article vedette - jeu vidéo bully _3_.doc
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Article vedette L’équipe conceptrice des scénarios qui travaille pour l’entreprise de jeux vidéo Rockstar à Vancouver n’avait probablement pas en tête la tragédie du suicide chez les adolescents et adolescentes lorsqu’elle a eu l’idée de faire de l’intimidation à l’école une « comédie ». Malheureusement, le personnel enseignant ne peut pas se permettre d’ignorer cette association. Éducatrices et éducateurs doivent faire face aux répercussions de l’intimidation quotidiennement. Ils voient régulièrement des jeunes, qui souvent se collettent déjà avec la marginalité et sont même plus vulnérables émotionnellement que la plupart, lutter contre l’effondrement de leur estime de soi, l’échec scolaire et la dépression. Certains perdent la bataille et finissent par gâcher leur avenir à force de désespoir et de détresse. Megan Meier, la jeune fille de 13 ans du Missouri qui s’est suicidée l’an dernier après avoir été victime d’intimidation en ligne, n’est qu’un exemple de jeunes ainsi diminués car ils et elles sont légion. Toutefois, les médias ne couvrent généralement pas beaucoup les suicides chez les adolescents et adolescentes — en grande partie parce que les journalistes responsables comprennent que les reportages sur les jeunes misérablement déprimés qui se donnent la mort inspirent souvent d’autres jeunes à leur emboîter le pas. Si seulement les fabricants de jeux vidéo n’avaient que la moitié de cette conscience morale. Il est difficile de savoir par où commencer lorsqu’il s’agit de faire une critique du jeu vidéo Bully récemment actualisé. Son orientation sexiste campe des jeunes filles dans des personnages stéréotypés, soit des meneuses de claque séductrices ou des nullités obèses. Malgré le multiculturalisme qui caractérise la ville où se trouve l’entreprise qui fabrique le jeu, sans compter le marché mondial auquel celle-ci veut certainement plaire, le seul clin d’œil que fait Bully à la diversité s’incarne dans un sportif qui s’exprime par monosyllabes et qui, comme par pur hasard, est noir. Outre la place qu’il accorde à la blessure grave et à l’insulte, le jeu réduit l’intimidation malveillante à une simple blague faite un après-midi. Les joueurs et joueuses obtiennent des points supplémentaires lorsqu’ils réussissent, dans le contexte du jeu, à terroriser d’autres élèves en leur submergeant la tête dans la cuvette, en les photographiant nus et en les agressant physiquement. Comme ils ont apparemment dépassé le stade de leur propre adolescence — période dans la vie où certains adolescents et adolescentes vivent dans la crainte de tels incidents et où d’autres sombrent dans un marasme absolu en conséquence de l’intimidation —, les fabricants de Bully défendent avec désinvolture le jeu en invoquant son extraordinaire popularité. Selon eux, l’objectif du caractère principal, Jimmy, qui est chargé de débarrasser l’école de l’intimidation, envoie un message positif. Tant pis s’il doit se livrer à une intimidation encore plus musclée à l’égard des élèves coupables des actes d’intimidation pour atteindre son objectif. En outre, le fait qu’il est obligé d’apprendre à s’excuser est diminué par cette autre leçon qu’il maîtrise tout à fait : celle de lancer des railleries encore plus destructrices. Dans le souci d’encourager Rockstar et d’autres producteurs en médias à prendre leur responsabilité en tant qu’entreprise plus au sérieux, une coalition d’éducatrices et d’éducateurs répartis aux quatre coins du monde se mobilise pour condamner l’intimidation et les personnes qui en font la promotion. De surcroît, elle invite les parents, les entreprises et les organismes sans but lucratif à appuyer ses efforts. Certains magasins de détail au Royaume-Uni ont déjà indiqué qu’ils ne vendront pas ce jeu. Nous prions instamment leurs homologues en Amérique du Nord (remplacer par d’autres pays/continents ici) de faire de même. La violence médiatique à elle seule n’amène pas les jeunes à faire du mal aux autres. Néanmoins, quantité de recherches évaluées par les pairs sont formelles : lorsque la violence est glorifiée et sert à divertir, lorsque les scénarios présentés sont réalistes et banals, lorsque la trame de l’histoire justifie la revanche — les jeunes consommatrices et consommateurs des médias sont plus susceptibles d’imiter la violence qu’ils voient et de croire que la violence constitue la solution inévitable et la plus efficace aux problèmes de la vie. Au cours des dernières années, la capacité de la technologie moderne des communications électroniques a fait monter les enjeux. L’anonymat de la cyberintimidation et le fait que la terrorisation d’une autre personne n’exige plus des prouesses physiques ou une force numérique rend ces actes encore plus faciles à commettre et plus difficiles à contrer. Qui plus est, comme les victimes en ligne ignorent souvent qui les intimide et que bon nombre d’autres personnes peuvent en secret être témoins de l’intimidation et du harcèlement ou se prêter à ces activités, les effets psychologiques risquent d’être encore plus néfastes. Dans le monde entier, des communautés et des écoles consacrent des millions de dollars à l’élaboration de ressources et de stratégies visant à prévenir l’intimidation et à combattre ses effets pernicieux. Des jeux, tel Bully, contrecarrent ces initiatives. En présentant l’agression et l’intimidation comme une source de divertissement, en banalisant leurs effets et en suggérant qu’elles peuvent donner matière à une comédie, l’entreprise Rockstar normalise et excuse essentiellement le comportement violent. Comme nous exprimons publiquement nos préoccupations et cherchons à sensibiliser la population à l’importance de ces questions, nous comprenons que probablement plus de gens découvriront l’existence de ce déplorable jeu. Cependant, nous croyons que le bien-être des élèves vulnérables dans chaque communauté appelle un effort collectif et proactif dans leur intérêt. Nous encourageons les magasins de détail à s’abstenir de vendre ce jeu et tout autre jeu destructeur; nous incitons les parents à suivre de près l’usage des médias que font leurs enfants et à leur expliquer le contexte social dans lequel s’inscrivent les valeurs et les messages qui compromettent notre sécurité collective et individuelle; finalement, nous faisons appel aux sentiments les plus nobles des producteurs de jeux eux-mêmes. L’absence de liens clairs et directs avec les fabricants désinvoltes de jeux vidéo dans les recherches ne décharge pas pour autant ces entreprises de leur responsabilité d’agir avec éthique. Emily Noble, présidente, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE); Réjean Parent, président, Centrale des syndicats du Québec (CSQ); Reg Weaver, président, National Education Association (NEA), aux États-Unis; Steve Sinnott, secrétaire général, National Union of Teachers (NUT); Ann Bellinger, présidente, Scottish Secondary Teachers’ Association (SSTA); Angelo Gavrielatos, président, Australian Education Union (AEU); Kim Dong-suk, porte-parole, Korean Federation of Teachers’ Association (KFTA); Adolph Cameron, président, Caribbean Union of Teachers (CUT); Fred van Leeuwen, secrétaire général, Internationale de l’Éducation