LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la stratégie

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LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la stratégie
LE PATRIMOINE
IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 :
de la stratégie à l’action.
SAINT-NAZAIRE, les 6 et 7 octobre 2015
MERCREDI 7 OCTOBRE
ATELIER N°6 « Les quartiers de la Reconstruction, patrimoine remarquable du
XXe siècle ? »
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PRÉSIDENCE Ville de CAEN
Sonia DE LA PROVOTE, adjointe à l’urbanisme - Ville de Caen
Patrick DUNY, Agence d’urbanisme de Caen (AUCAME) - Ville de Caen
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INTERVENANTS
Patrick DIEUDONNÉ, Université de Bretagne occidentale
Stéphanie LE LU, Ville de Saint-Nazaire/Région Pays de la Loire
Patrice GOURBIN, École d’architecture de Caen
Jean-Damien GUILLOY, Ville de Dunkerque
Philippe GROS, DRAC Pays de la Loire
Catherine JOUBEL, Ville de Caen
Bruno RÉGNIER, ALAP
Laurence LE CIEUX, Ville du Havre
Patrice DUNY
Bonjour à toutes et à tous, j’ai le plaisir d’animer cet atelier sous la présidence de Sonia de la PROVOTE, en charge de
l’urbanisme et du renouvellement urbain sur la ville de Caen, qui est également vice-présidente de la communauté
d’Agglomération Caen-La mer, présidente du pôle métropolitain Caen-Normandie-Métropole, et présidente de l’agence
d’urbanisme, que j’ai le plaisir et l’honneur de diriger. Cela va donc être très simple pour moi de parler de « présidente »,
puisqu’elle l’est de l’atelier comme de l’agence d’urbanisme. Il lui revient de prononcer quelques mots introductifs à cet atelier,
et je vous parlerai ensuite de l’organisation pratique, avant de commencer nos travaux.
Sonia DE LA PROVOTE
Bonjour à tous. Je vous rassure, il y a des moments où l’on n’est pas président dans la vie, cela fait du bien aussi. Finalement,
c’est cette présidence-là qui fait partie des plus importantes. Nous allons aborder la thématique du patrimoine remarquable du
XXe siècle, et donc du patrimoine de la Reconstruction. Les villes, lors de ce colloque et au travers de tout ce qui a été échangé
hier, sont dans cette dynamique d’envisager ce bâti de la Reconstruction comme étant un élément patrimonial par plusieurs
aspects. D’abord du point de vue de l’Histoire, c’est-à-dire qu’il existe une dimension, en tout cas jusqu’à présent, qui était
quasi exclusivement mémorielle et qui désormais permet de regarder ce bâti comme étant un élément qualitatif, architectural,
constitutif du grand livre qu’écrit l’architecture de chacune de nos villes, et qui est donc regardée comme un élément parmi
d’autres au sein de l’organisation de la ville. Le deuxième aspect, c’est vraiment l’aspect extrêmement qualitatif que peut revêtir
ce bâti de la Reconstruction. Nous avons vu dans les nombreuses images que nous avons pu découvrir hier matin entre autres
qui ont dû être projetées dans certains des ateliers, que si l’État a donné une dimension particulière, a pris en main cette
question de la reconstruction dans les villes, dans chacune des villes, les ensembles urbains sont assez différents, ce qui
constitue une partie de la grande diversité de ce bâti que nous devons regarder comme étant un grand passage de
l’architecture en France. Certaines villes ont déjà bien avancé, Le Havre par exemple, évidemment, avec le classement
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UNESCO de tout le bâti d’Auguste Perret, le béton rose Perret comme il est appelé, et qui est désormais regardé très
différemment peut-être plus par les personnes de l’extérieur que par les Havraises et les Havrais eux-mêmes, encore que cela
commence à progresser. À Caen, par exemple, certaines églises de la Reconstruction sont classées Monuments Historiques,
qui sont très particulières, certes, mais également assez remarquables. Il aura fallu la fin du siècle dernier pour que l’on
commence à envisager ce type de bâti comme étant des monuments historiques. Je pense que Le Havre a ouvert la brèche,
pour dire les choses très honnêtement. Tout l’enjeu de cette rencontre aujourd’hui est de pouvoir aborder cette question
patrimoniale, à la fois mettre en valeur et faire porter un nouveau regard aux habitants, parce que là est le but à atteindre. Que
les professionnels, ceux qui s’intéressent à l’urbanisme, à l’architecture, aient un regard différent et se rendent compte des
qualités intrinsèques de ce bâti, que ce soit au niveau d’un bâtiment individuel ou de grands ensembles, dans la mesure où
c’est l’ensemble architectural qui fait la qualité d’une rue, par exemple, et qui mérite d’être gardé dans son ensemble, autant les
habitants ont un regard un peu circonspect, pour ne pas dire autre chose, sur ce bâti. Nous sommes juste au début d’une
habituation à considérer ces bâtiments comme étant de beaux bâtiments. C'est un peu compliqué sur ces questions-là, mais en
fait l'objectif est que les habitants commencent à regarder et à découvrir ce qui est beau dans ce bâti de la Reconstruction. Le
terme est assez simple, mais c’est ce qui fait l’unité commune entre nous tous. Nous ressentons quelque chose de positif face
à ce bâti. Aujourd’hui, l’idée est de voir quels sont les éléments communs, quelles sont les différences, ce qui fait patrimoine
dans ces bâtiments-là, et se dire que, compte tenu des circonstances particulières, de la rapidité avec laquelle ces bâtiments se
sont construits, nous sommes face – comme cela a été rappelé de nombreuses fois – à des problématiques d’isolation
thermique, phonique, accessibilité, et donc à une déperdition d’habitants dans les centres-villes. Il faut donc répondre à cette
question de comment moderniser, et du coup, considérer ces bâtiments comme du patrimoine, ce qui n’est pas les mettre sous
cloche. C’est donc un enjeu assez majeur. Que peut-on faire avec, tout en gardant cette page d’Histoire qui n’est pas que la
mémoire, la cicatrice de quelque chose de dramatique qui s’est passé, mais qui est aussi une page d’histoire architecturale de
nos villes, au même titre que nous avons eu le XVIIIe, le Moyen-Âge, etc. Nous retrouvons cela à toutes les étapes, parce que
la destruction est respectée par-ci par-là… Tout a été conservé, préservé, ce qui permet de lire toutes ces époques de
l’architecture de Caen comme dans un livre, et en même temps, il faut bien repeupler les centres-villes, permettre l’attractivité,
l’activité commerciale, tous ces éléments qui débordent largement le cadre de la problématique architecturale et
démographique. Cette rencontre permet de travailler entre nous, et je pense que les échanges vont être assez riches, la façon
d’aborder les choses, la façon de les présenter. L’enjeu de tout cela est vraiment un enjeu citoyen. Si les habitants de la ville
portent ce patrimoine comme ils portent le château de Caen, pour parler de ma ville par exemple, je pense que nous aurons
vraiment gagné la partie. Je vous remercie.
Patrice DUNY
Concernant l’organisation de notre atelier qui va être un petit peu différente des autres, nous avons choisi de scinder cet atelier
en trois séquences, chacune d’elles faisant appel à vos réflexions et à vos questions entre deux. Nous allons avoir une
première séquence avec une dimension historique. Nous avons jugé utile de revenir sur comment cette Reconstruction s’est
effectuée – il est vrai qu’en France, elle est assez spécifique, très centralisée – quelles étaient les intentions et les questions
que se sont posés les concepteurs, avec deux historiens, un plutôt spécialiste en Bretagne, et l’autre en Normandie. Notre
panel des territoires concernés sera donc assez large.
La deuxième séquence sera consacrée à la question de l’inventaire, parce que pour identifier ce patrimoine et pour le faire
partager, encore faut-il l’avoir repéré, détecté, et c’est le rôle du travail d’inventaire dans un premier temps. Monsieur GROS
nous parlera du label patrimoine du XXe siècle qui est assez souple et qui permet de labelliser assez facilement des bâtiments,
dès lors que l'on est d'accord sur leur valeur patrimoniale. Cette deuxième séquence sera interrompue par une phase de
discussion avec vous.
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La troisième séquence sera un peu plus longue, avec l’expérience de trois villes : la ville du Havre – Madame de la PROVOTE
l’évoquait – avec son caractère spécifique et son aventure qui est ancienne désormais ; nous avons une vingtaine d’années de
recul et de travail pour en arriver là. Ensuite, nous parlerons de la ville de Dunkerque dont nous avons entendu hier le projet
Phoenix de requalification du centre, Monsieur GUILLOY nous parlera plus particulièrement du périmètre obligatoire de
restauration des façades et de l’AVAP que la ville vient de lancer. Nous terminerons par l’expérience caenaise où l’AVAP vient
d’être lancée – nous sommes au début des travaux – Catherine JOUBEL de la ville et Monsieur RÉGNIER nous diront que
c’est une promesse, avec de nombreuses choses intéressantes qui se dégagent d’ores et déjà même si cela a commencé
récemment.
Patrick DIEUDONNÉ va ouvrir les débats. Il est architecte et maître de conférences à l’université de Bretagne occidentale. Vos
travaux, si mes informations sont exactes, portent principalement sur les processus de patrimonialisation et sur l’urbanisme dit
de « table rase » – nous l’évoquions hier dans la ville du Havre – autant sur les villes reconstruites que sur les quartiers
nouveaux. Vous êtes chercheur associé à la chaire de recherches du Canada en patrimoine urbain, et vous êtes également,
last but not least, le directeur de l’institut de géo-architecture de Brest, institution qui commence à être assez connue et
reconnue.
Patrick DIEUDONNÉ
Je vais effectivement commencer par un bref rappel des circonstances des reconstructions, en m’intéressant surtout au
processus qui a conduit à les considérer comme un patrimoine. Je mesure d'ailleurs avec les propos de Madame de la
PROVOTE le chemin parcouru depuis les premiers colloques des villes reconstruites - le premier s'était tenu à Brest, en 1983.
C’est peu dire que nous avions à l’époque un peu de peine à trouver des élus prêts à accorder de la considération à ce
patrimoine-là. Nous pouvons donc aujourd’hui nous féliciter de cette unanimité que nous avons bien vue en séance d’ouverture
pour considérer qu’il s’agit de patrimoine. Cela ne semblait même plus faire discussion.
Pour ce qui est des circonstances de la Reconstruction, c’est d’abord une organisation technique et administrative assez
particulière puisque pour la première fois, une double direction est mise en place. La première direction n’est pas une idée
totalement neuve, dans laquelle il est confié à l’homme de l’art, à l’architecte en chef, le soin de fixer les principales
caractéristiques des formes urbaines, ainsi que les orientations générales. Cet architecte en chef est à la tête d’une
organisation quasi pyramidale avec des architectes responsables des îlots et des architectes responsables de chaque
bâtiment. La deuxième tutelle de la Reconstruction est plus récente, c'est l'État qui va se comporter comme un assureur. Il avait
déjà un peu testé la formule après la première guerre mondiale, mais avec quelques difficultés qu’il va essayer d’éviter pendant
la seconde Reconstruction, notamment en suscitant ce qui a fait quelques débats, à savoir la constitution d’associations
obligatoires de remembrement d’abord, de reconstruction ensuite, en suscitant assez fortement la mise en œuvre de
copropriétés. Pour ce qui nous concerne, ces dispositifs administratifs convergent tous vers ce que l'on pourrait résumer d'une
formule, c'est-à-dire l'encadrement généralisé de l'acte de construire, puisqu'il faut rappeler que c'est pendant la guerre que l'on
invente l'ordre des architectes, et le permis de construire au sens où nous le connaissons aujourd'hui. L’État omniprésent a
laissé des souvenirs pas toujours agréables dans les mémoires de ceux qui les ont vécus. Cette double tutelle est
généralement personnalisée par deux personnes, un architecte en chef d’un côté et un ingénieur représentant le ministère de la
reconstruction et de l’urbanisme de l’autre qui, lui, assure la logistique du chantier et l’organisation des remboursements.
Souvent d’ailleurs, les témoins parlaient plus de cette grande aventure administrative que de l’architecture. C’est ce qui a laissé
le plus de traces dans les mémoires.
Diapositive 3. Nous avons à gauche une caractéristique assez particulière de la Reconstruction pour une ville ô combien
particulière, Saint-Malo, où nous avons commencé par l’idée que nous allions reconstituer la ville, comme on l’aurait fait d’une
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cathédrale, c’est-à-dire en numérotant les pierres et en essayant de reconstituer le puzzle. Évidemment, pour des raisons
d'efficacité, nous sommes très vite passés à un autre chemin, mais cette idée que nous allions relever les ruines de cette
manière est tout de même restée assez présente. L’image qui est à droite représente le remembrement d’un îlot de Brest qui
est l’un des plus spectaculaires, puisqu’une rue a même disparu. C’est presque l’exception parce que si l’on regarde d’un peu
plus près les noms des propriétaires, on s’aperçoit que grosso modo, ils sont restés à leur place, il n’y a pas eu de
transformation immense du sol, même si les transformations qui ont été effectuées relèveraient plutôt de la topographie et du
nivellement du relief. Il y a donc des remembrements, des transformations. À Saint-Nazaire, nous l'avons vu en visitant la ville,
une transformation beaucoup plus radicale a été faite, puisque le centre-ville a été éloigné de sa localisation initiale, en faisant
pivoter l'axe principal de la ville de 90°, ce qui n'est pas tout à fait rien. Un certain nombre de ces transformations vont donc
porter sur le sol.
À ce stade, il faut peut-être faire une petite parenthèse sur ce que l'on pourrait appeler la double illégitimité des villes
reconstruites. Il y a d’abord le fait qu’il faut peut-être rappeler que la plupart de ces villes ont été détruites par les alliés, et pas
par l’ennemi, ce qui n’est pas un fait de guerre dont l’on se vante spontanément. Il y a peut-être là – je ne suis pas
psychanalyste – une forme de refoulement qui aujourd’hui est sans doute un peu apaisé, mais qui peut expliquer une partie de
la diffamation dont ces villes ont pu être l’objet pendant quelques décennies.
La deuxième illégitimité vient d’une période qui a laissé, elle, au contraire, des souvenirs quasi nostalgiques, à savoir la période
des baraques, de ces villes provisoires qui ont souvent été considérées comme des périodes heureuses. Il y avait d’abord,
évidemment, le soulagement, les solidarités nées de la guerre, etc., une vie urbaine dont les acteurs se rappellent avec
beaucoup de nostalgie, peut-être un peu inexplicable au regard du confort objectif des baraques dont il était question.
Diapositive 4. Pour en venir aux transformations liées à la Reconstruction, on parle d’abord d’une transformation des
compositions urbaines, avec des doctrines qui ne sont pas nécessairement toutes très tranchées. On va voir apparaître un
certain nombre d’hybridations. J’ai ressuscité pour les besoins de la cause et la rapidité qui m’est imposée, une vieille
opposition entre les anciens et les modernes – les historiens de l’architecture m’excuseront de ce raccourci. Une opposition va
donc voir s’affronter une vieille garde puisque les architectes en chef sont pratiquement tous nommés en 1943 et sont surtout
choisis parmi les notables de la profession, notamment de nombreux Prix de Rome, et vont retenir un certain nombre de
caractéristiques – vous avez à gauche le plan de Brest, une ville néo-classique avec deux axes, des types de composition
assez clairement référencés à la pratique des Beaux-Arts. À droite, il s’agit encore de Saint-Malo, pour montrer que cette ville a
procédé à une étrange reconstruction de la mémoire, elle, puisqu’aujourd’hui encore, il ne se publie pas un article sur la
Bretagne éternelle qui ne fasse figurer une photo de Saint-Malo, alors que, regardez les plans, c’est peut-être une des villes
dont le sol a été le plus bouleversé par la Reconstruction. Il n’y a pratiquement plus d’îlots fermés dans cette ville. Ce passage,
cette hésitation entre l’îlot et la barre, pour reprendre une formule un peu caricaturale, a connu de très nombreuses
hybridations, y compris d’ailleurs des expérimentations assez savoureuses entre des îlots géants encadrant de plus petits îlots
faits parfois de maisons individuelles. Il y a donc là un patrimoine, pas au sens du bâti, mais au sens des formes urbaines, qu'il
sera sans doute très intéressant de conserver.
Diapositive 5. Pour montrer ce qu’ont été ces bouleversements, j’ai pris l’exemple de Beauvais où l’on a vraiment besoin de la
silhouette de la cathédrale pour se persuader que le plan est à la même échelle, tellement il y a eu de transformations dans le
fonctionnement du tissu, avec là encore de moins en moins d’îlots fermés.
Un petit passage sur ce que nous appellerons les monuments ou plutôt les édifices institutionnels. La plupart d’entre eux
relèvent d’une composition et d’une hiérarchie urbaines assez traditionnelles, avec d’un côté des monuments qui sont confiés à
des architectes reconnus et qui sont des objets très expressifs, positionnés dans la composition urbaine de manière éminente.
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J’ai pris deux exemples opposés, d’un côté l’hôtel de ville de Saint-Nazaire de Roux-Spitz qui est d’une extrême sobriété, et
l’hôtel de ville de Vire qui, lui, au contraire, joue d’un vocabulaire que nous qualifierons de « corbuséen », pas encore néo.
Nous avons donc une diversité d’écritures architecturales, mais un positionnement des édifices qui correspond à l’idée générale
que l’on se fait de la hiérarchie urbaine.
Trois domaines dans lesquels il est fait exception et où l’idée de réorganisation des fonctions urbaines va apparaître, le sport, la
santé et l’éducation, puisque les édifices sportifs, les écoles et les hôpitaux vont, chaque fois que c’était possible en tout cas,
faire l’objet d’une réorganisation en les positionnant ailleurs dans la ville, ne serait-ce que pour des raisons de place. Ce sont
des édifices dont on avait déjà admis dès avant la guerre qu’ils pouvaient être modernes, contrairement aux logements. Il y a là
déjà une doctrine qui se poursuit depuis l'entre-deux-guerres.
Diapositive 6. Une petite parenthèse technique pour rappeler au moins deux choses. La première, c’est toujours Saint-Malo
parce que cette image me paraît assez évocatrice. Quand on regarde ce que sont les échafaudages, on s’aperçoit que la
technicité de l’époque n’était pas très évoluée. Je pense que la grue à l’arrière-plan était probablement la seule sur ce chantier.
