PROCÉS EN ASSISES DE CLAUDE DUVIAU SYNTHESE DES

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PROCÉS EN ASSISES DE CLAUDE DUVIAU SYNTHESE DES
Fédération PSTE
Ministère de l'Emploi, Inspection du Travail des Transports, Inspection du Travail de l'Agriculture, ANACT
PROCÉS EN ASSISES DE CLAUDE DUVIAU
SYNTHESE DES CHRONIQUES
Les croquis d’audience ont été réalisés par Hélène Perdereau – journaliste travaillant pour CFDT Magazine
SYNTEF-CFDT – 8bis, rue Lecuirot – 75014 PARIS
Tél : 01 40 52 02 10 – Fax : 01 40 52 02 19 – Mél : [email protected]
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PROCÈS DE PÉRIGUEUX
CHRONIQUES QUOTIDIENNES
Audience du lundi 5 mars 2007
Ouverture du Procès d’assises à Périgueux
La session du procès d'assise est ouverte par le Président à 9 heures 10 et
débute par la désignation des 9 jurés par tirage au sort. La défense récusera
cinq personnes dont trois femmes, le ministère public en récusera deux.
Finalement 8 femmes et un homme plus deux hommes en qualité de
suppléant constitueront le jury.
Viennent ensuite les constitutions de partie civile par les avocats :
-
Lucie BUFFIERE, fille de Daniel (mineure);
Renée BUFFIERE, Compagne de Daniel BUFFIERE;
Le Frère de Daniel;
La MSA (même avocat);
Gilles TREMOUILLE;
Son fils JULIEN;
les parents et belle-mère de Sylvie;
et les organisations syndicales UD CFDT, SYNTEF-CFDT, FO, UD
CGT, UNSA.
La défense évoque l’exception d’irrecevabilité pour les UD CFDT et CGT, le
SYNTEF CFDT, SYGMA FSU, SNUTEF, SUD affaire sociale, CFTC Agriculture,
l'association L.611-10 invoquant l’inutilité de ces constitutions de partie
civile. Même position de la défense pour l'association de défense et de
promotion de l’inspection du travail dont la constitution de partie civile a été
faite il y a 1 an sans avocat (ce qui est possible), l'ARSET (Association des
DD et DRTEFP) sans avocat et sans statuts présentés.
La recevabilité des parties civiles sera tranchée vendredi.
Les dates et heures d’audition ont ensuite été notifiées aux témoins. Le juge
expliquant alors la logique du passage des témoins. Quelques témoins
manquaient à l’appel pour cause de santé.
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A ce stade a été faite lecture de l’ordonnance de renvoi:
M. DUVIAU est appelé à comparaître pour homicide volontaire sur personnes
dépositaires d’une mission de service public le 2 septembre 2004 à
SAUSSIGNAC où l’accusé a blessé mortellement :
Sylvie TREMOUILLE qui décédait à 17 heures 15 ;
Daniel BUFFIERE qui décédait à 19 heures 30 ;
au moyen d'un fusil Beretta calibre 12 avec des cartouches réservées au
gros gibier.
Le jour du contrôle, 7 personnes sont occupées au ramassage de pruneaux.
Une secoue l’arbre, quatre tiennent une bâche et deux ramassent. Trois de
ces personnes sont recrutées par M. DUVIAU, quatre sont mises à
disposition par 1 prestataire. L’accusé semblait de bonne humeur.
A 15 heures 30, Daniel BUFFIERE et Sylvie TREMOUILLE se présentent sur
l’exploitation et procède à un relevé d’identité des personnes présentes.
Cette opération prend 15 minutes. Le contrôle se fait dans le calme et la
courtoisie. Daniel BUFFIERE et Sylvie TREMOUILLE rejoignent ensuite Claude
DUVIAU qui répare une bâche avec un salarié à qui il dit : « Bof, ce sont des
inspecteurs ». Une discussion s’engage entre les agents et l'employeur, le
ton monte alors. M. DUVIAU indique qu’il faut voir le prestataire (concernant
quatre des personnes présentent au travail) et déclare aussi : « je suis en
liquidation, le jugement passe en septembre, c’est à cause de vous si je suis
dans cette situation ». L'Employeur s’absente dans sa maison, Daniel
BUFFIERE et Sylvie TREMOUILLE se dirigent alors vers la maison pour
retrouver M. DUVIAU. Celui-ci sort alors avec son fusil et tire sur Daniel
BUFFIERE qui a eu le temps de mettre en garde SYLVIE TREMOUILLE.
Claude DUDIAU tire alors dans le dos de Sylvie TREMOUILLE. Claude
DUVIAU se tire ensuite une balle dans le menton.
Les coups de feu ont été donnés sans sommation, les 2 victimes crieront à
l’aide mais les salariés n’interviendront pas de peur qu’il y ait de nouveaux
coups de feu.
Pour expliquer son geste, l'accusé indique que la discussion avec les agents
portait sur la présence de salariés extérieurs recrutés via le prestataire, ce
qu’il n’avait pas le droit de faire. Daniel BUFFIERE indique alors à Claude
DUVIAU qu’il risque une comparution au tribunal. Celui-ci entre alors dans sa
maison et « tout se brouille dans sa tête ». Il est animé par la haine et la
vengeance : un tir à 60 cm pour Daniel BUFFIERE et à 3 mètres pour Sylvie
TREMOUILLET. Claude DUVIAU expliquera l’origine de la liquidation de son
exploitation par un lien avec des problèmes qu’il rencontrait avec son ancien
associé du cabinet d’assurances.
Il ne connaissait pas les victimes mais Sylvie TREMOUILLE avait une
ressemblance avec un autre agent de contrôle, Nadine MOREAU qui avait
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relevé Procès Verbal ayant valu à ce dernier de passer au tribunal
correctionnel de BERGERAC.
L'accusé explique aussi qu’il était dépressif avec tendance suicidaire, qu’il
avait commencé un traitement qu’il a du arrêter car non compatible avec la
nécessité qu’il avait de conduire des véhicules.
L’intervention des victimes avait lieu dans le cadre de la mission prioritaire
de lutte contre le travail illégal constituée de trois équipes mixtes en
Dordogne composées chacune d’un agent de l’ITEPSA et d’un agent de la
Mutualité Sociale Agricole.
En 2002, Il y avait déjà eu un contrôle et le constat de la présence d’une
équipe de personne mise à la disposition de Claude DUVIAU par un
prestataire dénommé SHERIF. Au sein de cette équipe se trouvait un
étranger sans titre de séjour. Ces constats avaient valu des poursuites d’une
part contre Claude DUVIAU qui fut condamné en juin 2003 à 600 €
d’amende avec sursis, d'autre part contre le prestataire qui fut condamné à
1000 € d'amende.
Un même constat fut établi en 2003. Nouvelle condamnation du prestataire
et relaxe de Claude DUVIAU en 2005.
Il convient de préciser que la MSA diffusait régulièrement une information
sur le prêt de main d’œuvre illicite.
D’autres éléments montrent que Claude DUVIAU avait eu au moins deux
situations de réelles violences à l’égard de personnes de son entourage
professionnel.
L’ordonnance conclut à la reconnaissance
qualification de meurtre aggravé.
d’homicide
avec
la
La cour présente alors les deux victimes comme des personnes modérées
avec des qualités humaines fortes.
La fin de la première demi-journée est consacrée à la présentation du CV de
Claude DUVIAU : date de naissance en 1947. Une enfance précaire, absence
de père. Il travaille entre 14 et 17 ans sur l’exploitation agricole de son
beau-père. Il se marie en 1969 avec une percepteur des impôts. Deux
enfants. Il rentre dans l’armée de l’air en 1965. Il y restera jusqu’en 1980.
Il commence à travailler dans les assurances. Il devient propriétaire de son
portefeuille en 1982 ; il achète son exploitation agricole en 1999. Il perçoit
une retraite militaire de 500 € par mois. Sa fille est chercheur à l’INRA. Son
fils est agent immobilier, responsable de plusieurs agences.
L'accusé déclare ne pas avoir de difficulté dans son couple. " j’ai une
mentalité de fonctionnaire, j’aurai du faire preuve de plus de souplesse."
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La parole est ensuite donnée à M. LHOSTE, enquêteur social, sur
l’environnement de l’accusé. Il précise avoir auditionné Claude DUVIAU le 23
février 2005 pendant 3 heures et avoir recueilli les témoignages de 36
autres personnes. Après avoir rappelé dans le détail, l’enfance et la carrière
de l'accusé, l’enquêteur indique que celui-ci avait un associé au moment de
l’acquisition du domaine agricole : Mr LE DEVEDEC. Claude DUVIAU s’est
aperçu des difficultés économiques de son exploitation et de la relation
qu’entretenait son associé avec sa fille. En 2002, prenant sa retraite des
assurances, il entreprend d’acquérir toutes les parts de son exploitation afin
d’y travailler seul. Le contexte de la mévente du vin et de l’inadaptation de
son exploitation expliqueraient les difficultés de l’accusé. S’ensuivent des
descriptions très élogieuses de l'accusé avec de nombreux témoignages à
décharge.
Il est indiqué que l'accusé avait fait une tentative de suicide en 2003. En
outre, C. Duviau se plaignait du nombre important de contrôles dont il faisait
l’objet par rapport à d’autres. L’enquêteur précise au cours de sa déposition
que Claude DUVIAU connaissait très bien le maniement des armes. Certains
témoins ont ajouté avoir entendu l'accusé leur faire part de son désir de
mettre fin à ses jours.
Les avocats des parties civiles ont ensuite pris la parole et reproché à
l’enquêteur de ne pas avoir auditionné les témoins à charge, ni même les
administrations auxquelles il était reproché le trop grand nombre de
contrôles.
Mr LEVY, responsable de la cave coopérative viticole est interrogé et
témoigne sur l’acharnement des contrôles.
A la demande du président, le témoin indique que « selon les bruits de
couloir, il y aurait eu deux contrôles ». Selon ce même témoin, il ne pouvait
y avoir de travail au noir car les règlements supérieurs à 750 € doivent se
faire par chèque. Le témoin suivant, tenant un magasin d’armes, informe
connaître l'accusé depuis 2002 et selon lui, Claude DUVIAU aurait été
victime d’une vengeance.
Mr BARBIER DE LA SERRE, Inspecteur d’assurances est ensuite interrogé. Il
déclare avoir été témoin en 1997 de l'entrée violente dans son bureau de
l'accusé qui bouscula alors M. Pascal ROGER, collègue de travail. L'accusé
reconnaît les faits.
Un médecin indique ensuite avoir reçu l’accusé pour hypertension et un état
dépressif.
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Audience du mardi 6 mars
L’audition des témoins
-
Premier témoin, un ancien
retraite, ami de « 30 ans » ;
militaire,
ex-agriculteur,
à
la
Il va dresser un portrait flatteur de Claude DUVIAU. Il précise que
l’acquisition de la propriété agricole (vigne, pommes et prunes) était un rêve
de l’accusé. Il souligne les difficultés rencontrées par ce dernier pour
exploiter son domaine et le refus des banques de l’aider quand il en a eu
besoin.
Il reproche aux Inspecteurs du travail de ne pas prévenir de leur passage et
s’interroge sur « un harcèlement » qui aurait abouti à la dépression de
l’accusé. Un avocat demande alors si, vu l’état de son « ami », il lui a
apporté un soutien accru. En fait, le témoin a répondu qu’il ne l’avait vu
qu’une fois dans les 4 mois précédant le drame de Saussignac.
-
Le témoin suivant est l’expert psychologue ;
Son intervention est très attendue. Il a rencontré Claude DUVIAU à la
maison d’arrêt. Il semble que l’accusé ait essayé, lors de ses entretiens avec
le psychologue, de se justifier avec vivacité. Le jour du drame, il disait avoir
subi un contrôle inopiné, soupçonneux, au cours duquel on lui aurait parlé
d’infraction, de PV et qu’il se serait alors senti asphyxié et qu’il aurait tiré
par réflexe, sans viser !
A l’évocation de sa vie personnelle, le psychologue note qu’il l’a dépeinte de
façon plaintive : manque du père ( il n’a toutefois manqué matériellement de
rien ) mais qui expliquerait son engagement dans l’armée ; évocation de
chocs dans sa vie professionnelle et personnelle jusqu’à sa première
tentative de suicide en 2003.
Le psychologue explique que les tests n’ont pas permis de constater une
personnalité déstructurée ou particulièrement atteinte ; pas d’anomalie sur
le plan affectif ou intellectuel. Par contre il note des fragilités qui ne
l’empêchent néanmoins pas d’exercer un bon jugement. Le manque du père,
la relation fusionnelle avec la mère, qui a développé un grand narcissisme,
qui l’amène en compensation à développer une stratégie de maîtrise de
situation, de professionnalisme, d’entêtement à réussir dans tous les
domaines. Il développe une psychorigidité. D’où sa dépression de type
narcissique « alimentée » par son échec professionnel qui creuse l’écart
entre la réalité et son image narcissique. Aujourd’hui, le prévenu tente de
« rationaliser » son comportement et cette radicalisation passe par
l’évocation d’un supposé harcèlement.
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Le président demande au psy si l’état de Claude DUVIAU pouvait altérer sa
responsabilité. L’expert répond qu’il y a plutôt un état crépusculaire de la
conscience ; le prévenu se souvient très bien de la scène et se revoit en
train de tirer.
Le président note que le prévenu semble avoir banalisé la valeur de la vie,
en supprimant d’abord la vie des autres avant de passer à la sienne.
L’expert dit que le prévenu a évoqué sa « contrition », car il était très
croyant- on apprendra en fin d’après-midi qu’il s’agit d’une « croyance »
récente, après son incarcération- mais cela dénote surtout, dixit, un
comportement mégalomaniaque. On retrouve ce type de comportement
dans le meurtre puisqu’on s’arroge le droit de tuer.
Le président demande aussi comment le prévenu a pu en venir à éprouver
de la haine à l’égard des agents de contrôle : l’expert répond que c’est une
construction psychologique qui permet à l’accusé de pouvoir « décharger »
quelqu’un des malheurs qui pesaient sur lui.
Le président demande ensuite si le prévenu est toujours dans l’idée de
suicide. L’expert répond que pour Claude DUVIAU, le suicide permet une
fuite, mais que maintenant il voulait assumer ses actes. Pour lui on est en
face d’une personnalité peu capable de l’autocritique de ses propres
défaillances et donc qui a peu de capacité à gérer favorablement ses
frustrations.
