamvakas, 1997;
Koiliari, 1997; Pavlou, 2001; Konstandinidou, 2001; Lalioti, 2005 et
Koundouri, 2008), alors qu’un nombre très limité d’études propose
une analyse de la couverture médiatique à la fois dans la presse
et à la télévision (par exemple Triandafyllidou, 2002; Gropas et
Triandafyllidou, 2009) et que très peu de recherches s’intéressent au
rôle des médias des minorités et des médias grecs dans les questions
relatives à la diversité culturelle (par exemple Georgiou, 2002). En
outre, il existe des études qui examinent l’attitude des journalistes
à l’égard des étrangers (Organisation internationale des immigrants,
2004; Université Aristote de Thessalonique, 2006), des livres sur les
bonnes pratiques pour les journalistes (par exemple Equal-Dream,
2004), des études comparatives sur les radios multiculturelles (par
exemple Commedia.net, 2004).
Cependant, il n’existe pas de travaux d’évaluation et pratiquement
aucune recherche sur l’analyse des politiques des médias et de
la stratégie des Etats concernant la diversité culturelle, sur le
mécanisme de mise en place des programmes et la manière dont
ils agissent sur le fond et la forme des reportages sur les minorités
et les questions ethniques. Les études manquent également sur la
politique de programmation à la radio et à la télévision, l’analyse
systématique du programme et de l’audience en référence à la
diversité culturelle.
L’arrivée de centaines de milliers d’immigrés et de réfugiés des
Balkans, de l’ex-Union soviétique, d’Asie et d’Afrique a introduit de
nouvelles données dans le paysage médiatique grec. Les médias
des minorités – indépendamment des médias des minorités
musulmanes du Nord-Est de la Grèce – ont commencé à se
développer rapidement pendant la dernière décennie, à la suite de
l’afflux d’immigrés. Aujourd’hui il y a environ vingt-quatre journaux
pour émigrés en Grèce qui sont distribués quotidiennement et
régulièrement (par exemple, Panorama Arabic, Gazeta e Athines).
La plupart d’entre eux sont bilingues et établissent leur contenu
autour des questions de législation, d’emploi, de sécurité et autour
de thèmes comme la culture, le social et les questions de la vie
quotidienne.
Dans le secteur de l’audiovisuel, quelques étapes positives ont été
franchies dans le sens d’une plus grande ouverture aux populations
d’immigrés et des minorités, particulièrement par l’opérateur radio
public. La Voix de la Grèce, FILIA 665 ΑΜ, radio internationale
d’Athènes, qui émet dans beaucoup de langues et a un contenu
multiculturel, en fait partie. En ce qui concerne les programmes
télévisés, l’opérateur public diffuse des émissions produites
exclusivement pour les immigrés, qu’il s’agisse de sujets antiracistes,
de contenus multiculturels ou d’informations sur la législation
ou sur les politiques d’immigration (par exemple «Métropole du
Mot», «Balkan Express EURODOC» – Europe 2013). Dans le même
esprit, ces deux dernières années ont vu une augmentation des
programmes d’information, à la télévision privée, qui consacrent du
temps aux thèmes relatifs à l’immigration irrégulière, aux conditions
de vie et aux droits des migrants (par exemple «Mega Recherche»
et «La Boîte de Pandore» sur AlphaTV). De plus, les chaînes de
télévision ont produit des feuilletons télévisés, qui traitent de
Le Rapport Anna Lindh 2010
113
la création de «médias de la diversité».
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
112
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Parmi ces productions, des recherches sur les médias des minorités
ethniques ont mis en exergue leur ancrage dans l’histoire en ce
qu’ils sont contemporains des premières vagues de migration - à
la fois internes et externes - aussi bien en Europe qu’en Amérique
du Nord (Parc, 1970, 2008). Produits de la migration mondiale et de
la prolifération des cultures minoritaires, les médias analogiques
et numériques des minorités ethniques sont aujourd’hui à la fois
les producteurs et les réceptacles de l’identité. Le projet de l’Union
européenne d’excellence Marie Curie Minoritymedia, financé
pendant quatre années, 2006-2010, et accueillie par l’Université de
Poitiers et Migrinter, a contribué à analyser le rôle crucial des médias
des minorités ethniques dans la production de la représentation
et de l’identité. Il a permis de comprendre que l’orientation et la
production des médias des minorités ethniques doivent finalement
être envisagé dans un champ transnational de flux d’information,
d’engagement identitaire de la diaspora et d’auto-(re)présentation.
De façon plus notable encore, le projet a également contribué à
pointer de nouvelles tendances en matière de communication
culturelle dans la sphère publique européenne. C’est-à-dire
l’émergence, dans la plupart des pays d’immigration post-coloniale,
de nouvelles formes de médiation et de pratiques de production
culturelle traitant des questions telles que l’ethnique et le religieux,
le cosmopolitisme et la diversité, la citoyenneté et la lutte contre la
discrimination. Avec près d’un millier de titres, selon le programme
de recherche Minoritymedia, les médias des minorités ethniques
représentent un lieu d’expression, voire de pression, et contribuent
pleinement au processus de renforcement de la visibilité et de
l’auto-représentation collective dans l’espace public. En répondant
aux besoins et en ayant une position éditoriale spécifique, ces
médias agissent comme un complément à l’offre des médias grand
public. Certains d’entre eux abordent les questions actuelles de
la diversité culturelle qui correspondent aux préoccupations du
public.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
En conclusion, selon les résultats récents du sondage Anna Lindh/
Gallup, 14% des personnes interrogées en Grèce ont reçu une
information des médias qui a changé ou renforcé positivement
leur perception des personnes vivant dans les pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée (ce qui n’était pas vrai pour 82.3%). Les
sources à l’origine d’impressions positives les plus souvent citées
sont la télévision (37.6%), suivie de la presse écrite (19.9%), des
films documentaires (11.6%), d’Internet, et d’autres sources (8.8%
respectivement). D’autre part, les livres (6.1%), les films (4.4%), la
radio (2.2%) et les blogs (0.6%) sont considérés étant des sources
de référence moins aptes à transmettre des notions positives sur les
habitants des pays de Sud et de l’est de la Méditerranée
Tendances dans la couverture médiatique interculturelle
La couverture médiatique des minorités et des questions s’y
rapportant dépend des événements et reste occasionnelle. Cette
couverture est basée sur la fréquence, la signification et l’intérêt
(attractivité, dramatisation des événements etc.) et ne fait pas partie
de la programmation habituelle. Les principaux thèmes couverts
sont l’entrée illégale dans le pays, la prostitution, les vols et les
agressions. Les sujets se rapportant aux immigrés et aux minorités,
aux activités culturelles et sportives, aux succès professionnels ou
aux aspects créatifs de leurs vies sont rarement ou jamais couverts.
La presse et la télévision utilisent comme sources les immigrés euxmêmes, la police et quelques avocats. Il y a très peu de journalistes
de presse accrédités qui rendent compte exclusivement des
immigrés, des minorités et des questions y afférant, alors que 71%
des journalistes qui couvrent ces sujets n’ont pas de formation
spécifique. Il est intéressant de noter que 32.3% des journalistes
qui couvrent ces sujets sont spécialisés dans les crimes. La grande
Selon l’étude de Triandafyllidou (2002) qui a passé en revue la
presse et la couverture médiatique générale des immigrés et
des groupes minoritaires en Grèce pendant les années 1990, la
presse quotidienne (en majorité les tabloids et quelques journaux
de droite) et les chaînes de télévision (chaînes de télévision
commerciales principalement) ont adopté un point de vue
nationaliste et plutôt xénophobe. Toutefois, depuis la fin des
années 1990, la couverture médiatique de la diversité culturelle
et ethnique a été progressivement marquée par une amélioration
consécutive à une présentation plus équilibrée de l’immigration
et des minorités. Les médias, au cours des dernières années, ont
contribué à accroître, dans une certaine mesure, l’intérêt et la
sensibilité du public (Gropas et Triandafyllidou, 2005). Les émissions
ne se concentrent plus essentiellement, comme à leur habitude,
sur des thèmes tels que «l’immigration et la criminalité», l’«identité
grecque» et «l’altérité», mais s’attache davantage aux problèmes
des minorités et des migrants. En effet, les débats relativement
récents (2004-2006) dans les médias sur la construction d’une
mosquée à Athènes (analysés dans Triandafyllidou et Gropas,
2009) sont révélateurs de cette ouverture progressive – même
si elle reste hésitante – aux principes et aux valeurs de respect
mutuel, de tolérance et de multiculturalisme. En effet, la nécessité
d’établir une mosquée officielle à Athènes a été reconnue par la
grande majorité des acteurs cités dans les médias (étatiques et
non étatiques, y compris l’Eglise de Grèce). En réalité, deux sujets
étaient dominants dans le discours des médias. Le premier était
le rôle du facteur «étranger» (par exemple, les gouvernements
arabes, mais aussi les groupes présumés islamistes qui offraient
un financement) dans la construction et le fonctionnement d’une
mosquée officielle à Athènes. Le deuxième était la valeur de base
sur laquelle la construction de la mosquée devait être décidée et
mise en œuvre. Plusieurs journaux à la fois du centre-droite et du
centre-gauche ont appelé à un dialogue entre les religions et les
cultures et ont exprimé leur volonté de reconnaître et d’accueillir la
diversité religieuse et culturelle en Grèce. Cependant, il n’a pas été
Grèce - Station radio interculturelle
La radio multilingue et multiculturelle de la municipalité d’Athènes «Radio Internationale d’Athènes» (AIR 104,4) diffuse 24 heures
sur 24, 7 jours sur 7, en 16 langues, informant et divertissant les immigrés et les visiteurs. Elle a été créée initialement pour les
besoins des Jeux Olympiques, en 2004, puis pour répondre aux attentes d’informations des communautés étrangères à Athènes.
Les langues dans lesquelles elle émet sont les suivantes : anglais, français, allemand, espagnol, italien, russe, arabe, albanais,
polonais, bulgare, roumain, tagalog, portugais, chinois, ourdou et japonais. Les émissions, produites localement, sont axées sur
des sujets relatifs aux plus grandes communautés immigrées de la capitale grecque. Du lundi au vendredi, des nouvelles et toutes
sortes d’informations utiles sont diffusées en 16 langues tandis que pendant le week-end, le programme est plus décontracté
et porte sur la musique, le style de vie et des conseils utiles sur la façon de tirer le meilleur parti d’Athènes. La station diffuse
également des contenus de la BBC World Service, de Radio France Internationale, de la Deutsche Welle et de CRI (Chine), tels
que les grands événements politiques et culturels, les élections à l’étranger, et les manifestations les plus populaires du monde.
www.annalindhreport.org/goodpractice/athensradio
Le Rapport Anna Lindh 2010
Albanie - Le magazine Le Pont
Dans le but de développer un projet de recherche commune axée sur la compréhension des principes religieux, l’initiative «Femmes
et Religion» a réuni des représentants de femmes de trois groupes de croyance en Albanie : musulmans, catholiques et orthodoxes.
Organisé sur six mois par le Forum de l’Alliance des Civilisations, chef du Réseau Anna Lindh en Albanie, les participants ont attiré
l’attention sur l’importance des zones communes pour leurs communautés de foi, et ont identifié la «compréhension» et «la maîtrise
de soi» comme valeurs dominantes d’une femme croyante, malgré les différentes doctrines sur lesquelles la pratique est basée.
Les représentants ont également conclu qu’il existe un besoin particulier de reconnaître et d’encourager l’alphabétisation des
femmes croyantes et que leurs croyances peuvent jouer un rôle central dans la promotion du goût des autres cultures, des autres
religions, et favoriser l’harmonie entre elles. Un des principaux résultats de l’initiative a été la création et le renforcement d’un
réseau entre les femmes dédié à développer une plus large discussion sur le rôle de la foi dans la compréhension interculturelle.
www.acfos-albania.org
tenu compte du fait que l’identité nationale grecque est également
en cours de redéfinition au vu de l’augmentation de la population
d’immigrés aux cultures et aux religions diverses qui s’est installée
dans le pays au cours des vingt dernières années.
Bonnes pratiques et domaines d’action
En ce qui concerne d’autres questions connexes à la migration, des
avis critiques fondés sur la présentation objective des faits et le
respect des droits de l’Homme peuvent être considérés comme des
exemples du bon traitement médiatique de la diversité culturelle.
Il semble que de nombreux journalistes aient tendance à aborder
avec sensibilité des thèmes se référant aux difficultés sociales et
économiques des immigrés (principalement d’Asie), à l’exploitation
sexuelle des femmes amenées illégalement en Grèce ou avec de
faux contrats de travail, puis qui ont été contraintes à la prostitution
(femmes d’Europe orientale et d’Afrique), aux immigrés en situation
irrégulière (principalement d’Asie et d’Afrique) qui tentent d’entrer
en Grèce sur des épaves et dans des conditions terribles. En outre,
l’existence de stations de radio multilingues et multiculturelles,
comme Athens International Radio, ou Radio communautaire,
qui ont une variété de programmes multiculturels et emploient
du personnel de diverses origines ethniques, constitue un bon
exemple.
On trouve généralement des nouvelles des pays du Sud et de
l’Est de la Méditerranée dans les pages consacrées aux affaires
étrangères (dans la presse écrite et à la télévision), ou dans la
section des actualités nationales, si elles sont d’intérêt national (par
exemple, les thèmes liés à la défense). La couverture médiatique
est principalement déterminée par les événements (par exemple, la
situation politique dans la bande de Gaza, de grosses inondations
en Tunisie, la visite de Kadhafi en Italie, les tremblements de terre en
Turquie, l’entrée de Chypre dans l’Union européenne, etc.) En outre,
des références ont été et sont faites sur les pays méditerranéens
du Sud dans de nombreux programmes de télévision spécialisés
dans la culture et les voyages (par exemple «El. Culture» sur ET 1
TV, «Voyager» sur NET TV, «Images» sur Alpha TV), l’information (par
exemple «Nouvelles enveloppes» sur Sky TV, «Investigations» sur
ΕΤ3 TV) ou les documentaires (par exemple «Egypte : au-delà des
pyramides» sur ET-1 TV).
Dans le Nord-Est de la Grèce (principalement dans les préfectures de
Rhodope et la Thrace), il existe des stations de radio (par exemple,
Isik FM, City FM, Kral/King FM, Tele Radio) et des journaux détenus
et exploités par la minorité musulmane (par exemple Triakyanin
Sesi, Gundem, Dialog, Ozgur Balkan, Ileri) ainsi que quelques
articles écrits en turc dans les journaux grecs (par exemple dans
L’Observateur de Thrace). De plus, deux journaux en langue arabe
circulent en Grèce (Al Dafatan, Panorama Arabic) et on trouve des
informations et des programmes (transmis, par exemple, en arabe
ou en français, qui diffusent de la musique provenant de pays
méditerranéens du Sud) dans les stations de radio multiculturelles
et multilingues.
À la lumière des constats faits ci-dessus, on peut proposer
différentes pistes en faveur d’une politique plus volontariste des
médias, afin qu’ils reflètent davantage la diversité de la société
grecque et favorisent le dialogue interculturel, le respect mutuel et
l’acceptation des cultures minoritaires et majoritaires. En premier
lieu, le ministère de la Culture devrait établir un fonds qui appuierait
la mise en place et le fonctionnement des médias des minorités. Ce
financement pourrait aussi – c’est une solution alternative – prendre
la forme d’avantages fiscaux à destination des entreprises de
médias ethniques. Dans les Départements d’étude sur les médias,
il devrait également y avoir davantage de cours et une formation
spécialisée sur les questions de diversité culturelle et religieuse,
de racisme et de xénophobie. Ces cours devraient être rendus
obligatoires également dans des établissements privés proposant
des cours sur les médias (établissements d’enseignement supérieur,
écoles fonctionnant au sein de grands groupes de médias). Dans
le même temps, les groupes audiovisuels publics devraient inclure
des programmes de télévision et de radio parlant de la diversité
culturelle et ethnique à des heures de grande écoute. Une chaîne
de télévision multilingue devrait être mise en place afin de diffuser
des nouvelles et des programmes dans les langues des principaux
groupes ethniques de Grèce (par exemple l’albanais, le russe,
etc.). Enfin, le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation
pourraient travailler ensemble à la création d’un Observatoire
indépendant des médias sur la diversité culturelle.
MARIA KONTOCHRISTOU est chargée de cours à la Greek
Open University. Anna Triandafyllidou est chercheur
à la Fondation grecque de politique européenne et
internationale
Le Rapport Anna Lindh 2010
115
114
D’ailleurs, ERT participe au programme européen «MIM, Immigrés
dans le Projet Médiatique», qui vise à renforcer le rôle de plateforme
pour le dialogue interculturel du service public de l’audiovisuel. En
particulier, ET3 a l’obligation de traduire et d’intégrer dans le paysage
médiatique grec le «kit de la diversité» de bonnes pratiques.
majorité des journalistes (89.5%) déclarent qu’ils ne sont pas gênés
par la présence des immigrés en Grèce, 66.81% reconnaissent
la contribution significative des immigrés dans la croissance
économique du pays et 94% soutiennent le point de vue que les
immigrés devraient travailler légalement en Grèce. Bien que les
journalistes, comme ils l’annoncent, ne traitent pas des questions
de diversité culturelle d’une manière raciste, ils admettent que la
couverture médiatique est caractérisée par l’exagération et par le
parti pris (Université Aristote de Thessalonique, 2006).
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
manière significative – ou dont l’intrigue principale se réfère à – des
questions liées à la diversité culturelle, telles que l’immigration, les
mariages mixtes, la religion (par exemple «Les Chemins secrets»
et «Ne me dis pas au revoir» sur Ant1 TV). Il est intéressant de
noter qu’au cours des dernières années, les émissions télévisées
populaires, les feuilletons et les émissions de télé-réalité ont inclus
des migrants dans leur casting (Triandafyllidou, 2005).
ANTOINE MESSARRA
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
116
La masse d’informations disponible aujourd’hui dans le monde est plus importante que jamais, avec
l’apparition des nouvelles technologies de la communication et la couverture médiatique permanente.
Pourtant, pour Antoine Messarra, la question fondamentale et d’assurer la qualité et la diversité
de l’information dans les médias. A partir de l’exemple libanais, l’auteur souligne le rôle éthique
des journalistes, en tant que prescripteurs d’opinion et observateurs de la vérité à qui incombe la
responsabilité de plus en plus lourde de communiquer sur la complexité de la région méditerranéenne.
Le pluralisme des médias au Liban, l’accessibilité à l’information, les
traditions de plurilinguisme, la position et la qualité du Liban en tant que
carrefour d’échanges et de rencontres en font un pays à part. Selon le
sondage Anna Lindh/Gallup, 40% des Libanais estiment avoir entendu
ou lu dans les médias des faits et analyses qui ont changé ou renforcé
positivement leur perception des peuples d’Europe. La moyenne
générale dans les cinq pays non européens du panel est de 31,9 %.
Au Liban, les sources d’informations positives sont les films (15%), la
télévision (57,8%), la presse écrite (4,2%), les documentaires (12,8%), les
blogs (1%), d’autres sources sur la toile (6,8%), et la radio.
Comme on le constate, ce sont les films et la télévision qui constituent
la principale source. On aurait tendance, en partant de ces données, à
simplement considérer que l’information télévisuelle est privilégiée,
sans se poser la question de la qualité et du contenu de l’information
sur le dialogue entre les peuples diffusée par les télévisions libanaises,
et par celles des pays arabes en général. Or, c’est dans la presse écrite
et surtout les suppléments de quotidiens libanais, que l’on trouve
des informations substantielles sur l’espace euro-méditerranéen. En
outre, la projection d’une sélection de films européens au cours de
l’année 2009 a permis une approche qualitative de la culture et des
créations artistiques d’autres peuples. Une série de conférences sur la
Suisse (Association libanaise des sciences politiques et Ambassade de
Suisse au Liban, 2008) programmées dans toutes les régions du Liban
ainsi qu’un programme culturel organisé par le Centre sportif, culturel
et social du Collège Notre-Dame de Jamhour sous le titre : «Flânerie à
travers le monde» (France, République tchèque, Suisse, Espagne…) qui
consiste en une présentation d’un pays étranger assurent, par exemple,
une information de qualité et à caractère culturel et pas seulement
informationnel (Ateliers culturels, 2007-2008).
Le public libanais
Dans quelle mesure le lieu de naissance, l’émigration, les voyages, la
connaissance d’autres pays influent-ils sur la connaissance mutuelle
entre les peuples et la perception positive dans l’espace euroméditerranéen ? En analysant les réponses à la question : «Etesvous né, ou l’un de vos parents est-il né dans un pays autre que le
vôtre ?», il ressort que le pourcentage des personnes nées hors de
Le Rapport Anna Lindh 2010
leur patrie est faible (2,9%), malgré la forte tendance des Libanais à
l’émigration. En comparaison, le pourcentage des personnes nées
hors de la patrie est encore plus faible (1,9%) dans les 13 pays euroméditerranéens couverts par l’enquête.
Le pourcentage des parents nés à l’étranger est en revanche assez
élevé dans les 13 pays concernés par l’enquête (4,4%), en raison
de la forte mobilité professionnelle dans les pays européens. Le
pourcentage est également assez élevé au Liban (3,2%). Si on
se limite aux Etats arabes méditerranéens autres que le Liban, la
mobilité est relativement faible du fait que l’émigration à partir du
Maroc, de l’Egypte et de la Syrie est généralement définitive.
Dans quels pays étrangers sont nés les personnes interrogées ou
leurs parents ? En d’autres termes, quels sont les pays étrangers
qu’ils connaissent, du moins comme lieu de naissance ? La
répartition des pays d’origine, disséminée sur 250 pays dans les
différents continents, n’est pas significative. La longue succession
des pourcentages en marge des différents pays énumérés dans
le questionnaire est due au fait que l’émigration libanaise est
généralement définitive et que les enfants libanais nés de parents
émigrés s’établissent dans le pays d’accueil et ne rentrent pas dans
la patrie d’origine.
A la question : «Appartenez-vous à une religion ou à une confession
religieuse ?», deux Libanais seulement sur les 1 000 répondants ont
nié toute appartenance à une religion. Tous les autres ont déclaré
appartenir à une communauté religieuse. Sur les 13 116 personnes
interrogées dans 13 pays euro-méditerranéens, 1 431 soit 10,9%
nient tout lien avec une religion, contre 0% au Liban. A la question :
Etes-vous vraiment croyant ?, le pourcentage de réponses positives
est très faible pour le total des 13 pays (6,9%). Au Liban, seulement
52 personnes sur les 1000 personnes interrogées (5,2%) se disent
vraiment croyantes. Ce résultat est d’autant plus surprenant
que l’ensemble des Libanais sondés déclarent appartenir à une
croyance. Cela indique-t-il une régression de la croyance des
Libanais en faveur d’une appartenance socio-politique et culturelle
ou une progression des idéologies religieuses sous couvert de la foi,
de religions identitaires, de religions «sans âme» ? C’est sans doute
La superficie du Liban est peu importante et, malgré la faiblesse
des transports publics, la proximité urbaine influe sur la perception
géographique de l’espace de vie, sans que cet espace ne jouisse
de tous les avantages des équipements et infrastructures urbains.
Les répondants libanais sont pour plus de la moitié mariés (58,3%),
vivant maritalement (4,4% contre 5,1% pour l’ensemble des 13
pays), ou divorcés (1,3% contre 6,7% pour l’ensemble des 13 pays).
