Forum Pharmaceutique : De timides avancées
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Forum Pharmaceutique : De timides avancées
Etranger Politique de santé Forum Pharmaceutique De timides avancées Sur l’information aux patients, la détermination des prix, les remboursements et l’évaluation de l’efficacité relative, les progrès du Forum Pharmaceutique Européen sont surtout sémantiques. On s’accorde sur la terminologie et quelques « bonnes pratiques », guère plus. 20 PHARMACEUTIQUES - OCTOBRE 2007 SIPA MARKOS KYPRIANOU dans le prolongement d’un groupe de rélexion baptisé « G10 Médicaments », mis en place en 2001 par la Commission et consacré à l’innovation et l’accès au médicament. La première session du Forum s’était tenue en septembre 2006. Pour cette seconde session, trois groupes de travail ont réléchi sur les thèmes suivants : information aux patients, prix et remboursements, eicacité relative. GÜNTER VERHEUGEN SIPA L a deuxième session du Forum Pharmaceutique s’est tenue le 26 juin dernier à Bruxelles, sous la co-présidence de Günter Verheugen, vice-président de la Commission, et du commissaire européen Markos Kyprianou. Ce Forum réunit les ministres de la Santé des Etats membres de l’UE, plusieurs membres du Parlement européen et les porte-paroles de dix organisations agréées, représentant l’industrie (fabricants de médicaments princeps, génériques, spécialités grand public et bio-industries), les grossistes, les professionnels de santé, les patients, les caisses d’assurance-maladie et les mutuelles. Rappelons que le Forum s’inscrit Information aux patients Sur ce point, le groupe de travail avait pour mission d’éclairer la Commission sur les mesures à prendre ain d’améliorer la qualité des informations fournies aux patients. L’une des motivations est que les technologies de l’information ont grandement évolué ces dernières années, de sorte que les patients accèdent facilement à de l’information qui n’est pas toujours iable sur les maladies et les traitements. Il s’agit donc, non pas de se substituer aux professionnels de santé, mais de compléter et accompagner leur rôle d’information. Les progrès réalisés lors de cette seconde session du Forum portent sur l’adoption de principes de qualité de l’information. Ainsi, l’information est objective lorsqu’elle est basée sur des faits et non pas inluencée par des préjugés ou des conceptions personnelles. De même, elle est dite non-biaisée lorsqu’elle est impartiale, non-directive et équilibrée. D’autres termes caractérisant la qualité de l’information sont retenus : orientée vers le patient, à jour, iable, compréhensible, accessible, transparente, signiicative et appropriée... Le groupe de travail a développé l’exemple d’une information mise en forme (« package ») sur le thème du diabète. Prix et remboursements L’objectif de cette « simulation », qui avait été soumise à consultation publique, était d’examiner la possibilité de générer de l’information sur la santé au niveau européen et dans le cadre d’un partenariat entre les membres du Forum. Il s’agit sur ce thème d’examiner les mécanismes de ixation des prix et de >>> Etranger Politique de santé La voix des patients Représenté au Forum Pharmaceutique, l’EPF (European Patients Forum) est la voix des patients en Europe. Son président Anders Olauson précisait son rôle lors d’un récent congrès du Groupement international de la répartition pharmaceutique (GIRP). « Nous demandons l’égalité d’accès aux soins pour tous les patients – médicaments et autres services de santé –, en mettant l’accent sur l’implication des patients. Il est très important de voir les choses par les yeux du patient (...). Sur l’information, il est nécessaire d’avoir un conditionnement et un étiquetage facile à déchiffrer par tous les patients. On ne peut pas accepter que l’observance soit mauvaise parce que l’étiquetage et le conditionnement ne sont pas bons. De plus, il faut privilégier une approche globale de l’information au patient qui couvre toutes les périodes de la vie. » >>> remboursement dans les Etats membres de l’Union ain de les aider à respecter les recommandations du G10. L’objectif général est de permettre un égal accès aux traitements pour un coût abordable. Ces décisions relèvent de la compétence des Etats membres et les progrès réalisés lors du Forum ne concernent que des lignes