L’expert souligne enfin qu’il y avait un enfermement morbide qui avait
amené l’accusé à considérer le suicide comme solution unique et idéale.
-
Témoin suivant – M. Verdier – un employé viticulteur retraité ;
Il était venu voir M. DUVIAU en 2002 pour réclamer des heures de
travail non payées. L’accusé ne l’a pas salué et s’est mis en colère d’un
coup, l’a pris au col pour le frapper et dans le mouvement a jeté les lunettes
de l’ex-salarié à terre. Ensuite il l’a menacé de mort verbalement en lui
disant « un jour, je te donnerai un coup de fusil » en simulant une mise en
joue avec ses mains.
Sur le moment, il n’a pas porté plainte, car il connaissait la famille, mais
lorsqu’il a appris les événements de septembre 2004, il a voulu rapporter les
faits.
Il a travaillé sur la propriété de M. DUVIAU comme chef d’exploitation
lorsque ce dernier poursuivait son activité d’assureur. Au cours de cette
période, M. VERDIER s’est vu proposé par l’accusé de remplacer un salarié
permanent de l’exploitation qui partait en congés. M. VERDIER a refusé. M.
DUVIAU lui a alors dit de prendre ses affaires et de partir. Echange très vif
entre le témoin et le prévenu qui indique que Verdier l’aurait menacé de
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saccager ses vignes. L’accusé lui aurait alors lancé un « Je te donnerai un
coup de fusil». L’accusé nie avoir frappé son salarié.
-
Témoignage d’une employée agricole qui a été témoin de
l’altercation violente entre M. Verdier et M. DUVIAU et de la
menace ;
De nouveau de grosses divergences entre le témoin (citée par la
défense !) et l’accusé. Le témoin relate en effet l’altercation comme plus
violente que ne l’a relaté M. Verdier.
-
Témoignage du fils de M. DUVIAU, Stéphane, né en 1972 ;
Il est responsable de plusieurs agences immobilières. Il fait une
présentation très digne et très émouvante de son père. Il explique qu’en fin
de carrière, son père a voulu se faire plaisir en achetant la propriété. Ce rêve
est devenu un cauchemar.
Tout s’est en fait gâté après les divergences de vue qu’il a eu avec son
associé. Il a donc dû poursuivre seul son activité. Alors que cela devait être
un plaisir, il s’est trouvé enseveli par les dettes. Il a dû changer de métier
(passer d’assureur à agriculteur) alors qu’il n’était pas fait pour cela.
L’année 2003 a été terrible : il a eu un malaise dans les vignes en début
d’année, est resté 1 semaine à l’hôpital ; puis il est passé au tribunal et a
été condamné pour l’emploi d’un travailleur étranger illégal, ce qu’il n’a pas
compris. Il avait téléphoné à la MSA qui avait expliqué comment régulariser
cette situation. Puis il a été contrôlé et cela l’a beaucoup marqué.
Ensuite problèmes : Il ne reçoit pas la subvention de la coopérative
PRUNODOR, subvention qui permet de payer les saisonniers ; il demande
ensuite une aide au Crédit Agricole qui ne lui sera pas accordée ; puis
problème avec la cave de FLE avec une suspicion de substitution dans les
vins (qualité différente) mais non prouvée. Enfin, il est acculé par les
créanciers. Il décide alors de déposer le bilan.
Il espérait trouver rapidement un repreneur, mais le repreneur potentiel n’a
jamais obtenu les prêts qu’il demandait.
Stéphane DUVIAU estime que son père a changé complètement à ce
moment là. Il souligne aussi la culpabilité et la honte éprouvée par son père
envers sa femme et ses enfants en étant réduit à sombrer dans la pauvreté
(assez étonnant, car en 2003 les enfants n’étaient plus à sa charge et Mme
DUVIAU travaillait comme inspecteur des impôts NDLR).
Son père lui aurait dit son intention de se suicider devant le Crédit Agricole.
Selon lui, son père aurait eu la même réaction (criminelle NDLR) envers
quiconque serait venu dans l’exploitation pour le mettre en cause.
Stéphane DUVIAU se dit choqué par le traitement médiatique de l’affaire.
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Il ajoute : « Mon père n’est pas un exemple, un prétexte et ne doit pas
devenir l’objet d’une récupération. C’est un homme, pas un exemple. Ce
n’est pas non plus le symbole du grief contre les inspecteurs du travail »
Avant de suspendre l’audience, le président fait une déclaration,
pour regretter que certains témoins aient été pris à partie lundi du
fait de leur témoignage à décharge. Un avocat de la partie civile
interviendra dans l’après-midi pour contester les faits après enquête
à l’extérieur du tribunal (!)
-
Témoin suivant : un médecin psychiatre ;
IL a rencontré Claude DUVIAU en novembre 2004. Le médecin a
évoqué un fond dépressif depuis 18 mois. L’accusé était très valorisé dans
son activité d’assureur. Le psy revient sur la chronologie des faits à compter
de l’achat de la propriété par M. DUVIAU.
Il fait une description de l’accusé identique aux témoins précédents.
Claude DUVIAU lui aurait dit être constamment « stressé ». Mais son idée de
suicide ne serait apparue qu’après son malaise de début janvier 2003. En
2004, après ses difficultés pour trouver un repreneur, il se serait donné une
date limite : le 31 octobre 2004. Cela lui donnait une certaine fierté, car il
avait alors une chance de se racheter. L’idée de suicide est récurrente ; il
avait acheté des balles appropriées.
Le médecin déclare que l’accusé lui a dit que le 2 septembre 2004, lorsque la
voiture est arrivée et que le contrôleur lui a asséné ces paroles: « On a
trouvé de tout », « Vous n’avez pas le droit de recourir à des prestataires de
service », il ne l’a pas supporté. Il était, dit-il, sidéré. Il est parti dans le
bâtiment où il y avait l’arme et lorsqu’au bout d’un moment, les agents sont
arrivés à la porte, il dit avoir « pété » les plombs. Le psy souligne le bon état
général de la santé du prévenu. L’échec a provoqué chez lui une faille
narcissique.
La dépression était relativement marquée, mais elle s’est installée
progressivement ; un facteur prédictif : prévalence familiale (mère décédée)
et faille narcissique (liaison de sa fille, sentiment d’incompréhension de la
part des banques, de l’administration…) Au moment des faits, il ne souffrait
pas d’abolition de la conscience. Sa dépression sévère, en lien avec une faille
narcissique majeure, a cependant altéré son discernement.
Un avocat des parties civiles demande pourquoi cet «état» l’a amené au
double meurtre plutôt qu’au suicide ? Claude DUVIAU explique alors qu’il a
eu deux phases suicidaires : une phase dans laquelle il voulait s’éliminer
parce qu’il ne se supportait plus et une deuxième phase de suicide
économique.
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L’expert note une irritabilité et une impulsivité chez le prévenu. Il note aussi
qu’il n’est pas rare d’observer une jovialité de façade pour masquer son
projet de suicide.
L’accusé déclare que dans sa seconde phase suicidaire, il s’est senti
sombrer, et il a ressenti qu’il devenait dangereux ; il indique avoir contacté
deux psychologues, mais ces derniers ne pouvaient pas le recevoir avant un
mois et demi. Puis après il y a eu la récolte et il s’est adapté à son projet de
suicide. Il ne voulait plus des traitements médicaux qui l’avaient abattu et
empêché de travailler.
Il avait alors besoin de « mots » et non de médicaments. Après, selon lui, il
était trop tard ; il se considérait lui-même comme un « mort-vivant »
L’avocat de l’accusé souligne la contradiction entre le fait que l’expert
évoque qu’il n’y a pas eu «irresponsabilité» et celui d’évoquer une altération
du jugement.
L’expert explique qu’il y a eu distorsion cognitive : le sujet transforme les
situations d’une façon négative ; il maximalise l’événement du contrôle avec
la conséquence d’avoir à se retrouver devant le tribunal. Selon l’expert, il y a
un état dépressif majeure et sévère, avec des éléments mélancoliformes
(différent de mélancolique). La mélancolie est une pathologie qui est
considérée comme abolissant la conscience et exonère la responsabilité, ce
qui n’était pas la situation de l’accusé.
-
Un autre expert cité par la défense ;
Il explique la très grande propension de l’accusé à prendre la parole
pour s’expliquer, se justifier en détails, re-détailler, réexaminer. C’est un
paranoïaque, un hyper rigide qui n’accepte pas de perdre le contrôle et ne
sait pas gérer pas ses frustrations. Selon l’expert, il y a doute sur la volonté
suicidaire car l’angle de tir (fusil sous le menton) était très mauvais pour
réussir. Il précise que Sylvie TREMOUILLE et Daniel BUFFIERE ont été les
victimes de colère qui s’adressait à autre chose. Il estime aussi que Claude
DUVIAU n’avait pas d’altération du discernement quand il a tiré.
-
Témoin suivant, l’ex associé de Claude DUVIAU avec qui il avait
acheté l’exploitation ;
C’est un viticulteur. Il a rencontré Claude DUVIAU en 1982, alors que
ce dernier débutait dans l’assurance. Relation amicale ; associé à hauteur
d’un tiers à la SCEA, à 2/3 sur la SCI (400 000 F et 67 000 F.) Il revendra
ses parts à l’accusé en 2002, sans trop de perte (378 000 F).
On l’interroge sur la relation qu’il a entretenue avec la fille de l’accusé. Il dit
l’avoir rencontrée à la chasse et s’en être expliqué avec son père. Question :
N’y avait-il pas là comme une double trahison ? Réponse de l’ex-associé :
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Oui ; ça a contrarié M. DUVIAU. Mais il dit qu’il a quitté la SCEA parce qu’il
avait trop de travail et non suite à sa liaison avec la fille de l’accusé, qu’il
continue de voir par ailleurs.
« Nous n’avions pas la même approche sur l’exploitation. Quand on a
acheté, on a payé trop cher la récolte qui était encore sur pied .
Concernant l’organisation de l’exploitation, il y avait un permanent à plein
temps. C’était M. DUVIAU qui s’occupait du recrutement. Il n’était pas facile
de trouver du personnel pour le travail saisonnier. Nous avons d’abord
embauché ceux qui travaillaient habituellement les années précédentes, puis
nous avons demandé l’aide à l’ANPE. Mais ce n’est pas facile de trouver et
garder 20 personnes. L’ANPE n’est pas capable de trouver du personnel qui
sait travailler. Il n’y a jamais eu de salariés non déclarés sur l’exploitation. »
L’ancien associé explique pourquoi ils ont fait appel à un prestataire de
service (M. SHERIFF.) Pour lui, c’était une situation légale, ce monsieur était
immatriculé et il lui apparaît donc totalement légal de louer de la main
d’œuvre via un prestataire.
Le président lui demande quand il y a eu des contrôles. Lors de la 2ème
campagne, alors qu’on ramassait les prunes ; on est venu me dire « il y a
des gens qui demandent l’identité des personnes qui travaillent » Je suis allé
voir. Une des personnes qui était là me dit : « On fait un contrôle ; je
m’aperçois que vous n’êtes pas en règle. Vous déclarez 9 personnes et il y
en a 21, les autres sont en prestation ». L’ex-associé s’explique en indiquant
avoir eu recours à un prestataire immatriculé en Gironde. L’autre agent dit :
« Tu sais qu’on ne peut pas aller contrôler en Gironde ». Ils prendront la
carte du prestataire mais ne donneront pas de suite à ce contrôle. Le
président lui demande s’il a eu des problèmes avec un marocain. Le témoin
répond que non. On ne renvoyait pas les gens car on en avait besoin.
On l’interroge aussi sur ses relations avec la fille de l’accusé. Il pense que
cela n’a pas de lien avec sa dépression. Depuis que j’ai quitté la SCEA, je
n’ai plus vu beaucoup M. DUVIAU. Je n’ai pas entendu que ce dernier voulait
se suicider.
Question du Président : Est-il exact qu’un ouvrier marocain ait menacé M.
DUVIAU et que ce dernier ait reçu ensuite des menaces dans sa boîte aux
lettres ? Oui sur l’altercation. Mais le témoin n’a pas eu connaissance de
lettres de menaces.
Il est évoqué ensuite un détournement de produits phytosanitaire par l’exassocié au détriment de l’accusé puis son rachat des parts de la SCEA à son
ex-associé.
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-
Témoin suivant : Nicolas TALOU, le jeune qui voulait reprendre
l’exploitation de M. DUVIAU ;
Il a été mis en relation avec l’accusé par le CNASEA en août 2003. Un
dossier de reprise et de demande d’aide a alors été monté et dans l’attente
d’aboutir et alors que M. DUVIAU avait déposé son bilan, M. TALOU obtient
du mandataire judiciaire d’être embauché en CDD sur l’exploitation. Il y
travaillera jusqu’en août 2004.
Interrogé sur le moral de l’accusé, il répond que celui-ci était démoralisé car
il ne trouvait pas de débouché pour la cession.
Après le meurtre, le témoin déposera un nouveau dossier de reprise, qui
sera refusé en novembre. Il explique que M. DUVIAU savait qu’il faisait cette
nouvelle démarche, mais il semblait que l’accusé s’était fixé un délai au 31
octobre (date de la fin de période de poursuite d’activité). L’accusé ne
souhaitait pas être mis en faillite personnelle.
Claude DUVIAU était très favorable à la cession et ils avaient fait une
« campagne » ensemble.
L’avocat de la défense intervient alors sur la chronologie des faits : le 26
novembre 2003, il y a une visite sur l’exploitation en présence du Crédit
Mutuel, du CNASEA et de la Chambre d’agriculture. Tout le monde semble
satisfait et la banque se dit prête à apporter l’aide. Pourquoi alors la
liquidation ?
Réponse du témoin : parce que c’était censé faciliter la cession. Le Crédit
Mutuel refusera le prêt en janvier 2004, mais cette décision est venue de
Limoges, alors que l’agence locale avait donné un avis favorable.
Le ministère public fera répéter à M. TALOU qu’il y avait encore une chance
de cession et que l’accusé aurait pu attendre encore un peu avant de
s’estimer hors circuit.