Ils sont des patrons ou des travailleurs indépendants (23,1%),
des salariés (25,6%), des lycéens ou des étudiants (14,5%), des
travailleurs à domicile (27,1%), des retraités (4,2%), ou n’ont pas de
travail (3,4%). Leurs domaines d’activité sont l’agriculture (4,5%),
l’industrie (12,5%), l’administration (9,7%), et les entreprises privées
(58,4%).
L’excès d’ouverture des Libanais – au sommet de l’échelle dans
l’enquête – à des ennemis et à des frères réels ou supposés leur a
coûté trop cher quant à l’indépendance et à la souveraineté de leur
petit pays. Cet excès d’ouverture doit être constamment associé à
une culture de légalité, d’éthique professionnelle et de prudence
dans les relations extérieures.
Les acquis des Libanais depuis le 14 février 2005, avec la Révolution
du Cèdre, le Printemps de Beyrouth, l’Intifâda de l’Indépendance,
ont été ciblés par des politiciens experts en manipulation qui se
servent de médias télévisés pour propager un discours putschiste,
saper les valeurs républicaines et les fondements de la légalité.
Le phénomène se généralise aujourd’hui dans des démocraties
consolidées comme dans des démocraties jeunes ou en transition
(Sciences humaines, 2008). )
Les médias et l’avenir de la démocratie
Quand l’information dans le monde d’aujourd’hui sert moins à
informer qu’à faire du spectacle, l’analyse du rôle de l’information
dans la promotion du dialogue et des échanges interculturels
doit davantage porter sur la qualité et l’éthique de l’information,
que sur le débit, les données ou le nombre et le pourcentage
des récepteurs. L’avenir même de la démocratie dépend de
considérations qualitatives.
La Fondation Anna Lindh souhaite le «partage d’une information
qualitative et plurielle» (Fondation Anna Lindh, 2009). Cependant,
là où les médias sont libres et pluriels, notamment au Liban, la
pollution de la vie publique se développe à travers les médias,
surtout télévisés, qui propagent un discours sans boussole et
servent de tribune à des polémiques stériles dont le vocabulaire est
puisé dans l’arène de la lutte pour le pouvoir et de la mobilisation
conflictuelle. François Mauriac écrivait à ce sujet : «La politique a
vidé le langage de sa substance.» (Mauriac, 1970; Issa, 2009) Les
progrès des sciences humaines et des sciences en général et les
avancées réalisées dans les métiers de l’information, et même
la formation d’excellence des journalistes ne s’accompagnent
pas nécessairement d’une d’une amélioration de la qualité de
l’information ni du travail des journalistes. Ces mêmes progrès
s’accompagnent en effet d’un développement de techniques
sophistiquées de manipulation par des pouvoirs hégémoniques et
par des politiciens dans un débat politique réduit à un spectacle.
Il ressort de l’enquête générale que la contribution des médias à
la compréhension interculturelle est relativement faible, quand
elle n’est pas négative en raison de la propagation à la télévision
d’un discours polémique et conflictuel. Cela révèle l’importance
de l’enseignement scolaire et universitaire, et surtout de la culture
véhiculée de façon plus qualitative par les manuels scolaires dans
Liban - Initiative d’information publique
Dans une société pluraliste multicommunautaire comme celle du Liban, insister sur la diversité peut contribuer à la fragmentation. Agir
sur ce qui rassemble, sur l’espace public, sur les intérêts communs et partagés, autrement dit sur les rapports au quotidien entre les
citoyens et l’administration constitue une action pionnière et normative sur ce qui rassemble. Plus de cinquante articles de journaux,
émissions de radio et reportages télévisés ont été élaborés par des journalistes de la jeune génération en tant qu’exemples normatifs
d’une information, non plus officielle et limitée à des officiels, mais véritablement publique, destinée à des usagers de services publics.
Le programme a été organisé dans le cadre du Programme de l’Assistance à la Réhabilitation de l’Administration Libanaise (ARLA), en
coopération avec l’Union européenne. Les quatre thèmes suivants ont été abordés dans plus de cinquante productions médiatiques
: «Entrer dans une administration publique : organisation de l’espace et accessibilité aux prestations»; «Formalités administratives
: comment les usagers des services publics au Liban sont-ils aujourd’hui informés ?»; «Journalistes et attachés de presse face à
l’information administrative»; «L’information locale aujourd’hui au Liban : La communication entre municipalités et citoyens locaux».
www.annalindhreport.org/goodpractice/publicinformationinitiative
Le Rapport Anna Lindh 2010
117
Priorités d’avenir à la qualité et à l’éthique de
l’information
le résultat le plus surprenant dans le volet libanais de l’enquête.
Comment les personnes sondées se situent-elles quant à leur
niveau de vie : pauvres, riches, dans la moyenne ? En réponse à
la question : «En tenant compte de toutes les données, quel est
le niveau de vie de votre famille ?», la majorité des répondants se
sont classées à des niveaux variables de pauvreté, allant de 1 à 6
sur une échelle de 7, alors que seuls 360 personnes sur 13 116 (soit
0,8%) ont déclaré appartenir à la catégorie des «familles riches».
Le constat est significatif du fait que les échanges interculturels
euro-méditerranéens, tout en favorisant la connaissance et la
compréhension mutuelles, développent ou risquent de nourrir
des perceptions de privation relative en cas de clivages socioéconomiques aigus entre les peuples euro-méditerranéens. On
entend par privation relative la tendance des personnes à percevoir
leur niveau de vie, non en fonction de «données» exclusivement
objectives, comme il leur est demandé dans le questionnaire, mais
en comparaison avec les personnes et les groupes avec lesquels
ils se réfèrent. Comment les répondants libanais qualifient-ils
les régions où ils habitent ? Alors qu’un pourcentage élevé des
personnes interrogées des 13 pays déclarent vivre dans des régions
rurales (30,8%), ils sont seulement 6,3% au Liban, le reste des
répondant disant vivre dans une ville petite ou moyenne (14,1%),
dans la banlieue d’une grande ville (34,1%) et dans une grande ville
(45,5%).
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
LIBAN
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Dans une société libanaise qui jouit d’un patrimoine de pluralisme,
de légalité et de convivialité, mais qui est fortement agressée par
des tendances putschistes suite à l’opération terroriste contre
le président Rafic Hariri et son convoi, le 14 février 2005, les
téléspectateurs assistent à un débit verbal d’insultes, de putschisme,
de fascisme, de nazisme, de non-droit, avec tout un arsenal
d’argumentation artificielle. Jamais autant qu’aujourd’hui, et
surtout depuis le Printemps de Beyrouth, la propension à ratiociner
n’a été aussi générale et laborieuse, avec des slogans, du juridisme,
du réformisme, et toujours de la surenchère. Ratiociner (du latin,
ratiocinari, de ratio, raison; faire des raisonnements, se perdre en
raisonnements interminables et cinis-cineris, cendre) devient le
pain quotidien d’émissions télévisées qui cachent l’essentiel. Le
journaliste qui se limite à reproduire des déclarations d’hommes
politiques est responsable, et même complice ou coupable… Des
politiques fabriquent des polémiques de toutes pièces, manipulent
les références nationales les plus élémentaires, et uniformisent ainsi
les esprits dans les talks-shows… Cette boutade de Woody Allen
s’applique parfaitement aux émissions télévisées en question : «A
Hollywood, tout est propre. Ils ne jettent pas leurs ordures, ils en
font des émissions de télévision.»
MAROC
La parole n’est donc pas innocente. Il faut désormais, et toujours, s’en
méfier, la susciter certes, mais l’appréhender avec discernement,
prudence, esprit critique. Nous assistons et participons, souvent
sans le savoir, à la pollution des valeurs républicaines fondatrices
d’une société, avec une propension sans limite à ratiociner. Le
journaliste, surtout celui des médias télévisés, dit qu’il rapporte des
déclarations, couvre des faits. Mais le journaliste, observateur et
témoin, est de plus en plus appelé à être un témoin lucide, prudent.
Combien il est difficile, aujourd’hui, de ne pas être dupe !
Au Maroc, comme dans d’autres pays, le débat sur la diversité et
sa relation aux médias se développe et suscite de plus en plus
l’intérêt de différentes parties de la société. Jusqu’à maintenant,
la question de la diversité n’était pas prise en compte car elle éait
perçue comme un concept dangereux susceptible de créer le chaos
et de briser l’unité du Royaume. Avant 1999, le concept de diversité
n’était pas du tout reconnu, le postulat de l’Etat étant que tous
les citoyens marocains étaient identiques et qu’ils constituaient
un groupe homogène partageant les mêmes valeurs, les mêmes
perceptions et les mêmes attentes. Toutefois, cette tendance a
changé à la faveur d’une nouvelle volonté politique et la diversité a
été reconnue dans le contexte de l’apparition de nouvelles valeurs
associées à la mondialisation. Les médias marocains ont commencé
à jouir d’une liberté sans précédent à l’égard d’une variété de
médias et de nouvelles structures médiatiques ont vu le jour.
Dépollution de l’espace médiatique
Le journaliste qui croit engager un dialogue et un débat
démocratique risque d’être utilisé comme une tribune pour la
pollution des esprits, la diffusion de la vulgarité, la politique
spectacle. Le journaliste est-il donc un robot passif face à
des insultes, à des doigts pointés avec menace, à des propos
putschistes, à la banalisation du crime et des attentats terroristes ?
Même des émissions qui, en apparence, dénoncent la corruption et
promeuvent la transparence, placent les scandales financiers dans
un enjeu de pouvoir et de compétition entre politiciens, au lieu de
cibler l’investigation sur les effets du détournement de fonds sur
la qualité de vie des citoyens. Neutralité, objectivité, impartialité…
servent malheureusement à camoufler le manque de rigueur
professionnelle, le déficit d’authenticité, le manque d’engagement
éthique. Le journaliste n’est pas un robot passif qui transmet des
insultes, ni un appareil photographique qui capte des doigts
pointés et menaçants, ni un amnésique qui dirige un débat télévisé
où des politiciens contredisent leurs propres déclarations et leurs
propres programmes, ni l’agitateur d’un débat où se confrontent
des positions sans que soit véritablement soulevé un problème, le
problème.
La pollution médiatique télévisée est devenue la pire des pollutions.
Il s’agit de restaurer les esprits devenus sans boussole, sans repère,
dans un nouveau totalitarisme putschiste version XXIe siècle. La
«Journée des dupes» n’avait autrefois duré qu’un jour, avec des
conséquences durables certes ! Les soirées télévisées d’aujourd’hui
Le Rapport Anna Lindh 2010
Nouvelles initiatives pour refléter la pluralité
culturelle
MONA EL HAMDANI
On assiste, ces dernières années, au Maroc, à un intérêt grandissant pour la promotion des questions relatives à
la diversité culturelle, un facteur qui a eu un impact sur le paysage médiatique national et sur la couverture des
questions interculturelles dans la région euro-méditerranéenne. Mona el Hamdani souligne les récentes initiatives
positives dans les médias électroniques, inspirées par la reconnaissance croissante de la diversité culturelle et
linguistique. L’auteur propose également des domaines d’action pour renforcer la capacité des médias à présenter
une information équilibrée de l’Autre.
La question de la diversité culturelle dans les médias est un débat
très récent au Maroc compte tenu du développement progressif
de la presse marocaine en termes de nombre de médias, de
réglementation et d’ouverture depuis 1956. La question centrale
était la suivante : les médias marocains reflètent-ils vraiment la
riche diversité culturelle de leur pays ? De nombreuses voix tentent
d’apporter des réponses à cette question en essayant d’évaluer la
situation actuelle en matière de diversité. A cette fin, de nombreuses
conférences et débats nationaux ont été organisés pour discuter
de cette question et essayer de trouver des approches positives
pour représenter la diversité culturelle dans les médias marocains.
Cependant, il y a peu de comptes rendus écrits ou de documents
faisant référence à des études récentes et sérieuses menées sur
cette question au Maroc.
ANTOINE MESSARRA est journaliste à L’Orient-Le Jour,
professeur à l’Université libanaise et à l’Université SaintJoseph et membre du Conseil constitutionnel
On peut trouver des articles courts qui évoquent superficiellement
cette question. Pourtant, la direction générale prise par le pays et
la politique nationale incitent à la réalisation d’études de fond et
de recherches qui examinent et discutent les différents aspects de
la diversité et des médias au Maroc. Cependant, certains obstacles
subsistent, principalement l’absence d’instituts de recherche
spécialisés dans les médias capables de réaliser des études crédibles
en matière de diversité. Le Maroc n’a pas besoin d’importer des
politiques toutes faites dans le domaine de la diversité pour les
mettre en œuvre à l’aveuglette dans la situation actuelle. Ce pays
a besoin d’apprendre de différentes expériences étrangères, de
prendre en compte ses propres caractéristiques et d’élaborer
ensuite une approche adaptée aux attentes du Maroc.
Les médias marocains et la Méditerranée
Le débat d’aujourd’hui au Maroc est uniquement axé sur la diversité
nationale à l’intérieur des frontières du Royaume. Les médias
marocains ne traitent pas de la question de la diversité culturelle
dans les pays voisins. Pour obtenir de plus amples renseignements
et des faits sur cette question, la première étape a été de faire une
recherche dans les programmes qui sont proposés par les chaînes
de télévision et les stations de radio marocaines. Aucun programme
spécifique orienté vers la découverte de la diversité culturelle des
pays méditerranéens ou d’autres pays en général n’a été trouvé. Les
seules nouvelles qui soient diffusées à cet égard sont celles liées aux
événements internationaux et aux actualités récurrentes telles que
les élections, les signatures d’accords, ou autres incidents. Il existe
des documentaires, mais ils ne traitent que des questions politiques
et économiques d’autres pays étrangers. En ce qui concerne les
films et programmes de divertissement, qui sont des vecteurs
supplémentaires de la diversité culturelle, beaucoup d’entre eux
sont américains, d’autres films viennent de France ou de l’Egypte
et ils donnent habituellement une image déformée de ces sociétés.
Au niveau de la presse écrite et des médias électroniques, les
résultats sont identiques. Dans les journaux à plus gros tirage
et les publications les plus populaires, il n’existe pas de sections
consacrées à la question de la diversité culturelle en dehors du
Maroc. Par conséquent, pour les Marocains, les seules sources
d’information pour se renseigner sur d’autres pays sont des films et
des chaînes du câble. Le public marocain a accès aux informations
sur la diversité culturelle dans d’autres pays grâce aux chaînes par
satellite, bien que l’obstacle de la langue l’empêche généralement
de comprendre la totalité du contenu, la plupart des Marocains
regardant des chaînes satellites d’autres pays diffusées en français,
arabe ou espagnol.
Le Rapport Anna Lindh 2010
119
118
Alfred de Vigny écrivait déjà dans son Journal, vers le milieu du
XIXe siècle, à propos de la presse : «La presse est une bouche forcée
d’être toujours ouverte et de parler toujours. De là vient qu’elle
dit mille fois plus qu’elle n’a à dire, et qu’elle divague souvent et
extravague.[…] Il en serait ainsi d’un orateur, fût-ce Démosthène,
forcé de parler sans interruption toute l’année.» (de Vigny, 1951)
risquent de générer des vies entières de dupes. Max Weber avait
beaucoup insisté sur la rupture, dite civilisée, entre sens et existence
(Weber, 2003). C’est à travers les médias télévisés que le risque est
maximal sous les apparences de la télé-réalité. Il faudra scruter la
réalité du réel, grâce à la vertu de prudence (phronésis), pièce
centrale de la philosophie d’Aristote (Aristote, 1992; Aubenque,
2004). Dans d’autres pays, notamment en Europe, des sujets
fondamentaux sur l’amour, la famille… tournent à l’amusement
dans un supermarché de cogitation et un non-sens généralisé.
L’information télévisée se tourne-t-elle aujourd’hui davantage vers
la plaisanterie, le spectacle et le divertissement, au sens de Pascal,
que vers l’information ? Il faudrait au moins dire à l’interlocuteur
que nous nous trouvons sur un plateau d’information et de débat,
et non sur une scène pour s’exhiber, ni sur une arène de gladiateurs.
Rien ne peut désormais être exécuté avec rigueur professionnelle et
authenticité si, au départ, on ne se montre pas extrêmement sévère
sur l’emploi qui est fait des mots. A ce propos, Talleyrand disait, avec
la clairvoyance du grand diplomate : «La parole a été donnée à
l’homme pour dissimuler sa pensée.»
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
l’espace euro-méditerranéen.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Les tendances au Maroc ces dernières années s’orientent vers la
reconnaissance de la diversité culturelle d’abord à l’intérieur du
pays. Beaucoup de nouvelles législations ont été adoptées par le Roi
et le gouvernement afin de libérer le domaine des médias. La liberté
d’expression a également augmenté, atteignant un niveau très
important ce qui permet aux journalistes d’aborder de nombreux
tabous. La sensibilité à l’égard de la question de la diversité conduit
à l’adoption, dans les médias, de nouveaux programmes qui
poussent à une plus juste représentation de tous les segments
de la société. Les dialectes locaux comme le Tamazights sont
reconnus comme langues à inclure et à utiliser dans les médias.
Telles sont les principales tendances actuelles. Elles devraient ouvrir
la porte à l’adoption de nouvelles politiques plus en faveur de la
promotion et de l’illustration de la diversité de la société marocaine.
Ces changements finiront sans doute par conduire à une plus
grande ouverture aux cultures des pays étrangers, mais cela doit
s’accompagner de travaux de recherche et être encouragée par les
pouvoirs locaux et internationaux et les experts dans les domaines
de la diversité et des médias. Le sondage Anna Lindh/Gallup
réalisé dans un certain nombre de pays de la Méditerranée est
une base fondamentale pour l’examen et l’évaluation la situation
de la diversité culturelle et des relations interculturelles dans la
région euro-méditerranéenne. Dans le cas du Maroc, les résultats
de l’enquête ont permis de vérifier de nombreuses hypothèses
Les onze questions posées à un panel de Marocains qui représentent
la majorité des segments de la société exposés aux médias, ont
révélé un certain nombre de faits intéressants sur les tendances
concernant la perception de l’Europe. Les réponses à la plupart de
ces questions ont révélé que la majorité des Marocains ne considère
pas les médias comme une source d’informations positives sur les
Européens, bien que, en comparaison avec les d’autres populations
sondées, 38% des Marocains se souvenaient avoir écouté ou
regardé quelque chose dans les médias qui avait changé dans un
sens positif leur impression sur les Européens.
L’enquête a en particulier montré une autre différence entre les
Marocains et les autres populations de l’espace euro-méditerranéen
sur les médias comme sources de connaissance. En effet, 38,6% de
ceux qui ont répondu affirmativement à cette question ont déclaré
que les films étaient le principal vecteur de connaissance de l’autre.
Ces données sont intéressantes car, dans les autres pays étudiés, les
actualités télévisées sont considérées comme la principale source
d’information. Les réponses et les statistiques tendent également
à prouver que les médias marocains, à travers les nouvelles à la
télévision, la presse, les émissions radiophoniques, pourraient faire
davantage pour véhiculer des informations non biaisées sur l’Europe
ou les valeurs européennes et favoriser le dialogue interculturel. Je
suis certaine qu’une situation similaire existe de l’autre côté de la
Méditerranée et que les pays européens ignorent de nombreux
aspects du Maroc en raison de l’absence de sources d’information
précises et équilibrées.
Diversité linguistique et nouveaux outils des médias
La chaîne de télévision régionale Laayoun et la nouvelle chaîne de
télévision amazighe constituent de bons exemples de la façon dont
les médias marocains traitent positivement de la diversité et des
minorités à l’intérieur de la société. Au Maroc, la langue officielle
est l’arabe, mais il y a quatre principaux dialectes qui sont parlés
à l’intérieur du pays par différents groupes de personnes et dans
des zones géographiques spécifiques. Le Tarifit est un dialecte parlé
dans le Nord du pays, le Tamazight est parlé dans le Moyen et HautAtlas, le Tachelhit dans l’Anti-Atlas et le Hassania dans le Sud du pays.
La diversité de ces groupes ne porte pas seulement sur les dialectes
parlés, mais aussi sur les traditions, les coutumes et la culture.
Ces langues n’ont presque pas été représentées dans les médias
Maroc - Libre antenne
Les médias électroniques représentent de nouveaux exutoires, qui permettent à de nombreux Marocains d’exprimer
ouvertement leur point de vue. Les sites Web et les forums de discussion sont devenus les médias les plus populaires dans
le pays car des personnes différentes de milieux et de convictions divers s’y regroupent pour discuter et écrire sur des questions
qui sont encore considérées comme tabous par la société marocaine et qui ne peuvent être évoquées ouvertement par la presse
nationale. Ils représentent également un terrain idéal pour les échanges culturels entre les Marocains et les autres personnes
qui partagent les mêmes intérêts. Un bon exemple d’un forum en ligne nouvellement créé, qui attire de plus en plus l’attention
et sur lequel les Marocains et les non Marocains discutent d’un large éventail de sujets est «Talk Morocco» (www.talkmorocco.
net). Ce site Web est un forum qui, chaque semaine, encourage les débats sur différentes questions d’importance pour le
Maroc et invite les journalistes, les militants de la société civile et toute personne qui a un point vue à exprimer à débattre de
ces questions en ligne. Le Forum a remporté le prix 2010 du «meilleur choix des bloggers anglais» et le prix du jury BOB.
www.talkmorocco.net
Le Rapport Anna Lindh 2010
Maroc - Journalisme inclusif
La conférence «Les médias inclusifs pour des sociétés inclusives» s’est tenue le 17 juillet 2009 à Rabat, au Maroc. Elle a donné l’occasion
aux décideurs des médias de discuter de la responsabilité du secteur des médias, ainsi que du cadre juridique, éthique et financier des
reportages inclusifs. Elle a ouvert le dialogue sur les questions liées à la diversité et à la nécessité d’un code national de déontologie relatif au
journalisme inclusif. Les principaux objectifs de la conférence étaient de favoriser l’inclusion sociale et culturelle par le biais de reportages
responsables sur la diversité dans les médias et de faire progresser l’enseignement et des compétences du journalisme par des ateliers
de production de terrain à destination des journalistes et par le développement et la mise en œuvre de cursus universitaires spécialisés
portant sur le traitement journalistique responsable de la diversité culturelle en général, et de la diversité religieuse en particulier.
www.media-diversity.org
marocains à l’exception de quelques journaux locaux ou dans des
flashs diffusés ici et là sur les télévisions nationales. Ces groupes
se devaient d’être présents dans les médias car ils constituent un
ensemble de 8,4 millions d’habitants sur une population totale de
plus de 30 millions d’habitants (recensement de 2004).
En novembre 2004, la chaîne régionale Laayoun a été lancée dans
le Sud du Maroc afin de diffuser des programmes sur les questions
en lien avec la population du Sud. Elle est considérée comme la
première chaîne de télévision régionale du Maghreb, bien que sa
diffusion soit limitée à la région du Sud et qu’elle ne puisse pas
être reçue dans le reste du pays. En mars 2010, et après des mois
de retard, la première chaîne amazighe a enfin été lancée. La
chaîne, qui fait partie du groupe SNRT, a nécessité un budget de
création de 5 millions d’euros. L’Etat a lancé ce projet pour répondre
aux plaintes croissantes des communautés amazighes sur leur
manque de représentation dans les médias marocains. Cette
chaîne répondait à l’attente des trois groupes amazighs qui parlent
le Tamazight, le Tachelhit et le Taraifit. Elle diffuse des programmes
et des nouvelles dans ces trois dialectes, sous-titrés en arabe, avec
le soutien d’une équipe d’environ quatre-vingt dix journalistes et
techniciens (SNRT). Même si cette initiative a été très appréciée
par de nombreux Marocains et Amazighs, la question demeure de
savoir si une chaîne de télévision sera suffisante pour représenter
trois groupes qui ont des priorités et des intérêts différents.