Il faut donc garder en tête que l’on n’a pas eu spontanément dès 1947, du béton, du métal, tous ces ingrédients que l’on
imagine parce qu’aujourd’hui, dans la mémoire collective, les villes ont été reconstruites en béton. Une analyse serait
intéressante à faire de cette logistique qui a sans doute mis un peu de temps à se mettre en place. À droite, vous voyez
quasiment une icône de la Reconstruction, le bloc-fenêtre mis au point pour Orléans. Cela consiste à faire un objet très usiné
pour pouvoir positionner correctement les fenêtres, le mur qui est autour pouvant être fait de tout autre chose et surtout mis en
œuvre par du personnel non spécialisé, parce que la question des métiers du bâtiment se posait également, de combien de
spécialistes on disposait à l’époque, l’affaire n’est pas simple.
Je passerai assez rapidement, même si cela a une certaine importance pour les réhabilitations à venir, sur les distributions
intérieures, simplement pour signaler que ce document est quasiment un monument historique. En effet, il s’agit d’une des
toutes premières études générales faites par ce qui s’appelait à l’époque l’AUCUBE, l’agence d’urbanisme de Brest, sur les
réhabilitations des immeubles reconstruits en 1981, où l’on s’aperçoit que ces distributions sont plutôt celles des années 30,
voire antérieures, la Reconstruction ayant en quelque sorte figé des modèles de distribution hérités de périodes plus lointaines.
Évidemment, rapportées aux exigences de confort actuel, ces distributions peuvent aujourd'hui poser problème.
Diapositive 8. Je reviens, mais cette fois à l’échelle du bâti, sur cette opposition des anciens et des modernes, là encore, je
risque la caricature, il y a surtout de très nombreux hybrides. La première image, c’est la reconstruction de Giens où l’on voit
apparaître déjà cette fenêtre pas tout à fait en longueur, mais qui n’est plus en hauteur, avec un décor qui est une reconstitution
historiciste. Giens fait partie des toutes premières reconstructions puisqu’elle a été faite pendant la guerre. Elle se voulait même
une sorte de vitrine de la Reconstruction vue par le régime de Vichy. On voit d’ailleurs aussi que cet historicisme est compensé
par la figure des automobiles stationnées devant les immeubles. Il s’agit là d’une première tentative d’hybridation si l’on peut
dire. Au centre, c’est Beauvais, avec un vocabulaire réinventé. Il y a bien entendu une certaine normalisation des ouvertures,
dont on voit qu’il ne s’agit pas d’une architecture historique, mais avec encore une volonté d’évoquer certaines figures passées.
À droite, toujours Saint-Malo, avec une reconstitution qui cette fois veut restituer le caractère pittoresque du tissu urbain comme
porteur des principales caractéristiques de l'Histoire.
Diapositive 9. En contrepoint, j’avais identifié cette modernisation notamment des structures urbaines. À gauche, Saint-Nazaire,
à droite, Saint-Dié. 1 000 km les séparent et pourtant, il n’y a pratiquement que le matériau qui change entre l’enduit d’un côté
et le grès des Vosges de l’autre.
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Diapositive 10. Je vais donc évoquer très brièvement les premières tentatives de réhabilitation, plus que des tentatives,
d'ailleurs. Réhabilitations morales d’abord, qu’il ne faut pas oublier, et réhabilitations physiques ensuite avec deux stratégies
assez différentes pour des villes qui n’ont pas la même taille et pas nécessairement les mêmes problématiques. D’un côté,
Lorient qui a travaillé très vite dans le sur-mesure en s’attachant à convaincre non seulement les propriétaires, mais peut-être
plus important, les métiers du bâtiment qui sont sans doute les principaux absents de ce colloque. Nous sommes beaucoup à
l’étage de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, mais certainement qu’un travail sur la transformation de ce
patrimoine va devoir prendre par la main – je prends à dessein cette métaphore – des peintres en bâtiment, des chauffagistes,
qui sont des prescripteurs de fait et qui seront peut-être les mieux à même de convaincre les propriétaires de passer à l’acte.
Diapositive 11. Le patrimoine de la Reconstruction est un patrimoine de détails qui impliquera sans doute un travail assez
minutieux. Peut-être faut-il prendre garde – et je vais terminer sur une vague inquiétude qui m’a saisi en entendant ici et là cette
idée qu’il fallait intervenir de toute urgence et massivement. Bien sûr, on peut comprendre qu'un certain nombre de villes soient
tentées de régler le problème le plus rapidement possible, et surtout de le prendre à bras-le-corps pendant qu'il en est encore
temps, mais peut-être faudra-t-il éviter que pour des raisons opérationnelles, on ne fabrique à nouveau cette homogénéité qui a
tant pesé sur les villes reconstruites pendant ces dernières décennies. Cela n’est pour l’instant qu’une vague inquiétude, nous
sommes suffisamment nombreux, et en partageant toutes nos connaissances, nous éviterons sans doute, je l’espère, cet
écueil. Il faut tout de même garder en mémoire cette idée que l’urgence et l’intervention de masse ont conduit notamment dans
la période des grands ensembles à passer des métiers du bâtiment aux métiers des travaux publics, et à confier le relais à des
acteurs dont les interventions ont été peut-être un peu trop massives à l’époque. Je vous remercie.
Patrice DUNY
Je passe la parole à Patrice GOURBIN, enseignant à l'École nationale supérieure d'architecture de Normandie à Rouen, très
connu à Caen, parce que vous êtes le spécialiste de la Reconstruction de cette ville, mais pas seulement. Vous êtes également
spécialiste de la reconstruction des monuments historiques et de l’Histoire de l’administration des Monuments Historiques en
France.
Patrice GOURBIN
Je suis aussi guide conférencier à l’office du tourisme. C’est une action de médiation que j’anime. L’idée de mon intervention,
dans le temps qui m’est imparti, est d’essayer de donner quelques éléments pour comprendre un petit peu cette diversité qui a
été évoquée à plusieurs reprises, diversité de la reconstruction qui a un sens, pour sortir de l’arbitraire de la fantaisie de
l’architecte. Cette diversité est due à une recherche d’innovation qui peut être le support aussi d’une patrimonialisation. Nous
savons que l’histoire de l’art se construit sur l’histoire de l’innovation.
Diapositive 1. J’ai quatre idées à développer. La première est que les deux images montrent bien que le projet n’est pas de
restituer la ville ancienne, il s’agit d’un projet en soi, nous n’allons pas faire semblant de restituer le système pittoresque qui
existe précédemment. Les idées sont déjà là, parce que c’est un rêve que l’on avait depuis les années 30 de faire ce type
d’architecture que l’on voit sur la droite. Les bombardements arrivent donc « au bon moment », certains l’ont exprimé, l’idée a
été dite. Si c’est si différent, c’est justement parce que les idées étaient prêtes. Le projet va se maintenir sur toute la
Reconstruction. Quand on a un ensemble qui est tenu comme celui-ci, une place très organisée, le projet est maintenu, la
forme des immeubles est la même du début à la fin, c’est-à-dire que les premiers immeubles reconstruits en 1949 sont sur la
gauche, et les derniers sur la droite, en 1961. Le type de villes dont je vais parler, on en parle peut-être moins ici, à SaintNazaire. Brest, Lorient, sont des villes très patrimoniales avant la Reconstruction, comme Caen. Pour celles-ci, les monuments
anciens sont les monuments de la Reconstruction qui se fait autour de ceux qui font partie de la Reconstruction. On voit bien ici
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qu’il s’agit d’un élément fort du projet, qui y est intégré, mis en valeur d’une certaine manière qui ne serait plus la nôtre
aujourd’hui. Enfin, dernière idée, on essaye d’intégrer cette tranche d’histoire qui vient d’arriver, la destruction et la
Reconstruction, de lui donner un sens, puisque cet édifice – la porte horloge ici à Vire – est le mémorial des victimes civiles. À
l’intérieur, il y a une plaque, et les Virois connaissent bien cet édifice comme celui du symbole de la destructionReconstruction, de la même manière qu’à Caen, on a une grande avenue, même si c’est un peu raté car à la fin de celle-ci, il y
aurait dû y avoir un grand monument à la paix dans le château, qui n’a pas été construit. Cependant, l’avenue du 6 juin porte ce
nom pour une raison très précise, car c’était prévu comme un élément mémorial.
Diapositive 2. C’est la même idée, les monuments anciens organisent, orientent la Reconstruction, même si celle-ci met en
valeur le monument ancien. Une campagne de protection de monuments de la Reconstruction a effectivement eu lieu, bien
qu'ils ne soient pas les plus intéressants, à mon avis, d'un point de vue patrimonial. Il y en a, bien sûr, mais l’enjeu de la
patrimonialisation porte sur ce qui existe de part et d’autre, sur la reconstruction des quartiers dans leur ensemble. La
protection des monuments historiques est souvent peu adaptée, cela nécessite plus des systèmes type AVAP, des protections
d’ensemble avec une volonté voulue – ce n’est pas parce que c’est pauvre – de simplicité et d’unité, ce qui est aussi difficile à
valoriser.
Diapositives 4,5 et 6. Il y a une volonté d’homogénéité, d’unité, mais aussi de donner à chaque ville une personnalité différente
en fonction de son histoire, en lien avec l’Histoire – ici, à Caen, la pierre de Caen, bien sûr – et son terroir. Nous allons voir la
photo suivante. Ici, à Lisieux, le choix se porte sur les briques et la pierre. Sur la photo suivante, une ville un peu
exceptionnelle, Pont-L’Evêque. Il ne faut pas surévaluer – des maisons à pans de bois de la Reconstruction, il en existe cinq
pour toute la Normandie, mais c’est déjà bien. Cela dépend de ce que vous appelez « vraiment », celle-ci est une maison en
maçonnerie, comme celle que l’on voit sur la gauche, avec du vrai bois dans le sens qu’il est massif, mais plaqué. Bien sûr, si
l’on enlève le bois, la maison est toujours là. C’est hors des principes de la Reconstruction, mais on peut aller jusque-là, jusqu’à
cette volonté de donner une personnalité dans un cadre effectivement très homogène sur l’administration, les architectes en
chef, le MRU, tout cela très imposé.
Diapositive 7. On part comme cela et on arrive, en tout cas pour les grandes villes, à des discours très négatifs. En 1949, arrive
un nouveau ministre, Eugène Claudius Petit, qui va vraiment faire basculer la Reconstruction dans une recherche de la
modernité. L’analyse, ce que l’on ne veut pas faire, c’est ce que nous voyons ici, c’est-à-dire des îlots fermés. On était parti
avec l’idée de faire une ville moderne, aérée – l’aération, la lumière, le soleil, c’est l’obsession, avec la phobie des espaces
fermés. Quand on voit cela, les discours de l’époque étaient qu’ils allaient construire « les taudis de demain ». Comment faire
autre chose ? On va donc inventer des nouvelles formules, et Claudius Petit met en place le système des IRP, je passe sur les
détails.
Diapositive 8. Ce système permet d’imposer les volontés du ministère pour des ensembles qui sont très grands, qui vont aller
jusqu’à 500 logements, pour faire des économies d’échelle, avec des principes urbains très différents. Sur la photo suivante,
vous voyez que ces innovations existaient déjà avant, parce qu’il y avait tout de même dans la partie du début un petit peu
traditionnelle, des innovations sur des terrains qui ne sont pas trop dérangeants – ici, c’est de l’autre côté de la Seine.
Diapositive 9. Il s’agit là d’ensembles innovants, avec près de 400 logements d’un seul coup, concentrés dans les tours. Nous
voyons bien ici que les monuments de la ville reconstruite qui dépassent sont les logements, et plus les églises.
Diapositive 10. Il y a également des choses très spectaculaires, avec une confrontation entre deux logiques. La ville où cela se
voit le plus, c’est Caudebec-en-Caux, avec les petits îlots fermés avec les toits pointus, l’architecture régionaliste très belle, en
pierre de taille. Et en 1950, un architecte en chef, Othello Zavaroni, propose de réunir tous les dommages de guerre
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subsistants dans un seul immeuble courbe qui serpente dans la ville. Les Monuments Historiques ont frôlé l’apoplexie, parce
qu’il s’agit d’une église magnifique, l’immeuble a été coupé en quatre parties, mais il en reste tout de même un grand morceau.
Les rues passent sous l’immeuble, et la structure viaire existante est inchangée, parce que le plan d’urbanisme est très long à
changer, avec une procédure de déclaration de type utilité publique. La municipalité peut donc bloquer le changement et
refuser de le faire. On garde donc la même chose, et on fait passer l’immeuble par-dessus.
Sur la diapositive 11, on voit les deux types d’architecture qui se font face.
Diapositive 12. Vous voyez un autre exemple de cette architecture innovante, avec des barres, des tours – 500 logements,
donc un grand ensemble. L'expression employée dans les archives est « le grand ensemble ». La Reconstruction doit être
considérée comme un mode d’apprentissage vers ce que l’on va faire après, ce n’est pas une exception dans l’histoire de
l’architecture, c’est vraiment dans une continuité, on apprend à faire du logement de masse, en quantité, sur des terrains qui
ont été rendus vierges, où il y avait parfois quelques maisons qui ont été détruites pour la Reconstruction.
Questions
Nathalie LEMARCHAND, Maison de l’architecture de Basse-Normandie
Plus des remarques que des questions, pour répondre à Monsieur DIEUDONNÉ sur l’engouement pour les baraques. Il faut
savoir que ces personnes venaient beaucoup des milieux ruraux et retrouvaient une vie de village au sein de ces baraques.
Cela explique cette espèce de nostalgie de cette vie de village. J'ai réalisé de nombreux entretiens, puisque je suis ethnologue,
avec des personnes qui ont vécu dans ces baraques avant d'être relogées dans les logements de reconstruction et qui ont
malgré tout été très heureuses d'être relogées dans des bâtiments modernes, avec des salles de bains. Il faut savoir que ce ne
sont peut-être pas ces personnes-là qui ont cette nostalgie de la vie d’avant, c’est-à-dire de la ville d’avant, elles étaient très
heureuses d’avoir le confort moderne. La vie d’avant, cela voulait dire être cinq, six, sept, huit dans une pièce sans eau
courante ou avec, au mieux, un lavabo. Peut-être aussi, et là je rebondis directement sur mes propos, cette vie de village dans
la Reconstruction a peut-être été oubliée, alors que ces personnes ont été relogées en même temps, qu’elles se connaissaient.
C’est l’ethnologue qui parle, peut-être – je ne prône pas la nostalgie – que la vie en centre-ville aujourd’hui en tout cas, manque
des aménités de vie de village. Les commerces de bouche sont partis. Ils reviennent, pas étonnamment d’ailleurs parce que les
personnes qui s’occupent du commerce ont bien compris qu’elles avaient à faire des choses en centre-ville. Peut-être que nous
aussi devons le comprendre. Sur tous ces détails des bâtiments reconstruits, évidemment, à chaque fois nous le disons, c’est
une architecture homogène. En même temps, le propos commence à être plus envisagé. C’est une architecture de détails. Le
XXe, c’est bien pour certains bâtiments exceptionnels, mais conserver ces ensembles, suite à une destruction et à une
reconstruction massives, mais peut-être aussi ce que j’appelle en tant qu’ethnologue, du patrimoine immatériel avec ces
ensembles, c’est-à-dire également ces groupes humains qui ont constitué et habité ces ensembles, serait peut-être à remettre
au goût du jour, une piste pour recréer une vie de village, pas du tout dans la nostalgie.
Intervenant
Aujourd’hui, le fait qu’il y ait par exemple des commerces de mode, etc., est relativement récent. Les premiers étaient ceux de
bouche, en tout cas à Caen, ce qui est un problème désormais car les cases sont toutes petites – les petits épiciers, les petits
bouchers, les petits charcutiers. Derrière l’hôtel d’Escoville, il y a des cases minuscules qu’il faudrait réunir pour avoir la taille
d’un commerce d’aujourd’hui. Sur le côté social, c’est l’occasion d’un fort changement social. La Reconstruction s’adresse aux
propriétaires et pas aux locataires.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Intervenant
Peut-être une simple remarque sur le commerce. J’y ai pensé, et cela va dans le sens de votre propos. Il peut y avoir des
situations différentes, mais à Brest, ceux qui ont été les plus difficiles à convaincre de retourner dans la vraie ville, en dur, ce
sont les commerçants qui étaient installés en baraques sur la place de l'hôtel de ville et qui ont même, pour certains, gardé
leurs enseignes. La libraire de la cité qui a longtemps été une institution brestoise était la librairie de la cité en baraque qui,
même en rejoignant le centre-ville, a gardé cette enseigne.
Patrice DUNY
Juste une remarque, parce que nous en avons parlé dans un autre atelier, hier. Cette question du commerce était effectivement
importante. N’oublions pas que le commerce de la Reconstruction a été dimensionné pour des habitants prévus dans ce parc,
et on a montré, concernant Caen, que le centre-ville reconstruit est passé de 30 000 habitants à 17 000 aujourd’hui.
Fatalement, il y a moins de chalands, donc moins de commerçants qui ont été effectivement remplacés par un commerce que
l’on va qualifier à l’échelle d’agglomération, voire métropolitaine. Effectivement, la question de ce commerce se pose, très
directement liée au dépeuplement de ces quartiers.
Après cet éclairage historique qui me paraissait tout de même utile et nécessaire, désormais, quand on a quelque chose qui fait
patrimoine, il faut détecter et parvenir à repérer ce qui est le plus intéressant. C’est le rôle de ces questions à la fois d’inventaire
et de labellisation que nous allons examiner dans un premier temps avec Stéphanie LE LU qui dispose d’un master de
recherches en histoire et critique des arts et qui a œuvré en Bretagne dans un premier temps pour la région Bretagne et plus
spécifiquement tout à fait à l’Ouest sur la presqu’île de Crozon. Vous avez fait l’inventaire du patrimoine qui a donné lieu à un
ouvrage que vous avez publié il y a quelques années. Vous êtes depuis 2014 à Saint-Nazaire chargée d’études inventaire du
patrimoine bâti pour la ville.
Stéphanie LE LU
Depuis un an et demi maintenant, la ville de Saint-Nazaire a entrepris l’inventaire de son patrimoine bâti, et avant de voir quels
éléments architecturaux peuvent faire patrimoine, il convient d’abord de comprendre ce qu’est une opération d’inventaire, dans
un premier point. Dans un second point, nous nous intéresserons au patrimoine XXe et en particulier aux caractéristiques du
patrimoine bâti de la Reconstruction. Nous terminerons en abordant les difficultés de la préservation de ce patrimoine.