-
Intervient ensuite le mandataire qui a été
redressement, puis de la liquidation des sociétés ;
chargé
du
Après sa désignation il a rencontré régulièrement l’accusé qui
souhaitait trouver un repreneur rapidement. Selon lui, M. DUVIAU était
inquiet à l’idée d’être caution solidaire en cas de liquidation. Selon le
Mandataire, l’accusé avait la volonté de poursuivre l’activité de son
entreprise après le départ de son associé, un bateau qui coulait. En 2003, il
y a eu un véritable marasme économique. Les banques limitaient les crédits
accordés.
Sur demande du ministère public, le mandataire indique qu’il connaissait le
dernier projet de M. TALOU et qu’effectivement s’il y avait eu un accord de la
banque fin octobre, début novembre, il aurait été possible de trouver une
solution. D’ailleurs pour lui, M. TALOU devait avoir un prêt.
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Il avait essayé de rassurer M. DUVIAU qui était inquiet.
-
Intervention de la fille
DUVIAU, née le 26/06/70
de
Claude
DUVIAU,
Marie-Pierre
Elle n’a pas connue de problème dans son enfance. Un BTS puis une licence,
elle travaille comme chercheur à l’INRA de Montpellier, d’où elle est partie
depuis 1992.
Elle explique que son père a certaines valeurs, qu’il a toujours beaucoup
travaillé et que la valeur travail est importante. Il œuvrait pour « le bonheur
de sa famille avant tout. »
Sur question du président, elle reconnaît que son père était parfois impulsif,
pas orgueilleux mais plutôt fier de sa réussite personnelle et professionnelle.
Il avait des idées précises sur certaines choses ; sur d’autres il était possible
de discuter.
Elle explique qu’elle revenait régulièrement chez ses parents, qu’elle allait à
la chasse avec son père. Elle indique que son père avait depuis longtemps
l’idée d’acheter une exploitation agricole; c’était un rêve pour lui de
retourner vers le milieu agricole dont il était originaire. Il a eu cette
opportunité en 1999 avec l’argent de la vente de la maison des grands
parents.
Au sujet de l’association avec LEDEVEDEC, Marie-Pierre DUVIAU indique que
son père l’avait connu à la chasse et au travers du rugby. Elle reconnaît que
son père n’a connu sa relation avec LEDEVEDEC qu’un an après son
association avec lui et que cela ne lui avait pas plu. Il n’approuvait pas cette
liaison avec son associé et qu’à partir de là les relations avec son père se
sont tendues.
Marie-Pierre DUVIAU confirme les divergences entre son père et son associé
sur la façon de travailler sur l’exploitation. Quand l’association cesse, son
père doit vendre son cabinet de façon prématurée.
Sur le passage de son père au tribunal en 2003, elle s’en souvient. Selon
elle, son celui-ci n’a pas compris le jugement puisque c’était lui qui avait
signalé le problème de l’ouvrier marocain qui avait , semble t-il déjà
travaillé en France et en Espagne.
J’avais remarqué qu’il était fatigué depuis deux ans et qu’il faisait de la
dépression, en lien avec les problèmes financiers, les demandes de prêts,
l’absence de réponse du Crédit Agricole.
Sur la tentative de suicide de 2003, elle n’en a eu connaissance qu’après le
drame de SAUSSIGNAC. Sa mère a retrouvé une lettre où son père
expliquait son geste et s’excusait. Sa mère avait retrouvé son père avec un
fusil entre les mains.
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-
Dernier témoin de mardi : madame Josette Duviau, femme de
l’accusé, Inspecteur du Trésor
Elle reprend le parcours qu’elle a eu avec son mari depuis l’enfance.
Elle fait l’école de la trésorerie à Paris dont elle s’est mis en disponibilité
quand son mari obtient sa mutation à Mérignac. Elle aura un poste en
Gironde en 1976, avec un logement de fonction puis, ensuite, un poste en
Dordogne.
Elle indique que son mari se lance dans les assurances après l’armée. il
regrettera son choix d’avoir du abandonner les assurances en 2003. A partir
de cette date il va culpabiliser. Elle dit qu’elle n’est jamais parvenue à lui
remonter le moral.
Il a alors eu des problèmes de santé. Il a fait un malaise dans les vignes.
Le procès de Bergerac a été aussi très mal vécu, car il s’attendait à une
autre réponse de la justice. Ensuite il a eu des problèmes de gestion ; des
difficultés pour avoir de la trésorerie ou pour trouver un repreneur ont
accentués ses problèmes de déprime.
Elle évoque alors la tentative de suicide. « C’était un secret entre nous et
nous avions décidé de ne pas en parler ( un espèce de pacte !) »
Si le président n’en avait pas parler, Mme DUVIAU ne l’aurait pas évoqué
naturellement. Cette tentative, selon elle est à relier avec l’accumulation des
difficultés.
Elle dit que depuis SAUSSIGNAC, son mari a fait un gros travail sur luimême et a développé des convictions religieuses. Il a rencontré un médecin
qui l’a beaucoup aidé à remonter la pente. Aujourd’hui, il va mieux.
Sur la relation de sa fille avec l’associé, elle confirme que son mari a
beaucoup été affecté.
Le président demande alors à Madame DUVIAU si son mari a fait appel de la
décision du tribunal de Bergerac (amende avec sursis !) Sa réponse est que
non.
Mme DUVIAU a alors un espèce de malaise qui interrompra l’audition de
façon prématurée.
Beaucoup d’interrogations à l’issue de cette deuxième journée : on
continue de brosser un portrait de Claude DUVIAU plutôt
avantageux. ce qui étonne au vu du drame du 2 septembre ; le
témoignage du fils a bien marqué les esprits. On est toutefois loin
des victimes et on sent dans le public un certain malaise.
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L’après-midi, un rassemblement est organisé à l’initiative de
l’intersyndicale des organisation syndicales des ministères du
travail,
de
l’agriculture,
des
transports
et
des
Unions
Départementales de Dordogne. Il est décidé par l’intersyndicale une
minute de silence et la lecture de deux communiqués, celui des
Unions départementales et celui de l’intersyndicale.
Il n’était pas prévu de prise de parole supplémentaire.
L’après-midi 400 personnes environ se sont réunies, pour l’essentiel
des agents des services.
Le rassemblement se fait sur la place de l’esplanade du nouveau
théâtre, à 150 mètres du tribunal. Une grande banderole a été
confectionnée par les Union départementales et sera déployée
devant la foule.
Il y a les deux prises de parole prévues et contrairement aux
engagements intersyndicaux la CGT et SUD lisent leur communiqué,
en contradiction avec l’attente des familles et les risques de
récupération par la défense du prévenu.
Le SNU se sentira « obligé » d’intervenir aussi.
Les agents venus à ce rassemblement attendaient autre chose tout
de suite après. On leur proposera un meeting à la Bourse du travail à
partir de 20H30. Le SYNTEF CFDT et l’UNSA décideront, après
concertation, de ne pas participer à ce meeting compte tenu du non
respect des engagements pris pour l’organisation du rassemblement
où il y a eu des prises de paroles intempestives et déplacées.
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Audience du mercredi 7 mars.
L’audition des témoins puis des experts – Médecin légiste
et Expert en balistique
-
Audition de Monsieur Saurin Secrétaire Général du Ministère de
l’Agriculture
Monsieur SAURIN a été directeur de l’agriculture et de la forêt de 1999
à 2003. Il a bien connu Sylvie TREMOUILLE qu’il a pu apprécier dans les
services qu’il dirigeait.
Sylvie TREMOUILLE a été embauchée comme auxiliaire en 1982 ; elle est
devenue ensuite agent administratif du SDITEPSA. Grâce a son travail et à
son sérieux, elle a réussi les concours qui lui ont permis de monter en grade.
C’était un agent qui avait le souci de se perfectionner. Elle remplissait, à
l’ITEPSA, des tâches administratives et des tâches de renseignements.
Sérieuse et calme, elle a été promue au grade de contrôleur du travail en
2003.
Elle était un exemple de réussite et de promotion liées aux qualités dont elle
faisait preuve au service du public.
M. Saurin explique alors l’organisation des contrôles en Dordogne.
Il indique qu’il y a différents services pouvant opérer des contrôles : les
services vétérinaires, le service des aides européennes et l’ITEPSA. Les
contrôles portent sur le respect des règles du droit national ou
communautaire ; ils se font avec le souci d’appuyer la profession agricole.
On estime, en effet, qu’il y a des règlements complexes et que le fait de
contrôler permet d’expliquer ce qu’est la réglementation et comment il faut
la respecter.
Il évoque des campagnes d’information via la MSA et les journaux et précise
qu’il y a des informations préalables sur les contrôles par thème : telle est la
nature des relations entretenues avec le milieu agricole.
Quand on parle de contrôle il faut aussi évoquer la politique de l’emploi des
salariés. L’ITEPSA a en ce domaine une rôle de conseil pour que chaque
professionnel puisse avoir la main d’œuvre nécessaire notamment pendant
les saisons.
« Nous ne sommes pas dans une démarche inquisitoriale. On fait des
contrôles adaptés aux situations »
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Chaque année il y a des incidents de contrôle sur l’ensemble des champs :
150 à 200 en moyenne par an. Les menaces les plus graves se chiffrent de
15 à 20. Apres le drame de SAUSSIGNAC, il y a eu une recrudescence avec
des déclarations du genre : « on va vous faire la même chose qu’à
SAUSSIGNAC. »
Ensuite, grâce au professionnalisme des agents, ça s’est calmé en 2005.
M SAURIN explique que la DDAF veille à ce qu’une même exploitation ne
cumule pas les contrôles et l’exploitation de M. DUVIAU ne faisait pas partie
des entreprises les plus visitées.
Le Président interroge : « Quelles étaient les infractions le plus souvent
rencontrées ? »
M. SAURIN répond que « De façon générale, on intervenait beaucoup sur
des problèmes de main d’œuvre dissimulée : cela représente 1/3 des procès
verbaux. »
Le Président alors veut savoir ce qu’il en est de la prestation de prêt de main
d’œuvre et l’intervention de l’Inspection du Travail intervenant sur demande
de la MSA.
M. SAURIN explique que l’Inspection du travail est indépendante et choisit
son champ d’intervention. Il précise qu’en 2002, l’agent de contrôle en
place, Nadine MOREAU aurait pu relever d’autres infractions contre M.
DUVIAU mais qu’elle a tenu compte du fait qu’il ne connaissait pas la
réglementation.
Le Président rappelle que lors d’un contrôle précèdent la MSA n’avait pas
sanctionné M. DUVIAU, d’où une certaine incompréhension de la part de
l’accusé.
Un avocat des parties civiles observe que Sylvie TREMOUILLE avait 38 ans
quand elle a été promue c’est jeune.
M. SAURIN répond qu’elle avait un comportement exemplaire. Il est vrai que
ce genre de promotion s’obtient en général à l’ancienneté mais après
discussion avec le chef de service ITEPSA, elle avait été retenue, compte
tenu de sa très grande valeur.
Un avocat des parties civiles interroge : « Comment l’administration a-t-elle
ressenti ce double meurtre ? »
Monsieur SAURIN répond : « J’ai eu un choc quand j’ai appris ce drame. Ce
fut un séisme en Dordogne, ce n’était pas imaginable compte tenu des
relations des services avec le secteur agricole. Ce drame est arrivé à un
moment où il y avait une recrudescence des actes de violence. Il faut que
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nos agents travaillent en toute sécurité ; ils ne sont pas armés comme les
gendarmes ou les policiers. » « Après ce drame s’est développé un
sentiment d’insécurité pendant les contrôles, les infractions n’ont été
sanctionnées que de peines légères (avec sursis.) Une brochure a été
élaborée pour expliquer aux agriculteurs les modalités des contrôles. »
L’avocat de la défense demande ce qu’il faut entendre par « inquisitoriale. »
Réponse de M. Saurin : « On veut faire appliquer la loi mais avec un volet
préventif important. »
Il est alors demandé « Pourquoi M DUVIAU ne faisait-il pas partie des
entreprises les plus ciblées alors qu’il a fait l’objet de 3 contrôles sur 3
ans ? »
Le nombre de contrôles est fonction des thèmes abordés et il y a des
contrôles plus nombreux sur les aides. Quant à la recrudescence des
agressions, on est passé à 300 en 2004.
Le Président : «
nombreuses ? »
N’est ce pas parce que les remontées ont été plus
En 2005 on est retombée dans la moyenne, dit Monsieur SAURIN.
Le Président : « On a l’impression d’une radicalisation. Ne pouvait-il pas y
avoir plus de dialogue avec la profession ? »
M SAURIN : « Le manuel de contrôle a été fait après le drame mais, avant,
les campagnes de contrôle étaient bien préparées. » M. Saurin précise aussi
la spécificité de l’ITEPSA ; cependant la préparation se faisait avec l’aide de
la MSA et la diffusion d’informations par voie de courrier ou par publication
dans une revue agricole de Dordogne.
-
Audition du directeur de la MSA de Dordogne
Il rappelle le rôle de la MSA en faveur de 90 000 ressortissants en Dordogne.
1500 visites ont lieu annuellement se décomposant comme suit :
- 600 pour des problèmes de recouvrement
- 700 pour des problèmes d’affiliation,
- 100 pour des dossiers concernant des dossiers RMI ou des enquêtes
AT
- 100 pour du contrôle pur dont 55 dans le cadre du Colti (6 PV par an)
Le rôle de la MSA est de faire de la concertation et du conseil.
Il évoque de manière élogieuse Daniel BUFFIERE très investi au niveau
associatif (à l’extérieur) et dans la MSA (secrétaire du CE). Sur le terrain
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Daniel BUFFIERE cherchait toujours la conciliation et privilégiait le conseil. Il
était parfaitement apte à occuper des fonctions de responsabilité.
Le directeur n’a pas compris comment ce drame a pu arriver.
Aujourd’hui il manque un maillon à la MSA depuis que Daniel BUFFIERE est
parti.
Le Président revient à la journée du 2 septembre et à la répartition des
rôles : le service de l’ITEPSA est compétent sur le respect du droit du travail,
la MSA s’occupe des affiliations et du paiement des cotisations.
Le directeur est interrogé sur le type de questions posées lors d’un contrôle.
Réponse du directeur : on essaie de savoir si les salariés sont bien déclarés,
s’il y a eu une DUE. Quand un contrôleur voit des salariés dans un champ, il
relève l’identité des salariés et va contrôler ensuite au siège.
