Le conseil de classe : un moment de parole déterminant

Transcription

Le conseil de classe : un moment de parole déterminant
IUFM de Bourgogne
Concours de recrutement :
Professeur des écoles
Le conseil de classe : un moment de parole déterminant
ROUSSEL Anne-Sophie
Directeur de mémoire : Bruno JAY
Année universitaire : 2005 / 2006
05STA00921
SOMMAIRE
Introduction………………………………………………………………………………p. 2
I. Ma première rencontre de la pédagogie institutionnelle…............................p. 4
1) Définition de Fernand Oury……………………………………………………p. 4
a. Le déroulement du conseil………………………………………………p. 4
b. Les techniques et les procédés…………………………………………p. 5
2) Le conseil en grande section de maternelle………………………………..p. 6
a. Mes premières réflexions…………………………………………...……p. 6
b. La confirmation d’une institution scolaire……………………………….p. 8
II. Ma pratique du conseil de classe…………………………………………………p. 10
1) La nécessité du conseil de classe ?………………………………………..p. 10
2) La mise en place du conseil de classe…………………………….……….p. 12
3) Mes réflexions sur ma propre pratique…………………………………….p. 14
III. D’autres objectifs pour le conseil de classe…………………………………….p. 16
1) Un contexte très différent.........................................................................p. 17
2) Des conseils très productifs……………………………………..….……….p. 18
3) Une démocratie bien rôdée………………………………………..…………p. 20
Conclusion……………………………………………………………………………...p. 23
Bibliographie…………………………………………………………………………...p. 24
Annexes
1
INTRODUCTION
L’un des principaux objectifs de l’école est de former le futur citoyen. Parmi les
nombreuses missions qui incombent aux professeurs des écoles, l’une des plus
essentielles est la prise de conscience de la responsabilité de chacun dans la
société. Les élèves doivent découvrir et comprendre l’articulation entre leur liberté et
les contraintes de la vie en commun, les valeurs relatives à la personne et le respect
qu’ils doivent aux adultes et à leurs camarades. Une question est donc soulevée :
comment arriver à ce résultat ? Une proposition de réponse m’est apparue : le
conseil de classe. Il s’agissait à première vue d’un moment de discussion anodin
mais son importance m’est vite apparue, c’est un choix pédagogique déterminant.
Le conseil de classe est outil institutionnalisé, qui permet aux élèves de prendre une
part active dans la gestion de la classe.
J’ai souhaité traiter ce sujet car à mon sens le conseil permet une véritable
construction de la personne ainsi que l’acceptation du caractère collectif de la vie
scolaire. Le fait de se réunir lors du conseil permet de renforcer le groupe classe ; les
élèves comprennent la force que peut avoir un collectif. Tout en cernant l’intérêt de
pouvoir décider tous ensemble, les élèves s’émancipent personnellement puisqu’ils
comprennent qu’on peut ne pas être d’accord avec le groupe. Il suffit dans ce cas de
se faire entendre, de justifier ses choix et d’accepter les critiques.
Approfondir le thème du conseil de classe me semblait pertinent car il m’est
apparu comme un outil pédagogique pouvant résoudre bien des problèmes
essentiels de la classe : tous les problèmes de comportement, de logistique,
d’organisation de la classe. Mais aussi d’avoir un retour sur ce qui se passe en
classe. Je pense qu’il est essentiel de prendre un temps dans la semaine pour
pouvoir parler de la classe ; si l’on veut que les élèves aient le sentiment d’appartenir
à la classe et donc de s’intéresser à ce qu’on y fait, il faut aussi qu’ils aient le
sentiment que la classe leur appartient. Le conseil entraîne les élèves à devenir des
futurs citoyens puisque ils apprennent à s’investir dans la classe, avec ses règles,
ses contraintes et ses obligations. C’est leur premier rendez-vous avec la
démocratie. Ils prennent conscience de leur pouvoir de « citoyen » de la classe et
pourront ainsi transposer ce principe plus tard dans la société.
Le conseil de classe est adaptable à tous les cycles et peut prendre des formes
diverses. Il faut faire des choix quant à sa fréquence, sa durée, son dispositif ou bien
encore ses objectifs. Le conseil lieu de décisions, de régulation des conflits,
d'élaboration des règles de vie, de reconnaissance des progrès fut élaboré par la
pédagogie institutionnelle sous l’impulsion de Fernand Oury. Dans les années 50, il
tente d’inciter ses élèves à être acteurs de leur apprentissage contrairement à ce qui
pouvait se passer dans les écoles « casernes ». A l’époque, le métier d’enseignant
consistait plus à instruire les élèves qu’à véritablement les éduquer, mais sans
sociabilité ni respect, l’acquisition du savoir tombe en panne1. Ainsi à travers de
nombreux dispositifs (Quoi de Neuf ?2, la monnaie intérieure, les ceintures), il arrive
1
Aéré, les cahiers pédagogiques, 2001
Le quoi de neuf est un temps de parole quotidien au cours duquel, le matin en arrivant, l’élève peut
se raconter à la classe
2
2
à responsabiliser des élèves. Il est vrai qu’à l'école, les lois sont souvent implicites,
imposées par le bon vouloir du maître, l'enfant ne peut s'y repérer et savoir pourquoi
on lui demande de faire telle ou telle activité. La citoyenneté démocratique ne
consiste pas uniquement à déléguer une partie du pouvoir, mais à prendre
conscience de sa part de pouvoir, la meilleure autorité possible est l’autorité
démocratique1. Comment le conseil consiste à faire acquérir une participation de
pouvoir et de responsabilité ?
Ainsi grâce à l’analyse du conseil de classe à travers mes différentes
expériences, je tenterai de démontrer comment cette institution scolaire contribue à
la formation du citoyen. Quels doivent être les choix opérés lors de son application ?
Qu’apporte le conseil dans une classe ? Je justifierai mes choix à certains moments
de son application. J’essaierai aussi de démontrer les apports concrets de son
application dans la classe au quotidien mais aussi à plus long terme. Enfin
j’analyserai les objectifs que l’on atteint grâce à son installation ?
1
Aéré, les cahiers pédagogiques, 2001
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I.
Ma première rencontre la pédagogie institutionnelle
1)
La définition de Ferdinand Oury
a) Déroulement du conseil de classe
Dans son livre coécrit avec Aïda Vasquez, psychothérapeute d’enfants, de la
classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Fernand Oury tente de définir
cette pratique pédagogique. Il parle d’une définition simple d’une réunion complexe,
car on pourrait penser de façon simpliste qu’il s’agit seulement qu’ à un moment
donné, le travail cesse ; on parle de ce qui se passe pour le changer, puis on
décide1… . Mais il serait réducteur de s’arrêter là. En effet le conseil de classe est
d’abord défini par un lieu différent, on ne fait pas le conseil comme on ferait une
leçon de mathématiques. Il est donc nécessaire de matérialiser un lieu spécifique qui
permet aux élèves de saisir la coupure qui s’opère.
Lors du conseil, les personnes changent, le maître et ses élèves perdent leurs
statuts pour endosser d’autres rôles. Le maître perd son pouvoir exécutif, il n’a rien à
enseigner durant le conseil. Les élèves ne sont plus les « bons » ou les « mauvais »
élèves, ils ne sont plus amis ou ennemis, ils peuvent aussi occuper des rôles plus
singuliers comme président ou secrétaire. Le conseil est un lieu où la parole engage,
on parle de ce qui se passe bien ou mal dans la classe. Parler de ce qui se passe
dans la classe ne se réduit pas à régler les querelles des uns ou des autres, ou
parler de la disposition de tables mais ce doit être un vrai moment de coopération où
sont décidés des choix fondamentaux sur le déroulement de la classe.
Le conseil est aussi et surtout un lieu de confidentialité, tout ce qui se dit au
conseil ne peut être répété, on peut y parler sans crainte et sans peur de
représailles, d’obstruction ou de moquerie. Ce choix semble justifié si l’on veut que
les enfants s’expriment librement et que le conseil ne se transforme pas en un
tribunal. La participation active au conseil n’est pas exigée, les plus inhibés prendront
la parole lorsqu’ils le décideront. Il serait peu judicieux de forcer un élève à prendre la
parole alors qu’il n’a rien à dire ou qu’il n’en a pas envie. Mais le plus important est le
fait que les élèves doivent non seulement apprendre à parler mais surtout à parler
ensemble. Et c’est ici la compétence la plus ardue à acquérir puisque pour parler
ensemble il faut s’entendre et pour s’entendre il est souvent nécessaire d’écouter
autrui. Nous savons, nous adultes et enseignants, combien il est parfois difficile
d’écouter autrui.
