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Dossier de Presse
Conférence du 27 octobre 2011, Gilles Perrault
Maison des Arts et Métiers, 9 bis avenue d’Iéna, Paris 75016.
« Je possède un petit chef-d’œuvre qui longtemps dérouta toutes les habitudes de mes yeux et
de mon esprit, toutes mes connaissances. Je lui ai voué une gratitude profonde car, il m’a fait
beaucoup songer. Cette figure est de l’époque de la Vénus de Milo. Elle me donne la même
sensation de modelé puissant et plein, elle a la même aisance dans la grandeur de ses formes,
qui sont toutefois matériellement, de proportions réduites. (…) les belles ombres qui la caressent
(…) font (…) saillir les seins, puis s’endormant sur le ventre large, modèlent vigoureusement les
cuisses. L’un des bras, de côté et en retrait, est noyé dans un clair-obscur léger. Le geste de
l’autre bras tend sur les cuisses la draperie pour amasser au bas du ventre l’ombre fervente. »
Auguste Rodin dans L’art et les artistes, n°60 Mars 1910.
UNE STATUETTE ANONYME ATTRIBUEE A AUGUSTE RODIN CIRCA 1886
Gilles Perrault, expert en art, agréé par la Cour de
cassation, a travaillé sans relâche pendant plus de
vingt ans sur l’expertise d’une statuette en argent
anonyme.
Mué par l’intime conviction que cette œuvre était
d’Auguste Rodin, il n’a eu de cesse que d’accumuler
des indices probants tout en s’imprégnant chaque jour
un peu plus de l’œuvre du Maître.
Mais au-delà des preuves purement artistiques, c’est
également dans la nature de la relation entre Auguste
Rodin et Camille Claudel que réside la clé de l’énigme
autour de cet anonymat.
La genèse
La statuette a été découverte en 1987 par C. C., antiquaire à Nantes. Un marchand des puces
de Saint Ouen lui vendit alors comme du régule (alliage d'étain ou de plomb et d'antimoine)
cette statuette en métal blanc à patine noire. C’est en la nettoyant qu’il découvrit qu’elle était
en argent non poinçonnée, sans trace de signature, ni de fondeur.
Piqué de curiosité, il entreprit quelques recherches iconographiques qui le menèrent vers la
seconde moitié du XIXe siècle et plus particulièrement vers Auguste Rodin. Sans preuve
concrète mais persuadé de son authenticité, il céda la statuette à un collectionneur.
Son nouveau propriétaire lui-même convaincu de cette appartenance, fit appel à Gilles
Perrault ; ancien chef d’atelier au Musée du Louvre puis restaurateur d’art des Musées de
France au Château de Versailles. Après dix ans au service des Musées de France, il crée en
novembre 1984 la première structure privée en France, comprenant une équipe de
restaurateurs et de scientifiques au sein d’un laboratoire. Expert près la Cour d’appel de
Versailles en 1987, à trente-quatre ans, il est rapidement inscrit sur la liste des experts agréés
par la Cour de cassation.
Sculpteur, il est lui-même contaminé par cette intime conviction et se lance alors dans
l’expertise de cette statuette.
Plus de 20 ans de recherche
Constatant que le modèle de la statuette en argent était le même que celui qui avait prêté sa
plastique à l’Eve d’Auguste Rodin (1881) et à un dessin d’atelier de Camille Claudel publié
dans L’Art de 1886, Gilles Perrault acquit dès lors la conviction que l’œuvre était d’Auguste
Rodin ou de son proche entourage.
L’œil de l’expert au service de la vérité
Une dizaine d’expertises pénales qui totalisèrent douze ans d’investigation dans l’œuvre de
Rodin -de l’examen comparatif des plâtres entreposés dans les réserves de Meudon aux
bronzes exposés dans les musées- vinrent alors considérablement enrichir la connaissance
de Gilles Perrault sur le Maître.
En 1995, par exemple, il se voit confier une expertise pénale de plus de 2500 scellées
concernant des modèles et bronzes d’une centaine de sculpteurs dont 240 exemplaires
authentiques ou contrefaits d’Auguste Rodin et 4 de Camille Claudel.