Diapositives 1 et 2. Ce qu'il faut savoir en premier lieu, c'est que cette opération d'inventaire est le résultat d'un partenariat
entre la région des Pays-de-la-Loire et la ville de Saint-Nazaire. À l'origine, l'inventaire général était une mission nationale qui
est née en 1964 sous le mandat d'André MALRAUX et qui est devenue, suite à la loi de décentralisation, une compétence des
régions. Aujourd’hui, chaque région de France dispose de services de l’inventaire qui travaillent à peu près de la même
manière, en tout cas respectent une méthodologie et des normes nationales. Ils ont également pour objectif de recenser,
étudier et faire connaître les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique et scientifique. Concrètement,
le partenariat avec la région se traduit par un encadrement scientifique, puisque la région veille au bon respect de la
méthodologie et des normes nationales et assure également un encadrement technique. Elle met à disposition des personnes
aux compétences pluridisciplinaires telles que des photographes, des administrateurs de bases de données, des topographes.
Diapositive 3. Le territoire concerné par cette opération d’inventaire est donc la commune et sont pris en considération tous les
édifices construits. Cela va de la préhistoire, en passant par le patrimoine archéologique, militaire, scolaire, ferroviaire, jusqu’à
l’habitat, tout ce qui a été construit entre la préhistoire et 1 984. Pourquoi cette date ? Parce que l’inventaire général, cette
grande instance qui contrôle les différents services de l’inventaire, préconise de faire l’inventaire du patrimoine d’un territoire de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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l’année en cours moins 30 ans. Ces trente années qui correspondent à peu près au temps d’une génération, sont un temps de
recul nécessaire à la prise en compte du patrimoine. Ce travail d’inventaire à Saint-Nazaire doit se dérouler en quatre ans, avec
une première phase qui consiste notamment à faire un recensement-diagnostic. Je n’ai pas le temps ici de m’étendre sur la
totalité des missions, mais il s’agit en fait de recenser les éléments bâtis qui présentent un intérêt historique et/ou architectural.
À l'issue de cette année, puisque je suis dans la première phase actuellement, un certain nombre d'édifices et de thématiques
de recherche vont émerger et ces éléments feront l'objet d'une étude approfondie dans la phase 2 qui doit se dérouler jusqu'en
2018. Par « étude approfondie », on entend recherche en archives, collecte de témoignages, réalisation de relevés, couverture
photographique. Une fois tout ce travail terminé, il est remis à la ville qui transmet les résultats aux acteurs locaux, ainsi qu’à la
région qui met à disposition tout ce travail sur son site internet dont l’adresse s’affiche, pour que chacun puisse avoir accès à
ces données.
Diapositive 4. Je vous ai dit que nous retenions les édifices pour leur intérêt historique et/ou architectural, mais aussi pour leur
représentativité – est-il représentatif d’une période, d’une typologie, du travail d’un architecte ? Nous retenons aussi un édifice
parce qu’il est rare, et à chaque fois, il est replacé à l’échelle de la rue, du quartier, de la commune, voire plus. C’est là où notre
approche qui se veut globale, puisque nous ne nous arrêtons pas à une chronologie ni un quartier, est complémentaire
finalement du travail de recherche effectué notamment par la DRAC et par Philippe GROS dans le cadre de la labellisation
Patrimoine XXe.
Diapositive 5. Nous constatons à Saint-Nazaire, et c’est assez logique au regard de l’histoire de cette ville qui a connu un
extraordinaire développement au milieu du XIXe siècle, que nous avons un bâti majoritairement XXe. Second constat, c’est que
plus que des édifices exceptionnels, il faut le reconnaître, nous avons surtout une homogénéité de détails dispersés qui font
justement patrimoine. Nous allons nous intéresser maintenant à ces détails et aux caractéristiques du patrimoine bâti de la
Reconstruction.
Diapositives 6 et 7. Que constatons-nous à Saint-Nazaire ? D'abord que nous avons des édifices avec des plans simples, des
volumes simples, pas très hauts, l'habitat individuel dépasse rarement trois niveaux, l'habitat collectif, rarement cinq, et dans le
centre-ville, nous avons de nombreux immeubles (diapositive suivante) comme celui-ci, qui ne comptent que deux, trois ou
quatre logements et qui s'apparentent vraiment à des maisons individuelles. Quelquefois, quand je fais du terrain, j’ai beaucoup
de difficultés à savoir si je suis face à une maison ou à un petit collectif. C'est le nombre de boîtes aux lettres qui me permet de
me renseigner sur le nombre de logements. C’est une vraie particularité du centre-ville.
Diapositive 8. Vous voyez ici une photo du building qui, avec ses 12 niveaux, fait figure d’exception. Nous n’avons pas
d’équivalent aussi haut dans le centre-ville.
Diapositive 9. Également à Saint-Nazaire, la plupart de nos édifices sont couverts d'une toiture à deux versants et en ardoises,
à l'instar de ces maisons ici. Ce sont les premières maisons d'État qui datent de 1 948, qui se situent rue Henri Barbusse.
Diapositive 10. Plus on avance dans les années 50, plus on trouve tout de même des édifices couverts d’un toit à un seul
versant. Par contre, les édifices (diapositive suivante) avec les toits-terrasses sont assez rares, majoritairement réservés aux
édifices publics, tels les Bains-douches ou encore l'hôtel de ville.
Diapositive 11. Avec la Reconstruction, nous voyons une affirmation des lignes verticales, horizontales, les fenêtres sont à
quatre vantaux, en bandeaux soulignés par des appuis communs, des corniches saillantes.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Diapositive 12. Les encadrements des ouvertures sont saillants, les éléments porteurs sont mis en évidence et tous ces
éléments concourent à dynamiser les façades.
Diapositive 13. On constate aussi que l’on a, d’une manière assez générale, des jeux sur les pleins et les vides, avec des
balcons traités dans œuvre, à l’instar de ce petit collectif. Quand on regarde rapidement, on a l'impression que l'on est face à
deux maisons jumelles, alors qu'en fait, il s'agit d'un petit collectif avec ces balcons traités dans œuvre. À l'inverse, on a des
balcons traités en porte à faux, ici, avec des balcons biseautés. Là aussi, tous ces éléments permettent de dynamiser les
façades.
Diapositive 14. On constate également que les soubassements, les rez-de-chaussée des maisons sont souvent traités en
pierre, et parfois, des immeubles le sont entièrement comme celui-ci qui se situe avenue du Général de Gaulle, avec un jeu sur
le traitement des angles. Les matériaux en façade sont assez divers, tels qu’ici ces parements de gravillons lavés. Par contre,
le carrelage, malgré tous les avantages qu’il présente en évitant des ravalements réguliers, est très peu présent finalement à
Saint-Nazaire. On trouve aussi l’utilisation de la brique par touches. Tous ces éléments, là aussi, créent une certaine animation
et permettent de pallier l’absence de décors.
Diapositive 15. Au regard des éléments que je viens de vous montrer, on peut se demander si finalement, ces formes du bâti
apparaissent avec la Reconstruction ou si elles s’inscrivent dans une continuité de ce que l’on pouvait avoir à Saint-Nazaire à la
veille de la Seconde Guerre mondiale. Les fonds d’architectes s’avèrent être de précieuses sources d’informations et
permettent d’apporter quelques éléments de réponse. Je vais vous montrer différents plans, différentes élévations. Il s’agit de
travaux réalisés par l’architecte local Louis BAIZEAU qui a œuvré avant et après-guerre, et les plans que je vais vous montrer
datent des années 30.
Diapositive 16. Celui-ci date précisément de 1 936 et, finalement, on voit que l'on est assez proche de ce que l'on a pendant la
Reconstruction, malgré quelques indices qui nous permettent de voir que l'on est dans les années 30, avec notamment la petite
ferronnerie de la porte d'entrée et le traitement des ouvertures de la porte de garage. On est toutefois très proche de ce que
l’on a, et c’est encore plus visible avec ce plan à côté qui date de 1 939 où l’on retrouve tous les éléments que je viens de vous
lister, à savoir un rez-de-chaussée en pierre, des fenêtres à quatre vantaux, en bandeaux soulignés par des appuis, des
corniches, etc. C’est ce que nous avons dans les années 50.
Diapositive 17. Si l’on regarde le plan et l’élévation suivante, nous sommes en 1939 et l’on retrouve exactement les mêmes
caractéristiques, avec à côté la photographie de cette maison qui se situe rue Vivant Lacour, entre la mairie et le parc
paysager. Tout cela pour dire que finalement, l’idée de rupture que l’on entend très souvent avec la Reconstruction est à
nuancer. La guerre n’a fait que mettre en suspens, ralentir les projets des architectes. Peut-être que des innovations
apparaissent – ce sera à confirmer quand je serai vraiment en phase de recherche – avec l’utilisation des matériaux et la
manière de construire, avec notamment l’utilisation d’éléments préfabriqués. Voilà pour cette partie.
Diapositives 18 et 19. La modernité à Saint-Nazaire se traduit de différentes manières. Le geste architectural le plus fort est
sans conteste la soucoupe – je ne vais pas en dire plus parce que je pense que Philippe GROS abordera le sujet. Ailleurs, la
modernité s’exprime dans le centre-ville (diapositive suivante) par petites touches ou au travers de certains édifices, tels que
celui-ci qui se situe rue du Maine, et qui est l’œuvre de l’architecte JOLIVEL. Nous sommes au début des années 50. Là aussi,
on retrouve les éléments que j’ai évoqués plus haut, le toit-terrasse, le jeu sur les matériaux, les encadrements saillants, les
éléments préfabriqués pour le traitement des cadres des ouvertures.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Je tenais aussi à vous montrer un autre édifice que je trouve très intéressant. Il s’agit de l’immeuble qui abrite la Société
Générale, qui se situe le long de l’avenue du Général de Gaulle, face à l’hôtel de ville. Nous sommes là face à un édifice assez
classique.
Diapositives 20 et 21. Vous avez ici une vue du rez-de-chaussée où une partie aveugle est cachée par des poutres en béton
armé. En fait, quand on entre dans l'édifice, on a la surprise de découvrir un hall coiffé de cette très belle coupole en pavés de
verre. Ce qui est très intéressant avec cet édifice, c’est que finalement, la modernité est cachée. On ne distingue pas du tout
cette coupole, que ce soit depuis la rue, en façade antérieure ou postérieure. Cet édifice reflète assez bien ce que l'on a à
Saint-Nazaire, c'est-à-dire un certain compromis entre une architecture classique et des éléments modernes.
Ce regain d’intérêt pour ce patrimoine fait son chemin petit à petit, mais la route est encore longue, au regard notamment des
nombreuses menaces qu’il subit quotidiennement.
Diapositive 22. Pour preuve ici, l’isolation thermique par l’extérieur. On comprend très bien ce que cela peut avoir comme
conséquences sur un édifice individuel, mais dans un lotissement avec une écriture architecturale telle que celui-ci, cela pose
problème. En plus, on va à l’encontre de ce qu’a voulu l’architecte à l’origine qui, en fait, a voulu rendre floues les limites de
propriété. Quand on est dans ce lotissement, on ne sait pas exactement ce que représente la maison, puisque l’on a des jeux
sur les différents niveaux des fenêtres, etc. En mettant ce bardage sur cette maison, on va à l’encontre du projet initial. De plus,
c’est un lotissement qui se distingue des autres puisqu’il existe une réelle homogénéité, tout est pensé, jusqu’à la clôture. Je ne
vais pas m’étendre plus sur l’isolation thermique par l’extérieur.
Diapositive 23. Également, il faut être vigilant concernant les rez-de-chaussée de ces fameux immeubles à commerces,
puisque quelquefois, on est dans des traitements très disparates qui nuisent justement à la lecture du bâtiment lui-même, ainsi
qu'aux perspectives urbaines, ces immeubles mettant en scène les avenues du centre-ville.
Diapositive 24. Il faut être vigilant sur ces détails qui sont très importants, et ne pas les négliger. À Saint-Nazaire, nous avons
de très belles portes, avec un exemple ici d'une porte très caractéristique du centre-ville, avec des bois de qualité.
Malheureusement, cette porte, l’après-midi même, n’existait plus, puisque nous sommes face à deux immeubles jumeaux qui
étaient en pleine restauration. Nous avons la même porte à côté, en PVC. Nous avons de très belles portes dans le centre-ville,
avec un travail sur les ferronneries, les poignées.
Diapositive 25. Les pavés de verre sont également très présents, qui servent à éclairer les halls et les cages d’escalier.
Diapositive 26. Tous ces détails, les garde-corps en font partie, les menuiseries, le dessin des menuiseries également. Tous
ces éléments sont très importants et c’est comme pour tout, ce sont les détails qui font la différence, il faut donc être vigilant.
Diapositive 27. Pour conclure, je dirais qu’en fait, il est très important de sensibiliser la population et cela passe justement par la
valorisation de cette démarche auprès d’elle, et ce antérieurement ou simultanément à la mise en place de protections
architecturales afin qu’elles soient acceptées et a minima, justifiées. Merci.
Patrice DUNY
Nous avons senti au cours de ces deux jours que certaines choses sont en train d’apparaître, telle l’importance du détail dans
la Reconstruction. Cela a été dit, il y a une précision extrêmement intéressante que l’on ne voit pas forcément au premier
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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regard, mais quand on prend le temps de s’y intéresser, on découvre partout que chaque bâtiment a quelque chose qui lui est
propre, et c’est vraiment là la richesse de la Reconstruction.
Philippe GROS, vous êtes en charge du label Patrimoine du XXe siècle à la DRAC Pays de la Loire, après avoir été pendant
une dizaine d’années adjoint au conservatoire régional des monuments historiques. Vous êtes sur ce sujet depuis quelques
années maintenant, et à vous entendre – nous avons échangé au téléphone – vous êtes un vrai passionné d’architecture, et je
pense que cela va se sentir. Je vous donne la parole.
Philippe GROS
Avant d’évoquer devant vous le dispositif particulier du label Patrimoine du XXe siècle mis en place par le ministère de la
culture en 1999, il est nécessaire de situer l’état des lieux de la protection du patrimoine de cette période, dont la notion s’est
beaucoup étendue. La double extension chronologique et typologique du champ des protections a pour conséquence de
permettre l’émergence d’un patrimoine ayant appartenu aux époques et aux milieux les plus divers. « Dans cette perspective »
écrit François LOYER, « un pavillon de banlieue, une ancienne usine ou un blockhaus de la ligne Todt, sont aussi significatifs
qu’une cathédrale gothique ou un château classique ». Il faut y ajouter l’élargissement de la notion de patrimoine aux sites
urbains et aux quartiers anciens.
Quelques chiffres en ce qui concerne les édifices du XXe siècle protégés au titre des Monuments Historiques, et pour les
illustrer, trois exemples d'architecture particulièrement emblématique. Diapositive 1. Il faut attendre la fin des années 50 pour
que la valeur artistique des premières œuvres architecturales du XXe siècle soit reconnue avec le théâtre des Champs-Élysées
d'Auguste PERRET, bas-relief de BOURDELLE, construit, en 1913, et classé en 1957. Il s’agit de la première œuvre moderne
protégée pour l’intérêt de son architecture et la notoriété de ses auteurs. Pour mémoire, le ministère de la culture est créé en
1959. La cité radieuse de Marseille, construite entre 1947 et 1952, inscrite en 1964 du vivant de LE CORBUSIER qui décèdera
le 27 août 1965. Et puis, la plus emblématique, la villa Savoye à Poissy, construite entre 1928 et 1931, menacée d’être détruite
en 1958 et classée monument historique en décembre 1965. Bien sûr, c’est une architecture manifeste, une icône du
mouvement moderne, puis du style international. C’est l’implication d’André MALRAUX pour sauver cette villa, plus le risque de
dénaturation qui menaçait le site de Ronchamp, qui va relancer le mécanisme de la protection avec la fameuse liste MALRAUX
engagée en 1962 et concrétisée en 1963 par un groupe de travail.
À la fin de la période MALRAUX, en 1969, il y avait environ 50 bâtiments protégés. Ensuite, il y a la liste de Michel GUY, 19741975, englobant le XIXe et le XXe siècles et qui succède à la liste MALRAUX. En 1979, il y avait 200 édifices protégés. En
1998, il y en avait environ 1 000. Il y en a aujourd’hui 1 746.
Diapositive 2. En 1982, le fameux rapport de Max QUERRIEN, directeur de l’architecture entre 1963 et 1968, intitulé « pour une
nouvelle politique du patrimoine », a profondément renouvelé la politique du ministère de la culture en la fondant sur l’analyse
sociale des mentalités et des études typo-morphologiques. Désormais ce nouveau patrimoine – boutiques, cafés, patrimoine
ferroviaire, industriel, hôpitaux, piscines – coexistera avec églises et châteaux. Ainsi, vous avez là la rotonde ferroviaire de
Chambéry (1906-1910) inscrite en 1984, la brasserie la Cigale place Graslin à Nantes, de 1894, décor intérieur classé sur la
liste de 1964, la piscine Molitor à Paris (1929) inscrite en 1990, et la très connue filature Motte-Bossut de Roubaix (1865)
inscrite en 1978 et devenue le centre des archives nationales du monde du travail.
En termes d’époque d’origine, les temps modernes, c’est-à-dire le XVIe et le XVIIIe siècles prédominent nettement – 45 % des
immeubles – suivi du moyen-âge – 33 % – de l’époque contemporaine, c’est-à-dire de la Révolution française à aujourd’hui –
17 % – et de la préhistoire et de l’Antiquité – 5 %. Il faut savoir que le XXe siècle représente à peu près 4% de cet ensemble.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Les 1 700 édifices protégés à ce jour représentent une part infime de la protection architecturale du XXe siècle et une fraction
encore faible du parc des protections au titre des Monuments Historiques, ceci malgré une multiplication par cinq des
protections au cours des deux dernières décennies. Enfin, sur ces 4 %, 40 % concernent des réalisations antérieures à 1914 et
moins de 10 % portent sur des constructions postérieures à 1945.
Diapositive 3. En région des Pays-de-la-Loire, un peu plus de 2 000 édifices sont protégés au titre des Monuments Historiques
et seulement une petite vingtaine appartient au XXe siècle, dont 1 % environ, avec bien entendu la maison radieuse de Rezé
(1953--1955) inscrite le 16 septembre 1965, façade et toiture, et partiellement classée en 2001.