Pour le directeur de la MSA, les questions relatives au prêt de main d’œuvre
et aux étrangers sont de la compétence de l’inspection du travail.
Quand il y a un contrôle, il est possible d’avoir à en faire un nouveau
derrière pour vérifier le respect des observations notifiées.
Un avocat s’enquiert de la note d’information sur les entreprises de
prestations de main d’œuvre : cette note a été diffusée avec un courrier
d’appel de cotisation (il n’est pas rare de diffuser des notes d’information qui
ne sont pas de la responsabilité de la MSA).
Un avocat intervient alors pour dire qu’il ne doit pas être question de faire le
procès des agents de contrôle.
Question de l’avocat de la défense sur les raisons qui amènent Daniel
BUFFIERE à poser des questions sur le prêt de main d’œuvre alors que ça
relève du champ de l’inspection.
Réponse du directeur de la MSA : Daniel BUFFIERE était un contrôleur
aguerri…
-
Audition de Monsieur Michel BOUÉ, SRITEPSA de Toulouse
Actuellement Directeur au SRITEPSA de Toulouse, Michel BOUE était chef de
service à l’ITEPSA de Dordogne au moment des faits. Il a travaillé très
longuement en Dordogne et a donc beaucoup côtoyé Sylvie TREMOUILLE.
Le président interroge Michel BOUE sur l’illégalité du prêt de main d’œuvre :
Michel BOUE se réfère à l’article L125-3 du Code du travail et donne des
explications très pertinentes. Il expose avec précision la raison d’être des
entreprises de prestations et leur mode de fonctionnement (le coût d’un
salarié en agriculture est d’environ 8€ de l’heure compte tenu des
exonérations de charge, le prestataire pratique un tarif à 12€50) . Pour s’en
sortir financièrement le prestataire fraude. Plus tard, il expliquera la
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différence entre la prestation de service légale et le prêt de main d’œuvre
illicite.
Le président demande pourquoi il a fallu attendre si longtemps avant
d’obtenir la fermeture de l’entreprise SHERIF ?
Michel BOUE répond que la société avait d’abord existé dans le Tarn et
Garonne. SHERIF s’était installé comme artisan agricole ; il a été affilié et a
cru pouvoir exercer sans problèmes.
Claude DUVIAU intervient pour dire qu’il recourait à cette entreprise pour
avoir du personnel et non pour les prix qu’elle pratiquait, ceux-ci étant plus
cher !
Le président demande si Monsieur DUVIAU connaissait ses obligations.
Monsieur BOUE répond qu’il y avait eu plusieurs contrôles tant de l’ITEPSA
que de la MSA et que des mises en garde avaient été faites.
Une longue discussion suivra pour savoir si Monsieur DUVIAU était de bonne
foi quand il avise la MSA de la présence d’un ouvrier marocain sur son
exploitation (via la DUE).
M. DUVIAU explique avoir téléphoné à la MSA qui lui a répondu d’envoyer la
DUE. Puis un agent de la MSA aurait demandé à M. DUVIAU de donner un
congé à son ouvrier marocain pour qu’il régularise sa situation à
Périgueux… « Après le contrôle personne ne m’a dit qu’il y avait un PV »
(celui-ci fut notifié six mois après).
Michel BOUE s’étonne qu’un agent de la MSA ait pu donner ce type
d’information.
Suivront plusieurs questions des avocats des parties civiles sur les prêts de
main d’œuvre.
M. Boué explique également les raisons qui font qu’on n’a pas à prévenir des
dates de contrôles, il précisera comment se passe un contrôle ainsi que les
fonctions du COLTI.
Il confirme l’importance du dialogue entre l’ITEPSA et les personnes
contrôlées : dans la plupart des cas le dialogue s’instaure. En Dordogne le
contrôle sur le travail saisonnier représente 1/3 des 600 à 650 contrôles par
an, dans tous les domaines et, sur 15 PV par an en moyenne, 7 à 10 le sont
suite à des contrôles de COLTI.
Le président demande à Monsieur BOUE s’il a travaillé avec Daniel
BUFFIERE.
Réponse de M. BOUE : « Quand j’étais encore en Dordogne cela m’est arrivé
très souvent. Daniel BUFFIERE était un homme pondéré au service des
adhérents, qu’ils soient salariés ou employeurs. Il avait des compétences
incontestables et savait être diplomate. »
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Le président demande à Michel BOUE pourquoi il n’y a pas eu, à la suite du
contrôle de 2002, de confirmation écrite des remarques relatives au prêt de
main d’œuvre.
Michel Boué indique que c’est effectivement regrettable qu’il n’y ait pas eu
de confirmation écrite : « J ’avais décidé de rédiger une « lettre d’alerte »
pour rappeler un certain nombre de règles sur l’emploi de main d’œuvre »
On évoque ensuite le dossier du prestataire Shérif, les jugements, les
condamnations
Selon M. BOUE, il est possible que M. DUVIAU ait pu penser qu’il pouvait
continuer à recourir à un prestataire, du fait de l’absence de poursuite par la
MSA en 2003.
Ensuite de nouveau s’instaurent des échanges sur les notes d’informations
élaborées d’une part par la MSA, de l’autre par l’ITEPSA ; l’avocat de la
défense évoque le rapport VIERVILLE qui préconise de donner plus
d’explications sur ce qui est permis ou non.
Sur ce point Michel BOUE ne se prononce pas ; c’est le rôle des élus.
-
Audition de Nadine Moreau
La séance du mercredi après-midi commence par le témoignage attendu de
Nadine Moreau, qui a été très affectée par le décès de sa collègue Sylvie. Ce
décès a été vécu par elle comme un traumatisme.
Elle raconte son contrôle chez M. DUVIAU en septembre 2002, à la suite d’un
signalement de la MSA : Elle procède d’abord à un contrôle de main d’œuvre
dans les vergers. Sept personnes travaillent dont trois seulement déclarées
directement par Claude DUVIAU.
Ce dernier lui explique qu’il fait appel à M. SHERIFF pour du prêt de main
d’œuvre.
« Nous sommes allés au local attenant pour voir comment il travaillait avec
le prestataire. Celui-ci, sur appel téléphonique de Claude DUVIAU, est venu
nous rejoindre sur l’exploitation. J’ai posé beaucoup de questions ; M.
DUVIAU ne cache rien, ce qui n’est pas le cas de M. SHERIFF. »
Nadine Moreau constate que, parmi les salariés déclarés par M. DUVIAU, il y
a un marocain qui n’a pas de titre de séjour, ce qui entraînera un procès
verbal.
Quinze jours plus tard M. DUVIAU vient à une permanence de Nadine
MOREAU à Bergerac, pour lui amener les pièces manquantes. C’est à partir
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de ces pièces que sera dressé un procès verbal à l’encontre de M. SHERIFF
pour prêt de main d’œuvre illégal.
Nadine MOREAU parle ensuite de Sylvie TREMOUILLE qu’elle a côtoyée
depuis son arrivée à l’ITEPSA en 2001. Elle avait une grande complicité avec
elle.
Claude DUVIAU intervient pour dire qu’il n’avait rien contre elle, ni contre
Sylvie. Il a été évoqué une ressemblance entre Nadine MOREAU et Sylvie
TREMOUILLE, comme pouvant justifier le meurtre. (Il fait cette déclaration
car il sait qu’elle est très affecté par cela. NDLR)
Nadine Moreau continue de raconter le contrôle de septembre 2002 : le
registre unique du personnel n’était pas sur place, Claude DUVIAU en
enverra les pages concernées par fax.
Elle a expliqué à Claude DUVIAU que l’emploi de salarié étranger à la CEE
sans titre est interdit.
Le contrôle s’est bien passé et M DUVIAU a été très coopératif.
Le président lui demande si elle a été ébranlée par ce drame.
Elle répond que oui et que, depuis, elle ne fait plus de contrôle en
entreprise.
On lui dit que M. DUVIAU se pose en victime pour avoir été verbalisé alors
que c’est lui qui avait signalé le problème du marocain sans titre à la MSA.
Nadine Moreau s’étonne de cette prise de position alors que M. DUVIAU n’a
été condamné qu’à une peine légère avec sursis. Elle précise qu’elle aurait
pu sanctionner aussi M. DUVIAU sur le prêt de main d’œuvre illicite, mais
qu’elle ne l’a pas fait car elle croyait à sa bonne foi, à l’époque. Aujourd’hui
elle pencherait plus vers une complicité de Claude DUVIAU avec le
prestataire.
Les déclarations des deux agents de la MSA qui ont effectué un contrôle chez
M DUVIAU le 20 août 2003 sont évoquées.
Il n’y a pas eu d’infraction relevée, mais ils ont constaté la présence de
saisonniers placés par SHERIFF. Les agents indiquent avoir dit à M. DUVIAU
d’être vigilant, et avoir été traités de racistes par M. SHERIFF.
-
Audition de Monsieur SHERIFF
Il comprend mal et s’exprime difficilement (est-ce volontaire ? NDLR)
L’avocat général indique qu’il a été condamné par le passé.
Apres la deuxième condamnation il a cessé son activité et il est actuellement
ouvrier agricole.
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On apprend qu’il a un bon conseil à Bergerac, avocat, lequel semblerait avoir
donné un semblant de légitimité à une illégalité.
-
Audition du médecin légiste
Daniel BUFFIERE a été atteint par un projectile de fort calibre ayant traversé
le bras gauche puis le thorax pour ressortir au dessous de la base du
poumon. On observe donc 4 orifices : deux de pénétration et deux de sortie.
Le calibre utilisé libère son énergie en fonction des obstacles rencontrés.
L’onde de choc a été très violente causant une importante hémorragie
interne et une sidération de tous les organes : la survie n’était pas possible.
La balle ayant atteint Sylvie TREMOUILLE a perforé son dos à l’endroit du
poumon pour ressortir au niveau de l’épigastre.
-
Audition de l’expert en balistique
L’expert décrit l’arme et les étuis (cartouches). Le fusil était à un mètre
environ du sol. Il s’agit d’un fusil de chasse, de marque Beretta, à canons
superposés, ultra light.
L’expert a trouvé des traces de projectiles sur une voiture C3 garée devant
la maison ; il s’agit de la balle qui a tué Sylvie TREMOUILLE.
Il explique que Daniel BUFFIERE était légèrement de biais lors de l’impact.
Quant au suicide raté de Claude DUVIAU, une des douilles s’est coincée
dans un des canons le mettant ainsi hors service.
-
Audition du lieutenant de gendarmerie PAILLET
Il ressort du constat de gendarmerie que tous les agents de la MSA, de
l’ITEPSA, les salariés de M DUVIAU, ceux de M.SHERIFF, les familles,
Monsieur Verdier, maire de la commune où Daniel BUFFIERE était adjoint,
ont été entendus.
-
Les témoins oculaires du meurtre sont ensuite entendus
Audition de Monsieur BRANCO
Monsieur BRANCO est d’origine portugaise, il est un travailleur occasionnel
saisonnier.
Il commence son intervention en disant « je suis triste pour tout ce qui s’est
passé, je voudrais qu’on fasse tout pour que cela ne se passe plus. Je pense
aux victimes, aux familles, à Monsieur Duviau »
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Il explique avoir vu arriver la voiture et avoir alors prévenu Monsieur
DUVIAU, qui lui a dit « ah ce sont les inspecteurs ! »
Il expose qu’il a travaillé deux saisons de ramassage chez Monsieur DUVIAU.
Tout était en règle. Monsieur DUVIAU l’a payé à un coefficient plus fort parce
qu’il savait conduire le tracteur.
Le président lui demande si Monsieur DUVIAU avait des soucis.
Réponse : « Des soucis tout le monde en a mais de là à ce qui est arrivé… »
Il explique qu’il y a eu un échange entre Monsieur DUVIAU et les
contrôleurs. Monsieur DUVIAU s’est mis en colère et est parti derrière les
bâtiments.
Au bout d’un moment, Monsieur DUVIAU ne revenant pas, les agents
demandent où il est et se dirigent vers les bâtiments. C’est à ce moment là
qu’il y a eu les deux coups de feu .
Monsieur BRANCO a voulu secourir Sylvie TREMOUILLE mais il y avait
beaucoup de sang, et il a demandé à Monsieur BAGARD s’il avait un
portable pour téléphoner aux pompiers.
Il pense que Monsieur DUVIAU était harcelé par les contrôles et il explique
qu’il y aurait eu après le meurtre des gens qui auraient eu une volonté de
vengeance, s’exprimant à l’encontre de ceux qui continuaient à travailler sur
l’exploitation .
Audition de Dominique BAGARD , mécanicien chez BONY, réparateur
agricole
M. BAGARD était le plus près des bâtiments d’où sont partis les coups de
feu.
Il dit que les victimes n’avaient aucune chance.
Au moment où Claude DUVIAU sort avec son arme, Daniel BUFFIERE crie
« Attention ! »
Sylvie TREMOUILLE tente de s’enfuir, mais en vain.
Au cours de son audition à la gendarmerie Monsieur BAGARD a évoqué une
conversation rapportée par son patron,
lequel aurait entendu Claude
DUVIAU dire au maire de SAUSSIGNAC « qu’il passerait dans les journaux
pour autre chose... » ?
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Un incident d'audience est intervenu en fin de journée
Un avocat des parties civiles intervient pour indiquer qu'une partie des
auditeurs se demande si on fait le procès de Claude DUVIAU ou le procès
des agents de contrôle.
Cet avocat se fait vertement rabrouer par le président qui lui rappelle le
déroulé de la procédure d'assises.
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Audience du jeudi 8 mars.
Les témoignages se sont poursuivis à l’ouverture de
l’audience
-
Un ami de Daniel BUFFIERE, contrôleur des finances
C’était un contrôleur impliqué, modeste, un homme de dialogue de
consensus. Evocation d'un problème de santé en 2003, et rage de vivre
après.
-
Le maire de BAZILLAC, où D. BUFFIERE était premier adjoint
Il avait une grande capacité d’écoute ; un homme juste, vrai, bon, très
impliqué dans tout ce qui est de l'ordre de la solidarité vers les autres. Il
impulsait tout ce qui était action vers les autres, tels que les Restaurants du
cœur ou le Téléthon.
C'était un homme de dialogue, consensuel, apaisant et rassurant ; un
homme de négociation.