En 2004, une nouvelle mission d’expertise judiciaire qui porte sur 51 modèles d’œuvres
d’Auguste Rodin révèle encore de nouveaux éléments sur l’œuvre de ce dernier. Cette
expertise consista à examiner chaque épreuve litigieuse (250 bronzes, plâtres, moules) pour
ensuite comparer les résultats avec les mêmes éléments recueillis sur des oeuvres originales,
contrefaites et les maître-modèles conservés par le musée Rodin.
Un premier constat pouvait être fait : la sculpture en argent revenait sans cesse dans une
partie des œuvres de 1880 à 1890. Elle était là, invisible mais omniprésente, tantôt dans le
Contrapposto des Ombres ou d’Adam, tantôt dans les postures des mains du Baiser ou de
l’Eternel printemps, tantôt dans la représentation des muscles, d’Eve notamment. Toutes les
oeuvres créées par le Maître après l’Age d’airain jusqu’en 1890 possédaient une part de la
belle inconnue. Lorsque par chance, le plâtre original de l’oeuvre examinée existait encore
dans les réserves du musée Rodin, il confirmait à chaque fois davantage l’importance de ce
rapprochement.
Le cumul des preuves
Après avoir entrepris une large recherche iconographique, Gilles Perrault découvrit les
dessins du Maître datés de 1885 à 1887 reprenant pour certains d’entres eux exactement la
même attitude et pour d’autres des éléments de l’œuvre étudiée.
1. Les croquis
Il faut noter qu’Auguste Rodin n’a quasiment jamais effectué de dessins préparatoires de ses
sculptures avec ombres propres. Mais justement, il s’agit plutôt de croquis arrêtant une idée,
un mouvement.
Lors de son voyage en Italie (en 1875), la découverte du contrapposto de Michel Ange à
Florence fut la révélation qui marqua tout son oeuvre. Les croquis de ses carnets révèlent que
la posture de la statuette en argent l’intéressait tant, qu’il l’avait à plusieurs reprises reproduite
pour la conserver. La leçon de Michel Ange s’ouvre alors : la forme est le reflet des sentiments
et de la vérité intérieure. Fini l’académisme étudié au Louvre. Le corps ne sera plus que le
miroir de l’âme. Rodin n’aura de cesse d’exprimer «le reploiement douloureux de l’être sur luimême, l’énergie inquiète, la volonté d’agir sans espoir de succès», etc.
2. Les comparaisons stylistiques
Cette statuette offre un aspect ramassé sur elle-même comme c’est souvent le cas chez
Rodin, du retour d’Italie jusqu’aux années 1890. Le dos est voûté, bombé de façon anormale
et excessive. L’anatomie comporte une musculature souple et arrondie, authentique sans
exagération. Son attitude est très proche de celle d’un des Bourgeois de Calais. Comme lui, le
corps de l’œuvre étudiée est incliné en avant, appuyé sur la jambe gauche, avec la jambe
droite très en retrait en arrière et légèrement fléchie, les bras pendant le long du corps.
Comme la tunique d’Eustache de Saint Pierre, le drap maintenu par la femme tombe à la
verticale entre ses jambes avec de longs plis plats et serrés, se cassant à la base. Le drapé
se fond dans l’entrejambe et le sol. On retrouve cette masse pyramidale sur le modèle de
Balzac nu, Je suis belle, Petite faunesse, où une forme conique prolonge, ainsi, le sol jusqu’au
personnage. En poursuivant l’observation de cette sculpture en argent au delà de l’allure
générale, les recherches stylistiques ont révélé quantité d’analogies avec les œuvres du
Maître.
La clé de l’énigme ?
La vie et l’œuvre de Rodin tiennent du roman. Si l’œuvre du sculpteur n’avait pas été aussi
expressif, il serait tombé dans l’oubli de l’ennui. Toute œuvre rapprochant Rodin de Camille
devint, de fait, une légende à elle seule. Cette œuvre existe, elle est palpable, ce n’est pas
une vue de l’esprit. Il suffit de l’examiner pour comprendre le message qu’exprime son corps.