En outre le conseil n’est pas seulement un lieu de parole mais c’est aussi un
lieu de décision. En effet les membres du conseil dialoguent sur les incidents qui se
sont produits, mais ils doivent aussi prendre des décisions pour y remédier. Les
décisions sont adoptées par un vote et elles sont consignées dans le cahier du
conseil. Tout l’enjeu est donc de prendre des décisions et de les respecter. Ces
décisions doivent être respectées par tous et même par le maître, même s’il n’est
1
Vasquez et Oury, 1971, p 464
4
pas complètement d’accord avec ce qui a été proposé. Quelques affichages trouvés
sur Internet permettent de rappeler rapidement ces dispositifs lors du conseil.
(Annexe 1.1 à 1.7)
b) Les techniques et les procédures
Dans la mise en place d’un conseil de classe, deux places singulières
apparaissent le président et le secrétaire. Ces rôles sont joués par le maître ou par
des élèves.
Penchons-nous d’abord sur le rôle du président :
•
Il donne la parole aux membres du conseil et assure la sécurité de l’orateur
pour qu’il soit correctement entendu.
•
Il doit conduire le groupe vers la « bonne décision ». C’est -à-dire qu’il doit
faire parler les membres sur le sujet abordé, essayer d’y voir plus clair et de
décider ensemble.
•
Il doit retirer la parole à l’orateur dont le discours est hors de propos.
Le maître possède quant à lui un droit de veto qu’il peut utiliser lorsque les
propositions des élèves sont contraires au règlement intérieur de l’école ou de la
classe. Il limite ainsi l’autogestion, le maître garde le droit de veto et c’est lui qui, en
cas de conflit, a le dernier mot.1
Le président est élu ou bien choisi. La solution idéale, la plus démocratique, est
évidemment l’élection. Mais cette solution n’est envisageable que si tous les élèves
sont présidentiables c’est-à-dire capables de tenir ce rôle. Le maître devra préciser
que ce pouvoir est bien limité dans un lieu et dans un temps : celui du conseil.
Le secrétaire est quant à lui chargé de noter dans le cahier de conseil ce qui
s’est passé durant le conseil (qui a parlé, pour dire quoi, la durée …) et faire en fin de
séance un résumé (les décisions prises, les interventions, les problèmes débattus…).
Ce rôle est sans doute le plus difficile à tenir durant un conseil puisque l’élève
secrétaire doit non seulement prendre des notes rapidement mais aussi résumer,
clarifier, trier. Ce rôle n’est donc confié aux élèves qu’avec la participation active du
maître pour aider, contrôler ou intervenir.
Par définition, le président et le secrétaire sont deux personnes à part durant le
conseil, ils ne peuvent pas participer aux débats. F.Oury déclare que si un élève a un
problème ou une proposition à faire pendant le conseil, il doit refuser ses rôles.
1
Vasquez et Oury, 1971, p 493
5
2) Le conseil de classe en grande section de maternelle
a) Mes premières réflexions
J’ai effectué mon stage de pratique accompagnée en grande section de
maternelle à l’école Paul Eluard à Mâcon. Chaque semaine se déroule le conseil
d’enfants. Cette activité m’étant totalement inconnue, je découvre avec étonnement
son préparatif. La maîtresse arrive avec une petite lampe de chevet, une casquette,
un micro et un cahier. Elle rassemble les élèves sur le tapis. Elle baisse tous les
volets plongeant ainsi la classe dans la pénombre, elle allume la petite lampe
donnant un caractère intimiste à la classe. La maîtresse explique ce qui va se
passer : « le conseil de classe est un moment où l’on parle de ce qui se passe bien
ou ce qui ne va pas dans la classe et ce qu’il faut faire pour que ça aille mieux».
Ensuite elle pose la casquette sur sa tête et explique que les personnes qui ont
le droit de parler sont ceux qui ont soit la casquette soit le micro. Notons que le micro
a uniquement une fonction symbolique puisqu’il n’est branché à aucun appareil
amplificateur. Puis elle indique que tout peut être changé sauf les deux lois de la
classe qui sont définies par les élèves : ne pas faire mal et apprendre ensemble. La
maîtresse explique que ceux qui prendront la parole sans y être autorisés (casquette
ou micro) seront désignés comme gêneur, si un enfant est désigné trois fois
« gêneur » durant le même conseil, il sera exclu. Une fois le déroulement expliqué, le
conseil peut commencer : « le conseil est ouvert ».
La maîtresse donne le micro au premier élève qui a demandé la parole. Un
élève explique que « ne pas faire mal » signifie qu’il ne faut pas taper les autres, la
maîtresse acquiesce d’un signe de la tête et note cette remarque sur le cahier.
Ensuite elle demande à l’élève s’il a terminé, si c’est le cas elle indique l’élève qui
doit maintenant recevoir le micro. Les élèves orateurs se succèdent dans le calme et
chacun rajoute une idée. Au fur et à mesure que le conseil se déroule, quelques
élèves sont désignés gêneurs.
Puis un élève prend la parole pour évoquer un problème. Un matin, un élève a
monopolisé un ordinateur alors qu’il devait être à un autre atelier. La maîtresse
écoute attentivement et demande aux autres élèves ce qu’ils en pensent. Certains
élèves confirment ce qui s’est passé et expliquent que ce fait s’est déjà produit dans
le passé. La maîtresse demande ce qu’il faut faire pour que cela ne se reproduise
pas. Un élève propose comme solution de prévenir la maîtresse lorsque cela se
produit et que cette dernière devra punir l’élève intrus. La maîtresse demande aux
autres élèves s’ils sont d’accord mais beaucoup d’entre eux contestent ce choix.
Alors la maîtresse propose qu’ils réfléchissent à une solution qui conviendrait à tout
le monde et conclut ainsi sur cette idée.
Avant de parler du second conseil, j’analyserai d’abord ce qui vient d’être dit.
Tout d’abord parlons de l’installation de ce conseil, nous avons pu voir plus haut qu’il
est conseillé de faire le conseil dans un endroit autre que la salle de classe. Mais
dans ce cas, la maîtresse n’a pas eu le choix, aucune salle n’était disponible pour
son conseil. Elle a donc décidé de transformer sa salle de classe. Cette installation
permet de marquer une nette coupure entre le conseil de classe et les autres
6
activités de la semaine. Ce dispositif fonctionne puisque les élèves sont attentifs et
comprennent rapidement qu’un moment spécial se prépare. Les élèves sont
positionnés en demi-cercle favorisant ainsi l’écoute et l’échange.
De plus, il est évident que les rôles du président et du secrétaire reviennent à la
maîtresse parce que les élèves ne sont pas encore habitués au déroulement du
conseil et surtout parce qu’ils ne savent pas écrire.
Quant à la distribution de la parole, la maîtresse a choisi le système du bâton de
parole, le micro et la casquette. La casquette reste fixe permettant ainsi à la
maîtresse d’avoir la parole lorsqu’elle le souhaite. En maternelle et notamment en
début d’année, la parole a besoin d’être constamment guidée. Le choix du micro est
aussi très pertinent puisque les élèves de maternelle ont besoin qu’on matérialise la
parole. Il faut noter que le choix du micro (objet de communication) a pour les
premiers conseils un effet pervers, dû à son côté attractif : les élèves demandent la
parole uniquement pour pouvoir tenir cet objet attirant. Mais ce phénomène va assez
vite s’estomper. Ce système fonctionne bien, minimisant ainsi les interruptions de la
parole et par conséquent les gêneurs.
Concernant le sujet du conseil, la maîtresse décide de donner un ordre du jour,
ce choix permet de centrer la discussion sur un sujet bien précis. Ici le sujet est
judicieux puisque le conseil sert principalement à établir les règles de vie, grâce à ce
procédé, les règles sont construites par les élèves et collectivement. Il est préférable
de toujours commencer un conseil de classe par un ordre du jour, soit un problème
qui n’a pas été résolu lors du conseil précédent soit un sujet qu’un élève souhaite
aborder (un projet, une information…). La maîtresse a installé dans la classe une
affiche où elle inscrit les thèmes lorsqu’ils se présentent. Ainsi à tout moment, si un
élève pense à un sujet qu’il veut aborder lors du prochain conseil, il sollicite la
maîtresse pour l’inscrire sur l’affiche. Ce système est approprié à cette classe
puisque des élèves de cet âge ne peuvent pas garder en mémoire un sujet plusieurs
jours.
En outre, il est important de revenir sur le changement de sujet lors du conseil,
en effet le fait de définir un ordre de séance n’oblige pas de s’y tenir
catégoriquement. Il faut rappeler que le conseil est un moment pour résoudre les
problèmes de la classe, donc même si le conseil était centré sur un sujet en
particulier, il n’était pas interdit d’en évoquer un autre. C’est en fin de conseil que le
président ne devra pas oublier de conclure sur chaque sujet. La multiplicité des
sujets démontre toute l’utilité du cahier de conseil, en effet on peut y lire les sujets,
les propositions et les décisions prises. Ce cahier permet de garder en mémoire ce
qui s’est dit lors des conseils précédents, ainsi si un problème a été résolu dans le
passé, le président peut relire ce qui a été décidé. Outre son utilité, il est aussi un
formidable exemple de fonctions de l’écrit pour les élèves. Ainsi les élèves se
rendent mieux compte que l’écrit sert à garder en mémoire ce qui a été dit.
