Oaxaca, la Commune n`est pas morte

Transcription

Oaxaca, la Commune n`est pas morte
S
uite à une manifestation
à l'aéroport de Marignane contre l'expulsion
d'un père de famille,
Florimond Guimard,
militant de RESF 13, a été convoqué le 20 avril au Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence
pour "violences volontaires sur
personne dépositaire de l'autorité publique, en réunion, avec
arme par destination". Ces faits
sont réprimés à hauteur de 3 ans
d'emprisonnement et de 45000
euros d'amende*.
Alors qu’elle prenait l’avion, Khadidja, militante en Île-de-france, a
refusé de s’asseoir et d’attacher sa
ceinture de sécurité afin de s’opposer à l’expulsion d’un étudiant
de Toulouse. D’autres passagers
ont également manifesté leur
opposition à cette expulsion. Appelée à comparaître devant le tribunal, elle encourt jusqu’à 5 ans de
prison et 18 000 euros d’amende.
A Béziers, Nicolas Moiroux,
témoin et victime de violences
SANS PAPIERS
La solidarité n’est pas un délit !
policières alors qu’il apportait son
soutien à des familles Roms
devant le tribunal, a été placé en
garde à vue puis mis en examen.
A Paris, Valérie Boukobza, adhérente de Sud éducation, directrice de l’école maternelle de la
rue Rampal, a été placée en garde
à vue pour avoir protégé ses
élèves de la police et des gaz lacrymogènes lancés aux abords de
l’école au moment de la sortie
des enfants. Seule l’ampleur de
la mobilisation, et son écho
médiatique, ont empêché les
poursuites judiciaires et disciplinaires à son encontre.
François Auguste à Lyon, Michel
Guérin à Paris et d’autres militants à Strasbourg, dans l’Ariège
ou à Calais ont été interpellés
brutalement par la police, placés
en garde à vue et mis en examen.
Face à cette répression tout azimuts, Sud éducation appelle à
amplifier les actions de solidarité et
de résistance à cette politique
xénophobe. Nous continuerons
de dénoncer le sort qui est réservé
aux migrants dans notre pays, les
rafles, les arrestations, la traque
des enfants jusque dans les écoles,
l’enfermement dans les centres de
rétention et les expulsions !
◆ Signez la pétition «La solidarité ne
doit pas devenir un délit !» sur :
www.sudeducation.org
◆ Signez la pétition pour la régularisation
des élèves et des familles sans papiers
sur : www.educationsansfrontieres.org
Commission fédérale
Immigration/Sans papiers
LAISSEZ-LES
GRANDIR ICI
A titre individuel ou au sein d’associations, des cinéastes se sont engagés en
parrainant et en protégeant des familles
menacées d’expulsion. Pour eux aussi
les enfants des écoles sont les enfants
de ce pays, les enfants de la République.
C’est de cet engagement qu’est née
l’idée d’un film collectif aujourd’hui diffusé en salles et sur Canal+.
Pour réaliser «Laissez-les grandir ici !»,
les cinéastes se sont adressés au
Réseau Education Sans Frontières et à
des enseignants qui leur ont présenté
certains de leurs élèves, des enfants de
ceux qu’on appelle «sans papiers». Avec
l’accord de leurs parents, ils ont travaillé avec eux en ateliers d’écriture.
Les enfants ont raconté leurs situations,
confronté leurs expériences. Ils ont participé à ce travail avec leur passion et
leurs espoirs. Espoir de voir cesser l’arbitraire, qui fait toujours d’eux des
enfants de «sans papiers», des enfants
de déboutés. Espoir de vivre sans la
peur quotidienne d’être expulsés. Passion d’apprendre et de grandir dans un
pays qui est le leur comme il est le nôtre.
MEXIQUE
Oaxaca, la Commune n’est pas morte
La répression d’une grève enseignante avait provoqué plusieurs mois d’insurrection dans l’Etat
mexicain d’Oaxaca. Mais aujourd’hui encore, sous les cendres du retour à l’ordre, la braise de la résistance couve toujours.
D
ailleurs/ici
es immenses marches,
comme celle du 3 février
2007, ont permis à la
population de reprendre
confiance en sa force. L’Assemblée d’Etat de l’APPO des 10 et
11 février a confirmé sa totale indépendance vis-à-vis des partis politiques qui «ne sont pas la voie pour
changer le pays». Elle ne présentera
donc pas de candidats aux législatives et aux municipales en août et
en octobre 2007, préférant pratiquer la démocratie directe. Les
quelques dérives de personnes ou
groupes qui ont parlé au nom de
l’APPO sans être mandatés ont été
dénoncées : toutes les décisions doivent être collectives.
Pour la première fois depuis sa
«reprise en mains» de la situation,
le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz a
dû renoncer à une cérémonie officielle le 14 février, la circulation
ayant été coupée par une barricade
de pierres montée par l’APPO et
des enseignants de la section 22 du
Syndicat National des Travailleurs
de l’Education.
Le 8 mars, la Coordination des
Femmes d’Oaxaca a mobilisé des
dizaines de milliers de manifestants.
Le même jour le troisième Forum
International des Droits Humains
se tenait à Oaxaca, beau pied de nez
au gouverneur Ruiz.
