Cour de cassation de Belgique

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Cour de cassation de Belgique
25 OCTOBRE 2012
C.11.0496.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.11.0496.F
FABRIQUE D’ÉGLISE SAINT-HADELIN DE LAMINE, dont le siège est
établi à Remicourt, rue de Hodeige, 17,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection
de domicile,
contre
COMMUNE DE REMICOURT, représentée par son collège communal, dont
les bureaux sont établis à Remicourt, rue Nouvelle Percée, 5,
défenderesse en cassation,
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représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est fait élection de
domicile.
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 janvier
2011 par la cour d’appel de Liège.
Le 12 septembre 2012, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des
conclusions au greffe.
Le conseiller Didier Batselé a fait rapport et l’avocat général Thierry
Werquin a été entendu en ses conclusions.
II.
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
-
article 149 de la Constitution ;
-
articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;
-
articles 1er et 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour
cause d’utilité publique ;
-
articles 1er et 9 de la loi du 27 mai 1870 portant simplification des
formalités administratives en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté les faits suivants, notamment par référence à
l’exposé des faits et de l’objet de la demande contenu dans la décision du
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premier juge : 1. la demanderesse était propriétaire à Remicourt d’un terrain
d’une superficie de 5006 m² ; en séance du 25 septembre 1990, le collège des
bourgmestre et échevins de la défenderesse a émis le souhait d’acquérir ce
terrain pour cause d’utilité publique en vue d’y construire un nouveau
complexe scolaire ; la défenderesse a chargé le comité d’acquisition
d’immeubles de Liège d’entamer la procédure d’acquisition en question et en a
informé la demanderesse ; 2. lors d’une réunion du 22 janvier 1991, le conseil
de la demanderesse a décidé « d’aliéner de gré à gré et pour cause d’utilité
publique, sous réserve d’autorisation royale et moyennant accord de l’autorité
diocésaine, au bénéfice de l’administration communale de Remicourt et en vue
de l’implantation d’un complexe scolaire » le terrain précité pour le prix de
2.240.000 francs, toutes indemnités comprises ; visant notamment cette
décision, le conseil communal de la défenderesse a décidé, en séance du 23
février 1991, d’acquérir le terrain, pour cause d’utilité publique, à ce prix ; le
6 décembre 1991, la demanderesse a signé une promesse de vendre le terrain à
la défenderesse pour le prix de 2.240.000 francs ; en séance du 7 décembre
1991, le conseil communal de la défenderesse a décidé d’acheter le terrain aux
conditions contenues dans cette promesse et a chargé le comité d’acquisition
d’immeubles de Liège de dresser et de signer les actes au nom et pour le
compte de l’administration communale ; l’acte d’acquisition a été signé le 29
janvier 1992 ; 3. le projet de construction d’une école sur le terrain acquis par
la défenderesse fut abandonné ; par une lettre du 9 avril 2008, la
demanderesse a demandé à la défenderesse la rétrocession du terrain, au motif
que celui-ci avait été exproprié et n’avait pas reçu la destination prévue ; la
défenderesse a contesté cette demande au motif que le terrain avait été vendu
de gré à gré et n’avait pas été exproprié ; 4. par exploit du 12 juin 2008, la
demanderesse a cité la défenderesse devant le tribunal de première instance de
Liège afin d’obtenir la rétrocession du terrain litigieux au prix de 55.528,15
euros (équivalant à 2.240.000 francs) en vertu de l’article 23 de la loi du 17
avril 1835 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique ; par jugement du
2 septembre 2009, le tribunal débouta la demanderesse de sa demande ; la
demanderesse interjeta appel,
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l’arrêt dit l’appel non fondé ; confirme le jugement entrepris ;
condamne la demanderesse aux dépens.