Enfin nous pouvons remarquer qu’aucune décision n’a été prise concernant le
problème des ordinateurs puisque les élèves ne se sont pas mis d’accord sur une
solution. Ceci n’a pas d’importance, il sera résolu plus tard quand la majorité des
élèves aura approuvé une proposition.
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b) La confirmation d’une institution scolaire
Le second conseil commence par le rappel des règles du conseil et l’annonce
de l’ordre du jour. La maîtresse se réfère à l’affiche du conseil et lit : « le tableau des
bonshommes pas contents, changement de groupe et retour sur la marche ». Tout
d’abord, la maîtresse présente le tableau des bonshommes pas contents et explique
qu’à chaque fois que les deux lois de la classe seront transgressées, l’élève
désobéissant aura un bonhomme pas content puis elle présente le barème des
« sanctions » (privation de vélo pendant la récréation…).
Puis un élève confie qu’il veut changer de groupe. Il explique que dans son
groupe les autres l’empêchent de travailler, font trop de bruit … La maîtresse
demande s’il y a d’autres élèves qui veulent aussi changer de groupe. La majorité
des mains se lève, la maîtresse annonce donc que de nouveaux groupes seront
formés. Plusieurs élèves émettent le souhait d’être avec untel ou untel, la maîtresse
explique alors comment elle va procéder : « Dans quelques jours, je viendrai vous
voir un par un et vous me direz avec qui vous voulez être et avec qui vous ne voulez
pas être. Je ne peux pas vous promettre que vous serez avec la personne de votre
choix mais vous ne serez jamais avec la personne que vous ne voulez pas. » . Les
élèves semblent d’accord avec ce choix et le problème des changements de groupe
est résolu.
Ensuite la maîtresse revient sur le projet marche. A une fréquence régulière, la
classe marche environ une heure dans le quartier. Lors de la dernière marche,
certains élèves ont refusé de se tenir la main. La maîtresse demande aux élèves
leurs avis sur cet incident. Un élève explique qu’on est obligé de se tenir la main
pendant la marche pour des raisons de sécurité et plusieurs élèves en rappellent
d’autres. La maîtresse demande donc ce qu’il adviendrait des élèves qui
transgressent les règles de sécurité. Les élèves proposent de leur donner un
bonhomme pas content ou de les exclure de la marche. La maîtresse propose donc
que si cet incident se produit au début de la marche les élèves désobéissants ne
pourront pas partir et que si cela se produit pendant la marche elle donnera un
bonhomme pas content. Les élèves votent cette proposition et le conseil se termine
avec une synthèse de ce qui s’est dit.
Lors de ce conseil le barème des sanctions a été présenté. On pourrait être en
désaccord sur le fait d’imposer ce barème aux élèves alors qu’il aurait pu être
construit avec eux. Mais je pense que cette responsabilité incombe au maître qui est
le représentant de l’autorité dans la classe. Prenons l’exemple de notre démocratie
où les sanctions ne sont pas décidées par les citoyens mais bel et bien par des
personnes responsables.
De plus, on peut se demander s’il est judicieux de laisser un tel pouvoir à des
enfants de grande section de maternelle : ils ont d’abord besoin d’un modèle pour
pouvoir ensuite le reproduire. Pour ma part, je suis persuadée que ce choix est
pertinent vu l’âge des élèves et la période de l’année. D’autres systèmes peuvent
être établis, comme C. Pochet dans son livre Qui c’est l’conseil ? avec un système
de paiements d’amendes. Une monnaie intérieure étant instaurée en classe,
(récompense pour un travail bien fait, monnaie d’échange lors de marché…) les
8
élèves payent lorsqu’ils ne respectent pas les lois et ce sont les élèves eux-mêmes
qui décident du montant à payer selon l’infraction.
Concernant la requête pour changer de groupe, la maîtresse décide d’établir un
sociogramme qui est une photographie, à un moment donné, des interrelations entre
élèves. Cet outil permet de faire apparaître des relations symétriques, des leaders
positifs et/ou négatifs, mais aussi des isolats. Le recours au sociogramme est
pertinent car le maître ne peut pas se douter des relations entretenues par les élèves
et souvent à sa lecture des surprises apparaissent comme des leaders
insoupçonnés. Ce système est judicieux puisque cela crée un climat de confiance (ils
se sentent bien dans leur groupe et ils comprennent que leur avis comptent). Enfin
avec cette méthode, le maître se laisse une certaine marge de manœuvre puisque il
ne se retrouve pas avec des groupes homogènes ou des groupes d’élèves
perturbateurs. Je pense donc que le recours au sociogramme est efficace car il
permet de renforcer la coopération sociale et les apprentissages scolaires. Je tiens à
faire remarquer que le recours au sociogramme n’entre pas forcément dans le
processus d’installation du conseil, c’est un choix personnel du professeur des
écoles que je trouve tout à fait intéressant.
Ma rencontre avec le conseil a donc été essentielle quant à mes choix
pédagogiques, cela m’a fait comprendre qu’un modèle démocratique pouvait entrer à
l’école. Un jour où je devais prendre la classe, le maître formateur me demanda si je
souhaitais faire le conseil comme cela était indiqué à l’emploi du temps. Je refusa sa
proposition et lui expliqua pourquoi.
Depuis près de quinze jours, mes collègues et moi prenions successivement la
classe. Les enfants étaient assez perturbés par ces changements, ils ne savaient
plus vraiment qui menait la classe. Leurs comportements avaient sensiblement
changé : ils étaient de plus en plus agités, inattentifs, désobéissants bref une mise
au point s’imposait. Ainsi, il me semblait indélicat de présider « leur » conseil, je me
serais sentie comme une étrangère. Le conseil est basé sur la confiance et la
confidentialité, étais-je digne d’y participer ? Je ne pouvais prendre la place de la
maîtresse pour le conseil comme je le faisais pour une séance d’oral ou de
découverte du monde. J’avais le sentiment que pour les élèves je ne faisais pas
partie de ce cercle intime qu’est le conseil de classe.
Enfin, je pense qu’un échec lors du conseil aurait eu de lourdes conséquences
quant à l’organisation globale de la classe. En effet la participation d’une personne
non qualifiée au conseil n’aurait-elle pas discrédité cette institution ? Je pourrais
transposer cet exemple à notre propre démocratie, est-ce que les citoyens de notre
république accepteraient une personne étrangère à la tête de notre système ? Je
pense que cela susciterait bien des contestations. Après m’être expliquée avec la
maîtresse, elle accepta ma décision et me semble-t-il, fut presque soulagée de mon
choix.
A l’issue de ce stage, ma rencontre avec le conseil de classe avait changé ma
perception des rapports entre élèves et élève / maître à l’intérieur de la classe ; c’est
pourquoi j’ai décidé d’approfondir ce sujet.
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II. Ma propre pratique du conseil de classe
Lors de mon premier stage en responsabilité, j’étais décidée à pratiquer le
conseil avec ma classe durant trois semaines. Mais ne connaissant pas les élèves, je
me posais beaucoup de questions : Connaissaient-ils déjà cette pratique ? Quels
allaient être mes objectifs durant les conseils ? Pourrais-je les atteindre en trois
semaines ? Quel fonctionnement allais-je choisir ?
1) La nécessité du conseil de classe ?
Lors de ma première visite, l’enseignante titulaire me fit part de certains
problèmes qu’elle rencontrait avec sa classe. C’était une classe à double niveau
(CE1 / CE 2) de 23 élèves, située dans un milieu rural. La classe était agitée, on ne
pouvait pas dire que c’étaient des élèves difficiles ou insolents ; individuellement
chaque élève était plutôt agréable et aimable. Mais une fois qu’ils se trouvaient en
groupe, ils étaient insupportables et très agités. Les moments d’autonomie étaient
très bruyants et peu productifs. Ces enfants avaient une demande d’écoute et
d’attention supérieure à la normale.
Le premier jour, j’étais sans cesse interrompue. Les élèves n’hésitaient pas à
se lever, à venir jusqu’au tableau et à m’interrompre pour me faire part d’un conflit ou
pour me montrer leur nouveau stylo. Pire encore, ils se disputaient sans arrêt, les
uns pleuraient pendant que les autres se moquaient ; la classe était interrompue et je
perdais énormément de temps à rétablir le calme. Les séances d’éducation physique
étaient incontrôlables, il m’est arrivé à plusieurs reprises de les interrompre par
mesure de sécurité (glissades, bagarres, comportements agressifs…). Les séances
de sciences étaient du même registre : dégradation du matériel, bagarres, insultes,
travail non effectué…Le reste du temps, ils n’écoutaient pas les consignes, le travail
était fait à la hâte, ils discutaient entre eux…Il fallait agir vite avant que les choses ne
se dégradent encore plus. La classe avait besoin d’un moment dans la semaine pour
débattre de ses problèmes et ainsi ne plus polluer les moments d’apprentissages par
des disputes de tous genres. « Le conseil, s’il ne répond à aucun besoin, à aucune
demande (implicite) ne rime à rien, n’a aucun sens ni aucune raison d’être »1.