Le maire évoque la difficulté d’annoncer la mort de Daniel à la famille et
surtout à Lucie. Il a du se faire accompagner du médecin du village.
Après son problème de santé - une rupture d’anévrisme en 2003 qui l'a
conduit à rester quinze jours dans le coma - il est revenu encore plus
motivé. Le maire indique qu’il demandait à Daniel BUFFIERE d'intervenir
quand il y avait un litige étant donné sa capacité de dialogue.
Le Président évoque d’autres témoignages d’agents de la MSA
auditionnés par la gendarmerie.
Tous s’accordent à dire que s’était un agent intègre, sérieux avec un
sens profond des relations humaines.
-
Claudine FEFFIN :compagne de Daniel, salariée de la MSA
Daniel était un homme vivant, plein d’espoirs et de projets. Un homme de
dialogue qui savait analyser les situations pour éviter les problèmes. Papa
attentif très proche de sa fille Lucie après son divorce.
Compagnon attentionné, quelqu’un de fort sur lequel on pouvait s’appuyer.
Disponible, rassurant, il avait soif de vivre.
Après sa rupture d’anévrisme il a récupéré toutes ses facultés ... jusqu’au 2
septembre 2004.
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Daniel croyait en « l’Homme » avec un grand « H » ; le jour du drame, ils ne
faisaient que leur travail et rien ne justifiait ce qui leur est arrivé.
La compagne qui témoigne est très émue : « Leur mémoire restera
gravées dans nos cœurs. Nous avions des projets qui sont brisés. Il y a
anéantissement dans les trois familles. »
Claude DUVIAU intervient : "pardon madame" mais il est repris par le
Président.
Le Président demande alors si Daniel lui a fait part de problèmes dans son
travail.
Elle répond : « Il a pu rencontrer des adhérents avec des attitudes
agressives ; mais ils parvenaient toujours à arranger les choses. »
Un avocat de la partie civile lui demande alors : « madame comment peuton vivre après ce drame. »
Madame FEFFIN : « On ne peut pas vivre. »
-
Mme Jeannette Daudet, 61 ans, médecin qui intervient au nom
des quatre frères et sœurs
Nous sommes issus d’un milieu modeste mais nos parents ont tout fait
pour que leurs enfants réussissent. Elle évoque des souvenirs douloureux de
l’enfance et de l’adolescence car elle était très proche de son frère. « Nous
sommes une famille soudée. »
« Daniel m’appelait - ma grande sœur. Je l’appelais mon petit frère »
C’était un homme merveilleux dont la plus grande joie a été la naissance de
sa fille. C’était aussi un bon vivant.
Daniel était beaucoup engagé dans le monde associatif. Il était militant
syndical et politique. Ce qui prouve que pour lui l’Autre existait.
J’étais à la fois sa grande sœur, sa confidente et son médecin. Après son
problème de santé en 2003, il s’en est sorti grâce à son envie de vivre et à
son entourage.
Sa disparition est une grande douleur pour son père de 86 ans et un
déchirement pour sa fille Lucie.
Elle a conclu en disant que « la seule richesse, c’est la vie au-delà de tout
problème financier. »
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Le président fait alors circuler des photos des victimes avec leurs familles
alors qu’il n’avait pas souhaité faire circuler des photos des victimes après le
drame ou les photos médico-légales.
Le président procède alors à la lecture des témoignages de
collègues de Sylvie TREMOUILLE
« C’était une personne exemplaire qui est devenues Contrôleur du Travail à
l’age de 38 ans. C’était quelqu’un de calme. Une des collègues contrôleur
explique que le 2 septembre 2004, il y avait 3 binômes qui intervenaient
dans le sud de Bergerac. Nous ne contrôlions pas quelqu’un en particulier
mais en fonction de la présence de salariés dans les parcelles. Sylvie le
répétait toujours pour que son interlocuteur comprenne les raisons du
contrôle.
Une autre collègue indique que Sylvie était quelqu’un de compétent,
serviable, contente de sa récente
promotion. Cet agent explique
l’organisation des contrôles COLTI. On se réunissait le matin pour organiser
les binômes et les secteurs ; pas de contrôle ciblé ; c’était un agent
compétent, d’humeur égale qui n’avait pas du tout un profil répressif ;
-
Témoignage de Gilles TREMOUILLE, son Mari :
Mon fils Julien a dix sept ans et passe aujourd’hui son bac blanc ; les faits
se sont produits un jeudi la veille de la rentrée scolaire. C’est ce jour là que
les enfants, Julien et Lucie, âgés à l’époque de quatorze ans, ont appris la
mort de sa maman pour julien et de son papa pour Lucie.
Julien est un garçon courageux qui a fait un dernier adieu à sa maman dans
son cercueil.
Le soir du double meurtre je me rappelle son témoignage : « Papa. Maman
et toi, vous m’avez appris une chose, vous êtes contre la peine de mort, je
suis contre aussi, mais le type qui a tué maman ne doit pas sortir de
prison. »
Gilles a rencontré Sylvie en 1981, à l’arrivée de Mitterrand qui avait un
ministre contre la peine de mort.
Sylvie était mature. Elle mettait à l’aise. J’étais un jeune con. Elle m’a aidé à
devenir un homme. Elle m’a dit parlant de BADINTER : « il a raison ! . Elle
était en terminal. Moi, ce n’était pas ma préoccupation. Elle m’a aidé à me
construire sans brusquer les choses.
Il évoque alors une discussion avec des amis un mois avant le drame : « Il y
avait quatre couples. Nous étions les seuls contre la peine de mort. Sylvie a
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dit que personne n’avait le droit d’attenter à la vie d’un homme quel qu’en
soit le motif. »
J’ai fais une école transport. Je n’allais pas facilement vers les autres. Je
voulais créer une entreprise de transports, mon père étant chauffeur routier.
A la rencontre de Sylvie c’est un autre monde qui s’est ouvert à moi. Elle
était entourée de pleins d’amis du milieu agricole. Je n’ai d’ailleurs pas fait
l’amalgame entre le drame et le milieu agricole. Sylvie m’a dit en
1981 qu’elle ne souhaitait pas me voir aller par monts et par vaux. J’ai alors
fais mon armée. Elle m’a beaucoup manquée. Elle me manque aujourd’hui.
Elle m’a ensuite orienté vers un métier sédentaire. Je suis parti travailler à
l’usine ; ce n’est pas ma tasse de thé, mais avec Sylvie, la vie paraissait plus
douce. Les femmes nous grandissent, nous donnent de l’amour, nous en
demandent en retour. Il n’y a eu aucune trahison.
Elle m’a tout donné avec Julien. Au moment de l’accouchement, je lui ai tenu
la main pendant 14 heures. Elle aimait son fils. Et il le lui a bien rendu. Ils
étaient comme les deux doigts d’une main. Je travaillais en poste à l’usine,
ce qui ne rendait pas la vie familiale facile. Elle ne s’en est jamais plainte.
Nous avons partagé plus de bons moments que de mauvais.
J’ai eu peur de la perdre en 1984. Je devais travailler à quatre heures du
matin. Elle a fait un malaise vagal et a vomi. Puis est tombée inconsciente,
elle s’étouffait. Il m’a fallu deux minutes pour libérer les voies respiratoires.
J’avais conscience de pouvoir la perdre, heureusement que j’étais là, car si
j’étais parti, elle serait morte.
J’ai ensuite mené la garde auprès d’elle pendant une semaine, c’était
impossible de la perdre. Je n’imaginais pas la vie sans elle. Il arrivait des
conflits à la maison. Neuf fois sur dix, je me disais « tu es un imbécile. » Elle
avait souvent raison.
Sylvie était une mère de famille et les témoignages ne manque pas pour
faire son éloge. C’était quelqu’un d’extraordinaire. On l’a éliminé le deux
septembre, Comment allons-nous réagir ? Nous allons nous battre dans la
dignité. On ne peut pas se comporter de façon déshonorante. La seule
condition pour tenir, c’est de préférer l’amour au bien matériel.
Le président indique que monsieur TREMOUILLE a déclaré qu’il pourrait tout
laisser tomber, aller sous les ponts, si sa femme pouvait revenir.
Gilles TREMOUILLE termine son témoignage en indiquant que son fils veut se
construire mais qu’il ne se construira pas sans que justice soit faite.
-
Témoignage du père Sylvie TREMOUILLE, 68 ans
Sur Sylvie, tout a été dit sauf sur sa jeunesse.
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Née le 15/07/64, elle a été élevée dans le restaurant de sa mère. Elle l’a
beaucoup aidé.
Elle travaillait bien à l’école. Elle y avait toujours du monde autour d’elle.
Elle avait beaucoup de copines qu’on emmenait souvent avec nous en
vacances. Elle ne nous a jamais posé de problème.
Elle aimait donner. Avec sa mort, on nous a pris beaucoup.
Il nous reste les souvenirs et des souvenirs. Il nous en reste beaucoup.
Claude Duviau et son avocat
Le Président revient vers l’accusé afin d’essayer de mieux
comprendre les circonstances du double assassinat et ses motifs. Il souhaite
savoir pourquoi l’accusé n’a pas essayé de louer sa propriété avant les
difficultés.
Claude DUVIAU répond qu’il ne souhaitait pas confier à un autre la gestion
de quelque chose qui lui appartenait. Que de plus, les locations entraînaient
un bail et cela rendait difficile la récupération des terres.
Le Président demande : « pourquoi aviez vous besoin d’une arme avec
vous ? »
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L’accusé répond que c’est suite au différend avec un ouvrier marocain qu’il
avait renvoyé. Il l’avait traité de « salopard de Français » et l’avait menacé.
Après cet événement, il avait reçu dans sa boîte aux lettres des menaces.
Le président se demande pourquoi il n’avait pas porté plainte.
L’accusé répond qu’il l’avait envisagé mais que sa femme n’était pas
d’accord. « Ma femme tasse toujours. »
Quelle est l’utilité d’un fusil, s’il n’est pas à porté de main immédiate ?
Demande le Président.
Claude DUVIAU : « C’était pour me sécuriser. » Il ajoute que le fusil était un
C15, dans sa housse, caché. Au moment de la récolte, si les salariés
montaient dans le véhicule, le fusil restait à la propriété. Sinon, je
descendais l’arme en même temps que la glacière avec mon casse croûte.
J’avais acheté des balles gros calibre en février 2004, pour ne pas me rater.
Et les munitions ? Demande le Président.
L’accusé répond qu’avant février 2004, les munitions à croisillon étaient dans
le véhicule. « J’utilisais mon fusil sur la propriété pour effaroucher les
buses. » Les contrôles d’inspection se font en général dans les vignes et les
vergers et là je n’ai pas d’arme. Ce qui s’est passé en 2004, c’est un
malheureux concours de circonstance. (Comment accepter ses propos !
NDLR)
Lors de sa première audition, le 6 septembre 2004, il déclare au sujet des
contrôles : « ils auraient dû prévenir. » Après que Daniel BUFFIERE lui ait dit
« vous avez des salariés en situation irrégulière », tout se serait
« embrouillé » pour l’accusé. Il voulait se suicider, mais après les récoltes,
après avoir payer ses échéances.
Mais alors pourquoi de grosses cartouches lui demande le président ?
Il répond qu’il ne voulait pas se rater. Il explique qu’il a choisi le fusil à
canon court car c’était celui le plus adapté pour le suicide.
Le président revient alors sur le pourquoi de transporter un fusil, pour un
suicide qui n’a pas été programmé ?
Pas d’explication. (bien sûr ! NDLR)
Il reconnaît être fier de lui mais pas orgueilleux, psychorigide et impulsif.
« Je suis tombé dans la folie en 2003 ; j’en suis sorti définitivement, grâce à
Gilles TREMOUILLE et ce que j’ai entendu ce matin.
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Le président revient alors sur sa première tentative de suicide (suicide
dépressif) : « Vous aviez promis à votre femme de ne plus recommencer ;
vous auriez pu faire le choix de ne plus vous promener avec un fusil. Vous
étiez prêt à repartir vers l’assurance.
L’accusé répond : « J’étais de nouveau optimiste et l’idée du suicide me
m’est revenue qu’après le refus du financement au jeune TALOU (le
repreneur éventuel NDLR). Je ne voulais pas la faillite de mon épouse qui est
percepteur.
Le 2 septembre 2004, rien d’anormal le matin ; les salariés (les siens et
ceux de SHERIFF) sont répartis sur deux parcelles - une où on ramasse les
prunes par terre et une où cela se fait avec une machine-. Il y a un
problème de bâche et c’est pour la réparer que M. BRAGARD sera là l’aprèsmidi. »
A un moment, il aperçoit la voiture des agents de contrôle et il appelle M.
SHERIFF pour qu’il vienne s’expliquer. La voiture vient sur la parcelle où se
trouve l’accusé. Daniel BUFFIERE aurait déclaré : « on a trouvé de tout. Il y
a des ramasseurs pour de la confiture, d’autres pour une autre entreprise
que la votre. » Claude DUVIAU se souvient avoir donné l’autorisation à un
voisin de ramasser des prunes pour de la confiture.
Daniel BUFFIERE poursuivra en demandant à qui appartient le matériel et
rappelle que le prêt de main d’œuvre est interdit. L’accusé lui répondra qu’il
lui faut du personnel. Daniel BUFFIERE aurait répondu : « Ca n’a rien à voir ,
vous vous expliquerez. » L’accusé lui demande alors s’il va passer au
tribunal. Daniel BUFFIERE aurait répondu que oui.
Selon l’accusé c’est ensuite le voile.
Il se dirige vers l’habitation, veut partir de là, espère que les contrôleurs
vont partir. A la maison, il est suffoqué et ne pouvait plus se contrôler ; il
pensait à sa femme. Il se souvient qu’on l’a appelé et qu’il n’a pas répondu
et puis les agents se sont approchés. Il a entendu Daniel BUFFIERE parler de
maison (sans doute que D.Buffière a dit « il est dans la maison »NDLR .)
L’accusé se serait dit « ils me font chier » ; il est allé chercher le fusil, l’a
chargé et est arrivé vers la porte pour tirer successivement sur Daniel
BUFFIERE puis sur Sylvie TREMOUILLE. Il dit « sans les voir » ( mais sans
les rater NDLR.) Puis il recharge le fusil avec une seule cartouche puisqu’une
seule douille est récupérée et il tire sous son menton.