L’arrêt fonde cette décision sur les motifs suivants :
« Pour fonder le droit allégué à la rétrocession, (la demanderesse)
invoque l’article 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique, et plus particulièrement le mot ‘acquis’ utilisé par le
législateur en début dudit article qui édicte : ‘Si le terrain acquis pour travaux
d’utilité publique [...]’. Elle estime que le mot ‘acquis’ signifie que la
rétrocession est due, aussi bien s’il y a eu cession amiable que s’il y a eu
expropriation, l’article 23 étant selon elle général, visant toute acquisition
pour travaux d’utilité publique, aussi bien la cession amiable que le transfert
décrété par justice.
En vertu de l’article 1er de la loi du 27 mai 1870 portant simplification
des formalités administratives en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique, ‘l’expropriation pour cause d’utilité publique s’opère en vertu d’une
loi ou d’un arrêté royal autorisant les travaux qui la rendent nécessaire’. En
l’espèce, il ne ressort d’aucune des pièces auxquelles la cour [d’appel] peut
avoir égard que le terrain litigieux qui appartenait à (la demanderesse) avant
le 29 janvier 1992 ait fait l’objet d’une loi ou d’un arrêté royal. Il s’en déduit
que le bien litigieux n’a fait l’objet d’aucune procédure d’expropriation, la
vente de gré à gré l’ayant été en dehors d’une telle procédure. La lecture des
pièces antérieures à la vente du 29 janvier 1992 le confirme, aucune de ces
pièces ne faisant la moindre référence à une quelconque expropriation. Par
ailleurs, la notion d’utilité publique n’a aucunement une expropriation pour
corollaire nécessaire.
L’article 1er de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique débute par : ‘à défaut de convention entre les parties,
l’arrêté et le plan indicatif des travaux et des parcelles à exproprier [...]’. Par
l’expression ‘à défaut de convention entre les parties’, le législateur a décidé
que les cessions amiables, de gré à gré, sont nécessairement exclues de la mise
en oeuvre des dispositions légales relatives à la procédure d’expropriation.
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Il découle de l’ensemble de ces considérations que la demande de (la
demanderesse) en ce qu’elle se base sur la loi du 17 avril 1835 sur
l’expropriation pour cause d’utilité publique n’est pas fondée ».
Griefs
Première branche
L’article 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique dispose, en ses alinéas 1er et 2 : « Si les terrains acquis pour
cause d’utilité publique ne reçoivent pas cette destination, un avis publié de la
manière indiquée à l’article 6, titre II, de la loi du 8 mars 1810 fait connaître
les terrains que l’administration est dans le cas de revendre. Dans les trois
mois de cette publication, les anciens propriétaires qui veulent réacquérir la
propriété desdits terrains sont tenus de le déclarer, à peine de déchéance. À
défaut par l’administration de publier cet avis, les anciens propriétaires, ou
leurs ayants droit, peuvent demander la remise desdits terrains, et cette remise
sera ordonnée en justice sur la déclaration de l’administration qu’ils ne sont
plus destinés à servir aux travaux pour lesquels ils ont été acquis ».
Cette disposition s’applique à tous « terrains acquis pour cause
d’utilité publique », sans distinction entre les terrains qui ont été expropriés
par voie judiciaire conformément aux articles 1er à 22 de cette loi et ceux qui
ont fait l’objet d’une cession amiable à la suite d’une décision du pouvoir
expropriant d’acquérir le bien pour cause d’utilité publique. En effet, celui qui
accepte de céder son bien en vue de la destination d’utilité publique que
l’administration a décidé de donner à celui-ci se voit privé de sa propriété
pour cause d’utilité publique tout comme celui qui n’accepte pas de céder son
bien volontairement et force l’administration à poursuivre l’expropriation par
la voie judiciaire.