Mon objectif n’était pas de résoudre tous les problèmes de la classe grâce au
conseil, je n’avais pas non plus l’ambition de faire de cette classe agitée une classe
paisible. Mon principal objectif était plutôt que les élèves comprennent qu’il y a un
temps pour les apprentissages et un autre pour résoudre les conflits. Je voulais qu’ils
réussissent à reporter leurs problèmes à un autre moment que celui de
l’apprentissage. De plus je souhaitais qu’ils débattent de leurs problèmes clairement
et calmement, et surtout qu’ils trouvent ensemble des solutions. Je pense que ce
second objectif sera le plus dur à atteindre parce que ces enfants ont énormément
de mal à s’écouter et surtout à débattre calmement.
1
Vasquez et Oury, 1971, p 484
10
Dés le lundi, je leur annonce que chaque semaine aura lieu un conseil de
classe. Tout de suite les questions fusent : Qu’est- ce qu’un conseil ? Je décide de
leur lire la définition du dictionnaire « Assemblée de personnes qualifiées, chargée
de donner son avis et de prendre des décisions sur des affaires ». Je leur demande
s’ils connaissent des conseils et un élève nous donne l’exemple du conseil municipal.
Puis un autre élève évoque le conseil des parents et explique que pendant l’année,
les parents se réunissent pour discuter des problèmes de l’école, pour acheter du
matériel ou pour parler du travail des élèves. Nous garderons ce dernier exemple
pour définir notre conseil de classe car il est plus facile de transposer l’école à la
classe. J’explique donc que chaque semaine nous évoquerons les problèmes de la
classe mais aussi ce qui se passe bien et surtout que nous chercherons des
solutions.
Je programme le premier conseil pour le samedi, les enfants semblent satisfaits
de ce rendez-vous. Je leur demande à présent de ne plus interrompre la classe avec
des problèmes qui ne concernent pas le travail que l’on est en train de faire. Le fait
d’avoir fixé ce rendez-vous réduit les interventions intempestives des élèves.
Evidemment tous ne pensent pas à reporter leurs doléances, mais les autres leur le
rappellent rapidement, j’entends souvent « on le dira au conseil ! » ou bien « attends
le conseil pour en parler !». La semaine se passe plus ou moins bien avec au bout ce
rendez-vous attendu avec impatience par les élèves et moi-même.
Lors de ma préparation du conseil, je me pose plusieurs questions. Tout
d’abord, je m’interroge sur la prise de parole : comment vais-je la donner ?
Comment vais-je la reprendre ? Quelle va être ma part de parole durant le conseil ?
Je décide donc d’utiliser des bâtons de parole, ce sont deux claves. J’expliquerai aux
élèves qu’il faut une clave pour pouvoir parler (j’en garderai une pour moi) et je les
avertirai qu’ils pourront être désignés « gêneurs » s’ils prennent la parole sans avoir
de clave. Un enfant désigné trois fois « gêneur » sera exclu du conseil et ne pourra
plus participer au débat.
Quant à ma propre prise de parole, il faudra que je la réduise au maximum, j’ai
tendance à beaucoup parler et je veux absolument que les élèves s’expriment,
débattent et s’expliquent. Ma prise de parole se limitera donc à distribuer la parole, à
axer les interventions (rôle du président) et à reformuler ce qui a été dit en fin de
conseil (rôle du secrétaire).
Concernant le lieu de réunion, il n’est pas question que ce soit dans la classe
puisque si je veux que les élèves comprennent qu’il y a un temps pour les
apprentissages et un autre pour les problèmes de la classe, il faut aussi que je
différencie les lieux. Je choisis la bibliothèque qui est un lieu calme et nous nous
installerons au coin lecture constitué de marches en L. Cette disposition permet à
tous les enfants de se voir et se parler sans bouger. Mais surtout ce coin me laisse
une place centrale où je pourrai voir et être vue par tous ; cette place limitera peutêtre ma parole.
11
2) La mise en place du conseil de classe
Avant d’entrer en détail dans ma propre pratique du conseil, je tiens à signaler
que je ne présenterai aucune retranscription des conseils que j’ai menés : il était
délicat pour moi de devoir gérer la présidence, le secrétariat et la retranscription du
conseil, j’ai donc pris en note sommairement les interventions des élèves. J’ai bien
pensé à enregistrer les conseils, mais Catherine Pochet explique dans son livre que
la présence d’un magnétophone gêne d’abord la parole « départ très difficile. Le
magnétophone y est pour beaucoup. Ça impressionne.»1. De plus beaucoup de
déchets sonores rendent peu utilisables les enregistrements.
Après une semaine de stage, je mets beaucoup d’espoirs dans ce conseil car
l’ambiance de classe est assez néfaste. Les apprentissages n’avancent pas, je
passe mon temps à faire de la discipline. Nous nous installons dans la bibliothèque
et je rappelle brièvement le principe du conseil : « on dit ce qui va bien ou tout ce qui
ne va pas bien dans la classe. Tout ce qui se dira au conseil ne devra pas être
répété, c’est la confidentialité. Cela veut dire qu’il faut garder les échanges secrets.»
(voir partie I). Je présente ensuite les rôles que je vais tenir : le premier celui de
présidente, c’est-à-dire que c’est moi qui donnerai la parole à ceux qui la demandent.
Puis j’explique que je vais noter ce qui se dit pendant le conseil (les problèmes, les
choses positives, les solutions, les décisions…) ainsi nous pourrons retrouver ce qui
s’est dit pendant les conseils. Enfin j’explique que moi aussi je fais partie de la classe
pour 3 semaines et que par ce fait je peux aussi soumettre des problèmes, des
projets ou des solutions.
J’annonce que le conseil est ouvert et je demande si quelqu’un veut prendre la
parole. Une dizaine d’élèves lèvent la main et je note leur nom sur la fiche du conseil.
Je donne une clave et une élève exprime son mécontentement envers Julien2 qui
selon elle ne cesse de l’insulter et de la provoquer physiquement. Suite cette
doléance, je donne la parole à « l’accusé ». Il nie catégoriquement l’accusation.
J’explique que je n’étant pas présente durant leur conflit, je ne peux pas statuer pour
l’un ou pour l’autre à moins que d’autres enfants aient été témoins de ce problème :
si l’accusé nie, une seule question « témoins ? »3. A cet instant, de nombreuses
mains se lèvent, tous évoquent qu’eux aussi ont eu des problèmes avec Julien
durant la semaine (bagarre, insulte, vol, dégradation matérielle…). Beaucoup de
temps est consacré à écouter chacun se plaindre. J’interroge donc l’élève incriminé
et lui demande son avis. Il refuse de répondre aux accusations de ses camarades. Je
n’insiste pas et je lui signale seulement que plus de la moitié de la classe se plaint de
lui. Je lui explique que si tous ces élèves se plaignent, c’est sans doute qu’il doit
changer de comportement. Je conclus donc en disant que si au prochain conseil, il y
a encore autant d’élèves qui se plaignent, il faudra trouver des solutions pour y
remédier. Je reprends ma liste, beaucoup n’ont plus rien à dire puisqu’ils voulaient
évoquer le problème de cet enfant perturbateur. Certains tentent de revenir sur ce
sujet mais je leur rappelle que le sujet est clos et que nous en reparlerons la semaine
prochaine.
1
Pochet, C., Oury. F, 1979, p 19
Les prénoms utilisés ne correspondent pas à la réalité
3
Vasquez et Oury, 1971, p 433
2
12
Puis un élève demande la parole et dénonce un camarade qui l’empêche de
travailler. Je demande donc si d’autres enfants sont gênés lorsqu’ils ont un travail à
effectuer. Je compte donc les mains et m’aperçois que plus de la moitié de la classe
est gênée dans son travail. Je prends la parole, en expliquant que c’est en tant que
membre de la classe que je m’exprime et non plus comme la présidente du conseil.
D’abord j’explique que moi aussi j’ai remarqué que beaucoup d’élèves ne font pas le
travail demandé et gênent les autres. Puis je confie que moi aussi je suis gênée dans
mon travail, que je perds beaucoup de temps à demander à certains élèves de
travailler, que je suis obligée de répéter plusieurs fois les mêmes choses car les
élèves n’écoutent pas… Je redonne la parole aux élèves en leur demandant ce que
nous pourrions faire pour résoudre ce problème. Je leur propose donc d’établir une
loi pour ce genre de problème, les élèves soumettent plusieurs lois et par vote nous
choisissons « Je ne dois pas gêner mes copains pendant qu’ils travaillent ».
Le conseil continue encore quelques minutes sur divers conflits anodins. Je
déclare le conseil terminé puis je conclus en rappelant ce qui s’est dit : « Julien doit
changer de comportement ; nous avons une nouvelle loi dans la classe "Je ne dois
pas gêner mes copains pendant qu’ils travaillent " ; beaucoup de querelles entre les
enfants ».