Les médias électroniques constituent un autre type de médias de
plus en plus en populaires en raison de leur capacité à représenter
des minorités et des groupes sociaux marginalisés. N’étant pas
soumis à l’ingérence de l’État ou à la censure, ils représentent une
plateforme libre de discussion pour une grande variété de sujets.
En outre, ils permettent au public de participer à des débats et
d’exprimer son opinion sur les questions médiatisées, ce qui les rend
très populaire. Les médias électroniques sont principalement utilisés
par les jeunes Marocains qui sont considérés comme un groupe
marginalisé en dépit de leur grand nombre. Les jeunes utilisent en
général les sites Web d’actualités et les blogs pour exprimer leurs
opinions sur la mode, le sport, la société, l’économie et même la
politique. Preuve de la popularité des médias électroniques, le site
le plus visité au Maroc est un site Web de nouvelles appelé www.
hespress.com. Dans les pays voisins européens, le débat actuel est
axé sur les minorités et en particulier sur celles qui sont composées
d’immigrés. Ce débat n’existe presque pas au Maroc, mais cette
situation ne devrait pas durer puisque le Maroc est un lieu de
passage pour de nombreux immigrants d’Afrique subsaharienne,
dont beaucoup restent au Maroc et se font une place au cœur de la
société. Le besoin de représenter ces minorités se fait pressant et les
médias marocains auront à en traiter tôt ou tard.
Domaines d’action
Un traitement adapté de la diversité culturelle par les médias
marocains exige d’abord la mise en place de certains mécanismes
importants qui puissent organiser le secteur et conduire à plus
de professionnalisme et plus d’équilibre dans le traitement de ces
questions importantes. En premier lieu, il faudrait établir une charte
déontologique nationale pour les médias afin de mieux définir les
libertés, les droits et les obligations des journalistes et, dans le même
temps, assurer une indépendance complète des médias vis-à-vis de
l’Etat et instaurer une réglementation des médias par un organisme
objectif et indépendant. En outre, nous recommandons la création
de plusieurs institutions professionnelles sur les médias qui
puissent réaliser des études et des recherches, ainsi que renforcer et
généraliser la formation des professionnels des médias. L’adoption
de politiques visibles qui encouragent la diversité culturelle serait
également un vaste chantier à mettre en œuvre.
MONA EL HAMDANI est Responsable nationale de
programme à l’Institut de la Diversité des Médias au Maroc.
Le Rapport Anna Lindh 2010
121
120
Les médias comme source de connaissance de l’Autre
présentées au début de l’article.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
La perception générale des Marocains envers les pays méditerranéens
peut se résumer à deux points de vue. Le premier est que certains
de ces pays sont proches du Maroc, car ils partagent la particularité
d’être tous Arabes, musulmans et en voie de développement, en
dépit de l’existence de certains conflits politiques en particulier
avec l’Algérie. Le deuxième point de vue assez répandu est que les
autres pays notamment ceux du continent européen sont perçus
comme des communautés chrétiennes blanches, d’anciennes
puissances coloniales, une destination de rêve pour les émigrants,
et des partenaires économiques et politiques stratégiques pour le
gouvernement et les hommes d’affaires. Toutes ces perceptions
sont très générales et elles sont fondées sur des stéréotypes et
des idées préconçues. Il n’existe pas de statistiques sérieuses ou
précises qui peuvent servir de preuves dans ce domaine. Il y a donc,
plus que jamais, une nécessité absolue de développer la recherche
professionnelle sur ce sujet afin de générer des statistiques crédibles
et d’obtenir des données fiables.
MIKE JEMPSON
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
122
Au Royaume-Uni, il existe un certain nombre de cadres politiques et législatifs qui ont pour objectif de lutter
contre la discrimination et la xénophobie. Pourtant, d’après Mike Jempson, de nombreux exemples illustrent
l’impact négatif que certains secteurs de la presse britannique on eu sur le public concernant les questions liées
à l’immigration ou à l’intégration à l’Union européenne. Dans un contexte de restrictions budgétaires, où s’accroît
le risque d’une baisse de la couverture médiatique de l’«autre», Mike Jempson souligne l’importance du soutien
politique à la diversification des médias nationaux.
Une étude récente menée par un ancien dirigeant de la BBC
a prédit que la couverture médiatique internationale pourrait
disparaître de la télévision analogique au Royaume-Uni d’ici 2013,
si les compressions budgétaires dans les productions et les salles
de rédaction continuaient.
«Au cours des trois dernières années, un cinquième de la couverture
des sujets concernant les questions internationales a été déplacé
des canaux traditionnels vers le numérique... (où ils sont) vus par
beaucoup moins de téléspectateurs. Il est généralement admis,
parmi les professionnels des médias, que les programmes traitant
de l’international ont de plus faibles audiences. Les taux d’audience
restant la préoccupation majeure de la plupart des commissaires et
des contrôleurs, il en résulte une réticence marquée à commander
de tels programmes.» (Harding, 2009) Tant la BBC que l’organisme
de régulation de l’audiovisuel commercial Ofcom insistent sur
l’importance de la couverture internationale ; pourtant, sa
diminution progressive, qui n’a pas provoqué de tollé général, ne
peut qu’avoir un impact disproportionné sur le discours public
compte tenu de l’influence dominante des médias imprimés et
audiovisuels au Royaume-Uni. Cela peut aussi expliquer en partie
pourquoi près de 85% des personnes interrogées au Royaume-Uni
pour le sondage Anna Lindh/Gallup ne se rappellent pas avoir vu,
lu ou entendu quoi que ce soit dans les médias qui ait amélioré leur
perception des personnes dans la région euro-méditerranéenne.
La région est généralement considérée comme faisant partie du
«monde arabo-musulman», et apparaît le plus souvent dans des
sujets sur le conflit entre Israéliens et Palestiniens, sur les violations
des droits de l’Homme, ou dans des documentaires spécialisés sur
l’histoire ancienne, l’archéologie et les vacances.
Xénophobie et discrimination
En tant que société multiculturelle et qu’ancien empire, la
Grande-Bretagne a un marché intérieur favorable aux nouvelles
internationales, et s’enorgueillit de sa tolérance et de ses libertés qui
ont attiré de nombreuses personnes venues d’ailleurs à la recherche
d’un refuge contre l’injustice. Malheureusement, cette réputation
de fair-play a été entachée par le traitement bien moins tolérant
Le Rapport Anna Lindh 2010
des «étrangers» fait dans certaines branches de la presse populaire.
Lors des récentes campagnes électorales, le parti d’’extrême-droite
Parti Britannique National (BNP) – qui a désormais deux sièges au
Parlement européen – a profité de la couverture xénophobe de
certains grands journaux nationaux pour promouvoir les positions
raciste, anti-immigration, anti-européenne, et anti-musulmane du
parti. Bien que le lectorat soit en baisse d’année en année, près
de la moitié de la population (environ 30 millions de personnes)
lit encore chaque jour un quotidien national, dont le contenu est
souvent repris par les radios et les télévisions. Étant donné que 75%
des lecteurs prennent des journaux qui ont une vision négative
de l’Union européenne, le Centre pour la Réforme Européenne
a reproché à la presse sa responsabilité dans le sentiment antieuropéen du public (Grant, 2006). La ligne éditoriale du Times et du
Daily Telegraph est largement «eurosceptique», tandis que quatre
tabloïds (dont les ventes quotidiennes atteignent sept millions
d’exemplaires), prennent plaisir à relater des histoires, parfois
d’origine douteuse, qui tournent en dérision les décisions et les
directives communautaires. Il n’est pas surprenant alors que, selon
l’Eurobaromètre de juin 2008, seuls 30% des Britanniques voient
l’Union européenne comme une bonne chose, et que seulement
24% d’entre eux aient confiance dans ses institutions. Mais le
désenchantement envers l’Europe n’est qu’un aspect du problème.
La xénophobie des tabloïds pendant la Coupe du monde de
football 1998 en France a atteint un tel degré que la Commission
des Plaintes de la Presse (PCC) a dû rappeler aux rédacteurs en chef
que leur droit «de rapporter les événements de façon vigoureuse et
partisane [...] doit être équilibré par le sens des responsabilités. Ils
doivent donc veiller à ce que leurs reportages et leurs commentaires
n’incitent pas à la violence, au désordre ou à d’autres actes illicites,
ni ne favorisent toute forme de xénophobie qui pourrait contribuer
directement à une telle incitation» (Wakeham, 1998).
Des plaintes ultérieures concernant la couverture médiatique
inexacte et hostile aux demandeurs d’asile et aux réfugiés (Finney,
2003; Jempson et Cookson, 2004; ICAR, 2004 et 2005) a forcé le
PCC à rappeler aux rédacteurs en chef que : «la référence péjorative
ou relative à la race, la religion ou la nationalité d’une personne
Contraintes juridiques et représentations erronées
La Grande-Bretagne dispose de solides cadres juridiques
et institutionnels en matière de lutte contre le racisme et la
discrimination et de protection de la cohésion sociale. Depuis
1936, une série de lois sur l’ordre public a interdit l’utilisation de
termes menaçants, injurieux ou insultants et les comportements
susceptibles d’attiser la haine raciale. La discrimination raciale a été
déclarée illégale depuis la première Loi sur les relations raciales de
1965. Les médias imprimés et audiovisuels du Royaume-Uni sont
liés par ces lois, mais la presse n’a pas à se conformer à l’obligation
légale «des radio-diffuseurs de service public» de Grande-Bretagne
(la BBC, ITV, Channel 4 et Channel 5, et les stations de radio
autorisées) de fournir des informations et des actualités précises,
équitables et impartiales. Les stéréotypes contemporains sur les
Arabes – et, par extension, sur le monde musulman – remontent
à la crise pétrolière des années 1970, selon la Commission sur les
musulmans britanniques et l’islamophobie (Amelia et al, 2007).
La presse a contribué à brouiller, aux yeux du public, la distinction
entre culture et normes religieuses et l’Islam a progressivement été
associé aux mariages forcés, aux crimes d’honneur, à l’homophobie,
aux exécutions publiques et aux amputations judiciaires. La fatwa
contre Salman Rushdie pour les Versets sataniques et, plus tard, les
réactions à la controverse des caricatures danoises, n’ont servi qu’à
renforcer la perception d’un Islam vindicatif et violent.
Néanmoins la couverture médiatique des conflits en Bosnie et au
Kosovo était favorable aux musulmans, et la presse britannique a
été prompte à inciter les lecteurs à ne pas condamner l’Islam pour
les atrocités de septembre 2001. Toutefois, «la guerre contre le
terrorisme» a renforcé dans l’esprit du public l’idée que l’ennemi
est «l’Islam radical». Au grand dam des diverses communautés
musulmanes de Grande-Bretagne, les médias d’information
populaires ont fourni une tribune à d’obscurs provocateurs
islamistes, comme s’ils étaient des représentants significatifs.
Les nombreux documentaires télévisés qui donnent une image
plus équilibrée de l’importance culturelle, politique et historique
de l’Islam, touchent un public relativement restreint. Cela peut
expliquer pourquoi le sondage Anna Lindh/Gallup révèle un
niveau d’impact positif minime des nouvelles télévisées (6,3%) et
des documentaires (6,3%). Au moment des attentats de juillet 2005
à Londres, le bouc émissaire habituel des tabloïds – les «étrangers»
– a été remplacé par l’«islamophobie» – plus insidieuse puisque le
Royaume-Uni compte quelque 1,6 millions de musulmans. Selon
l’Institut des relations raciales, le discours islamophobe à travers
l’Europe, construit et diffusé «par les partis politiques, les médias
et les “ liberati ” à la poursuite d’un programme d’assimilation, est
maintenant «le principal obstacle à l’intégration» (Fekete, 2008 ).
Comme le discours public sur la cohésion sociale au RoyaumeUni est passé du «multiculturalisme» reconnaissant la différence
et glorifiant la diversité à «l’interculturalité», avec son message
implicite d’homogénéisation dans laquelle la culture dominante
prévaut, même ceux qui sont nés au Royaume-Uni ont commencé à
croire qu’ils sont considérés comme «l’ennemi intérieur». Lorsque la
police a, à tort, présumé fausses les déclarations contre la Mosquée
clandestine (Dépêches, C4, 2007) qui dévoilaient les activités
de prédicateurs extrémistes, les dommages ont été attribués
aux médias, mais la controverse n’a guère contribué à réduire les
tensions au sujet de ce qui se passait au sein des communautés
musulmanes. En attendant, suite au souci croissant concernant la
mauvaise représentation des minorités dans les médias, à l’hostilité
accrue contre les musulmans et à l’augmentation de l’antisémitisme,
l’Unité «Cohésion sociale et cultes» du gouvernement a demandé
à la Société des rédacteurs de fournir des orientations pour une
couverture médiatique juste et équitable des communautés noires
et des minorités ethniques. On peut lire dans un des passages de
ce texte : «Les minorités portent le fardeau d’être différentes. Ne
les assimilez pas à des faits qui inquiètent tout le monde comme
le terrorisme, l’assujettissement des femmes, le mariage forcé,
l’immigration clandestine, les fraudes aux prestations sociales et
l’abattage cruel des animaux. Ces faits sont rares. Certains clichés
sont inévitables. Tout ce qui vient d’être décrit fera l’objet d’un sujet
de temps à autre. Mais certaines sources en feront un mélodrame,
et les journalistes avisés devront se garder de telles pratiques» (G
Elliott, 2005).
L’impact de ces orientations peut expliquer le taux élevé attribué
à la presse britannique (34,7%) par rapport à la moyenne
de l’enquête Anna Lindh/Gallup (27%) comme source de la
représentation positive de la région euro-méditerranéenne.
Cependant, les analystes n’ont cessé de critiquer le caractère
négatif de la couverture par la presse britannique des «étrangers»
et des «musulmans». Dès 1997, la Commission sur les musulmans
britanniques et l’islamophobie (CBMI) a souligné les stéréotypes des
médias et les défaillances du PCC (Runnymede, 1997). Sept ans plus
tard, un rapport d’évaluation (CBMI, 2004) était tout aussi critique
sur les médias, à travers lesquels 66% de personnes obtiennent la
plupart de leurs informations sur l’Islam et les musulmans, selon
un sondage YouGov effectué en 2002 cité dans le rapport. La
recherche universitaire a alors systématiquement enregistré la
couverture hostile se concentrant sur les extrémistes islamistes et la
représentantion de l’Islam comme «étranger» (Poole & Richardson,
2002).
Le Comité parlementaire multipartis sur l’antisémitisme a
également noté en 2006 les liens entre la couverture médiatique
et les comportements hostiles. En octobre 2000, coïncidant avec
la publicité sur le début de la deuxième Intifada palestinienne, un
organisme de bienfaisance offrant des conseils, une protection
et une formation pour les Juifs de Grande-Bretagne a enregistré
son plus haut total mensuel d’incidents antisémites (105). Le
Le Rapport Anna Lindh 2010
123
Le défi d’un monde de plus en plus
interdépendant
est interdite en vertu de l’article 12 (discrimination) du Code (des
rédacteurs). La Commission [...] a souligné le danger que des
données inexactes, trompeuses ou dénaturées puissent générer
une atmosphère de peur et d’hostilité qui n’est pas corroborée par
les faits» (Meyer, PCC, 2003). La clause de non discrimination du
Code de bonnes pratiques, mise au point par les rédacteurs euxmêmes, a été controversée depuis que les journalistes ont mis en
place le PCC en 1991 comme organisme d’autoréglementation. Il ne
couvre pas les «remarques générales sur les groupes ou catégories
de personnes» (Beales, 2009). Celles-ci restent à la discrétion du
rédacteur, tout comme la mention de la nationalité d’une personne.
Dans les années 1970 et 1980, ce pouvoir s’est étendu à l’emploi de
termes racistes dans certains tabloïds (Searle, 1989; Borzello, 1998)
qui réservent aujourd’hui leurs flèches aux Arabes, aux musulmans,
aux Roms et aux «bohémiens».
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
ROYAUME-UNI
Un autre rapport du Centre européen de recherche musulman
soutient : «Les images islamophobes, négatives et injustifiées d’un
musulman de Londres décrit comme Londonistan [le titre d’un
livre écrit par un chroniqueur du Daily Mail (Phillips, 2006)] et la
représentation des musulmans londoniens comme des terroristes,
des sympathisants terroristes et des subversifs dans les médias
semblent constituer un motif pour un nombre significatif de crimes
de haine antimusulmans» (Githens-Mazer & Lambert, 2010). Cette
couverture médiatique hostile peut aider à expliquer la conclusion
de l’Ofcom en 2008 selon laquelle «les groupes de minorités
ethniques sont à la pointe de la communication numérique
au Royaume-Uni, avec des niveaux élevés de souscription à la
téléphonie mobile, à Internet et à la télévision par câble ou satellite.»
Ceci peut, à son tour être un signe d’aliénation, en particulier
parmi les jeunes musulmans britanniques. S’exprimant sur la série
télévisée de la BBC «Génération djihad», un officier supérieur de la
police britannique a prévenu que le Royaume-Uni allait devoir faire
Donner un aperçu de la vie des autres
La prise de conscience culturelle dans les médias
La Loi sur l’égalité des chances et les campagnes menées par
des groupes de la société civile, y compris l’Union nationale des
journalistes, ont aidé les médias du Royaume-Uni à recruter
des équipes plus diversifiées qu’ailleurs en Europe. Après que
l’étude d’une Société de rédacteurs eut révélé une très faible
représentation des minorités ethniques et religieuses dans les
salles de rédaction (Cole, 2004), un nouveau système de bourses
a été mis en place pour encourager davantage de membres des
communautés minoritaires à suivre une formation de journaliste.
La Grande-Bretagne a également obtenu de bons résultats dans
l’étude «Media4 Diversity» 2009 de l’Union européenne qui a salué
les initiatives structurelles et stratégiques menées pour améliorer la
représentation des minorités dans les médias.
La lutte contre l’aliénation et la discrimination requiert davantage
qu’une salle de rédaction multiculturelle. Le statut insulaire de la
Grande-Bretagne et son passé impérial peuvent être des obstacles
à la reconnaissance du monde comme d’autres le voient, mais
ce qui est sensiblement absent des médias, et pas seulement au
Royaume-Uni, c’est la capacité à reconnaître l’expérience, l’histoire
et la culture de «l’autre». Cela exige une volonté politique de relever
les défis d’un monde de plus en plus interdépendant. Il est sans
doute temps que la formation professionnelle des journalistes
du monde entier inclue une période passée loin du familier, pour
acquérir la connaissance et le respect du monde au-delà de sa
propre culture et de ses frontières. Alors peut-être que l’ensemble
de la couverture médiatique des affaires publiques deviendra plus
précise, rationnelle et tolérante et encouragera l’équité dans le
respect et la reconnaissance de la différence, offrant un antidote à la
démagogie qui menace le progrès et la sécurité à travers le monde.
MIKE JEMPSON est Directeur de l’organisation caritative
pour un journalisme éthique MediaWise et chargé de cours
à l’Université de l’Ouest de l’Angleterre.
Royaume-Uni - Réseau de diversité culturelle
Au Royaume-Uni, l’une des initiatives institutionnelles les plus importantes est le CDN qui réunit désormais les chaînes grand public
et les sociétés de production indépendantes, dans un effort commun pour améliorer la représentation de la société multiculturelle du
Royaume-Uni à l’écran, et hors de l’écran. Le CDN travaille avec ses membres sur le partage des compétences, des ressources et de bonnes
pratiques, y compris la modernisation de la distribution et de la représentation des minorités ethniques dans la programmation générale,
le partage de la recherche non commercialement sensible sur la diversité culturelle, l’obtention d’une image complète de l’emploi des
minorités ethniques de la radiodiffusion au Royaume-Uni et l’établissement de normes industrielles pour la collecte des données de
surveillance ethnique. Parmi ses initiatives, le CDN a lancé l’Engagement de la diversité qui vise à aider à la fois la production indépendante,
la post-production et les entreprises des autres fournisseurs à prendre des mesures quantifiables pour améliorer la diversité dans
l’industrie grâce à la surveillance des pratiques de la diversité. En outre, en septembre 2009, CDN a lancé un Prix annuel pour la diversité.
www.culturaldiversitynetwork.co.uk
Le Rapport Anna Lindh 2010
SUÈDE
ALEXA ROBERTSON
Les changements démographiques, les flux migratoires et la mondialisation ont conduit à une recrudescence
de travaux de recherche sur les questions in-terculturelles dans le champ médiatique suédois. Ils ont également
suscité, comme le souligne Alexa Robertson, des études spécifiques sur la diversité culturelle dans les salles de
rédaction. Malgré les restrictions économiques ambiantes et les problèmes de recrutement, il est encore possible,
selon Alexa Robertson, d’optimiser le potentiel unique des médias à toucher toutes les communautés et à donner
la parole aux groupes minoritaires dans les médias nationaux grand public.
Par rapport à de nombreux pays européens, la Suède reste
socialement et culturellement homogène. Seulement quatorze
pour cent de la population dans son ensemble, et vingt pour
cent de ceux qui vivent dans la capitale, Stockholm, sont ce qu’on
appelle «nés à l’étranger» dans le langage officiel, c’est-à-dire nés
à l’extérieur du pays, ou dont les parents sont nés à l’étranger. Les
principaux groupes d’immigrés (après les Finlandais) proviennent
des pays des Balkans, d’Iran et d’Irak. Pendant des décennies,
l’égalité entre les hommes et les femmes, et entre personnes
de différentes origines ethniques, a été valorisée dans le débat
public suédois. Pourtant, alors que près de la moitié du corps
journalistique est de sexe féminin depuis le début des années 1990,
seulement 5% sont des immigrants, et seulement 2% sont nés hors
d’Europe. Dans ce contexte, cet article va donner un bref aperçu
des valeurs associées à la presse suédoise, à la diversité cultu-relle
et aux relations interculturelles ayant une incidence sur la région
euro-méditerranéenne, considérées du point de vue des décideurs,
des universitaires et des professionnels des médias..
Tendances nationales et accès aux médias
La législation suédoise sur les médias est fondée sur une longue
tradition de liberté de la presse. Le système de responsabilisation et de
partage des principes éthiques est établi équitablement du côté à la
fois des éditeurs et des journalistes. Une des règles régissant l’éthique
de la presse suédoise stipule que les journalistes doivent s’abstenir
d’attirer l’at-tention sur «l’origine ethnique, le sexe, la nationalité, la
profession, l’appartenance po-litique, religieuse ou les préférences
sexuelles d’un individu si elles manquent de perti-nence» par rapport
au sujet traité et qu’une telle attitude «est irrespectueuse».
La frontière entre le respect de cette diversité et la liberté des médias
est une source de tension, et fait l’objet de négociations continues.
La sentinelle qui se tient en permanen-ce à la frontière est le Club des
publicistes (une organisation d’éditeurs et de journalistes qui débat
de la conduite éthique des médias depuis 1900), le Médiateur de la
presse, la Commission de radiodiffusion vers laquelle le public et
les groupes d’intérêt peuvent se tourner pour porter plainte contre
des reportages qui violent les règlements et les lignes directrices.
