Les cahiers du - Wolters

Transcription

Les cahiers du - Wolters
R
DH
Les
cahiers
du
LA REVUE DU DROIT DES RESSOURCES HUMAINES
DOSSIER
Le licenciement économique
« aujourd’hui »
LECTURE
Le management
à l’école du rugby
LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Faut-il un plan anti-Halde ?
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Durée du travail :
un droit du paradoxe
Mensuel – N° 135 – Septembre 2007
ÉDITORIAL
Ravalement ou
reconstruction ?
L
e chef de l'Etat vient de tracer les contours d'un « nouveau contrat
social, profondément renouvelé et différent ».
En deux mots, il faut simplifier. Le chantier est gigantesque.
A commencer par notre droit de la durée du travail.
Jacques Barthélémy ne cesse de le dire : c’est un droit technocratique, tatillon,
entortillé, incompréhensible, inapplicable et inappliqué. C’est l’ensemble de
son architecture qui doit donc être remanié pour lui donner plus de cohérence
et d’efficacité.
Inutile de percer de nouvelles fenêtres pour créer des courants d’air dans l’espoir
d’évacuer les effluves délétères des 35 heures. Ce n’est plus la façade qu’il faut
modifier, c’est à la reconstruction de tout l’édifice
Revenir
aux fondamentaux
qu’il faut s’attaquer, en commençant, comme au
rugby, par les fondamentaux : les fondations et
les murs porteurs.
Mal conçus, ils sont aujourd’hui la cause de graves fissures.
La loi entre dans les détails et corsète la créativité des partenaires sociaux dont
elle semble se défier. Ce faisant, elle multiplie les sources de contentieux.
Alors qu’elle devrait, au nom de sa fonction protectrice, s’attacher uniquement
aux murs de soutènement : durées maximales, repos minimum, etc., et laisser
aux partenaires sociaux le choix des aménagements et de la décoration intérieurs :
cadre d’appréciation et répartition de la durée du travail, majorations de salaire, etc.
Mais pour que cela puisse se faire de manière équilibrée, en conciliant efficacité
économique et avancées sociales, les accords doivent être signés avec des
interlocuteurs légitimes, c’est-à-dire majoritaires. C’est la meilleure garantie
contre les malfaçons sociales car, pour obtenir alors de la souplesse, il faudra
inévitablement accorder des contreparties significatives. Mais avec à la clé,
n’en doutons pas, la promesse de belles moissons pour les temps futurs.
Alain Dupays
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
1
SOMMAIRE
DES CAHIERS DU DRH
N° 135
ÉCLAIRAGE D’ANDRÉ DERUE
LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Le controle Urssaf
nouveau est arrivé !
Faut-il un plan
anti-Halde ?
Si en principe les sondages « ne se trompent jamais »,
là ce sont les entreprises qui sont trompées. Sous couvert
d’améliorer les « droits des cotisants », ce sont les moyens
de contrôle des Urssaf qui sont renforcés, en les autorisant
à procéder à des vérifications sur pièces ou à recourir au
redressement par sondage. Pourvu que tout cela ne se
transforme pas en carottage ! P. 3
Face au « testing », testez vos réactions !
Sinon, faute d’apporter la preuve de votre innocence,
vos arguments ne vaudront pas un « COPEC ».
C’est toute une culture d’entreprise qu’il faut donc modifier.
Mais avant la mise en place d’un plan antidiscrimination,
la désignation d’un « Monsieur Diversité » ou la rédaction
d’une charte, des mesures d’urgence s’imposent.
D’abord, rendre objectifs les critères de refus d’une
candidature. P. 30
LECTURE
Le management
à l’école du rugby.
De Brennus au gouvernement, le rugby mène à tout.
Ecole de l’abnégation, du sacrifice et de la solidarité, sport
à la fois collectif et individuel, culte de la passe décisive…,
pourquoi ne pas adapter ces valeurs à l’entreprise ?
C’est le parti pris des auteurs de cet ouvrage qui utilisent
la métaphore sportive pour proposer aux managers de
développer leurs compétences et celles de leurs équipes.
Bref, tout pour faire vibrer le cuir plutôt que gérer
des ronds de cuir ! P. 9
DOSSIER
Le licenciement
économique
« aujourd’hui »
Pourquoi moi et pas lui ? Pour quelle raison ?
On va vous l’expliquer.
C’est l’ordre des licenciements, leur notification et la priorité
de réembauchage qui sont au menu, ce mois-ci. P. 40
BLOC-NOTES
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHELEMY
Durée du travail :
un droit du paradoxe
La loi, l’accord et le contrat… Non, ce n’est pas un western
oublié de Sergio Leone ! C’est l’architecture que devrait
respecter notre droit de la durée du travail.
A la loi la fixation des principes, à l’accord leur adaptation
au terrain et les précisions de détail et au contrat leur
déclinaison individuelle.
Jacques Barthélémy démontre qu’on en est encore très loin,
malgré la volonté politique affichée. La réalité est celle d’un
droit rempli de paradoxes où la loi se mêle du détail et se
défie de la créativité des partenaires sociaux. Le résultat,
c’est une technocratisation et une complexité accrue d’un
droit devenu inefficace. Quand nul n’est censé comprendre
la loi… attention, danger ! P. 18
2
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Rendez-vous P. 56
ÉCLAIRAGE
D’ANDRE DERUE
Le contrôle Urssaf
nouveau est arrivé !
Quelques semaines avant le beaujolais est arrivé le contrôle Urssaf nouveau !
Le cru est prometteur mais charpenté et long en bouche. Et pourtant, cela
faisait longtemps que l’on attendait une réforme, une vraie, du droit
du contrôle Urssaf.
C’est maintenant chose faite avec le décret du 11 avril 2007.
C
urieusement relatif aux
« droits des cotisants », c’est
en tout cas son intitulé, le
décret du 11 avril 2007 (1),
sorti dans l’indifférence générale, ne va pas laisser insensibles très longtemps les praticiens du contrôle Urssaf, au
premier rang desquels il convient bien sûr
de placer les entreprises, puisque l’essentiel
de ses redoutables dispositions sont entrées
en vigueur le 1er septembre dernier.
Nous ne commenterons pas ici chacune des
nombreuses mesures du dispositif nouveau
qui, à bien des égards, « révolutionnent » la
matière de telle sorte que de longs développements devraient y être consacrés (2).
Nous nous limiterons donc, pour cette fois, à
quelques observations sur deux des mesures
nouvelles qui sont, à notre sens, emblématiques de certains des objectifs de la réforme.
Vérifications
sur pièces…
Du « sur place » au « sur pièces »
Par André Derue
André Derue est Avocat, conseil
en Droit Social, Associé du Cabinet
Jacques Barthélémy et Associés
dont il est membre du conseil
scientifique et Responsable
du Bureau de Lyon. Il est l’auteur
de près d’une centaine d’articles,
contributions et ouvrages
essentiellement en Droit
de la sécurité sociale.
Reprenant à son compte une pratique largement répandue, en lui donnant dorénavant un fondement juridique qui ne rendra
plus contestable ce contrôle, le décret du
11 avril 2007 réglemente la possibilité de
« contrôles sur pièces », sous la dénomination
de « vérifications ».
Il ne s’agit plus ici de contrôler l’entreprise
dans ses locaux ou de procéder à un contrôle
de celle-ci dans les locaux de l’Urssaf, faculté
également reconnue dans certains cas par le
décret d’avril.
Si les textes nouveaux utilisent le terme de
« vérification », c’est sans doute pour bien marquer la différence qu’il y a désormais entre
un contrôle qui se réalise nécessairement en
présence du cotisant ou de ses représentants
et une vérification qui est une opération unilatérale et solitaire menée dans les locaux de
l’Urssaf hors de leur présence.
C’est le sens du nouvel article R. 243-43-3 du
On connaissait jusqu’à présent le contrôle « sur
place » dans les locaux mêmes de l’entreprise,
Code de la sécurité sociale qui prévoit que
les organismes de recouvrement procèdent
à la vérification de l’exactitude et de la confor-
tel qu’il est organisé par le fameux article
R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.
mité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises.
(1) D. no 2007-546, 11 avr. 2007, JO 13 avr. (2) Voir « Contrôle Urssaf : du nouveau... ! », H.-G. Bascou, J.-C. Ranc et F. Taquet, CDRH no 134, juill. 2007.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
3
ÉCLAIRAGE
D’ANDRÉ DERUE
A cet effet, ils peuvent rapprocher les informations qui résultent des déclarations de l’entreprise avec d’autres documents que celleci a déjà transmis ou produits elle-même et
avec les informations que d’autres « institutions » peuvent également et légalement leur
communiquer.
La sécurisation réglementaire à destination
des Urssaf, des vérifications qu’elles mènent
sur le contenu des déclarations qui lui sont
transmises, ne soulève pas de critique sur le
principe.
Il en est d’ailleurs de même de la possibilité, désormais actée dans le nouvel article
R. 243-43-3 du Code de la sécurité sociale,
pour les organismes de demander par écrit à
l’entreprise de leur communiquer tout document ou information complémentaire nécessaire pour procéder à de telles vérifications.
Vérification « sur pièces »
sans vérification préalable
« sur place »
du 1er septembre 2007, puisque le nouvel article R. 243-43-4 du Code de la sécurité sociale prévoit que l’organisme de recouvrement peut envisager un redressement à l’issue
de sa vérification.
Procédure
Pour pouvoir procéder valablement à un
contrôle « sur pièces », le contrôleur de l’Urssaf doit aviser l’entreprise par lettre recommandée avec demande d’avis de réception :
- des déclarations et des documents qu’il a
examinés lors de sa vérification ;
- des périodes auxquelles se rapportent ceuxci ;
- du motif, du mode de calcul et du montant
du redressement envisagé ;
- de la faculté dont l’entreprise dispose de se
faire assister d’un conseil de son choix pour
répondre aux observations faites (sa réponse
devant être notifiée à l’organisme de recou-
de la sécurité sociale.
vrement dans un délai de trente jours) ;
- et enfin du droit pour l’Urssaf d’engager la
mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue du délai précité.
Si, dans le délai de trente jours, l’entreprise
a fait part de ses observations, ce qui ne
constitue d’ailleurs nullement une obligation pour elle même si elle entend contester ultérieurement le redressement notifié,
Or, cette question n’a plus lieu de se poser
pour les « vérifications » engagées à compter
l’Urssaf a l’obligation de lui indiquer par
courrier si elle maintient ou non sa décision
La question s’était posée de savoir si des vérifications « sur pièces » pouvaient entraîner
un redressement, ou s’il convenait que tout
redressement soit nécessairement précédé
du respect de la procédure de contrôle sur
place prévue par l’article R. 243-59 du Code
Notification de la vérification « sur
pièces »
effectuée par l’Urssaf (LAR)
30 jours maximum
30 jours
Observations de
l’entreprise
Silence de l’entreprise
30 jours minimum
Aucun délai maximum
Réponse de l’Urssaf
Aucun délai minimum
Procédure de
recouvrement
4
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Procédure de
recouvrement
ÉCLAIRAGE
D’ANDRE DERUE
de redressement. Rien n’impose toutefois à
l’Urssaf de motiver sa réponse, ce que l’on
dont un exemplaire doit par ailleurs être
remis à l’entreprise.
regrettera vivement.
La mise en recouvrement des cotisations correspondantes, ainsi que des majorations et
Or, s’il résulte du deuxième alinéa de l’article R. 243-59-2 du Code de la sécurité sociale que l’entreprise peut s’opposer à l’uti-
des pénalités de retard, peut être engagée soit
à l’issue du délai de trente jours dans le cas
où l’entreprise n’a pas fait part de ses pro-
lisation de telles méthodes, à la condition
d’en informer l’inspecteur du recouvrement
par écrit dans les quinze jours suivant la re-
pres observations dans ce délai, soit après
l’envoi par l’Urssaf du courrier par lequel elle
répond à ces observations.
mise des documents précités, on relèvera
que demander à l’entreprise de s’opposer
éventuellement à l’utilisation de telles tech-
Sondages…
De l’accord préalable
à l’absence de refus
de l’entreprise contrôlée
niques n’est pas du tout comparable qualitativement à la défunte exigence jurisprudentielle qui faisait peser sur l’Urssaf
l’obtention d’un accord préalable de l’entreprise !
Effets dissuasifs des refus
Fort habilement, il semble, à première lecture, que le nouvel article R. 43-59-2 du Code
de la sécurité sociale consacre la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle,
à défaut d’accord préalable de l’entreprise,
l’utilisation par l’organisme de recouvrement d’une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation n’est pas licite
dès lors que cette dernière a à sa disposition tous les éléments permettant d’établir
un redressement sur des bases réelles (3).
Tout est fait dans le texte nouveau pour réfréner toute velléité de refus de la part de
l’entreprise !
Qu’on en juge : dès lors qu’elle s’est opposée
à l’utilisation de telles techniques, l’inspecteur
du recouvrement doit lui faire connaître :
- le lieu dans lequel les éléments nécessaires
au contrôle doivent être réunis ;
- ainsi que les critères, conformes aux nécessités du contrôle, selon lesquels ces éléments
doivent être présentés et classés.
C’est ainsi que le premier alinéa du nouvel
article R. 243-59-2 du Code de la sécurité
sociale prévoit que les inspecteurs du recou-
On ne peut qu’être surpris que le refus exprimé par l’entreprise à l’utilisation d’une
technique de sondage permette à l’inspec-
vrement peuvent proposer à l’entreprise
d’utiliser des méthodes de vérification par
teur du recouvrement d’exiger unilatéralement de celle-ci ce qu’il n’est pas en mesure
d’imposer lors d’un contrôle « classique », à
échantillonnage et extrapolation. A cet effet, l’inspecteur du recouvrement doit remettre à celle-ci, au moins quinze jours avant
le début de l’utilisation de telles techniques,
un document lui indiquant les différentes
phases de la mise en œuvre de ces méthodes ainsi que les formules statistiques utilisées pour leur application, lesquelles ont
été définies par un arrêté du 11 avril 2007
savoir un lieu de remise des documents selon des critères de classement et de présentation qu’il aura choisis.
Le fait que l’entreprise dispose de la faculté
de faire valoir ses observations en réponse
dans un délai de quinze jours n’est qu’un
leurre destiné à instrumentaliser l’idée d’un
vain débat contradictoire car, en toute hypo-
(3) Cass. soc., 24 oct. 2002, no 01-20.699.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
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ÉCLAIRAGE
D’ANDRÉ DERUE
Proposition de l’Urssaf de recours à
la technique de l’échantillonnage
(par écrit)
15 jours maximum
15 jours
15 jours maximum
Refus écrit de l’entreprise
Silence de l’entreprise
Accord de l’entreprise
Aucun délai maximum
Réalisation du sondage
Notification du recours au
contrôle classique
Observations de l’Urssaf
15 jours maximum
30 jours
30 jours maximum
Silence de l’entreprise
Contestation de l’entreprise
Aucun délai maximum
30 jours maximum
Procédure de recouvrement
Communication du chiffrage
réalisé par l’entreprise
Observations de l’entreprise
Aucun délai maximum
Fixation des modalités du
contrôle
Aucun délai maximum
Réalisation du contrôle
Aucun délai maximum
Procédure de recouvrement
thèse, c’est l’inspecteur qui a le « dernier »
mot puisqu’il notifiera à celle-ci « le lieu et les
critères qu’il a définitivement retenus » !
Seule la fixation du délai pour la mise à disposition des éléments demandés doit se faire
d’un commun accord dans la limite maxi-
d’extrapolation envisagée pour chacun
d’eux. Fort heureusement, l’entreprise peut
présenter ses observations tout au long de
la mise en œuvre de ces méthodes et son
désaccord écrit impose une réponse écrite
de l’inspecteur du recouvrement, mais mal-
male de soixante jours.
heureusement pas une réponse motivée.
Comme si cela ne suffisait pas, le texte précise que si les conditions précitées ne sont
pas remplies, l’opposition de l’entreprise
« ne peut être prise en compte », ce qui signi-
Par ailleurs, dans sa lettre d’observations,
telle que prévue par l’article R. 243-59 du
Code de la sécurité sociale, l’inspecteur
ayant utilisé de telles techniques doit
fie que l’utilisation de méthodes de contrôle
par échantillonnage et extrapolation peut
alors lui être imposée.
préciser :
- la population faisant l’objet des vérifications ;
Garanties procédurales
- les critères retenus pour procéder au tirage
des échantillons ;
En revanche, légitime est l’exigence qui
pèse sur l’inspecteur d’informer l’entreprise des critères utilisés pour définir les
populations examinées, le mode de tirage
des échantillons, leur contenu et la méthode
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
- le contenu des échantillons ;
- les cas atypiques qui ont été exclus ;
- les résultats obtenus pour chacun des échantillons ;
- la méthode d’extrapolation appliquée ;
ÉCLAIRAGE
D’ANDRE DERUE
- les résultats obtenus par application de cette
méthode aux populations ayant servi de base
au tirage de chacun des échantillons.
Dans le délai de trente jours suivant la com-
Il n’est nulle intention de notre part de nier
qu’une sécurité juridique accrue a été offerte
munication de la lettre d’observations par
l’inspecteur du recouvrement, l’entreprise
peut informer, par lettre recommandée avec
depuis quelques années aux entreprises.
Il en est ainsi, notamment, et peut être surtout, des dispositions contenues dans l’ordonnance du 6 juin 2005 (4), relatives au rescrit et à l’opposabilité des circulaires
demande d’avis de réception, l’organisme de
recouvrement de sa décision de procéder au
calcul des sommes dont elle est redevable ou
ministérielles publiées. Il en est ainsi également de certaines des dispositions du décret du 11 avril 2007, par exemple en ce qui
qu’elle a indûment versées pour la totalité des
salariés concernés par chacune des anomalies constatées sur chacun des échantillons
utilisés. L’entreprise dispose ainsi de la faculté
de chiffrer elle-même son redressement… !
Une telle possibilité fait courir un nouveau
concerne la mise en œuvre des modalités
de saisine de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale lorsqu’une entreprise est confrontée à des interprétations
contradictoires de la part de différentes
Urssaf…
délai de trente jours pendant lequel l’entreprise doit adresser à l’inspecteur du recouvrement les résultats de ses calculs, accom-
En revanche, on ne peut nier qu’une bonne
part des objectifs poursuivis par le décret du
11 avril porte sur la sécurisation juridique
pagnés des éléments permettant de s’assurer
de leur réalité et de leur exactitude, ce dont
l’inspecteur peut s’assurer en procédant à
l’examen d’un nouvel échantillon.
de certaines pratiques des organismes de recouvrement dont la validité était contestée.
L’exemple des sondages est de ce point de
vue remarquable.
Quelle que soit l’appellation donnée (sondage, échantillonnage, extrapolation…), de
telles techniques sont depuis de nombreuses années utilisées de manière récurrente
par les organismes de recouvrement à l’occasion de leurs contrôles.
De manière non moins systématique, l’utilisation de telles techniques, dès lors qu’el-
Double objectif
de la réforme
Les deux illustrations ci-dessus, tirées des
vérifications sur pièces et des sondages, participent à un double objectif qui, en réalité,
n’a strictement rien à voir avec les « droits
des cotisants » mis au fronton du décret du
11 avril 2007.
Ces deux objectifs traversent de toutes parts
les dispositions nouvelles au travers des deux
exemples précités.
Il s’agit d’atteindre un objectif de sécurité et
d’optimisation des contrôles et vérifications.
Sécurité juridique
Nous voulons parler ici, bien évidemment, de
la sécurité juridique des organismes de recouvrement et non de celle des entreprises.
les n’avaient pas fait l’objet de l’approbation
de l’entreprise, était, à chaque fois que cette
dernière contestait la validité du redressement dont il faisait l’objet, annulée par les
tribunaux.
De ce point de vue, le décret du 11 avril
2007 offre une incontestable sécurité juridique pour les Urssaf en leur permettant,
dans des conditions particulièrement aisées,
de pratiquer de telles méthodes, l’entreprise
étant fortement invitée à ne pas s’opposer
à celles-ci.