Le second conseil se déroule sensiblement comme le premier avec néanmoins
de plus en plus de bavardages, je n’hésite pas à désigner des enfants comme
gêneurs et même d’en exclure. Le conseil commence avec toujours de nombreuses
plaintes concernant Julien mais cette fois il décide de répondre à ses accusateurs. Il
reconnaît à mi-voix ses fautes mais essaie de reprendre l’avantage en expliquant
que ce sont les autres qui le provoquent. Les accusateurs nient en bloc. Je prends
donc position en expliquant à Julien qu’il doit impérativement changer de
comportement et que s’il ne le fait pas je devrais l’isoler de la classe.
Puis un autre problème apparaît : une histoire de boule de neige lancée par
Laure pendant la récréation (ce qui est formellement interdit dans le règlement de
l’école) et qui aurait blessé une autre élève. Je donne la parole à Laure. Elle prend
très mal cette accusation et se défend tant bien que mal. Je demande « témoins ?».
Des élèves confirment que c’est Laure qui a lancé la boule. Laure se sent prise au
piège et se met à pleurer. Je ne pense pas que ses pleurs soient de peur ou de
colère mais plutôt de honte ou de dépit. Elle sent qu’elle n’a plus le choix, des
enfants ont été témoins de son geste, le conseil veut la vérité et elle doit la donner.
Je lui demande donc pourquoi elle pleure et me répond en sanglotant que c’est bien
elle qui a lancé la boule de neige et qu’elle s’excuse. J’explique que le conseil sert à
résoudre ce genre de problème, que c’est bien de reconnaître ses erreurs et que le
problème est clos. Pas de sanctions qui éterniseraient et fixeraient les conflits que
nous voulons dépasser1. Le conseil continue avec d’autres problèmes de
comportements (chamaillerie, bagarre…). Le conseil se termine par ma conclusion.
Entre le second et le troisième conseil, les esprits se calment doucement, il y a
moins de conflits pendant la classe et les élèves se réfèrent à la loi de la classe
établie durant le premier conseil.
1
Vasquez et Oury, 1971, p 433
13
Le dernier conseil reste dans la même lignée que les précédents toujours
beaucoup de gêneurs et de problèmes anodins. Je suis surprise parce que personne
ne se plaint de Julien, je pose la question aux élèves. Seules deux mains se lèvent à
ma grande surprise. Je fais donc la remarque à tous et surtout à Julien, je le félicite
J’explique à tous que le conseil sert aussi à féliciter les enfants lorsqu’ils font des
efforts ou qu’ils font des choses positives pour la classe. Je clos le conseil par le
rappel de ce qui s’est dit pendant le conseil et fait une brève conclusion de ces trois
conseils.
A l’issue de la présentation des trois conseils, je tiens à faire part de mes
réflexions, des problèmes que j’ai rencontrés mais aussi de l’analyse de solutions
possibles.
3) Mes réflexions sur ma propre pratique du conseil de classe
Concernant la non distribution des rôles de président et de secrétaire aux
enfants, je me suis inspirée de l’expérience de C. Pochet, Qui c’est l’conseil ?, qui
préfère d’abord institutionnaliser le conseil pour démontrer son efficacité et ensuite
déléguer les rôles aux enfants. En effet, le principe du conseil était totalement
nouveau pour les élèves de cette classe, il était pour moi inconcevable de les
surcharger encore plus avec ces rôles. De plus je voulais que ces conseils soient
efficaces or si j’avais décidé de déléguer ces postes, il y aurait certainement eu
d’importants flottements (distribution de la parole, orientation des débats, exclusion
des gêneurs…). L’expérience de C. Pochet montre que même après une vingtaine
de conseils, la passation de la présidence et du secrétariat a été très difficile et le
conseil en tant qu’institution scolaire a même failli périr, apprendre à se servir
proprement, de ce pouvoir1. Je ne voulais pas prendre le risque de voir mourir le
conseil dans sa coquille.
De plus il fallait que je connaisse les élèves : Qui aurait été capable de jouer
ces rôles ? Qui aurait voulu tenir ces postes ? Et même si je confiais ces rôles au
hasard, ces enfants auraient été partiellement exclus des débats. En effet, il faut
rappeler que le président et le secrétaire ne peuvent pas s’exprimer au même titre
que les autres (voir rôles du président et du secrétaire 1. b.). Pour que les enfants
s’investissent d’avantage, nous pouvons déléguer quelques rôles moins importants
comme responsable du temps ou bien responsable du local (installation des chaises
ou des affiches).
Concernant la distribution de la parole, j’ai choisi les bâtons de parole. J’ai fait
ce choix parce que j’avais affaire à une classe extrêmement bavarde et agitée, il me
fallait donc canaliser les paroles. Le bâton de parole a été tout à fait régulateur quant
à la parole, mais j’ai aussi remarqué que ce procédé avait tendance à rendre moins
vivant le conseil. Le temps de passation du bâton fait perdre la spontanéité des
interventions, le débat est fragmenté et la parole réduite. Plusieurs fois pendant les
conseils, j’ai remarqué que le bâton réduisait les débats mais je pense néanmoins
que ce procédé était adéquat à cette classe.
1
Pochet, C., Oury. F, 1979, p 137
14
Si la parole des élèves est parfois réduite par le bâton, j’avoue que je jouis
d’une trop grande liberté de parole. J’avais évoqué mon souci de limiter mon temps
de parole mais je pense que mes interventions étaient encore trop longues. Après
chaque intervention, je ne pouvais pas m’empêcher de commenter, d’interroger ou
d’interpréter ce qui était dit. Anticipais-je une demande d’aide ? Les ouvrages
concernant le conseil posent souvent ce problème, le maître donne peu facilement la
parole à sa classe. Je pense que le problème tient dans le fait que le maître a du mal
à laisser du pouvoir à sa classe : que va-t-elle en faire ? Va-elle justement prendre le
dessus sur le maître ? Cette crainte est connue des enseignants qui pratiquent le
conseil, on donne plus volontiers du savoir que du pouvoir1. Mais il faut minimiser la
parole du maître, il faut faire confiance au conseil et le laisser s’épanouir en toute
liberté. De plus si mes interventions sont limitées, elles seront d’autant plus
pertinentes et écoutées par le reste du conseil, le maître moins il parlera, plus il sera
entendu2 .
Maintenant revenons sur le cas de Julien, malgré de nombreuses plaintes, je
n’ai pas pris position puisque les faits étaient le plus souvent antérieurs à mon
arrivée dans la classe. Durant le premier conseil, j’ai décidé de ne pas insister sur ce
problème pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous avions déjà passé
beaucoup de temps sur ce problème (presque 20 minutes) et enfin parce que je ne
voulais pas que le conseil se transforme en un tribunal d’inquisition où un élève
serait jugé. Je pense qu’un simple avertissement était nécessaire à ce niveau de
l’expérience institutionnelle et j’ai pu constater que le comportement de cet élève
avait sensiblement changé pendant les trois semaines. Peut-être avait-il besoin de
prendre conscience de ce fait et de pouvoir s’expliquer calmement. Le conseil permet
de parler de ces conflits avec un certain recul puisque l’émotion et l’affectif ont
disparu.
Avec le cas de Laure qui reconnaît sa faute et qui s’excuse, j’avais une parfaite
démonstration de la puissance du conseil. Les enfants ont pris conscience qu’on
pouvait résoudre un problème en s’écoutant et en s’expliquant. Laure s’est sentie
libérée et les autres satisfaits de résoudre ce conflit. De plus les élèves ont découvert
qu’on pouvait reconnaître une faute et ne pas être sanctionnés.
Concernant maintenant le fond des conseils, nous ne pouvons pas dire qu’ils
soient très riches, en ce sens que les conseils n’ont pas permis de résoudre des
problèmes fondamentaux. Ceci tient au fait que le conseil se déroulait sur une
période de trois semaines, il n’y avait donc peu de sujets à aborder. En effet, le
conseil a aussi pour vocation d’informer (sur un voyage scolaire ou sur l’organisation
générale de la classe par exemple), de raisonner sur un projet de classe ou sur un
travail à long terme. Prenons comme exemple les conseils de classe de C. Pochet où
les enfants débattent sur l’organisation de l’imprimerie en classe, des
correspondances avec d’autres classes ou bien encore la répartition des métiers de
la classe3. Le conseil s’inscrit donc dans une vraie dynamique de classe et bien sûr
sur du long terme.
1
Vasquez et Oury, 1971, p 502
Vasquez et Oury, 1971, p 489
3
Référence aux techniques Freinet où chaque élève a un métier : distribution des feuilles, donner à
manger aux animaux de la classe...
2
15
Notons aussi que les élèves n’ont pas pris conscience que le conseil pouvait
être aussi un moment de débat sur les choses positives de la classe. En effet ils
pensent bien à se plaindre de leurs camarades, mais ne pensent pas à les féliciter.