La Commission a reçu un certain nombre de plaintes déposées par
des Ita-liens et d’autres en 2005, lorsque la télévision suédoise (SVT)
a diffusé une série de pu-blicités invitant les téléspectateurs à payer
leur redevance et à soutenir ainsi «l’accès libre à la télévision». Les
annonces ridiculisaient le Premier ministre italien et magnat des
médias Silvio Berlusconi, la télévision italienne étant décrite, quant
à elle, comme l’antithèse de la télévision de service public suédois.
Quoi qu’on puisse penser de l’exac-titude ou de la pertinence de
la campagne sur la redevance, on a officiellement attribué à SVT le
titre d’«acteur majeur dans le développement d’une société de la
diversité eth-nique et culturelle». Une partie de sa mission est «de
lutter contre les préjugés et les idées stéréotypées, ainsi d’accroître
la connaissance mutuelle des individus et leur com-préhension
des personnes de différentes origines ethniques et culturelles»
(Robertson, 2010; SVT, 2006; SVT, 2009).
Des chercheurs spécialistes des médias en Suède ont réagi aux
changements démogra-phiques qui ont résulté de l’immigration
et de la mondialisation en produisant davantage de travaux
interdisciplinaires. Une base institutionnelle collaborative a été fournie
par le Réseau nordique de recherche sur les médias, l’immigration
et la société et l’Association nordique IMER pour les migrations
internationales et les relations ethniques. Outre les études émanant du
monde universitaire, un certain nombre de rapports de recherche ont
également été commandés par le ministère suédois de la Justice sur
l’intégration, la dis-crimination structurelle et les relations de pouvoir,
qui comprennent les études sur les médias (voir par exemple DjerfPierre et Levin, 2005). L’analyse des contenus média-tiques représente
la majorité des sujets de recherche sur les médias et la diversité
culturelle en Suède. Horsti (2008) fournit une utile classification de
ces travaux. Les études sur la façon dont les immigrés sont dépeints
dans les films offrent un agréable antidote à la préoccupation induite
par le traitement des informations. L’analyse textuelle est un aspect
majeur de la recherche suédoise dans ce domaine. Une autre partie de
la recherche s’est concentrée sur les sociétés de médias elles-mêmes
– sur leur gestion et leur mise en application de la diversité (Westin,
2001), et sur les ex-périences de leurs employés. Les journalistes
interrogés par Hultén (2009) racontent les problèmes rencontrés
par les professionnels des médias issus des minorités dans des salLe Rapport Anna Lindh 2010
125
face à une menace préparée depuis vingt ans par des terroristes
ayant grandi à l’intérieur du pays, ce qui nécessitera «une génération
de traitement pour prévenir la propagation de l’infection». Répétés
dans la presse populaire, de tels propos alimentent les inquiétudes
des communautés musulmanes déjà placées sous contrôle dans le
cadre d’un programme gouvernemental contre l’extrémisme doté
de plusieurs millions d’euros.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
124
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
nombre est passé à 286 en janvier 2009, lorsque la campagne
militaire israélienne contre Gaza a été signalée, et en juin 2009, a
atteint un nouveau sommet de 609. Les rédacteurs en chef sont
toujours réticents à admettre que leurs histoires sont susceptibles
d’influencer le comportement du public, mais une consommation à
haute dose de sujets hostiles à «l’étranger au milieu de nous» cause
inévitablement de l’anxiété si ce n’est de l’’antipathie, et influence
le discours public. Une étude des journaux nationaux entre 2000
et 2008 (Moore, Mason et Lewis, 2008) a révélé que la couverture
médiatique des musulmans britanniques a été multipliée par douze
jusqu’en 2006. Deux tiers des histoires soulignaient la «différence»,
des liens avec le terrorisme, ou présentaient les musulmans comme
des «menaces» ou des «problèmes». Le racisme anti-musulmans
et les attaques racistes représentaient 10% des reportages en
2000, mais seulement 1% en 2008, lorsque de telles attaques
étaient devenues monnaie courante. Les histoires à propos de la
Grande Bretagne «devenant un lieu pour musulmans uniquement,
une zone interdite, où les églises ont été remplacées par des
mosquées et où la charia serait bientôt appliquée», fait écho à la
propagande du BNP. «Les références aux musulmans radicaux sont
plus nombreuses que les références aux musulmans modérés avec
un ratio de 17 pour 1», note le rapport. Les termes «terroriste»,
«extrémiste», «fanatique», «fondamentaliste», «radical» et «militant»
sont devenus les qualificatifs les plus communément associés à
l’Islam et aux musulmans, à la fois dans les journaux traditionnels
et dans les tabloïds.
Un point de départ familier dans la recherche sur les médias et la
diversité est le constat que les journalistes ont en quelque sorte
échoué dans leur entreprise de rap-porter l’information de façon
équitable. Le travail sur le terrain (Robertson 2010) indique que
de nombreux journalistes sont conscients de leur responsabilité,
et que la réflexion doit se concentrer davantage sur les obstacles
pratiques, plutôt qu’idéologiques (des ressources limitées et
des créneaux horaires définis, même à une époque de diffusion
24 heures sur 24 et 7 jours sur 7). Bien que les travaux de Hulten
apportent une contribution importante, en explorant les contraintes
organisation-nelles qui pèsent sur les reportages, il y a un manque
évident de recherches sur le fonc-tionnement et les pratiques
journalistiques professionnelles dans ce contexte (Horsti, 2008).
Selon des résultats récents (Anna Lindh/Gallup, 2009), seulement
12% des Sué-dois ont trouvé des informations dans les médias qui
ont changé ou renforcé leur point de vue sur les populations des
pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée dans un sens plus positif
Problèmes, thèmes et tendances
L’islamophobie et les attitudes racistes sont uniformément
condamnées dans les re-portages des médias suédois. Il existe
Suède - Radio multilingue
L’organisme de service public SR diffuse des nouvelles et des actualités en 16 langues, le sami, le finnois, l’albanais, l’assyrien, le
bosniaque, le croate, le serbe, le yiddish, le kurde, le persan, le roumain, le russe, le somalien, l’allemand, l’anglais et l’arabe, visant à
offrir des programmes pour tous, indépendamment de l’âge, du sexe et du contexte culturel. Fin octobre 2010, un certain nombre
de services linguistiques ont été abandonnés (y compris les langues des Balkans et l’assyrien), mais la programmation sera renforcée
en arabe, identifié comme «la langue la plus importante pour les nouveaux arrivants en Suède», en somali, qui vise «les groupes
d’auditeurs qui en ont le plus besoin» et en roumain. En outre, le site de la Radio suédoise rend tous les programmes disponibles
à la demande partout dans le monde 24 heures sur 24 pendant 30 jours après la diffusion originale en FM. Une expérience
particulièrement intéressante, Halal TV, a été lancée par la société sœur de SR, le radiodiffuseur public de la télévision suédoise,
en 2008, dans le but d’inverser le regard, et de dépeindre la société suédoise du point de vue des intervenants du programme.
www.sverigesradio.se
Le Rapport Anna Lindh 2010
Italie - Zalab Television
Depuis 2007 ZaLab TV organise des ateliers vidéo participatifs dans quatre pays méditerranéens : l’Italie, la Palestine, l’Espagne
et la Tunisie, dirigés par de jeunes équipes de médias internationaux et ciblant les jeunes qui ont un accès limité aux médias
numériques. L’initiative a pour objectif primordial de recueillir des «récits inédits», de réunir des talents inconnus par-delà le
mur de la fracture numérique, et d’utiliser la vidéo comme outil de création pour rompre l’isolement social, géographique
et culturel et lutter contre les stéréotypes des médias. Grâce au site Web du projet, les participants aux ateliers et «les points
focaux ZaLab TV» ont l’occasion de se rencontrer, de discuter et de publier leurs vidéos, un processus qui crée des ponts entre
les diverses expériences de vidéo participative de différents pays. L’initiative est dirigée par les participants, de l’étape de la
conception du projet jusqu’à la mise en œuvre et le suivi. Le fait qu’un groupe de participants assume la paternité éditoriale
signifie qu’il y a un contrôle sur le contenu et la liberté d’expression, soutenant ainsi un processus d’analyse au niveau local.
www.zalab.tv
des preuves pour suggérer que «l’autre» dans une grande partie
du discours des médias suédois est l’extrémiste de droite qui veut
débarrasser le pays des Suédois «pas de souche». Sur deux questions
assez délica-tes, cependant, il y a absence d’accord, et des tendances
contradictoires dans les re-portages. L’une de ces questions a trait
à la création d’établissements privés ou d’écoles «libres» qui ont un
profil religieux. La réforme qui a développé cette ten-dance avait
pour objectif d’élargir le choix, mais il a été souligné dans les médias
que dans certaines communautés d’immigrés, il a en réalité restreint
le choix, en re-fusant aux enfants (et surtout aux filles) la possibilité
de se socialiser dans une so-ciété où le choix des vêtements et
des partenaires est une question individuelle, plu-tôt qu’un choix
familial. L’autre sujet pourrait être considéré comme une continuation suédoise de l’histoire commencée par le danois Jyllands-Posten
et le scandale qui a éclaté après la publication de ses caricatures
de Mahomet. La question a été chaudement débattue en Suède
comme ailleurs, et a été perçue comme un conflit entre le respect de
la sensibilité religieuse d’autrui, et l’importance de défendre le droit à
la liberté d’expression. L’histoire – et la controverse – a été alimentée
par les dessins de Lars Vilks, qui représentent Mohammed comme
«un chien de rond-point» (une forme d’installation urbaine en
Suède, où les chiens en général repré-sentent des figures autres que
le Prophète). Bien que la plupart des voix qui se sont fait entendre
aient rejeté l’art de Vilks considéré comme une provocation, et aient
condamné les auteurs des menaces de mort reçues par l’artiste, il y
a eu un débat pour savoir si la liberté d’expression devait l’emporter
sur le respect des minorités. Une variété d’initiatives visant à
promouvoir la diversité ont déjà été mises en pra-tique, y compris
des stratégies visant à améliorer la représentation des minorités et
à recruter davantage de journalistes issus de cultures différentes,
mais il reste beau-coup d’efforts à faire sur ce front. En Suède,
comme ailleurs, il y a eu des appels aux professionnels des médias
pour poursuivre les bonnes pratiques journalistiques relatives à
la diversité en évitant les stéréotypes et les généralisations, et en
interro-geant les minorités ethniques en leur qualité de parents,
de locataires, d’experts, de passionnés, d’employés, de dirigeants,
d’artistes et ainsi de suite – plutôt que com-me des «musulmans» ou
des «immigrés». Hultén (2009) a conclu que le travail sur la diversité
est entravé par des problèmes économiques, des difficultés
de recru-tement, des hiérarchies immuables, et un manque de
sensibilisation et de compéten-ce là où ça compte. En partant du
constat que les entreprises de radiodiffusion ont plus d’importance
par la diversité de leur travail que les journaux, ceci suggère que le
travail à fournir pour améliorer la diversité dans les médias, et dans
les représen-tations de la société que les médias proposent, ne peut
être laissé aux seules forces du marché. S’il est nécessaire de veiller
à ce que les responsabilités soient assumées au niveau sociétal,
il faut aussi faire des efforts au niveau de la prise de conscience
individuelle. Les étudiants qui fréquentent les écoles avec une
forte proportion d’élèves «allochtones» doivent être informés du
fait qu’une carrière dans les mé-dias est non seulement possible,
mais aussi une valeur pour la société, cela dépen-dant d’un meilleur
recrutement. Concernant les représentations de personnes d’autres
origines ethniques et culturel-les dans les médias suédois – non
seulement des résidents de la Suède, mais aussi de gens qui vivent
ailleurs en Europe, dans la région du Sud de la Méditerranée, et audelà – il peut être pertinent de suivre les conseils d’immigrés très en
vue, qui ont reproché aux médias suédois d’être trop circonspects
dans leur traitement des pro-blèmes liés aux minorités ethniques.
Les journalistes en Suède essaient souvent d’éviter les stéréotypes
négatifs en se référant à «un citoyen suédois» quand ils couvrent un
crime, par exemple. La phrase a en fait l’effet contraire, aucun Suédois
d’origine étrangère n’étant jamais appelé «citoyen suédois». Faire
des reportages plus directs sur les questions sensibles permettrait
également de réduire la propen-sion à placer tous les non-Suédois
dans une catégorie spécifique. Les efforts visant à promouvoir
la diversité culturelle doivent se concentrer, bien entendu, sur le
fait de rappeler que les gens sont différents, et qu’il y a beaucoup
de différences dans les catégories «nés à l’étranger», «immigrés»
et «musulmans», par exemple. La diversité dans la couverture
médiatique des nouvelles n’a pas seulement à voir avec ce qui est
rapporté – les stéréotypes négatifs qui résultent de l’association des
jeu-nes immigrés du Sud de la Méditerranée à la criminalité, ou des
musulmans avec l’oppression des femmes, ou des personnes de
régions du Sud de l’Europe avec des conflits violents. La diversité se
rapporte davantage à la façon dont les gens nous sont présentés,
afin que leurs problèmes et les actions qui en résultent puissent être
mieux compris. Dans ce contexte, la technique narrative utilisée par
des journalistes suédois qui nous transportent, métaphoriquement
et concrètement, dans les foyers et les lieux de travail des «autres»,
et les laissent s’adresser directement à nous avec leurs propres
mots, est d’une valeur considérable.
ALEXA ROBERTSON est Professeur associée au Département
de Sciences politiques de l’Université de Stockholm.
Elle a publié des études sur les diffuseurs et les chaînes
d’information globales.
Le Rapport Anna Lindh 2010
127
– un pourcentage inférieur à la moyenne des pays dans le sondage.
On ne sait pas dans quelle mesure cela peut avoir à faire avec un
échec de la part des médias suédois, et les études portant sur les
expériences qui se cachent derrière ces chiffres constituent une
autre lacune universitaire. Les résultats pourraient indiquer que la
majo-rité des répondants suédois n’avaient rien entendu du tout
sur ces pays (ce qui n’est pas improbable, compte tenu de la relative
absence de proximité géographique et culturelle); si, comme cela
a été suggéré, la logique des médias implique un penchant pour
le conflit, alors la maxime «pas de nouvelles, bonnes nouvelles»
pourrait s’appliquer. Les sources d’impressions positives les plus
fréquemment mentionnées sont la télévision (43%), la presse écrite
(34,2% – à comparer avec la moyenne européenne de 26,7%),
d’autres sources (15,5%), des films documentaires (10,8%) et la radio
(7,7%, une moyenne encore une fois plus élevée que la moyenne
européenne de 5,7 %), suivie de près par les livres (7%). Le nombre
modeste de personnes interrogées citant l’Internet (6,7%) et les
blogs (0%) est intéressant, compte tenu de la haute pénétration de
l’Internet en Suède. Il semble que si les Suédois doivent acquérir
des informations qui permet-tront d’améliorer leur point de vue
sur les personnes vivant dans les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée, cela doit leur être servi : ce n’est pas quelque chose
qu’ils rechercheront activement (à moins d’avoir déjà une opinion
positive sur ces pays, acquise de manière non-médiatisée, par
le biais de voyages de vacances par exemple). Si l’on s’attache à
analyser les valeurs véhiculées par les médias qui ont une incidence
sur la diversité culturelle et les relations interculturelles, alors on
doit s’intéresser en urgence à la culture populaire. Le récent débat
sur ce qu’on pourrait appeler la partition culturelle de l’Europe, au
moment où les «nouvelles» démocra-ties en sont venues à dominer
le concours de l’Eurovision (une forme médiatique qui pourrait
bien se nicher dans la catégorie précitée «autres sources»), indique
qu’il y a un travail important à faire sur la dimension populaire de
l’intégration culturelle. C’est un débat qui a à la fois une connotation
idéologique et politique, étant donné que les Européens sont plus
enclins à voter pour le concours de chan-sons que lors des élections
du Parlement européen. Le concours est également inté-ressant en
ce que la frontière européenne, dans cette «eurovision», est élargie
aux pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée..
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
126
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
les de presse de tendance majoritaire, et ont insisté sur la nécessité
de changer la culture des salles de rédaction. Des inquiétudes ont
été exprimées quant aux tendances à «nor-maliser» la diversité de
la culture dans le contenu des médias qui peuvent avoir pour effet
involontaire d’exclure les voix des minorités. Un troisième axe de
recherche a por-té sur la façon dont les immigrants utilisent les
médias, que ce soit les médias de leur nouveau domicile, ou des
médias transnationaux qui leur permettent de rester en contact avec
leur pays d’origine et la diaspora. Un projet en cours (Sjöberg et Rydin
2008) a montré que les migrants combinent les sources d’information
et se tournent vers les mé-dias internationaux comme Al-Jazeera pour
trouver des représentations alternatives à celles rapportées par les
médias suédois. Tandis que beaucoup d’autres recherches sué-doises
ont mis l’accent sur les représentations de la migration, les réfugiés
et le racisme, Sjöberg et Rydin ont identifié, au moyen d’entrevues,
que les «nés à l’étranger» voient les médias comme responsables de la
création et de la reproduction du discours de «l’immigré». Il y a encore
beaucoup à faire dans ce domaine d’étude en plein essor. La tendance
dominante dans la recherche suédoise a été, peut-être ironiquement,
d’adopter une perspective nationale sur la façon dont les immigrants
et les Suédois nés à l’étranger sont représentés dans le cadre national.
Dans un monde globalisé, où les frontières deviennent de plus en
plus poreuses, il devient urgent d’enquêter plutôt sur la façon dont les
gens au-delà des frontières de la nation sont représentés, et de savoir
si les téléspectateurs sont décrits comme ayant des connexions ou
des engagements avec ces derniers.
TURQUIE
Turquie - Nouvelles Bianet
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
128
Erhan Üstündağ et Tolga Korkut soulignent l’importance des liens historiques de la Turquie avec différents
pays en relation avec la façon dont les faits sont rapportés actuellement. Le traitement médiatique de l’Union
européenne et des Etats-Unis en Turquie est également analysé en fonction des relations actuelles entre les pays
et de la façon dont cette couverture a un impact sur la compréhension de l’«autre» euro-méditerranéen. Au-delà
de cette perspective régionale, les auteurs étudient la manière dont les différentes communautés internes à la
Turquie peuvent promouvoir de nouvelles voix dans les médias.
La Turquie est un pays aux multiples identités culturelles, ethniques,
religieuses, au carrefour de nombreux pays et régions : l’Europe, le
Moyen-Orient, le Caucase, les Balkans et la Méditerranée. Pourtant,
différentes parties de sa population éprouvent des difficultés
à exprimer leurs besoins et leurs exigences dans les médias
traditionnels. La représentation que se fait la société turque de
l’Union européenne, des Etats-Unis et des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée dépend principalement des circonstances
politiques, tandis que les lois et les règlements concernant les
médias ont tendance à restreindre la diversité culturelle. Le code
de déontologie de l’Association des journalistes de Turquie
(TGC) est probablement le texte le plus complet sur les médias
et la diversité culturelle, mais il convient aussi de mentionner le
Code de bons principes du Conseil de la presse. Le monde des
médias a connu une avancée notable en 2007, lorsque le TGC et
le British Council ont publié une série de lignes directrices sur les
médias et la diversité culturelle. La publication, par la Fondation
IPS Communication, de directives et de livres sur les droits et le
journalisme basé sur les droits à destination des professionnels des
médias et des étudiants en journalisme a également joué un rôle
important. En outre, l’introduction récente de médiateurs dans les
médias a eu une certaine influence sur le travail des journalistes et
des dirigeants. Les organismes de surveillance des médias sont rares
en Turquie mais certaines initiatives méritent d’être mentionnées,
telles celles qui visent à évaluer la couverture médiatique réservée
aux droits des femmes, des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles
et transgenres (LGBT) et des minorités, ou encore les travaux
récents d’associations de journalistes, de défenseurs des droits et
d’universitaires qui se sont attachés à révéler systématiquement les
pratiques discriminatoires des médias.
Néanmoins, ces efforts sont restés limités et n’ont pas permis de
provoquer des changements positifs. Par conséquent, la question
de la création d’un mécanisme efficace de contrôle reste entière.
Le «processus d’’initiative démocratique», comme l’appelle le
gouvernement, a offert la possibilité aux médias de présenter la
diversité culturelle d’une manière beaucoup plus large, appuyés
en cela par l’annonce, par le gouvernement, d’un projet de
création d’une commission contre la discrimination. Une grande
Le Rapport Anna Lindh 2010
partie des médias traditionnels sont devenus relativement plus
courageux quand il s’est agi de publier des histoires sur les Kurdes
ou sur d’autres minorités et leurs problèmes. TRT, l’organisme
de radiodiffusion publique de Turquie, a ainsi lancé une chaîne
appelée «TRT Şeş (6)» qui diffuse des émissions en kurde. Après
que le Président, Abdullah Gül, et le Premier ministre, Recep Tayyip
Erdogan, ont mentionné les anciens noms non turcs de deux villes
dans leurs discours publics, les grands médias ont même diffusé
des interviews de la population locale en kurde avec traduction
simultanée, et la diffusion par des médias locaux dans d’autres
langues que le turc, soit en majorité en langue kurde, est devenu
moins restreinte. Dans le même temps, bien que le gouvernement ait
affirmé sa détermination à développer «l’initiative démocratique»,
il reste beaucoup à faire, à commencer par la reconnaissance et
l’application totales des droits des minorités, les changements
en cours sur les libertés n’étant pas encore transcrits dans la loi
ou la constitution. Dernièrement, le gouvernement a annoncé
la prochaine mise en place de nouvelles mesures en faveur des
droits de l’Homme, y compris une commission spéciale de lutte
contre la discrimination. De nombreux défenseurs des droits de
l’Homme ont jugé cette initiative positive, mais absolument pas
suffisante, rappelant qu’un changement fondamental dépend
d’une réforme complète de la constitution, plus démocratique.
Quant à la recherche universitaire sur les médias et la diversité
culturelle, elle ne s’est que très récemment emparée de ce domaine,
les restrictions aux libertés des universitaires rendant difficiles les
approches critiques.
Analyse des contenus
La population de la Turquie a des racines historiques profondes
dans les aires géographiques et les cultures voisines. Pourtant,
la couverture médiatique et la langue créent souvent des
distinctions entre les Etats/les gouvernements et les individus,
ce qui peut aisément donner naissance à une langue totalisante
et homogénéisant et à des stéréotypes renforcés par un manque
de représentation de la diversité culturelle parmi les journalistes
employés dans les médias grand public. En ce qui concerne la
perception des Etats-Unis et de ses habitants, les médias les
www.bianet.org
présentent généralement positivement en termes de relations
économiques et militaires et comme source de richesse alors
que la politique américaine dans les pays du Moyen-Orient,
notamment en Israël et en Palestine, est critiquée. Quant à la
perception de l’Union européenne et des habitants de l’Europe,
le processus d’adhésion à l’Union est généralement présenté
comme un objectif commun dans la plupart des grands médias.