Sa première réaction est de constater qu’il n’est pas mort. Il déclare
toutefois qu’il se trouve « dans une situation de bien-être, un peu comme s’il
allait vers la mort. J’ai senti mon corps qui se glaçait et je suis parti. J’étais
sur un nuage. »
Il reprendra conscience progressivement, sur plusieurs jours et retrouvera
sa lucidité. C’est seulement lors du premier interrogatoire (déclare t’il !)
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qu’il apprend qu’il a tué deux personnes. Ensuite il va à la maison d’arrêt où
un médecin et un prêtre vont le « reconstruire. »
Il répète que l’information comme quoi il pourrait repasser au tribunal l’avait
anéanti et qu’il ne l’acceptait pas.
Le président intervient alors et lui dit que ce n’était pas si dramatique que
cela et que sa condamnation au tribunal de Bergerac était légère. « Vous
pouviez être inquiet, mais de là à avoir un souvenir de terreur, c’est
disproportionné. » Mais le deux septembre, pourquoi avoir tiré ? » Demande
le Président.
L’accusé répond : « Je me voyais devant le tribunal. J’avais la haine de ces
personnes là. Je me voyais sans personnel pour la récolte. Dans ma tête, je
me suis dit que je ne repasserais pas devant le tribunal. »
Le président : «
problèmes ! »
vous avez cristallisé sur ces deux personnes tous vos
L’accusé : « Pas facile d’analyser. Quand j’ai tiré, j’étais ailleurs. Je n’étais
pas lucide. Je voulais faire vite afin qu’on ne m’empêche pas de me
suicider. »
Le président : « pourquoi vous ne vous suicidez pas directement ? »
L’accusé : « Je pensais que les contrôleurs partiraient. »
Claude DUVIAU déclare ensuite qu’il souhaite que ce drame ne se reproduise
plus et se met à donner des « conseils » ( ! NDLR) pour qu’un contrôle se
déroule mieux, en prévenant. « Il y a trois familles détruites », il veut en
sauver d’autre et veut même écrire un livre en prison pour raconter son
histoire (! NDLR)
Il termine en indiquant qu’il veut assumer ce qu’il a fait, qu’il vit le calvaire
des familles, qu’il est en colère contre lui.
Les avocats poseront plusieurs questions à M. Duviau ; ses
réponses n’éclaireront pas les interrogations sur le pourquoi du
double meurtre.
En début d’après midi, le président indique que l’ensemble des
constitutions de partie civile est accepté ; nous nous y attendions.
L’exception d’irrecevabilité que l’avocat de la défense avait invoquée
lors du premier jour d’audience n’est donc pas retenue.
Notre avocat (CFDT) verse aux pièces du débat un extrait de
presse (1er mars), un encart informant de la condamnation d’un
agriculteur par le TGI de Bergerac qui a usé de menace à l’encontre
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d’un agent de la DDAF( contrôle de bovins), avec des propos
menaçant, avec rappel de Saussignac, ce qui a fait cesser le contrôle.
Interventions des avocats de la partie civile
-
Avocat de la famille BUFFIERE
Il reprend des éléments évoqués lors des quatre jours d’audience ; il
indique qu’il n’a, bien sûr pas, la même image de M. DUVIAU que ceux qui
sont venus témoigner en sa faveur. Pour lui l’accusé est un homme
dangereux, cynique, orgueilleux, quelqu’un à l’ego surdimensionné. C’est
quelqu’un qui pense toujours détenir la vérité. Il reprend un élément du
rapport du psy : « c’est un caractère entêté le prédisposant au passage à
l’acte »
Il est colérique, psychorigide ; il ne se maîtrise pas.
Rappel des faits de violence rapportés en audience :
Il a 6 fusils. Il a toujours un fusil pas loin de lui. Le jour du drame il déclare
aux agents qui viennent le contrôler : « c’est à cause de vous que j’ai des
problèmes. » Il lui faut des responsables, mais ce n’est jamais lui ; c’est
toujours la faute des autres.
Quand il a tué les victimes ; il ne leur a laissé aucune chance. Il est resté
avec une position de chasseur et les dégâts causés étaient irréparables.
Sur les explications de son geste : pour l’avocat, quand l’accusé est en
colère, il ne peut plus se maîtriser et a des réactions disproportionnées. Il
ressort du dossier que les deux agents de contrôle étaient intervenus avec
calme et courtoisie. Certes il n’y avait pas eu d’avis de passage, c’était un
contrôle inopiné. Mais par le passé Claude DUVIAU avait fait l’objet de
mansuétude.
L’accusé est quelqu’un de réfléchi.
Avant son dépôt de bilan, il a fait une donation partage a ses enfants et a
ainsi organisé son insolvabilité. Son dépôt de bilan est une démarche
volontaire pour obtenir une liquidation et ainsi pourvoir céder plus facilement
son affaire. L’insuffisance d’actif ne risquait pas de le mettre « sur la paille. »
Il aurait pu couvrir son passif de 50 000 € avec un concours bancaire qui lui
aurait été accordé en raison des revenus de son épouse qui s’élève à 3000€
mensuels.
On peut aussi douter de ses tendances suicidaires : il a été bon tireur à
l’encontre des victimes mais pas envers lui-même. On ne peut être que
dubitatif sur sa volonté de suicide.
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L’avocat rappelle la mémoire de Daniel BUFFIERE qui était quelqu’un de
bien. Les saisonniers, présents au moment des faits, ont reconnu
l’humanisme de Daniel BUFFIERE et de Sylvie TREMOUILLE.
Alors pourquoi cet assassinat ?
L’avocat rappelle le traumatisme des familles : Claude DUVIAU n’a pas tué
qu’une personnes, c’est une famille entière qui a été disloquée. Il évoque la
sœur de Daniel BUFFIERE.
« Quand vous allez délibérer, souvenez-vous que je représente une
famille pour qui la mort est un moment et la douleur un siècle. »
Fin de la plaidoirie
-
Maître DUCOS-ADER, Avocat de la première épouse de Daniel
BUFFIERE et de sa fille
L’avocat centre sa plaidoirie sur la fille qui avait déjà subi un traumatisme
dû à la séparation de ses parents.
Elle a eu 15 ans en décembre 2004.
Il lui a demandé quels souvenirs elle avait de son papa :
« Quand j’allais chez lui, tous les 15 jours, dans le cadre du droit de
visite, il m’accordait, malgré tous ses engagements, un peu de temps et il y
avait des moments intenses. Il m’a donné le goût de la politique et du
syndicalisme. Comme ces moments étaient courts, il ne voulait rien en
perdre. »
L’avocat rappelle qu’elle a été présente les 3 premiers jours d’audience et
qu’elle a pris des notes sur l’ensemble des débats.
Il la cite : « Je ne comprends pas le procès. Quand aura-t-on une
explication ? »
L’avocat s’adresse ensuite à Claude DUVIAU « vous avez réponse à tout ;
vous n’assumez pas votre responsabilité ! » ;
« Il faut sauver le
patriarche ! »
« On nous sert le suicide économique ! Je reprends les mots du
psychiatre : « c’est un acte en miroir ; vous irez l’expliquer à une enfant et à
sa famille ! »
« Ce n’est pas l’attitude de Daniel BUFFIERE, même s’il a prononcé le mot tribunal - qui peut expliquer le geste de Claude DUVIAU. « N’essayez pas de
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salir la mémoire des victimes, n’essayez pas de trouver des arguments dans
la tentative de suicide dont on n’a pas eu connaissance en temps voulu.
C’est un argument pour grignoter quelques années ! »
« Je ne vais pas redire ce qui a été dit sur la qualité exceptionnelle des
victimes innocentes. Il n’y a pas eu de faute de leur part. Je m’étonne
qu’après avoir tiré une première fois vous n’ayez pas réagi pour ne pas tirer
une seconde fois. »
« Vous avez agi en chasseur : c’est proche de la monstruosité ! »
« J’espère qu’on ne fera pas le faux procès des inspecteurs contre les
agriculteurs »
«C’est le caractère psychorigide de Claude DUVIAU qui a permis ce drame. »
« Nous ne sommes pas dans la pathologie mais dans la criminologie ! »
S’adressant à l’accusé : « Nous avons peu à faire de votre suicide
économique ! Vous avez réalisé un geste de haine. Aujourd’hui vous n’êtes
plus dépressif, vous allez mieux. Pour ceux qui ne sont plus là, il n’y aura
pas de mieux. »
-
Avocat de la famille TREMOUILLE
Il reprend des éléments de l’intervention
TREMOUILLE.
faite le matin par Gilles
Il souligne que Claude DUVIAU a quand même eu du temps pour se préparer
à tirer (Il sous-entend la préméditation NDLR.)
« Ce qu’il a fait c’est préparer son acte. Quand il est sorti ( de la grange) il
était déterminé. Sa sale besogne ! son œuvre de mort ! il l’avait préparée !
Il a vu ses victimes par la fenêtre. Il savait ce qu’il allait faire. » S’il ne
maîtrisait pas ses pulsions avant, le premier coup aurait du le ramener à la
réalité. Il a témoigné de la froide détermination de quelqu’un qui sait ce qu’il
fait.
L’avocat
évoque la tentative de suicide comme
allégorique pour faire admettre
que son état
l’irresponsabilité. »
« une construction
dépressif entraînait
« Il n’y avait pas harcèlement de contrôle. Il y a disproportion des réactions
de l’accusé par rapport aux faibles sanctions qui lui ont été infligées. C
DUVIAU n’accepte pas la loi. »
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L’avocat s’interroge ensuite
sur le refus, par l’accusé, des soins
médicaux : « quand on est malade ,on se soigne surtout quand on risque de
devenir dangereux .»
L’avocat termine ainsi sa plaidoirie :
« J’emprunte une image au philosophe Michel Serre - l'homme est celui
qui bâtit des ponts d’une rive à une autre de manière à ce que ces rives ne
deviennent pas rivalité. »
« Sylvie TREMOUILLE, c’était un pont entre elle et sa famille, entre elle et
ses collègues. Ce pont vous l’avez pulvérisé. »
« C’était un pont entre l’Etat et les entreprises qui permettait que les
salariés ne soient pas exploités. Sylvie est morte pour rien ! »
-
Premier avocat , représentant les syndicats
« Ce n’est pas un fait divers comme les autres, ce sont des faits d’une
particulière gravité parce qu’il s’agit d’un homme et d’une femme morts
dans des conditions inacceptables. Je suis le porte-parole de toutes les
personnes, meurtries elles aussi, qui les connaissaient.
Chaque agent a, dans le corps et l’esprit, ce qui s’est passé le 2 septembre
2004. Tous réagissent comme Sylvie et Daniel l’auraient fait : dans la
dignité.
Le fils de Monsieur Claude DUVIAU nous a demandé que ce dernier ne soit
pas le symbole des agriculteurs contre l’Administration. »
« Monsieur DUVIAU nous a indiqué ce matin qu’il souhaitait mettre tout sur
la table, dire tout son ressenti. Il dit qu’il a fait un travail sur lui-même. Le
temps lui a fait comprendre qu’il était un animal blessé. Il a osé invoquer
Gilles TREMOUILLE ; qu’il l’aurait sorti définitivement sorti de la folie ce
matin.
Mais qui êtes-vous aujourd’hui ? Vous qui n’avez pas manifesté le moindre
remord ; la moindre compassion.
Qui êtes-vous pour justifier votre acte par l’argent et votre famille ?
Comment oser dire que vous avez compris, et que vous êtes prêt à faire un
livre pour améliorer les conditions de contrôle ?
Qui êtes-vous pour donner des leçons ?
Vous avez oublié les réalités de la société. Vous n’avez rien compris en
indiquant qu’il aurait fallu vous prévenir du contrôle et que dire de la façon
dont les agriculteurs ont utilisé ce drame ?
Daniel et Sylvie sont morts pour avoir fait leur devoir, investis d’une mission
de service public. Quel que soit le secteur, les agents sont là pour faire
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respecter le code du travail et le travail clandestin c’est aussi le code du
travail. La logique des contrôles implique des interventions inopinées. Vous
croyez que c’est pour leur plaisir qu’ils vont sur les terres et font des
kilomètres ?
Ces agents méritent reconnaissance, respect et protection. »
-
Deuxième avocat , représentant d’autres syndicats
Il rappelle d’abord l’unanimité des positions des avocats sur le drame, il
rappelle ensuite que l’Inspection du travail a été créée en 1892 et que le 2
septembre 2004, c’était la première fois que des agent de contrôle étaient
assassinés. Il n’y a pas de précèdent. Ce qui explique l’émoi dans la
profession.
Ce drame a été ressenti comme une forme d’agression. Pour les praticiens
de l’Inspection du Travail, l’association des mots étranges « suicide
économique » faisait penser à licenciement pour motif économique.
Claude DUVIAU a introduit la vie humaine dans la gestion de son patrimoine.
Ce qui m’atterre, c’est la façon dont il instrumentalise sa vie et après celle
des autres. DUVIAU est un homme de principe, mais il peut se situer au delà
des règles qu’il s’est fixé. Les experts ont parlé de toute puissance et elle se
manifestera le 2 septembre 2004 sur les personnes les plus fragiles.
DUVIAU a déclaré : « la haine m’a envahie ». Elle n’a pas de fondement
parce que le contrôle s’est passé de manière affable même s’ils n’avaient pas
prévu le contrôle. L’avocat évoque les aides accordées pour les saisonniers
(exonération de charges, ce qui suppose un encadrement.)
Claude DUVIAU a transformé les agents en boucs émissaires, c’est un
contresens terrible, une agression, une injustice totale. Pourtant les
inspecteurs devront continuer à travailler.
Monsieur DUVIAU, s’il vous plait, n’écrivez pas de livre ! Vous n’avez rien
compris.
Ce que Claude DUVIAU a fait n’a pas d’utilité. Ce qu’on peut souhaiter c’est
qu’il se fasse oublier.
L’Inspection du travail est née avec les premières lois sociales ; c’est une
profession inquiète qui attend votre verdict.
-
Troisième avocat, représentant de syndicats
« Tu ne tueras point. »…. !
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-
Quatrième avocat
Le drame pour lequel nous sommes là a provoqué une onde de choc qui
a démarré le 2 septembre et qui s’est propagée jusqu’à aujourd’hui. Il
rappelle ensuite les missions des agents de l’inspection et la nécessité des
contrôles inopinés.