J’ai eu l’occasion de débattre de ce problème avec un enseignant qui pratique le
conseil, lui aussi a constaté ce fait. Mais avec le temps, les félicitations apparaissent
aussi, même si elles restent toujours moins fréquentes que les plaintes. Les enfants
ne comprennent pas toujours la nécessité de dire ce qui va bien et le conseil est
aussi là pour rappeler qu’il est important de reconnaître les changements positifs.
Cette première expérience du conseil de classe m’a permis de réguler le
comportement de beaucoup d’élèves. Il m’a aussi permis d’améliorer les conditions
d’apprentissage puisque les élèves ont reconnu la nécessité de différer leurs
doléances, ainsi les conflits sont réglés dans le calme, apaisés par le temps.
Si c’était à refaire, j’essaierais de limiter ma parole en utilisant par exemple une
seule clave, m’obligeant ainsi à demander la parole comme les autres membres du
conseil. Je me rendrais alors sans doute compte de mes nombreuses interventions
sur le moment. Le conseil s’est souvent attardé sur des problèmes anodins qui le
rendaient long, lassant et inintéressant mais beaucoup d’enseignants constatent
aussi ce fait. Même après plusieurs mois de pratique, les enfants ne peuvent
s’empêcher de relater des petits conflits mais avec le temps cela s’estompe. Malgré
tout, la participation des enfants étaient bonne puisqu’ils ont tous pris la parole au
moins une fois pour donner leur avis ou débattre.
De plus, j’aurais dû instaurer un moment de dialogue comme un « Quoi de
neuf ? » cet autre dispositif institué par la pédagogie institutionnelle. Chaque matin,
les élèves se racontent, les événements sont très divers : rencontre sportive, sortie
culturelle, voyages…Je trouve que ce petit moment est essentiel puisqu’il permet aux
enfants de se raconter ainsi ils n’essaieront pas de le faire pendant les
apprentissages.
Ce moment permet de mieux se connaître, d’apprendre à
s’exprimer devant les autres, de s’exercer au langage d’évocation… Enfin peut-être,
aurait-il fallu multiplier les conseils pour laisser les enfants s’exprimer plus
régulièrement car ce qu’ils désiraient plus que tout ce qu’on les écoute plus souvent.
Les élèves à l’issue de ces trois conseils étaient ravis de l’expérience et ont
demandé s’il était possible de continuer ces moments de débat. J’ai soumis cette
requête à la titulaire qui semblait intéressée par cette proposition.
III. D’autres objectifs pour le conseil de classe
Mon second stage en responsabilité s’effectue toujours dans une école rurale.
Mais cette fois l’ambiance de classe est totalement différente, si au stage précédent
ma classe était plutôt agitée et turbulente, ma classe de CM1 / CM2 est
diamétralement opposée. Les objectifs de mon conseil seront donc très différents
ainsi que son dispositif. En effet, le conseil s’adapte aussi à la classe qui le pratique,
il faut prendre en compte le niveau des élèves, leur connaissance du conseil (début
ou fin d’année), le profil de la classe…
16
1) Un contexte très diffèrent
Lors de la visite de ma classe, je me suis vite aperçue que j’avais affaire à une
classe particulière, d’un calme impressionnant. Le titulaire qui enseignait depuis une
trentaine d’années, me présente lui-même sa classe comme exceptionnelle, « la plus
calme de sa carrière ». Non seulement les élèves sont calmes, attentifs et travailleurs
mais en plus ils sont d’une grande autonomie. Le maître intervient rarement pour
régler des conflits, lors de l’éducation physique les enfants s’autoarbitrent : aucune
dispute, aucune contestation, le jeu se déroule bien sans intervention du maître. Lors
des récréations où chaque enseignant est chargé de gérer les problèmes de ses
élèves, mes collègues sont sans cesse dérangés mais moi je ne suis jamais
sollicitée. J’ai pris conscience que les conseils n’allaient pas prendre la même
tournure que lors du stage précédent.
Les enfants n’ont jamais participé à un conseil de classe ni un conseil d’école,
j’introduis le conseil comme la fois précédente (recherche dans le dictionnaire,
exemple plus concret…). Ensuite, j’explique le déroulement du conseil
(confidentialité, président, décision, parole…). Cette fois-ci, j’ai du mal à me fixer des
objectifs : est-ce que le conseil va apporter quelque chose à cette classe ? Si, oui
quoi ? Peut-être que les enfants n’auront rien à dire et mon expérience s’arrêtera là.
Pendant mon stage, j’ai pu mettre en place, un réel projet, la rédaction d’un recueil
de nouvelles. J’espère que ce projet que nous avons en commun suscitera des
débats : Quel va être le sujet des nouvelles ? Qui va les lire ? Comment va-t-on
fabriquer le recueil ? Comment va être la couverture ?
De plus j’ai comme objectif d’insister sur les rituels du conseil de classe comme
par exemple les maîtres-mots1 ainsi je limiterai peut-être ma parole (je ne veux pas
faire les mêmes erreurs). Lors du conseil, le langage doit être efficace, accessible à
tous : un rituel stable évite les phases d’irrésolution si propices au désordre et aux
manipulations.2 Les pédagogues institutionnels ont répertorié une quinzaine de
maîtres-mots : le conseil commence, décisions du dernier conseil, qui trouve que la
classe marche mal ?, tas de sable (pour les querelles sans importance, longuement
évoquées et qui ennuient), qui se plaint de … ?, la parole est à l’accusé, témoins ?,
déjà dit, décision, gêneur, décision du conseil, le conseil est terminé. Si ces maîtresmots paraissent très durs et très directifs, le conseil reste quant au fond, non directif,
ces expressions sont précises, concises et surtout nécessaires.
Contrairement à la dernière fois, je décide de recueillir les idées ou les besoins
des élèves à l’aide de petits papiers qu’ils déposent dans une boîte. Lors du conseil,
nous lirons les papiers et nous en débattrons. Ce système est beaucoup plus adapté,
il permet de garder en mémoire les problèmes, de mieux guider les débats et surtout
de ne pas solliciter le maître. Je précise que les propositions doivent être signées si
nous voulons en débattre. Mais ce système possède aussi des inconvénients : les
papiers sont souvent écrits sous le coup de la colère ou du dépit et lorsqu’ on les
relit, rejaillissent tous ces sentiments, les réactions resurgissent telles qu’elles ont été
ressenties et non pas apaisées par le temps3.
1
Terme emprunté à F. Oury
Vasquez et Oury, 1971, p 484
3
Vasquez et Oury, 1971, p 453
2
17
Vu le calme de la classe, j’abandonne le système des bâtons de parole, en effet
ils avaient pour objectif de canaliser la parole mais dans cette classe ce ne sera pas
nécessaire. Pour avoir la parole, il suffira de lever la main. La parole sera donc plus
libre tout en veillant à ce que le locuteur soit entendu et écouté.
Notons que cette classe a quelques connaissances de rituels démocratiques.
Tous les matins, les enfants se racontent dans un « Quoi de neuf ? ». Ce moment
est très important pour eux et je ne compte pas le supprimer. De plus toutes les trois
semaines, une élection a lieu pour élire un délégué de classe. Ce dernier distribuera
ou ramassera les feuilles, dirigera le Quoi de neuf ?…Je pense donc que les élèves
n’auront pas trop de difficultés à adhérer au conseil de classe.
Bien que les élèves soient autonomes, je décide de ne pas déléguer les rôles
de président et de secrétaire pour les mêmes raisons évoqués plus haut. (II. 3)
2) Des conseils très productifs
Comme au dernier stage, le conseil a lieu le samedi matin parce qu’en général
le climat est plus serein, plus propice à la discussion. Le conseil doit avoir lieu dans
la classe car l’école ne dispose d’aucune autre salle. De plus, la salle n’est pas très
grande et occupée en grande partie par les ordinateurs, les élèves devront donc
rester à leur place, quel dommage ! J’essaie néanmoins de déplacer quelques
chaises et quelques tables pour créer un climat de discussion. Avant le conseil,
j’assiste avec étonnement à l’élection du délégué de classe, sans que j’intervienne
les enfants votent, dépouillent, annoncent les résultats, organisent un second tour.
Je suis totalement spectatrice, ils connaissent cela par cœur et rien ne leur échappe.
Après l’élection de Rose et son discours d’investiture, le conseil commence.
Je prends la boîte, sors tous les papiers. Le conseil est ouvert. J’avais pris la
peine de lire les papiers avant le conseil et je constate que beaucoup sont
anonymes. N’ont-ils pas entendu qu’il fallait obligatoirement signer les papiers ?
N’osent-ils pas signer leur papier ? Je ne peux pas utiliser les papiers non signés et
je dis pourquoi : le conseil ne peut pas entrer dans un système de délation où il serait
facile de dénoncer. De plus, il y aurait dénonciation mais le conseil ne pourrait pas
débattre des problèmes, trouver des solutions. Par la suite, plusieurs élèves
viendront me dire qu’ils n’osent pas toujours évoquer leur problème durant le conseil.