Toutefois, les médias nationalistes de droite critiquent le processus,
dénonçant «les demandes injustifiées des “ Européens chrétiens
” qui menacent notre indépendance nationale» tandis que les
médias dits nationalistes de gauche (essentiellement kémalistes)
présentent le processus comme une «pression de l’impérialisme
contre l’indépendance de la Turquie contemporaine». Les grands
médias les rejoignent facilement en cas de conflit d’intérêts
concernant certains sujets tels la question chypriote, les relations
avec l’Arménie, ou encore les droits des minorités. De nombreuses
personnes vivant en Europe, en particulier en Allemagne et aux
Pays-Bas, ont des liens avec la Turquie, l’«Etat-mère». Les violations
de leurs droits sont surmédiatisées, alors que leurs succès politiques
et économiques sont présentés comme «les succès des Turcs en
Europe». Les minorités musulmanes ou turques de pays des Balkans
comme la Grèce et la Bulgarie sont présentés comme des frères et
sœurs, et leurs formations politiques pour la défense des droits de
l’Homme sont donnés comme des exemples de réussite, à l’instar
du «Mouvement des droits et libertés» en Bulgarie.
Par ailleurs, les touristes européennes sont habituellement décrites
en Turquie comme des objets de désir dans les pages «société» des
magazines et, à la télévision, dans les bulletins d’information, tandis
que les immigrants provenant de pays européens ou des Etats-Unis
(«l’Occident») qui vivent en Turquie sont généralement présentés
comme «l’un d’entre nous» et que la question est de savoir «à
quel point ils sont “ turquifiés ”». Concernant les pays du Sud et
de l’Est de la Méditerranée, la plupart des informations ont trait
au peuple palestinien, et la politique du gouvernement israélien
est généralement diffamée et critiquée, jusqu’à engendrer des
expressions antisémites dans les medias nationalistes/islamistes.
Une grande partie de l’intérêt des journalistes dépend des relations
diplomatiques et de l’actualité concernant les pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée. Ainsi, le Liban, qui, habituellement, est invisible,
a fait la une des médias pendant le conflit armé avec Israël en 2006,
tout comme la Syrie et les Syriens, lorsque la Turquie et la Syrie ont
convenu de supprimer les visas entre les deux pays, les populations
des deux pays ayant de nombreux parents de part et d’autre,
essentiellement des Arabes, la zone ayant été séparée par un accord
frontalier dans les années 1930. Quant aux pays nord-africains et à
leur population, ils sont à peine visibles dans les médias dominants
de Turquie. L’information sur les peuples des pays étrangers est
publiée/diffusée dans les pages « politique» ou «économie». Qu’ils
soient citoyens turcs ou étrangers, les gens de cultures différentes,
ne sont généralement cités que s’ils sont directement liés à
l’histoire elle-même. Par exemple, il est presque impossible, dans
les médias, de voir une femme médecin grecque orthodoxe parler
de problèmes de santé ou un économiste Rom s’exprimer sur les
avantages sociaux. D’autre part, les réfugiés ou demandeurs d’asile
sont facilement criminalisés, tout comme les Roms de Turquie. Les
mariages mixtes sont habituellement présentés positivement, à
plus forte raison si l’époux est de Turquie, ou s’il est «d’Occident» et
«brillant». Une série télévisée récente appelée «Le fiancé étranger»
parlait d’une jeune femme turque issue d’un milieu traditionnel et
d’un jeune homme grec. La production est devenue très populaire
en Turquie et en Grèce
L’enquête en perspective
Le sondage Anna Lindh/Gallup est représentatif des
caractéristiques démographiques en Turquie et ses résultats sont
conformes aux attitudes présentées ci-dessus vis-à-vis des médias
et de la diversité culturelle. Il révèle qu’il existe une grande marge
d’action pour améliorer le rôle des médias dans la promotion du
multiculturalisme, étant donnée la volonté politique actuelle dans
ce sens. Seules trois personnes sur dix ont déclaré qu’elles avaient
récemment lu ou entendu quelque chose dans les médias qui avait
changé d’une manière positive leur point de vue sur les Européens.
Bien que la différence soit marginale, un pourcentage plus élevé
de lecteurs instruits a répondu par l’affirmative à cette question.
On peut ainsi supposer que les individus instruits ont tendance à
suivre les avis des médias respectés qui, à leur tour, ont tendance à
fournir des comptes rendus objectifs et équilibrés des événements
et à éviter les troubles. Lorsqu’on les interroge sur la source de
cette information positive, la majorité des sondés, soit environ
trois personnes sur quatre, citent «les nouvelles/les informations
télévisées», tandis que d’autres se réfèrent à la presse écrite. Depuis
la déréglementation des médias électroniques dans les années
1990, la télévision a gagné en importance en tant que source
principale d’informations alors que la presse a vu sa diffusion et sea
part de revenus publicitaires diminuer. La télévision par câble et par
satellite, qui propose les grandes chaînes européennes, s’adresse
Le Rapport Anna Lindh 2010
129
ERHAN ÜSTÜNDAĞ ET TOLGA KORKUT
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
Des changements positifs dans les médias
traditionnels
Le site Web bianet.org de nouvelles turques a été mis en place par la Fondation IPS Communication et fait partie du projet BIA, Le Réseau
de communication indépendant, qui regroupe plus de 130 journaux, stations de radio et de télévision locaux, est un très bon exemple
d’un projet qui s’intéresse en particulier à la diversité culturelle en Turquie. Depuis son lancement officiel en janvier 2001, elle a publié des
articles sur les minorités, les réfugiés, les immigrants, leurs droits et la défense du journalisme sur les droits de l’Homme et pour la paix,
thèmes qui sont généralement négligés par les grands médias turcs. Ainsi, elle est le reflet de la Turquie, un pays d’identités culturelles,
ethniques et religieuses diverses. Comme les femmes sont un groupe particulièrement vulnérable parmi les personnes d’origine étrangère,
le site contient également un site spécifique, «La Fenêtre des Femmes», qui met l’accent sur les droits des femmes et les questions
concernant les femmes. La Fondation de IPS Communication soutient également des publications pour les journalistes et organise des
formations pour les journalistes et les étudiants en journalisme pour renforcer le pluralisme et la participation dans les affaires publiques.
Bonnes pratiques et domaines d’action
Le site Internet de nouvelles bianet.org (Réseau d’Information
Indépendant) et son principal partenaire, la Fondation IPS
Communication, mettent particulièrement l’accent sur la diversité
culturelle. Le site bianet.org couvre souvent des sujets sur les
minorités, les réfugiés, les immigrés, leurs droits et sur le traitement
journalistique des droits de l’Homme et de la paix. La Fondation
publie des livres pour les journalistes et organise des formations pour
les professionnels en activité et les étudiants en journalisme.
Il existe un certain nombre de bonnes pratiques dans les médias non
musulmans, notamment Agos, l’hebdomadaire papier en arménien
et en turc; les journaux de la communauté arménienne Jamanak
et Marmara; Salom, l’hebdomadaire de la communauté juive, et
Apo Yevmatini, journal hebdomadaire de la communauté grecque
orthodoxe. Bien que leur diffusion soit relativement faible, la plupart
des médias les suivent régulièrement et les citent parfois. Acik Radyo
(Radio Ouverte) est une radio locale, dirigée par un collectif, qui traite
des questions des minorités et de la diversité culturelle. Nor Radyo
est quant à elle une radio en ligne faite par des jeunes de différentes
origines ethniques et religieuses qui défendent la devise du «vivre
ensemble» et tentent de montrer que la diversité culturelle est une
richesse. De nombreuses radios et télévisions locales persistent à
diffuser des émissions en kurde, principalement dans les provinces
de l’Est et du Sud-Est de la Turquie, malgré les sévères restrictions
imposées par la loi. Bien que peu prisées par les Kurdes de Turquie,
les émissions kurdes et multilingues de la TRT ont été des avancées,
particulièrement pour les femmes kurdes ne parlant pas turc.
Un programme hebdomadaire intitulé «Résidents étrangers» est
consacré aux immigrés vivant en Turquie et essaie de témoigner
de leur participation à la vie culturelle à travers des histoires de
Le Rapport Anna Lindh 2010
131
parcours individuels. A partir de ces exemples, les domaines d’action
possibles concernent la formation, les programmes d’échanges,
les directives, les changements législatifs et la création de réseaux
d’échanges d’informations. Concernant les formations et les ateliers,
pour les professionnels en exercice et les étudiants en journalisme, ils
devraient inclure des définitions essentielles et des approches telles
que l’éducation aux médias, la discrimination, la diversité culturelle, les
réfugiés, les droits de l’Homme, le journalisme basé sur les droits et le
journalisme fondé sur la paix. Les ateliers devraient inclure l’utilisation
de la langue, les techniques de reportage, la couverture des conflits et
la promotion de la diversité. L’autre aspect à prendre en compte est la
dimension socio-économique, et les formations et ateliers devraient
porter sur la discrimination et la diversité culturelle avec ses résultats
visibles, tels que la pauvreté, le harcèlement psychologique ou
l’exclusion en fonction du sexe ou de l’âge. En terme de changements
législatifs, la Turquie a un besoin urgent d’une loi anti-discrimination
qui concerne aussi les médias, et les journalistes devraient participer
activement à son processus de préparation. Les programmes
d’échanges et les ateliers pour les journalistes et les étudiants en
journalisme devraient fournir des opportunités pour une meilleure
compréhension des autres sociétés, de leurs différences, et de leurs
similitudes. Ces programmes pourraient inclure des reportages faits
depuis des pays étrangers, voire, pour plus d’efficacité, depuis des
pays avec lesquels le propre pays des journalistes est en conflit. Des
journalistes de différents pays pourraient partager leurs problèmes et
leurs méthodes dans les ateliers et trouver ensemble des moyens de
promotion de la diversité. Quant au partage et à la mise en œuvre de
lignes directrices, plusieurs associations de journalistes de différents
pays ont leurs propres directives sur la diversité et le reportage. Elles
pourraient être traduites et diffusées.
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
130
MÉDIAS – ÉTUDES PAR PAYS
aux franges de la population les plus aisées et les plus instruites,
tandis que les chaînes nationales populaires ont recours à des
discours nationalistes et à des divertissements. Les documentaires,
les livres, les blogs ou les films sont à peine mentionnés dans le
sondage. Il apparaît nettement que les chômeurs, les personnes
vivant dans les zones rurales et celles sans instruction mentionnent
davantage la télévision comme une source que les autres groupes
sociaux. Les étudiants, les personnes ayant un degré plus élevé
d’éducation et les jeunes citent plus que les autres Internet. On
observe aussi que les personnes dont un ou les deux parents sont
nés hors de Turquie ont tendance à considérer davantage Internet
comme une source de contribution positive sur les Européens. Bien
qu’elle soit encore relativement faible, la croissance exponentielle
de l’Internet en Turquie constitue une opportunité concrète pour
la diffusion de discours alternatifs, tout en restant une menace,
un vecteur potentiel de discours de haine, de xénophobie et
d’intégrisme. Une comparaison avec la moyenne des autres pays
euro-méditerranéens où le sondage a été réalisé révèle que le degré
de couverture positive de l’Europe dans les médias est identique en
Turquie et dans les autres pays. Par conséquent, on peut affirmer
que l’idée de «l’Europe» est plutôt couverte d’une manière négative
que positive dans les médias. Pourtant, les sources d’information
positives du public euro-méditerranéen sont différentes de celles du
public turc, qui cite moins souvent que les autres les documentaires
et les films. La relative faiblesse de l’’industrie cinématographique
explique sans doute cette situation.
D’autre part, les associations internationales comme la Fédération
Internationale des Journalistes (FIJ) ont conçu des directives et
des documents destinés à la formation. Le renforcement de la
coopération internationale dans ce domaine pourrait contribuer à
la constitution d’une précieuse base de données multilingue aux
journalistes qui s’intéressent à ce sujet. Le développement des
réseaux régionaux et des programmes d’échanges d’informations
est également recommandé. Au sein d’une même région, de
nombreux journalistes ne sont pas en contact avec leurs collègues
des autres pays – ou ne savent même pas qu’ils existent. La plupart
de leurs sources sur d’autres pays proviennent des agences
de presse internationales. Des réseaux régionaux durables de
journalistes sensibles à la diversité pourraient permettre l’échange
d’informations sûres sur les différents pays et sociétés. Une telle
pratique devrait inclure une base de données de contacts accessible
et l’archivage des articles et des reportages d’actualité stockés en
ligne pour une plus grande efficacité.
ERHAN ÜSTÜNDAĞ travaille comme journaliste et rédacteur
en chef pour le Réseau Indépendant de Communication
(BIA) depuis 2004. TOLGA KORKUT travaille comme
rédactrice spécialisée dans les droits de l’Homme pour
bianet.org.
Le Rapport Anna Lindh 2010
CONCLUSIONS ET
PROPOSITIONS
D’ACTION
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
134
Remarques conclusives tirées du Rapport Anna Lindh
Il est important de souligner au début de ces conclusions que le
Rapport Anna Lindh a constitué un exercice participatif interculturel
qui a effectivement réuni des experts de premier plan, des leaders
d’opinion, des professionnels de la société civile et des représentants
politiques. Du Conseil des gouverneurs de la Fondation Anna Lindh,
composé de hauts fonctionnaires des 43 pays de l’Union pour la
Méditerranée au Conseil consultatif de la Fondation et aux Réseaux
nationaux de la société civile, l’exercice a impliqué les principaux
intervenants tout au long du processus, en plus du travail de
supervision du «comité scientifique» dont le rôle dans la préparation
et l’analyse sur l’Enquête a été crucial. À cet égard, le Rapport de la
Fondation Anna Lindh s’est appuyé sur une méthodologie triple qui
combine l’approche quantitative (le sondage Anna Lindh/Gallup),
l’approche qualitative (l’analyse des experts) et l’expérience de terrain
(les bonnes pratiques des réseaux). Outre le fait d’avoir innové en
réalisant, avec Gallup, le premier sondage d’opinion réunissant 13
000 personnes de treize pays euro-méditerranéens, l’élaboration du
Rapport a mobilisé quarante experts de renom et leaders d’opinion,
et a identifié les bonnes pratiques à travers les Réseaux Anna
Lindh, une approche qui constitue une base pour la formulation de
conclusions significative..
Grâce à l’analyse des valeurs, des perceptions et des comportements,
le Rapport est en mesure d’établir les relations nécessaires entre
les connaissances et les stéréotypes ou les attitudes et les valeurs,
et nous fournit un aperçu des tendances en cours, des obstacles,
des contradictions et des atouts communs, tous de grand intérêt
et d’importance pour la définition de stratégies appropriées
sur le dialogue interculturel. L’originalité de l’exercice provient
principalement de son orientation et de son envergure, puisqu’il
prend ses racines dans la constitution et l’expérience de la Fondation
Anna Lindh en tant que principale institution pour le dialogue
interculturel qui rassemble plus de 3000 organisations de la société
civile travaillant dans et entre les sociétés des 43 pays de l’EuroMéditerranée. À cet égard, le Rapport va au-delà des traditionnelles
divisions Nord-Sud ou Occident-Islam, révélant l’existence d’une
région avec des valeurs méditerranéennes partagées et démontrant
qu’il est possible d’établir des comparaisons intéressantes et des
connexions à travers ses pays grâce à l’interaction entre les diverses
similitudes et différences qui caractérisent cet espace.
Un sentiment d’appartenance à la région euroméditerranéenne
Une des principales conclusions du Rapport Anna Lindh est
que les personnes qui vivent aux quatre coins de la région
euro-méditerranéenne partagent un encourageant sentiment
d’appartenance. Il y a une perspective partagée sur les images
communes que les individus associent à la Méditerranée, telles
Le Rapport Anna Lindh 2010
qu’un mode de vie particulier, un sens profond de l’hospitalité et un
vaste patrimoine culturel commun, alors que, dans le même temps,
certaines valeurs comme la solidarité familiale et le respect des autres
cultures peuvent être identifiées comme des «valeurs relais» à travers
les sociétés de la région. Dans le même temps, la région est également
associée à un certain nombre de défis importants auxquels fait face
la communauté internationale au sens large, allant des conflits et des
préoccupations environnementales aux mouvements de résistance
au changement et d’opposition au dialogue.
Ce que les conclusions du rapport confirment, outre la prise de
conscience des interrelations humaines et sociales croissantes,
c’est l’existence d’une «attitude méditerranéenne», un état d’esprit
commun qui pourrait permettre aux habitants de la région euroméditerranéenne de se sentir membres d’un espace commun
avec des valeurs spécifiques différentes de celles existant dans
d’autres groupements régionaux, un tel état d’esprit constituant
un atout majeur pour la stratégie de la Fondation Anna Lindh. En
effet, l’existence d’un «sentiment d’être chez soi», renforcée par des
valeurs communes partagées par les habitants de la région et en
particulier par sa jeunesse, est un facteur décisif lorqu’on souhaite
créer une interaction positive entre individus, au sein de contextes
culturels différents, et il constitue un préalable indispensable à la
construction d’un projet collectif autour de la Méditerranée. C’est
aussi une perspective qui doit toutefois être envisagée à l’aune de la
complexité réelle de la région, en tenant compte des défis sociaux,
économiques et politiques existants et des conflits qui continuent
d’influer sur les perceptions mutuelles, qui servent de terreau aux
stéréotypes traditionnels, provoquent des oppositions idéologiques
et suscitent des peurs sociales et culturelles.
La qualité des relations humaines fait que le dialogue
a lieu
Malgré les continuelles restrictions sur la mobilité transfrontalière
et la libre circulation, et les freins à la circulation des idées et
des informations, le Rapport de la Fondation Anna Lindh révèle
que la région euro-méditerranéenne existe comme un espace
d’interaction sociale. Selon l’Enquête du Rapport, environ un
répondant sur trois a eu l’occasion l’année dernière de rencontrer
des gens d’autres pays de la région, que ce soit à travers le tourisme,
les affaires et Internet, ou, bien sûr, grâce aux communautés de
migrants vivant dans le voisinage d’Européens, un résultat qui
montre que la Méditerranée existe comme un espace réel de
l’interaction humaine et virtuelle.
Le Rapport confirme également que rencontrer d’autres
personnes est la meilleure source pour une connaissance non
biaisée, malgré la distance géographique, et c’est la raison pour
Les idées fausses persistent malgré l’intérêt mutuel
Les conclusions du Rapport Anna Lindh confirment qu’il existe au sein
de la majorité des personnes interrogées un niveau positif d’intérêt
commun en termes de situation et de pratiques économiques,
culturelles et religieuses. Néanmoins, en dépit du fait que les gens de
différents pays de la région ont l’occasion de se rencontrer, d’accéder
à un éventail d’informations sur les uns et les autres et de montrer un
vif intérêt mutuel, des malentendus et un manque de connaissances
profondes ont été révélés par les résultats, en particulier en termes
de perception de l’échelle des valeurs de chacun. Ce qui est évident,
c’est que les habitants de la rive Sud et Est de la Méditerranée ont
tendance à surestimer l’importance que les Européens accordent
aux valeurs individualistes, alors que les Européens ont tendance à
sous-estimer le poids des «croyances religieuses» et de la «curiosité»
pour les populations du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Quant aux
groupes sociaux spécifiques qui peuvent avoir une incidence sur les
tendances relatives aux valeurs, les femmes et les jeunes méritent une
attention particulière. Les femmes déclarent une forte curiosité envers
«l’autre» et ont un rôle important dans l’élaboration et la transmission
des valeurs sociales majeures, alors que le potentiel des jeunes à agir
en tant que forces motrices de la société dans son ensemble se révèle
grâce à la combinaison de leur niveau d’exposition à différentes
communautés de la région et de leur intérêt à en savoir plus sur elles.
Modifier les perceptions mutuelles et accroître la sensibilité du public
à la valeur de la diversité culturelle apparaît comme un processus à
long terme qui implique un changement des perspectives qui ont
été construites au cours des siècles et par le biais d’une multitude de
sources, et c’est précisément pour cette raison que le plein potentiel
d’action de la société civile et des institutions devrait constituer la
base d’une action commune à plus grande échelle. Des médias, des
établissements scolaires, et des chefs religieux aux décideurs, aux
institutions euro-méditerranéennes et aux organisations de la société
civile, tous ces acteurs doivent être soutenus et encouragés à jouer un
rôle important dans le dialogue durable.
La religion comme un élément important pour le débat
interculturel
Dans la région euro-méditerranéenne, la religion est un facteur
incontournable dans les relations et les perceptions entre personnes
des différents pays, et l’un des défis majeurs est de comprendre
des différentes approches des valeurs et des pratiques religieuses.
L’enquête de la Fondation Anna Lindh/Gallup montre l’importance
de la religion dans l’échelle des valeurs de la plupart des pays
méditerranéens du Sud et, en comparaison, un goût moins prononcé
et une place moins centrale pour la religion chez les Européens dont
les sociétés sont dans l’ensemble plus laïques, même si la religion a
une place dans la sphère publique de nombreux pays européens.
Il est important de replacer cette conclusion dans son contexte
historique et culturel pour analyser les valeurs et les comportements.
De même, il est fondamental de comprendre et d’expliquer les
tendances religieuses dans la région pour traiter des mauvais usages
faits de l’élément religieux par des mouvements extrémistes et pour
apaiser les craintes des citoyens provoquées par les opinions exprimées
par certains leaders d’opinion alarmistes et certains responsables
politiques locaux et religieux. À cet égard, les données empiriques
recueillies pour le présent Rapport peuvent être utilisées comme
éléments de preuve pour démontrer que l’appartenance religieuse
n’a pas d’incidence sur l’intérêt des personnes ou sur l’ouverture
vers les «autres». En général la laïcité, comme un processus social, a
caractérisé la perception de la modernité européenne, alors qu’un
composant religieux accompagne également les transformations et
les changements qui se produisent au sein des sociétés du Sud de la
Méditerranée et les circonstances actuelles démontrent la nécessité
de parler d’une variété de processus et de prendre en considération
l’importance de la religion dans le débat interculturel.
Les villes comme principaux espaces d’interaction et
d’expérience humaine interculturelle
Les interactions interculturelles dans la région euro-méditerranéenne
ont historiquement eu lieu principalement au niveau local, et les villes
ont toujours été des espaces de rencontre pour les personnes de
divers milieux culturels, en particulier sur les rives de la Méditerranée,
un processus accéléré par la mondialisation et l’augmentation des
mouvements de population dans la région. Le Rapport Anna Lindh
montre que les citadins sont les plus exposés à l’échange interculturel,
conséquence des flux migratoires ainsi que la croissance des villes et
de la diversité de leur population, les habitants des villes déclarant
un intérêt relativement plus élevé pour la vie socio-économique et
Le Rapport Anna Lindh 2010
135
La méditerranée comme un espace significatif
laquelle la Fondation Anna Lindh plaide ardemment en faveur
du rapprochement des personnes de pays et d’horizons culturels
différents et soutient le développement de communautés
virtuelles pour le dialogue. Dans le même temps, la Fondation est
plus que consciente que de tels échanges doivent être complétés
par des mesures qui assurent de meilleures conditions pour une
connaissance approfondie et impartiale de «l’autre», certains
résultats de l’enquête fournissant des preuves scientifiques que
l’interaction ne génère pas automatiquement d’intérêt mutuel
et des visions non stéréotypées des «autres». C’est le cas pour
les jeunes, en particulier parmi les populations masculines,
qui expriment un plus faible niveau de curiosité à l’égard de la
situation économique, sociale et culturelle des autres sociétés,
bien qu’ils soient les plus exposés à une interaction réelle et
virtuelle, sans doute en raison de la mauvaise qualité de cette
interaction en termes de connaissance réelle et dépourvue de
préjugés.