Durant vingt années, tout livre concernant Rodin ou Camille a nourri cette enquête. En 2007, à
la lecture d’un nouvel ouvrage, la fameuse lettre de Rodin à Camille, appelée « le contrat» par
les historiens, dévoile alors à Gilles Perrault son sens caché et la clé de l’énigme.
Dans cette lettre Rodin promet tout à la jeune Camille de vingt-quatre ans sa cadette : le
mariage, un voyage en Italie d’au moins six mois, une statue en cadeau, une installation
commune, etc. Déjà, dans un précédent élan passionné, il lui écrit : « Je ne regrette rien. Ni le
dénouement qui me paraît funèbre, ma vie sera tombée dans un gouffre ». Quelle raison
poussa Rodin à écrire ce contrat dont il ne tint même pas une seule promesse ?
La vérité qui s’impose au regard des faits est tragique ; car nous savons, par le biais de son
amie Jessie Lipscomb que Camille eut « quatre grossesses interrompues ou cachées »,
d’avec son mentor. Au crépuscule de sa vie, Rodin osera passer sous silence ces
malheureuses grossesses qui rendirent Camille de plus en plus aigrie envers celui qui avait
tout promis. Lorsque sa biographe Judith Cladel l’interrogea à ce sujet, il répondit « Dans ce
cas, le devoir eut été trop clair », sans plus de précision.
Les historiens s’accordaient jusqu’en 2007 pour dater la première grossesse en 1887 lorsque
Camille s’isola au château de l’Islette voisin d’Azay-le-Rideau. Mais ces étapes douloureuses
furent si bien cachées par les amants que rien ne paraît dans leurs écrits. Le contrat d’octobre
1886 ne serait-il pas en étroite relation avec une grossesse déjà interrompue en Angleterre ?
Camille y réside de mai à juillet.
Ce qui ne frappe aucun historien, jusqu’à présent, c’est que Rodin part également à Londres
quelques jours en juin, et retrouve Camille chez les Lipscomb où il reste deux jours, à 150 Km
de la capitale.
Voyager était à cette époque une aventure qui se préparait à l’avance et requérait un certain
pécule : difficile d’y voir le but de simples vacances d’un trimestre pour Camille. Un tel voyage
eut un coût qu’elle n’aurait pu assurer. Il est plus que probable que Rodin en fut l’instigateur et
le financier. À cette époque, Camille n’avait en tête que la sculpture et Rodin. Dans ce
contexte, est-il si hasardeux de penser qu’un premier drame se situa en Angleterre à l’abri des
médisances ? Seules deux amies anglaises qui l’accueillirent pendant son séjour furent ses
confidentes. Afin de garder leur secret, Camille leur rappela dans un courrier de 1887, de
prendre soin de brûler ses lettres.
On peut dès lors imaginer que la statuette en argent se présente comme une oeuvre
expiatoire, autobiographique. Elle reflète le très lourd secret entre les amants.
En 1993, cette sculpture avait été nommée « la pudeur ».
À la lumière des constatations et à l’observation moins hâtive de son expression et de ses
traits, le thème paraît plus tragique : cette femme souffre. Sa main cache son sexe, d’où pend
un drap semblant indiquer la source de sa douleur, l’autre se retourne dans son dos, inutile et
impuissante.
Camille relate dans ses écrits une oeuvre de cette époque perdue, intitulée Le pêché, puis
d’autres comme La faute et La confidence.
Cette thèse qui évidemment n’est pas à l’honneur de Rodin peut heurter son ayant droit moral.
Mais, la statuette en argent née sous x, tombée dans l’oubli, est bien réelle. Délibérément
orpheline, elle n’est ni signée, ni marquée par le fondeur. Aucun signe distinctif n’a été
souhaité par l’artiste et le destinataire. Or, toutes les oeuvres de cette époque aussi abouties
et de surcroît réalisées en métal précieux, sont au moins signées du nom de leur auteur. A-telle seulement été un jour offerte ? Son anonymat de presque cent vingt ans a effacé son
parcours, pas l’empreinte de la main qui l’a conçue.
Gilles Perrault
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