Il y a là un déséquilibre des protections sur lequel François BARRE lui-même, ancien directeur de l'architecture et du patrimoine
au ministère de la culture, avait trouvé nécessaire de s'interroger en lançant notamment, en 1997, une réflexion à partir du bilan
des protections présenté dans la publication « 1 000 monuments du XXe siècle ».
Diapositive 4. Cette réflexion a conduit le ministère de la culture et de la communication, direction de l'architecture et du
patrimoine, à mener depuis 1999 un programme d'action concernant le patrimoine du XXe siècle. Une des actions prioritaires a
consisté à créer un label « Patrimoine 20ème » permettant de distinguer les réalisations majeures ou significatives de ce siècle,
indépendamment des protections juridiques existantes, classements ou inscriptions au titre des Monuments Historiques. Ce
nouveau dispositif s’inscrit ainsi dans une politique générale alliant mémoire, pédagogie et histoire de l’architecture. Cet outil
simple et didactique doit favoriser l’attention au patrimoine en évitant la lourdeur et les contraintes que peut parfois entraîner la
protection au titre des Monuments Historiques. Une première circulaire est signée par Catherine TRAUTMANN, ministre de la
culture et de la communication. Elle institue le label « Patrimoine du XXe siècle » en 1999. Le cadre réglementaire est fixé par
la circulaire du 1er mars 2001 qui exclut toute incidence juridique et financière de la mesure.
Diapositive 5. Cette politique doit nous aider à digérer ce XXe siècle qui est encore trop proche, car la densité de constructions
y est sans commune mesure avec celle des époques précédentes. Ce siècle aura été le siècle le plus constructeur, mais aussi
le plus destructeur de l’histoire de l’humanité, avec notamment deux guerres mondiales. Conformément à la circulaire de 2001
et sous l’impulsion des directions régionales des affaires culturelles, des groupes de travail se sont constitués dans toutes les
régions. Chacun dresse une liste indicative d'immeubles susceptibles de bénéficier du label patrimoine du XXe siècle. Les
édifices ou ensembles qui sont retenus par ce groupe de travail sont ensuite présentés devant la commission régionale du
patrimoine et des sites avant validation par le préfet de région. Il est important de préciser que la labellisation n’est effective
qu’avec l’accord des propriétaires concernés. Celui-ci obtenu, des actions de communication, de diffusion et d’information
peuvent être mises en œuvre.
Diapositive 6. Cette opération se concrétise notamment par l’apposition d’une plaque signalétique sur la façade de l’édifice
labellisé, indiquant son appellation, l’année de construction et le nom de l’architecte. Vous voyez ici la plaque de l’hôtel de ville
de Saint-Nazaire. Aujourd’hui, au niveau national, les bâtiments et ensembles d’édifices labellisés Patrimoine du XXe siècle
sont environ 600, toutes typologies confondues. En région des Pays-de-la-Loire, il y a aujourd'hui 49 édifices labellisés
Patrimoine du XXe siècle, dont trois protégés au titre des Monuments Historiques.
Face au risque de l’inflation patrimoniale, pour reprendre l’expression de Françoise CHOAY, il faut poser la question des
critères de sélection. La circulaire de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la
communication du 1er mars 2001 précise que l'établissement des critères de sélection, qui ne peuvent être fixés de manière
systématique, peuvent s'appuyer sur les recommandations du conseil de l'Europe relatives à la protection du patrimoine
architectural du XXe siècle (recommandation n° R-91-13 adoptée par le comité des ministres en septembre 1991). Le groupe
de travail s’appuie sur cette recommandation et utilise sept critères. Premier critère : évaluation technique et apport du point de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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vue de l’histoire des techniques. Deuxième critère : évaluation du point de vue des évolutions politiques, économiques et
sociales. Troisième critère : évaluation culturelle et esthétique. Quatrième critère : valeur historique et de référence. Cinquième
critère : évaluation au regard de la production de l’architecte, du cabinet d’architecture ou du concepteur. Sixième critère :
évaluation de la représentativité et état comparatif, ceci dans le cadre de productions en série notamment. Enfin, dernier
critère : valeur d’usage. Ces critères sont systématiquement repris lors de l’élaboration des fiches documentaires et permettent
au groupe de travail d’apprécier la qualité d’un édifice et de se prononcer sur l’opportunité de le présenter devant la CRPS.
Diapositive 7. Ville de la Reconstruction, Saint-Nazaire compte sept édifices labellisés. S’ils présentent des intérêts croisés et
satisfont plusieurs critères, tous ont un point fort avec un critère déterminant. En ce qui concerne l’évaluation technique et
l’apport du point de vue de l’histoire des techniques, nous en avons parlé plus tôt, la salle Léo Lagrange, dite « la soucoupe »,
réalisée en 1965 par les architectes Louis LONGUET, René RIVIERE et Roger VISSUZAINE, avec un édifice qui tire parti d’un
matériau, le béton armé, et l’emploi de coques en béton qui permet de sortir du couple structure et remplissage dans lesquels
les formes traditionnelles du béton s’étaient jusque-là cantonnées. Évaluation du point de vue des évolutions politiques,
économiques et sociales, étroitement liées à la Reconstruction, le château d'eau du Moulin du Pré de 1949.
Diapositive 8. Les halles, de 1958, de l’architecte Claude DOMMEE, et l’hôtel de ville de ROUX-SPITZ, achevé en 1959, dont
nous avons parlé tout à l’heure.
Troisième critère : évaluation culturelle et statique, courants architecturaux. Diapositive 9. Avec les églises de la
Reconstruction, l’église Saint-Gohard, en haut à gauche, 1955, architectes : André GUILLOU et Georges GANUCHAUD. Église
Sainte-Anne, 1957, architecte : Henri DEMUR. Ces églises révèlent les transformations en cours dans la société d’après-guerre
et la période précédant Vatican II. La traduction architecturale de l’évolution liturgique pose aussi la question de leur place dans
l’espace urbain. La valeur historique est de référence. Également, l’ancienne base de sous-marins de Saint-Nazaire et son
écluse fortifiée, inaugurées le 31 juin 1941 en présence de l’Amiral DONITZ et du docteur TODT.
Pour mémoire, il faut savoir que les vestiges de la guerre figurent parmi les premiers édifices à avoir bénéficié de l’application
de la loi du 31 décembre 1913. Ainsi, dès 1920, la plateforme de tir d’artillerie située à Zillisheim dans le Haut-Rhin pointée vers
Belfort pendant les combats est classée, devenant le premier monument historique du siècle tout de même bien marqué par la
violence de ses deux guerres.
Cinquième critère : évaluation au regard de l’architecte, du cabinet d’architecture et/ou du concepteur. Diapositive 10. Bien sûr,
nous avons vu l’architecte Michel ROUX-SPITZ qui occupe une place centrale dans le débat architectural français entre 1925 et
1950 pour l’hôtel de ville. On peut également citer pour l’église Sainte-Anne l’ingénieur Bernard LAFAILLE, également associé
aux architectes Guillaume CHILLE et Marc HEBRARD pour la réalisation de Notre Dame de Royan, du couvent des
Dominicains de Lille de Pierre PINSARD (1955-1965), de l’une des habitations de Rezé, la soucoupe de Saint-Nazaire, etc. Il
est important pour le XXe siècle de citer les ingénieurs qui jouent un rôle très important, parfois tout autant que l'architecte.
Diapositive 11. À Saint-Brévin, en 1960, c'est André WOGENSCKY qui construit en trois mois une villa balnéaire radicale en
béton armé pour un jeune couple d'entrepreneurs du Choletais.
Diapositive 12. Je parlais des productions en série tout à l’heure, de l’évaluation de la représentativité et l’état comparatif. Cela
s’impose particulièrement, notamment lorsque l’on travaille sur le mur de l’Atlantique, lorsque l’on doit considérer une
production standardisée, répétitive comme ces blockhaus. Ici, à Préfailles, la pointe Saint-Gildas, un blockhaus H671 qui était
assez répandu, construit selon le Regelbau allemand, puisqu’environ 484 exemplaires ont été construits en tout sur le mur de
l’Atlantique.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Enfin, la valeur d’usage sur laquelle je ne vais pas m’étendre.
Quelques mots sur la labellisation d’ensembles. Diapositives 13 et 14. Trois exemples. À Nantes, la cité du Grand-Clos liée à la
Reconstruction, 159 maisons édifiées en 1957 par Michel ROUX-SPITZ. Diapositive suivante. La cité des Hauts-Pavés de 1952
à Nantes. Architecte, Michel ROUX-SPITZ également, la première opération ISAI de Nantes – immeuble sans affectation
immédiate ou individuelle – proposée aux sinistrés en échange de leurs dommages de guerre.
Diapositive 15. Retour sur le mur de l’Atlantique avec la prise d’un ensemble, la batterie de la pointe Saint-Gildas à Préfailles de
1942 qui prend en compte un blockhaus H671, comme celui que nous avons vu tout à l’heure, un socle radar à droite, un poste
de direction de tir en bas à gauche, et un blockhaus passif en bas à droite. Porteur d'une forte charge mémorielle, le mur de
l'Atlantique, ce patrimoine du XXe siècle, est progressivement entré dans l'Histoire. Alors que la mémoire installe le souvenir
dans le sacré, l’Histoire, procédure de vérité et discours critique, l’en débusque. Alors que la mémoire se pose délibérément en
un absolu, l’Histoire se situe dans le relatif et change le regard que l’on porte sur ses vestiges. Ce qui fait que, désormais, ce
type de patrimoine est pris en compte et peut être labellisé Patrimoine du XXe siècle.
François BOYER explique parfaitement cela en disant que « le patrimoine n’appartient pas à l’époque qui l’a construit, mais à
celle qui l’a identifié ». Rien ne permet d'affirmer que nous retiendrons aujourd'hui du XXe siècle, ce qu'il aura de plus significatif
demain. Participer à ce travail d'identification est certainement l'objectif majeur du label patrimoine du XXe siècle et ce travail est
loin d'être achevé. Je vous remercie.
Questions
Alain BOURDON, mission patrimoine ville de Dunkerque
Comment ce label dont on a eu ouï-dire dans une mission – qui pour ce qui nous concerne en est à ses débuts – qu’il n’était
plus très utile ou plus très bien ressenti, comment est-il vécu de façon pratique par rapport à l’expérience que vous vivez de
mise en œuvre ici sur ce territoire, par les habitants eux-mêmes ? Et au sens plus large, par les partenaires ?
Philippe GROS
Nous avons toutes les sortes de réactions possibles. Ce label est donné avec l’accord des propriétaires, c’est fondamental.
Bien souvent, c’est avec grand plaisir qu’il est reçu, particulièrement lorsque les collectivités locales veulent mettre en avant un
monument qui jusque-là passait inaperçu. Finalement, ce label Patrimoine du XXe siècle est une éducation de regard, c’est
exactement ce à quoi procède Madame LE LU. Il est très important de changer de regard sur un patrimoine qui peut être
considéré comme ordinaire par trop de quotidienneté. Nous avons là un XXe siècle qui a énormément construit, et il s’agit de
commencer à faire le tri sur ce qu’il a de plus significatif. Ce ne sont pas nécessairement des monuments remarquables en tant
que tels, mais cela peut être, comme nous l’avons vu tout à l’heure, des petits édifices, des maisons individuelles, des édifices
beaucoup plus modestes mais très significatifs d’une époque. Le label est très bien reçu lorsqu’il est accordé et nous nous en
rendons compte lors de la pose de la plaque qui fait souvent l’objet d’une manifestation publique.
Sabine NARBONNE-LUXEY, direction du patrimoine immobilier de Saint-Nazaire
Bonjour. Je voulais savoir quelle protection permet ce label Patrimoine du XXe siècle, ou s’il n’est qu’une reconnaissance qui
ne permet pas d’imposer un traitement particulier en cas de rénovation ou d’intervention forte sur ces bâtiments.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Philippe GROS
Jusqu’à maintenant, il n’y a aucune servitude administrative, juridique, ni la possibilité d’avoir des subventions concernant ce
patrimoine. Sa meilleure protection, c’est sa reconnaissance. À partir du moment où il est connu, où une plaque a été posée
éventuellement, la presse en a parlé, où une manifestation publique a eu lieu, où le propriétaire a donné son accord, on
imagine mal, même si cela se produit, qu'il lui arrive des misères par la suite. Cependant, les choses sont en train d’évoluer,
parce que dans la prochaine loi patrimoine, il est question de renforcer le rôle du label – éventuellement, si cette proposition
passe, ce qui n’est pas encore fait – en imposant la nécessité d’informer le ministère de la culture de l’éventualité de travaux.
Mais cela n’ira pas beaucoup plus loin.
Patrice DUNY
Deux questions. La première : cela porte-t-il sur la totalité du bâtiment, intérieur comme extérieur, ou le propriétaire est-il libre
de faire un certain nombre de choses à l’intérieur ? Par ailleurs, j’ai un peu oublié mes cours de code de l’urbanisme, mais il me
semble que le PLU peut, une fois que l’on a la labellisation, protéger des bâtiments au titre du PLU.
Philippe GROS
Oui, c’est tout à fait possible, bien sûr. Tout dépend du bâtiment labellisé. Vous parlez d’intérieur-extérieur. Bien entendu, c’est
souvent l’enveloppe qui est la plus significative, mais je pense également au patrimoine religieux, avec des églises qui
présentent un espace intérieur très significatif, très important, qui reflète l’organisation liturgique. Bien entendu, à ce moment-là,
le label prend en compte ces espaces intérieurs de manière très importante. Vous l’avez vu, on peut prendre également en
compte un ensemble, même si c’est parfois assez compliqué de prendre tout un quartier, tout un ensemble d’immeubles, il faut
trouver un interlocuteur, et nous n’avons pas toujours la chance de trouver un syndicat de propriétaires ou une association
susceptible de porter la parole des habitants.
Katell CHOMARD, responsable du service planification urbaine, Lorient Agglomération
Nous avons mené avec mes collègues Frédérique DANO et Patrick BELSER, un travail important d’inventaire en vue de
monter une OAP thématique sur le patrimoine, en utilisant les outils de planification qui sont à notre disposition. Je vais les citer
parce que je suis fière de l’avoir retenu, le S123.1.5.7 qui s’est transformé – ce n’est plus tout à fait le même – et l’article 11.
Nous essayons de combiner tout cela pour finalement monter le document sous forme d’OAP qui puisse rassembler toutes les
mesures de prescriptions ou recommandations. C’est un peu expérimental, parce qu’il n’existe pas beaucoup d’OAP
thématiques de la sorte. Dès lors, je voulais poser la question à Madame LE LU qui fait un travail très important de
recensement à Saint-Nazaire du débouché opérationnel dans le document de planification, parce que c’est ce qui nous
intéresse à Lorient aujourd’hui. En effet, nous nous en rendons compte par rapport à tout ce que vous avez cité, tous ces
détails qui disparaissent, ce travail. La question que nous nous posons aujourd’hui est de savoir où placer le curseur par
rapport à la recommandation ou la prescription, sachant que nous n’avons pas de démarche d’AVAP en cours.
Stéphanie LE LU
Notre travail est également un peu expérimental, puisque jusqu’à présent, l’inventaire s’arrêtait à 1945 et n’allait pas jusqu’aux
années 80, ce que nous faisons désormais. Nous avons également mis en place des outils assez nouveaux, justement pour
faire ce recensement. Une fois que tout ce travail sera fait, il sera remis aux acteurs locaux qui se chargeront de poser les
prescriptions. Je donne la matière, je mets en lumière les éléments qui, au regard de l’inventaire, présentent un intérêt, et
ensuite ce sont les services de l’urbanisme qui interviennent.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Katell CHOMARD
Dès lors, ont-ils vocation à être traduits dans le PLU ?
Stéphanie LE LU
Tout à fait.
Patrice DUNY
Je pense qu’il était utile de rappeler qu’à partir du moment où certaines choses ont été identifiées, les collectivités ont d’ores et
déjà des outils pour les protéger, les mettre en valeur, et éventuellement avoir des politiques de communication dessus.
Cependant, ce travail préalable d’identification est indispensable. À défaut, nous sommes un peu démunis.
Stéphanie LE LU
L’identification est la première pierre.
Thomas BOUREAU, agence urbanisme de Caen Normandie Métropole
Outre la sensibilisation et la reconnaissance d'un patrimoine du XXe siècle, les collectivités se saisissent-elles de ce label pour
une valorisation touristique ? Peut-être que Monsieur GOURBIN en tant que guide-conférencier peut avoir une idée. Pour les
demandes qui sont faites à l’office du tourisme, la visite du patrimoine de Reconstruction est-elle importante, ou cela passe-t-il
très largement après l’abbaye et le château ?
Patrice GOURBIN
En effet, cela passe très largement après. Malgré tout, il y a cependant des demandes régulières, locales souvent. À ce jour,
personne ne vient de loin pour voir la Reconstruction qui n'a pas de notoriété. Madame LE CIEUX nous dira cependant à quel
point, parce que le patrimoine, c’est plusieurs dimensions. Si l’on se place au niveau touristique, c’est-à-dire amener des
personnes de loin, cela se construit, il faut des équipements, des publications, etc. Il ne suffit pas d’avoir une abbaye pour que
les gens viennent. Même pour les abbayes, cela se construit, et cela peut donc se construire avec des outils. Le label XXe
siècle n'est pas très connu, mais le classement Monuments Historiques, si. J’ai fait des visites de la Guérinière, un grand
ensemble de la périphérie de Caen dans lequel il y a deux monuments classés, un château d’eau et une église. En arrivant
devant, il y a une vraie reconnaissance, les gens y sont assez sensibles. On ne peut pas dire qu’ils viennent pour cela, mais
cela participe de la notoriété globale.
Philippe GROS
Je voulais simplement ajouter, par rapport à ce qui vient d'être dit, que les églises du XXe siècle peuvent présenter un véritable
intérêt d'un point de vue touristique. Quand on explique l’histoire de leur réalisation, leur fonctionnement, pourquoi ce type
d’architecture, je pense qu’il peut y avoir une sorte de circuit de visite de ce type de patrimoine. En Basse-Normandie, un beau
travail a été fait par Alain NAFILYAN sur ce sujet, et il est tout à fait possible d’envisager la même chose en Loire-Atlantique
notamment.
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Patrice GOURBIN
J’ajoute que le label XXe a servi à repérer des églises qui sont ensuite passées à l’inscription, puis au classement. Il y a trois
marches. Cela a aidé au processus d’un point de vue administratif et de reconnaissance.
Patrice DUNY
Si vous me permettez, je vais faire une transition, puisque pour qu’il y ait patrimoine, il faut qu’il y ait reconnaissance du
patrimoine en tant que tel, d’abord de la part des sachants et ensuite des habitants. Il n’y a pas de patrimoine si les gens ne
reconnaissent pas que c’est un patrimoine. Je me tourne vers Laurence LE CIEUX qui va être la première des trois villes à
présenter son expérience. J’ai souvenir que les Havrais qui m’en parlaient mettaient tous en exergue ce décalage entre le
regard extérieur de sachants sur la ville du Havre, trouvant la ville extraordinaire, et des habitants un peu partagés, voire
dubitatifs. Désormais, nous avons du recul, nous savons que les choses progressent. Nous allons donc commencer par vous,
après que j’ai rappelé que vous êtes conservatrice en chef du patrimoine, que vous avez fait une carrière dans les musées au
départ, et notamment à Dunkerque – nous sommes toujours dans les villes reconstruites. Depuis 2010, vous êtes en charge de
la valorisation du patrimoine au Havre, directrice du patrimoine culturel de la ville. C’est un gros morceau puisqu’il est question
non pas d’objets dans un musée, mais d’un grand ensemble urbain qu’il convient de valoriser. Nous changeons donc d’échelle,
nous changeons de sujet, et c’est quelque chose d’assez passionnant, m’avez-vous dit.
Laurence LE CIEUX
En préambule, je vais quand même rappeler que le travail effectué par Auguste PERRET et son équipe au Havre n’est pas
reconnu au patrimoine mondial pour les données architecturales elles-mêmes, pour l’esthétique, mais sur deux critères qui sont
le plan de la Reconstruction et la méthodologie mise en œuvre. En fait, cela permet à la ville d’avoir une grande liberté
d’approche par rapport à son architecture. Je pense que c’est une donnée assez fondamentale de la réflexion par rapport à ce
patrimoine.
Je passe tout l’historique, près de 20 ans de travail, mais vous avez vu la méthodologie mise en œuvre, puisque c’est la même
un peu partout, avec une base scientifique au départ et un travail à faire avec les habitants, ce qui est complètement essentiel,
pour arriver à des groupes de travail et parvenir à faire appréhender les données de la ZPPAUP, le regard nécessaire,
homogène, sur une qualité intrinsèque, etc.
Les retombées de l’inscription. Le centre du Havre reconstruit par Auguste PERRET a donc été inscrit sur la liste du patrimoine
mondial le 15 juillet 2005, cela fait donc dix ans. Le premier effet est la modification du regard sur la ville, et d’abord comme
vous le souligniez, du regard extérieur. Il y a eu une onde médiatique terrible, comme pour tous les biens qui passent à
l’inscription, qui a contribué à diffuser une image nouvelle de cette ville qui était qualifiée de stalinienne le plus souvent. Cela a
permis au plan local de surprendre les habitants, et petit à petit, un sentiment de fierté les a envahis parce qu'ils se sont rendu
compte qu'il y avait une approche de l'extérieur de plus en plus importante avec des déplacements de groupes de recherche,
beaucoup d'architectes au départ - une population initiée venait découvrir cette architecture. Aujourd'hui, on vit un
enrichissement du public, puisque les experts continuent à fréquenter cette ville et à travailler sur ce livre ouvert de
l'architecture du XXe siècle qu'est Le Havre, mais le public vient désormais beaucoup plus largement avec un propos un peu
plus généraliste. Le fait que le regard des habitants eux-mêmes ait un peu changé suite à cet avis d’inscription a aussi facilité le
travail des services sur la nécessité de maintenir la qualité de cet ensemble. Le dialogue a été facilité avec les habitants pour
faire passer ces termes de l’inscription.
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Dans le changement de regard sur la ville, nous avons vu affluer de nombreux cinéastes qui ont pris cette ville comme lieu de
tournage, qui tout d’un coup était révélée autrement. Je pense qu’il faut noter – c’est mon sentiment personnel – qu’il y a aussi
un fait – il y a eu l’inscription, tout le travail scientifique qui a été fait autour, le travail concret sur la voirie, les ravalements – et
on a lu partout, et c’est une réalité – je suis Havraise d’origine et j’ai quitté Le Havre au moment de mes études et je suis
revenue assez récemment – que c’était une ville que l’on pouvait percevoir comme grise. Je crois vraiment que les
phénomènes de pollution que nous avons eus dans les années d’après-guerre avec le chauffage au fioul, les industries, etc.,
avaient peut-être aussi noirci les façades. Le Have est vraiment maintenant perçue comme une ville de couleurs. De grandes
campagnes de ravalement ont été faites, et je pense que le regard des habitants eux-mêmes sur cette ville, c’est l’inscription,
mais également une vraie réalité. La physionomie de la ville, avec tout ce qui a été entrepris, a réellement changé.
Afflux de touristes très important - tous les quotas explosent - développement du pôle de croisière - le goût pour la croisière se
répand, mais le fait d'être patrimoine mondial ajoute beaucoup de choses. Nous recevons plus de 250 000 passagers par an,
120 navires de croisière, sachant que ce sont des mastodontes. Sur ces 250 000 passagers, à peu près 40 % restent dans la
ville avec un panier moyen qui augmente petit à petit. Nous avons commencé avec un panier assez ridicule et nous parvenons
désormais à avoir une dépense en ville assez conséquente. Les capacités hôtelières se sont grandement développées,
certains hôtels d’ailleurs prennent la problématique des années 50, offre supplémentaire pour les touristes qui veulent découvrir
cette ville.
Dans le domaine de la valorisation, le service d'art et d'histoire porte principalement la médiation autour de ce patrimoine, et il
faut également noter que l'offre porte sur le patrimoine de la Reconstruction, mais qu'au sein de celui-ci, certains éléments
dominent, comme l'appartement-témoin qui est complémentaire du bâti lui-même, qui donne à lire le mode de vie des années
50. Il s'agit de la reconstitution d'un appartement tel que l'on pouvait les voir dans les salons de l'habitat à cette période de
Reconstruction. Nous avons aussi le musée André Malraux qui attire des visiteurs, à la fois pour son architecture – ce musée
est absolument superbe – et par sa politique d’exposition tout à fait remarquable, vraiment complémentaire, et qui représente
un centre d’attractivité supplémentaire.
On remarque par exemple également que les personnes qui viennent en ville pour le musée Malraux n’y dorment pas, parfois
viennent uniquement pour l’exposition et repartent – nous travaillons beaucoup avec le bassin francilien – et que celles qui
viennent pour le patrimoine de la Reconstruction en général restent au moins deux jours, du fait d’une offre large – patrimoine
de la Reconstruction, bord de mer, etc.
La médiation passe par les données classiques de travail avec les experts, les universités, les lycées spécialisés, au travers de
conférences, d’ateliers, de participations à des tables rondes et colloques, etc. Tout cela est soutenu par d'autres actions. Nous
avons un support de communication qui est une revue culturelle semestrielle et qui donne à voir Le Havre, son patrimoine et sa
culture, au travers d’axes un petit peu différents. Le dernier numéro qui est celui du 10ème anniversaire est entièrement
consacré à la Reconstruction. Ce support d’informations est tout à fait important.
Un travail constant est fait avec les habitants. En 2014, nous avons parlé de la problématique de la résilience – dans toutes nos
villes reconstruites, ce phénomène du traumatisme se transmet de génération en génération – et nous avions donc organisé
avec l’université un colloque qui s’intitulait « Bombardements 44 Le Havre-Normandie-France-Europe, stratégies et vécus ».
Cette même année, nous avons également, à travers le service ville d’art et d’histoire, organisé une journée d’étude
« Psychanalyse urbaine, traumatisme, reconstruction, réappropriation », à travers justement différents intervenants des
services ville d’art et d’histoire de villes reconstruites comme Lorient, etc., pour voir comment on pouvait passer ce patrimoine,
et dépasser le traumatisme.
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Plus largement, nous continuons à recueillir la parole des habitants sur le patrimoine reconstruit. Il a été dit tout à l’heure que la
Reconstruction immédiate n’est qu’une espèce de travail préalable à la suite. Au Havre, poursuivant le travail de relogement
entrepris au centre-ville, nous avons eu la première ZUP de France, dans le quartier de Caucriauville sur lequel un travail tout à
fait important est réalisé. Cette ZUP a été construite au moment des Trente Glorieuses avec l'apport de la main-d'œuvre
étrangère et surtout pour répondre aux besoins d'habitat des habitants qui n'avaient pas intégré le centre-ville parce qu'on
n'était pas dans la même densité. Nous recueillons donc cette parole qui forme un terreau et une matière que nous pourrons
travailler par la suite.
Je souligne qu’un accompagnement constant de la population est fait à travers une permanence mensuelle du service de
l’urbanisme, dans la maison du patrimoine, pour aider les particuliers qui veulent faire des travaux, leur expliquer les consignes
de la ZPPAUP qui va se transformer en AVAP. Cette transformation est pour nous tout à fait bienvenue parce qu’elle intègre
notamment les données nouvelles liées au paysage en particulier, et nous a permis d’enrichir l’ancienne ZPPAUP au regard de
l’expérience que nous avions eue, en ajoutant en particulier des cônes de vues qui n’étaient pas prévus dans la première
ZPPAUP, souvent assez essentiels pour conserver la lecture du paysage urbain.
Le portage, je n’en parle pas. Je souligne que l’inscription sur la liste du patrimoine mondial ne ramène pas de financements
particuliers, outre l’essor économique que cela génère. Elle induit cependant des devoirs qui sont le maintien de ce que l’on
appelle la VUE, c’est-à-dire la Valeur Universelle Exceptionnelle du bien que l’on retrouve dans les critères de classement. Elle
nous impose de faire des rapports périodiques tous les quatre ans ainsi qu’un plan de gestion, ce qui est tout à fait bien, car
cela permet de faire le bilan et de lancer des perspectives.
J’arrive donc aux perspectives. On peut constater, après dix ans d'obtention de ce label et presque trente ans d'un travail de
fourmi, qu'après l'inscription du label, l'équipe, les élus, les administratifs qui ont travaillé sur ces dossiers sont partis vers
d'autres aventures pour beaucoup, entraînant une perte de connaissance de ce que représente réellement le label, de tout ce
que cela induit au niveau de la méthodologie. En préambule à notre plan de gestion qui est en préparation à l’heure actuelle, il
nous a donc semblé nécessaire que la ville du Havre mette en place un cycle de conférences permettant de rappeler ces
postulats de base. Inscription ou pas, il est nécessaire, régulièrement, de marteler tout ce qui fait vraiment la qualité d’un bien,
pour veiller à sa parfaite préservation, ce qui n’empêche pas son évolution, mais c’est un autre problème.
Cela concerne les élus, le personnel de la collectivité bien sûr, mais également les architectes, les entreprises – parce que le
travail et la relation avec elles, est un souci constant. Sur la restauration des bétons, Le Havre a été une espèce de laboratoire,
cela s’est fait avec beaucoup de tâtonnements. Désormais, les entreprises sont complètement à la pointe de la connaissance
de ces spécificités des bétons de la reconstruction du Havre. Il est donc extrêmement important de maintenir ces liens.
Il faut savoir travailler les axes de valorisation et les enrichir. Nous ne pouvons pas vivre sur notre acquis, nous devons faire
évoluer la proposition, à savoir que la ville n’a pas été détruite dans son entièreté, et que Le Havre reconstruit s’intègre à ce
qu’il reste de la ville qui se construit tous les jours. Ces passages-là sont extrêmement importants, il ne faut pas enclaver,
même si c’est le moteur, Le Havre de PERRET qui se place dans un contexte urbain beaucoup plus vaste qu’il faut savoir
développer, d’autant plus que Le Havre est toujours un laboratoire de l’architecture contemporaine et que les bâtiments du
21ème siècle continuent à pousser et à fleurir. Nous voilà dans les bains des docks de Jean NOUVEL. C’est la ville en train de
se faire aussi qui est tout à fait importante.
Un petit élément nouveau. La DRAC a monté un dossier de classement important sur Le Havre pour certains bâtiments, parce
que nous avons peu de choses inscrites sur la liste des Monuments Historiques, l’église Saint-Joseph par exemple n’est pas
classée Monuments Historiques, ce qui est tout de même un peu problématique. Un dossier de classement a donc été monté,
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qui intègre également des ISAI. En fait, nous avons une copropriété dans laquelle se trouvent à la fois la maison du patrimoine
et l’appartement-témoin, qui est tout à fait dynamique, intéressée et sensibilisée à la valeur patrimoniale de ce complexe
d’habitats et qui a donc accepté que cet ensemble d’édifices soit proposé au classement. Par contre, le symétrique en face
avec une autre copropriété a refusé que l’on puisse porter ce type de dossier.
Les perspectives. Plusieurs domaines sont actuellement à l’étude, et au niveau de la médiation, nous souhaiterions pouvoir
travailler un axe tout à fait spécifique au Havre. À travers l'appartement-témoin, nous travaillons le mode d'habiter des années
50. Également, nous avons une maison d'armateur travaillée comme une maison témoin de l'art d'habiter au XVIIIe siècle. Nous
sommes donc en train de réfléchir à la construction d’un réseau, non pas de musées parce que cela nous coûterait une fortune
à une époque où il faut être très vigilant, mais de centre d’interprétation et de croisement de populations, etc., de lieux, par
exemple sur la ZUP de Caucriauville qui donneraient à lire la sociologie urbaine, comment ce quartier s’est construit, comment
il a répondu justement à un essor économique d’un moment donné, avec les cultures des habitants, etc. Dans le cadre de la
collaboration avec la petite commune voisine d'Harfleur qui était la ville avant Le Havre, et qui concerne un bâti XVIe siècle,
nous pourrions envisager de construire une maison témoin de l'art d'habiter du XVIe siècle, etc.
Nous souhaitons donc mettre en œuvre une extension de notre offre. Nous organisons également des journées d’études autour
de l’art d’habiter, et nous souhaitons créer un réseau national de ces appartements lieux de vie. Le béton est un autre axe de
travail important, et nous souhaitons également – le travail est vraiment en cours – passer à l’extension du label de ville d’art à
pays d’art. La problématique développée au Havre, essentiellement centrée sur la reconstruction PERRET, pourrait être
prolongée sur cette construction des années 60 et 70.
En conclusion, une inscription sur la liste du patrimoine mondial est le fruit d’un long travail scientifique, de la volonté d’élus, de
la mobilisation de nombreux acteurs du territoire et de l’implication participative de la population. Sur la durée, l’évaluation des
actions, l’adaptation de celles-ci à l’évolution des publics et des circonstances matérielles de l’offre, l’information renouvelée
aux acteurs et aux décisionnaires, sont les éléments indispensables à la pérennisation de cette valeur universelle
exceptionnelle. Ce n’est pas incompatible avec une évolution nécessaire du bien et sa parfaite inscription dans un monde en
constante évolution. L’inscription sur la liste du patrimoine mondial n’est pas le confinement dans un sarcophage du bien
reconnu, mais la reconnaissance de ses qualités de valeur universelle qu’il faut savoir conserver, y compris dans une évolution
positive. Inscription ou pas, cela sert pour tout le monde.
Patrice DUNY
Nous allons passer désormais à l’expérience de Dunkerque avec Jean-Damien GUILLOY qui est architecte. Vous avez fait un
passage assez long dans les services de l’Etat, service déconcentré, pendant un certain temps avant de passer dans les
collectivités territoriales où vous êtes depuis 2010 directeur du renouvellement urbain à la ville de Dunkerque.
Jean-Damien GUILLOY
Ce que je vais vous présenter ne va pas être dans une logique aussi architecturée que nous l’avons vu. C’est un mouvement
plutôt brownien, une méthode très pragmatique due à cet héritage douloureux, et comment on passe de celui-ci au patrimoine.
L’héritage est douloureux à Dunkerque, d’autant plus que la ville était faite de maisons accrochées à leur port. La ville est
restée accrochée au port, mais celui-ci s’est éloigné. À Dunkerque, il y a donc cette ville centre accrochée au port, mais
également la ville balnéaire, avec une sorte de concurrence entre elles. Les gens préfèrent habiter à Malo-les-Bains qu’au
centre-ville, Malo-les-Bains faisant office de centre l’été, voire le week-end. Cette rivalité d’usage fait qu’effectivement, le centre
reconstruit de Dunkerque n’est pas attirant. L’autre chose qu’il faudrait peut-être discerner plus que je ne le fais aujourd’hui,
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c’est que visiblement, il existe de nombreux ISAI à Dunkerque, d’immeubles sans affectation individuelle, et donc des
personnes qui n’ont pas retrouvé leur parcelle, leur lot, mais projetées tout à coup dans un immeuble. Ces éléments de
traumatisme, comme vous le disiez, se transmettent de génération en génération.
Malgré tous les efforts des sachants et des initiés dans ces périodes qui viennent de s’écouler pour faire reconnaître le
patrimoine de Dunkerque, ce travail minutieux n’a pas été fait. Même s’il existe dans des recoins d’écoles d’architecture,
d’agences d’urbanisme, il a été épars et non rassemblé pour magnifier ce patrimoine. Dès lors, d’une façon assez pragmatique,
la nouvelle équipe municipale veut désormais valoriser le centre-ville.
Diapositive 1. Je vais vous présenter rapidement deux outils, le PRO qui est en route et l’AVAP qui viendra ensuite. Vous avez
reconnu le centre, je vais passer. Diapositive 2. Il s’agit d’un patrimoine remarquable, il faut le redire, car c’est extraordinaire de
minutie – nous allons en reparler, mon voisin de gauche l’a déjà signalé – il existe un vrai travail de détails. Même si les objets
initiaux sont préfabriqués, le travail de mise en œuvre est extraordinairement soigné et supporte sans doute mal aujourd’hui un
travail de grosses entreprises qui viendraient uniformiser tout cet ensemble. Patrimoine remarquable, peu attractif – avec le
domestique, nous parvenons à faire du monumental. Nous savons également très bien marquer l’urbanité, avec les angles, etc.
Diapositive 3. Nous sommes dans le centre commerçant de Dunkerque, et ce patrimoine remarquable subit l’ignorance. Les
commerçants, pour des raisons de commerce que nous comprenons tous, s’emparent des supports pour apposer leurs
enseignes, voire refaire leurs façades à leur façon.