L’attitude envers la rencontre, ainsi que les modalités et les
conditions sociales et économiques dans lesquelles elle a lieu,
semblent également avoir un impact sur les perceptions mutuelles,
un exemple étant la conclusion que l’intérêt des femmes «avant la
rencontre» leur fait trouver plus de similitudes que de différences
avec les autres lors de l’échange, avec le même genre de capacité
à identifier les similitudes que celle identifiée parmi les jeunes
impliqués dans la communication intense en ligne. C’est la raison
pour laquelle un défi majeur pour la Fondation est de trouver le
moyen de s’assurer que les nouveaux outils de communication,
qui, comme l’enquête et les analyses du Rapport l’ont mis en
évidence, jouent un rôle croissant dans l’interaction sociale à
travers la Méditerranée, peuvent être utilisés au maximum de
leur potentiel en tant que plates-formes de dialogue, plutôt que
comme instruments servant à renforcer le racisme et la diffusion
de l’intolérance.
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
CONCLUSIONS
attiré l’attention sur le potentiel des formats de divertissement comme
les téléfilms ou les longs métrages à renforcer la compréhension
interculturelle, principalement en raison de leur portée intime dans
des questions d’origines et des histoires personnelles.
En effet, les résultats du rapport confirment que le contexte urbain
apparaît de plus en plus comme un laboratoire pour la fécondation
interculturelle où il est possible d’observer, au niveau individuel, le
potentiel et les défis liés à la transformation en cours dans la plupart
des villes. Une politique urbaine intégrée pour la promotion d’une
culture de pluralisme, de respect et d’échange ne sera efficace
que si les principales parties prenantes, des municipalités aux
établissements d’enseignement en passant par les organisations non
gouvernementales, coordonnent leurs actions, une perspective de la
plus haute importance pour le travail de la Fondation Anna Lindh.
Attentes envers le projet euro-méditerranéen
Les médias face au défi de la complexité culturelle
Les médias ont été choisis comme le thème principal de ce premier
Rapport Anna Lindh eu égard au grand intérêt qu’ils représentent
pour la promotion du dialogue interculturel et la diversité culturelle
dans la région euro-méditerranéenne. Les données qualitatives
et quantitatives du Rapport apportent la preuve du potentiel des
médias comme un instrument central du dialogue : d’une part,
les médias peuvent être une grande source de connaissances, un
vecteur de valeurs interculturelles et un promoteur de la richesse de
la diversité culturelle de la région, tandis que, d’autre part, ils peuvent
véhiculer très efficacement des images stéréotypées de la « des
autres méditerranéens» et servir d’outil pour des discours politiques
et idéologiques xénophobes ou extrémistes. Dans le même temps,
le Rapport met également en évidence les contraintes et les défis
auxquels les journalistes d’aujourd’hui doivent faire face quand ils
font des reportages sur les différentes cultures et sur les questions
d’intérêt majeur pour les habitants de la région. L’objectif prioritaire
étant d’inverser les images stéréotypées de certains groupes culturels
présentés par les médias, l’analyse qualitative souligne l’importance
de créer une multitude d’images et de pratiques qui donnent un
aperçu et une exposition de la complexité de nos sociétés, plutôt que
de critiquer directement des catégorisations larges.
Dans le sondage d’opinion publique, il apparaît que près des quatre
cinquièmes des personnes interrogées dans huit pays européens et
deux tiers des personnes interrogées dans cinq pays partenaires du
Sud méditerranéen ont été incapables de se rappeler quoi que ce soit
venant récemment des médias ayant amélioré leur point de vue sur
les personnes de «l’autre» groupe. En fait, malgré la prédominance
de nouvelles à la télévision comme principale source d’information
positive sur les gens d’autres pays de la région – ce qui a émergé de
l’enquête –, un certain nombre d’études ces dernières années ont
Le Rapport Anna Lindh 2010
À cet égard, de nouveaux formats de médias pourraient être des
outils appropriés pour la promotion des valeurs interculturelles parmi
de larges pans de la population de l’espace euro-méditerranéen.
L’existence d’un pluralisme des médias et l’accessibilité des nouvelles
technologies apparaît comme une condition sine qua non pour
améliorer le rôle des médias traditionnels et émergents en faveur de
la connaissance et du dialogue. De l’étude Anna Lindh, il ressort que
les médias en ligne sont un outil primordial, surtout pour les jeunes
dans les pays méditerranéens du Sud et de l’Est, pour rencontrer des
Européens et pour avoir accès à l’information.
137
Le Rapport Anna Lindh a révélé que la «Méditerranée», en tant que
catégorie socioculturelle, existe pour la majorité des habitants de la
région. Ceci est d’une importance indéniable lorsqu’on se réfère au
Partenariat euro-méditerranéen, le cadre politique de coopération
qui, jusqu’en 1995, rassemblait les pays européens et les pays
partenaires méditerranéens du Sud et l’Est, avant d’être renouvelé
avec le lancement de l’Union pour la Méditerranée en 2008.
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
136
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
culturelle des populations d’autres pays tout en révélant un niveau
plus élevé d’interaction.
Les flux migratoires ont également un impact sur les communautés
d’origine des migrants. C’est un facteur qui revêt une importance
dans la conclusion du Rapport puisque près de la moitié des
répondants des pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée ont
déclaré avoir des amis ou des membres de leur famille qui vivent
en Europe, transmettant à leurs proches, dans les pays d’origine, des
informations, opinions et perceptions sur des personnes de cultures
différentes. En conséquence, le rôle des migrants comme agents
de dialogue et de sensibilisation culturelle entre les communautés
autour de la Méditerranée devrait être reconnu et soutenu, en
particulier dans le contexte urbain, et considéré comme un élément
majeur de la dimension humaine de l’Union pour la Méditerranée, la
Fondation jouant un rôle de facilitateur.
En effet, l’une des conclusions les plus enthousiasmantes de
l’enquête, qui rassemble les voix de plus de 13 000 personnes,
montre que les habitants de la région s’attendent à ce que l’Union
pour la Méditerranée apporte à leur société des retombées positives
pour l’avenir. L’innovation et l’esprit d’entreprise sont les principaux
avantages mentionnés par les personnes vivant sur les rives Sud et
Est de la Méditerranée, et le respect des autres cultures, la solidarité
sociale et le dynamisme de la jeunesse, sont les plus appréciés par
les Européens. Ces résultats, dont le contexte et la pleine signification
doivent être analysés en profondeur, sont dans l’ensemble d’une
grande importance pour la mise en place des valeurs qui seront à la
base d’un projet commun autour de la Méditerranée.
Le Rapport Anna Lindh 2010
Propositions en faveur du dialogue interculturel dans la région euro-méditerranéenne
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
138
Le Rapport 2010 Anna Lindh, en termes de contenu et de
conclusions, représente un outil majeur pour l’action mis dans les
mains des institutions, de la société civile, des gouvernements, des
médias et des individus engagés dans l’amélioration les relations
interculturelles. S’appuyant sur les réflexions et les analyses du
rapport, les orientations et propositions suivantes ont été réunies
en vue de mettre en œuvre des actions par l’intermédiaire du
programme de la Fondation Anna Lindh et d’influencer les politiques
interculturelles des 43 pays de l’Union pour la Méditerranée.
1. Développer des outils pour une meilleure qualité
d’interaction
Veiller à la qualité, plus qu’à la quantité et au nombre d’échanges
interculturels est l’un des besoins primordiaux qui résulte de
l’analyse du Rapport. Afin de promouvoir une attitude d’ouverture
envers les «autres», ainsi que pour permettre aux gens d’interagir
dans des contextes culturels différents et avec des personnes
de différents pays, la Fondation Anna Lindh a besoin d’investir
dans des outils novateurs pour améliorer les compétences
interculturelles des personnes. En développant des activités
spécifiques visant à améliorer la qualité de l’interaction, il devrait y
avoir un regain d’attention aux manuels existants, aux équipements
et aux programmes, ainsi qu’une attention particulière auxmoyens
d’optimiser le potentiel des communautés virtuelles comme
plates-formes pour la promotion du dialogue qui est mis en
évidence par les résultats du sondage d’opinion. L’importance
de ces compétences interculturelles doit être transmise à la
grande majorité des habitants de la région, dont les voix ont été
entendues dans cet exercice et l’organisation d’un événement
annuel de dialogue interculturel à travers les principaux pays euroméditerranéens pourrait contribuer à accroître la sensibilisation
du public et l’engagement autour de cette question. Les Réseaux
de la société civile Anna Lindh et les principaux partenaires de la
Fondation doivent participer activement à l’élaboration de ces
outils et activités pour s’assurer qu’ils sont adaptés aux différents
contextes nationaux et qu’ils s’accordent avec les besoins des
institutions et de la société civile.
2. Transmettre des images clés et de valeurs associées
à la region
Comme souligné dans l’analyse qualitative du rapport, la
transmission d’images positives que les gens associent avec
la Méditerranée peut constituer une base pour l’amélioration
des perceptions mutuelles et la promotion d’un sentiment de
copropriété émotionnelle envers le projet euro-méditerranéen
commun. Afin d’atteindre cet objectif, l’engagement au niveau
Le Rapport Anna Lindh 2010
des institutions et de la société civile est essentiel. Les déclarations
politiques de l’Union pour la Méditerranée doivent toujours
souligner la dimension humaine et sociale du projet, et nous
recommandons l’adoption d’une devise pour l’Union conçue
autour des valeurs clés partagées et des images associées à la
région méditerranéenne. À cet égard, l’introduction de questions
telles que le respect de la diversité culturelle, l’entrepreneuriat et
l’innovation, la solidarité et l’encouragement du dynamisme des
jeunes, mentionnées comme les principales attentes sociales des
personnes dans le sondage d’opinion, pourraient être définies et
défendues comme des jalons pour la création d’une union partagée
pour les populations en faveur desquelles elle a été conçue.
3. Investir dans l’éducation pour l’apprentissage
interculturel
Conformément aux conclusions du Rapport concernant les intérêts
interculturels et la sensibilisation des jeunes, l’éducation représente
un instrument privilégié pour l’apprentissage interculturel. La
Fondation Anna Lindh, en conséquence, soutiendra la conception
d’approches interculturelles novatrices dans les programmes
scolaires et par le biais de programmes éducatifs non formels, dans
le but de développer et de stimuler la pensée critique, l’empathie et
la curiosité, et en prenant pleinement en considération les résultats
de la question sur la valeur de la famille posée dans le rapport, qui
démontrent l’importance de la participation active des parents dans
ce processus. Des mesures spécifiques sont également proposées
pour promouvoir la compréhension et la sensibilisation des enfants
à la «carte des valeurs euro-méditerranéennes» contemporaine et à
l ‘importance des religions dans la région comme l’a révélé l’étude
de la Fondation Anna Lindh. À cet égard, des méthodes innovantes
peuvent être développées grâce à l’intégration d’une composante
artistique et médiatique dans les programmes scolaires, ainsi qu’en
renforçant et promouvant les liens entre les membres du Réseau
Anna Lindh et les écoles de leur région dans le but de faciliter les
activités spécifiques pour les enfants de l’école, leurs familles et la
communauté locale.
4. Soutenir la dimension interculturelle dans l’espace
urbain
En raison du fait que les résultats du Rapport établissent que les
possibilités de rencontre ainsi que l’intérêt et la sensibilisation
ont relativement augmenté au sein des populations urbaines,
l’importance de soutenir les échanges interculturels et les
approches transnationales est considérée comme essentielle
pour le développement de l’ouverture culturelle en milieu urbain.
La Fondation Anna Lindh et ses réseaux vont établir une priorité
5. Faire des individus avec des origines étrangères des
agents pour le dialogue
Si l’on considère le nombre de personnes qui ont confirmé avoir
des liens dans d’autres pays de la région, et l’attitude ouverte des
personnes issues de l’immigration qui transparaît dans les réponses
au sondage d’opinion, le Rapport confirme que la «dimension
humaine» doit être au cœur des relations euro-méditerranéennes.
Au-delà des problèmes perçus sur la question des migrations, et
en tenant compte de ce rôle potentiel dans les relations humaines,
l’action de la Fondation Anna Lindh nécessitera le développement
d’une démarche au niveau local qui accorde une valeur significative
au rôle positif des personnes issues de l’immigration. Les Réseaux
nationaux de la Fondation investiront donc dans des initiatives et
des mesures axées sur le fait de donner aux personnes ayant une
origine étrangère la possibilité d’agir comme des agents efficaces
de dialogue, ce qui devrait viser à renforcer la connaissance des
communautés de migrants sur leurs pays d’origine et leur capacité
à partager des informations avec le reste de la société, ainsi qu’à
défier les stéréotypes et à stimuler l’intérêt et l’ouverture dans les
sociétés d’origine et d’accueil.
6. Sensibiliser la communauté artistique
En ligne avec l’objectif global du Rapport Anna Lindh vu comme
un exercice scientifique visant à avoir un impact sur les diverses
populations de la région, la Fondation soutient la créativité
culturelle comme un instrument central pour exprimer des
émotions et interpréter la complexité de la réalité humaine dans
la région. À cet égard, la culture doit être utilisée comme un outil
immédiat pour susciter l’intérêt d’un grand nombre de personnes
pour d’autres communautés de la région et offrir des exemples
concrets de dialogue à travers des expressions artistiques. Il est
fondamental de sensibiliser la communauté artistique euroméditerranéenne sur les tendances actuelles des valeurs euroméditerranéennes et de soutenir les initiatives qui reflètent cette
société contemporaine interconnectée. Le rôle de la communauté
artistique dans le renforcement et l’élargissement du sentiment
d’appartenance à une région commune est indispensable. Les
possibilités et les obstacles pour le dialogue culturel soulevés par
le Rapport peuvent faciliter la création d’espaces de rencontre et
de réflexion critique partagée par des artistes de la région euroméditerranéenne, l’un des objectifs de la Fondation Anna Lindh.
7. Encourager la recherche sur la dimension culturelle
euro-méditerranéenne
Pour tirer parti du contenu et de la production du Rapport Anna
Lindh, il est nécessaire d’encourager la coopération universitaire
et la recherche autour des principales tendances interculturelles
dans la région euro-méditerranéenne identifiées par le Rapport.
En utilisant les résultats du Rapport comme base, les études
universitaires et la recherche sur la dimension socioculturelle euroméditerranéenne doivent également être encouragées, elles seront
un moyen de présenter le potentiel des similitudes et des différences
de ses sociétés, et d’interroger plus avant le sens et l’impact de ces
tendances sur l’avenir de la société méditerranéenne, en tenant
compte des contextes particuliers nationaux. Dans le cadre de ce
processus, le contenu de ce Rapport, ainsi que des recherches plus
poussées dans le domaine des sciences sociales appliquées telles
que la pédagogie, la gestion de la diversité ou la médiation culturelle,
peuvent avoir un impact direct sur les institutions, les organisations
de la société civile et les populations concernées si elles utilisent
quelques-uns des principaux résultats dans des contextes sociaux
caractérisés par l’interaction entre les personnes issues de diverses
origines de la région.
8. Promouvoir la dimension culturelle des échanges
économiques et du tourisme
Le rapport souligne le rôle central de la dimension culturelle
dans tout genre d’échange euro-méditerranéen afin d’assurer
la compréhension de «l’autre» et la durabilité de la relation, et
la Fondation Anna Lindh vise donc à promouvoir la dimension
culturelle et humaine de la mobilité, que ce soit par le biais des
réseaux, des échanges de jeunes, des relations économiques ou
touristiques. Cette action sur la mobilité doit être basée sur la
communication, l’apprentissage mutuel et l’interaction directe,
les diverses initiatives développée tenant compte de l’utilisation
des arts, de la création de fonds de mobilité, du soutien aux
échanges d’étudiants, et de la dimension culturelle et sociale
du tourisme. Une attention particulière devrait être portée à la
communauté économique et institutionnelle dans la région avec
le développement d’une dimension culturelle dans les échanges
commerciaux et le renforcement d’une diplomatie culturelle dans
le contexte euro-méditerranéen, en particulier à la lumière de la
création de missions diplomatiques unifiées représentant tous les
pays de l’Union européenne. En collaboration avec les institutions
régionales et internationales appropriées, la Fondation Anna
Lindh doit promouvoir des initiatives visant à assurer la qualité des
échanges dans le domaine du tourisme, qui apparaît dans l’enquête
comme un facteur essentiel de l’interaction humaine dans la région.
9. Renforcer le rôle des jeunes et des femmes en tant
qu’acteurs principaux de l’Union pour la Méditerranée
Comme le montre l’analyse quantitative et qualitative dans le
Rapport, les jeunes sont les forces motrices pour la promotion du
dialogue interculturel dans la région et la poursuite du travail fait par
la Fondation Anna Lindh pour renforcer leurs capacités de leaders
interculturels et de promoteurs actifs de valeurs communes est
essentielle. La promotion de rencontres transnationales de jeunes et
le soutien aux initiatives locales avec une dimension interculturelle
Le Rapport Anna Lindh 2010
139
Onze domaines d’action
dans leur programme en vue de faciliter les échanges entre les
organismes locaux et régionaux des différents pays de la région,
priorité axée sur le développement de lignes directrices pour une
culture de pluralisme, de respect et d’échange entre les individus
et les communautés présentes dans la ville. Le jumelage entre les
différentes villes de l’espace euro-méditerranéen peut en particulier
soutenir l’échange d’expériences, et de telles politiques urbaines
doivent être construites autour d’un niveau global de coopération
avec les acteurs de la société civile. Dans le même temps, un effort
doit être fait pour cibler les populations rurales, une approche
qui est justifiée par le niveau limité des connaissances et des
interactions enregistré par le sondage d’opinion, et afin d’offrir et
de garantir l’accès aux possibilités interculturelles à des personnes
habituellement peu exposées aux rencontres interculturelles.
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
PROPOSITIONS
menées par des jeunes doit être poursuivie, tout en développant
l’utilisation de plates-formes virtuelles et des médias en ligne dans
le lancement et la coordination des campagnes de dialogue à
l’échelle régionale, à la lumière de la large utilisation que les jeunes
déclarent en faire tout au long du Rapport. Au niveau institutionnel,
les échanges de jeunes doivent être facilités pour atteindre des
chiffres pertinents et être durables, en élargissant les programmes
Erasmus dans la région euro-méditerranéenne. Comme le souligne
le Rapport, les élèves montrent le plus haut niveau d’intérêt et
d’ouverture, par conséquent une telle initiative aura un impact réel
sur la connaissance mutuelle et les perceptions. Le rôle important et
la contribution des femmes, inscrits dans les résultats du sondage,
dans l’élaboration et la transmission des valeurs au sein de leur
communauté immédiate devraient être soulignés et soutenus
par des programmes axés sur le renforcement de leur capacité
à partager leur potentiel en faveur du dialogue interculturel et
de la diffusion de valeurs communes à travers les sociétés euroméditerranéennes.
outil utile pour atteindre un large public et démontrer la diversité
et la richesse des sociétés de l’Euro-Méditerranée en fournissant
des exemples de coexistence interculturelle. Dans le même temps,
il est important d’investir dans une gestion plus efficace des
médias avec la nomination de médiateurs, en investissant dans
des bourses d’études pour les jeunes journalistes et en recrutant le
personnel de rédaction parmi les différents segments de la société.
Le Rapport Anna Lindh sur les tendances interculturelles, confirme
la nécessité de faciliter la création d’espaces stables de rencontres
pour les journalistes de la région, qui traitent des questions
interculturelles et des reportages dans des situations de crise, afin
d’éviter la «culturalisation» de l’approche médiatique. Leur fournir
des informations régulières et des connaissances sur les questions
interculturelles euro-méditerranéennes est la meilleure façon
d’éviter la polarisation dans les récits des médias et de promouvoir
une meilleure capacité à affronter la complexité de la plupart des
questions et à se fonder sur une variété de perspectives.
141
Une des principales conclusions du Rapport Anna Lindh est la place
centrale historique et contemporaine de la religion dans la région
euro-méditerranéenne et les diverses perceptions des valeurs
religieuses rencontrées dans les différentes sociétés. Pour trouver
un terrain d’entente, un effort doit donc être fait pour faciliter
un dialogue ouvert et la compréhension des valeurs humaines
fondamentales et des aspirations des gens, en prenant en compte
leurs points de vue différents sur les pratiques et les croyances
religieuses. Etant donné la diversité des approches exprimées,
l’un des axes de travail prioritaire de la Fondation Anna Lindh doit
être la promotion d’espaces de rencontres et de débats au niveau
local et international. Parler du rôle que la religion et la spiritualité
peuvent jouer dans la société est sans doute un exercice utile
pour éviter l’utilisation abusive de la religion et sa manipulation.
Le Rapport Anna Lindh sur les tendances interculturelles euroméditerranéennes a démontré la nécessité d’investir dans des
programmes de recherche centrés sur l’évolution historique et le
développement des religions ainsi que sur les tendances religieuses
et spirituelles actuelles afin d’offrir une base scientifique aux débats
à l’échelle régionale.
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS D’ACTION
140
10. Encourager le dialogue entre les personnes ayant
des croyances et des convictions religieuses différentes
11. Développer le potentiel des médias pour améliorer
la connaissance et le respect
L’approche qualitative importante présentée dans le chapitre
thématique sur les médias du Rapport a permis à la Fondation
d’identifier un large éventail de mesures à élaborer pour la
promotion de la contribution positive des médias dans l’élaboration
des perceptions et des attitudes du public dans la région euroméditerranéenne. Les bonnes pratiques présentées dans les
analyses des médias par pays du Rapport montrent qu’un aspect
important de l’action de la Fondation dans le domaine des médias
peut être la promotion d’outils existants tels que les organismes
de médias transfrontaliers et les traités. Comme souligné dans
les analyses qualitatives du Rapport, favoriser la production de
nouveaux formats médiatiques et de divertissements, qu’il s’agisse
de films, de récits de vies réelles ou de concours, peut aussi être un
Le Rapport Anna Lindh 2010
www.annalindhreport.org
Le Rapport Anna Lindh 2010
143
142
ANNEXES
ANNEXES
ANNEXES
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
ANNEXE I
Q4.3. Lors de cette rencontre/discussion, avez-vous eu l’impression d’avoir :
Questionnaire du sondage Anna Lindh/Gallup
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Plus de points communs que de différences ...............................................................................1
Plus de différences avec les autres que de
points communs.......................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................3
Refuse de répondre..................................................................................................................................4
­
Q4.4. Savez-vous de quel(s) pays viennent ces personnes ?
ANNEXES
I. Intérêt envers l’Autre
Q1.
Pourriez-vous citer TOUS les pays qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez parler de la région méditerranéenne ?
Q2.1. Maintenant, en pensant aux pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée/aux pays européens, comment qualifieriez-vous
votre intérêt pour les nouvelles et les informations les concernant sur les sujets suivants (de A à C) ?
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­
­ Très intéressé..............................................................................................................................................1
­ Moyennement intéressé........................................................................................................................2
­ Pas intéressé...............................................................................................................................................3
­ Ne sait pas...................................................................................................................................................4
­ Refuse de répondre..................................................................................................................................5
A- Conditions économiques....................................................................................................................................................................... 1 2 3 4 5
B- Vie culturelle et style de vie................................................................................................................................................................... 1 2 3 4 5
C- Pratiques et croyances religieuses...................................................................................................................................................... 1 2 3 4 5
­
II. Interaction avec des gens d’autres pays et qualité de l’interaction
Q4.1. Au cours des 12 derniers mois, avez-vous personnellement rencontré ou parlé avec une (des) personne(s) des pays du
Sud et de l’Est de la Méditerranée/des pays européens ?