Timidité ? Peur des réactions des pairs ? Permanence du pouvoir du maître ? Je
pense que ce problème se résout d’abord avec du temps, l’enfant doit s’habituer à
s’exprimer devant les autres, de parler de choses qui l’a touché pendant la semaine.
Si certains enfants refusent toujours de s’exprimer, un représentant peut être choisi
(président, délégué…) et s’exprimer à la place de l’enfant introverti.
Le premier conseil commence, personne ne veut prendre la parole, Parler
dégage, mais parler engage1, je décide de lire un papier. C’est un problème de
bousculades dans les vestiaires (les sacs sont piétinés, les blousons par terre…).
1
Vasquez et Oury, 1971, p 482
18
Décision ? Un élève propose de se ranger systématiquement à l’entrée et à la sortie
de la classe. Vote. La décision est adoptée à la majorité absolue. Les échanges sont
rapides, brefs et concis. Après un début lent, le conseil bat son plein, il est ouvert
depuis quelques minutes, mais les automatismes arrivent vite. Les papiers se
succèdent, beaucoup de tas de sable mais je ne dis rien, je les laisse en débattre.
Les débats s’enlisent, l’ambiance se tend mais les échanges restent toujours très
courtois, pacifiques et autogérés.
Puis je tire un nouveau papier. Léa se plaint de Stéphane, son voisin, il est sans
cesse retourné vers Alexis et l’empêche de travailler. Je suis ravie qu’on évoque ce
problème car je l’ai aussi remarqué. Maud, la voisine d’Alexis, se manifeste à son
tour pour exprimer aussi sa gêne. Décision ? Un élève propose de séparer les deux
garçons et de mettre les deux filles l’une à côté de l’autre. Vote. La décision est
adoptée à la majorité absolue. Mais cette fois-ci, Stéphane proteste, il ne veut pas
changer de place. J’explique que le conseil a pris sa décision et qu’il n’a pas le choix,
Léa et Maud veulent travailler dans le calme, c’est la seule solution ! Stéphane
renonce, il déménagera lundi. Néanmoins, je lui laisse une issue, si vraiment son
changement de place ne lui convient pas, nous en reparlerons au prochain conseil
(chose qu’il ne fera pas).
Nous évoquons ensuite le projet d’écriture : Les nouvelles seront-elles
signées ? Que ferons-nous du livre ? Devons-nous lire notre nouvelle devant les
autres? Les questions sont nombreuses mais les élèves trouvent ensemble des
réponses qui conviennent à tous. Comme pour l’élection du délégué, je les trouve
très à l’aise. Bien sûr je recadre de temps en temps les débats, je désigne quelques
gêneurs mais le conseil évolue bien. Il se termine et je récapitule ce qui s’est dit : « Il
faut se ranger avant d’enter dans le vestiaire, Stéphane doit changer de place, Léa et
Maud seront à la même table, Les nouvelles seront signées par leur auteur, le recueil
sera déposé à la bibliothèque ». Ce premier conseil est productif et efficace, je ne
m’attendais pas à autant de débats et de décisions.
Après une semaine, l’ambiance de classe est toujours aussi sereine, la boîte se
remplit plus lentement mais au moins les papiers sont signés. Le conseil est ouvert,
décisions du dernier conseil, je tire un papier « j’ai pas aimé la dictée de cette
semaine. Rose. » Je donne la parole à Rose qui explique que le moment de la dictée
était mal choisi. C’était un samedi matin et elle estime que le samedi n’est pas un
moment opportun pour faire une dictée. J’écoute avec attention et demande s’il y
d’autres réactions sur la dictée. Effectivement, les réactions arrivent : «il faut faire la
dictée pendant la semaine ; le jeudi comme avec monsieur… ; moi, j’avais faim, il
faut faire la dictée dés qu’on arrive le matin… ». Décision. Vote. La dictée est rétablie
le jeudi matin. Mais le sujet n’est pas clos, maintenant le conseil critique la forme de
ma dictée. En effet, cette dictée était un atelier de négociation graphique1, c’était le
premier et évidemment le changement est difficile. Je leur rappelle les objectifs de
l’ANG (réflexions collectives des graphies, justifications de ses choix…) et propose
de retenter l’expérience encore une fois ou deux. Le conseil accepte cette décision
sans vote (je me garde bien de le faire remarquer). Nous lisons les papiers,
problèmes ennuyeux, chamailleries, querelles de voisinages…
1
Mis au point par Ghislaine HAAS et Danielle LORROT permet d’instaurer chez les élèves une capacité à
réfléchir sur la langue. Les élèves se réunissent pour décider des graphies possibles.
19
Nouveau papier, Thomas demande si on peut revenir sur la leçon de maths car
il n’a pas très bien compris. Je le rassure et lui dis qu’on reviendra sur la leçon la
semaine prochaine. Puis, je lis le dernier papier « On peut arrêter de faire de
l’anglais. Stéphane », j’ai à peine fini de lire que le conseil réagit déjà. Les enfants
expliquent à Stéphane qu’ils sont obligés d’apprendre l’anglais, ils en auront besoin
quand ils voyageront, ou travailleront mais surtout parce qu’au collège, c’est
obligatoire ! Le dernier conseil s’achève donc par un autre exemple d’autogestion
presque parfaite.
3) Une démocratie bien rôdée
Changement radical dans ma perception du conseil ; le conseil de classe
marche bien dès la première tentative. Les enfants semblent avoir tout compris, ils
exposent un problème et trouvent une solution tous ensemble. Je m’aperçois que la
pratique de moments démocratiques tels que les élections ou les « Quoi de neuf ? »,
favorise le déroulement des conseils. Je remarque un vrai changement, les enfants
savent s’écouter, cherchent des solutions ensemble, osent s’exprimer, acceptent les
décisions de la majorité…De plus, les conseils ne tournent pas systématiquement
autour de conflits mais servent aussi de réunion d’information (projet d’écriture,
compétition sportive USEP…). Le caractère particulier des conseils vient
certainement de l’ambiance exceptionnelle de la classe.
Revenons sur le problème des papiers anonymes, je ne pouvais pas traiter de
sujets sans savoir qui se plaignait, je n’aurais fait que les annoncer mais ensuite il
aurait été impossible pour le conseil de les résoudre. En effet, nous n’aurions pas pu
proposer de solutions, l’objectif du conseil aurait été trahi. Il est impératif de connaître
les protagonistes, le contexte mais aussi l’avis des élèves sur le problème. Le
problème s’est résolu immédiatement lorsque j’ai évoqué ces raisons. Nous
pourrions tolérer des exceptions comme des appels au secours ou une demande
d’avis qui protègerait son auteur d’éventuelles représailles mais le conseil ne doit
jamais tourner en un système de délation.
Concernant la dictée, j’étais ravie que les élèves osent évoquer un problème
d’apprentissage. En effet, il est rare que les élèves se risquent à remettre en cause
les méthodes de l’enseignant. Je n’avais pas pris conscience que le jour de la dictée
pouvait être si important pour les élèves. De plus, la forme de la dictée était nouvelle
et donc assez déstabilisante pour les élèves. Le fait qu’ils n’approuvent pas l’ANG ne
voulait pas dire que celui-ci n’était pas efficace mais qu’ils n’avaient pas saisi les
visées de cet exercice. Il était donc de mon devoir d’expliquer de nouveau le but de
cette nouvelle dictée. Je n’ai pas soumis au vote du conseil la poursuite de l’ANG de
peur de voir son retrait voté. J’avais à cet instant l’impression de profiter du conseil,
de « jouer à la démocratie » lorsque cela m’arrangeait. En effet lorsqu’il s’agissait du
changement de place de Stéphane, je me suis servie de la voie démocratique pour
justifier de son déplacement. Mais lorsque je risquais de voir disparaître un
apprentissage qui me tenait à cœur, je me gardais bien de demander l’avis du
conseil. Mais j’ai eu tort j’aurais dû les laisser choisir et s’ils avaient voté l’annulation
de l’ANG, j’aurais utilisé mon droit de veto ; ainsi ils auraient perçu que tout n’était
pas négociable. De plus, le maître conserve le choix décisionnel en matière de
20
pédagogie et de didactique ; ni les enfants, ni les parents, ni les collègues peuvent
décider à sa place ! En effet, si le conseil a pour objectif de résoudre les problèmes
de la classe, il faut aussi que les élèves comprennent que toutes les décisions ne
leur appartiennent pas. Quoi qu’il se dise durant les conseils, le maître reste garant
de certaines règles comme celles de l’école mais aussi de ses propres choix
pédagogiques et il faut que les élèves en prennent conscience.