Aujourd’hui dans la profession, 75 % des contrôleurs sont des femmes,
depuis le drame elles ont peur.
Nadine Moreau a témoigné. Des Nadine Moreau il y en a plein.
Comment parler de harcèlement entre 2002 et 2004 avec 3 contrôles dont
celui de 2003 qui s’était bien passé. Les actes commis par M. DUVIAU
participent à la dérégulation du droit du travail. Pour M. DUVIAU, le travail
des agents de contrôle nuisaient à l’activité économique. Quand on privilégie
l’économique à l’humain, ça ne va plus. L’exemple c’était l’écoute, la
courtoisie de Daniel BUFFIERE et de Sylvie TREMOUILLE.
Evoquant le souhait de Claude DUVIAU d’écrire un livre, l’avocat déclare :
« Ce n’est pas avec le sang des autres qu’ont fait des livres ».
-
Michel Poivre, président de l’Association de Défense et de
Promotion de l’Inspection du Travail
Il rend d’abord hommage aux familles et à leur dignité. Ce drame nous
a tous touchés, on ne parlera plus de la même façon de l’Inspection du
Travail avant et après Saussignac.
« Des M. DUVIAU, nous en rencontrons régulièrement. Ils font partie de
nos interlocuteurs réguliers. N’importe quel agent dans la salle aurait pu
être à la place de Sylvie TREMOUILLE. Nous faisons le contrôle du respect
de la réglementation. C’est la rencontre entre l’ordre public social et les
contrats de travail.
Les agents de l’inspection du travail n’ont pas d’a priori contre les
employeurs.
Il explique ensuite comment fonctionne l’Inspection, l’organisation d’un
contrôle et précise que la sanction n’appartient pas à l’Inspection, mais à la
Justice. L’inspection peut relever des infractions par procès verbal, ensuite
c’est la justice qui tranche.
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Audience du Vendredi 9 mars et jugement
-
L’Avocat des ministères qui représente en fait le Trésor Public,
seul habilité à représenter l’État
L’État a le devoir de soutenir moralement et financièrement les familles
et il l’a fait.
Il y a eu un soutien personnel aux familles mais aussi à l’institution ; car
l’inspection du travail a été particulièrement touchée par ce séisme. Ce
double meurtre, c’était la première fois.
Ils ont été abattu pour avoir participé à la lutte contre le travail clandestin,
contre les pratiques de marchandage de ces officines qui ne déclarent pas
leur salariés, vont d’un département à un autre pour éviter un suivi par
l’inspection du travail, pour brouiller les pistes.
Vous avez vu que dans les pratiques de l’inspection du travail, il y a la
pratique de la conciliation.
Vous avez entendu comment Mme Moreau avait été pédagogique.
M. DUVIAU n’a entendu que le prestataire. Nouveau contrôle de la MSA,
nouvelle mise en garde. M. DUVIAU a continué, malgré les mises en garde.
Et c’est parce qu’il a été pris qu’il a tué Sylvie TREMOUILLE et Daniel
BUFFIERE. La circonstance aggravante, c’est que ce meurtre s’est fait sur
des personnes chargées d’une mission de service public.
C’est bien pour leur métier qu’ils ont été tués. Sylvie TREMOUILLE n’avait
pas parlé à M. DUVIAU ; elle est morte pour rien.
La circonstance aggravante n’est pas anodine.
Ce meurtre a provoqué un séisme en Dordogne ; mise en place d’une cellule
d’appui psychologique sur le département et au niveau national. Il a fallu
revoir les procédures.
Il n’y a pas eu harcèlement, il n’y a jamais eu harcèlement. Il faut se
souvenir de ce qu’il a fallu faire pour arrêter ceux qui ont fait l’apologie du
crime après le 2 septembre 2004. Les actes d’agression ont pu être réduits,
après un doublement en 2004.
Vous jugez au nom du peuple français. Il est important que le peuple
français dise à M.DUVIAU qu’il ne veut plus de cela.
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-
Réquisitoire de l’Avocat Général
« Je ne peux pas m’empêcher de penser à cette journée du 2 septembre
2004. Ce jour là, je devais prendre mon poste au TGI de Bergerac. Nous
étions avec mon adjointe dans le bureau pour évoquer l’activité sur
Bergerac. Elle me disait qu’il y faisait bon vivre ; elle était à cette époque la
présidente du COLTI et m’avait indiqué que les actions se passaient dans de
bonnes conditions, avec des personnes de terrain, qui utilisaient le dialogue.
C’est alors qu’elle a été appelée par la gendarmerie vers 16 H 30. A voir son
visage, j’ai compris que quelque chose de grave venait de se passer : des
coups de feu et deux fonctionnaires touchés.
Nous sommes allés sur place. Je ne veux pas vous décrire la scène, par
respect pour les familles, parce que les experts ont suffisamment décrit les
blessures. A notre arrivée, Sylvie TREMOUILLE venait de décéder et Daniel
BUFFIERE était très médicalisé. J’ai eu un sentiment d’horreur, de
consternation, d’incompréhension face à ce passage à l’acte ne laissant
aucune chance aux fonctionnaires.
Daniel BUFFIERE à bout portant et Sylvie TREMOUILLE dans le dos !
Tous deux étaient père et mère d’un enfant. Rien ne laissait présager un tel
déferlement. Ce passage à l’acte a été exploité dans les jours qui ont suivi ;
il y a eu des déclarations pour justifier ces actes, en faisant des liens avec le
harcèlement. Ceci portait atteinte aux victimes et aux familles.
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Ce procès est très attendu, par les familles qui se sont exprimées dans la
dignité et qui attendent que la justice leur rende l’honneur. Pendant la durée
de l’instruction, les familles ont gardé une attitude de réserve à l’image des
deux agents qui sont morts. Tous deux étaient tournés vers l’autre et
avaient un supplément d’âme qui donne sens à l’activité de l’administration.
Ce procès était attendu par les agents de l’inspection et par tous les
fonctionnaires, par tous ceux qui exercent une mission de service public pour
faire qu’on puisse vivre dans une société civilisée. Il est important de
rappeler l’utilité sociale de l’inspection, différent de l’inquisition.
A une époque où les agents de l’État sont de plus en plus pris à partie, il faut
garantir leur sécurité. »
S’adressant aux jurés : « il n’est pas facile d’être confronté à la détresse
humaine ; ce rôle vous ne l’avez pas choisi, mais vous devez l’assumer, en
réfléchissant si votre décision va être comprise par le peuple français. Mon
rôle est de représenter l’État ; ma décision je la prends dans le souci de la
sauvegarde de l’intérêt général. Mon rôle est de vous accompagner dans
votre mission pour que vous rendiez une décision qui soit juste et équilibrée.
Claude DUVIAU reconnaît qu’il est coupable ; la difficulté est de savoir si
vous pouvez reconnaître des circonstances atténuantes. Il vous faut
comprendre le ressort psychologique qui l’a amené à tuer par deux fois.
Du côté de la défense, on vous présentera le drame comme un coup de folie,
l’acte d’un désespéré, harcelé, acculé à ce geste terrible, victime de son
destin, de son mal être. Ce n’est pas l’histoire de M. DUVIAU ; ce n’est pas
l’innocente victime d’un rêve brisé. Son acte n’est pas l’acte d’un désespéré,
mais un acte de haine.
Il n’était pas irresponsable, il doit répondre de ses actes devant la Cour
d’Assises.
Homme d’un orgueil démesuré, persuadé d’avoir toujours raison. Pas
d’enfance malheureuse. Il réussit sa vie professionnelle dans l’armée et les
assurances. Il a était gâté par la vie : une femme remarquable, des enfants
aimants qui ont réussit dans la vie. En 1999, il se lance dans la reprise d’une
exploitation agricole. Et c’est quand son associé se retire que les difficultés
commencent.
Son vrai personnage apparaît.
Les problèmes financiers ne sont pas l’essentiel ; à aucun moment il n’est
prévu qu’il se retrouve à la rue. Le mandataire judiciaire le lui a dit mais
Claude DUVIAU est dans une logique de cesser une exploitation pour régler
les problèmes financiers. Même si le projet de reprise n’aboutit pas, le passif
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n’est que de 50 000 € (et cette somme aurait était moindre s’il n’avait pas
été incarcéré.)
Claude DUVIAU n’écoute pas ses proches.
Il a un malaise dans ses vignes mais il arrêtera ses médicaments.
S’il avait voulu vraiment se soigner, il aurait pu trouver son problème. Ce
qu’il n’accepte pas, c’est l’échec et l’image qu’il donne aux autres. Il
n’accepte pas d’avoir tort et il est incapable de se remettre en cause :
psychorigide, il tient à se montrer irréprochable.
L’enquête de personnalité a montré le bon côté des choses, mais en cas de
difficulté, les qualificatifs ont un autre sens.
L’histoire de Claude DUVIAU, c’est l’histoire de quelqu'un qui ne prend pas
ses responsabilités.
J’ai retrouvé cette semaine, le même Claude DUVIAU qu’au moment de la
reconstitution. Il a la même rigidité et la même intransigeance. Ce même
discours sur la responsabilité des autres ; il est incapable de penser aux
victimes.
Claude DUVIAU n’a été victime ni du crédit agricole, ni de la cave viticole, ni
de l’Inspection du travail, ni de la justice.
Les banques ne sont pas des établissements de bienfaisance. En 2002, il y a
un marasme économique. Il n’est pas illogique que la banque n’accorde pas
un crédit supplémentaire à M. DUVIAU.
Sur l’escroquerie de la cave viticole, cela ne correspond qu’à une somme de
4 000 €.
Sur l’acharnement de l’Inspection du Travail et de la MSA : quel
acharnement ! Il n’a pas eu de sanction en dehors d’une amande avec
sursis.
Le contrôle du 2 septembre se fait dans le cadre du COLTI. Le contrôle n’est
pas orienté vers M. DUVIAU. Mais sa condamnation en 2003 à 600€
d’amende avec sursis est présentée comme un élément clef ! Il faut être
sérieux. Il y avait bien infraction. Il n’y a pas eu injustice. Il a bénéficié des
conseils dont il avait besoin.
Malgré cela, Claude DUVIAU va avoir de la rancœur contre tous ceux qui
veulent le ramener à la réalité.
C’est l’histoire d’un homme dangereux, car capable d’une haine rentrée
pouvant s’exprimer dans la violence. Sa dangerosité existait avant ses
difficultés financières.
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Sur son intention suicidaire : suicide d’orgueil – je vais me suicider devant le
Crédit Agricole.
La réalité, c’est que Claude DUVIAU est une bombe à retardement qui ne
demande qu’à exploser. Cette dangerosité explique son passage à l’acte.
Le 02 septembre, il fait beau. M. DUVIAU est serein. La récolte se passe
dans de bonnes conditions. Il y a un contrôle dans le cadre du COLTI ;
j’insiste sur l’attitude des deux agents de contrôle : calmes, respectueux.
L’entretien : on sait comment il s’est passé. Daniel BUFFIERE doit dire qu’il y
a des salariés en situation irrégulière « vous êtes responsable, il faudra
l’assumer. ». Il ne pouvait pas dire autrement.
Tout bascule avec le mot « tribunal » qui serait l’élément déclencheur. Rien
ne pourra le retenir. Il rejoint le bâtiment agricole mais il n’a pas une
démarche suicidaire. Il pouvait partir avec son véhicule. S’il voulait se
suicider, il pouvait le faire. En fait, il choisit la troisième solution : il prend
son arme et il attend. « C’est à cause de vous que je suis dans cette
situation » dit Claude DUVIAU à Daniel BUFFIERE. Il a une bouffée de
haine : là pendant 10 minutes, il se comporte comme un chasseur qui attend
sa proie. Il sait que les agents ne repartiront pas. C’est un guet-apens. Il les
attend et pourtant une parole aurait suffit.
Quand Daniel BUFFIERE appelle : il leur dit « je suis là. »
Il ouvre la porte, il abat Daniel BUFFIERE et çà ne lui suffit pas, il abat alors
Sylvie TREMOUILLE.
C’est l’explosion d’une haine rentrée. Il nourrissait une rancœur contre tous
ceux qui le ramenaient à la réalité. Il n’avait pas envisagé ce passage à
l’acte ce jour là (mais il l’avait envisagé un jour.)
L’acte n’est pas celui d’un homme désespéré. C’est la haine et la frustration
qui l’anime.
Claude DUVIAU encourre la peine la plus lourde : la réclusion criminelle à
perpétuité.
Compte tenu des faits qu’on lui reproche : meurtre sur agent ayant une
mission de service public.
Je ne requière pas la peine maximale parce que c’est possible…
Vous devez l’envisager en raison de la gravité des faits : un passage à l’acte
sans précédent. Il ne connaissait pas les deux victimes qui faisaient leur
travail dans le calme. Il n’avait rien à leur reprocher.
Vous jugez un acte, et aussi un accusé.
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La défense essaie d’atténuer sa responsabilité mais pour vous convaincre du
contraire, il suffit de se reporter aux débats avec les experts.
Un expert a proposé une atténuation de responsabilités. J’ai donc demandé
l’intervention de deux experts nationaux et vous connaissez leurs
conclusions.
Une question vous est posée à vous jurés, concernant l’atténuation de
responsabilités. Accepter cette thèse, c’est ouvrir la porte à toutes les
justifications dans des cas similaires.
Je suis confronté à des
l’irréparable : le suicide.
agriculteurs
en
difficulté
qui
commettent
Claude DUVIAU connaissait son état psychologique, il refusait de se soigner.
Autour de lui, on lui demandait de se soigner, ce qui aurait pu améliorer son
état psychologique. En refusant de se soigner, cela a abouti à l’irréparable. A
supposer qu’il y ait une altération, il avait d’autres possibilités.
Vous n’avez pas à juger un acte réflexe car il y a eu ces 10 minutes qui
auraient pu lui permettre de renoncer à ce désastre.
Et le deuxième tir est d’une lâcheté incroyable car il tire sur une femme sans
défense.
Je me tourne vers la famille, en particulier vers Lucie et Julien ; tous deux
rentrent dans l’adolescence, tous deux peuvent être fiers de leur père et de
leur mère, ils faisaient l’honneur de leur profession : tout devait les protéger
de l’horreur et de la barbarie.