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Oui..................................................................................................................................................................1
No...................................................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................3
Refuse de répondre..................................................................................................................................4
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Q4.2. Si oui, par quel biais avez-vous rencontré ou parlé à cette personne ?
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Affaires ou travail......................................................................................................................................1
Tourisme.......................................................................................................................................................2
Discussion sur Internet...........................................................................................................................3
Relations de voisinage............................................................................................................................4
Simplement dans la rue/dans un lieu public . ..............................................................................5
Autre..............................................................................................................................................................6
Ne sait pas...................................................................................................................................................7
Refuse de répondre..................................................................................................................................8
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Oui..................................................................................................................................................................1
No...................................................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................3
Refuse de répondre..................................................................................................................................9
Q4.6. Si oui, quel(s) pays ?
Q3.4. Avez-vous des parents ou des amis qui vivent dans l’un des pays européens ?
(Pour les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ?)
­
­
­
­
145
144
Le questionnaire commençait avec l’introduction suivante : «Nous sommes intéressés par la façon dont les gens vivent dans
les différents pays, par ce qu’ils pensent les uns des autres et de la région méditerranéenne.»
Q4.5. Avez-vous visité l’un des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ?
(Pour les pays européens)
Oui..................................................................................................................................................................1
No...................................................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................3
Refuse de répondre..................................................................................................................................4
Q3.5. Si oui, quel(s) pays ?
III. Valeurs et perceptions mutuelles
Q5.1. Dans l’éducation de leurs enfants, les parents des différentes sociétés peuvent mettre l’accent sur des
valeurs différentes. En se limitant à six valeurs – disons : la curiosité, l’obéissance, les croyances religieuses,
l’indépendance, le respect d’autres cultures et la solidarité familiale –, je voudrais savoir laquelle de ces six
valeurs vous diriez être la plus importante pour vous-même ? Et la deuxième plus importante?
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Curiosité...................................................................................................................................................1
Obéissance.............................................................................................................................................2
Croyances religieuses ........................................................................................................................3
Indépendance .....................................................................................................................................4
Solidarité familiale...............................................................................................................................5
Respect des autres cultures..............................................................................................................6
Ne sait pas...............................................................................................................................................7
Refuse de répondre.............................................................................................................................8
Q5.2. Parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents qui
élèvent des enfants dans les sociétés européennes ? - Je voudrais savoir laquelle de ces six valeurs vous diriez
être la plus importante pour vous-même ? Et la seconde la plus importante ?
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-.
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Curiosité...................................................................................................................................................1
Obéissance.............................................................................................................................................2
Croyances religieuses ........................................................................................................................3
Indépendance .....................................................................................................................................4
Solidarité familiale...............................................................................................................................5
Respect des autres cultures..............................................................................................................6
Ne sait pas...............................................................................................................................................7
Refuse de répondre.............................................................................................................................8
­
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
ANNEXES
Le présent questionnaire a été soumis par Gallup Europe pendant l’été 2009 à un échantillon de 13 000 personnes de treize
pays, l’Allemagne, la Bosnie-Herzégovine, l’Egypte, l’Espagne, la France, la Grèce, la Hongrie, le Liban, le Maroc, le RoyauneUni, la Syrie, la Suède, la Turquie. Les questions ont été organisées en quatre chapitres, auxquels s’ajoute une partie sur les
médias et les données démographiques.
Curiosité.......................................................................................................................................................1
Obéissance..................................................................................................................................................2
Croyances religieuses . ...........................................................................................................................3
Indépendance . ........................................................................................................................................4
Solidarité familiale....................................................................................................................................5
Respect des autres cultures..................................................................................................................6
Ne sait pas...................................................................................................................................................7
Refus de répondre....................................................................................................................................8
­
Q5.4. Certaines personnes croient qu’il existe des règles absolues sur ce qui est bon et mauvais et ce qui est
vrai. D’autres disent qu’il n’y a pas de vérité absolue, mais que les choses sont relatives et que ce que nous
considérons être bon ou mauvais dépend de la situation. Quel point de vue vous correspond le plus ?
ANNEXES
146
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­
La vérité est absolue ..............................................................................................................................1
La vérité absolue n’existe pas, tout dépend
des circonstances......................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................7
Refuse de répondre..................................................................................................................................8
­
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Q6.5. Dans un (des) pays particulier(s) ? Si oui, le(s)quel(s) ?
V. Médias – sources et qualité de l’information
Q8.1. Vous souvenez-vous avoir entendu, lu ou regardé récemment quoi que ce soit dans les médias qui ait
changé ou renforcé positivement votre point de vue sur les populations des pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée/des pays européens ?
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IV. Images de la région méditerranéenne et vision de l’avenir
Q6.1. Des personnes différentes ont des idées diverses sur ce que représente la région méditerranéenne et sur
leur vision de l’avenir. Je vais vous lire une série d’idées/d’images qui peuvent venir à l’esprit de personnes
différentes. Veuillez me dire si vous pensez qu’elles caractérisent fortement, moyennement ou pas du tout la
région méditerranéenne.
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­ Fortement....................................................................................................................................................1
­ Moyennement...........................................................................................................................................2
­ Pas du tout..................................................................................................................................................3
­ Ne sait pas...................................................................................................................................................8
­ Refuse de répondre..................................................................................................................................9
A – Mode de vie et cuisine méditerranéens.......................................................................................................................................... 1 2 3 8 9
B – Source de conflit...................................................................................................................................................................................... 1 2 3 8 9
C – Patrimoine culturel commun et histoire......................................................................................................................................... 1 2 3 8 9
D – Défi environnemental........................................................................................................................................................................... 1 2 3 8 9
E – Hospitalité.................................................................................................................................................................................................. 1 2 3 8 9
F – Résistance au changement.................................................................................................................................................................. 1 2 3 8 9
G – Créativité.................................................................................................................................................................................................... 1 2 3 8 9
­
Q6.3. Votre pays, avec les autres pays européens et les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, a décidé de
renforcer les liens politiques, économiques et les échanges culturels dans le cadre d’un projet appelé
l’Union pour la Méditerranée. Que pensez-vous que votre société peut tirer de ce projet commun ? Veuillez
sélectionner trois éléments au maximum.
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Le Rapport Anna Lindh 2010
Innovation et esprit d’entreprise . ......................................................................................................1
Attachement aux valeurs morales et spirituelles..........................................................................2
Liberté individuelle et primauté du droit........................................................................................3
Solidarité sociale.......................................................................................................................................4
Egalité des sexes.......................................................................................................................................5
Respect de l’environnement.................................................................................................................6
Dynamisme social et de la jeunesse..................................................................................................7
Respect pour la diversité des cultures...............................................................................................8
Ne sait pas...................................................................................................................................................9
Refuse de répondre............................................................................................................................... 10
En Afrique....................................................................................................................................................1
En Amérique...............................................................................................................................................2
En Europe.....................................................................................................................................................3
En Asie...........................................................................................................................................................4
Dans les pays du Golfe............................................................................................................................5
Dans les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée..............................................................................................................................................6
Autre..............................................................................................................................................................7
Ne sait pas...................................................................................................................................................8
Refuse de répondre..................................................................................................................................9
Oui..................................................................................................................................................................1
Non.................................................................................................................................................................2
Ne sait pas...................................................................................................................................................3
Refuse de répondre..................................................................................................................................4
Q8.2. Si oui, quelle(s) source(s) véhicule(nt) cette impression positive sur les habitants des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée/des pays européens ?
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Films...............................................................................................................................................................1
Journaux/informations télévisées......................................................................................................2
Journaux/informations dans la presse écrite..................................................................................3
Films documentaires...............................................................................................................................4
Livres.............................................................................................................................................................5
Blogs..............................................................................................................................................................6
Autres sources Internet...........................................................................................................................7
Programmes radio....................................................................................................................................8
Autres............................................................................................................................................................9
Ne sait pas................................................................................................................................................ 10
Refuse de répondre............................................................................................................................... 11
­
Données démographiques
D1.
Etes-vous …
­
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un homme...................................................................................................................................................1
une femme..................................................................................................................................................2
D2.
En quelle année êtes-vous né(e) ?
D3.
Vous ou vos parents êtes-vous né(s) dans un autre pays ?
­
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­
­
­
­
Oui..................................................................................................................................................................1
Oui, mes parents.......................................................................................................................................2
Oui, mes parents et moi.........................................................................................................................3
Non.................................................................................................................................................................4
Ne sait pas...................................................................................................................................................8
Refuse de répondre..................................................................................................................................9
­
D3A. Si oui, dans quel(s) pays ? (pour le répondant/pour ses parents
Le Rapport Anna Lindh 2010
147
­
­
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­
­
­
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Q6.4. Si vous pouviez recommencer une nouvelle vie avec votre famille, où imagieriez-vous vivre ?
ANNEXES
Q5.3. Et parmi ces six valeurs, pourriez-vous en citer deux qui vous semblent les plus importantes pour les parents
qui élèvent des enfants dans les sociétés des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ? - Je voudrais
savoir laquelle de ces six valeurs vous diriez être la plus importante pour vous-même ? Et la seconde la plus
importante ?
­
­
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D5.
Appartenez-vous à une religion ou à une confession religieuse ? Si oui, laquelle ?
148
D6.
ANNEXES
­
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D7.
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Pas du tout religieux................................................................................................................................0
Très religieux............................................................................................................................................ 10
Famille pauvre............................................................................................................................................1
..............
Famille riche................................................................................................................................................7
­
Diriez-vous que vous vivez dans une région rurale ou dans un village, dans une ville petite ou de taille
moyenne, ou dans une grande ville ?
­
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­
­
Région rurale ou village..........................................................................................................................1
Ville petite ou de taille moyenne........................................................................................................2
Banlieue de grande ville ou de métropole......................................................................................3
Grande ville ou métropole....................................................................................................................4
Quel est votre statut marital actuel ?
­
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Marié..............................................................................................................................................................1
Vivant avec un partenaire (pas marié)...............................................................................................2
Veuf................................................................................................................................................................3
Divorcé..........................................................................................................................................................4
Séparé...........................................................................................................................................................5
Célibataire....................................................................................................................................................6
­
D10. Quelle est votre statut professionnel actuel ? Etes-vous :
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-.
-.
-.
Indépendant..........................................................................................................................................1
Employé...................................................................................................................................................2
A l’école, encore étudiant..................................................................................................................3
Au foyer....................................................................................................................................................4
Service militaire....................................................................................................................................5
Retraité.....................................................................................................................................................6
Au chômage...........................................................................................................................................7
Autre.........................................................................................................................................................8
L’agriculture................................................................................................................................................1
Le secteur public d’Etat..........................................................................................................................2
Le secteur privé.........................................................................................................................................3
Les services publics..................................................................................................................................4
Les services privés....................................................................................................................................5
Autre..............................................................................................................................................................6
D12. Et dans votre emploi actuel, quelle est votre principale activité ?
Non, je n’appartiens à aucune confession.......................................................................................0
Catholique . ................................................................................................................................................1
Protestant....................................................................................................................................................2
Orthodoxe (russe/grec/etc.)..................................................................................................................3
Juif..................................................................................................................................................................4
Musulman....................................................................................................................................................5
Hindou......................................................................................................................................................... 6
Bouddhiste..................................................................................................................................................7
Autre..............................................................................................................................................................8
­
En prenant tout en compte, quel est le niveau de vie de votre famille ? Sur une échelle de 1 à 7, où 1 signifie
une famille pauvre et 7 une famille riche, et où les autres chiffres représentent des positions intermédiaires,
où placeriez-vous votre famille ?
­
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D9.
­
­
­
­
­
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­
Sans se référer à une religion particulière, à quel point diriez-vous être religieux ?
­
­
D8.
D11. Travaill(i)ez-vous dans …
Primaire........................................................................................................................................................1
Secondaire...................................................................................................................................................2
Universitaire et au-delà...........................................................................................................................3
Aucune éducation formelle .................................................................................................................4
Ne sait pas...................................................................................................................................................5
Refuse de répondre..................................................................................................................................9
Spécialiste et technicien (par exemple médecin, enseignant, ingénieur, artiste,
comptable)..................................................................................................................................................1
Cadre supérieur administratif (par exemple banquier, directeur dans de grandes
entreprises, haut fonctionnaire du gouvernement, dirigeant de syndicat) .......................2
Personnel de bureau (par exemple secrétaire, employé, chef de service, fonctionnaire,
comptable) . ...............................................................................................................................................3
Professionnel de la vente (par exemple directeur des ventes, propriétaire de magasin,
employé de magasin, agent d’assurance, acheteur) ..................................................................4
Professionnel des services (par exemple propriétaire de restaurant, agent de police,
serveuse, coiffeur, concierge, infirmière)..........................................................................................5
Travailleur qualifié (par exemple agent de maîtrise, mécanicien automobile, imprimeur,
couturière, outilleur-ajusteur, électricien).......................................................................................6
Travailleur spécialisé (par exemple maçon, chauffeur de bus, travailleur dans
une conserverie, charpentier, ferblantier, boulanger).................................................................7
Travailleur non qualifié (par exemple ouvrier, manutentionnaire, ouvrier non qualifié
dans une usine, personnel de ménage) ..........................................................................................8
Travailleur agricole (par exemple ouvrier agricole, conducteur
de tracteur)..................................................................................................................................................9
Encore étudiant ..................................................................................................................................... 10
Je n’ai jamais travaillé........................................................................................................................... 11
Méthodologie
En Turquie et dans les pays européens, les rencontres ont été menées par le système d’entretien téléphonique assisté par ordinateur
(CATI) et en face-à-face dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. En Hongrie, afin d’élargir le spectre de l’enquête, 700
entretiens ont été menés par CATI et 300 en face-à-face.
Les éléments suivants représentent les principaux aspects de la philosophie du sondage Gallup :
•
L’échantillon représente toutes les régions de chaque pays, y compris les zones rurales.
•
La population ciblée comprend toutes les personnes de 15 ans et plus.
•
Le questionnaire a été traduit dans les principales langues de chaque pays.
•
Des procédures de contrôle de qualité ont été utilisées pour s’assurer que les échantillons appropriés sont sélectionnés et
que la bonne personne est choisie au hasard dans chaque ménage. Une sélection aléatoire de répondants utilise soit la méthode
«dernier anniversaire» soit la grille de Kish.
L’enquête porte sur un échantillon aléatoire de 1000 entrevues réalisées par pays dans la population générale.
Dans les pays où les enquêtes ont été menées en face-à-face, les listes de recensement des unités d’échantillonage primaires (UEP),
composées de grappes de ménages, ont constitué le principal moyen de sélection de l’échantillon. Les UPE ont été stratifiées selon la
taille de la population et/ou la géographie et un regroupement a été réalisé par une ou plusieurs étapes d’échantillonnage. Dans les
pays où les entretiens téléphoniques ont été employés, le système de génération aléatoire de numéros de téléphone (Random-DigitDial) a été utilisé (échantillonnage en une étape). Dans certains pays où la pénétration des téléphones mobiles est élevée, une base de
sondage double a été utilisée (téléphones fixes et mobiles).
Pour le sondage Anna Lindh/Gallup, la marge d’erreur est de plus ou moins 1,4% avec un intervalle de confiance à 95%.
­
Le Rapport Anna Lindh 2010
Le Rapport Anna Lindh 2010
149
Quel niveau scolaire avez-vous atteint ?
ANNEXES
D4.
Index des Tableaux
Index des Bonnes Pratiques
LE RAPPORT ANNA LINDH 2010
ANALYSES DES EXPERTSE ET BONNES PRATIQUES
Graphique 1.1
Graphique 1.2
Graphique 1.3
Graphique 1.4
Graphique 1.5
Graphique 1.6
Graphique 1.7
Graphique 1.8
Graphique 1.9
Graphique 1.10
Graphique 1.11
Graphique 1.12
Graphique 1.13
Graphique 1.14
Graphique 1.15
Graphique 1.16
Graphique 1.17
Graphique 1.18
Graphique 1.19
Graphique 1.20
Graphique 1.21
Les pays qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez parler de la rég
Caractéristiques de la région Méditerranéene Hospitalité
Source de conflit
Créativité Lieux privilégiés pour commencer une nouvelle vie
Intérêt pour la situation économique d’autres pays
Intérêt pour la vie culturelle et le mode de vie d’autres pays
Intérêt pour les autres pays
Parents ou amis vivant dans un pays européen
Pays visités du Sud et de l’Est de la Méditerranée
Interactions avec les peuples d’autres pays Pays visités du Sud et de l’Est de la Méditerranée
Moyen d’interaction
Les valeurs considérées par les participants comme étant les plus importantes à
transmettre à leurs enfants
Perceptions des participants des valeurs considérées comme étant les plus importantes
à transmettre à leurs enfants par les parents en Europe
Perceptions des participants des valeurs considérées par les parents du Sud et de l’Est
de la Méditerranée comme étant les plus importantes à transmettre à leurs enfants
Opinion sur l’existance d’une vérité absolue
La société profiterait du projet de l’Union pour la Méditerranée
Les médias ont changé positivement les points de vues sur les autres pays
Les sources d’ impression positive sur les peuples des autres pays
19
19
20
20
21
21
22
22
23
23
24
24
25
26
27
28
29
30
31
33
33
ANALYSES DES EXPERTS ET BONNES PRATIQUES
Graphique 2.1
Graphique 2.2
Graphique 2.3
Graphique 2.4 Graphique 2.5
Graphique 3.1
Graphique 3.2
Graphique 3.3
Graphique 3.4
Graphique 4.1
Graphique 5.1
Graphique 5.2
Graphique 5.3
Graphique 6.1
Les significations de la Méditerranée
Sources d’inquiétude
Hospitalité
Source de conflit
Valeurs considérées importantes par les répondants dans l’éducation des enfants
Intérêt envers les autres pays
Lieux pour commencer une nouvelle vie Les valeurs considérées par les participants comme étant les plus importantes à transmettre
à leur enfants
Modes d’interaction
La révolution démographique dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, 1970-2010 Valeurs dans l’éducation des enfants les pays du sud et de l’est de la méditerranée Distribution relative de six valeurs dans l’éducation des enfants
Écart entre l’Europe et les pays du sud et de l’est de la méditerranée
Caractéristiques de la région méditerranéenne
Le Rapport Anna Lindh 2010
37
37
38
38
40
44
44
45
46
55
68
69
69
80
Autriche - Forum de l’École interculturelle
Allemagne - Exposition sur l’immigration urbaine Jordanie - Voyages pour la compréhension interculturelle
Albanie - Réseau de recherche sur la religion
Maroc – Débats sur la religion et le pouvoir
République tchèque - Conférence sur la perception de l’islam Suède - Publication pour l’apprentissage de la langue arabe
Espagne – Publication trimestrielle sur les cultures méditerranéennes
Palestine - Étude sur les communautés en situation de post-conflit Portugal – Livre sur des Idées pour le dialogue Souk de la recherche interculturelle
Israël - L’Orchestre des jeunes judéo-arabes
Pologne - Des ateliers éducatifs sur l’islam
Croatie - Débats sur le multiculturalisme
Finlande - Conférence «mer Baltique et mer Méditerranée»
Lettonie - Semaine interculturelle Malte - Exposition sur le dialogue dans la vie quotidienne
Luxembourg – Fête du dialogue 51
59
60
63
65
66
69
70
73
74
77
78
80
81
83
84
86
87
ANALYSE THEMATIQUE DES MÉDIAS – ETUDES PAR PAYS
Prix du journalisme Anna Lindh Groupe de travail des médias euro-méditerranéens
Mécanisme de réponse rapide des médias
Bosnie-Herzégovine – Le Centre des médias de Sarajevo
Tahqiq Sahafi – Reportage d’investigation
Egypte – Le Service européen de Radio Cairo
Ondes méditerranéennes Le prix Media des diversités - France
Belgique - Bourses pour journalistes
Allemagne – La série «Lindenstrasse»
Grèce – Station radio interculturelle Albanie – Le magazine Le Pont
Liban - Initiative d’information publique Maroc – Libre antenne Maroc – Journalisme inclusif
Espagne – Publication trimestrielle sur les cultures méditerranéennes
Image du monde arabe et musulman Suède – Radio multilingue Italie – ZaLab Télévision
Turquie - Nouvelles Bianet Royaume-Uni – Réseau de diversité culturelle
91
92
93
99
100
102
103
105
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111
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120
121
123
124
126
130
Le Rapport Anna Lindh 2010
151
ANNEXE III
ANNEXES
150
ANNEXES
ANNEXE II
ANNEXE IV
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Le Rapport Anna Lindh 2010
Biographies
Professeur au Département de sociologie à Exeter et membre du conseil consultatif du Centre d’études Européennes. Elle est
experte en sociologie de la religion, spécialisée dans les religions en Europe. Elle a récemment participé à divers projets de
recherche, dont «Le bien-être et les valeurs en Europe» (WAVE) et«La laïcité, un phénomène européen et international» qui
cherche à comprendre pourquoi l’Europe est la partie la plus laïcisée du monde moderne. Elle est titulaire d’un doctorat de
la London School of Economics et d’un doctorat honorifique d’Uppsala.
HEIDI DUMREICHER
Directrice et fondatrice de Oikodrom, elle est pionnière dans la recherche intégrée du développement durable relatif aux
établissements humains. Elle travaille dans la théorie et dans la pratique sur l’avenir de la ville, contribuant à la Charte
d’Aalborg, le document fondateur européen sur la durabilité urbaine. En tant qu’initiatrice et coordinatrice scientifique de
nombreux projets de recherche et de sensibilisation, elle a mené des négociations sur des processus durables entre experts
et habitants à Vienne, en Chine et dans six pays méditerranéens islamiques. Avec Bettina Kolb, elle a développé la théorie de
la «copropriété émotionnelle». Elle est également membre du Conseil consultatif de la Fondation Anna Lindh.
MONA EL HAMDANI
Responsable de programme pays au Media Diversity Institute (MDI) au Maroc. Après des études en communication, elle
a travaillé comme coordonnatrice en charge du suivi et de l’’évaluation des programmes des partis politiques au National
Democratic Institute (NDI) au Maroc. Elle a participé à l’organisation et à la supervision des activités de la société civile et de
manifestations nationales et internationales, telles que la Mission internationale d’observation pour les élections législatives
de 2007. Ses travaux actuels portent en particulier sur la promotion du dialogue communautaire et la diversité en partenariat
avec des partenaires locaux et internationaux..
THIERRY FABRE
Responsable des programmes et des relations internationales au MuCEM, le Musée des civilisations de l’Europe et la
Méditerranée basé à Marseille. Il est coordinateur du Réseau d’excellence des centres de recherche en sciences humaines sur
la Méditerranée (Ramses2) à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. essayiste, éditeur et
chercheur, il a fondé le magazine Qantara, à l’Institut du Monde Arabe et il est le rédacteur en chef fondateur de «La Pensée
de midi» et de «Rencontres d’Averroès».
MIKE JEMPSON
La Baronne Catherine Ashton a été nommée Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires Etrangères et
la Politique de Sécurité et Vice-Présidente de la Commission européenne le 1er décembre 2009. Elle a été commissaire
européen au commerce d’octobre 2008 à novembre 2009 et a résolu un certain nombre de différends commerciaux de haut
niveau avec les principaux partenaires du secteur au cours de son mandat. Auparavant, la Baronne Ashton avait été nommée
à la tête de la Chambre des Lords et Lord Président du Conseil privé de la Reine dans le premier cabinet de Gordon Brown
en juin 2007.