Le système des papiers me semble approprié néanmoins je pense que j’aurais
pu le perfectionner. En effet, mes recherches m’ont amenée à trouver des fiches que
les enfants peuvent remplir durant la semaine. Ce système permet d’écrire ses
remerciements, ses problèmes et ses souhaits (Exemple de ces fiches trouvées sur
Internet en Annexe 2). Ainsi les sujets seraient plus ciblés, concerneraient plus
d’élèves et les conseils seraient donc plus efficaces. Ce tableau a pour but
d’optimiser les interventions, de favoriser les paroles positives, de mieux cibler les
problèmes. Les enfants ne sont pas obligés de compléter toutes les phrases, c’est
juste une phase de préparation au conseil.
La suppression des bâtons de parole était tout à fait justifiée puisqu’ils
n’auraient été d’aucune utilité, les enfants respectaient la parole du locuteur.
Concernant mon temps de parole, il a considérablement baissé sans doute grâce à
l’utilisation plus fréquente des maîtres-mots. En effet, ces formulations permettent de
gérer les discussions, bien sûr il faut les expliciter au préalable mais les élèves les
comprennent vite. Ces expressions sont précises et concises, elles permettent de
mieux guider les débats.
Concernant les tas de sable, je ne pense pas qu’il était approprié de les utiliser
dés les premiers conseils. En effet, il faut que les enfants prennent eux-mêmes
conscience que les tas de sable prennent trop de temps dans les conseils et que
généralement ils ne débouchent sur rien. J’avais défini le conseil comme un moment
d’échange sur ce qui se passe en classe, les tas de sable y avaient donc leur place,
je ne pouvais donc pas les bannir. De plus je ne pouvais pas définir si un problème
était intéressant ou pas.
Les conseils dans cette classe étaient donc très prolifiques, ils n’étaient pas
plus intéressants que ceux du stage précédent, mais juste différents. En effet, les
objectifs n’étaient pas les mêmes et les conseils ont permis de résoudre les
problèmes différents.
Outre le fait de résoudre des problèmes de classe, le conseil m’a surtout permis
de concevoir autrement le métier de professeur des écoles. Je me suis rendue
compte à quel point il était important de laisser la parole aux enfants. Il est
nécessaire de demander l’avis des élèves puisque comme les enseignants, ils
passent la majeure partie de leur temps à l’école. Si l’on souhaite que les élèves
soient épanouis dans le métier d’écolier, il faut qu’ils ressentent que leur parole
compte et que leur maître est aussi là pour les entendre. De plus, il est plus aisé de
construire de bons apprentissages lorsque l’ambiance de classe est sereine et
d’après mes expériences le conseil favorise ce climat grâce à l’écoute et à la
compréhension. Ce moment favorise l’engagement et la responsabilité des élèves
puisqu’ils s’approprient enfin la classe comme un lieu de vie à part entière. Le conseil
m’a permis d’apprendre à laisser la parole aux élèves mais surtout d’en prendre
21
compte dans ma façon d’enseigner, ainsi le conseil peut favoriser tous les
apprentissages. Etre autonome et responsable ne s’enseigne pas mais se vit.
Enfin grâce au conseil, j’ai pu établir un rapport de confiance plus rapidement
avec ma classe. J’ai réussi à cerner plus rapidement la personnalité des élèves et
ainsi adapter plus vite mes méthodes d’enseignement. Je pense aussi que ce
moment a permis aux élèves de m’accepter plus facilement, le conseil est aussi à
bon moyen de faire connaissance.
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CONCLUSION
Les conseils installés durant mes deux stages m’ont permis d’apercevoir
l’utilité des procédés démocratiques dans la classe. Le fait de construire les règles de
la classe ensemble permet aux enfants de mieux les respecter. En effet, si une règle
est débattue, expliquée ; elle prend tout son sens et les élèves perçoivent mieux sa
nécessité. C’est un moment de résolution de problèmes et de recherche de
consensus où chaque enfant a sa place, avec ses forces, ses faiblesses, sa
personnalité, sa culture. Mais il serait naïf de penser que le conseil résout tous les
problèmes de la classe, en fait il contribue essentiellement à instaurer un climat
serein, coopératif et de confiance.
Mes expériences dans l’installation du conseil de classe se déroulaient sur trois
semaines, c’est évidemment trop court pour cerner tous les enjeux de cette institution
scolaire. En effet, c’est un travail long, il s’étend sur plusieurs mois voire sur plusieurs
années lorsque c’est possible. Avec le temps, les élèves se sentent de plus en plus à
l’aise dans les débats et les décisions, les rôles de président et de secrétaire peuvent
être délégués. De plus le conseil s’inscrit dans une véritablement pédagogie
institutionnelle où l'entraide et la fraternité existent et où l'enseignant donne toute sa
place à la parole de l'enfant. C’est un formidable exemple de démocratie qui assure
une véritable formation du futur citoyen. Le conseil ne se suffit pas à lui-même, il faut
vraiment créer un climat de dialogue et d’écoute à chaque moment de la classe.
Mais attention à ne pas tomber dans l’excès de l’autogestion où les élèves
décideraient de tout, tout le temps. Un enfant à qui on laisse faire tout ce qu'il veut ne
peut pas avoir envie de grandir : si on lui donne tout, il pensera que le monde entier
lui doit tout aussi, ainsi il ne tentera pas de s’élever à un stade supérieur. C’est
pourquoi à certain moment, le maître doit rappeler que tout n’est pas négociable, et
son droit de veto doit être utilisé et expliqué.
Enfin, outre son enjeu civique, le conseil contribue à perfectionner la maîtrise de
la langue puisque l’enfant devra verbaliser des actions ou des sentiments,
s’expliquer et se justifier. Le débat prendra le pas sur la violence et empêchera ainsi
bien des débordements virulents.
Après ces expériences de trois semaines, j’ai hâte de pouvoir installer un
conseil de classe à long terme avec ma propre classe et ainsi mieux percevoir tous
les enjeux de cette pratique.
Mais de nombreuses questions restent en suspens : Avais-je raison de ne pas
déléguer la présidence et le secrétariat aux élèves ? Je pense que l’instauration du
conseil aurait été plus difficile mais l’implication des élèves aurait été plus importante.
Concernant les tas de sable, je pense qu’ils étaient inévitables, peut-être existe-t-il
des moyens de les minimiser ?
Enfin, je me demande si j’aurais dû pratiquer le conseil plus fréquemment pour avoir
de meilleurs résultats, certains collègues pratiquent le conseil jusqu’à 2 fois par
semaine.
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Bibliographie
•
Vasquez, Aïda & Oury, Fernand. De la classe coopérative à la pédagogie
institutionnelle. Paris : François Maspero, 1971, p 768
•
Pochet, Catherine & Oury, Fernand. Qui c’est l’conseil ?. Paris : François
Maspero, 1979, p 429
•
Vasquez, Aïda & Oury, Fernand. Vers une pédagogie institutionnelle. Paris :
François Maspero, 1968
•
Harranger, Patrick. Un conseil d’enfants. In : JDI, Avril 2002, n°8, p 72-73
•
Aéré. A la recherche de l’autorité. In : Les cahiers pédagogiques, Juin 2001,
n°395, p 64-65
•
Beillerot, Jacky ; Apprendre à vivre ensemble. In : Le monde de l’éducation,
Mars 2001, p 72-73
Webographie
•
probo.free.fr : le conseil de classe
•
enseignement.be/prof/espaces/fondam/instit/doc/autres/conseil_de_classe_th
eorie.doc
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ANNEXE 1.1
Paroles
positives et
agréables
« Je remercie… »
« J’apprécie… »
« J’ai appris… »
« Je félicite… »
I
ANNEXE 1.2
Écouter
sans interrompre
Attendre son tour
II
ANNEXE 1.3
+
Oser parler
Oser s’exprimer
Demander la parole
III
ANNEXE 1.4
Moquerie
interdite
IV
ANNEXE 1.5
Parler de soi
Parler en « JE »
V
ANNEXE 1.6
Confidentialité
VI
ANNEXE 1.7
Garder secret les
échanges
VII
ANNEXE 2
Paroles positives
Je remercie…
J’ai apprécié…
J’apprécie…
Je félicite…
J’ai appris…
AAfffiicchhee tteess ppaappiieerrss iiccii
Problèmes
Je suis déçu quand…
J’ai été blessé quand…
Je suis dérangé quand…
Je n’ai pas apprécié…
Je n’apprécie pas…
J’ai regretté…
Je suis en difficulté et j’aimerais de l’aide
AAfffiicchhee tteess ppaappiieerrss iiccii
VIII
Autres sujets
J’aimerais parler de…
J’aimerais que l’on change…
J’aimerais que…
Je propose que…
Je suggère que…
AAfffiicchhee tteess ppaappiieerrss iiccii
Résumé
La mise en place du conseil de classe est un moyen de gérer autrement la classe au
quotidien. Issu de la pédagogie institutionnelle, il permet aux élèves de construire les
règles de la classe, de gérer les conflits, d’organiser le travail de classe…Ce
dispositif laisse aux élèves un moment de parole et de décision. Sa mise en œuvre
est complexe et doit répondre à des règles bien spécifiques.
Mots clé :
•
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•
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Citoyenneté
Conseil d’élèves
Démocratie
Pédagogie institutionnelle