Leur mort ne peut trouver d’excuses. »
« Je requière la réclusion criminelle à perpétuité.
Si toutefois, vous ne partagiez pas mon analyse, je ne souhaite pas
de peine inférieure à 30 années avec période de sûreté.
Vous devez penser à toute une profession qui est sur le terrain à
longueur de journée. Vous devez penser aux familles, aux enfants. Il
y aura un avant et un après. Et entre les deux, il y a un gouffre. »
-
Avocat de la défense
Monsieur le président, j’ai failli demander qu’il n’y ait pas de suspension,
pour donner le résultat.
La fin ne justifie pas les moyens
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Monsieur Claude DUVIAU n’a jamais contesté être un meurtrier ; il n’est
pourtant pas haineux, ni abominable ! La peine de perpétuité est réservée à
d’autre type d’individu.
Alors un coup de folie ? C’est un peu court.
L’avocat a un mandat particulier. En général l’homme ou la femme qui est
défendu demande le moins de prison possible. Je vois M. DUVIAU
régulièrement, notamment depuis un mois et demi. Il m’a dit : « ce que je
veux c’est la vérité .Vous avez tout sur la table. Vous jugerez. »
Pourquoi veut-on rajouter à cet homme quelque chose d’affreux, sale et
méchant ? Pour avoir tous les qualificatifs, pour en faire un exemple
national. Parce que les ministères sont là, parce qu’il y a l’inspection du
travail ?
Je comprends que certains aient pu être choqués. Pourquoi, comment,
quand ? Qui est-il ? Dans votre réflexion, vous aurez à prendre tout et
décider. Je veux mettre de l’ordre et remettre tout dans le sens de la
marche et préciser comment il en est arrivé là.
Pendant 3 jours, on a entendu les familles. Fallait t-il qu’il (Claude DUVIAU)
rentre dans le tribunal et pleure ? Pendant l’enquête auprès du Juge
d’instruction, on croyait ce que disait M. DUVIAU. Pourquoi ne le croirait-on
plus aujourd’hui ? Tout ce qu’il a raconté n’avait pas été contesté.
Avec le passage à l’acte, l’idée de suicide est sous-jacente.
Il y a, par ailleurs, deux grands absents à ce procès : le Crédit Agricole et
l’armée.
Il n’a pas eu de père (et cela l’a conduit) à décider de rentrer dans l’armée à
17 ans. Il y restera 15 ans. L’armée va venir lui inculquer des valeurs qu’on
retrouvera chez lui pendant 54 ans. Avant les trois dernières années que
vous connaissez, l’enquête de personnalité a révélé ces valeurs.
Vous avez devant vous l’homme pour lequel on réclame la perpétuité alors
que jusque là il était reconnu pour ses qualités. Il existe dans le rapport de
M. LOST (le premier expert psychologue NDLR) des éléments que l’expert
avait vu : loyal, méthodique, perfectionniste, ordonné. Mais c’est un homme
qui n’aime pas les entourloupes. Il a été imprégné par la culture militaire.
Claude DUVIAU avant 2002 était empli de ces caractéristiques qui n’auraient
été que des qualités s’il était resté assureur.
Il a deux enfants et une femme qui ne supporte pas les Assises.
La nature humaine a ses vices.
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Il va y avoir un enchaînement de malheurs qui vont créer la dangerosité
extrême qui aboutira au drame de SAUSSIGNAC.
Le fils dira « on est passé du rêve au cauchemar »
L’Avocat Général s’est appliqué à minimiser l’empilement des petits
malheurs. Et pourtant c’est bien ce qui va entraîner la dépression. Les
Assises c’est l’oralité. Mais avant, ce n’est que du papier. Si on ne fait que de
l’oral, on oublie des choses.
Claude DUVIAU va développer une espèce de paranoïa. Le fils dira « il est
submergé ; il pense que la MSA et le crédit agricole lui en veulent. » Mais
aussi la liaison de sa fille avec son associé qui est une petite atteinte de son
rêve (de père : NDLR) car 25 ans d’écart d’âge entre les deux, ça l’ébranle.
Jusque l’âge de 55 ans, il n’a connu aucun échec grâce à ses compétences et
son acharnement au travail. Il a cru que le travail suffirait.
L’avocat revient sur ses finances.
Jusqu’à 55 ans, il n’a emprunté qu’une fois. Il n’avait pas l’habitude des
crédits.
Alors, Claude DUVIAU est quelqu’un d’intéressé ?
Mais combien a t’il racheté les parts de son associé ? Le même prix qu’au
départ. Ce qui fera dire au président du tribunal « Vous n’avez pas fait une
mauvaise affaire. »
L’Avocat parle alors d’un autre basculement : celui vers l’agriculture.
Le passage de l’armée vers les assurances s’était bien passé. Comme le dit
M. VERDIER : « il est un peu vieux pour devenir agriculteur. » Son passage
à l’agriculture est mal perçu par les professionnels et de plus il va « la
ramener ».
Son ouvrier marocain, il l’avait embauché. Il a rempli la DUE en indiquant
qu’il s’agissait d’un salarié étranger. Ce dernier avait une carte de résident
espagnol. J’ai récupéré les feuilles de paie prouvant qu’il avait déjà travaillé
en France. La MSA transmet le dossier à l’Inspection du travail qui déclare
Main d’œuvre étrangère irrégulière égale sanction. Pourtant, il avait envoyé
un courrier pour s’expliquer à la MSA. Ce salarié était payé comme les
autres : par chèque et avec feuille de paie. Pour M. DUVIAU, il n’y avait pas
de problème de titre de séjour.
En mars 2003, il fait un malaise dans ses vignes en raison d’une surcharge
de travail. Il sera hospitalisé huit jours. Suite à ce malaise, il fait sa
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donation-partage en avril suivant. C’est un acte que l’on fait avant son
décès. Au printemps 2003, il y aura une succession de contrariétés. Il
soulève des lièvres au niveau de la cave viticole (la coopérative : NDLR.)
Il a beaucoup investi et s’est beaucoup endetté. Il ne veut pas que son
épouse (percepteur) soit inquiétée. Toujours au printemps il apprend qu’il ne
touchera pas la prime qui l’aidait à attendre les récoltes. Il se tourne alors
vers le Crédit Agricole qui ne répond pas. Il a donc un souci financier
important. Il y a ensuite la cave viticole et les trafics d’échantillons. On lui
dit qu’il va y avoir un arrangement et on le met au tribunal de commerce
pour une dette de 23 000€. Il sera condamné à payer cette somme. Il
considérera cette décision comme injuste.
Le même mois, il se retrouve devant le Tribunal pour l’embauche (illégale :
NDLR) du marocain en 2002. Il sera condamné à 600€ d’amende. Son
Avocat (d’alors) lui dit de ne pas faire appel. « C’est rien » selon lui.
Mais Claude DUVIAU ne le prend pas comme ça.
Il ne perçoit plus normalement ce qui lui arrive.
Il ne réagit pas sereinement. Il se sent bafoué et trahi. Les petits malheurs
vont devenir des énormités.
En juillet il se met en position de suicide avant que son épouse ne l’en
empêche. Au moment de l’instruction, on ne doutait pas de cette tentative.
(Mais il y a doute parce que la mère n’en parle pas à sa première audition :
NDLR)
Au passe d’un suicide lié à la déprime au suicide pour raison économique.
Au moment du règlement judiciaire, le mandataire essaie de rassurer Claude
DUVIAU en lui indiquant que la dette est alors gelée. Le règlement judiciaire
lui permet par ailleurs la poursuite d’activité (il n’ y a que 23 000€ de dette).
La dépression se fait plus sévère. Le jeune qui veut reprendre est vu comme
la « solution » à tous les problèmes. Mais il n’a pas de sou. La banque
retenue est censée apporter les crédits. Au niveau régional (Limoges) sa
demande de crédit sera refusée. Alors le tribunal décidera la liquidation
pensant faciliter la reprise. La solution du jeune repreneur tombe !
Claude DUVIAU a alors une autre idée : le suicide économique.
Doit-on faire entendre qu’il est intéressé ?
En fait c’est pour l’intérêt de la famille : « Je vais organiser ma mort pour
que l’assurance vie couvre les dettes, dans l’intérêt de ma femme (en effet,
l’assurance couvre bien ce type de risque après deux ans de souscription.
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NDLR.) Il est méticuleux. Il va acheter des cartouches pour être certain de
ne pas se rater. Son suicide est programmé fin septembre.
Oui. Il y a là de l’orgueil, de la fierté !
Concernant le fusil, il prend le plus petit par commodité parce qu’il y a deux
détentes et qu’il est sûr de ne pas se rater.
Ensuite, il va y avoir des hauts et des bas sur le dossier du jeune repreneur
avec de nombreux refus des banques.
Il se suicide pour de l’argent. C’est de l’orgueil ?
C’est pour sa famille qui l’aime et qu’il aime. Mais il pense que c’est mieux
que sa femme puisse continuer son travail. Aujourd’hui, on peut dire qu’il
pouvait trouver une autre solution.
En 2004, c’était évident, il était en dépression majeure. Tout est en place
pour que le drame arrive :
Le 24 août, nouveau refus pour M. TALOU. Claude DUVIAU ne croit plus en
une solution.
J’ai rencontré Claude DUVIAU le 06 septembre, 2 jours après les faits.
On nous parle de manipulation de l’information, de stratégie. Ce sont les
arguments des parties civiles. Peut-on douter de la spontanéité des
déclarations de mon client ?
Lorsqu’il dit à Daniel BUFFIERE : « vous auriez pu m’appeler » et qu’on lui
répond : « vous n’avez pas le droit, vous allez passer devant le tribunal » ;
ça a créé l’émoi.
M. DUVIAU dira :
échéances. »
« je
voulais
me
suicider
après
avoir
payé
mes
Alors dire qu’il s’était préparé à tuer - non ! Il ne voulait tuer personne sauf
lui !
Il avait de la haine peut-être mais contre lui, pas contre des tiers.
Certes, Daniel BUFFIERE n’a pas été agressif. Alors pourquoi Claude DUVIAU
aurait-il dû s’inquiéter alors que le contrôle de la MSA en 2003 s’était bien
passé ?
En fait, ce contrôle transforme ses plans car cela risque de l’empêcher de
continuer les récoltes avant de se suicider. Il perd alors le sens des réalités
et le plan dérape.
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Les experts expliquent qu’il n’a plus le sens des réalités. Effectivement, les
risques, suite au contrôle n’étaient pas énormes. Il tord la réalité parce que
son esprit est malade. Au moment du contrôle, il sent que la tension monte.
Cela l’asphyxie, il va donc à l’abri vers la maison. Il va se réfugier, là où il y
a son fusil, ses balles. Il y va comme un animal traqué. Cela va durer 5 ou
10 minutes.
Préméditation ?
Ce que je vous dis sur les faits, chronologiquement, est exact.
Guet-apens ?
C’est contre lui qu’il en a. Pendant 5 ou 10 minutes, il pense à sa femme, il y
a accélération de l’histoire. Il pense que les contrôleurs vont partir. Quand il
charge le fusil, c’est pour lui.
Les agents de contrôle, impatients vont alors s’approcher.
Encore une fois, il ne voulait pas tuer les agents de contrôle. Il entend le
mot « maison ». Daniel BUFFIERE s’approche et Claude DUVIAU va passer à
l’acte. Il ne voit pas, il n’identifie pas, il tire.
Il pensait être dans une tanière comme un animal blessé : il a pu penser que
Daniel BUFFIERE allait s’introduire dans la maison, dans sa propriété.
C’est un acte réflexe.
J’ai cherché des livres sur les troubles psychologiques, le suicide. L’avocat lit
un extrait : « Pourquoi a t-il tiré sur des tiers alors qu’il voulait tirer sur luimême ? »
Cet homme, décrit comme quelqu’un de machiavélique, aurait posé le fusil
près de la chaise après avoir essayé de se suicider. Dans un meurtre, il y a
toujours un mobile. Le 2 septembre, les agents de contrôle, ne lui avaient
rien fait. Il a été dépassé, c’est absurde. On n’est plus dans la raison.
Certes, il est psychorigide mais il y a des experts qui ont des positions
différentes.
M. BONANT est un bon psychiatre, il est responsable. Il indique que M.
DUVIAU est responsable et qu’il n’y a pas abolition de son discernement.
Pourtant la dépression était si sévère qu’il avait perdu tout sens de la réalité.
Ceux qui souffrent : ce sont les familles.
Perpétuité. C’est ce que l’on demande quand on tue des enfants, pour les
meurtres en série. Ce sont des affaires extraordinaires de perversité !
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Vous voulez faire un exemple. Je ne crois pas que ce soit le moment.
Je comprends la crainte de l’Inspection du travail. Quand M. DUVIAU parle
de faire quelque chose pour que çà ne se reproduise plus, il est de bonne foi.
Demander la perpétuité, en proposant habilement 30 ans avec 20 ans
incompressibles, c’est habile. Mais ça n’a pas trop de sens par rapport à
certaines affaires où il y a de la barbarie !
Les victimes sont là près de nous. La justice doit passer, je le sais. Et il le
veut.
Que la sanction soit sévère, c’est normal ; mais il n’est pas dangereux
aujourd’hui.
Le 06 Septembre, il ne voulait pas qu’on le défende.
Vous pouvez suivre l’avocat général mais le descriptif que j’ai fait doit être
pris en compte.
30 ans, perpétuité, c’est trop.
Je comprends votre attente Monsieur TREMOUILLE. Vous avez fait passer un
grand moment d’émotion.
La peine prononcée sera importante mais doit-on briser de nouveau une
famille. Je crois qu’il y a une certaine marge. Je vous demande de prendre
mes demandes en considération : diminuer un peu les demandes
outrancières de l’avocat général. »
Le Président demande alors à M. DUVIAU (qui a pleuré pendant une
bonne partie de la plaidoirie de son avocat. NDLR) de se lever et lui
demande si il a quelque chose à déclarer.
Claude DUVIAU d’une voix très faible dira simplement : « je dis pardon à
tous.»
Délibéré et Jugement
Le président, Jean-Alain NOLLEN, a annoncé, vendredi 9 mars,
en début d'après-midi, après moins de deux heures de délibération
du Jury, que Claude DUVIAU était condamné à trente ans de
réclusion criminelle.
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