directrices. Les discussions ont donc porté sur la déinition de la valeur ajoutée de l’innovation pharmaceutique et l’échange d’informations entre Etats membres. Une « boîte à outils » résume les principes de détermination des prix et remboursement en vue d’équilibrer trois aspects essentiels : accessibilité des médicaments, maîtrise des dépenses de santé, rétribution de l’industrie de recherche. Dans les conclusions de ce groupe de travail, la France a émis une réserve sur la référence à la recommandation 6 du G10, qui stipule que les Etats membres ne puissent contrôler que les prix des médicaments utilisés sur leur propre territoire (et non sur ceux qui ne feraient que transiter par ce territoire). Enin, l’idée d’un prix unique européen du médicament a été évoquée par l’eurodéputée Françoise Grossetête (voir page 28). Efficacité relative des traitements Sur le thème « eicacité relative », il s’agit d’aider les États membres à appliquer des systèmes d’évaluation de l’eicacité relative ain de contenir les dépenses de médicaments et de rétribuer l’innovation dans une juste mesure. Pour de nombreux Etats membres, ces systèmes sont nouveaux et relativement complexes. Il ne s’agit pas de l’évaluation thérapeutique telle qu’elle est pratiquée par les agences du médicament nationales ou l’agence européenne (EMEA), mais de la comparaison des traitements au plan pharmaco-économique. Le groupe de travail reconnaît dans ses conclusions que la qualité de l’évaluation dépend de celles des données et de la méthodologie employée. A charge donc pour l’industrie de fournir ces données dès leur disponibilité, avant et après l’AMM, aux autorités des Etats membres qui doivent pour leur part développer des standards pour échanger leurs informations entre elles. Pour certains, il ne s’agit là que d’avancées mineures, où l’on s’entend sur des principes de terminologie et de méthodologie, mais sans progrès concrets. C’est que l’Europe à 27 n’avance pas au pas de charge. Arthur Higgins, président de l’EFPIA, l’association européenne de l’industrie pharmaceutique, déplore cette absence de débouchés efectifs (voir page 25). D’autres, comme le collectif « Europe et Médicament »1, dénoncent un agenda de la Commission entièrement tourné vers les irmes pharmaceutiques et ignorant l’intérêt des patients (voir encadré). Pourtant, ainsi que le souligne Béatrice Kressmann (Leem), « les patients et les mutuelles sont représentés dans les groupes de travail. Je ne sais pas si les premiers sont très proactifs, mais les mutuelles s’expriment énormément. L’industrie y a une place relativement faible en proportion. On ne peut pas dire qu’elle est sur-représentée, au contraire. Chacun peut s’exprimer, le processus se veut extrêmement démocratique, ce qui ralentit et alourdit mais personne n’est exclu. » Bien qu’elles se félicitent du processus du Forum tout en regrettant un « manque de transparence », l’ESIP2 et l’AIM (Association internationale de la mutualité) ont ainsi expliqué dans un communiqué pourquoi elles ne soutenaient pas les conclusions du groupe de travail « information aux patients ». Elles s’opposent notamment à l’usage du terme « partenariat » pour qualiier les procédures suivies au sein de ce groupe de travail. En outre, elles souhaitent un processus de validation a priori et non a posteriori pour toute proposition de modèle d’information aux patients. n Jocelyn Morisson (1) Regroupant 60 organisations : associations de malades, organisations familiales et de consommateurs, organismes d’assurance-maladie et organisations de professionnels de santé. (2) L’European Social Insurance Platform (ESIP) représente plus de 30 organisations de sécurité sociale obligatoire dans 14 Etats membres. « Europe et Médicament» très remonté « Le médicament n’est pas un produit de consommation banale ». Dans une déclaration«au vitriol», le collectif « Europe et Médicament » estime que le Forum Pharmaceutique n’est pas au service des patients et dénonce deux ans de travail dans l’opacité. Les conclusions, dit-il, « s’appuient sur des inventaires incomplets, des enquêtes non méthodiques, et des constats hâtifs, qui ouvrent la voie à des propositions biaisées, en faveur des seules firmes pharmaceutiques. » Sur l’information des patients, le Forum « omet de multiples sources indépendantes », « minimise le rôle de nombreux acteurs » et « ne tient pas compte des nombreuses critiques résultant de la consultation extérieure ». Sur l’efficacité relative des traitements, les conclusions du Forum sont jugées « timorées au regard des efforts méthodologiques faits depuis longtemps (...) », et constituent une « plate-forme minimaliste ». Sur le thème des prix et remboursements, même charge : les conclusions du Forum « rappellent opportunément quels sont les besoins », mais n’abordent « aucun des thèmes essentiels pour répondre à ces besoins. » Pour finir, « Europe et Médicament » considère que « les propositions des citoyens sont délibérément ignorées. » On n’ose imaginer le ton de la critique s’ils n’avaient pas été consultés. 22 PHARMACEUTIQUES - OCTOBRE 2007 Béatrice Kressmann (Leem) « Créer les conditions de la confiance » Directrice des affaires européennes et internationales au Leem, Béatrice Kressmann, commente les trois problématiques traitées dans le cadre du Forum Pharmaceutique et en précise les enjeux. ● « Les technologies de l’information ont beaucoup évolué et n’importe quel patient peut avoir n’importe quelle information sur le médicament, sauf de la part de l’acteur qui le connaît le mieux, à savoir l’industrie. C’est une situation paradoxale. Le patient a une demande plus forte qu’auparavant et une capacité à s’informer qu’il faut lui permettre d’utiliser dans les meilleures conditions, et en faisant la chasse aux mauvaises informations. Il faut donc trouver un système adapté à l’Europe, mais il peut aussi y avoir des rélexions nationales dans ce cadre. La Commission est très ouverte sur le sujet et de nombreux pays sont prêts à y réléchir, mais pas dans n’importe quelles conditions. Il faut être réaliste, on ne pourra pas avancer très rapidement sur ce sujet. Il faut créer les conditions de la coniance pour que les diférents acteurs puissent s’assurer que l’information qui arrive au patient soit complète, objective et réponde aux questions qu’il se pose. » Les génériqueurs craignent que tout changement conduise à une promotion directe des médicaments auprès des patients. Qu’en pensez-vous ? ● « Nous sommes dans le domaine de l’information et la promotion reste interdite. Le sujet concerne les fabricants de génériques de la même façon. Il faut travailler sur des garde-fous : comment s’assurer que l’information n’est pas promotionnelle ? On peut déinir des critères de qualité. Il ne 24 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2007 faut pas être dans l’opposition de principe ni la rélexion idéologique, mais avoir une approche factuelle. » JULIEN CRESP Sur l’information aux patients Sur les prix et remboursements ● « Ce domaine est régi à la fois par des règles communautaires et des règles nationales. D’un côté, le marché unique et la libre circulation, de l’autre, les prix et remboursements qui relèvent des compétences nationales. L’UE ne peut qu’obtenir des recommandations partagées par les Etats membres. C’est un sujet complexe mais l’objectif est de faire progresser les esprits pour qu’on arrive à des principes reconnus par tous. Il est donc diicile d’obtenir du concret sur de tels sujets et une certaine frustration est compréhensible. Mais des pistes positives se dégagent, comme la reconnaissance de l’importance de l’innovation sous ses diverses formes et les diicultés créées par le commerce parallèle. » Que pensez-vous du prix unique européen ? ● « Cette question fait débat au sein de l’industrie et il y a d’autres aspects à intégrer, comme la mise en place de bonnes pratiques de prix et de remboursements qui ne pénalisent pas l’innovation. Et on a vu à la in du premier semestre une augmentation des cas de contrefaçons passant par le commerce parallèle. Il faut se demander comment renforcer l’encadrement BÉATRICE KRESSMANN de la distribution et la traçabilité ; limiter les délais d’accès au marché et s’assurer du respect de la directive Transparence. » Sur l’efficacité relative des traitements ● « Il s’agit de la notion d’eicacité relative dans le sens de son utilisation par la Commission de la transparence en France (évaluation du SMR et de l’ASMR). Le Forum reconnaît qu’il faut tenir compte de l’apport thérapeutique des traitements, mais aussi de la qualité de vie ; prendre en compte une réalité clinique et sociétale. La rélexion porte sur la mise en place de critères structurés et partagés. Les