(4) Ord. no 2005-651, 6 juin 2005, JO 7 juin.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
7
ÉCLAIRAGE
D’ANDRÉ DERUE
Optimisation des contrôles
De tels objectifs sont facilement identifiables
dans bien d’autres mesures du décret du
L’objectif d’optimisation du contrôle est également omniprésent dans de nombreuses
11 avril 2007, qu’il s’agisse de l’accès et de
l’utilisation des moyens informatiques qui
font l’objet du nouvel article R. 243-59-1 du
dispositions du décret du 11 avril 2007.
Il est d’ailleurs particulièrement respectable
puisqu’il vise à économiser le temps des agents
des organismes de recouvrement de telle manière que les redressements envisageables interviennent dans des conditions optimales.
Les sondages en sont une utile illustration.
En effet, en évitant des contrôles exhaustifs,
dont la Cour de cassation a proclamé pendant de nombreuses années qu’ils étaient la
seule méthode de nature à fonder juridiquement un redressement, au profit de l’utilisa-
sécurité sociale, ou encore de l’extension
considérable du champ de la taxation forfaitaire telle qu’elle résulte de la modification
de l’article R. 242-5 du même Code.
tion de techniques d’échantillonnage et d’extrapolation, le gain de temps est considérable
et précieux. Cela permet aux agents des organismes de recouvrement de procéder à des
redressements parfois conséquents, dans
des délais optimum.
Il en est de même en ce qui concerne les vérifications sur pièces. D’une part, elles évitent de procéder obligatoirement à des contrôles sur place avant de notifier un redressement,
ce qui constitue un gain de temps conséquent.
D’autre part, de telles vérifications peuvent
être faites par tout agent de l’Urssaf, ce qui
dégage en conséquence un temps précieux
pour que les inspecteurs du recouvrement
Les nécessités du financement du régime général de Sécurité sociale ont leurs raisons
que la raison commune ne connaît point.
Ces raisons sont bien évidemment particulièrement respectables.
Toutefois, on ne peut occulter, sur le terrain
des principes, qu’un nécessaire équilibre doit
être trouvé dans la relation entre l’organisme
en charge du contrôle et le contrôlé dont la
nécessaire protection doit être assurée.
Il est peu probable que les termes du décret du 11 avril 2007 parviennent à un tel
objectif.
On ne peut qu’espérer, et à la vérité nous ne
doutons pas un instant que le comportement
des organismes du recouvrement et de leurs
se consacrent à des contrôles sur place ou
à des contrôles dans les locaux de l’Urssaf,
lorsque ceux-ci peuvent avoir lieu, depuis le
inspecteurs, sous l’œil bienveillant de leurs
autorités de tutelle, rétablira ce qu’un décret
n’a pas voulu faire. décret du 11 avril 2007.
8
Code de la sécurité sociale, des possibilités
de contrôle dans les locaux de l’Urssaf prévues par l’article R. 243-59-3 du Code de la
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
LECTURE
Le management
à l’école du rugby
Par
Alexandre
Reymann
d’après l’ouvrage
de Jacques Delmas,
François Leccia
et Loïck Roche
Retrouver les fondamentaux du management
Les valeurs du rugby ne sont pas si éloignées de celles de l'entreprise
quand elles s'appellent volonté, combativité, courage, surpassement de soi,
solidarité, esprit d'équipe, défense du maillot, défense du village,
amour et fierté, courage et altruisme.
Dans la compétition économique mondiale qui se joue au quotidien,
les entreprises ont donc sans doute beaucoup d'enseignements
à tirer de ce sport.
«
Pour reprendre le slogan de la
Fédération française de rugby,
« le sport, une école de la vie »,
le rugby peut être une formidable école de vie pour l’entreprise. Plus que le sport d’une façon générale, le rugby recèle en effet au moins trois
atouts qui participent à créer un esprit d’équipe
tout à fait particulier et très proche de celui
qui doit animer les hommes et les femmes qui
font l’entreprise.
- le respect ;
- la solidarité.
Cela signifie aller chercher au plus profond
de soi des ressources physiques et mentales
pour aider son partenaire lorsque celui-ci se
trouve en difficulté et donc, le plus souvent,
accepter, pour aller au contact, de prendre
des coups et risquer de tomber ;
- l’humilité.
Au rugby, l’humilité va de paire avec l’excellence. Comme l’excellence est fragile et tou-
Très tôt, le rugby, ou plus sûrement ce qui n’était
sans doute encore qu’un entre-deux entre le
rugby et le football, a été utilisé pour forger les
jours à réinventer, si les joueurs ne se remettent pas en cause, même après une victoire,
alors, non seulement ils n’avancent plus,
caractères, modeler les qualités de fair-play, développer de vraies personnalités et ainsi pré-
mais pire, ils risquent, par manque de vigilance, de concentration ou de baisse de
parer au mieux les étudiants aux responsabilités du monde de l’entreprise.
Son deuxième atout réside dans la nature même
condition physique, de se blesser très gravement.
Regarder ce qui marche bien dans le monde
du rugby. C’est un sport de combat collectif
où chacun a sa place, quel que soit son gaba-
du rugby et, à partir de là, en tirer des enseignements utiles pour le monde de l’entreprise
rit (même si c’est un peu moins vrai au-
est tout à fait pertinent.
jourd’hui).
Son troisième atout est lié aux valeurs que le
Comme le rugby professionnel, l’entreprise
est engagée dans une compétition sans merci,
rugby véhicule :
un championnat qui sent la poudre et où seu-
- la convivialité ;
les les meilleures équipes survivent.
LE MANAGEMENT À
L’ÉCOLE DU RUGBY
Retrouver les
fondamentaux du
management
par Jacques Delmas,
François Leccia et
Loïck Roche
Ed. Dunod 2007
Collection Stratégies
et Management
224 pages
22 €
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
9
LECTURE
Match rugby/entreprise
fond de la personne un sursaut, des choses
qu’elle n’arrive pas à trouver spontanément
L’entreprise impose de travailler selon des objectifs, souvent à court terme, pour atteindre
en elle pour pouvoir les donner.
La motivation, c’est aussi réussir à faire en sorte
que la personne puisse réussir.
un objectif plus global sur un exercice.
Le rugby professionnel impose également
d’obtenir des résultats tous les week-ends si
l’on veut atteindre son objectif global à la fin
du championnat.
Comme dans l’entreprise, le suivi des objectifs, presque au quotidien, est très important.
L’atteinte des résultats à court terme est conditionnée par la nécessité d’une vision à long
terme. Dans le monde du rugby, comme dans
celui de l’entreprise, on est à la recherche de
compétitivité exacerbée et tout le monde doit
cours d’avant match, qu’on appelle la causerie. L’idée, c’est de toucher avec deux ou trois
mots et d’aller chercher le meilleur de chacun
des joueurs pour que tous donnent le meilleur
d’eux-mêmes. Il s’agit de cibler l’objectif et de
dire comment on va y arriver. La même démarche peut être utilisée dans les entreprises.
Projet
La différence essentielle entre une équipe de
rugby et une entreprise tient dans ce point
clé : les joueurs, et le plus souvent les personnes qui travaillent au sein d’un club, sont
passionnés par ce qu’ils font, au contraire de
ce qui se passe dans l’entreprise où c’est
rarement le cas.
La première raison tient en ce que beaucoup
n’ont jamais identifié ce qu’ils voulaient
vraiment faire de leur vie professionnelle.
La deuxième raison tient en ce que, parmi
rir un confort par rapport au championnat.
Pour ce qui est de l’entreprise, le fait de montrer une détermination pleine de sens est un
les personnes qui ont identifié ce qu’elles
voulaient en faire, toutes n’ont pas réussi à
le mettre en œuvre.
outil de management puissant, un de ceux
qui peut transformer un groupe et le conduire
à réaliser de grandes choses.
En terme de motivation, on voit tout de suite
la difficulté dans laquelle l’entreprise va se
trouver.
Donner du sens, c’est ce plus qui va faire qu’un
métier va être vécu comme passionnant et pas
seulement intéressant ou, pis, ennuyeux.
Passion des joueurs
Pour obtenir des joueurs un sursaut, pour les
Cette quête de sens permet aux joueurs, pourtant passionnés par ce qu’ils font, de trouver en eux les ressources nécessaires pour
pousser à se supasser, il n’y pas d’autres solutions que de les bousculer. Il ne faut pas parler à leur intellect, mais à leurs tripes. Ce qu’on
se surpasser sur le terrain. C’est cette même
quête de sens qui va, dans l’entreprise, pallier l’absence de passion des hommes et des
appelle motivation, c’est obtenir au plus pro-
femmes.
Engagement des hommes
10
coups contre le mur. Maintenant, on a un dis-
Pour réussir, que ce soit dans l’entreprise ou
sur un terrain de sport, il faut parvenir à penser autrement et à inscrire l’organisation dans
un projet, autrement dit, à lui donner du sens.
Le projet, c’est le référentiel. Il faut se projeter
en fixant des objectifs. Si l’on veut que les individus s’inscrivent dans ce projet, il faut leur
donner une vision et leur montrer ce qu’ils
vont devenir, s’ils peuvent progresser.
On peut, par exemple, légitimer l’importance
d’un match en ce qu’il va permettre d’acqué-
en être conscient.
Donner du sens,
c’est ce qui va faire
qu’un métier va
être vécu comme
passionnant
Dans le rugby du XXe siecle, on se mettait des
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le management à l’école du rugby
Fondamentaux
Le premier objectif consiste à travailler sur la
culture et les valeurs, autrement dit sur le terreau sur lequel le projet va pouvoir croître et
se développer.
Culture et valeurs communes
Force des histoires et des légendes
L’histoire d’un groupe, d’une équipe, peut devenir une épopée, une quête importante, un
voyage partagé dont les images donnent de la
force, une vision et une cohésion à un groupe,
et même un sens du destin… bref une légende !
Plus puissante que les discours, plus puissante même que les règles de travail, cette légende est un formidable outil pour donner
de la cohésion et développer un comportement véritablement positif chez les hommes
et les femmes d’une même équipe et, ainsi,
créer une culture très forte.
Une culture de groupe faite de participation
et de sacrifice, où même les plus grands athlètes arrivent à se départir de toutes formes
d’égoïsme, est le meilleur moyen de construire
une équipe qui gagne.
Famille
La famille est quelque chose de fondamental
dès lors que l’on parle de la culture et des valeurs dans le domaine du rugby.
Faire partie de la famille est une expression
courante dans le monde du rugby. Cela traduit aussi bien l’appartenance au milieu du
rugby que l’adhésion à une mentalité fondée
sur des valeurs d’engagement, d’amitié et de
fidélité. Cette notion de famille, bien qu’elle
renvoie à l’idée d’échanges et de rapports non
marchands, a toujours trouvé un écho particulier dans le monde de l’entreprise.
Au sein d’un club, on peut dire que la famille
est constituée de quatre groupes : les dirigeants, les entraîneurs, les joueurs et le public.
S’il est difficile d’établir un lien de corrélation
entre la dynamique des supporters et la victoire d’une équipe, ce qui est intéressant, c’est
le partage d’un sentiment d’appartenance et
d’un état d’esprit qui, parce qu’il repose sur
des valeurs fortes, justifie pleinement la place
du public au sein de la famille.
Le parallèle avec l’entreprise est possible si
l’on considère le public comme un segment
de clientèle du club. La place des clients, tout
comme celle du public, se situe « au cœur de
Rappel des racines
l’organisation ». Sans clients, il n’est pas d’entreprise, sans public, il n’est pas de spectacle.
Si l’existence de racines est importante, il est
tout aussi important de rappeler celles-ci.
Environnement « familial »
C’est ce qu’ont fait de nombreux clubs où, au
siège, les trophées, les photos, les fanions des
Au-delà du cercle familial, le club, comme l’entreprise, ne peut pas faire l’économie d’une ré-
équipes adverses sont autant de marques qui
évoquent le chemin parcouru, scandent les
flexion capable d’intégrer l’ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles
figurent ses partenaires.
étapes franchies et retracent des moments de
vie qui, en véhiculant des émotions et de l’affect, donnent un sens à l’identité collective.
Dans le même esprit, certaines sociétés, à
l’exemple de Citroën, ont créé des musées.
Ils sont autant de témoignages de l’évolution
d’entreprises fortement enracinées culturellement.
Une culture de
groupe est le
meilleur moyen
de construire une
équipe qui gagne
Sans résultats sportifs, le public ne va plus remplir ni le stade, ni son rôle de seizième homme.
Le club va peiner pour recruter des joueurs et
des entraîneurs de talent ; les sponsors ne resigneront pas car communiquer sur une équipe
qui perd, ce n’est pas ce qu’ils recherchent ; les
médias vont s’intéresser à d’autres.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
11
LECTURE
À l’inverse, avec de bons résultats, des phénomènes positifs vont se créer : des joueurs
mi-temps sont autant d’événements qui rappellent sans cesse l’histoire et les valeurs du
et des entraîneurs de talent vont signer. Ils
travailleront dans une ambiance sereine. Les
sponsors suivront et paieront souvent cher
club.
pour figurer sur le maillot. Les collectivités
communiqueront sur l’appartenance du club
à leur territoire et les droits de retransmission
viendront alimenter les caisses du club. Il sera
alors plus facile de formuler de nouvelles exigences aux entraîneurs et aux joueurs en termes d’objectifs. Le club pouvant les rémunérer plus correctement, une nouvelle émulation
va naître de l’arrivée de nouveaux talents.
Adversaire
Une équipe a besoin
de perdre aussi pour
progresser
La notion de famille doit enfin inclure
jusqu’aux adversaires car, pour exprimer ses
talents et progresser, une équipe a besoin de
se confronter à d’autres équipes. Et mieux
même, elle a besoin de perdre aussi pour progresser. Mais cela veut dire également que
plus une équipe va grandir, plus elle va avoir
besoin d’adversaires à sa taille. En cela, à
l’image du monde économique qui, encore et
toujours, se recompose, le jeu et le club sont
en perpétuel mouvement et renouvellement.
Diffusion des valeurs
et de la culture dans l’entreprise
Pour ce qui est de l’entreprise, les choses sont
plus complexes. Tout d’abord, parce que la
plupart d’entre elles ne peuvent pas prendre
appui sur des histoires « clé en mains ». Ensuite, parce les couleurs de l’entreprise sont
souvent moins repérables que celles d’un club.
Hormis l’exception des uniformes, il n’y a pas
de « maillots ». Le seul moyen de véhiculer une
culture et des valeurs consistera plutôt en une
action volontariste de la part de ses dirigeants.
Dans l’entreprise, une des meilleures actions,
pour diffuser et faire partager au plus grand
nombre une même culture et des valeurs communes, est la narration. Les histoires et les légendes aident l’organisation à accueillir de
nouvelles personnes, à s’adapter au changement, à définir ce que sont les hommes et les
femmes qui la composent et ce qu’ils font.
Un des grands raconteurs de ces histoires modernes est le cofondateur d’Apple, Steve Jobs.
Il s’est servi des histoires où s’affrontaient le
bien et le mal pour donner de l’énergie à son
Vouloir et savoir viser plus haut
équipe.
Pendant que les développeurs travaillaient
Faute d’histoires et de légendes, faute de mythes, le groupe ou l’équipe perd la vigueur
créatrice qui est sa force naturelle. Mieux vaut
jour et nuit, Steve Jobs les poussait en racon-
donc une légende, même imparfaite, que pas
de légende du tout. S’il n’existe pas de racines, il va falloir en inventer.
« Si l’on ne réussit pas, prédisait Steve Jobs,
Diffusion des valeurs
et de la culture au sein du club
12
tant des histoires où se côtoyaient l’ombre et
la lumière. L’ogre IBM se voyait ainsi fustigé :
IBM sera le maître du monde. Si nous ne réussissons pas à être compétitifs avec des produits
plus innovants et plus performants que les leurs,
Pour ce qui est du club, le maillot, les suppor-
alors ils prendront tout. […] Ils auront le plus
grand monopole de tous les temps. […] À part
nous, personne ne peut arrêter IBM. ».
ters, la fièvre qui peut saisir une ville, la manière de célébrer les victoires ou, tout simplement, les rites de ce qu’on appelle la troisième
Les dirigeants exceptionnels parviennent ainsi
à donner à leurs équipes le sens de l’ambition,
le sentiment que la tâche qui leur incombe est
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le management à l’école du rugby
monumentale, y compris quand le travail quotidien n’a pas pour vocation de changer le
monde. C’est le cas, par exemple, de la société Charles Schwab. Le PDG, David Pottruck, refusant de voir l’activité de son entreprise comme seulement de la gestion
financière, préfère dire à ses employés qu’ils
sont les conservateurs des rêves de leurs
clients. En s’assignant une cause qui dépasse
le simple commerce, en opposant une mission à une tâche, il a pu convaincre les employés que leur travail était essentiel pour le
bien-être de leurs clients.
Création d’histoires
La culture et les valeurs peuvent être véhiculées à partir :
- d’un socle historique. Les racines de la terre
pour un club, la légende des entrepreneurs
pour l’entreprise ;
- d’histoires qui vont opposer le bien et le mal,
comme par exemple les nouveaux entrants
sur un marché qui vont se frotter aux « tenants du titre » ;
- d’un scénario plus complexe souvent plus
efficace que les simples oppositions entre le
bien et le mal.
Pour l’entreprise qui ne pourrait se réclamer
d’une légende accompagnant ses créateurs,
ou pour un club qui ne pourrait s’appuyer sur
les seules racines de la terre, plusieurs points
doivent être réunis. La culture et les valeurs
doivent :
– être porteuses de sens : les salariés veulent
que ce qu’ils font soit important et crée une
différence concurrentielle ;
– engager ceux qui y adhèrent à faire partie de
quelque chose de plus grand qu’eux : chacun doit se reconnaître comme partie prenante d’une mission collective qui, de par
son importance et ses perspectives, constitue une véritable aventure ;
– être porteuses de l’espérance d’appartenance.
Imprimer sa marque
Si avoir une identité est une nécessité pour
tout groupe humain, la mettre en mouvement
est la condition de sa survie. Dans un club,
comme en entreprise, cela se traduit dans un
projet, en quelque sorte, une feuille de route
qui fixe les objectifs à atteindre.
Pour cela, il faut un dirigeant qui porte cet
état d’esprit. Il est important, en plus de cela,
de s’assurer que cette vision est bien partagée par tous.
Rôle du dirigeant
Une organisation qui n’a pas à sa tête un dirigeant qui « tient la route » est par essence
très fragile. Les grands entrepreneurs, tous à
leur manière et avec leur propre personnalité, ont imposé un style. En tant que tels, ils
ressemblent à des aventuriers nés pour entreprendre, créer et développer.
Le dirigeant est l’expression incarnée du projet, que ce soit dans son entreprise ou auprès
des partenaires et des concurrents.
Si le dirigeant doit être solide moralement et
capable d’une grande énergie dans l’action, il
doit surtout être porteur d’une vision. Il doit
être ce qu’on appelle une « personnalité ». Au
sens premier du terme, il en est l’âme.
Dans le même temps, si les contours de cette
Chacun doit se
reconnaître comme
partie prenante
d’une mission
collective
vision doivent être très clairs, le contenu
même n’est pas précisément défini. Le projet ne saurait donc être conçu comme un produit fini, mais davantage comme une roue
en mouvement qui s’enrichirait des événements, des évolutions du groupe, des apports
des uns et des autres.
Le projet peut être symbolisé par le ballon qui
doit vivre en permanence. Chaque joueur participe à son mouvement avec un objectif clair :
apporter quelque chose en plus chaque fois
qu’il s’en empare pour aider à atteindre les
objectifs fixés qui passent par la capacité à
marquer le plus de points possible. Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
13
LECTURE
L’évaluation du degré de partage de la vision
du dirigeant est un indicateur de la cohésion
du groupe.
On est, à ce stade, véritablement dans la di-
- une capacité à « banaliser » l’objectif majeur
que l’on veut atteindre.
Pour atteindre un objectif, il faut le banali-
grandes entreprises, celui du top management.
Une des forces du dirigeant est d’attirer à lui
ser et, dans le même temps, rendre hommage à la qualité et au travail exceptionnels
de l’équipe. C’est ce qu’a fait Aimé Jacquet
des talents et, surtout, de les fidéliser.
avec l’Équipe de France lors de la Coupe du
monde en 1998. Tout son discours a consisté
à répéter : « C’est mérité, c’est normal […] On
Une fois le projet défini, il faut fixer des
objectifs.
Cela veut dire dessiner un plan de progression qui va permettre au groupe, non pas d’accéder à l’excellence, mais de « réussir à la tutoyer ».
Se développer, progresser, atteindre des objectifs de plus en plus ambitieux, cela peut
être une force et une faiblesse. Une force parce
que, sans cette dimension, il y a fort à parier
que nous serions encore, à l’heure qu’il est,
au fond de quelques grottes. Une faiblesse
parce qu’une ambition mal maîtrisée peut
conduire au plus retentissant des échecs.
Ce n’est pas parce que des objectifs ont été
atteints qu’il faut à tous crins travailler toujours à des objectifs encore plus ambitieux.
Un club peut très bien, en plein accord avec
son projet, avec ses valeurs, avec sa culture,
se trouver à sa place dans une division du
championnat qui n’est pas forcément l’élite.
Ce qui est vrai sur le terrain de rugby est
vrai aussi au niveau de l’entreprise. Comme
pour le rugby, il existe des temps de jeu, des
temps forts, des temps de développement
et des temps, a priori moins forts mais tout
aussi importants, de récupération des ballons, de consolidation de position pour les
entreprises.
14
Selon les plus grands entraîneurs, il faut pour
réussir :
mension stratégique.
Pour cela, le dirigeant va s’entourer d’un premier cercle de compétences qui est, dans les
Fixer des objectifs et tutoyer l’excellence
Pour atteindre un
objectif, il faut le
banaliser et, dans le
même temps, rendre
hommage au travail
exceptionnel de
l’équipe
Facteurs clés de succès
pour atteindre un objectif
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
a tellement travaillé pour en arriver là », sousentendu, on a plus travaillé que les autres ;
- définir un objectif plus grand encore, de
sorte que l’atteinte du véritable objectif
fixé se fasse presque « de surcroît », pour
ne pas dire « par inadvertance ».
Pour atteindre un objectif, il faut l’intégrer
dans un objectif plus grand encore, un « métaobjectif ». C’est peut-être une des raisons pour
lesquelles le BO a perdu en finale de la Coupe
d’Europe 2006. L’objectif affiché, depuis le
début de la saison, était de devenir champion
d’Europe. Cet objectif était bien devenu l’objectif numéro 1. Peut-être donc aurait-il été
pertinent de relativiser cet objectif en l’intégrant dans un objectif plus grand encore
comme, par exemple, faire le doublé champion d’Europe et champion de France la même
année. Cela aurait peut-être enlevé un peu de
pression en finale du championnat d’Europe,
quitte à en remettre après pour faire le doublé, mais, à ce moment-là, l’objectif d’être
champion d’Europe aurait été atteint ;
- de l’expérience.
L’expérience, c’est être déjà passé par-là, c’est
avoir déjà vécu physiquement une situation.
Cela permet de ne pas perdre d’influx. La
première fois, avant quelque chose d’important, on ne dort pas toujours ; la quinzième
Le management à l’école du rugby
fois, on a du mal à se tenir éveillé. Pour pallier, pour partie, à l’expérience globale d’une
équipe, on peut se reposer sur des joueurs
qui, parce qu’ils ont fait partie d’autres aventures, ont acquis de l’expérience. Cela est évidemment très vrai pour l’entreprise. L’expérience est infiniment plus utile que les cours
ou les théories car il n’y a pas deux situations
semblables. Il va donc falloir gérer l’incertain, avoir une vision du métier à long terme
pour savoir où l’on veut aller, comment on
veut y aller et avec qui.
Mais, qu’il s’agisse de la définition d’un projet, de la définition des objectifs, de l’atteinte
de ces mêmes objectifs, qu’il s’agisse enfin
des techniques de banalisation, d’intégration de ce même objectif au sein d’un métaobjectif, pour que cela fonctionne, il faut
créer un climat de confiance tel que rien,
désormais, une fois décidé, ne puisse être
impossible.
Management
Apprendre
à l’école de l’entraîneur
Résister aux tentations
de la « toute-puissance »
L’entraîneur, et le manager, doivent se défier
de la tentation « toute-puissante » de vouloir
courir plus vite que les athlètes, être meilleur
que les joueurs sur le terrain, être plus compétent que les hommes et les femmes de son
équipe. Le manager doit se méfier d’autres tentations telles que la tentation manipulatoire :
« réussir à faire penser les hommes et les femmes
de mon équipe comme moi je pense », faire changer l’autre. En revanche, en tant que manager,
on peut travailler pour permettre aux hommes et aux femmes de ses équipes de développer des qualités, de travailler à l’amélioration de leur mode de communication.
Résister aux tentations des illusions
Proche de la tentation manipulatoire, le management par l’affectif est une illusion car on
est dans le domaine de la performance et de
l’excellence.
En revanche, il faut se prémunir de l’illusion
qu’il y aurait à ne manager que de façon aseptisée. On peut dire les choses avec chaleur mais
en sachant doser.
Par ailleurs, si on souhaite manager par les
sentiments, c’est plus à des vertus positives,
telles que la générosité, la solidarité, l’engagement, qu’il faut faire appel.
Elles permettent à l’individu de se mettre au
service du groupe et d’aller un peu plus loin
que ce qui était imaginé au départ.
Réussir à être authentique
Ce qui importe surtout, c’est que les entraîneurs ou les managers soient authentiques. Il
n’y a rien qui ne sonne plus faux que quelqu’un
qui voudrait faire du « chaleureux » alors qu’il
ne sait pas faire ou qui voudrait nettoyer son
discours de tout affect alors que ce n’est pas
sa façon de s’exprimer.
Ce qui importe
surtout, c’est que les
entraîneurs ou les
managers soient
authentiques
Les sept qualités du manager
Hors les tentations et les illusions, l’entraîneur, comme le manager, doit surtout développer un certain nombre de qualités.
Il doit :
- être un relais des dirigeants.
Ils doivent élargir la perspective des hommes dont ils ont la responsabilité. Ils sont
les relais, les courroies de transmission, un
peu de ce ballon qui doit ensuite passer à
chacune des personnes qui fondent l’équipe.
Comme le dirigeant, cela n’est possible que
si l’entraîneur et le manager ont suffisamment confiance en eux ;
- savoir travailler en équipe.
Ils doivent être capables de réfléchir avec les
personnes de leur équipe à la meil- Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
15
LECTURE
leure solution possible. Ils doivent impliquer
les hommes et les femmes avec qui ils travail-
- être capable de dire les choses.
Dans le même mouvement, la franchise est
lent pour les solliciter, pour recueillir leurs
une qualité indispensable de l’entraîneur et
une qualité essentielle pour la réussite de
l’équipe. Il faut dire les choses clairement,
avis, leurs suggestions. Enfin, et surtout, ils
doivent savoir déléguer, bref faire confiance ;
- savoir se remettre en cause.
Au-delà de leur remise en cause au niveau
personnel, ils doivent être capables de remettre en cause les choix qui ont pu être
Savoir prendre des
initiatives, profiter
des occasions et des
opportunités, doit
être le réflexe de
chacun
16
faits, et notamment en matière de stratégie.
Cette faculté à se remettre en cause doit aller de pair avec une grande modestie par
rapport à leurs résultats ;
- faire progresser les personnes individuellement et collectivement.
Ils doivent faire progresser chaque personne
et, au-delà, toute l’équipe. C’est même la raison d’être de l’entraîneur et du manager.
Pour faire progresser un joueur, on peut travailler sur sa polyvalence (sa capacité, à la
fois, à pénétrer, à jouer au pied, à distribuer,
à défendre…) ou lui donner d’autres responsabilités ;
- avoir des relais au sein même de ses équipes.
Le premier de ces relais, c’est le capitaine.
Le capitaine a un rôle de leader sur le terrain. Il a pour mission de regrouper les for-
même si c’est difficile pour un joueur d’accepter la critique. La franchise est l’une des
bases du métier d’entraîneur ;
- être solide moralement mais aussi, par
certains côtés, physiquement.
La septième qualité, enfin, mais elle soustend toutes les autres, est la solidité de l’entraîneur. Il faut pouvoir tenir le coup psychologiquement et physiquement.
« Mouiller le maillot »
L’entraîneur, au quotidien, comme le manager, n’est confronté qu’à une seule question :
celle de la décision. Cette question, si elle n’est
pas toujours présente, refait surface chaque
fois qu’un système de jeu prévu et mis en place
doit évoluer, chaque fois que les automatismes
doivent être modifiés.
Savoir prendre des initiatives
Savoir prendre des initiatives, profiter des occasions et des opportunités, doit être le réflexe
ces, de resserrer et de reconcentrer les équipiers. C’est lui qui met en place la stratégie
que l’on va adopter et qui est soumise aux
de chacun.
Pour innover, une équipe sur le terrain peut,
par exemple, mettre en place une nouvelle dé-
joueurs en essayant d’être le plus persuasif
possible.
Le deuxième de ces relais, ce sont les joueurs
fense, travailler de nouvelles combinaisons de
jeu ; elle peut aussi, dans le cours du match,
« improviser » et inventer en fonction de telle
cadres. Les joueurs cadres sont souvent des
meneurs ; ils ont un impact fort et même une
certaine ascendance sur les autres joueurs.
ou telle situation.
Ils portent et ils véhiculent les valeurs du
club. Si ce n’est pas obligatoire, ils sont souvent un peu plus âgés que les autres joueurs.
Il faut tout mettre en œuvre au quotidien pour
se donner les moyens de progresser. Ces progrès se faisant finalement beaucoup par essai
Cela signifie également qu’on ne veut pas de
star dans une équipe. Des gars solidaires :
oui. Des gars généreux : oui. Mais des « ga-
de solution et élimination de l’erreur.
Il faut aussi regarder ce qui se passe ailleurs
pour s’en inspirer et créer de nouvelles com-
lactiques » : non. « La star, c’est le club. » ;
binaisons pertinentes.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
S’inscrire dans une démarche de progrès
Le management à l’école du rugby
Savoir rester concentré
Savoir gérer les succès et les échecs.
Tout se joue sur les détails, à commencer par
la victoire. Une des questions que va donc
Un succès, cela rend plus fort. C’est une évidence.
devoir résoudre l’entraîneur est la capacité à
garder ses joueurs sous une bonne pression,
que ce soit pendant les matchs ou pendant
Le succès ne doit pas apparaître comme une
fin en soi mais comme une étape qui permet
d’envisager de nouvelles conquêtes. Un som-
les entraînements, de façon à ce qu’ils restent le plus concentrés possible.
Ce qui importe, c’est de réussir à faire en sorte
met a été atteint, mais la chaîne des Pyrénées
qui s’étend devant les joueurs et les entraîneurs est pleine de nouvelles promesses. Si
que la pression ne soit pas vécue comme un
facteur négatif mais qu’elle puisse être vécue
comme un facteur positif. Pour exploiter son
ce travail n’est pas fait, alors le sommet d’après
ne sera pas atteint.
Quant aux défaites, cela fait partie de l’aven-
potentiel et même trouver des ressources qu’un
joueur ne soupçonne pas en lui, pour que,
dans le match, cela devienne naturel, il faut
ture humaine. On en tire toujours des enseignements.
Pour surmonter une défaite, pour relever la
que la pression soit mise pendant toute la durée des entraînements. On peut imposer des
exercices de façon plus rapide que ce qui se
passe durant les matchs. C’est la condition
pour qu’un geste puisse se faire, par la suite,
sans que le joueur ne se pose de question.
tête, pour se remobiliser, pour repartir de
l’avant, c’est exactement comme pour dépasser un succès. Il faut l’analyser, le disséquer
et le décortiquer de A à Z. Il faut prendre en
compte tous les paramètres,
poser toutes les questions,
aller au fond de l’analyse et
s’expliquer clairement. Le succès ne doit
pas apparaître
comme une fin
en soi mais comme
une étape qui
permet d’envisager
de nouvelles
conquêtes
Un autre ouvrage consacré au même sujet
vient également d’être récemment publié.
Il décrit, en sept chapitres, les chemins parallèles
du management et du rugby.
« L’esprit rugby, pour un autre leadership »
de Vincent Lafon et Pierre Villepreux
Editions Village Mondial, Août 2007
200 pages, 19 €
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
17
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
A l’heure où Nicolas Sarkozy annonce vouloir une nouvelle fois assouplir les 35 heures,
Jacques Barthélémy alerte sur le technocratisme de notre droit de la durée du travail et
pointe du doigt les paradoxes qui le caractérisent.
Voilà un droit qui incite de plus en plus à la négociation d’accords dérogatoires mais
maintient, voire accroît, parallèlement le poids de la loi au prétexte de la fonction
protectrice qu’il est censé assurer.
Malgré la volonté de simplification proclamée par tous les gouvernements, le législateur entre dans le détail au lieu de poser des principes et délimite inutilement l’espace
laissé aux accords collectifs. Ce qui aboutit à une complexité accrue et une ineffectivité
des textes.
La méprise sur la vraie portée de la durée légale du travail et l’ignorance des souplesses
négociables avec les partenaires sociaux empêchent le déploiement de stratégies hardies et adaptées au contexte de l’entreprise.
Le temps partiel est, dans le Code du travail, une déclinaison du temps choisi alors qu’il
est en réalité souvent subi. Sous l’impulsion des partenaires sociaux, c’est un droit au
« libre choix » du temps de travail et des heures supplémentaires qui devrait être instauré, permettant de gommer la différence entre temps plein et temps partiel.
Enfin, l’emboîtement les uns dans les autres des articles du Code du travail, souvent
par simple commodité technique, conduit en cas d’infraction à des condamnations en
cascade, ce dont personne n’a vraiment conscience…
Durée du travail :
un droit du paradoxe
L
Par Jacques Barthélémy
Avocat conseil en droit social
Ancien Professeur associé à la
Faculté de droit de Montpellier
Créateur du Cabinet Jacques
Barthélémy et associés
18
a loi médiatisée par le slogan
« travailler plus pour gagner
incitatives, à savoir neutralité fiscale des rémunérations correspondantes pour le salarié,
plus » doit être saluée comme
un tour de force en ce qu’elle
réussit à ne modifier en rien le
exonération de charges sociales pour le salarié et pour l’employeur. Quelle que soit in fine
l’efficacité du dispositif en terme de pouvoir
Code du travail ! Seuls le droit de la sécurité
sociale et le droit fiscal sont touchés. Plutôt
que réformer le droit de la durée du travail
d’achat, donc de croissance économique (et
d’emploi ?), celui-ci va une nouvelle fois accentuer la tendance à la technocratisation d’un
— dont la complexité est telle qu’elle induit
son ineffectivité — on s’attache à (seulement ?)
créer l’envie (le besoin ?) d’augmenter le vo-
droit dont la maîtrise est réservée à quelques
initiés. C’est plus qu’un toilettage qui serait
nécessaire pour que l’usager du droit puisse y
lume des heures de travail par des mesures
voir clair ; une refonte totale est indispensable.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Durée du travail : un droit du paradoxe
Désintérêt des universitaires
Pendant longtemps, le droit de la durée du travail n’a pas intéressé la doctrine. Ses représentants le dédaignaient en raison de son caractère trop réglementaire. Il est significatif, par
exemple, que, dans la célèbre collection Camerlynck, le tome sur la réglementation — dont
la durée du travail est un élément important
— soit le seul à avoir été confié non à un universitaire mais à un praticien (certes excellent).
Pourtant, d’importantes questions se posaient,
telles que la convergence de la définition du
temps de travail en droit du travail et en droit
de la sécurité sociale, le caractère impératif (ou
non) du module hebdomadaire d’un côté et
de l’horaire collectif d’un autre côté, l’identification de ce qui est d’ordre public au sens strict
et civiliste du terme, d’autant plus essentielle
que, en cette matière, les normes concrétisent
un objectif de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs.
En préambule de l’ouvrage des conseillers Sylvie Bourgeot et Michel Blatman, consacré à « l’état
de santé du salarié » (1), le président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Pierre Sargos, indique avec pertinence que l’ensemble
des normes intéressant la protection de la santé
elle a pour objet de décliner une autre directive en date du 12 juin 1989, consacrée spécifiquement à la santé. Certes, cette filiation relève d’un souci d’augmenter les chances de
donner vie à ce texte : si, en effet, la directive
de 1993 avait été conçue sous l’angle de l’organisation du travail, l’unanimité était requise.
Or, la Grande-Bretagne était hostile à un texte
communautaire sur la durée du travail. En positionnant le débat sur le terrain de la santé,
la majorité qualifiée suffisait. Ceci étant, cet
ancrage du droit de la durée du travail sur
celui de la santé et de la sécurité ne peut que
produire des effets. C’est ainsi que la Cour
de justice des communautés européennes a
annulé le dispositif de cette directive concernant le repos dominical (2). Si, au nom de la
santé et de la sécurité des travailleurs, un repos chaque semaine s’impose, cet objectif ne
saurait justifier que ce repos soit pris le dimanche. Plus fondamentalement, cette finalité exige
des durées maxima de travail et encore plus
un repos minima entre deux jours, deux semaines, deux années de travail. Elle ne peut
par contre se concrétiser par une durée légale,
surtout si celle-ci n’est — comme c’est le cas
dans le droit français — qu’un seuil de déclen-
consacre un véritable droit fondamental du
travailleur, son droit à l’intégrité physique.
chement de droits à rémunération majorée et
à repos compensateur.
Un autre exemple illustre l’importance de
Durée du travail
et protection de la santé
l’ancrage du droit de la durée du travail sur
celui de la santé : c’est le régime des équivalences. Au regard de la définition du temps
A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que
la directive du 23 novembre 1993 sur la durée du travail — que les lois Aubry ont, par certaines de leurs dispositions, transposée dans
notre droit interne — s’inscrit dans un objectif de protection de la santé et de la sécurité
des travailleurs. Non seulement ladite directive fait allégeance à cet objectif, mais encore
de travail effectif telle qu’elle résulte de l’article 2 de la directive, la notion française
des temps d’équivalence ne peut prospérer.
Ceci étant, la requalification en temps de
travail effectif n’a d’effet que pour la détermination de la durée maximum de travail
et les repos minima. Elle ne saurait (1) Bourgeot S. et Blatman M., L’Etat de santé du salarié, Edition Liaisons, collection droit vivant, 2005. (2) CJCE, 12 nov. 1996,
aff. C-84/94, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande c/ Conseil de l’Union européenne.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
19
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
affecter les effets de la durée légale (qui n’est
qu’un seuil de déclenchement des droits),
Nécessité d’un droit
légal de la durée du travail
en particulier sur les rémunérations (3).
On peut alors soutenir que fixer une durée
légale du travail est important, même si un
Durée du travail et progrès social
Quelle que soit l’importance de l’objectif de
protection de la santé et de la sécurité, le droit
de la durée du travail se justifie pourtant à
d’autres titres : celui du progrès social qui,
pour le coup, peut expliquer une durée légale, peu important que celle-ci ne soit pas
impérative. Cela peut notamment impulser
la réduction de la durée effective du travail
ou le libre choix, éléments d’amélioration des
conditions de travail, et optimiser le fonctionnement des entreprises à partir d’horaires
sement. Plus fondamentalement, un droit
légal de la durée du travail est indispensable.
Au demeurant — et pour la raison première
adaptés à l’activité.
de lois phares du Front Populaire, celle du
21 juin 1936 immortalisée par la semaine de
40 heures et celle du même mois (20 juin
1936) instaurant un droit à congés annuels
(deux semaines à l’époque).
Rôle déterminant
de la négociation collective
Ces objectifs, distincts mais complémentaires de celui de protection de la santé, ne peuvent qu’inviter à une réflexion sur la source
de droit la plus apte à faciliter la concrétisation de ce droit.
Si l’on excepte les normes impératives inspirées du souci de protection de la santé, c’est
au tissu conventionnel qu’il faut confier cette
responsabilité.