L’article 1er de la loi du 17 avril 1835, aux termes duquel, « à défaut
de convention entre les parties, l’arrêté et le plan indicatif des travaux et des
parcelles à exproprier, ainsi que les pièces de l’instruction administrative,
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seront déposés au greffe du tribunal de la situation des biens, où les parties
intéressées pourront en prendre communication, sans frais, jusqu’au règlement
définitif de l’indemnité », ne fait pas obstacle à ce que l’article 23 de ladite loi
s’applique aux acquisitions pour cause d’utilité publique réalisées par une
« convention entre les parties ». Les termes « à défaut de convention amiable »
indiquent la préférence du législateur pour que les acquisitions d’utilité
publique soient réalisées à l’amiable. Une fois l’acquisition pour cause
d’utilité publique réalisée, que ce soit à l’amiable ou au terme de la procédure
prévue aux articles 1er à 22 de la loi, les anciens propriétaires des biens acquis
par l’administration « pour travaux d’utilité publique » se voient reconnaître
le droit prévu à l’article 23 de la loi.
Si l’article 1er de la loi du 27 mai 1870 visée en tête du moyen dispose
que « l’expropriation pour cause d’utilité publique s’opère en vertu d’une loi
ou d’un arrêté royal autorisant les travaux qui la rendent nécessaire » et que
« l’arrêté royal ne peut être pris qu’après enquête », cette disposition ne
réserve pas le droit à la rétrocession des biens acquis pour cause d’utilité
publique prévu à l’article 23 de la loi du 17 avril 1835 aux seuls propriétaires
de biens expropriés selon les procédures de l’expropriation pour lesquelles une
loi ou un arrêté royal a autorisé les travaux qui rendent l’expropriation
nécessaire. En effet, les dispositions de la loi du 27 mai 1870 ne concernent
pas seulement les expropriations réalisées par la voie judiciaire, puisque
l’article 9 de ladite loi régit également « les contrats de cession amiable ».
En l’espèce, si, comme le constate l’arrêt, le bien litigieux n’a pas fait
l’objet d’une procédure d’expropriation pour laquelle une loi ou un arrêté
royal aurait autorisé les travaux qui la rendent nécessaire, en revanche, il
ressort de ses constatations et spécialement de celles du premier juge
auxquelles il se réfère, que le collège des bourgmestre et échevins de la
défenderesse a émis le souhait d’acquérir le terrain de la demanderesse « pour
cause d’utilité publique en vue d’y construire un nouveau complexe scolaire »,
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que la demanderesse a décidé d’aliéner ce terrain « de gré à gré » mais « pour
cause d’utilité publique », que le conseil communal de la défenderesse a décidé
cette acquisition « pour cause d’utilité publique ». Dès lors en refusant à la
demanderesse le droit d’obtenir la rétrocession du terrain cédé après que le
projet de construction d’une école eut été abandonné, au motif que le bien
litigieux n’a pas fait l’objet d’une procédure d’expropriation précédée d’une
loi ou d’un arrêté royal autorisant les travaux qui la rendent nécessaire, mais
a été cédé de gré à gré, l’arrêt viole les articles 1er et 23 de la loi du 17 avril
1835 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique ainsi que les articles 1er
et 9 de la loi du 27 mai 1870 visée en tête du moyen.
Au surplus, les lois doivent être interprétées de préférence dans le sens
où elles sont conformes à la Constitution. Si le droit prévu à l’article 23 ne
bénéficiait qu’aux anciens propriétaires de biens expropriés en vertu d’une loi
ou d’un arrêté royal qui a autorisé les travaux qui rendent nécessaire
l’expropriation, à l’exclusion des propriétaires des biens cédés pour cause
d’utilité publique qui n’ont pas fait l’objet d’une telle procédure, l’article 23
de la loi du 17 avril 1835 engendrerait une discrimination entre les personnes
privées de leur bien pour cause d’utilité publique et violerait les articles 10 et
11 de la Constitution.