Directeur de l’organisation caritative pour un journalisme éthique MediaWise, maître de conférences à l’Université de l’Ouest
de l’Angleterre et professeur associé en éthique des médias à l’Université de Lincoln. Avec plus de 30 ans d’expérience dans
la presse, l’audiovisuel et les relations publiques, il a conçu et dispensé une formation pour les journalistes sur les droits
de l’Homme, les questions de la liberté de presse et de la régulation des médias dans quelque 40 pays et a travaillé avec
des agences des Nations Unies et la Fédération internationale des journalistes. Il est vice-président du comité d’éthique de
l’Union nationale des journalistes et a été conseiller pour l’étude pan-européenne sur les médias et la diversité financée par
la Commission européenne.
AÏSHA KASSOUL
Président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures. En tant que Conseiller
de feu Sa Majesté le Roi Hassan II et de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, il a joué un rôle central dans le processus national
de réforme économique et dans l’augmentation des investissements étrangers au Maroc. André Azoulay est également
Président de la Fondation Tres Culturas basée en Espagne. Il est connu pour sa contribution à l’obtention d’une paix juste et
durable au Moyen-Orient et pour les nombreuses initiatives auxquelles il a participé pour soutenir la logique de réconciliation
entre juifs et musulmans.
Professeur à l’Institut Diplomatique et des Relations Internationales et au Comité des affaires économiques et sociales du
Ministère des Affaires étrangères en Algérie. Elle enseigne le choc des civilisations et le dialogue des cultures et est l’auteur
de plusieurs livres et pièces de théâtre. En outre, elle a publié de nombreux articles scientifiques dans différents journaux,
tels que L’Opinion, La Nation, El Watan et Algérie Actualité. Parmi ses écrits les plus connus, on peut citer Alger en toutes
lettres (2003), l’Algérie en français dans le texte (1990), Chroniques de l’impure (1998) et le Pied de Hanane (2009). Elle est
également membre du Conseil consultatif de la Fondation Anna Lindh.
BICHARA KHADER
Président de la Fondazione Mediterraneo en Italie. Il a travaillé comme photographe, peintre, architecte et ingénieur,
participant à la réalisation de plus de 500 projets dans divers pays du monde, avant de se consacrer à la promotion du
dialogue interculturel et de la paix depuis 1994. Depuis, il a organisé différents programmes et projets sociaux et publié
de nombreux articles et livres sur le partenariat euro-méditerranéen. Il a reçu de nombreux prix, dont la Distinction de
l’indépendance du Royaume hachémite de Jordanie, pour son engagement et ses réalisations exceptionnelles dans la
construction de ponts entre les cultures.
Professeur en sciences économiques, politiques et sociales et Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Monde
Arabe Contemporain à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique. Il a été membre du Groupe d’experts de haut niveau
sur la politique européenne étrangère et de sécurité commune et membre du Groupe des Sages pour le dialogue culturel
euro-méditerranéen. Titulaire d’un doctorat de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, ses dernières publications
sont le Monde Arabe expliqué à l’Europe (2009) et l’Europe pour la Méditerranée de Barcelone à Barcelone de1995 à 2009
(2009).
BETTINA KOLB
Maître de conférences à l’Institut de Sociologie de l’Université de Vienne. Elle est expert en sociologie visuelle, appliquant
la méthode d’entretiens participatifs à partir de photos utilisées comme outil pour la recherche sociologique inter et
transdisciplinaire et travaillant sur la représentation socio-culturelle dans les visuels qui combinent le lieu et l’espace. Les
travaux de Bettina Kolb ont notamment porté sur les hammams, la sociologie de la santé, en particulier le développement
social durable, combinant les aspects de la promotion de la santé et le développement durable. Avec Heidi Dumreicher, elle
contribue à établir une théorie sociale sur le développement durable.
RYM ALI
ANNEXES
164
RASHA ABDULLA
CATHERINE ASHTON
ANDRÉ AZOULAY
MICHELE CAPASSO
ANDREU CLARET
YOUSSEF COURBAGE
Présidente du Département de journalisme et de communication à l’Université américaine du Caire. Elle est l’auteur de trois
livres sur Internet dans le monde arabe dont l’un contient notamment la première étude universitaire à grande échelle sur
l’usage d’Internet parmi les étudiants arabes en Egypte. Titulaire d’un doctorat de l’Université de Miami, Rasha Abdulla a
également reçu des prix prestigieux. Elle concentre actuellement ses travaux sur l’activisme sur Internet et les questions de
la vie privée et de la liberté d’expression. Sa dernière publication est l’Evolution des médias au Moyen-Orient au cours des 20
dernières années : opportunités et défis (Editions Koramy, 2010).
Fondatrice du Jordan Media Institute. Elle a été productrice et correspondante dans de nombreux organismes de presse,
dont le Bureau de United Press International de l’ONU à New York et CNN, où elle a commencé en tant que productrice
à Londres avant de travailler comme correspondante à Bagdad. La Princesse Rym, qui est titulaire d’un DEA en sciences
politiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et d’une maîtrise en littérature anglaise à la Sorbonne et a également
un master de l’école de journalisme de l’Université de Columbia, a quitté son emploi à CNN pour rejoindre la famille royale
jordanienne en 2004. Elle travaille depuis à la Commission royale du film de Jordanie.
Directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh depuis juillet 2008. Ancien journaliste, il a dirigé l’agence de presse
espagnole EFE pour l’Afrique sub-saharienne, l’Amérique centrale et la Catalogne et été directeur de l’Institut Européen de
la Méditerranée (IEMed). Analyste des affaires internationales, il s’est spécialisé dans les relations Nord-Sud, la coopération
en Méditerranée et le dialogue interculturel. Il a également enseigné le journalisme politique à l’Universitat Pompeu Fabra
(Barcelone). Il est actuellement membre du Conseil consultatif de la Foundation for the Future.
Directeur de recherche à l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) à Paris et consultant, il est expert dans le
domaine des relations entre la démographie et la politique, principalement dans les pays arabes et musulmans. Il a été
directeur scientifique de l’Institut français du Proche-Orient à Beyrouth et est l’auteur de près de 350 publications, livres,
articles, rapports et de matériel pédagogique. En collaboration avec Emmanuel Todd, il a ajouté une nouvelle dimension au
débat en cours sur le choc des civilisations en prévoyant la modernisation du monde islamique dans leur livre le Rendezvous des civilisations (2007).
Le Rapport Anna Lindh 2010
MARIA KONTOCHRISTOU Maître de conférences à l’Université ouverte grecque. Elle a collaboré avec des instituts de recherche de pointe et a travaillé
de nombreuses années en tant que consultante. Elle a dirigé les départements de la Promotion et de la communication et
les collaborations internationales de l’Organisation hellénique de la culture, au ministère grec de la Culture. Ses travaux de
recherche actuels portent sur les médias, la politique audiovisuelle et culturelle, les médias et la construction identitaire, le
militantisme des célébrités, les relations internationales et la culture, l’Union européenne et la diplomatie culturelle. Elle est
l’auteur du livre Identité et médias dans la Grèce contemporaine (2007).
Le Rapport Anna Lindh 2010
165
GRACE DAVIE
ANNEXES
ANNEXE V
AMIN MAALOUF
ANNEXES
166
ROBERT MANCHIN
PREDRAG MATVEJEVIC
TUOMO MELASUO
Chargée de recherche senior et directrice des études à l’Unité des voisins méditerranéens de l’Institut Van Leer de Jérusalem
et enseignante à l’Université hébraïque de Jérusalem. Entre 2005 et 2007, elle a été directrice d’études pour le projet sur
l’«accessibilité des femmes à l’égalité de la citoyenneté au Moyen-Orient» au Centre d’études stratégiques et politiques de
l’Université hébraïque de Jérusalem. Lapidot-Firilla est la rédactrice en chef de la nouvelle Revue d’études du Levant. Ses
recherches portent sur divers aspects de la religion, de la politique, et de l’identité, en particulier en Turquie.
Ecrivain et journaliste libanais, il est connu pour ses œuvres qui présentent un point de vue sensible sur les valeurs et les
attitudes des différentes cultures du Moyen-Orient, de l’Afrique et du monde méditerranéen. Après des études de sociologie
et d’économie, il a suivi la longue tradition familiale et est devenu journaliste, travaillant à l’âge de 22 ans pour le premier
quotidien de Beyrouth, An-Nahar. Il a voyagé en Inde, au Bangladesh, en Ethiopie, en Somalie, au Kenya, au Yémen et en
Algérie, couvrant souvent des guerres et autres conflits, avant d’émigrer en France où il a continué à travailler comme
journaliste et écrivain.
master «médiation interculturelle et participation des citoyens» (Université de Valence, Espagne). Elle a également travaillé
dans l’équipe d’excellence de l’Union européenne Marie Curie Minoritymedia et collabore avec des organisations telles
que le Réseau espagnol des médias communautaires. Elle a publié le livre Contra el Islam (2008), sur les représentations
dominantes de l’Islam et du monde arabe dans les médias espagnols.
MAGUED OSMAN
NATALIA RIBAS-MATEOS Chercheur Ramón y Cajal à l’Université de La Corogne. Elle a obtenu une bourse Marie Curie pour faire des recherches au
Laboratoire méditerranéen de sociologie d’Aix-en Provence en France et au Centre des études de la migration du Sussex au
Royaume-Uni. Depuis 2009, ses travaux principaux de recherche portent sur les transferts de fonds, le sexe et les espaces
frontaliers à El Paso (Etats-Unis) et à Jebala (Maroc). Parmi ses derniers ouvrages publiés, on peut citer la Méditerranée à l’ère
de la mondialisation. Migrations, bien-être et frontières (Transaction Publishers, 2005).
ISABELLE RIGONI
Président et Directeur Général de la société Gallup Europe. Il a commencé sa carrière à l’Institut de sociologie de l’Académie
hongroise des sciences après avoir terminé l’Université d’économie Karl Marx et l’Académie Ferenc Liszt de musique. Il a
travaillé comme consultant et est co-auteur de plusieurs livres. À l’heure actuelle, il dirige l’enquête Eurobaromètre Flash,
le plus grand projet actuel d’enquête au niveau européen. Il est également professeur au Collège d’Europe à Bruges et
Directeur de l’Institut des sciences comportementales avancées au Luxembourg.
Professeur au département des langues slaves et de littérature de l’Université de Rome La Sapienza, il, vit actuellement à
Rome après avoir quitté la Bosnie-Herzégovine en 1991 en raison de son activisme politique. Le gouvernement français
lui a décerné la Légion d’honneur et ses livres, publiés dans plus de vingt langues, ont reçu de nombreux prix littéraires
internationaux. Titulaire d’un doctorat de la Sorbonne, Matvejevic est vice-président du PEN International à Londres. Il fut
l’un des membres du Groupe des Sages de la Commission européenne à Bruxelles et membre fondateur de l’Association
Sarajevo à Paris et à Rome.
ALEXA ROBERTSON
Professeur de recherche sur la paix et les conflits et directeur de recherche de TAPRI, Tampere Peace Research Institute,
à l’Université de Tampere. Titulaire d’un doctorat en sciences politiques, il est également professeur d’histoire politique
à l’Université de Turku. Ses travaux portent en particulier sur l’histoire récente de l’Afrique du Nord et les relations
internationales en Méditerranée. À TAPRI, en plus de diriger l’Institut, il se concentre sur les études méditerranéennes et les
relations euro-méditerranéennes, et notamment sur les évolutions socio-économiques et culturelles. Il est Vice-Président du
MOST, le programme de gestion des transformations sociales de l’Unesco, et membre du Conseil consultatif de la Fondation
Anna Lindh.
MARTIN ROSE
NAOMI SAKR
ANTOINE MESSARRA
DALIA MOGAHED
AMRE MOUSSA
LAURA NAVARRO
Professeur à l’Université libanaise et à l’Université Saint-Joseph, fondateur de la Fondation libanaise pour la paix civile
permanente. Il est membre du Conseil Constitutionnel au Liban et du Conseil consultatif de la Fondation Anna Lindh.
Comme journaliste, il a travaillé pour Le Jour, L’Orient-Le Jour, et d’autres journaux. Il est membre du Comité exécutif de
master, une coopération entre journalistes francophones de l’Université Libanaise, l’Institut français de la presse (IFP, Paris) et
le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ, Paris).
Analyste senior et Directrice générale du Centre Gallup pour les études islamiques. Elle dirige l’analyse de l’enquête Gallup
portant sur les opinions de plus d’un milliard de musulmans du monde entier et est co-auteur du livre Qui parle au nom
de l’Islam ? Ce qu’un milliard de musulmans pensent réellement, qui est l’étude la plus importante et la plus complète en
son genre. Elle fait partie de divers organismes importants, tel que le Groupe de haut niveau de l’Alliance des civilisations
des Nations Unies et elle a été choisie par le président américain Barack Obama comme conseillère à la Maison Blanche au
Bureau des partenariats basés sur les croyances et de voisinage.
Secrétaire général de la Ligue des États arabes depuis 2001. Avec un diplôme en droit de l’Université du Caire, il a rejoint
le Service égyptien des Affaires étrangères en 1958. Ensuite, il a servi comme conseiller auprès du ministre des Affaires
étrangères d’Egypte, ambassadeur d’Egypte en Inde et représentant en chef de l’Égypte auprès de l’ONU à New York. Depuis
2003, il est membre du Comité de haut niveau des Nations unies sur les menaces, les défis et les changements pour la paix
et la sécurité dans le monde. Il a reçu des décorations de divers pays, y compris de la Fédération allemande, et notamment
le Grand Cordon du Nil de l’Égypte.
Chargée de cours en communication interculturelle à l’Université de Valence, en Espagne, elle est chercheur dans le projet
Mediamigraterra (Université Paris 8) sur les médias et les migrations dans l’espace euro-méditerranéen, et intervient dans le
Le Rapport Anna Lindh 2010
Président du Centre d’information et d’aide à la décision du Cabinet des ministres égyptiens.. En tant que pionnier des
statistiques et de l’information nationale en Egypte, il est également professeur à la Direction de la Statistique de l’Université
du Caire. Il a une grande expérience technique et de consultant dans les domaines de la méthodologie de l’enquête,
des sondages d’opinion, et des analyses démographiques. En outre, il est membre de l’Association internationale pour la
formation en statistiques, de l’Association américaine de statistiques, de l’Union internationale pour les études scientifiques
sur la population (UIESP), et de la World Future Society.
Chef de l’’équipe d’excellence de l’Union européenne Marie Curie MINORITYMEDIA implantée à Migrinter – Université de
Poitiers en France. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences politiques de l’Université Paris 8 (France, 2000), et a obtenu une
bourse de post-doctorat au Centre de recherche en relations ethniques (Université de Warwick, 2001-2003) et au Centre
Marc Bloch (Berlin, 2004-2005). Elle est actuellement professeur à l’université de Poitiers, et elle a enseigné auparavant
dans les universités de Paris 8 Saint-Denis et d’Evry-Val d’Essonne (1996-2005). Elle travaille sur les médias ethniques, les
migrations, les mobilités transnationales et les questions de genre.
Professeur associée au Département de sciences politiques de l’Université de Stockholm et affiliée au Département de
journalisme et de communication de l’université. Sa recherche actuelle, financée par une bourse du Conseil de recherche
suédois, compare les reportages dans des chaînes d’information globales «contre-hégémoniques» avec les comptesrendus
de l’actualité mondiale faits par des chaînes globales bien établies pour voir comment l’Europe est dépeinte ses «autres». En
2010, elle a publié un livre, Cosmopolitisme médiatisé : le monde des nouvelles à la télévision.
Directeur du British Council au Maroc. Il a été Directeur du projet «Notre Europe commune», Directeur fondateur de
«Contrepoint», le Comité britannique de réflexion sur les relations culturelles et la diplomatie publique. Il a fait beaucoup
d’interventions et a écrit de nombreux articles sur les relations culturelles. Ses publications comprennent Confiance,
réciprocité et relations culturelles (avec Nick Wadham-Smith, 2004), Diplomatie britannique publique à l’ère des schismes
(avec Mark Leonard, 2005) et Un passé commun pour un avenir partagé (2009). Il a travaillé au British Council de Bagdad,
Rome, Bruxelles et Ottawa.
Professeur en politique des médias et directrice du Centre des médias arabes à l’Institut de communication et de recherche
sur les médias de l’Université de Westminster. Elle a travaillé auparavant à l’Unité d’intelligence économique en tant que
spécialiste du Moyen-Orient et rédactrice en chef des rapports sur les risques politiques et les prévisions économiques. Elle a
reçu le Prix 2003 du livre d’études du Moyen-Orient pour Des royaumes satellites : télévision transnationale, mondialisation
et Moyen-Orient. Son livre le plus récent, La télévision arabe aujourd’hui (2007), étudie le droit et la politique, la création et
le statut des journalistes, y compris des femmes présentatrices et reporters de guerre.
JORGE SAMPAIO
Haut Représentant des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations, l’initiative des Nations Unies dont l’objectif est
d’améliorer la compréhension et les relations de coopération entre les nations et les peuples et entre toutes les cultures. Il a
été président de la République du Portugal de 1996 à 2001. En tant que président, il a beaucoup œuvré pour l’éducation, les
questions sociales, les droits de l’Homme, les affaires internationales et européennes. En mai 2006, il a été désigné Envoyé
spéciale pour la lutte contre la tuberculose par le Secrétaire général de l’ONU, avec pour mission d’atteindre l’Objectif du
Millénaire pour le Développement de faire reculer la maladie d’ici 2015.
ELDAR SARAJLIĆ
Rédacteur en chef dans les journaux «Impulsion de la démocratie» et «Statut». Ses principaux domaines de recherche
sont la politique comparée et la théorie politique, avec un intérêt particulier pour l’ethnopolitique et l’ethnocentrisme, la
démocratie, la politique post-communiste, les élites politiques et la religion. Il écrit sur la politique, la culture et la société de
la Bosnie-Herzégovine et intervient dans de nombreuses universités, notamment l’Université d’Édimbourg et l’Université
d’Oxford. Il a publié un livre et plusieurs articles dans diverses publications à travers l’Europe.
SABINE SCHIFFER
Chef de l’Institut de la responsabilité des médias (IMV) en Allemagne. Ses recherches portent sur la discrimination dans les
médias d’information et sur l’impact des médias sur les attitudes et les valeurs, en particulier sur les valeurs des enfants. Les
formes modernes de propagande sont l’un de ses sujets de recherche les plus importants, notamment «l’ennemi (Feindbild)
Islam», qui joue un rôle important aujourd’hui. Titulaire d’un doctorat en linguistique, ses publications comprennent un
ouvrage sur la «couverture de l’islam dans la presse allemande» (2005) et une analyse comparative des discours de haine
anti-juifs et anti-islamiques (2009, avec Constantin Wagner, IMV).
Le Rapport Anna Lindh 2010
167
ANAT LAPIDOT-FIRILLA
Rédacteur en chef dans le domaine des droits de l’Homme de bianet.org. Après avoir travaillé comme programmateur
radio, il a continué sa carrière en travaillant comme rédacteur en chef chargé des actualités internationales pour divers
groupes médias grand public en Turquie, et comme rédacteur en chef et membre de l’équipe de Acik Radyo (Radio Open).
Depuis 1997, il a travaillé dans le domaine du journalisme sur Internet et il a également été directeur commercial et directeur
de la rédaction pour des revues et des sites Internet d’information de divers groupes de médias. Sur bianet.org, il s’est
spécialisé dans les technologies de journalisme sur Internet, le journalisme basé sur les droits de l’Homme, la lutte contre la
discrimination, la diversité sociale et le journalisme de paix.
ANNEXES
TOLGA KORKUT
168
ANNEXES
ISMAIL SERAGELDIN
Directeur de la Bibliotheca Alexandrina, il préside les Conseils d’administration de chacun des instituts de recherches et des
musées affiliés à la bibliothèque. Il est également président et membre d’un certain nombre de comités consultatifs pour la
recherche, la science et les institutions internationales et la société civile. Il a aussi occupé un certain nombre de fonctions
à la Banque mondiale, notamment en tant que Vice-Président pour le Développement Durable Environnemental et Social
(1992-1998), et dans des programmes spéciaux (1998-2000). Il a publié plus de 60 livres et monographies et plus de 200
articles sur une variété de sujets.
SARA SILVESTRI
Maître de conférences en politique internationale à la City University de Londres et responsable d’un programme de
recherche à l’Université de Cambridge. Elle a obtenu un doctorat à l’Université de Cambridge avant de déménager à
Bruxelles pour travailler sur le dialogue interculturel pour le Président de la Commission européenne. Ses travaux de
recherche interdisciplinaire et ses publications concernent les politiques d’identité musulmanes et les politiques publiques
envers la religion dans l’Union européenne, les réseaux confessionnels, l’intégration des immigrants, et la sécurité. Elle est
membre du Conseil consultatif de la Fondation Anna Lindh.
KATÉRINA STENOU
Directrice de la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel à l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Elle est spécialiste dans le domaine de la communication interculturelle. En
tant que membre de divers instituts de recherche consacrés aux relations interculturelles, elle souligne surtout les liens
entre la diversité, le dialogue et le développement, favorisant ainsi la compréhension mutuelle globale, conformément au
mandat de l’UNESCO. Elle a également publié plusieurs articles et ouvrages traitant de questions relatives à la formulation de
politiques visant à répondre aux défis des sociétés multiculturelles.
MOHAMED TOZY
Professeur de sciences politiques à l’Université Hassan II à Casablanca et à l’Université d’Aix-en-Provence. Après la publication
de Monarchie et Islam politique au Maroc (1997), il est devenu l’un des plus grands spécialistes des mouvements islamistes
marocains. Il travaille également comme chercheur pour le Laboratoire de Sociologie Méditerranéen (MMSH/CNRS) et
comme expert consultant auprès d’organisations internationales, telles que la FAO et l’USAID. Il est membre de différentes
organisations, telles que le Conseil scientifique du Réseau européen d’analyse des sociétés politiques (REASOPO) et le Comité
scientifique de la revue Prologues.
ANNA TRIANDAFYLLIDOU Chargée de recherche senior à la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère (ELIAMEP). Elle est
également professeur associé au Collège d’Europe à Bruges en Belgique. Les études des discours et des médias sont l’un
de ses principaux domaines de recherche. «Médias et éthique dans la sphère publique européenne du traité de Rome à la
«guerre contre le terrorisme» (EMEDIATE) a été l’un des nombreux projets financés par l’Union européenne auquel elle a
participé. Parmi ses récentes publications, on peut citer le livre la Sphère publique européenne et les médias (avec R. Wodak
et M. Krzyzanowski, Palgrave, 2009).
ERHAN ÜSTUNDAG
Journaliste et rédacteur en chef pour le Réseau indépendant de communication (BIA) depuis 2004. Né en 1979 à Kirklareli
en Turquie, il est diplômé de la Faculté de communication de l’Université Bilgi d’Istanbul. Il a organisé le premier Forum
international des médias indépendants en 2006, à Istanbul, réussissant à rassembler des représentants des médias venant
du monde entier. Ses domaines d’intérêt comprennent le journalisme sur les droits des enfants, le journalisme de paix, la
politique de communication et l’économie politique des médias.
Le Rapport Anna Lindh 2010

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