Radio Planton a aussi recommencé
à émettre. La radio des enseignants
avait été détruite en juin 2006, au
début de la répression. Le contrôle
de certains moyens de communication a été d’une importance capitale pour faire face à la désinformation des médias officiels et résister
Pour en savoir plus, consultez les sites :
http://cspcl.ouvaton.org
http://paris.indymedia.org
Vous pouvez aussi signer les Conclusions
et Recommandations de la CCIODH qui
seront bientôt adressées à de nombreuses
instances officielles sur :
http://cciodh.pangea.org
Commission fédérale International
DIVISER LES ENSEIGNANTS POUR MIEUX RÉGNER SUR LE PEUPLE
LA COMMISSION CIVILE INTERNATIONALE DES DROITS HUMAINS
En novembre 2006, le gouvernement parvient à diviser les enseignants en donnant
satisfaction à certaines de leurs demandes. La section 22 du Syndicat National des
Travailleurs de l’Education, comme la population, continue à exiger la démission du
Gouverneur Ruiz. Mais la direction nationale du syndicat (vendue) a monté avec le PRI
(parti d’Ulises Ruiz) une section concurrente, la 59, avec les quelques enseignants
souhaitant se désolidariser de l’APPO.
La Commission est basée à Barcelone mais ses acteurs (juristes, journalistes…) sont
issus de différents pays. Elle a organisé une mission dans l’Etat de Oaxaca du 16
décembre 2006 au 20 janvier 2007 et a recueilli 420 témoignages d’individus,
de représentants d’association et d’officiels. Elle a constaté une violation quasisystématique des droits humains au cours des arrestations, ainsi que l’utilisation
d’une force disproportionnée et de méthodes illégales contre le mouvement pacifique
d’un peuple demandant le droit de vivre dignement.
Le rapport indique que Ulises Ruiz, gouverneur de l’Etat, Fox, président du Mexique en
exercice au moment de la répression, et Calderon qui lui a succédé le 1er décembre 2006
ont tous trois ordonné ou couvert les exactions des différentes polices et milices qui ont
semé la terreur dans la plus totale impunité.
Le 8 Mars 2007, les deux sections se sont affrontées physiquement, la section 22
exigeant que ses membres soient tous réintégrés dans leurs écoles, certaines étant
passées aux mains de la section 59 au moment de leur réouverture.
Joignez/re-joignez nous
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rapidement aux attaques des forces
de «l’ordre».
La question des prisonniers politiques n’est pas réglée : 56 personnes sont toujours en prison,
militants de l’APPO ou simples
passants (indigènes de préférence)
raflés pour l’exemple. Le gouvernement exige des cautions faramineuses pour les libérer. C’est
pour cela que le 18 mars, l’APPO
a lancé la campagne internationale de soutien appelée «Un Kilo-
mètre de Pesos», espérant collecter les 430 000 euros nécessaires.
Le 27 mars, un grand mouvement
de protestation a eu lieu dans tout
le Mexique contre le transfert des
retraites des fonctionnaires vers des
fonds de pension, d’abord publics
puis privés.
Pendant ce temps-là, dans l’Etat
voisin, le Chiapas, l’actualité est
également brûlante. Les Zapatistes
étendent leur mouvement et les
communautés indigènes s’organisent pour devenir autonomes mais
la Police Fédérale Préventive les harcèle. Là aussi on dénonce l’omniprésence des paramilitaires, ainsi
que les agressions et les abus sexuels
qu’ils commettent, comme partout
où ils interviennent.
éducation / Le journal / numéro 23 / mai-juin 2007
Fédération des syndicats Sud éducation :
17, bd de la Libération 93200 Saint-Denis
Téléphone : 01 42 43 90 09 - Fax : 01 42 43 90 32
e-mail : [email protected]
LES GRANDES DATES
DE L’INSURRECTION
22 mai 2006 : 70000 instituteurs de
l’Etat de Oaxaca se mettent en grève.
14 juin : 2000 policiers attaquent les
grévistes et leurs familles qui campaient
sur la place principale. Trois heures plus
tard, les grévistes reprennent le contrôle
du centre ville, soutenus par une grande
partie de la population.
17 juin : Création de l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO).
28 juin : Très grande marche exigeant
la démission du gouverneur Ruiz.
Août : Des paramilitaires attaquent des
journaux et tirent sur la télévision et
les radios occupées. Des activistes sont
enlevés et torturés.
Septembre : L’APPO dresse des barricades pour empêcher les «convois de la
mort» de circuler.
27 octobre : Les fusillades font 4 morts,
dont un journaliste Américain.
29 octobre : 4500 policiers détruisent
les barricades qui protégeaient le zocalo
depuis 150 jours et l’évacuent avec une
extrême violence.
25 novembre : la grande marche de
protestation est férocement réprimée.
Quand arrive le 1er décembre, jour de
l’investiture officielle du nouveau président de la République, Felipe Calderon, toutes les barricades ont été nettoyées et toutes les radios reprises par
la force, causant la mort de plusieurs
personnes. L’ordre semble régner sur
Oaxaca, mais la grande marche pacifique organisée le 10 décembre montre
que le peuple ne l’entend pas ainsi.
Les 26 personnes tuées au cours des
mois de répression, ainsi que les centaines de blessés, de prisonniers et les
«120 disparus» n’arrêtent pas l’élan
du peuple mais forcent l’APPO à entrer
quelque temps dans la clandestinité.
* Lire Sud éducation n°20
et CQFD hors-série.
Prenez contact avec votre syndicat local
ou avec la fédération sur notre site :
www.sudeducation.org
Imprimerie Rotographie, Montreuil