Deuxième branche
Dans ses conclusions de synthèse prises devant la cour d’appel, la
demanderesse invoquait les éléments suivants pour établir l’existence d’une
décision de principe de l’autorité communale quant à l’expropriation : « En
l’espèce, il ne fait aucun doute que, si le conseil de (la demanderesse) a décidé
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de vendre de gré à gré le terrain à la (défenderesse), c’est que la
(défenderesse) avait décidé à un moment ou à un autre d’acquérir le terrain,
éventuellement par le biais de l’expropriation forcée si nécessaire. En date du
1er octobre 1990, le collège communal a écrit ‘qu’en sa séance du 25
septembre dernier, notre collège a décidé d’acquérir, pour cause d’utilité
publique, le terrain [...]’ (pièce 13). Le comité d’acquisition fut chargé
d’entamer la procédure d’acquisition. En date du 28 novembre 1990, le comité
d’acquisition, agissant pour compte de la (défenderesse), a adressé à la
(demanderesse) un projet de promesse de vente ainsi qu’un projet de
délibération du conseil de fabrique. Ce dernier contient : ‘considérant
qu’aucun motif particulier ne s’oppose à l’aliénation du bien ci-dessus dont
l’expropriation a d’ailleurs été décrétée d’utilité publique ; que la fabrique
d’église n’a d’ailleurs d’autre alternative que la cession amiable pour cause
d’utilité publique ou l’expropriation judiciaire ; qu’il y a intérêt pour elle
d’éviter les frais, les pertes de temps et les aléas d’une procédure en justice,
l’indemnité offerte étant d’ailleurs satisfactoire’. Il est primordial de constater
qu’à l’époque, le comité d’acquisition a agi ‘pour compte de la commune de
Remicourt’ (pièce 14). Dès lors, avant la décision du conseil de fabrique du 22
janvier 1991 et avant la décision du conseil communal du 23 février 1991, il y
a eu une décision de principe d’expropriation pour cause d’utilité publique,
fût-elle implicite. Il n’empêche qu’il s’agit d’un acte administratif ayant existé.
C’est la raison pour laquelle la décision du conseil de (la demanderesse) du 22
janvier 1991 précise que l’aliénation de gré à gré est réalisée pour cause
d’utilité publique. La décision précise expressément quelle utilité publique il
convient à donner au terrain. Une telle mention n’aurait jamais été apposée
s’il (se fût) agi d’une vente tout à fait classique. (...). Tout cela démontre que la
décision d’expropriation a existé et que la cession de gré à gré était la solution
la plus raisonnable ».
L’arrêt, qui considère que la vente de gré à gré a eu lieu en dehors
d’une procédure d’expropriation et que « la lecture des pièces antérieures à la
vente du 29 janvier 1992 le confirme, aucune de ces pièces ne faisant la
moindre référence à une quelconque expropriation », laisse sans réponse le
moyen précité des conclusions de la demanderesse, spécialement en ce que
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celle-ci se référait au texte du projet de délibération de son conseil que lui
avait adressé le comité d’acquisition des immeubles qui avait été chargé par la
défenderesse d’entamer la procédure d’acquisition, projet de délibération où
se trouvait expressément exprimée l’absence de choix de la demanderesse
quant à la cession, dès lors que « l’expropriation a été déclarée d’utilité
publique », ce qui démontrait que la décision d’expropriation avait existé.
L’arrêt n’est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l’article
149 de la Constitution).