Diapositive 4. La municipalité a donc décidé d’un grand projet sur le centre, le projet Phoenix qui rassemble une série de
projets immobiliers, commerces et habitat, de projets d’aménagements avec des continuités piétonnes, d’accessibilité avec un
bus à haut niveau de service, d’habiter le centre-ville avec les copros de la Reconstruction. C’est là aussi une des difficultés
que nous avons tous vécues, à savoir comment faire adhérer les copros qui ne sont pas toujours en ordre de marche sur ce
travail-là. Dans le projet d’embellissement, figure un périmètre de ravalement obligatoire. Je vais user d’une certaine
dialectique, parce que « obligatoire », l’idée est que cela se voit, de faire adhérer. Il y a une contradiction, mais vous allez voir
comment nous tentons de nous en sortir.
Nous revenons dans le concret de Dunkerque, le PRO, déjà manié par la ville depuis 2005 dans des quartiers limitrophes, dits
anciens, plutôt dans des domaines habitat, avec quelques vrais succès sur ce patrimoine XVIIIe et XIXe.
Diapositive 5. Vous voyez le centre-ville, qui est le centre commerçant. Le pointillé rouge représente la rue principale
commerçante de Dunkerque, et la place Jean Bart et la place de la République sont les territoires du PRO, sur lequel celui-ci va
s’exercer.
Diapositives 6 et 7. Nous ne sommes pas dans des immeubles haussmanniens, ni dans des îlots fermés. La première décision
a été que le périmètre qui touche la place Jean Bart, avec les arbres autour – le trait rouge – vise l’immeuble et toutes les faces
visibles de l’espace publique. Ce qui fait que les deux faces de l'immeuble, et donc la rue à côté, sont concernées par le PRO.
C’est le premier élément. Les angles des rues, suivant la longueur de l’immeuble, sont également touchés. Le PRO s’applique
aux propriétaires, à la copro en l’occurrence ici. Nous avons un ensemble urbain bien défini, avec ses abords compris dans le
périmètre.
Diapositive 8. Concernant la place de la République, le périmètre est augmenté de quelques passages. Nous discutions
récemment de cette domanialité toujours un peu confuse dans les passages, privés ou publics, on ne sait pas. Ici, nous avons
considéré que l’ensemble était privé – même si on le voit de la voie publique – parce que l’on considère que le passage est
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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public, ce qui est le cas ici, même si le sous-sol est privé, ce qui entraîne des complications. Les passages seront donc touchés
par le PRO, avec 15 immeubles, 88 logements et une quarantaine de copropriétaires.
Diapositive 9. À Dunkerque, il s'agit d'un premier pas vers une reconnaissance effective patrimoniale, malgré tous les efforts
qu'il reste à faire. Certaines personnes habitant Dunkerque sont allées au Havre et à Saint-Nazaire, et ont fait des efforts pour
reconnaître ce patrimoine. Aujourd’hui, l’adhésion des propriétaires entre autres et des occupants n’y est pas et nous prenons
donc ce moyen pour obliger la copro à rendre à la façade une propreté satisfaisante. Le PRO ne concerne pas les fonds de
commerce. Ce dispositif est complété par un FISAC qui va aider les commerçants à l’accessibilité et à revoir leurs façades
commerciales, ainsi que par une charte des enseignes signée entre la ville et les commerçants pour nettoyer et mettre un peu
d’ordre parmi toutes ces enseignes.
Diapositive 10. Je vais tenter ici ma petite démonstration dialectique entre « obligatoire » et « adhésion ». Les chiffres montrent
comment nous parvenons à obtenir l’adhésion. L’obligatoire est bien sûr d’imposer aux propriétaires, mais c’est la capacité de
la collectivité publique de financer du privé et d’inciter fortement le privé à agir sur sa façade. J’ai noté les quelques éléments
qui sont financés – nettoyage des briques et bétons, décapage et peinture à des hauteurs pas excessives, contrairement aux
réparations et reconstitutions - celui qui répare sans reconstituer n’est pas financé autant. Concernant l’enlèvement des
enseignes fantômes comme celle de la photo – boucherie Jean Bart – qui est restée sur l’immeuble, la subvention est de
100 %. Évidemment, dans ce cas, nous bénéficions d'une adhésion extraordinaire de tous. C’est un peu le même cas pour les
enseignes redondantes, les commerçants sont très conscients qu’aujourd’hui, il y a une illisibilité de leurs commerces. Tout
cela reçoit plutôt une bonne adhésion. Concernant la valorisation des œuvres d’art, vous en avez déjà vu et je vous en
montrerai une ou deux un peu plus tard.
Nos priorités sont donc ces deux immeubles, à la fois sur la place Jean Bart et la place de la République. Les arrêtés de
ravalement vont être terminés en novembre prochain, une vingtaine est déjà prise, avec une adhésion très forte des
commerçants et des copropriétaires.
Diapositive 11 pour arriver sur les chantiers. Nous sommes en train de travailler avec la chambre des métiers pour mobiliser les
entreprises. En effet, c’est l’artisan qui est capable de restituer, de recomposer les modes de faire.
Diapositive 12. Dans ce temps que l’on nomme assez facilement « temps masqué », le maire a pris la décision de lancer
l’AVAP. Une étude patrimoniale avait déjà lancé le plan que vous voyez pour une valorisation du territoire très centrée sur le
centre-ville. Il a demandé à l’EPCI comme c’est la règle de gérer ce passage à l’AVAP.
Dernière 13. Je voulais préciser que dans cette étude patrimoniale, les immeubles avec une valeur urbaine et architecturale
étaient distingués de ceux ayant une valeur uniquement architecturale ou uniquement urbaine, de façon à nous laisser une
latitude et ne pas geler ce territoire. Nous le voyons vraiment comme un outil de valorisation. Je pense que l’on arrive à la fin et
j’espère avoir respecté mon temps. Je conclus là-dessus. Il s’agit donc une démarche très pragmatique de sensibilisation et de
mise en évidence de ce patrimoine, avec un volet plus scientifique derrière.
Patrice DUNY
Nous allons parler d’AVAP maintenant dans le cadre de Caen avec Catherine JOUBEL, du service urbanisme de la ville de
Caen, très impliquée dans le PLU, et surtout Bruno RÉGNIER qui est architecte urbaniste et gérant de l’agence ALAP.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Catherine JOUBEL
Je vais faire très court, justement pour laisser un peu plus de temps à mon voisin de droite qui va présenter les premières
caractéristiques de Caen concernant la démarche AVAP. Diapositive 1. Je voulais juste dézoomer un peu et revenir sur ce qui
a permis à Caen d’arriver à faire cet AVAP et à inscrire dans le paysage le patrimoine reconstruit. Le paysage est très important
à Caen et les Caennais y sont extrêmement attachés, il fait partie de leur ADN. La ville de Caen offre d’ailleurs de très grandes
perspectives paysagères sur lesquelles nous allons avoir des prescriptions particulières. À Caen, l’AVAP a commencé par le
PLU – une personne de Lorient en parlait plus tôt – et l’AVAP a été inscrite dans le PADD du PLU, déjà pour qu’il soit reconnu
par les habitants dans le cadre de la concertation. Ensuite, nous avons élaboré une orientation de programmation et
d’aménagement dans le cadre du PLU concernant le quartier de la Reconstruction. Cela permet de manière beaucoup plus
pratique et directive de mettre des dispositifs réglementaires supplémentaires sur l’intervention sur le patrimoine reconstruit,
notamment sur les îlots internes de la Reconstruction qui nous préoccupent beaucoup. Cette double inscription dans le PADD
et dans les orientations d’aménagement et de programmation du PLU a permis de commencer une appropriation et une
reconnaissance de ce patrimoine de la part de la ville et vis-à-vis des habitants de Caen. Une deuxième démarche a été
engendrée avec un volet sur le patrimoine du XXe siècle et notamment le patrimoine de la Reconstruction, à savoir l’obtention
du label ville d’art et d’histoire à peu près au même moment où a été approuvé le PLU. Cette double démarche a été très
intéressante, avec des itérations très importantes entre la constitution du label et le PLU, qui permettra dans sa mise en œuvre
d’établir une médiation auprès des habitants sur le patrimoine architectural de la Reconstruction. Nous attendons aussi
beaucoup de ces retombées plutôt touristiques, nous en parlions plus tôt avec Monsieur GOURBIN. PLU plus label, cela fait
déjà deux amorces. Enfin, point d’orgue, puisque c’était inscrit au PADD et que nous nous devions donc de le faire, la ville s’en
était emparé de manière très forte, le lancement de l’AVAP à Caen qui a débuté cette année, il y a quelques mois avec le
cabinet d’architecture ALAP présent à côté de moi, va venir compléter le PLU sur ce volet patrimonial et mettre en valeur ce
patrimoine de manière extrêmement forte.
Diapositive 2. Préserver le patrimoine, certes, mais lui assurer un avenir ; je crois que nous sommes dans une démarche
dynamique souhaitée par les élus de ne pas s’inscrire dans une protection de patrimoine classique, mais plutôt très en lien
avec les habitants des quartiers, les actions pédagogiques. Nous essayons justement de monter une concertation un peu
inventive au-delà des réunions publiques avec l’ALAP, notamment à destination des jeunes et des collèges, pour lui permettre
d’évoluer, de faire des travaux. Cela pourrait même aller jusqu’à des démolitions en cœur d’îlot. Évidemment, l'AVAP ne porte
pas que sur le patrimoine reconstruit, mais sur tout le centre-ville qui lui-même est déjà inscrit comme site naturel protégé qui
n'incluait pas la partie reconstruite de la ville, ce qui est dommage. Nous sommes donc en train de réinterroger cette protection
au titre des sites, ce qui pourra aussi être une extension de la protection du périmètre inscrit « site ».
Sur le fait de porter un regard attentif et renouvelé sur la Reconstruction, je vais passer la parole à mon voisin qui va pouvoir
disposer de quelques minutes supplémentaires.
Bruno RÉGNIER
Merci. Nous sommes très contents que cette AVAP nous ait été confiée. Elle vient de démarrer et nous avons commencé les
études avec un ordre de service fin juin qui commençait par l’exploration. Mon plus grand souhait serait qu’à la prochaine
réunion de notre club Prisme dans deux ans, nous puissions vous montrer les résultats de ce travail d’AVAP. Je vous rappelle
que l’AVAP est constituée essentiellement de deux documents : une carte qui la délimite et un règlement. Pour arriver à tout
cela, il faut faire un diagnostic et je contredis un tout petit peu ce que Catherine a dit, nous ne sommes pas certains aujourd’hui
que ce dispositif ne concernera que le centre de Caen. Une partie de la démonstration que nous sommes en train de faire dans
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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la mise en place de ce diagnostic est qu’il y a peut-être d’autres endroits qui s’associent au patrimoine et qui ne sont pas dans
le pur centre, y compris, puisque c’est le thème de ces deux journées, dans l’esprit de la Reconstruction.
La façon habituelle dont l’équipe ALAP crée une AVAP est que nous commençons par explorer la totalité du patrimoine. Pour
essayer de garder une sorte de climax à l’histoire, nous commençons toujours par l’extérieur, pour aller vers un peu plus de
densité et d’excitation en entrant vers le centre. À Caen, les questions ne se posent pas exactement de la même manière, la
façon dont la ville a été faite et la forme que lui ont donné le bombardement et donc la reconstruction, ont créé quelque chose
qui est différent en forme. À la base, Caen était une dynamique entre deux pôles, l'abbaye aux hommes et l'abbaye aux dames,
ce qui donnait une sorte de dynamique sur cette horizontale dans Caen, alors que la réalité de la reconstruction avec le grand
axe dont nous allons parler est perpendiculaire. La ville s’est donc reformée à l’occasion de la Reconstruction.
En temps ordinaire, quand on fait une AVAP, on s’attache à définir le contour. Assez rapidement et par un travail d’itération,
nous sommes en permanence en train de le retoucher. Chaque fois que nous revoyons nos commanditaires, nous nous
demandons si nous n'allons pas nous retrouver avec une AVAP multisites, parce que après tout, une AVAP n'est pas
nécessairement une concentration de patrimoine à un endroit géographique. Cela peut aussi être plusieurs endroits avec
différentes manières de regarder les choses.
Avec l’expérience, après avoir fait de nombreuses études de patrimoine, y compris dans des villes présentes ici – SaintNazaire, Dunkerque, Le Havre – et d’autres, nous avons établi une typologie dans l’esprit de ce que va être l’AVAP à la fin
comme outil pour l’utilisation, pour donner des règles sur la préservation du patrimoine et l’assurance de lui donner un avenir.
Très vite, en mettant au point une AVAP, on revient à des termes de construction. Nous n'avons ni les mêmes exigences ni les
mêmes techniques constructives, nous ne voyons pas exactement le même avenir à une maison du XVe siècle et à un bâtiment
contemporain, voire de la Reconstruction. Assez rapidement, lorsque nous sommes en cours d’exploration, on en arrive à
déterminer un certain nombre de types qui se retrouvent dans la totalité de la ville, et sur lesquels il est plus aisé de porter une
certaine analyse, et par la suite de créer des recommandations. On parlait de maisons en pans de bois tout à l'heure, vous
imaginez bien que les recommandations de préservation d'un patrimoine en bois ne sont pas les mêmes que pour un
patrimoine en béton ou en pierre.
Diapositive 3. Il se trouve qu’à Caen, et notamment parce que la mission nous a été donnée par nos élus, dont Madame de la
PROVOTE ici présente, notre équipe a vite compris qu’il fallait insister sur la Reconstruction, même si nous nous en serions
rendu compte assez rapidement, ne serait-ce qu’à cause des proportions considérables que prend la Reconstruction à Caen.
Dès lors, il nous est apparu qu’au contraire – ce n’est pas simplement pour faire les intéressants ou faire autrement – la
Reconstruction était toujours traitée selon des principes constructifs. Pourquoi ? Parce que derrière, il y a toujours l’idée de sa
préservation, de sa rénovation, de son traitement thermique, tous les enjeux auxquels vont être confrontés les bâtiments de la
Reconstruction par la suite. Dès lors, typiquement, on s'occupe toujours de savoir si c'est construit en poteaux poutres, si les
façades sont préfabriquées, quelle est la rémanence du principe des cadres de fenêtres que l'on nous décrivait tout à l'heure.
Nous avons donc préféré, plutôt que de diviser l’architecture ou d’organiser notre analyse de l’architecture de la Reconstruction
par les types de bâtis, le faire suivant la forme des îlots.
Diapositive 4. Cela nous a donné la grande idée de trouver des morphologies urbaines plutôt que des typologies de bâtis.
Diapositive 5. Je vous rappelle rapidement que l'essentiel de la reconstruction à Caen s'est fait selon deux logiques, à l'image
de notre quartier Saint-Jean : une logique traditionnelle dans laquelle l'îlot domine selon la forme traditionnelle de nos villes
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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européennes, et une logique de barres et de tours issue de la Charte d'Athènes et du mouvement moderne des années 30, où
l'îlot prend une forme ouverte.
Diapositives 6 et 7. Cela nous a permis de déterminer pour l’urbanisme traditionnel, deux types d’îlots : l’îlot fermé à accès
limité et l’îlot semi-ouvert, et pour l’urbanisme des barres et tours : grand îlot ouvert sur alignement urbain, grand îlot ouvert
avec cœur paysager, îlot ouvert avec espace public fluide, auxquels s’ajoute un type auquel on fait rarement référence quand
on parle de reconstruction parce qu’on parle souvent de centre-ville, c’est qu’à Caen, on a beaucoup d’individuels dans la
reconstruction créés en lotissements qui sont particulièrement intéressants.
Diapositive 8. Dans cette partie de Caen qui est au contact bien entendu de la ville traditionnelle, c’est l’îlot fermé. Quelqu’un
disait tout à l’heure que la Reconstruction à Caen s’est faite autour des bâtiments que les bombardements avaient épargnés –
on voit ici un hôtel XVIIIe au centre d’un îlot. Des grands îlots avec un alignement, un principe d’organisation, de gabarit, et
puis, même s’il y a une découpe pratiquement à la parcelle, avec des immeubles très identifiés, à l’intérieur, on a un système
très dense d’arrières.
Diapositive 9. Cela nous donne sur les façades principales quelque chose d’extrêmement ordonnancé, dans un style ici qui
date des années 30 repris à la Reconstruction, ou dans un style plus moderne avec de l’arrondi. Et voilà la terrible image du
cœur d’îlot, terrible mais incroyablement pratique parce que dans les secteurs où il y a des îlots fermés, on est vraiment pour
l’essentiel dans des secteurs commerçants, et ces espaces de cœur d’îlot sont très intéressants pour faire du stockage pour les
boutiques, avoir des cuisines ou des arrière-salles pour les restaurants.
Diapositive 10. L’îlot semi-ouvert, particulièrement intéressant, se trouve sous deux formes. Ce qui nous intéresse, c’est non
pas simplement de préserver le patrimoine, mais de l’utiliser comme une référence, un modèle, pour éventuellement repenser
la ville par la suite. De même qu’en tant que tel, ce patrimoine est formidablement utilisé. Pour les distinguer, à partir d'une rue
centrale qui sépare deux systèmes, on a un îlot semi-ouvert dont le principe de fermeture est une sorte de dessin de Grec avec
des évitements, des rentrées - rien n'est totalement fermé, on est comme dans une sorte de dédale. Celui-ci est paysager,
absolument formidable, alors que l’autre, en face, qui est son alter ego, est soumis à l’habitude de mettre des garages, etc.
Diapositive 11. Nous voyons le paysager, splendide, très efficace, presqu’une image de petit village, alors que son pendant en
face, totalement utilisé par les garages, etc., est beaucoup plus technique et moins enthousiasmant. Il faut aussi savoir que,
comme nous le voyions tout à l'heure à Dunkerque avec une des caractéristiques de la Reconstruction, on est souvent dans
des systèmes où l'on entre dans nos îlots ouverts ou semi-fermés par des passages sous immeubles qui ont l'avantage de faire
une petite étanchéité qui n'est quand même pas totale.
Diapositive 12. Les grands îlots ouverts sur alignement urbain, vous les avez vus parce que c’est un peu notre image à Caen,
avec les six tours Marines R + 8. Par contre, ce qui est très intéressant pour le devenir de l’îlot, c’est ce splendide alignement
qui crée une composition urbaine – l’avenue du 6 juin, avec au bout, le château et devant, le pont Winston Churchill sur l’Orne.
Nous voyons encore des alignements et par contre, les îlots sont totalement utilisés, y compris par de l’activité, non pas
industrielle mais au moins artisanale. Il y a encore un grand garage ici qui s'est déplacé entre-temps, des personnes qui font de
la petite construction métallique, etc. Cela dégage des îlots tellement grands que l’on a été capable, dans les années 50 et 60,
de retrouver un autre pôle, puisqu’ici, nous avons un immeuble de bureaux au cœur d’un îlot, avec un alignement sur l’avenue
du 6 juin et sur la rue Saint-Jean.
Voilà ce que donne l’arrière des îlots sur les tours Marines, puisque c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, avec ce petit
système de boxes de voitures inévitables, mais adaptés à ce qu’était la voiture à l’époque où ces éléments ont été construits,
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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peu représentée puisque toutes les familles n’en disposaient pas. On voit par contre d’autres éléments qui nous intéressent
beaucoup, l’arrière des boutiques et l’immeuble de bureaux au centre de l’îlot. De temps en temps, par exemple à cet endroitlà, se trouve un R + 9, une petite tour qui à notre sens, paraît très intéressante à reconsidérer dans la mesure où l’on se trouve
dans des îlots Reconstruction avec une hauteur relativement faible et des grands espaces.
Diapositive 13. Ici, les îlots ouverts avec espace public fluide. On nous en a parlé plus tôt, avec le quartier des Cadrans. C’est
quelque chose de très organisé, une circulation au sol qui est souple et qui se promène en permanence sous les immeubles.
Diapositive 14. Voilà ce que donne le quartier des Cadrans dont on a souvent l’impression qu’il est rayonnant, mais réellement,
il s’agit d’une série d’immeubles parallèles posés sur pilotis, ce qui est extrêmement important dans ce vocabulaire.
Diapositive 15. Un autre type d’îlots, en tête d’une ancienne darse de port et de l’Orne ici, avec un système dans lequel a été
créé une sorte de jardin à l’usage des habitants de l’époque, avec des fonctionnements particuliers, tout à fait intéressant du
point de vue de la composition, mais qui pose question aujourd’hui.
Diapositive 16. Cela donne des accès d’un immense cœur d’îlot qui est un vrai grand jardin et non un cœur d’îlot technique.
L’idée est que chaque appartement regarde sur cet espace paysager. Toujours la même chose, ce vocabulaire de la
Reconstruction, des passages sous immeubles qui donnent accès au cœur d’îlot, des systèmes relativement bien préservés,
notamment des voitures, par des haies assez hautes en charme qui ferment le site, et l’autre façade sur la darse, beaucoup
plus fermée, qui aujourd’hui pose des questions esthétiques.
Diapositive 17. Pour ce qui est de l’habitat individuel en lotissement, il y a moins de formes caractéristiques. Par contre, ce qui
est très intéressant, c’est qu’au lendemain de la guerre, les pays alliés ont fourni par gentillesse ou charité, des systèmes de
logements très intéressants, donnant des modes de construction et des assemblages d’individuels en création de lotissements
un petit peu exotiques, même si ces modèles venaient des États-Unis ou de la Scandinavie. Cela n’est pas totalement
antinomique par rapport à la manière de vivre en Normandie, et donne des choses particulièrement intéressantes qui
paraissent être du patrimoine. Comme ce n’est pas au centre, vous comprendrez pourquoi je vous disais que notre AVAP
risque de ne pas être un ensemble mais d’avoir peut-être des méristèmes ou des morceaux différents à l’extérieur du centre,
parce que cela offre des modes d’habitats qui restent encore aujourd’hui extrêmement passionnants.
Une variante existe entre ces maisons faites selon les systèmes américains, y compris une structure métallique tout à fait
intéressante, avec les panneaux, ou les autres qui font plus référence à une sorte de romantisme scandinave ou que l’on
retrouve un petit peu chez les Anglais. Par contre, des éléments s’inscrivent dans le plan d’origine de la Reconstruction et aux
abords de l’université comme cette maison du Recteur, une sorte de très grosse maison. Encore une fois en dehors de la
valeur de patrimoine, ce type de grandes maisons, peut-être plurifamiliales – à l’époque, elles étaient faites pour une seule
famille - nous paraît une inspiration. Nous voyons aussi la façon dont les îlots d’individuels peuvent s’organiser, à savoir que
dans cet endroit-là, purement reconstruit, on trouve quand même de petits morceaux de patrimoine très ancien, avec des
maisons XVIe et XVIIe, et une magnifique église.
Hélène MAGUEUR, Brest métropole
On relève toutes les caractéristiques de ce patrimoine qui, en même temps, se trouve sur des secteurs géographiques assez
étendus. Je voulais savoir comment faire pour déterminer des zones où l’on intensifie peut-être la protection, et d’autres où on
laisse un peu plus lâche, parce qu’il faut aussi que la ville évolue sans nécessairement tout figer, même si nos villes sont
largement de la Reconstruction.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Bruno RÉGNIER
Vous êtes d’Arras ?
Hélène MAGUEUR
De Brest.
Bruno RÉGNIER
Comme nous travaillons à Arras en ce moment, j’essaye de calculer un petit peu. Sincèrement, nous ne savons pas avant un
certain moment, et nous modulons toujours. Quand on fait une AVAP, à un moment ou à un autre, on est dans un système de
classement, peut-être en étoiles, un peu comme le guide Michelin. Il y a des bâtiments qui ont une valeur trois étoiles, d’autres
une seule, d’autres encore un peu moins, tout simplement parce que nous allons moduler les règles par la suite. L’AVAP, à la
sortie, est un jeu de règles. Quand on croise le repérage géographique sur une grande carte de nos patrimoines – concernant
le quartier Saint-Jean à Caen, c’était assez simple, mais peut-être y a-t-il un lotissement particulièrement intéressant qui est à
1,5 km du centre-ville ancien, et à Caen, il y a aussi un autre endroit, sur un plateau, en dehors du centre-ville. Dans ce cas-là,
on peut parfaitement imaginer avoir une règle différenciée. Elle va s’appliquer à l’architecture parce qu’elle est différente. Ce
n’est pas une question d’intensité, mais parce qu’à un endroit, il y a des lotissements, à un autre, un type de bâti, encore un
autre, un matériau de telle qualité, etc. Les enjeux, également, ne sont pas les mêmes. Tout à l’heure, quelqu’un a parlé de la
manière dont est fait un inventaire. On imagine plusieurs critères avant de classer les choses, ou au moins, dans un premier
temps, les repérer. Nous, en dehors de la qualité architecturale de la représentativité urbaine, ce qui est extrêmement
important, nous mettons toujours un troisième critère – nous appelons cela d’ailleurs « l’étoile Mercedes » puisqu’elle a trois
branches – qui est la « boulognité », la « dunkerquité », la « caenité » des choses, parce que nous pensons que certaines
architectures, certaines compositions urbaines, caractérisent un endroit. C’est ce qui lui donne un surplus de valeur de
patrimoine.
Hélène MAGUEUR
Pour reprendre l’exemple de Saint-Nazaire, on voit que ce qui le caractérise se trouve tout de même sur un périmètre très
large. Dès lors, tout le périmètre sur lequel vous faites l’inventaire doit-il faire l’objet de mesures de protection ou de
préservation ?
Stéphanie LE LU
Non, je ne pense pas. Certains secteurs, certains quartiers, certaines rues, s’y prêtent plus, mais il n’empêche que pour avoir
ces informations-là, il faut avoir une vision totale du territoire. C’est pour cela que nous faisons un inventaire sur la totalité de la
commune pour avoir vraiment toutes les informations en main et ne pas se retrouver un quartier avec du bâti identique dans un
autre secteur, avec une typologie d’habitats identiques, par exemple. C’est pour cela que nous regardons absolument tout sur
la totalité du territoire.
Catherine MARTOS, communauté urbaine de Dunkerque
Ma question porte sur les dispositifs d’accompagnement ou en tout cas de sensibilisation auprès des habitants. Pour l’AVAP de
Caen dont nous venons de parler et qui vient d’être lancée, y a-t-il déjà eu des dispositifs de sensibilisation ? Après ou pendant
l’étude d’AVAP, avez-vous imaginé des choses ?
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Catherine JOUBEL
Je vais passer la parole à mon élue si elle le souhaite. Y a-t-il eu de la sensibilisation avant ? Comme je le disais tout à l’heure,
nous avons mis quatre années à peu près à élaborer le PLU, ce qui a été une chance pour l’AVAP puisque dès le départ, cette
AVAP qui était au départ d’ailleurs une ZPPAUP avait été incluse dans le PADD. Vous savez que la concertation d’un PLU est
assez redondante – souvent, beaucoup, par tous les moyens possibles – mais le sujet de l’AVAP avait été évoqué dès le début.
En effet, il ne faisait pas débat et nous ne sommes pas revenus dessus à plusieurs reprises, cela a été une proposition
d’emblée qui était déjà en gestation depuis longtemps et qui s’est inscrite immédiatement dans la démarche. Cela a donc
facilité les choses et de manière tout à fait naturelle, à la fin du PLU, nous sommes passés à la mise en œuvre de l’AVAP –
même si au départ, nous espérions mener les deux études en même temps, ce qui aurait été assez lourd – le PLU nourrissant
l’étude d’AVAP, c’est donc plutôt bien. Cette concertation faite dans le PLU est une sorte de préfiguration de la concertation qui
va se faire dans l’AVAP, ainsi qu’un retour d’expérience sur le fait d’essayer de communiquer un peu autrement.
Philippe BARDEL, responsable du pôle recherche inventaire, région Pays de la Loire
Mon témoignage répondra à un certain nombre de questions. Effectivement, pour élargir la présentation faite par Stéphanie et
répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées, je voudrais rapporter une expérience plus large de l’inventaire
en région. La dernière question posée sur la dispersion du patrimoine nazairien est l’occasion idéale de rappeler ces choses-là.
À Saint-Nazaire, il existe notamment un phénomène qui n’a pas nécessairement été développé parce que le temps était court,
de modèle – même plan, même maison - qui existe dans des lotissements, mais que l’on retrouve de manière ponctuelle dans
un alignement de maisons début XXe ou postérieures, avec une espèce d’arc-en-ciel de styles dans les rues nazairiennes dans
les quartiers périphériques en dehors de l’avenue principale et des grands boulevards. C’est vraiment la caractéristique de ce
patrimoine, avec de très nombreuses maisons individuelles, ce qui pose aussi des questions, par rapport à tous les dispositifs
qui ont été présentés. Je ne sais pas si le propriétaire individuel – c’est une forme de question – est aussi simple à toucher que
la copropriété, surtout quand les styles sont très différents. De ce point de vue, cela renvoie à l’expérience d’un inventaire,
notamment sur le rural. En effet, il existe dans le rural ce cas de figure où il est difficile de pointer. Sur les AVAP rurales qui sont
présentes en CRP, il y a souvent ce débat de savoir si les petits îlots des hameaux en campagne doivent faire partie de l’AVAP
– finalement, c’est un vrai sujet. Comment faire quand on n’a pas d’ensembles cohérents au niveau géographique ? C’est la
question des périmètres qui était posée tout à l’heure. Quand nous trouvons – je parle d’une expérience de terrain puisque le
chercheur en inventaire va frapper à chaque maison – un édifice qui est préservé, même chez des personnes qui n’ont pas de
moyens financiers pour nécessairement l’entretenir, le trait commun de tous ces propriétaires est la connaissance, plus que les
moyens ou l’envie. De magnifiques édifices, avec des gens qui avaient de nombreuses envies sur le patrimoine, ont été
complètement massacrés en faisant du néo-XVIIIe. La question essentielle pour moi est celle de la connaissance et très
souvent – ce n’est pas du tout un reproche par rapport à ce qui a été présenté mais plus un constat général – on passe
directement de l’étude à la valorisation au sens du marketing territorial, de l’attractivité de la ville, en zappant un peu la case
intermédiaire de la connaissance par les habitants. Nous-mêmes avons eu de nombreuses difficultés durant l’inventaire pour
faire connaître nos travaux. Au Havre, un travail remarquable a été fait, mais qui a duré presque 20 ans, la publication arrivant
presque après la bataille, même si cela a permis d’enrichir la connaissance. Vraiment, ce sont des questionnements que je
veux partager avec vous, parce qu’il n’y a pas de solution. Ce qui est certain, c’est qu’il faut faire du porte-à-porte, parler avec
les habitants, attirer le regard sur ces détails, mais ensuite, le publier dans des formes accessibles à chacun. J’ai eu la chance
– dans une vie antérieure, j’étais objecteur de conscience – de faire un petit livre sur l’architecture de terre dans le pays de
Rennes que les gens s’offraient à Noël, c’était le cadeau pour papy ou mamy qui habitait une longère en terre. Effectivement,
aujourd’hui, c’est très spectaculaire de voir que dans des maisons qui sont rénovées, ce livre est là. Ce n’est pas une
satisfaction personnelle, c’est plus un constat qu’un objet intermédiaire entre des recommandations de peinture, de matériaux,
de la valorisation au sens de l’histoire, l’identité du lieu, qui va vraiment sur les détails. J’ai le sentiment que l’identification de
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ces détails par le propriétaire est un chaînon manquant dans toutes ces chaînes patrimoniales que nous évoquons. Il est vrai
que la prescription dans les AVAP, quand le patrimoine est diversifié, est un exercice extrêmement délicat. La région l’a signalé
très souvent dans les CRPS, nous souhaiterions plus de pédagogie et que cette étape du « porter à connaissance » ne soit pas
zappée et bénéficie de plus de moyens au sein de ces opérations.
Patrice DUNY
Jean-Damien GUILLOY, une réaction ?
Jean-Damien GUILLOY
Oui, une réaction parce que je suis passé très vite. Je n’ai pas eu le temps de le dire, mais ce que vous dites est important.
Dans le système du PRO que nous avons établi, c’est l’architecte de la ville et l’ABF qui font le diagnostic, et ce moment du
diagnostic avec la copropriété est un moment ultra pédagogique – après les travaux, bien sûr. C’est un moment un peu fort
pour expliquer ce qu’est le bâtiment, comment il s’insère dans le reste, etc. Une discussion intervient à ce moment-là qui est
relativement intéressante, où les gens oublient qu’ils utilisent un immobilier mais réalisent qu’ils appartiennent à quelque chose.
Quelquefois, ce n’est pas très scientifique au sens historique du terme, plutôt technique parfois, mais déjà, je trouve que ce
rapport-là est un des éléments importants du PRO, ce dialogue en direct entre ABF, architectes de la ville et la propriété.
Sonia DE LA PROVOTE
Il faut revenir à la thématique générale de ce colloque. Toute la difficulté – c’est pour cela que cet atelier a un côté intéressant –
est de savoir ce que l’on a amené de plus depuis ces dernières années, à savoir cette dimension culturelle, patrimoniale,
intellectuelle, désincarnée pour certains. Nous pouvons y mettre tous les qualificatifs, mais nous avons porté un autre regard
sur ce bâti près duquel nous passions un peu trop sans le remarquer, voire en lui tournant le dos. C’est tout de même ce qui
s’est passé dans d’assez nombreuses villes. À la fois, il ne faut pas tomber dans l'écueil de la mise sous cloche, c'est ce qui est
très compliqué. Pourquoi ? Parce que ce qui a été dit hier et à de nombreuses reprises, c’est que ce bâti est hyper qualitatif, de
grands logements traversants faits pour des familles, qui peuvent encore attirer des habitants et répondre aux attentes de
certains qui ont déserté les villes. Les faire revenir dans les villes, dans ce bâti-là, est loin d’être en contradiction et même plutôt
presqu’en cohérence et en synergie avec la nouvelle législation mise en place sur la densification, le fait de ne plus avoir de
quartiers pavillonnaires étalés dans la petite puis la grande couronne autour des villes. On voit bien là qu’il existe un enjeu qui
déborde largement le cadre de repeupler le centre-ville, il y a des enjeux multiples. Comment arriver à utiliser cet aspect de
nouveau regard patrimonial, valorisant ? Certains disent qu'ils ont été élevés là, lorsque Caen a été reconstruit - et ces
moments de témoignages sont assez magiques. Comment parvenir à jouer les deux ? L’AVAP est un élément important parce
que l’approche par îlots, par exemple, est quelque chose d’intéressant. On peut en garder un, et de celui d’à côté, ne garder
que l’organisation et l’esprit. Nous avons un peu plus de latitude pour en faire quelque chose. C’est l’idée, mais qui est
compliquée car à la fois on est très heureux de regarder cela comme du patrimoine parce que l’on se dit qu’enfin, ce discours
positif existe et va entraîner les habitants qui seront fiers d’en parler, et qui permet de regarder notre ville différemment. En
même temps, on ne veut pas tomber dans les travers de quelque chose de bloquant dont on ne pourra rien faire. Comme il est
impossible de créer des musées de cette taille, cela va être difficile.
Intervenant
Pour poursuivre cette thématique, au travers des quelques questions posées dans la salle, peut-être faut-il apprendre aussi à
distinguer les outils de protection des outils de communication. Je pense que nous avons parfois eu tendance à confondre les
deux, alors que le point de départ d’un outil de protection a priori, même si l’on s’en défend, est presque une défiance
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généralisée à l’égard des acteurs. On part du principe que les propriétaires vont de toute façon faire n’importe quoi et ensuite,
on essaye de s’en défendre. N'importe quel historien militaire vous dira que le projectile a toujours fini par vaincre le rempart,
donc, sans doute, faut-il exercer les outils de communication, peut-être d'ailleurs en distinguant différents publics, parce qu'on
ne s'adresse pas de la même façon aux touristes, aux spécialistes prescripteurs, aux entreprises du bâtiment, aux propriétaires
et aux habitants que l'on a souvent confondus dans nos propos, alors que la Reconstruction a d'abord été faite pour les
propriétaires et pas du tout pour les habitants. Un certain nombre de publics est donc présent, qu’il faudra sans doute distinguer
dans les différents supports de communication. Certaines villes l’ont déjà fait et fort bien fait.
Bruno RÉGNIER
Excusez-moi de mobiliser l’attention. Je pense qu’il y a deux temps à la communication par rapport à l’AVAP. On a beaucoup
parlé du premier – parce que l’on reste tout de même un petit peu dans l’avant, dans la satisfaction de réussir à convaincre les
gens que l’on est face à un patrimoine quand on parle de notre reconstruction – mais il existe un deuxième temps. Quand nous
avons mené ces travaux sur le patrimoine, que ce soit dans le cadre AVAP, ZPPAUP ou volet patrimonial du PLU, nous avons
travaillé à Saint-Nazaire il y a déjà cinq ans, et il faut penser à tout le temps final, c’est-à-dire le moment où l’on en arrive à des
dossiers de droit des sols, où des gens arrivent à la mairie, ou qui convoquent nos services ici à Saint Nazaire, par exemple à
l’atelier, et qui se posent des questions sur un bien repéré comme patrimoine, et qu’ils ne savent pas comment gérer. En effet,
la règle est une chose, mais il y a aussi un certain niveau d’interprétation. Une personne présente dans le public,
Mireille RADENAC de la ville de Saint-Nazaire m’appelle régulièrement pour me dire « Bruno, vous aviez repéré tel bâtiment
comme du patrimoine, j’ai des travaux, quelqu’un veut y faire quelque chose, auriez-vous une petite indication ? » et cela se
passe très bien. C’est le deuxième temps, celui de la vie de ces études qui deviennent des outils que nous utilisons.
Laurence LE CIEUX
C’est pourquoi la ville du Havre a mis en place des consultations mensuelles dans une permanence, où la population vient et
pose ses questions directement à l’intervenant. Cela nous permet de passer directement à l’information.
Patrice DUNY
Peut-être y a-t-il dans la salle des expériences d’explications auprès des habitants ainsi que des scolaires, les enfants étant en
effet assez réceptifs à ces sujets. L’idéal est qu’au bout d’un moment, l’habitant concerné ne se pose même plus la question et
sache à peu près quel est l’esprit dans lequel il va devoir aborder les travaux à faire sur le bien en question. Y a-t-il des
expériences d’explications pédagogiques un peu amples sur ces sujets- ? Je suis bien conscient, nous sommes tous bien
conscients qu’il s’agit d’une vraie difficulté. En effet, prêcher des convaincus, nous y parvenons, mais convaincre des nonconvaincus, voire des non intéressés au départ, des néophytes, c'est beaucoup plus compliqué. Il y en a. Très bien.
Vincent DUTEURTRE, ville du Havre
Il s’agit d’une petite expérience, mais qui est intéressante. Laurence en a parlé dans sa phase finale. En fait, en 1995, quand la
ZPPAUP a été instaurée au Havre, j’étais chargé de l’étude en tant qu’architecte. J’ai constaté un énorme décalage entre la
règle et la réalité sur le terrain. Pourquoi ? Parce que les copropriétaires n’étaient pas encore convaincus de l’intérêt patrimonial
de leurs biens, parce que les entreprises de bâtiment ne voyaient pas non plus l’intérêt de ces façades « moches, grises, et
sales ». À l’époque, nous avons embauché une personne – agent du patrimoine – chargée d’aller sur le terrain faire appliquer
ces règles au quotidien, mais surtout d’expliquer l’intérêt de ces règles, en quoi elles valorisaient le bien des copropriétaires et
en quoi ce règlement donnerait une plus-value à long terme sur la valeur des biens. Cette personne était issue du milieu de la
construction, et avait également développé tout un réseau avec des entreprises. En effet, quand il voyait un enseigniste poser
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une enseigne pas du tout conforme à la ZPPAUP, il intervenait, faisait arrêter les travaux et expliquait au professionnel
comment se caler par rapport à la structure en béton. Il avait vraiment un rôle concret, et sur une dizaine d’années, ce travail a
porté des fruits extrêmement importants. Aujourd’hui, ce sont les gens qui viennent consulter cette personne au bureau de ville
d’art et d’histoire. Ce contact concret, ce travail de fourmi, était vraiment nécessaire.
Jean-Marc FOUCAULT, architecte au CAUE de Loire-Atlantique
Je vais simplement évoquer deux expériences, dont l’une en tant qu’architecte au CAUE. Ces derniers sont des outils
réellement adaptés en termes de sensibilisation auprès de la population sur tous les domaines de l’architecture, de
l’aménagement et de l’urbanisme. Dans les CAUE, se trouvent des architectes proches de la population pour expliquer un
certain nombre de choses dans un certain nombre de cadres réglementaires ou de planifications urbaines. Je voulais surtout
parler d'une expérience en tant qu'architecte-conseil pour une communauté de communes que j'ai faite dans une autre vie
avant de travailler au CAUE, de l'importance d'être proche des gens et des habitants. Effectivement, ce que je dis extrêmement
souvent et très simplement, c’est que nous pouvons tous travailler en amont sur des outils de valorisation, de protection, etc.,
d’ensembles architecturaux, urbains, mais qu’il existe une exigence de résultat. Ce n’est pas parce que nous aurons passé
plusieurs années à réfléchir les uns et les autres – élus, techniciens au sens large, architectes des bâtiments de France, avec
lesquels j’ai beaucoup travaillé et avec qui je continue à travailler – que nous parviendrons à un bon résultat. Il faut mettre en
place des choses très simples, et des acteurs qui soient formés à cela. Je le dis parce que j’ai également travaillé avec une
équipe du droit des sols pendant huit ans dans une communauté de communes d’un autre département. Il est très important de
former les instructeurs des permis de construire, notamment, parce que tout passe par les permis de construire, les
déclarations de travaux, les déclarations préalables, sachant que souvent, le premier intervenant appelé est le maçon, le
menuisier, le peintre, qui vont faire un devis. Souvent on les entend dire qu'il ne faut pas faire appel à l'administration de peur
d'être ennuyés, d'être empêchés de faire ce que l'on veut, etc. Il existe une réelle nécessité – j’insiste très fortement du fait d’un
certain recul sur cet aspect des choses. Je travaille actuellement dans le cadre du CAUE avec la ville de Saint-Nazaire sur une
étude en préparation de la révision et la modification du PLU sur les clôtures notamment. On parle toujours du bâti, des
constructions, des immeubles, des maisons, etc. Souvent, le parent pauvre des PLU sont les clôtures, le premier plan que l’on
voit dans la rue, la limite entre l’espace public et l’espace privé. Nous sommes en train de travailler là-dessus avec la ville de
Saint-Nazaire à la fois sur comment apprendre aux gens quels qu’ils soient à regarder ce qu’ils ont devant eux – en fait, pour
aimer quelque chose, il faut apprendre à le regarder, je ne dis rien que vous ne sachiez déjà. À partir de ce moment-là, on
apprend à comprendre comment il a été réalisé, souvent avec les « moyens du bord ». Un exemple à Saint-Nazaire, les tubes
horizontaux qui constituent les clôtures étaient ceux du chauffage, utilisés par les ouvriers qui travaillaient aux chantiers navals.
Toute une sensibilisation doit être apportée là. Il faut former les gens et notamment les instructeurs qui sont souvent dépourvus
face au grand public – ce n’est pas facile de travailler face à lui, quand vous avez des gens qui vous disent que cela ne les
intéresse pas ou que cela coûte trop cher, etc. Nous n’avons pas non plus abordé la dimension économique des choses – là
aussi, on touche au nerf de la guerre. Il faut vraiment être prêt à tout cela quand on est face au grand public. Pour l’avoir fait, je
me permets d’insister sur le fait que les professionnels doivent être préparés, adaptés à ce travail, mais surtout qu'ils doivent
aimer les gens, être prêts à entendre un certain nombre de choses et être en capacité d’avoir une parole simple, également.
Françoise RACINE, architecte du patrimoine
J’arrive directement des monuments historiques, et pendant dix ans, il s’est très vite posé le problème de la copropriété qui me
semble au cœur du problème actuellement. J’ai trouvé absolument passionnantes toutes les interventions qui ont eu lieu
aujourd’hui et hier. Nous sommes dans le vif du sujet, avec effectivement des protections à réaliser sur des édifices sensibles,
qui sont des immeubles également, avec des interlocuteurs qui sont des copropriétaires, qui n’ont pas toujours le souci de ce
qui leur appartient, et pour qui ce n’est pas non plus la préoccupation fondamentale. Il y a un message très important à faire
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passer. Je reprends aussi les arguments que vous citiez, le nerf de la guerre, qui est l’espace financier. Nous ne fonctionnons
que parce que vous nous aidez, en fait, où tous les organismes qui peuvent nous apporter des éléments sont fédérateurs
d’échanges, pour aboutir à nos projets, ce qui est très important. Une réunion de copropriété, quelqu’un en a parlé hier, c’est
assez sportif. J’ai envie de dire qu’il faut être équipé moralement, et vraiment en vouloir pour faire passer le message que leur
patrimoine est absolument intéressant, voire qu’il ne demande qu’une chose, être mis en valeur. Pour terminer, tout cela ne se
fait pas tout seul, et c’est aussi grâce aux équipes d’entreprises spécialisées dans les restaurations – j’ai entendu parler pour
Le Havre de spécialités en restauration béton – qui touchent les pans de bois, les enduits terre entre autres en l’Ille-et-Vilaine.
Tous ces échanges de technologie me semblent fondamentaux, et c’est tout à fait dans le sens que vous évoquez
actuellement.
Mireille RADENAC, mairie de Saint-Nazaire
Je vais être très rapide également. Juste deux petites expériences de sensibilisation. Avec Monsieur RÉGNIER, effectivement,
dans le cadre du PLU, nous avons fait une étude sur le patrimoine balnéaire et nous avons classé un certain nombre de
patrimoines qui avaient de la valeur, dont d’assez nombreuses maisons particulières. Nous avons rencontré pratiquement tous
les gens qui étaient concernés par un classement très sévère, trois étoiles, pour leur expliquer pourquoi nous avions fait cette
démarche. C’est vrai que les gens sont arrivés d’abord relativement en colère, parce que pour eux, c’était une contrainte. Suite
au discours, après leur avoir expliqué pourquoi cela avait été classé et quel intérêt avait ce bâtiment dans la ville, ils sont
repartis rassurés et assez fiers pour certains. C’est la première étape. La deuxième étape, dans le cadre de l’atelier qui est le
centre d’information des projets urbains de la ville, nous avons fait des sorties terrain sur ce site pour présenter le patrimoine
balnéaire, pourquoi il avait un intérêt, et quel était cet intérêt.
Frédérique DANO, architecte-conseil à Lorient Agglomération
J’exerce cette fonction depuis huit ans. Je rejoins complètement ce que viennent de dire mes deux collègues du CAUE et du
Havre, au sujet du face à face avec la réalité des demandeurs et des pétitionnaires au quotidien dans l’instruction, dans le droit
des sols. Je suis au plus proche des instructeurs, et nous appuyons vraiment sur le volet architectural, sur tous les permis de
construire depuis huit ans. Je vois donc vraiment toutes les demandes du quotidien, la disparition de nombreux petits détails ce que nous avons pu voir, les portes, les garde-corps, c’est vraiment la réalité. Nous avons un travail de proximité, nous allons
aussi sur le terrain, nous rencontrons les copropriétés pour le ravalement, ce qui est très chronophage, c’est un travail de
conviction et de médiation qui se combine avec celui du service du patrimoine, parce que Lorient est ville d’art et d’histoire.
Nous faisons des visites combinées pour justement sensibiliser un petit peu à la disparition de ce patrimoine, de ces petits
détails, mais vraiment nous ne sommes pas sur le même public. Nous nous en rendons compte quand les gens qui viennent
aux visites, le dimanche, sont plutôt convaincus d’avance ou très vite convaincus. Par contre, ceux que j’ai au téléphone tous
les jours, ceux qui viennent dans les bureaux et que je vois avec des instructeurs, ne sont pas les mêmes. Ceux-là sont
beaucoup plus difficiles à convaincre, et le nerf de la guerre, c’est vraiment l’argent, la rénovation thermique qui est pour moi
plus un obstacle qu’une aide aujourd’hui, en tout cas pour la préservation du patrimoine. Sous cette belle caution de
l’environnement, de la rénovation énergétique, de la modernité, nous en arrivons en fait à des disparitions qui sont irréversibles
sur des détails du patrimoine de la Reconstruction, devant lesquelles nous sommes un peu démunis, et même au niveau
conviction esthétique – nous continuons à discuter avec eux, mais nous sommes face à ces réalités économiques. Ils nous
disent que leur porte est une vraie passoire et qu’ils ne veulent pas la garder, ni la rénover pour avoir une porte du même
registre stylistique, bien qu’ils comprennent parfaitement ce que nous demandons. Nous sommes confrontés à des écueils, ce
qui fait que nous nous sentons un petit peu seuls. Quels dispositifs financiers pourrait-on trouver pour nous aider, parce qu’il
s’agit là vraiment du nerf de la guerre, cette relation de proximité également que nous essayons de mettre en place au
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quotidien avec les instructeurs, le public des copros, mais qui est hyper chronophage et que nous ne pouvons pas faire au coup
par coup sur chaque demande. C’est un petit peu démobilisant.
Intervenante
Je vais juste répondre sur une partie. Les points de détail, c'est important. Dans le quartier Saint-Paul aux maisons suédoises,
assez vaste, où tout est aligné et centré autour d’une église et d’une place du village, ce que l’on appelle d’ailleurs « le village
Saint-Paul », nous avons eu un jour un permis de construire qui proposait d’abattre une des cheminées parce qu’elle était
fragile. Enlever une de ces cheminées de tout l’ensemble aurait complètement défiguré l’ensemble du quartier et de la place,
puisque c’était le rythme des cheminées, un peu en hauteur, qui faisait l’intérêt et la symétrie du quartier. Il faut faire hyper
attention, et je me faisais la même réflexion sur les portes. C’est compliqué. Nous parlions des clôtures, mais concernant ces
belles portes, il s’agit d’une destruction massive à l’échelle d’une ville.
Jean-Damien GUILLOY
Je voulais insister sur le fait qu’effectivement, nous avons notre propre regard, et je suis certain que si nous grattions un peu,
nous pourrions avoir des divergences même entre nous. J’ai un regard patrimonial, mais sur le devenir. Je pense
qu’effectivement, nous ne parlons pas de la même chose quand on parle au propriétaire, que quand on parle à l’habitant ou au
passant. Un élément n’est pas assez dit. Le bien du propriétaire est ce qu’il va donner en héritage à ses enfants. Il faut donc en
parler de cette façon et c’est le discours que nous avons tenu aux copros. Demain, ils vont léguer le bien à leurs enfants, et que
vont-ils avoir ? Des travaux, des dettes, etc., s'ils ne vont pas, au moins aujourd'hui, vers une requalification. Des discours très
différents doivent être adaptés, toujours avec l’idée qu’il s’agit de valorisation, qu’elle soit intellectuelle, financière, etc. Nous
devons chercher ensemble une valorisation pour une attractivité.
Nathalie LE MARCHAND
Je reviens sur la sensibilisation. Ce que j’entends depuis tout à l’heure, c’est un peu, avec vos outils à vous, la sensibilisation,
un peu par l’obligation, c’est-à-dire les réunions de copros ou le pro, même si ce n’est pas complètement de l’obligation, et la
sensibilisation par la concertation qui serait déjà un outil de sensibilisation. Nous savons très bien qu’il faut déjà que les gens
viennent aux réunions de concertation, et qu’il s’agit là de personnes qui ont envie de venir. L’objet de notre structure est la
sensibilisation à l’architecture, à l’environnement et aux paysages. Nous avons un savoir-faire en matière de pédagogie, nous
convions des professionnels autour de nos actions, nous avons des actions telles que le mois de l’architecture, les résidences
d’architectes qui est un projet-pilote au niveau national, mais aussi le mini stylab tourné vers les enfants, pour lequel nous
sommes également pilotes au niveau national. C’est vrai que la sensibilisation, pour notre structure qui fait partie des maisons
de l’architecture mais qui a aussi une action atypique au sein des réseaux des maisons de l’architecture, concerne tous les
publics. Vous êtes tous autour de la table, nous sommes là depuis hier, élus, services intéressés, sensibilisés à cette question.
En Basse-Normandie, deux tiers des communes ont moins de 500 habitants. Vous imaginez bien que ces élus ne sont pas
largement frottés à l’architecture, à l’urbanisme, aux paysages. Ils n’ont pas de techniciens, etc. Tout cela pour dire qu’il est
important de sensibiliser tous les publics en les mobilisant sur les usages et sous des formes « ludiques » - même si je n’aime
pas beaucoup le mot. Il faut créer du récit, faire rêver, pratiquer des espaces. Ce ne sont pas que des livres, des expos, etc. Je
dis toujours, parce que la Reconstruction est quelque chose qui m’intéresse, que ces copros, ces îlots, représentent en même
temps un public captif. Si nous créons quelque chose dans ces cœurs d’îlots, si nous faisons venir les habitants, mais aussi les
professionnels, il existe déjà une espèce de public captif autour de ces cœurs d’îlots. Nos actions, c’est aussi embarquer les
gens dans l’action.
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Patrice DUNY
Nous ne sommes pas en désaccord, c’était bien toutes les formes de sensibilisation, quelles qu’elles soient, pédagogiques ou
autres, la concertation étant quasiment le stade ultime de personnes informées. Cela entre tout à fait dans l’esprit qui était le
nôtre. Je pense, Madame la Présidente, qu’il vous appartient de conclure dans le temps qu’il nous reste.
Sonia DE LA PROVOTE
J’espère que cette rencontre a permis d’aborder à peu près toutes les questions traitant du point de vue patrimonial de la
Reconstruction, même si nous n’aurons pas tous un classement UNESCO, nous en avons bien conscience. En tout cas, nous
voyons bien que les AVAP, le PRO, etc., ces quelques outils peuvent nous aider à progresser sur ces questions. Je vais
essayer d’être fidèle à tout ce qui a été dit, cela va être compliqué tout de même, je ne vous le cache pas. Je ferai donc un
rapport cet après-midi, en diagonale, tout en gardant l’esprit des choses et cette conviction que nous avons tous que nous
sommes bien là face à un véritable patrimoine qui est un marqueur de notre histoire, il ne faut jamais l’oublier. C’est tout de
même l’histoire commune qui porte. Quand on va voir les châteaux de la Loire, c’est parce que c’est une partie de notre
histoire. Il faut toujours avoir cette dimension en tête, et c’est justement cette dimension historielle, de mémoire, éminemment
humaine, qui fait que nous pouvons nous retrouver en conjonction avec les habitants et avec ce qu’ils ont vécu eux-mêmes.
C’est ce qui est important. Merci beaucoup.
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