La nature contractuelle prioritaire de la
convention collective lui permet d’adapter
les normes à un contexte précis et/ou à un
exprimée ci-dessus — les premiers textes intéressant le droit du travail ont concerné la
durée du travail (protection des femmes, des
jeunes, repos hebdomadaire…). Ce n’est pourtant qu’assez tard qu’une législation d’ensemble sur ce thème voit le jour au travers
Extrême sensibilité des questions
de durée du travail
Le thème de la durée du travail est chargé d’affectivité, la réduction du volume des heures
travaillées étant au cœur des revendications
sociales depuis l’aube de l’ère industrielle. La
récente loi votée par le Parlement visant à
concrétiser le slogan « travailler plus pour gagner plus » l’est tout autant, et ceci quelle que
objectif déterminé, ce qui favorise la conciliation entre efficacité économique et progrès social ; sa nature complémentaire de
soit la justification de ce dispositif au plan
économique. Rien d’étonnant en conséquence
à ce que la tension monte chaque fois qu’un
texte intéressant ce domaine est en prépara-
loi professionnelle, consacrée par sa fonction normative, l’autorise à créer au profit
des travailleurs ces droits qu’il leur est im-
tion. Ce contexte conduit du reste, souvent
au mépris du rationnel, à louer (ou rejeter)
des projets qui s’inscrivent dans la continuité
possible de négocier individuellement en
raison du caractère déséquilibré de la relation contractuelle.
par rapport aux textes préexistants que l’on
avait critiqués (ou loués). Ainsi, et au-delà des
(3) Cass. soc., 13 juin 2007, no 06-40.823.
20
débat doctrinal est nécessaire pour en cerner
à la fois le niveau et la nature ainsi que les
avantages tirés par le salarié de son dépas-
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
polémiques, la loi Seguin de 1987 et la loi
Durée du travail : un droit du paradoxe
quinquennale de 1993 s’inscrivent dans le
prolongement de l’ordonnance des 39 heu-
élargi et l’importance des effets de celles-ci s’est
accrue, mais encore l’atteinte au principe de
res du 16 janvier 1982. De même, la loi de
janvier 2003 sur les heures supplémentaires
n’est pas aussi attentatoire aux lois Aubry
faveur qui résulte de cette technique suscitait
la nécessité de compléter l’exigence de représentativité des acteurs de la négociation par
qu’on veut bien le soutenir. Ceci étant, le jeu
politicien a des effets d’autant plus graves sur
l’économie de cette réglementation que,
une exigence complémentaire de légitimité.
contrairement à ce qui vaut dans nombre
d’états voisins, la part de responsabilité des
élus de la nation y est excessive. Cela conduit
à une situation paradoxale, d’autant plus à
fustiger qu’elle contribue à la complexification, donc à l’ineffectivité, de ce droit !
Premier paradoxe
On incite au développement du droit conventionnel et, en même temps, on accroît substantiellement le poids de la loi.
Extension des dérogations
conventionnelles
Représentativité
des organisations syndicales
Tant que l’objet de la négociation n’est que de
créer des avantages plus favorables, il importe
peu que le syndicat signataire ait une audience
modeste puisque l’ordre public social interne
à la collectivité concernée n’est pas menacé. La
légitimité des acteurs s’impose par contre lorsque le principe de faveur voit son champ et sa
portée relativisés ; la négociation tend alors à
privilégier l’intérêt de la collectivité sur celui
de l’individu. Cela permet de soutenir que la
technique de dérogation confère à la collectivité concernée une certaine consistance juridique : si, en effet, des syndicats de salariés signent un accord écartant une norme légale —
nal juridique et, simultanément, le volume des
ou instaurant un avantage moins favorable que
celui émanant d’un accord de rang supérieur —
c’est que, en contrepartie, ils ont obtenu des
avantages et qu’ils estiment cet accord plus favorable dans l’ensemble. On peut ainsi avoir
textes légaux y est hypertrophié. A cet égard,
il est important de souligner que le dispositif
échangé flexibilité (des horaires) contre réduction du nombre des heures et niveau de l’em-
le plus marquant de l’ordonnance des 39 heu-
ploi, ce qui revient à sacrifier un avantage in-
res n’est pas la réduction de la durée légale du
travail mais l’introduction de la technique de
dérogation ; elle permet de rendre la norme
légale ou réglementaire supplétive d’un dis-
dividuel au profit d’un avantage collectif. Le
problème est d’autant plus sérieux que, selon
Le droit de la durée du travail est le domaine
dans lequel la place conférée au contrat collectif est la plus importante dans notre arse-
positif conventionnel. Du reste, c’est cela qui
est à l’origine de l’intérêt de la doctrine pour
le droit de la durée du travail. Toutefois, on n’a
pas pris alors la mesure du bouleversement
que cette brèche dans la hiérarchie des sources allait provoquer : non seulement loi après
loi — que le gouvernement soit de droite ou
de gauche — le champ des dérogations s’est
l’article L. 135-2 du Code du travail, les avantages nés d’un accord collectif, s’ils s’appliquent
aux contrats de travail en cours sauf disposition plus favorable, ne s’y incorporent pas.
Au vu de ce qui précède, la loi Fillon sur le dialogue social peut apparaître comme l’aboutissement d’un processus engagé par l’ordonnance des 39 heures, ce qui en surprendra
plus d’un ! En facilitant la mesure positive de
la légitimité grâce à l’accord majoritaire, Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
21
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
cette loi affine en effet un dispositif — le droit
d’opposition — qui ne la mesure que négativement.
Fonction protectrice de la loi
On peut comprendre que, au nom de la fonction protectrice du droit du travail, le tissu législatif reste abondant tant que, par la mise
en œuvre de la technique de dérogation, le
droit conventionnel n’a pas de fait été mis en
situation d’assurer cette fonction au-delà des
normes consacrant un objectif de protection
au sens civiliste de la notion d’ordre public.
Le thème de la durée du travail est celui sur
lequel on a le plus négocié depuis 20 ans, ceci
en raison des gains potentiels de productivité
y a recours, c’est qu’on admet que, contrairement à ce qui vaut pour le contrat de travail,
l’équilibre des pouvoirs est possible dans la
négociation de l’accord collectif. D’où, du reste,
la nécessaire relativisation de la critique majeure à l’égard de la loi Fillon sur le dialogue
Boulimie législative
social : la réduction du champ du principe de
faveur n’est pas attentatoire à la fonction protectrice du droit du travail à la double condition que l’exigence de représentativité des négociateurs soit complétée par une exigence de
légitimité et que les règles de conduite de la
négociation soient fixées par accord des parties afin de garantir équilibre des pouvoirs,
comportement de bonne foi, exécution loyale
pour que le contrat puisse faire la loi des parties au sens de l’article 1134 du Code civil. La
loi Fillon n’a toutefois concrétisé que la première de ces deux exigences.
Le goût du législateur pour les détails au mépris de la Constitution, qui lui assigne comme
tâche de surtout fixer les principes, témoigne
de sa suspicion à l’égard de la capacité des acteurs sociaux à créer leur loi commune. En ou-
Pourquoi conserver un tissu législatif aussi
dense et, pire, pourquoi continuer à le faire
enfler ? Ainsi, alors que, usant de la faculté of-
tre, cet excès de lois contribue largement à
l’ineffectivité de la loi car, devenue trop complexe, nul ne la connaît. Enfin, le législateur
ferte à la convention de branche étendue et à
l’accord d’entreprise de déroger aux modalités de répartition et d’aménagement des ho-
devrait, par souci déontologique, examiner
scrupuleusement la compatibilité de dispositifs qu’il entend ajouter à ceux préexistants.
raires fixés réglementairement, les conventions
collectives ont largement adapté les normes
aux mutations du travail nées des effets des
Le droit des repos compensateurs atteste qu’en
n’ayant pas ce réflexe, il pollue gravement le
droit de la durée du travail.
progrès des TIC, pourquoi n’abroge-t-on pas
les décrets d’application de la loi des 40 heures ? Ils sont en effet les textes d’application
Deuxième paradoxe
susceptibles de naître de l’optimisation des
normes grâce à la technique de dérogation
mais aussi aux mesures d’incitation, spécialement sous forme d’exonérations de charges
sociales. Le tissu conventionnel, de branche
aussi bien que d’entreprise, est dès lors très
abondant concernant le thème de la durée du
travail et, dans de nombreux domaines, il a
rendu de fait caducs certains règlements.
d’une loi dont l’économie générale est radicalement différente de celle d’aujourd’hui, née
de l’ordonnance des 39 heures. Pourquoi, de
22
même, encadrer dans le détail la dérogation ?
On peut considérer que, en raison du déséquilibre contractuel, elle doit être prohibée. Si on
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
L’intention de chaque gouvernement est de simplifier et de contractualiser le droit de la durée
Durée du travail : un droit du paradoxe
du travail. In fine, c’est à plus de complexité et
plus de tissus législatifs qu’on assiste.
l’usine à celle du savoir et où l’autonomie de
plus en plus grande des travailleurs induite
De la volonté affichée
à la réalité
des progrès des TIC susciteront l’évolution
des critères identitaires de la notion de durée du travail comme de ceux de la subordi-
Chaque ministre du Travail auteur d’un des
projets de lois intéressant la durée du travail depuis l’ordonnance des 39 heures a affiché la belle intention de simplifier et de favoriser la contractualisation en cette matière.
Après le vote du Parlement, on arrive systématiquement à la situation inverse, marquée
par plus de complexité et un volume de textes législatifs plus abondant.
Il est certes des complexités qui se justifient
par la fonction protectrice du droit du travail, notamment pour promouvoir les droits
et libertés fondamentaux. Ailleurs, elles sont
d’autant plus critiquables qu’elles conduisent à l’effet inverse de celui poursuivi, donc
à l’ineffectivité du droit, en rendant inintelligibles les textes et en provoquant une dérive technocratique dans la déclinaison de
la règle.
Définition illusoire du temps
de travail effectif par la loi
nation juridique qui les conditionnent. Par
contre, quel intérêt tire-t-on de la déclinaison
de cette définition pour l’appliquer à des catégories de travailleurs et/ou à certaines séquences de la vie du travailleur ? La notion
de temps de travail étant d’ordre public, c’est
des éléments de fait que doit se déduire la
qualification juridique des différents temps.
En définissant le régime juridique des temps
de travail des cadres ou en ciselant les temps
d’astreinte ou de déplacement, le législateur
ne fait que compliquer les choses dès lors
que le juge, qui doit tenir compte des éléments de fait, ne peut que tenter alors de procéder à des subdivisions, ce à quoi, du reste,
la doctrine le prépare (4).
Encadrement législatif
excessif des dérogations
conventionnelles
Le législateur doit fixer les domaines où la
dérogation peut prospérer, faute de quoi les
Un exemple, plus qu’un long discours, éclairera ce propos. On ne peut qu’approuver la
loi Aubry I d’avoir défini le temps de travail
principes sur lesquels le droit du travail a
fondé son autonomie seraient bafoués. Pour
autant, est-il nécessaire qu’après avoir ou-
effectif, encore que l’on s’en soit passé sans
dommage pendant 60 ans, la jurisprudence
ayant largement suppléé à cette carence.
vert cet espace d’autonomie au droit conventionnel il brime la créativité des acteurs sociaux en fixant des limites à la dérogabilité,
Mieux, ses définitions ont évolué dans le
temps pour tenir compte des effets des mutations du travail. Mais il fallait transposer
lesquelles ne devraient naître que de l’application de règles d’ordre public orthodoxe ?
la directive du 23 novembre 1993 qui définit le temps de travail.
Ceci étant, le texte actuel de l’article L. 212-
Par ailleurs, cette pratique législative expose le tissu conventionnel à un risque de
judiciarisation excessive, le contrat faisant
4 ne résistera pas à l’épreuve du temps dans
la mesure où le passage de la civilisation de
alors difficilement (seul) la loi des parties.
Enfin, elle a pour effet de maintenir (4) Barthélémy J., « La notion de temps de travail effectif, son évolution, sa déclinaison », Semaine juridique social, oct. 2005.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
23
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
le volume de la loi à un niveau anormalement élevé, au mépris de l’intérêt tant des
qui n’est qu’un seuil, et durée effective, la confusion étant toujours vivace 20 ans plus tard, ses
salariés que des entreprises.
effets dans l’opinion ayant été accentués par la
réduction de la durée légale à 35 heures.
Technocratisme, dévaluation
et judiciarisation du droit
de la durée du travail
Au demeurant, la boulimie législative conduit
à une dérive technocratique qui a des effets
inverses de ceux que peut procurer la place
plus importante du tissu conventionnel qu’autorise la technique de dérogation. Cette dérive est d’autant plus préjudiciable à l’intérêt
général qu’employeurs et salariés sont
confrontés en permanence au droit social.
Cette technocratisation et la complexité du
droit de la durée du travail font alors que les
stratégies sont conduites sans s’inquiéter du
droit que l’on ne sollicite que pour mettre en
forme les actes et même seulement pour dénouer les litiges. Il en résulte une dévaluation du droit, perçu alors seulement comme
une somme de contraintes. Il en résulte aussi
une judiciarisation excessive du droit du travail qui ne peut qu’entraîner des réflexes
contraires à la dynamisation et à la créativité
en matière d’emploi.
Partie immergée de l’iceberg
Le passage de la durée légale de 40 à 39 heures, aujourd’hui de 39 à 35 heures, outre
qu’on lui confère des effets directs qu’elle
ne peut pas avoir, était (en 1982, puis en
1998) la partie visible de l’iceberg. L’essentiel est ailleurs, masqué par la ligne de flottaison et dont, de ce fait, on méprise, voire
on ignore, l’impact. L’économie de la réglementation de la durée du travail actuelle née
de l’ordonnance du 16 janvier 1982 tranche
avec celle de la loi du 21 juin 1936, dite des
40 heures, par trois caractéristiques essentielles.
Effet de simple seuil de la durée légale
On est d’abord passé d’un régime d’autorisation systématique de toutes les heures
supplémentaires à un régime de simple déclaration dans la limite d’un contingent annuel. Cela a considérablement accru la qualification de simple seuil de la durée légale,
davantage du fait qu’au contingent régle-
Troisième paradoxe
L’opposition entre apparence et réalité conduit
à des stratégies déviantes.
24
mentaire on pouvait déroger en plus ou en
moins par convention collective de branche étendue. La qualification de simple seuil
de la durée légale est encore plus nette de-
Apparence et réalité
puis que, par les effets conjugués de la loi
de janvier 2003 et de celle du 4 mai 2004,
d’un côté le droit à repos compensateur de
De l’ordonnance du 16 janvier 1982, on n’avait
retenu que la réduction de la durée légale du
100 % est aligné sur le contingent conventionnel et non plus réglementaire, de l’au-
travail de 40 heures à 39 heures, donc la remise
en cause d’un symbole quasi mythique. Déjà
les critiques se focalisaient sur les effets dévas-
tre la source de droit créatrice de ce contingent dérogatoire peut aussi être un accord
d’entreprise.
tateurs sur le plan économique, donc sur le
plan de l’emploi, de la réduction du volume des
temps de travail. C’était confondre durée légale,
Autant dire que l’affirmation, très habituelle,
selon laquelle on a obligé, avec les lois Au-
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
bry, à ramener l’horaire collectif à 35 heures
Durée du travail : un droit du paradoxe
est totalement infondée, surtout si l’on prend
en considération que, pour la jurisprudence,
l’horaire collectif en simple horaire de référence, entrées et sorties décalées, est désor-
le maintien de l’horaire de 39 heures n’oblige
pas à l’augmentation des salaires de 39/35e (5).
Si réduction massive de la durée effective du
mais possible sous différentes formes. Une
nouvelle fois, on s’aperçoit que la critique
faite aux lois Aubry de construire un carcan
travail il y a eu, les causes en sont davantage
à rechercher dans les exonérations de charges accompagnant la signature d’un accord
administratif ne tenant pas compte de la spécificité de l’activité professionnelle doit être
tempérée dès lors que dérogations aux mo-
dit « ARTT » et la réduction de l’horaire collectif échangée contre la flexibilité. Au demeurant, il est significatif que, au moment
où l’on entend inverser la tendance en incitant à travailler plus, on ne songe même pas
à modifier, sinon supprimer, la durée légale,
dalités de répartition de l’horaire collectif
dans la semaine ou sur une période plus longue et les aménagements des temps par des
ce qui atteste qu’elle est un seuil de moins
en moins contraignant. Un simple accord
d’établissement pourrait — en portant le
prise. Au demeurant, cette critique ne saurait viser que les lois Aubry dès lors que, sur
ce domaine des aspects qualitatifs du droit
de la durée du travail, ces lois s’inscrivent
dans le chemin tracé par l’ordonnance de
1982 et élargi par les lois intermédiaires, Seguin de 1987 et quinquennale de 1993 notamment. La relativisation de la portée du
modèle hebdomadaire et la réduction du rôle
de l’horaire collectif au rang de simple horaire de référence sont des instruments de
flexibilité d’autant plus à utiliser que, par la
négociation collective, la plus grande hardiesse est possible en la matière.
contingent à 440 heures (au lieu de 220 heures) — permettre un horaire collectif égal à la
durée maximum de 44 heures en moyenne
sur deux semaines consécutives ! Si l’on entend donner sa pleine mesure à la loi récente
consacrant le slogan « travailler plus pour gagner plus », il faudra bien que, notamment
dans les entreprises, on négocie une dérogation au contingent réglementaire, par exemple en contrepartie d’un relatif libre choix du
salarié dans l’exécution des heures supplémentaires au-delà de l’horaire collectif (le-
entrées et sorties décalées sont largement facilités, particulièrement au travers d’accords
dérogatoires tant de branche que d’entre-
quel peut être fixé au-delà de 35 heures).
Extension des dérogations
conventionnelles
Relativisation du cadre hebdomadaire
et de l’horaire collectif
Le caractère désormais supplétif de nombre de normes légales et réglementaires à
Le module hebdomadaire s’est transformé
ensuite en simple module de droit commun
auquel on peut aisément substituer — par la
l’égard du tissu conventionnel autorise enfin une ingénierie juridique permettant d’optimiser le fonctionnement de l’entreprise
négociation — un cycle plurihebdomadaire
ou la modulation annuelle alors que précédemment il était impératif, sauf cycles pré-
par l’adaptation des normes aux spécificités de l’activité et aux objectifs stratégiques.
Sous cet angle, la technique de dérogation
vus par le décret professionnel de la loi des
40 heures. De même, la transformation de
doit être rapprochée des dispositions de la
loi du 13 novembre 1982 relative à (5) Cass. soc., 13 juin 2007, no 05-44.843 ; Cass. soc., 13 juill. 2005, no 04-47.265.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
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LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
la négociation annuelle obligatoire (L. 13227 à L. 132-29). Les objets de cette négociation — salaires et temps de travail — sont
ceux traitant des moyens de concrétiser les
projets que l’entreprise poursuit pour un
exercice. Or, salaire et temps de travail sont
des domaines où la dérogation est possible. Cela permet d’optimiser les moyens
servant à la réalisation des objectifs sans
pour autant faire perdre au droit du travail
sa fonction protectrice naturelle. Sous cet
angle et une nouvelle fois, la loi Fillon sur
le dialogue social accroît la tendance en relativisant le champ et les effets du principe
de faveur dans les rapports entre convention de branche et accord d’entreprise et
en permettant à ce dernier de déroger à la
loi dans tous les domaines où la convention de branche est autorisée à le faire, donc,
pour l’essentiel, dans celui de la durée du
travail. Il faut aussi souligner la relation susceptible d’exister concrètement — à partir
de la stratégie sociale de l’entreprise — entre négociation triannuelle sur la GPEC et
technique de dérogation (6).
Bref, le droit de la durée du travail est le
creuset d’un droit du travail conciliant économique et social grâce à une plus grande
autonomie du droit conventionnel. Le fait
qu’on n’en ait généralement pas conscience
empêche concrètement le déploiement de
les institutions représentatives du personnel à condition que la convention collective de branche l’ait prévu et ait organisé la
procédure « d’agrément » de ces accords
d’entreprise par la commission paritaire de
la branche. Il convient alors de définir si le
contrôle de celle-ci est d’opportunité ou
seulement de légalité. Il est surprenant que
les négociateurs de branche ne se saisissent
pas de ce qui pourrait être un levier formidable de développement de la négociation
d’entreprise.