standards sont variables selon les pays et il s’agit de mettre à disposition des Etats membres une «boîte à outils» avec des éléments (méthodologie, critères) à utiliser. La France peut servir d’exemple dans ce domaine. » n Propos recueillis par Jocelyn Morisson Etranger Politique de santé Forum Pharmaceutique EFPIA : « Le temps des décisions claires est venu » Arthur J. Higgins, actuel président de la Fédération européenne de l’industrie pharmaceutique, et pdg de Bayer Healthcare, s’est prononcé en juin dernier à l’issue du Forum Pharmaceutique pour une réorientation vers des objectifs concrets. « Le temps des décisions claires et des actions concrètes est venu si l’Europe veut redevenir un leader mondial dans le domaine de l’innovation pharmaceutique. » Tel est le message qu’a adressé Arthur Higgins à l’issue du Forum Pharmaceutique. Il a notamment regretté que « le Forum (n’aie) pas répondu à nos attentes jusqu’à maintenant », et soit devenu « une nouvelle plate-forme de discussion sur le coût des médicaments, plutôt que sur leur valeur et leur contribution à la santé et au bien-être en Europe. » Et le président d’ajouter : « Je souhaite que l’on se concentre sur des débouchés concrets, que l’on avance réellement dans le programme – à la fois au niveau communautaire et des Etats membres – pour le bénéice des patients, des systèmes de santé et de la compétitivité de l’Europe. » Prix et remboursements : définir la valeur Selon l’EFPIA, il est urgent que l’Europe guide les pratiques en matière de prix et de remboursements ain d’assurer un meilleur équilibre entre, d’une part, les objectifs légitimes des gouvernements de contrôler leurs dépenses de santé ; d’autre part le droit des patients d’accéder aux meilleurs soins disponibles ; et enin, le besoin de fournir à l’industrie une juste rétribution pour l’efort de recherche et d’innovation. « Les Etats membres doivent prendre en compte une large déinition de la notion de valeur dans leurs décisions », estime Arthur Higgins. Définition tenant compte « de la valeur thérapeutique, de la qualité de la vie et des apports socio-économiques ». De plus, l’industrie européenne plaide pour un soutien explicite de l’UE à des mesures limitant l’étendue du contrôle des prix par les Etats membres pour l’usage sur leur propre territoire. Selon le président de l’EFPIA, « cette recommandation, qui pourrait être rapidement mise en place, donnerait aux entreprises la lexibilité requise pour fournir des solutions plus adaptées aux situations économiques des diférents pays. » Efficacité relative : pas d’évaluation européenne L’organisation professionnelle souhaite plus de transparence, de qualité et de cohérence dans les systèmes d’évaluation des technologies de santé au sein de l’Europe. Par la voix de son président, l’EFPIA se dit déterminée à travailler avec les membres du Forum à l’élaboration d’une « boîte à outils » ain d’apporter aux Etats membres un soutien sur les méthodologies, l’utilisation des données, et la coordination des demandes faites à l’industrie en matière d’évaluation. La Commission européenne n’a pas l’intention de créer un système pan-européen d’évaluation de l’efficacité relative, ce ARTHUR J. HIGGINS dont l’EFPIA prend acte. De même, la Commission reconnaît que les évaluations initiales sont toujours « provisionnelles » par nature, et donc qu’elles nécessitent des données issues de la pratique clinique. Dès lors, « le manque de données au moment de l’enregistrement ne devrait pas restreindre ou retarder l’accès au marché ni le remboursement d’un produit », estime Arthur Higgins. Information aux patients : non-promotionnelle Pour l’EFPIA, l’absence d’un cadre communautaire à l’information sur la santé et les médicaments restreint le droit des patients à accéder à une information de qualité. L’industrie pharmaceutique, qui a une expertise unique du médicament et des pathologies, est prête à jouer un rôle responsable en délivrant une information non-promotionnelle. Arthur Higgins considère qu’un « meilleur accès à l’information conduira à une meilleure prévention et une meilleure observance, avec pour conséquence un meilleur rapport coûteicacité des soins. » Il souhaite qu’une stratégie européenne d’information sur la santé soit bâtie pour 2009. n Jocelyn Morisson 25 OCTOBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES