La condition politique des syndicats
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La condition politique des syndicats
Appel à contributions Collection « Cahiers Politiques », Editions L’Harmattan, rattachée au laboratoire IRISES, UMR 7170 Paris Dauphine La condition politique des syndicats Approche comparée Sous la direction de Nicolas Defaud et Aurélie Llobet (Université Paris-Dauphine IRISES, UMR 7170) Michel Offerlé incitait en 1987 à « réfléchir sur la “genèse” des partis comme types de groupe et comme ensemble de répertoires d’action spécifiques, ainsi que sur les catégories de pensée ajustées à ces groupes » (Michel Offerlé, Les partis politiques, Paris, PUF, Que sais-je ?, p. 20), notamment sur la séparation du « syndical » et du « politique » à la fin du 19ème siècle. Il fallait revenir selon lui sur les combats existant à cette époque à la « frontière ». Cette problématique est devenue une constante de l’histoire syndicale, y compris la plus récente. En France, dans les années 1970 pour la CFDT et les années 1990 pour la CGT, les grandes confédérations sont directement en prise avec cette querelle de frontière, dans laquelle on peut voir se rejouer le travail de définition des entreprises politiques et syndicales. Au sein de la littérature abondante sur l’histoire le syndicalisme depuis la fin des années 1970 en France, l’interrogation la plus récurrente est pourtant celle du déclin ou de la crise du syndicalisme. Il s’agit en effet d’un angle d’approche qui répond mieux aux demandes administratives et aux besoins syndicaux d’ajustement stratégique au terrain qu’à l’agenda scientifique. Le présent projet voudrait au contraire, dans une optique comparée, rassembler des contributions spécifiquement centrées sur la relation du syndicalisme aux champs et aux cycles politiques. Pour René Mouriaux, « l’apolitisme est une voie qui est fermée » au syndicat parce que celui-ci, s’il choisit le mode de l’abstention, « conforte les puissances en place. L’absence d’engagement est un engagement, la prise de position pour se défaire du politique est une politique » (Syndicalisme et politique, Paris, éditions Ouvrières, 1985, p. 164). Or, l’idée d’autonomie complète des mobilisations du monde du travail semble constituer aujourd’hui le principe minimal commun aux entrepreneurs modernes du syndicalisme. A rebours des effets induits par ce discours professionnalisant qui cherche à rompre avec le modèle repoussoir de la « courroie de transmission » chère au léninisme, on voudrait ainsi contribuer à éclairer la question syndicale dans sa condition politique. 1 Les contributions pourront porter sur des terrains syndicaux français, européens, étrangers ou internationaux, et ce à travers des approches socio-historiques mais aussi lexicométriques ou ethnographiques des organisations syndicales, de leurs prises de position, de leurs doctrines et pratiques successives mises en perspective au regard de leur inscription ou de leur défiance vis-à-vis du politique. Il s’agira notamment de mettre à l’épreuve les axes et propositions suivants : 1e axe : Socialisation politique / socialisation syndicale Le tarissement du militantisme syndical recouvre notamment l’épuisement de l'ensemble des rétributions symboliques liées à l'engagement et à la fidélité, qui se traduisaient par les liens de camaraderie, voire d'amitié. Longtemps, les tournées des services et des ateliers trouvaient ainsi à se prolonger par une sociabilité informelle, puis par le débat politique. Parallèlement, l’engagement politique conventionnel tend lui aussi à décliner depuis quelques années, au profit dans certains cas de répertoires d’action et de formes d’engagement alternatifs. Pourtant, l'adhésion au syndicat est encore bien souvent une étape normale dans le processus de socialisation politique secondaire. Il paraît ainsi évident d’aborder la « conscience politique » des individus par ces signes extérieurs - qui paraissent souvent interchangeables ou complémentaires au regard des enquêtes quantitatives - que sont l’engagement partisan, syndical et/ou associatif. Les passerelles, équivalences et différences perçues et vécues entre ces types d’engagement pourront être abordées par les contributeurs aussi bien sous l’angle ethnographique que statistique. 2ème axe : Syndicalisme, politiques publiques et logiques d’institutionnalisation Participant de la co-production des politiques publiques, les syndicalistes contribuent par le « dialogue social », la négociation et par l’exercice d’un rapport de force à la reconnaissance des droits fondamentaux du travail (à commencer par les droits à la syndicalisation, à la négociation collective et à la grève), à la revalorisation salariale etc., mais aussi à la structuration de politiques sociales (mise en place du RMI, lutte contre le chômage voire politique familiale) dont le lien avec l’entreprise et le salarié en tant que tels est parfois ténu. Ce faisant, ils étendent par dérivation la compétence du syndical aux limites du politique. Les contributeurs pourront travailler ici tout à la fois la place des syndicats dans l’élaboration de telle ou telle politique publique ou dans la production de la « littérature grise » de tel secteur, 2 mais aussi les déplacements historiques des registres de justification et le travail de réajustement des frontières du syndical et du politique en fonction des investissements concrets dans les réseaux de politiques publiques. Il s’agit également ici de faire retour sur le lien souvent établi entre professionnalisation des permanents, démobilisation militante, institutionnalisation et dépolitisation des lignes syndicales. Il semble évident par bien des aspects que les changements intervenus en un demisiècle indiquent le passage d’un « modèle de la mobilisation sociale à un système de groupes de pression en lutte pour le partage de positions de pouvoir et de ressources publiques » (Dominique Andolfatto, Dominique Labbé, « Les syndicats français sont-ils toujours des vecteurs de mobilisation sociale ? » 2e Congrès international des associations francophones de science politique, Canada, 2007). Sur la base d’une ré-historicisation du syndicalisme sous cet angle, les contributions seront attentives aux ruptures de « tendance » et aux effets émergents. 3ème axe : Répertoires d’action et effets de situation politique Maintes fois soulignée, la montée de l’expertise - et la logique du « dossier » - comme modalité principale d’existence du militant syndical doit être explorée à la lumière de la sociologie historique. Il existe en effet des conditions sociales et historiques spécifiques à l’efficacité de cette forme d’action et celle-ci cohabite, parfois chez les mêmes individus, avec des pratiques et des aspirations politiques plus classiques. Ainsi, mode d’action syndical par excellence et en même temps souvent stigmatisée, la grève suppose de donner - en regard du mode « raisonnable » et « constructif » que représente l’expertise - une forme à l’action qui permette aux entrepreneurs syndicaux de contourner de probables critiques. La politisation des conflits joue ici un rôle complexe, qui dépend de la position relative des confédérations dans l’espace syndical. Les contributions s’attacheront sous ce rapport à explorer et historiciser le recours à l’expertise, mais aussi le rapport qu’elle entretient pratiquement et théoriquement avec la nécessaire montée en généralité et la politisation de l’espace social – au sens de J. Lagroye – qui persistent parallèlement dans les conjonctures fluides des grandes et petites grèves. Il s’agira également ici de mettre en perspective les conséquences sur l’actualisation de ces répertoires des effets de situation politique et notamment ceux qui sont liés à l’alternance gouvernementale. 3 Calendrier prévisionnel : La date limite pour l’envoi des projets est fixée au 15 février 2008. Les projets d’articles seront présentés en 1 page (police : Times New Roman, 12, interligne simple) indiquant également les coordonnées et statut universitaire de l’auteur. Ils seront envoyés aux deux adresses mail suivantes : [email protected] ; [email protected] En cas d’acceptation du projet par le comité de rédaction des Cahiers Politiques (au 30 mars), la date limite d’envoi des articles est fixée au 10 juin 2008. 4