Quatrième paradoxe
L’architecture de l’opposition entre temps
choisi et temps subi est gauchie par l’opposition entre temps plein et temps partiel. Les
dérives en ce domaine sont une nouvelle fois
la résultante d’approches affectives conduisant à des postulats faux. Ainsi, derrière
« temps choisi » on entend généralement
« temps partiel » qui est souvent du temps
contraint. Des clarifications s’imposent donc,
dont dépendent des évolutions positives.
Réglementation élaborée
pour un travail à temps plein
La loi des 40 heures a été construite en fonction de l’objectif de modélisation des horaires
stratégies adaptées. Mais il est vrai que cela
passe inévitablement par le recours à la négociation et que nombre de dirigeants de
PME y sont allergiques. Certaines organi-
par voie réglementaire et d’un temps effectif
de travail de 40 heures. La stricte hiérarchie
sations répugnent par ailleurs à entrer dans
le jeu de la négociation dérogatoire et de
l’accord « gagnant-gagnant » qui en découle (7).
Il n’est pas inutile de souligner alors que la
aménagées en fonction de la nature de l’acti-
loi du 4 mai 2004 autorise le transfert du
pouvoir de négociation dans les PME sur
entre loi, règlement et convention suscitait le
caractère impératif de normes simplement
vité. D’où les quelques quarante-cinq décrets
professionnels d’application, toujours en vigueur mais que plus personne ne connaît. Il
n’est pas sûr que toutes les directions départementales du travail les possèdent !
(6) C. trav., art. L. 320-2. (7) Soubie R., « Quelques observations sur les accords donnant-donnant », Droit social, 1985.
26
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Durée du travail : un droit du paradoxe
Ces décrets ne concernent que les salariés à
« temps plein », ce qui a conduit par exemple
pour le temps plein. Ceci étant, le temps
partiel est souvent contraint, essentielle-
à conclure que le régime d’équivalence, orga-
ment du fait du niveau élevé du chômage
mais aussi du recours systématique à cette
forme de contractation dans certaines ac-
nisé par ces décrets, ne s’applique pas au temps
partiel, ni en valeur absolue, ce qui serait
contraire au principe de proportionnalité, ni
en valeur relative. Si le régime d’équivalence
naît d’un accord collectif, la règle de proportionnalité devrait donc s’appliquer — contrairement à la position généralement admise et
à la jurisprudence (8) — au nom de l’égalité de
traitement. C’est important à souligner dès
lors qu’un régime d’équivalence d’origine
conventionnelle est possible même s’il ne peut
prendre vie que par la truchement d’un décret simple.
Différentes formes
de temps choisi
Le Code du travail a consacré une section
au temps choisi. Il y figure l’article sur les
horaires individualisés, solution logique
puisque le salarié dispose d’un relatif libre
choix pour fixer le volume des heures effectuées sur une journée ou une semaine
ainsi que le moment du travail. Au demeurant, à l’époque où ce texte a été promulgué (en 1974), il apparaissait comme une
dérogation à un principe, celui du caractère impératif de l’horaire collectif. Cette
section traite aussi du temps partiel auquel
il faut associer le travail intermittent. Ici,
l’idée de temps choisi peut s’admettre dès
lors que le salarié inter vient par son
contrat — obligatoirement écrit — pour fixer
durée et répartition de l’horaire. En revanche, c’est important à souligner, le recours
aux heures supplémentaires comme la répartition de l’horaire collectif sont du domaine du pouvoir normatif de l’employeur
tivités. D’où, du reste, la qualification de
travail précaire attachée au temps partiel.
On notera que l’architecture nouvelle née
de l’ordonnance du 12 mars 2007 de recodification contribue à une plus grande clarification en ce domaine (9).
Respect de la vie privée
Cette question est cruciale dans la mesure
où le respect de la vie personnelle à l’intérieur de la sphère professionnelle tend à devenir une liberté individuelle ne pouvant être
bafouée qu’à la marge au nom de l’intérêt de
l’entreprise, lequel, sous l’effet de l’article
L. 120-2 du Code du travail légalisant le principe de proportionnalité, tend à prendre de
la consistance par la conjugaison des intérêts catégoriels de la collectivité du personnel et de celle des actionnaires. De même, la
conciliation entre vie professionnelle et vie
privée devient un objectif favorisant la citoyenneté du salarié, d’autant plus facile à
fixer que la stratégie de Lisbonne en fait un
moyen de promouvoir la « flexi-sécurité » dans
la perspective du plein emploi.
Vers un droit au libre choix
Dès lors, plutôt qu’opposer temps plein et
temps partiel, mieux vaut favoriser l’opposition temps contraint-temps choisi. Pour
que le libre choix soit effectif, y compris pour
le temps plein, il faut déployer des règles de
conduite de la négociation, de la conclusion
et de la révision du contrat de travail qui favorisent l’égalité de pouvoir malgré (8) Cass. soc., 27 sept. 2006, no 04-43.446. (9) Barthélémy J., « L’architecture du droit de la durée du travail », CDRH n°132,
mai 2007.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
27
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
la subordination juridique et la dépendance
économique. Il appartient dès lors aux ac-
Cinquième paradoxe
teurs sociaux de concevoir un contenu plus
qualitatif des accords sur la durée du travail.
La connaissance parfaite du contexte grâce
Le cinquième des paradoxes, et non des moindres en raison des nombreuses hypothèses
à une information ciblée obligatoire, l’assistance possible d’experts, un délai de réflexion
avant d’arrêter la décision, la durée limitée
où il est en état de s’exprimer, est hérité de
ce que, dans le domaine de la durée du travail, les articles du Code du travail s’emboî-
d’application des nouvelles conditions de
travail, une procédure interne destinée à résoudre préventivement par la conciliation,
tent les uns dans les autres comme des
poupées gigognes.
voire l’arbitrage, les désaccords, etc., sont
autant d’éléments permettant de donner un
sens à l’expression « libre choix ».
Interaction entre durée
et modalités de répartition
Rien ne s’oppose à ce que les acteurs sociaux
s’engagent dans une telle voie… sauf peutêtre un défaut de créativité d’autant plus net
que généralement ils ne conçoivent le droit
que comme une source de contraintes et un
moyen de mettre en forme des stratégies arrêtées sans son concours. Il est grand temps
qu’on prenne en compte l’intérêt de l’approche organisationnelle du droit social (10) !
La confusion entre les expressions « temps
choisi » et « temps partiel » est d’autant plus
néfaste que l’ingénierie juridique donnant
corps à la notion de temps choisi, ou plus
généralement de libre choix, permettrait de
gommer la différence entre temps plein et
Ainsi, l’article L. 212-1, qui fixe la durée légale,
est conditionné à la fois par l’article L. 212-4
qui définit le temps de travail et par l’article
L. 212-2 qui détermine les modalités de répartition de l’horaire. La relation entre ces articles est logique puisque, pour évaluer le nombre d’heures effectivement travaillées, on a
besoin de séparer temps de travail et autres.
Il faudrait aller un peu plus loin en distinguant
parmi les autres ceux qui sont de repos, ceux
qui correspondent à une sujétion et ceux qui
sont du domaine de la vie personnelle. La tâche pour les distinguer devient de plus en
plus difficile en raison des mutations du travail induites des TIC.
Cette relation est également logique puisqu’il
temps partiel qui devient partiellement surréaliste et a des effets pervers.
Ainsi, lorsque l’horaire collectif coïncide
est nécessaire de savoir sur quelle période on
décompte les temps : semaine, multiple de
semaines, année.
avec la durée légale, soit 35 heures par semaine, l’employeur peut imposer au salarié d’effectuer des heures supplémentaires
tandis que, s’il effectue 34 h 59, les heures
complémentaires sont contractualisées !
Même remarque en ce qui concerne les modalités de répartition de l’horaire. Où est le
bon sens dans tout ceci ?
Durée légale,
heures supplémentaires
et repos compensateur
Mais au-delà, le champ du droit aux heures
supplémentaires (L. 212-5) est déterminé par
référence à celui de la durée légale et celui du
droit au repos compensateur (L. 212-5-1) par
(10) Barthélémy J., « Le droit social, technique d’organisation de l’entreprise », Editions Liaisons, 2003.
28
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Durée du travail : un droit du paradoxe
référence à celui concernant les heures supplémentaires… En conséquence, la manière
législateur dans des questions de détails davantage de la compétence du contrat sont à
dont on va évaluer le temps de travail effectif en application de l’article L. 212-4 aura des
répercussions en cascade sur le salaire ma-
l’origine d’une tendance paroxysmique (11) qui
joré, les repos compensateurs, le moment où
sera épuisé le contingent d’heures pouvant
être utilisées sans autorisation préalable de
l’inspecteur du travail !
Or, les litiges soumis au Conseil de prud’hommes en matière de durée du travail relèvent
souvent d’une demande de salaire pour nonrespect de la majoration pour heures supplémentaires. Le moyen auquel il est recouru par
le demandeur est tiré de l’application du critère de disposition à l’égard de l’employeur
définissant le temps de travail. Dès lors, la décision du tribunal d’accepter une demande
de complément de salaire se traduit indirectement par un éventuel droit à repos compensateur, par l’imputation d’heures sur le contingent, par le dépassement de la durée
maximum, etc., avec des effets possibles sur
le plan pénal. De cela, les acteurs sociaux n’ont
pas nécessairement conscience.
La complexification du droit de la durée du
travail née d’un excès de lois comme sa dérive technocratique née de l’implication du
s’explique d’autant moins que ce domaine est
le creuset d’une nouvelle conception du droit
du travail laissant une place plus importante
au tissu conventionnel dans la déclinaison de
sa fonction protectrice.
Les outils juridiques existent pour mieux
concilier efficacité économique et aspirations
sociales grâce à l’autonomie du contrat collectif à l’égard de la loi, autonomie vectrice
d’optimisation des normes sans altérer la fonction protectrice du droit du travail.
Mieux, l’abondance du tissu conventionnel
est telle aujourd’hui dans ce domaine de la
durée du travail que l’on peut, sans risque de
vide, imaginer un reflux de la loi sur les principes fondamentaux, concrétisés ici par le
souci de préserver la santé et la sécurité du
travailleur, c’est-à-dire l’ordre public de protection, d’autant plus à prendre en compte
que l’employeur est tenu à une obligation générale de sécurité de résultat. Sans doute faudra-t-il, pour donner plus de cohérence et d’efficacité à l’ensemble, s’intéresser aussi aux
rapports de l’accord collectif et du contrat de
travail. Le régime des temps partiels, celui de
l’intermittence et celui du travail de nuit y invitent et peuvent servir de points d’appui à
une réflexion prospective d’ensemble. (11) Barthélémy J., « Les tendances paroxysmiques du droit de la durée du travail », CDRH no 57, avr. 2002.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
29
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Faut-il un plan
anti-Halde ?
DISCRIMINATIONS
Face à l’activisme des associations
antiracistes et à la recrudescence
des testing et des interventions de
la Halde, les DRH ne peuvent pas
se permettre de rester statiques.
Sylvain Niel propose plusieurs
pistes d’action.
Par Sylvain Niel
Vice-Président d’Avosial
Directeur du département
GRH FIDAL
14, bd du Général Leclerc
92527 Neuilly-sur-Seine Cedex
Tél. : 01 47 38 54 00
[email protected]
«
Etre âgée de 18 à 22 ans,
faire une taille de vêtements entre 38 à 42 et
avoir le type BBR (bleu,
blanc, rouge) » mentionne le fax brandi par l’avocat de l’association antiraciste. Le président de la
cour d’appel se caresse le menton et vise
de son regard inquisiteur les trois dirigeants accusés qui baissent les yeux,
déjà coupables.
Pour les plaignants, le propos est sans
ambiguïté puisque, suite à ce fax, le pourcentage des candidates maghrébines ou
africaines recrutées est passé de 40 % à
moins de 4 %. Pour faire un exemple, la
ressemble à s’y méprendre à un autre CV
qu’elle a déjà reçu la semaine dernière.
La candidate aurait-elle écrit deux fois
par erreur ?
Elle fouille, trouve et découvre un second CV en tous points semblable mais
dont le nom du candidat est à consonance étrangère alors que celui mentionné sur l’autre est d’origine française.
Perplexe, elle montre sa découverte à
un collègue qui s’exclame « fais attention, nous sommes testés ! ».
Par acquis de conscience, elle tente de
joindre les candidats sur leur portable,
laisse des messages qui resteront sans
réponse.
Elle décide malgré tout de les convoquer pour des entretiens de recrutement. Evidemment personne ne se présente. L’entreprise fait de toute évidence
l’objet d’un « testing ».
Certains cherchent à sensibiliser les di-
cour condamne les entreprises à
30 000 € d’amende et l’auteur du fax à
trois mois de prison avec sursis (1).
Autre lieu, un siège social en région parisienne où une assistante en recrute-
rections d’entreprises en piégeant leurs
recruteurs pour obtenir à leur encon-
ment se demande si elle n’a pas des hallucinations. Voici un nouveau CV qui
Comment l’entrepr ise peut-elle se
tre des sanctions exemplaires qu’ils espèrent dissuasives.
Comment procèdent-ils ?
protéger ?
(1) Le 1er juin, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé les sociétés en cause ainsi que d’anciens cadres, qui étaient poursuivis pour avoir pratiqué
la discrimination raciale lors du recrutement de démonstratrices.
30
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Faut-il un plan anti-Halde ?
Comment procèdent
les « victimes » ?
Pièges tendus
aux entreprises
Pour « frapper fort », les associations
antiracistes portent leurs actions devant les tribunaux répressifs : en l’occurrence, le tribunal correctionnel.
La loi le leur permet désormais.
Elles recourent, pour ce faire, à tous
les moyens de preuve. C’est d’abord
le témoignage des salariés ayant reçu
l’ordre de rejeter les personnes de
couleur, de rayer les noms à consonance maghrébine ou africaine, ou
d’exclure les candidats âgés. Certaines associations n’hésitent pas à saisir le président du Tribunal de grande
instance pour obtenir une ordonnance permettant de faire procéder
par un huissier à une saisie et à un
contrôle de fichiers ethniques. D’autres enfin recourent au « testing ».
Cette pratique consiste à simuler une
demande émanant d’une personne
issue d’une « minorité apparente » afin
de susciter un traitement discriminatoire et de pouvoir le prouver.
La Cour de cassation considère que
le testing est un mode de preuve valable. Aucune disposition légale ne
permet, selon elle, aux juges répressifs d’écarter des éléments fournis à
l’appui d’un recours au seul motif
la valeur probante après les avoir soumis à une discussion contradictoire (2).
qui porte la responsabilité de « l’apartheid ». Tous les moyens sont bons.
Le testing a par ailleurs été légalisé
Cela va de la délation anonyme à l’enquête discrète menée en interne par
les syndicats, ou certains salariés, en
par l’introduction d’un article spécifique dans le dispositif répressif de
lutte contre la discrimination (3).
Pour lancer un testing, les associations antiracistes suggèrent d’établir
un protocole d’enquête.
En tout premier lieu, elles préconisent de définir un échantillon représentatif. Afin d’éviter toute contestation ultérieure sur la qualité du panel
retenu, elles recommandent de démultiplier le nombre de CV, en mobilisant, pour ce faire, plusieurs personnes. Elles suggèrent de donner à
cette opération un côté festif en l’agrémentant d’un repas !
La seconde étape consiste à « tendre
un piège » en mettant en évidence la
discrimination. Le comportement reproché à la personne testée doit apparaître dicté par une seule et unique raison : l’appartenance de la
victime à une minorité apparente.
C’est le cas de « l’audit par couple »
où deux CV sont adressés à l’entreprise, l’un d’un blanc, l’autre d’un
homme de couleur. Précision utile :
les CV étant identiques et risquant
d’attirer l’attention des recruteurs, ils
sont souvent envoyés à des dates séparées de plusieurs jours et à des des-
qu’ils auraient été obtenus de façon
tinataires différents.
La dernière étape consiste à identifier le discriminateur potentiel. Du
illicite ou déloyale. Il appartient seulement au magistrat d’en apprécier
président au cadre opérationnel, en
passant par le DRH, il s’agit d’établir
passant par l’interception de mails,
de fichiers, de logiciels ou de dossiers d’évaluation compromettant.
Un stagiaire a ainsi signalé, à une association antiraciste, l’existence d’une
banque de données informatique où
les collaborateurs étaient classés en
fonction de leur couleur de peau
(PRI : bonne présentation, PRII : présentation passable, PRIV : collaborateur de couleur).
Quand la Halde teste
les entreprises….
La Halde a testé, en 2006, le recrutement de trois grandes entreprises. Elle
a adressé 1 080 CV, soit plus de 300 par
groupe. L’enquête a conclu à des différences de traitement « faibles et non significatives » entre les candidats. Toutefois, elle a noté que :
- le critère d’âge semble avoir l’impact
le plus négatif sur les chances de succès des candidats ;
- l’apparence semble également avoir plus
d’impact négatif sur le traitement des
CV de cadres que d’autres variables ;
- s’agissant des emplois non cadres, l’âge,
l’origine maghrébine et, à un moindre
degré, l’apparence paraissent avoir une
influence sur le traitement des CV les
moins qualifiés.
Certains conseillent de recueillir la
preuve par testing en présence d’un
huissier de justice. D’un coût (2) Cass. crim., 11 juin 2002, no 01-85.559. (3) C. pén., art. 225-3-1 : les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayant
sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est
judiciairement établie.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
31
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
relativement élevé, cette pratique
conduit certaines associations à re-
fractions relatives aux règles d’égalité
professionnelle ou de rémunération (5).
commander de contacter une COPEC (4) pour demander à bénéficier de
l’aide judiciaire. A défaut, elles conseil-
Il peut assigner l’auteur de l’infraction
lent de se rapprocher de la police. Enfin, d’autres suggèrent de faire appel
aux services de l’inspection du travail
car ces derniers peuvent accéder à tout
document utile dans le cadre d’une
enquête en discrimination et relever
par procès-verbal les infractions.
L’objectif de toutes ces actions est d’obtenir le renseignement qui va permettre d’engager un recours judiciaire
contre l’entreprise. Information d’autant plus délicate à obtenir qu’elle est
sous réserve d’en avoir informé la victime par écrit et qu’elle ne s’y soit pas
opposée. Celle-ci n’est pas obligée de
se présenter à l’audience.
Les intéressés peuvent assigner le responsable ou porter plainte contre lui.
Deux actions aux caractères fondamentalement différents en raison de
leurs conséquences.
Assignation devant
les prud’hommes
Les associations antiracistes peuvent
également déposer une plainte au
nom d’une victime de discrimina-
L’action devant le conseil des
prud’hommes peut être engagée par
des collaborateurs de l’entreprise ou
par ses anciens salariés.
Elle peut aussi l’être, s’agissant d’une
discrimination à l’embauche, par des
candidats alors qu’aucun contrat de
travail n’a encore été conclu (6).
Lorsque la discrimination concerne
des stages d’étudiants, il semble que
ce soit également le conseil des
prud’hommes qui soit compétent et
non le TGI. Cette question n’a pas
encore été tranchée par la jurispru-
tion. Sont concernées celles qui sont
constituées depuis au moins cinq ans
pour la lutte contre les discrimina-
dence.
Compte tenu de l’application aux stagiaires des dispositions de l’article
tions. Elles doivent cependant justifier d’un accord écrit de la victime.
Elles peuvent aussi se porter partie
L. 122-45 du Code du travail relatif
aux discriminations prohibées, la compétence prud’homale peut, selon
civile à ses côtés.
Un syndicat peut par ailleurs exercer
toute action en justice en faveur d’un
nous, être retenue sur le fondement
du « bloc de compétence » établi en la
matière par la Cour de cassation « au
salarié ou d’un candidat pour des in-
profit du juge naturel du travail » (7).
souvent codée, secrète et protégée.
Poursuites judiciaires
Une fois la discrimination mise à jour,
la victime peut :
- saisir la Halde ;
- porter plainte ;
- ou assigner l’auteur devant le conseil
des prud’hommes.
(4) Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté. (5) C. trav., art. L. 123-6, al. 1 ; C. trav., art.
L. 123-1 ; C. trav., art. L. 140-2 ; C. trav., art. L. 140-4. (6) Cass. soc, 20 déc. 2006, no 06-40.662 ; Cass. soc., 20 déc. 2006,
no 04-16.550. (7) Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 06-40.66 ; Rapport annuel 2006 de la Cour de cassation, La Documentation française.
32
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Faut-il un plan anti-Halde ?
Les demandes d’annulation émanent
ganes de direction dont les femmes
sont exclues, des ouvriers d’origine
africaine employés exclusivement
pour certains travaux, des seniors
en général de collaborateurs en poste
ou d’anciens salariés contestant la
validité de la rupture de leur contrat
écartés des services commerciaux,
ou des obèses évincés de certains
emplois…
Ce type de recours vise à obtenir des
dommages et intérêts, ou à faire annuler la décision qui a été prise (8).
de travail.
En cas d’annulation de licenciement,
le juge peut condamner l’entreprise
à réintégrer le salarié concerné. Dans
ce cas, celui-ci peut prétendre à un
rappel de salaire depuis la date de la
fin de son préavis jusqu’au jour de
sa réintégration.
Si la mesure discriminatoire l’a
conduit à être évincé d’une promotion ou d’une évolution de carrière,
il est rétabli dans ses droits et indemnisé (9). Il est alors classé dans l’emploi qui lui a échappé et bénéficie
d’un rattrapage de salaire (10).
Le demandeur doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe
ou indirecte.
Au vu de ces éléments, l’entreprise
doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Dans cette perspective, le juge peut
ordonner toute mesure d’instruction
utile. Il en va fréquemment ainsi en
présence de discriminations indirectes apparentes.
A la différence de la discrimination
directe qui est nécessairement volontaire et intentionnelle, la discrimination indirecte résulte d’un
constat objectif. C’est le cas des or-
Dépôt de plainte
Le dépôt de plainte a pour objet l’obtention à la fois de la condamnation
pénale de l’auteur de la discrimination et de la réparation du préjudice
qu’il a occasionné.
L’administration de la preuve n’obéit
pas, devant le tribunal correctionnel,
au même régime qu’en matière
prud’homale. Il faut que l’intention
de discriminer soit établie. Le seul
constat de faits laissant supposer
l’existence d’une discrimination ne
suffit pas à caractériser cet élément
intentionnel. C’est notamment pour
cette raison qu’une même affaire peut
amener le conseil des prud’hommes
à condamner un employeur pour discrimination alors que celui-ci serait
relaxé par le tribunal correctionnel.
Devant le juge répressif, l’enjeu est cependant tout autre que devant les
prud’hommes, dans la mesure où le
coupable risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement ferme et 45 000 €
d’amende (11). Les condamnations à
des peines d’emprisonnement sont
néanmoins relativement rares, voire
exceptionnelles, car l’intention criminelle est difficile à établir, et c’est pour
cette raison que certaines associations
recourent à d’autres voies dissuasives.
Médiatisation de la plainte
Certaines associations antiracistes réclament une condamnation exemplaire devant les tribunaux et sollicitent la publication du jugement dans
des quotidiens de grande audience.
C’est d’ailleurs souvent cette médiatisation de l’affaire qui est recherchée.
C’est le « naming shaming ». Elles escomptent une publication de nature
à ruiner une réputation ou susceptible d’affecter les ventes de l’entreprise concernée. Malheureusement,
la médiatisation du procès dépasse
souvent celle de la condamnation
prononcée à l’issue d’un long délibéré : fait révélateur de cette tendance,
l’affaire du « BBR » a été largement
médiatisée, alors que la cour d’appel
n’avait pas encore rendu sa décision.
Pour ces associations, il est plus efficace de communiquer sur le testing
qui soutient la plainte que sur le résultat du procès. Elles n’hésitent donc
pas à inciter à la publication des résultats du test sans attendre la décision de justice. Pour intensifier le préjudice commercial de l’entreprise
testée, elles recommandent par ailleurs aux victimes de distribuer des
tracts, par exemple, à l’entrée d’un
magasin un jour de grande affluence
ou de défilé en centre-ville.
Un risque que les DRH doivent anticiper.
Saisine de la Halde
La victime d’une discrimination peut
choisir de saisir la Halde au lieu d’assigner l’auteur devant le (8) C. trav., art. L. 122-45, dernier al. (9) Cass. soc., 24 févr. 2004, no 01-46.499. (10) Cass. soc., 23 nov. 2005, no 03-40.826. (11) C. pén., art. 225-1 et s.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
33
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
conseil de prud’hommes ou de porter plainte.
Quel est le rôle exact de cette autorité et quels sont ses pouvoirs ?
Rôle et pouvoirs de la Halde
En matière de discrimination, difficile d’ignorer la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) mise en place
en 2005 (12). Comme la Cnil, c’est
une autorité administrative indépendante qui intervient aussi bien pour
sensibiliser que pour sanctionner
les auteurs de discriminations, directes ou indirectes.
Pour la conduite de sa mission, la
Halde est dotée de moyens et de pouvoirs particulièrement importants.
Elle peut émettre des recommandations, lancer des investigations, pro-
Ils peuvent se faire assister d’un avocat. Un procès-verbal contradictoire
de l’audition est dressé durant l’interrogatoire, dont un exemplaire leur
est remis. Pour compléter son dossier, la Halde peut interroger les services de police et les inspecteurs du
travail.
Ses services peuvent exiger de prendre connaissance d’informations à
caractère confidentiel ou secret. En
cas de refus, ils peuvent mettre en
demeure les réfractaires, par lettre recommandée avec avis de réception,
de leur répondre dans le délai qu’ils
fixent. Si le destinataire ne répond
toujours pas, la Halde peut saisir le
juge des référés afin d’obtenir une ordonnance assortie d’une astreinte financière à l’encontre de l’intéressé.
Elle peut en outre charger ses agents
poser une médiation ou une transaction pénale.
Elle peut engager des poursuites de-
de procéder à des vérifications dans
les locaux de l’entreprise en procédant, le cas échéant, à des auditions.
vant les tribunaux, suite à sa saisine
par une victime, une association ou
un parlementaire.
En principe, un avis préalable est
adressé aux personnes intéressées et
leur accord est sollicité. En cas de re-
Elle peut également s’autosaisir uniquement sur la base de faits portés
à sa connaissance.
fus, la Halde peut également saisir le
juge des référés afin qu’il autorise
cette visite. Elle donne lieu ensuite à
Une fois saisie, la Halde dispose de
pouvoirs d’investigation qui vont de
la demande d’informations ou de do-
un rapport écrit qui est communiqué par lettre recommandée avec avis
de réception aux personnes intéres-
cuments, assortie d’une mise en demeure, à des auditions et des vérifications sur place diligentées par ses
sées. Celles-ci sont invitées à faire
connaître leurs observations dans un
délai d’au moins dix jours.
agents. Elle peut convoquer toutes
les personnes qu’elle désire entendre. Les intéressés sont prévenus au
La saisine de la Halde ne suspend
pas les délais relatifs à la prescription
des actions en matière civile et pé-
préalable, dans un délai d’au moins
quinze jours, de l’objet de l’audition.
nale et aux recours administratifs et
contentieux.
(12) L. no 2004-1486, 30 déc. 2004 ; D. no 2005-215, 4 mars 2005.
34
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Faut-il un plan anti-Halde ?
Transaction pénale
Il faut envisager des mesures concrètes pour :
A l’issue de son enquête, la Halde,
convaincue d’avoir démasqué un ou
nel. Dans les autres cas, le procureur
doit autoriser la Halde à transiger,
en indiquant éventuellement le mon-
plusieurs actes discriminatoires, peut
proposer une transaction pénale à l’auteur de l’infraction. En présence d’une
tant minimal de l’amende à proposer à l’auteur de l’infraction.
Si l’action publique n’a pas été dé-
discrimination qu’elle juge avérée, la
Halde peut suggérer à l’auteur des faits
le versement d’une amende transac-
clenchée et que l’auteur accepte les
sanctions proposées par la Halde,
la transaction n’est pas pour autant
tionnelle. Cette proposition financière est limitée à 3 000 € pour une
personne physique et à 15 000 € pour
valable. Elle doit être homologuée
par le procureur de la République.
Le procureur, saisi par la Halde, doit
se prononcer dans le mois suivant
la réception du dossier de demande
d’homologation. Le ministère public peut refuser l’homologation si
la sanction pénale négociée est disproportionnée au regard de la gravité des faits et de la personnalité
de l’intéressé. Le Parquet conserve
donc la main sur la transaction pé-
Correspondant égalité des chances
nale. Par ailleurs, si la transaction
pénale inclut la réparation du préjudice supporté par la victime, la va-
des ressources humaines ou le correspondant « Diversité ». La saisine
de cet interlocuteur est confiden-
lidation est soumise à son accord.
Une fois homologuée par le Parquet
et acceptée par la victime, la transac-
tielle et est facilitée pour favoriser
une communication libérée de toute
contrainte ou menace de représail-
tion pénale éteint les poursuites et
n’est pas inscrite au casier judiciaire
du responsable.
les. D’un point de vue logistique,
c’est d’abord un numéro vert. C’est
ensuite un guide d’entretien à des-
une personne morale. La Halde peut,
en plus, proposer une indemnisation
de la victime et des mesures d’affichage ou de publicité de sa décision.
La personne incriminée peut refuser cette proposition. Dans ce cas, la
Halde peut mettre elle-même en mouvement l’action publique au moyen
d’une citation directe devant le tribunal correctionnel.
En revanche, si la transaction est acceptée et exécutée dans les délais
prescrits, il y a extinction de l’action
publique, sous réserve qu’elle n’ait
pas été engagée.
En principe, la transaction n’est plus
possible si une action publique est
déjà enclenchée. Cela peut être le cas
si une enquête est en cours. Le procureur de la République doit dans
ce cas indiquer à la Halde s’il accepte
la transaction qu’elle entend proposer. Le ministère public peut refuser
la proposition transactionnelle si les
faits ne constituent pas le délit de
discrimination ou si, au contraire,
ils sont d’une telle gravité que des
poursuites pénales doivent être engagées devant le tribunal correction-
Que peut faire
l’entreprise ?
Compte tenu des risques de testing
inopinés ou de poursuites judiciaires, la plupart des directions estiment
qu’il n’est pas envisageable de rester
statique.
L’adhésion à la charte sur la diversité
ne suffit pas à prévenir ces risques.
- éviter toute mesure discriminatoire ;
- mais aussi prévoir les moyens d’une
défense efficace contre toute accusation.
Plan d’action
antidiscrimination
Les plus grandes entreprises désignent fréquemment un correspondant antidiscrimination, appelé quelquefois « Monsieur ou Madame
Diversité ». Il, ou elle, anime un
groupe de travail en charge de préconiser des actions correctives.
Certaines entreprises mettent en
place une procédure interne permettant à tout collaborateur victime de
discrimination de saisir la direction
tination de l’enquêteur où sont mentionnées les questions à poser au
plaignant. Suite à ces entrevues, un
rapport est rédigé, dans lequel sont
préconisées des mesures correctives en présence de discrimination
établie. Dans ce cas, la direction propose souvent une transaction pour
indemniser la victime du préjudice
passé et sa réintégration dans ses
droits s’il a été écarté d’une Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
35
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
évolution professionnelle méritée.
En ce qui concerne l’immunité du
correspondant « Diversité », la jurisprudence considère qu’un collaborateur ne commet aucune faute s’il
signale de bonne foi à sa hiérarchie
les propos racistes tenus par le responsable du personnel à l’encontre
des candidats à l’embauche, ces faits
étant en rapport avec ses attributions, notamment celle de veiller à
l’éthique de l’entreprise
(13)
.
Audit diversité
Certaines entreprises procèdent à
un état des lieux pour identifier les
risques de discrimination. L’objectif est d’identifier les secteurs, services ou équipes où la diversité est
insuffisante. Cela passe par une mesure quantitative du poids de certaines minorités apparentes telles
que les femmes, les seniors, les personnes issues de l’immigration ou
les handicapés. Ce rapport apparaît
toutefois très délicat à réaliser.
Tout d’abord, l’analyse de la diver-
le lancement dans les grandes entreprises d’un « audit diversité » tous
les ans au moins. Enquête notamment conseillée pour celles qui ont
adhéré à la charte de la diversité.
Cette étude peut être réalisée éventuellement sous le contrôle de la
Halde. Cnil et Halde en examineront les modalités de réalisation et
ses résultats. Dans ce cadre, des
mentions relatives à la nationalité
et au lieu de naissance des parents
peuvent être admises.
Il existe ensuite un autre danger car
le résultat d’une telle enquête doit
être communiqué, à leur demande,
à l’inspection du travail ou à la Halde.
En outre, un des experts du comité
d’entreprise peut en prendre connaissance. Son caractère confidentiel apparaît de ce fait très limité.
D’autres firmes procèdent au testing
de leur propre service pour révéler
d’éventuelles discriminations à l’embauche. Cette pratique ne va pas sans
soulever des difficultés dans la mesure où, bien qu’admise contre l’em-
sité nécessite le recueil, le traitement
et la conservation d’informations
personnelles. L’exploitation d’un
ployeur, elle apparaît discutable lorsque c’est ce dernier qui l’utilise contre
ses propres salariés. De toute éviden-
tel fichier est soumis à une déclaration préalable auprès de la Cnil.
Celle-ci estime que l’instauration
ces « l’autotesting » doit suivre la procédure applicable à l’utilisation de
tout système de surveillance : consul-
d’un fichier « ethno-racial » doit être
limitée à un traitement statistique
des données issues des fichiers de
tation des représentants du personnel et information des salariés sont
dès lors indispensables.
personnel (ex : nom, prénom, nationalité, lieu de naissance, adresse).
Elle recommande plutôt de développer des enquêtes par questionnaires anonymes (14). La Cnil évoque
Formation
Les grands groupes recourent également à des stages de formation destinés au management. La prévention
(13) Cass. soc., 8 nov. 2006, no 05-41.504. (14) Rapport de la Cnil du 15 mai 2007.
36
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Faut-il un plan anti-Halde ?
des discriminations peut être le thème
même du stage, ou bien être une sé-
- date de naturalisation ;
- modalités d’acquisition de la natio-
Ce sont souvent non seulement les pratiques à risques qui doivent être iden-
quence d’une action de formation
plus globale portant, par exemple,
sur la responsabilité des managers.
nalité française ;
- nationalité d’origine ;
- numéros d’immatriculation ou d’affi-
tifiées et révisées mais aussi toute la
procédure de recrutement qui doit être
mise en examen.
liation aux régimes de Sécurité sociale ;
- détail de la situation militaire : sous
la fome « objecteur de conscience,
Si le recrutement ne peut être centralisé ou externalisé vers des spécialistes, il faut impérativement sen-
ajourné, réformé, motifs d’exemption
ou de réformation, arme, grade » ;
- adresse précédente ;
sibiliser et former l’ensemble des
collaborateurs qui participent à son
processus. C’est-à-dire les « recru-
- entourage familial du candidat
(nom, prénom, nationalité, profession et employeur du conjoint ainsi
teurs ».
Chaque recruteur doit établir un profil pour le poste à pourvoir et rem-
que nom, prénom, nationalité, profession et employeur des parents,
des beaux-parents, des frères et
sœurs et des enfants) ;
- état de santé ;
- taille ;
- poids ;
- vue ;
- conditions de logement (propriétaire ou locataire) ;
- vie associative ;
- domiciliation bancaire ;
- emprunts souscrits.
plir une grille de présélection.
Cette grille précise pour chaque
poste :
- le diplôme exigé ;
- la formation professionnelle suivie ;
- la pratique d’une langue ;
- la maîtrise de certaines techniques
à l’instar de certains développements
en informatique ;
- l’expérience dans le métier ou la
branche d’activité.
Il s’agit de critères apparents qui doivent figurer sur l’offre d’emploi. Charte diversité
Certaines grandes entreprises organisent une communication en faveur
de la diversité. Elles y voient une raison de développer une politique nouvelle dans la gestion des ressources
humaines en mettent en avant le brassage des cultures, des races et des
ethnies. Leurs sites Internet et journaux d’entreprise sont mobilisés pour
faire connaître les mesures concrètes prises en faveur des « jeunes des
quartiers », des « mères de familles »,
des « handicapés » ou des « seniors ».
Dans la perspective d’un véritable
engagement, elles révisent leurs procédures de recrutement. Certains critères de sélection sont éliminés pour
favoriser l’intégration de minorités
apparentes qui sans cela seraient éliminées. C’est l’émergence d’une discrimination positive.
Révision des procédures
de recrutement
10 questions pour révéler les modifications
à envisager dans le processus de recrutement
1. Qui peut recruter dans l’entreprise ?
Toujours dans le registre de la prévention, certaines entreprises révi-
2. Le recruteur connaît-il les règles antidiscrimination ?
sent leurs méthodes de recrutement.
Elles confrontent les dossiers de candidatures qu’elles font remplir avec
4. L’une des mentions proscrites par la Cnil figure-t-elle sur l’offre d’emploi ou dans
les dossiers de candidature ?
5. Tous les candidats non retenus reçoivent-ils une réponse ?
les normes admises par la Cnil.
En ce qui concerne les opérations de
recrutement, la Cnil estime que la
6. Le refus est-il motivé ?
collecte des informations suivantes
est irrégulière :
- date d’entrée en France ;
3. Qui rédige l’offre d’emploi ?
7. Existe-t-il une liste de réponses types ?
8. Une liste de critères de sélection est-elle établie avant le recrutement ?
9. Les lettres de réponse aux candidats sont-elles conservées ?
10. Les candidatures spontanées suivent-elles la procédure définie pour le recrutement lancé par annonce ?
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
37
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Il est même fortement conseillé de
préciser sur cette offre que l’absence
de ces précisions sur la lettre du candidat entraînera automatiquement le
rejet de son dossier.
Puis vient le tri où chaque candidat
est noté en fonction des critères apparents auxquels il satisfait.
Les meilleurs sont alors convoqués
pour un entretien de recrutement et
ceux qui ne sont pas retenus doivent
recevoir une réponse courte mentionnant le ou les critères qu’ils ne remplissent pas.
CV anonyme
La loi relative à l’égalité des chances
a imposé le recours au CV anonyme
dans les entreprises de 50 salariés et
plus (15). Ses modalités d’application
devaient être fixées par un décret.
Mais entre-temps, l’accord interprofessionnel sur la discrimination (16) a
opté pour l’expérimentation.
Pour l’instant, l’anonymat du CV n’est
donc pas obligatoire.
Certaines entreprises ont toutefois
mis en place une procédure de recrutement assurant l’anonymat des
Les réponses à adresser à un candidat dont vous ne retenez
pas la lettre
Choisissez l’un des motifs de rejet suivants :
Formation initiale inadaptée au poste
Absence de diplôme exigé pour le poste
Absence de certificat ou de permis de conduire
Absence de mentions sur la (ou les) langue(s) étrangère(s) indispensable(s)
Méconnaissance du secteur d’activité
Absence d’expérience dans le secteur d’activité
Absence d’expérience dans l’emploi proposé
Incohérence du parcours professionnel par rapport à la formation
Inadéquation des expériences professionnelles
Date de disponibilité inadaptée
Insuffisance de la durée des expériences professionnelles
Filière et niveau d’étude non adaptés
Information incomplète sur la lettre de candidature
Information incomplète sur le CV
Niveau de connaissance de la langue insuffisant
Absence d’expérience du management
...
(15) C. trav., art. L. 121-6-1 : dans les entreprises de 50 salariés et plus, les informations mentionnées à l'article L. 121-6 et communiquées par écrit par le candidat à l'emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. (16) ANI relatif à la diversité dans l’entreprise,
12 oct. 2006.
38
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Faut-il un plan anti-Halde ?
candidatures. Pour ce faire, elles utilisent l’outil Internet. Le recruteur
- aux supérieurs hiérarchiques ou à
l’employeur de la personne dénon-
mesure où cet organisme a la nature
juridique « d’autorité administrative »,
reçoit une candidature où sont masquées les données concernant l’origine du postulant (photo, nom, pré-
cée.
Ce délit vise également les saisines
injustifiées de la Halde.
les recours dirigés à son encontre doivent être portés devant les tribunaux
administratifs.
nom, âge, adresse, sexe et nationalité
sont cachés).
L’examen du CV est exclusivement
La dénonciation calomnieuse est lourdement sanctionnée dans la mesure
où le coupable risque jusqu’à cinq
Il n’est pas possible d’utiliser le recours
pour excès de pouvoir car, selon le
Conseil d’Etat, les recommandations
axé sur la formation et les compétences du candidat. Toutefois, d’après
certains utilisateurs, le recours au CV
ans d’emprisonnement et 45 000 €
d’amende.
Ainsi, Monsieur Omar X qui avait dé-
émises par la Halde « ne constituent pas,
par elles-mêmes, des décisions administratives ». C’est donc un recours de droit
anonyme n’a pas fondamentalement
modifié les caractéristiques des personnes recrutées.
noncé anonymement à la Cnil un des
responsables d’une caisse d’assurance
maladie qui aurait tenu, selon ses di-
commun qui doit être exercé. A l’instar des décisions de la Cnil, celles de
la Halde semblent pouvoir être soumi-
res, un fichier discriminatoire pour
les personnes d’origine étrangère a,
après enquête ayant révélé la calomnie et démasqué le délateur, été
condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve
ainsi qu’au versement de 3 500 € de
dommages-intérêts (18). En présence
ses au même contrôle, notamment
lorsqu’elles sont particulièrement coercitives ou lorsque le droit est manifestement bafoué. Cela peut être le cas
d’une transaction pénale signée alors
que les droits de la défense n’ont pas
été respecté ou encore d’un testing imprudemment médiatisé.
Face au « gendarme » de la lutte antidiscrimination, il faut s’apprêter à dresser « les légions des droits de la défense ». Faire face aux accusations
de discrimination
La prévention, c’est aussi protéger l’entreprise contre une fausse accusation !
La discrimination est un délit, la dénoncer un droit. Accuser faussement
une personne d’une pratique discriminatoire est une calomnie.
La dénonciation, effectuée par tout
moyen et dirigée contre une personne
déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou
partiellement inexact, constitue le
délit de dénonciation calomnieuse (17).
Cela concerne les dénonciations
adressées :
- à un officier de justice ou de police
administrative ou judiciaire ;
- à une autorité ayant le pouvoir d’y
donner suite ou de saisir l’autorité
compétente ;
d’une saisine fantaisiste de cette autorité, la direction doit s’interroger
sur l’opportunité de porter plainte
pour dénonciation calomnieuse.
L’employeur peut en outre envisager
la rupture du contrat de travail du
délateur coupable puisque la jurisprudence qualifie de faute grave le
fait pour un salarié de porter de fausses accusations contre son employeur,
ces imputations diffamatoires étant
de nature à porter atteinte à sa réputation personnelle et à celle de la société qu’il dirige.
L’entreprise peut par ailleurs contester les décisions de la Halde. Dans la
(17) C. pén., art. 226-10 : la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou
disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y
donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. La
fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas
imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. (18) Cass. crim., 5 sept. 2006,
no 06-80.320.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
39
DOSSIER
Par le Cabinet Jacques
Barthélémy et Associés
Sous la direction de
Dominique Jourdan
LE LICENCIEMENT
ECONOMIQUE
« AUJOURD’HUI » (suite)
Le Cabinet Jacques Barthélémy poursuit l’actualisation de ses fiches pratiques
publiées en juillet 2003 dans le supplément des Cahiers du DRH (1).
Après les préalables au licenciement économique, les procédures applicables, les
mesures d’accompagnement…, c’est à l’ordre des licenciements, à la notification
et à la priorité de réembauchage qu’est consacrée cette mise à jour.
Dominique Jourdan est directeur technique du Cabinet d’avocats « Jacques Barthélémy
et associés ».
Ce cabinet poursuit l’activité du cabinet fondé en 1965 par Jacques Barthélémy dont il partage
la philosophie et poursuit la démarche.
Forte de 130 collaborateurs dont 80 avocats et une vingtaine d’associés, et sous l’animation de son
fondateur historique, Jacques Barthélémy, cette société exerce au sein de 8 barreaux : Paris, Lyon,
Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, Nîmes, Rennes et Strasbourg.
A l’instar de Jacques Barthélémy, et de son rôle majeur dans l’élaboration du droit et dont l’œuvre
créatrice et l’expérience est reconnue au plus haut niveau, le conseil scientifique du cabinet, dont
Dominique Jourdan est membre avec le doyen Paul-Henri Antonmattei, développe la recherche
appliquée en droit social à vision prospective et pratique.
(1) « Le licenciement économique après la loi Fillon », Les Cahiers du DRH, supp. au no 85, juill. 2003.
40
Les Cahiers du DRH - nº 135- Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Ordre des licenciements
L
e choix des salariés touchés par le licenciement économique n’est pas en-
licenciement économique, l’employeur n’est
alors pas tenu de consulter le comité d’entre-
tièrement discrétionnaire. Il doit répondre pour partie à des critères objectifs et
être établi selon un ordre prédéterminé.
prise sur les critères d’ordre des licenciements (6).
Les règles relatives à l’ordre des licenciements
ne s’appliquent toutefois pas lorsque l’employeur ne peut opérer de choix parmi les
salariés à licencier. Il en est ainsi lorsque tous
les salariés d’une entreprise de la même catégorie professionnelle sont licenciés (7), ou
quand au moment du licenciement le salarié occupe le seul poste relevant de la catégorie dont est décidée la suppression (8).
Hypothèses de mise
en œuvre
La prise en compte de critères pour déterminer les salariés à licencier concerne tous les
licenciements pour motif économique, qu’ils
soient individuels ou collectifs.
Ceux-ci peuvent être fixés par la convention
collective de branche ou par l’accord d’entreprise. L’employeur devra alors s’y conformer (2).
En l’absence de dispositions conventionnelles, les critères seront établis à l’occasion de
chaque licenciement. Il ne peut se prévaloir
d’un document établi unilatéralement par
l’employeur à l’occasion d’un précédent licen-
Attention, si le salarié est seul à occuper le
poste supprimé, il n’est pas nécessairement le
seul salarié de sa catégorie, situation qui exige
alors que soient définis les critères de licenciement (9).
Etablissement des critères
ciement économique (3).
Cette obligation ne joue que lorsque les licenciements sont projetés (4). Tel n’est pas le cas,
par exemple, lorsqu’une entreprise s’est bor-
Prise en compte
des critères légaux
née à prévoir le passage du travail à temps
complet au travail à mi-temps, une mobilité
applicable, l’employeur doit prendre notamment en compte :
interne et le volontariat au départ sans qu’aucun licenciement ne soit prévu (5). De même,
- les charges de famille et en particulier celles des parents isolés ;
si la réduction d’effectif envisagée ne doit se
- l'ancienneté de service dans l'établissement
réaliser, selon le plan de sauvegarde, qu’aux
moyens d’accords de rupture négociée conclus
avec les seuls salariés souhaitant quitter volontairement l’entreprise, à l’exclusion de tout
ou l'entreprise ;
- la situation des salariés dont les caractéristiques sociales rendent leur réinsertion professionnelle très difficile, notamment Aux termes de l’article L. 321-1-1 du Code du
travail, en l’absence de convention ou d’accord
(2) Cass. soc., 20 janv. 1993, no 91-42.032. (3) Cass. soc., 8 avr. 1992, no 89-43.288. (4) Cass. soc., 3 déc. 1996, no 94-22.163 ; Cass. soc., 14 mars 2000,
no 98-42.446. (5) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828. (6) Cass. soc., 12 juill. 2004, no 02-19.175. (7) Cass. soc., 27 mai 1997, no 95-42.419 ; Cass. soc.,
14 janv. 2003, no 00-45.700. (8) Cass. soc., 1er avr. 2003, no 01-41.775 ; Cass. soc., 24 janv. 2007, no 04-41.648. (9) Cass. soc., 16 déc. 1997, no 95-44.628.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
41
DOSSIER
des personnes handicapées
riés âgés ;
(10)
et des sala-
- les qualités professionnelles appréciées par
catégorie.
CONSEIL
La prévention du risque discrimi-
natoire commande de se fonder sur des éléments aussi objectifs que possible. En cas
de contentieux, l’employeur pourra en effet
être amené à communiquer au juge les éléments objectifs et étayés sur lesquels il s’est
appuyé pour arrêter son choix (11), par exemple des grilles d’évaluation des qualités professionnelles qui auront pu être établies lors
d’entretiens annuels
(12)
.
La liste n’est pas limitative. L’employeur peut
la compléter par d’autres critères objectifs,
à condition qu’ils ne soient pas discriminatoires (nationalité, sexe, religion, temps partiel/temps plein, etc.).
A titre d’exemple, ces critères pourraient être
les suivants :
- niveau de diplôme ;
- possibilité de bénéficier d’une préretraite (13).
Une fois la liste des critères arrêtée, il est permis à l’employeur de privilégier l’un d’entre
eux dès lors qu’ils ont tous été pris en compte (14).
A noter que l’ordre dans lequel le Code du
travail énumère les critères ne lie pas l’employeur. Il peut être opportun de pondérer
chacun des critères selon l’importance qu’on
souhaite lui attribuer en fixant, par exemple,
un nombre de points.
Exemple de grille d’application des critères
fixant l’ordre des licenciements économiques :
Qualités professionnelles :
- compétences techniques : 1 à 3 points ;
- polyvalence : 1 à 3 points ;
- capacités d’adaptation : 1 à 3 points ;
- autonomie : 1 à 3 points ;
- esprit d’initiative : 1 à 3 points.
Charges de famille :
- 1 enfant : 1 point ;
- 2 enfants : 2 points ;
- 3 enfants : 3 points ;
- 4 enfants et plus : 4 points ;
- majoration de 2 points pour parents
isolés.
Sont pris en compte les enfants à charge au
sens de la législation fiscale.
Ancienneté dans l’entreprise :
- de 0 à 4 ans : 1 point ;
- de 5 à 9 ans : 2 points ;
- de 10 à 14 ans : 3 points ;
- 15 ans et plus : 4 points.
Caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle particulièrement difficile :
- âge :
- de 18 à 39 ans : 1 point,
- de 40 à 49 ans : 2 points,
- 50 ans et plus : 4 points ;
- handicap reconnu par la COTOREP :
10 points.
Les salariés qui obtiendraient le même nombre de points seraient départagés en appliquant successivement les critères suivants :
- 1) handicap reconnu par la COTOREP ;
- 2) qualités professionnelles ;
- 3) charges de famille ;
- 4) ancienneté dans l’entreprise ;
- 5) âge.
OBSERVATION
L’employeur qui décide d’exclure
d’un licenciement économique collectif certaines catégories de salariés objectives, par
exemple les plus âgés et ceux ayant un certain
nombre d’enfants, doit d’abord exclure ceuxci de la liste des salariés susceptibles d’être licenciés et ensuite appliquer à l’ensemble les
critères relatifs à l’ordre des licenciements (15).
(10) Cass. soc., 11 oct. 2006, no 04-47.168. (11) Cass. soc., 16 sept. 2003, no 01-40.349. (12) Cass. soc., 28 nov. 2000, no 98-23.451 ; TGI Nanterre,
23 janv. 2004, CCE Aventis Pharma France c/ SA Aventis Pharma. (13) Cass. soc., 21 juin 1984, no 82-40.264. (14) Cass. soc., 2 mars 2004, no 01-44.084.
(15) Cass. soc., 27 oct. 1999, no 97-43.130.
42
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Cadre de la détermination
des critères
Lorsque, au contraire, le licenciement dans un
ou plusieurs établissements s’inscrit dans le
Sous réserve des critères fixés par voie conventionnelle, depuis qu’ils ne relèvent plus des
cadre d’une mesure générale arrêtée par le
siège, le comité central d’entreprise doit alors
être saisi pour consultation sur l’ensemble du
dispositions du règlement intérieur, les critères sont définis par l’employeur après
consultation du comité d’entreprise, et ce à
l’occasion de chaque licenciement pour motif économique. Ils peuvent être donc différents d’une opération à une autre.
Si l’appréciation de la réalité du motif économique et l’examen des possibilités de reclassement doivent se faire dans l’entreprise, voire
dans le groupe auquel appartient l’employeur,
la détermination des critères de l’ordre des
licenciements ne peut se faire qu’au niveau
de l’entreprise. Le cadre du groupe ne peut
être retenu, y compris dans la situation d’une
restructuration concernant plusieurs sociétés du même groupe.
La seule question est celle du niveau à retenir au sein de l’entreprise, lorsque celle-ci
comporte des établissements distincts, étant
précisé que l’article L. 321-1-1 du Code du
travail n’écarte pas le niveau de l’établissement puisqu’il vise « les entreprises ou établissements visés à l’article L. 321-2 ».
Le niveau de détermination des critères est
en fait étroitement lié à la procédure mise en
œuvre dans les entreprises à structures complexes au sein desquelles sont en place des
comités d’établissement et un comité central
d’entreprise. Les règles habituelles de répartition des compétences entre ces différents
niveaux de représentation doivent à notre
avis s’appliquer.
Lorsque le licenciement sera décidé au sein
d’un établissement en considération de la
seule situation de l’établissement, dans la
limite des pouvoirs du chef d’établissement,
les critères, soumis au comité d’établissement, seront déterminés à ce niveau.
projet. C’est donc au niveau de l’entreprise,
c’est-à-dire du comité central d’entreprise, que
sera réalisée la consultation sur les critères de
choix. On peut s’interroger sur la nécessité de
consulter les comités d’établissement sur les
critères retenus au niveau du comité central
d’entreprise lorsqu’ils sont identiques à tous
les établissements, sauf à devoir évaluer leur
impact potentiel dans chacun d’eux.
Par ailleurs, rien ne paraissant interdire la fixation de critères propres à chaque établissement en fonction de ses caractéristiques propres en pareil cas, la double consultation
devrait s’imposer.
Consultation des représentants
du personnel
L’employeur définit les critères retenus pour
fixer l’ordre des licenciements après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel. Concrètement, le chef
d’entreprise communiquera son choix au
moment de la remise du document d’information sur le projet de licenciement visé à
l’article L. 321-4 du Code du travail et les représentants du personnel se prononceront à
l’occasion de la réunion de consultation sur
le projet de licenciement.
Mise en œuvre des critères
Prise en compte
des catégories professionnelles
La mise en œuvre des critères correspond au
choix nominatif des salariés après que le principe du licenciement ait été adopté. L’application des critères doit être objective Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
43
DOSSIER
et vierge de toute discrimination. Ainsi la
charge de famille d’un salarié ne saurait-elle
être appréciée différemment selon que le salarié est d’origine européenne ou non (16).
C’est par catégorie professionnelle qu’il faut
appliquer les critères retenus.
OBSERVATION
Une catégorie professionnelle
peut être définie comme l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des
fonctions de même nature supposant une
formation professionnelle commune (17). Il n’y
a pas lieu à cet égard de distinguer de catégories entre les salariés à temps partiel et
ceux à temps plein. Ainsi, même en cas de
suppression d’un poste à mi-temps dans une
entreprise comportant deux salariés dont l’un
occupe le poste à mi-temps et l’autre un
poste à plein temps, l’employeur doit appliquer les règles relatives à l’ordre des licenciements
(18)
.
Attention, la Cour de cassation semble privilégier un critère formel sur une appréciation in concreto : a été ainsi cassée la décision
d’une cour d’appel ayant retenu comme catégorie professionnelle l’ensemble des salariés qui exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une
formation professionnelle commune au lieu
Cadre d’application des critères
Par ailleurs, le cadre d’application est celui
de l’entreprise toute entière (21), c'est-à-dire
que les critères retenus sont à apprécier pour
la totalité des salariés d’une même catégorie dans l’ensemble de l’entreprise, ce qui a
pour conséquence que les salariés dont les
emplois sont supprimés ne sont pas nécessairement ceux que l’application des critères désigne pour être licenciés, y compris si
un service est supprimé dans sa totalité (22).
Dans l’hypothèse d’une entreprise à établissements multiples, le cadre retenu devrait,
en l’absence de dispositions conventionnelles, être celui de l’entreprise ou, à tout le
moins, englober l’ensemble des établissements concernés par le projet de licenciement (23). Un accord collectif peut néanmoins
valablement prévoir que l’ordre des licenciements s’effectuera dans le cadre de l’établissement ou à un échelon inférieur (24). Il en
est de même par « accord » avec le comité
d’entreprise (25).
Quand un accord collectif définit le cadre
d’appréciation des critères d’ordre des licenciements, le juge veille à sa correcte application. Ainsi en est-il de l’article 49 de la convention collective du personnel des banques qui
de rechercher si l’ordre des licenciements
avait été respecté dans la catégorie professionnelle dont relève le salarié au sens de la
convention collective (19). Il est opportun, à
cet égard, de définir expressément, notam-
stipule que « les licenciements collectifs pour
ment dans le plan de sauvegarde, ce que l’employeur entend par « catégorie professionnelle ».
du personnel, et suivant un classement établi
entre toutes les personnes occupées dans chacun des établissements de cette même localité ».
En tout état de cause, la mise en œuvre des
critères de licenciement peut conduire à ce
qu’un salarié dont l’emploi n’est pas supprimé soit licencié (20).
suppression d’emploi sont effectués dans une
même localité, par établissement et par nature
d’emploi, après avis du comité d’entreprise
lorsqu’il en existe un ou, à défaut, des délégués
Ce faisant (26), elle valide le cadre conventionnellement défini. C’est somme toute logique
quand on considère la rédaction de l’article
(16) Cass. soc., 8 avr. 2002, no 90-41.276. (17) Cass. soc., 13 févr. 1997, no 95-16.648. (18) Cass. soc., 7 juill. 1998, no 96-45.014. (19) Cass. soc., 16 mars
2005, no 02-45.753. (20) Cass. soc., 29 juin 1994, no 92-44.466. (21) Cass. soc., 1er déc. 1998, no 96-43.980. (22) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002.
(23) CA Aix-en-Provence, 1er juin 1994, SA Griffine Maréchal c/ Barral. (24) Cass. soc., 23 sept. 1992, no 90-17.000 ; Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.374 :
solution implicite. (25) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002. (26) Cass. soc., 27 janv. 1998, no 96-12.123.
44
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
L. 321-1-1 et la place qu’il donne à la convention ou à l’accord collectif.
Le comité d’entreprise, appelé à se prononcer sur les critères de choix, peut également
se prononcer sur le cadre d’application de ces
critères, sachant que celui de l’établissement
peut s’avérer le plus approprié. En effet, même
si l’appréciation du motif économique et des
possibilités de reclassement doit se faire au
niveau de l’entreprise, retenir l’application
systématique des critères au niveau de l’entreprise risque d’aboutir à des solutions où
des salariés seront licenciés, compte tenu du
choix des critères retenus, dans un autre établissement, géographiquement éloigné de celui qui connaît des difficultés.
Information du salarié
Le salarié doit formuler sa demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre simple remise en main
propre contre décharge, avant l'expiration d'un
délai de dix jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi.
L'employeur doit faire connaître sa réponse
soit par lettre simple remise en main propre
contre décharge, soit par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception envoyée au
plus tard dix jours après la présentation de la
lettre du salarié (27). L’absence de réponse de
l’employeur, si elle ne rend pas le licenciement
sans cause réelle et sérieuse, donne lieu à réparation du préjudice résultant de cette irré
gularité formelle (28).
A NOTER
Le salarié qui n’aurait pas usé de
la faculté de demander au chef d’entreprise
Selon l’article L. 122-14-2 du Code du travail,
l’employeur est tenu, à la demande écrite du
salarié, de lui indiquer par écrit les critères
retenus pour fixer l’ordre des licenciements.
les critères retenus pour fixer l’ordre des
licenciements n’est pas privé de la possibilité
de se prévaloir, ultérieurement, de ces critères et de demander réparation du préjudice (29).
(27) C. trav., art. R. 122-3. (28) Cass. soc., 20 janv. 1998, no 96-40.930 ; Cass. soc., 24 juin 2003, no 01-42.932 ; Cass. soc., 2 févr. 2006, no 03-45.443.
(29) Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.179.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
45
DOSSIER
Schéma de réponse à la demande d’énonciation des critères de choix retenus
< Date >, < Lieu >
Monsieur (ou Madame) < Adresse >
Lettre recommandée avec AR
(ou Lettre remise en main propre contre décharge)
Monsieur (ou Madame),
VARIANTE (si les critères retenus sont prévus par la convention ou un accord collectif)
En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif économique ont été ceux prévus par la convention collective <> du <> (ou l’accord collectif <> du <>), à savoir < préciser les critères >.
VARIANTE (si les critères retenus ne sont pas prévus par la convention ou un accord collectif)
En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif économique sont les suivants : < à préciser >.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
46
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Notification
des licenciements
pour motif économique
Délais de notification
des licenciements
Délais normaux
Les délais sont essentiellement fonction du
nombre de licenciements pour motif économique envisagé (voir tableaux infra).
Ces délais ne s’appliquent qu’à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables.
Il s’agit de jours calendaires.
Allongement des délais
Les délais peuvent être prolongés pour deux
motifs :
- le premier concerne uniquement les licenciements
collectifs portant sur au moins 10 salariés.
Lorsque l’autorité administrative à laquelle
est notifié le projet de licenciement relève une
irrégularité de procédure et adresse à l’em-
ployeur un avis écrit précisant la nature de
l’irrégularité relevée, l’employeur est tenu de
lui répondre. Sous réserve du respect des délais énoncés ci-dessus, l’employeur ne peut
adresser les lettres de licenciement tant qu’il
n’a pas répondu aux observations de l’administration ;
- le second concerne les salariés protégés.
Les lettres de licenciement des salariés bénéficiant d’une protection au titre d’un ou
de plusieurs mandats détenus ne peuvent
être adressées qu’après obtention de l’autorisation de l’inspecteur du travail.
Réduction des délais
Lorsqu’un accord collectif portant sur les conditions du licenciement, et notamment sur les
mesures sociales d’accompagnement, Licenciement individuel
Catégories de personnel
Entreprise avec ou sans IRP
Autres que personnel d’encadrement
7 jours ouvrables
Personnel d’encadrement
15 jours ouvrables
(1)
(1)
Licenciement collectif de 2 à 9 salariés
Catégories de personnel
Entreprise avec ou sans IRP
Toutes sans distinction
7 jours ouvrables
(1)
(1) Il s’agit d’un délai entre la date de l’entretien préalable et la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement. Il est exprimé en jours ouvrables.
Licenciement collectif d’au moins 10 salariés
Importance du licenciement
Délais
Point de départ du délai
Moins de 100 salariés
30 jours
De 100 à 249 salariés
45 jours
250 salariés et plus
60 jours
• Notification du projet à la
DDTEFP
• 14 jours suivant la notification du projet à la DDTEFP si un
expert-comptable a été désigné
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
47
DOSSIER
a été conclu à l’occasion du projet de licenciement ou lorsque l’entreprise applique les dispositions préexistantes d’une convention ou
d’un accord ayant le même objet, l’autorité administrative peut réduire le délai légal dans la
limite de celui qui lui est imparti pour faire part
de ses observations sur le projet de licenciement notifié (21, 28 ou 35 jours selon l’importance du licenciement).
Contenu de la lettre
de licenciement
La lettre de licenciement doit obligatoirement
comporter plusieurs éléments.
Enoncé du motif économique
Doivent être indiqués de manière précise les
motifs qui justifient et caractérisent le licenciement.
Le motif énoncé doit comporter obligatoirement deux éléments :
- l’élément causal, c’est-à-dire la raison économique (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de
l’entreprise...) ;
- l’élément matériel, c’est-à-dire l’incidence
de la raison économique sur l’emploi ou le
contrat de travail (suppression ou transformation d’emploi, modification du contrat
de travail).
Compte tenu de l’obligation de reclassement
préalable à la charge de l’employeur, il est
indispensable d’exposer également les motifs qui s’opposent au reclassement du salarié.
Proposition de congé
de reclassement
48
ou celles visées à l’article L. 439-6 (comité
d’entreprise européen) ou L. 439-1 (comité
de groupe) dès lors qu’elles occupent ensemble au moins 1 000 salariés.
Si l’information des salariés sur les conditions de mise en œuvre du congé de reclassement doit être faite au cours de l’entretien
préalable, lorsque celui-ci est requis, ou après
la dernière réunion de consultation du comité d’entreprise (ou des délégués du personnel), la lettre de licenciement doit comporter la proposition du bénéfice de ce congé.
Proposition de la convention
de reclassement personnalisé
Dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, le salarié dispose, pour accepter ou refuser le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé, de 14 jours à compter
de l’entretien préalable, s’il a lieu, ou de la
dernière réunion de consultation des représentants élus du personnel.
Deux situations peuvent se présenter :
- à la date de notification du licenciement, le
délai de 14 jours n’est pas encore expiré.
Dans ce cas, la lettre doit rappeler au salarié la date d’expiration du délai d’acceptation ou de refus de la CRP et préciser qu’en
cas de refus cette lettre constituera la notification du licenciement ;
- à la date de notification du licenciement,
le délai de 14 jours est expiré. Dans ce cas,
si le salarié n’a pas répondu, ce qui s’assimile à un refus, ou a expressément refusé
le bénéfice de la CRP, la lettre peut rappeler ce refus. Si, à l’inverse, le salarié a ac-
Cette mention ne concerne que les entrepri-
cepté le bénéfice de la CRP, la lettre de notification du licenciement n’a pas lieu d’être.
En effet, le contrat est alors rompu d’un
ses ayant l’obligation de mettre en œuvre les
congés de reclassement, c’est-à-dire celles
ayant un effectif d’au moins 1 000 salariés
commun accord entre les parties, cette
rupture prenant effet à l’expiration du délai de 14 jours.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Priorité
de réembauchage
droit, et ce dans le même délai. Ce droit de
priorité joue pour les emplois devenus dis-
Le salarié licencié pour motif économique
bénéficie d’une priorité de réembauchage du-
ponibles qui sont compatibles avec sa qualification ou avec celle(s) qu’il aurait acquise(s)
postérieurement à la rupture de son contrat
rant un délai d’un an à compter de la date de
rupture du contrat de travail, à condition qu’il
ait manifesté l’intention de bénéficier de ce
de salarié, sous réserve d’en avoir informé
l’employeur.
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés
(Délai d’acceptation de la CRP non expiré)
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif, nous vous avons remis le <> une proposition de convention de
reclassement personnalisé. Nous vous rappelons que vous avez jusqu’au <> inclus pour nous faire connaître votre
décision d’y adhérer.
Nous vous rappelons également :
qu’en cas d’adhésion, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d’un commun accord des parties, aux conditions qui figurent dans le document d’information remis à la date du <> ;
qu’à défaut d’adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date
de première présentation fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre contrat de travail sera
définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité
de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
49
DOSSIER
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc
à réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité
ou de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification
de la présente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés
(Délai d’acceptation de la CRP expiré)
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif et en l’absence d’adhésion (ou de refus d’adhésion) à la convention de reclassement personnalisé qui vous a été proposée lors de cet entretien, nous sommes au regret de vous notifier,
par la présente, votre licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre
contrat de travail sera définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité
de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
50
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à
réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou
de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la présente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de 1 000 salariés et plus
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre
licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre
contrat de travail sera définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Conformément aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du Code du travail, nous vous proposons le bénéfice d'un congé
de reclassement dont les conditions de mise en œuvre vous ont été communiquées (par écrit) le <>. Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la date de notification de la présente pour nous faire part de
votre décision. L'absence de réponse expresse de votre part sera assimilée à un refus de cette proposition.
Nous vous informons que, conformément à l'article L 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité
de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel
à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
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DOSSIER
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai
imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à réception du justificatif de suivi de l’une des actions
susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou
de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la
présente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
52
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Priorité de réembauchage
T
out salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité
Le droit des salariés à bénéficier de la priorité de réembauchage doit figurer dans la
de réembauchage durant un délai
d'un an à compter de la date de rupture de
son contrat s'il manifeste le désir d'user de
cette priorité au cours de cette année.
lettre notifiant le licenciement, de même que
ses conditions de mise en œuvre.
Bénéficiaires
Exercice du droit
La priorité de réembauchage joue quelle que
soit l’ampleur du licenciement ou l’effectif
de l’entreprise et peut bénéficier à tout salarié quelle que soit son ancienneté. Par ailleurs, l’article L. 321-14 du Code du travail
n’exclut nullement son application dans le
cas où le salarié a retrouvé un autre emploi (30). Elle subsiste en cas de reprise de
l’entité économique par un autre employeur (31).
S’agissant de la nature de la rupture intervenue, la Cour de cassation a jugé qu’en application de l’article L. 321-1, alinéa 2, du
Code du travail, les dispositions d’ordre public des articles L. 321-1 à L. 321-15 du
Code du travail sont applicables à toute
rupture pour motif économique. Dès lors,
la priorité de réembauchage peut être invoquée par tout salarié ayant accepté un départ volontaire (32). Elle est également applicable aux salariés ayant accepté la
convention de reclassement personnalisé
emportant rupture d’un commun accord
du contrat.
Pour des modèles de lettres de
licenciement, voir pages 10 et suivantes.
Demande du salarié
Le salarié dispose du délai d’un an, à compter de la date de la rupture de son contrat
de travail, pour demander à bénéficier de la
priorité de réembauchage. Cette priorité ne
jouera alors que pendant l’année suivant la
rupture de son contrat et non celle de sa demande. Des dispositions conventionnelles
peuvent néanmoins aménager cette règle
dans un sens plus favorable.
La date à partir de laquelle court le délai d’un
an a été précisée par la jurisprudence : il s’agit
du moment où prend fin le préavis, qu’il soit
exécuté ou non (33), ce qui laisse une période
de creux entre l’obligation de reclassement
préalable et la priorité de réembauchage, durant laquelle l’employeur pourrait procéder
au recrutement de salariés autres que ceux
venant d’être licenciés pour motif économique. On peut néanmoins raisonnablement
penser que ceux-ci pourraient valablement
reprocher au chef d’entreprise de ne pas s’être
acquitté loyalement de son obligation. (30) Cass. soc., 5 mars 2002, no 00-41.429. (31) Cass. soc., 5 févr. 2002, no 99-46.345. (32) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828 ; Cass. soc., 13 sept.
2005, no 04-40.135. (33) Cass. soc., 27 nov. 2001, no 99-44.240.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
53
DOSSIER
Propositions au titre
de la priorité
Notion de poste disponible
La priorité de réembauchage ne s’exerce que
lorsque l’employeur procède à des embauches. Dès lors, ne sont pas concernés les mouvements de postes par mutation interne (34).
De même, un emploi occupé par un salarié
dont le contrat de travail est momentanément suspendu n’est pas disponible au sens
de l’exigence légale. Ainsi jugé que n’avait pas
à être proposé au titre de la priorité de réembauchage le recrutement de salariés :
- pour remplacer temporairement des salariés en congés payés (35) ;
- pour remplacer temporairement un salarié
absent (36) ;
- pour remplacer temporairement un salarié
en arrêt de maladie (37) ;
- pour faire face à l’arrêt momentané d’une
chaîne (38).
Compatibilité de l’emploi avec
la qualification du salarié licencié
L’emploi disponible doit être compatible avec
la qualification du salarié licencié (41), c'est-àdire soit celle de l’emploi quitté lors de la rupture, soit celle acquise par le salarié depuis
la rupture, entendu qu’il appartient à celuici d’en informer l’employeur.
A NOTER
Les représentants du personnel doivent
être tenus informés des postes disponibles, la liste
de ceux-ci devant par ailleurs faire l’objet d’un
affichage dans l’entreprise.
La durée du temps de travail, à temps partiel
ou à temps complet, de même que la nature
temporaire ou à durée indéterminée du
contrat ne sont pas déterminantes. Il semble
également que des emplois de qualification
inférieure mais que le salarié aurait pu occuper doivent être proposés (42).
Choix à opérer en cas de pluralité
de bénéficiaires
ATTENTION
Il ne faut pas déduire des exemples ci-
de pourvoir un emploi devenu disponible parce qu’il
Si plusieurs salariés demandent à bénéficier
de la priorité de réembauchage, l’employeur
n’a pas à suivre un ordre déterminé et peut
n’a plus de titulaire, peu important que l’employeur
choisir ses collaborateurs en fonction de
entende y faire face en recourant à un contrat
l’intérêt de l’entreprise, sauf à communiquer
au juge, en cas de contestation du salarié,
dessus que la priorité se limite aux seuls emplois sous
contrat à durée indéterminée : la priorité joue s’il s’agit
précaire (39).
les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix (43).
Curieusement, la Cour de cassation considère qu'alors même que les salariés ont été
licenciés pour motif économique en raison
Sanctions
du refus de la modification de leur contrat
de travail, l'employeur est tenu, s'ils le de-
Deux sanctions peuvent frapper l’employeur
qui n’aura pas respecté les obligations liées
mandent, de leur proposer, au titre de la priorité de réembauchage, ces postes devenus vacants (40).
à la priorité de réembauchage :
- l’indemnisation du préjudice nécessairement
du fait de l’absence de mention relative à la
(34) Cass. soc., 6 juill. 1999, no 97-40.546. (35) Cass. soc., 1er juill. 1998, n° 95-44.428. (36) Cass. soc., 12 déc. 1995, no 94-40.827. (37) Cass. soc., 6 févr.
1997, no 94-41.379. (38) Cass. soc., 21 oct. 1998, no 96-43.056. (39) Cass. soc., 26 janv. 1994, no 92-43.839. (40) Cass. soc., 24 oct. 2000, no 97-43.065.
(41) Cass. soc., 21 oct. 1998, préc. (42) Cass. soc., 18 juill. 2000, no 98-42.542. (43) Cass. soc., 2 déc. 1998, no 96-44.416.
54
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
Le licenciement économique « aujourd’hui »
priorité dans la lettre de licenciement et dont
le juge appréciera le montant (44) ;
Cette sanction n’est toutefois pas applicable aux licenciements des salariés qui ont
- le non-respect de la priorité elle-même, sanc-
moins de deux ans d’ancienneté ou lorsque
l’effectif de l’entreprise est inférieur à onze
salariés. tionné par l’octroi d’une indemnité qui ne
peut être inférieure à deux mois de salaire (45).
Proposition de lettre à adresser au salarié l’informant de l’existence d’un poste disponible
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Suite à votre demande du < date >, nous faisant part de votre intention de bénéficier d’une priorité de réembauchage
dans le cadre de l’article L. 321-14 du Code du travail, nous vous informons qu’un poste de < nature du contrat, du
poste, qualification, rémunération, location, etc. >, compatible avec votre qualification, est devenu disponible.
Vous voudrez bien nous faire savoir avant le < date > si vous êtes intéressé par cette proposition, faute de quoi nous
considérerons que vous la refusez.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
(44) Cass. soc., 25 avr. 2007, no 05-44.234. (45) C. trav., art. L. 122-14-4, dernier alinéa.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007
55
BLOC-NOTES
RENDEZ-VOUS
Mercredi 10 octobre 2007
(de 9 h à 11 h 30)
Un débat sera ensuite organisé avec le
public autour de la thématique : com-
liff, directeur du développement durable et membre du comité exécutif,
ment « consolider le dialogue social »
au niveau de l’entreprise ?
Place ensuite aux arbitres :
Groupe Rhodia.
Bref, de quoi réfléchir sur les thèmes,
les points de frictions et d’achoppe-
Jean-Denis Combrexelle, directeur général du Travail, ministère du Travail et
des Relations sociales, fera le bilan de
ment et anticiper la prochaine réforme !
Lieu : Paris, Hôtel de Crillon
Renseignements : 08 25 08 08 00
la loi du 4 mai 2004 et abordera les
perspectives envisagées pour demain.
Marie-Laure Morin, conseiller à la cham-
Mercredi 10 octobre 2007
(de 9 h à 11 h 30)
bre sociale de la Cour de cassation,
traitera du rôle du juge dans l’interprétation et l’application des accords
Evaluation des salariés :
nouveaux enjeux,
nouveaux risques
2004 fut l’année de la réforme.
En 2008, préparez-vous à la révolution !
C’est un peu sur ce constat qu’a été
conçu, cette année, le colloque de la
revue « Droit social ».
L’avenir proche pourrait bien être en
effet à la représentativité sur base électorale et à l'accord conclu par des syndicats réellement majoritaires.
Avant que ces pistes débouchent sur
un ANI ou une loi, il fallait donner la
parole aux différents acteurs. C’est l’objectif de ce colloque présidé par Jean-
à travers le prisme de la loyauté de la
négociation.
L’après-midi fera la place belle à la
prospective :
- négociation collective et droit communautaire avec Jean-Philippe Lhernould, professeur à l’Université de Poitiers, et Jean-François Renucci,
secrétaire général adjoint EMCEF (European Mine Chimical and Energy
Workers Federation) ;
- accord de groupe avec Paul-Henri
Antonmattei, doyen de la faculté de
droit de Montpellier, et Henri-José Legrand, avocat au Barreau de Paris ;
Il est aujourd’hui essentiel de disposer
d'outils fiables et objectifs, permettant
à l’entreprise de faire de l’évaluation
un levier de motivation et de performance des salariés… tout en se protégeant des éventuels contentieux en
matière de discrimination.
- Comment mettre en place un système d’évaluation des salariés sans
bafouer les règles de droit ?
- Comment utiliser l’évaluation pour
Emmanuel Ray, professeur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne).
Et avec quel plateau !!
- accords collectifs et restructurations avec Antoine Mazeaud, professeur à Paris II (Panthéon-Assas), et Yves
Laurence Parisot, présidente du MEDEF,
François Chereque, secrétaire général
de la CFDT, et Christian Larose, mem-
Chagny, doyen honoraire, chambre
sociale de la Cour de cassation ;
- accords sur la « responsabilité so-
bre du Bureau de la Fédération Textile
CGT, ouvriront le bal pour présenter ce
que veulent les partenaires sociaux.
ciale de l’entreprise » avec Christine
Neau-Leduc, professeur à la faculté de
droit de Montpellier, et Jacques Khe-
28e colloque de la revue
« Droit social »
Quel droit pour la
négociation collective
de demain ?
individualiser les rémunérations ?
Sylvain Niel, avocat associé, directeur
du département GRH, Fidal, Alexandre
Linden, conseiller à la chambre sociale
de la Cour de cassation, et Laurent Lim,
responsable pôle social, Cnil, répondront à toutes ces questions et à celles que vous leur poserez au cours d’une
prochaine matinée-débats, organisée
par la Lettre des Juristes d’Affaires et
la Semaine Sociale Lamy.
Lieu : Hôtel de Crillon
Renseignements : 08 25 08 08 00
Les Cahiers du DRH Président, Directeur de la publication : J.-P. Novella Rédacteur en chef : A. Dupays Ont participé à ce numéro :
J. Barthélémy - J. Hurtaud - J.-R. Le Meur - S. Niel - C. Phérivong - A. Reymann - A. Derue Réalisation PAO : A. Benesti - S. Richard - A. Milic
Éditeur : WOLTERS KLUWER FRANCE - 1, rue Eugène et Armand Peugeot - 92856 Rueil-Malmaison Cedex N° Indigo : 0 825 08 08 00
Fax : 01 76 73 48 09 SAS au capital de 220 037 000 € - RCS Nanterre 480 081 306 Associé unique : Holding Wolters Kluwer France Nº Commission paritaire :
1011 T 79085 - Dépôt légal : à parution - Nº ISSN : 1297-0824 - Périodicité : mensuelle Abonnement annuel : 748,39 €TTC - Prix du numéro : 61,26 €TTC - Prix de la reliure :
25,53 €TTC Imprimerie Delcambre - 45, rue Delizy, 93500 Pantin
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007