Troisième branche
La pièce n° 14 du dossier des pièces de la demanderesse soumis à la
cour d’appel, à laquelle la demanderesse se référait dans les conclusions citées
dans la deuxième branche du moyen, était une lettre adressée le 28 novembre
1990 à la demanderesse par le ministère des Finances, administration de la
taxe sur la valeur ajoutée, de l’enregistrement et des domaines, comité
d’acquisition des immeubles, à laquelle était joint, « aux fins de délibération »,
« le projet de délibération dans le chef de votre conseil ». Ce projet de
délibération contenait les termes suivants : « considérant que, pour les besoins
de la construction d’un nouveau complexe scolaire, la commune de Remicourt
postule la cession amiable du terrain désigné ci-après appartenant à la
fabrique d’église ; (...) considérant que l’indemnité offerte de 2.240.000 francs
est équitable et qu’elle comprend l’indemnité de remploi (...) ; considérant
qu’aucun motif particulier ne s’oppose à l’aliénation du bien ci-dessus dont
l’expropriation a d’ailleurs été décrétée d’utilité publique ; considérant que la
fabrique d’église n’a d’autre alternative que la cession amiable pour cause
d’utilité publique ou l’expropriation judiciaire ; qu’il y a intérêt pour elle
d’éviter les frais, les pertes de temps et les aléas d’une procédure en justice,
l’indemnité étant d’ailleurs satisfactoire (...), décide de céder de gré à gré à la
commune de Remicourt le bien désigné ci-dessus, moyennant le prix de
2.240.000 francs, toutes indemnités comprises ».
En considérant qu’aucune pièce du dossier antérieure à la vente du 29
janvier 1992 « ne fait la moindre référence à une quelconque expropriation »,
l’arrêt refuse ainsi de reconnaître que le projet de délibération précité envoyé
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à la demanderesse par le comité d’acquisition des immeubles contenait la
constatation que l’expropriation du bien pour cause d’utilité publique avait été
décrétée, en sorte que la demanderesse n’avait d’autre choix que la cession
amiable pour cause d’utilité publique ou l’expropriation judiciaire.
L’arrêt viole ainsi la foi due à l’acte écrit précité, en en donnant une
interprétation inconciliable avec ses termes (violation des articles 1319, 1320
et 1322 du Code civil).
III.
La décision de la Cour
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée par la défenderesse au moyen,
en cette branche, et déduite du défaut d’intérêt :
L’examen de la fin de non-recevoir est étroitement lié à celui du moyen,
en cette branche.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement :
L’article 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique dispose, en ses alinéas 1er et 2, que, si les terrains acquis pour
cause d’utilité publique ne reçoivent pas cette destination, un avis publié de la
manière indiquée à l’article 6, titre II, de la loi du 8 mars 1810 fait connaître les
terrains que l’administration est dans le cas de revendre. Dans les trois mois de
cette publication, les anciens propriétaires qui veulent réacquérir la propriété
desdits terrains sont tenus de le déclarer, à peine de déchéance. À défaut par
l’administration de publier cet avis, les anciens propriétaires, ou leurs ayants
droit, peuvent demander la remise desdits terrains, et cette remise sera
ordonnée en justice sur la déclaration de l’administration qu’ils ne sont plus
destinés à servir aux travaux pour lesquels ils ont été acquis.
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Cette disposition vise tous les modes d’acquisition, amiable ou forcée
par l’expropriation par voie judiciaire conformément aux articles 1er à 22 de la
loi du 17 avril 1835, pour cause d’utilité publique.
Il ressort de l’arrêt que la défenderesse a souhaité acquérir le terrain de
la demanderesse « pour cause d’utilité publique en vue d’y construire un
nouveau complexe scolaire », que la demanderesse a décidé d’aliéner ce terrain
« de gré à gré » « pour cause d’utilité publique » et que le conseil communal de
la défenderesse a décidé cette acquisition « pour cause d’utilité publique ».
En refusant à la demanderesse le droit d’obtenir la rétrocession du
terrain vendu après que le projet de construction d’une école eut été
abandonné, au motif que le bien litigieux n’a pas fait l’objet d’une procédure
d’expropriation précédée d’une loi ou d’un arrêté royal autorisant les travaux
qui la rendent nécessaire, mais qu’il a été cédé de gré à gré, l’arrêt viole les
articles 1er et 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt
cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du
fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Didier
Batselé, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononcé en
25 OCTOBRE 2012
C.11.0496.F/12
audience publique du vingt-cinq octobre deux mille douze par le président de
section Albert Fettweis, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec
l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont
M. Lemal
M. Delange
M. Regout
D. Batselé
A. Fettweis