L` Ecole des Ventriloques REVUE DE PRESSE

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L` Ecole des Ventriloques REVUE DE PRESSE
L’ Ecole des Ventriloques
REVUE DE PRESSE
1. La Tribune de Bruxelles le 07/02/08
2. La Libre Belgique le 21/02/08
"L'Ecole des ventriloques" : où est l'Homme ?
Nurten Aka
Comédie fantasque et quelques blasphèmes, pour marionnettes et comédiens.
Une farce anarchiste nous emmène dans une singulière école des ventriloques,
société futuriste dirigée par un (invisible) "Sacro-Saint Directeur" à la devise claire :
"La Loi, pour être Loi, doit être dure". Même Jésus va y passer, recevant une série de
"sept coups de matraque paternels".
Car dans cette école, les hommes-esclaves ont fabriqué des marionnettes toutes
puissantes, plus viles les unes que les autres. Alors quand débarque l'Homme égaré,
nommé... Céleste, c'est l'Enfer qui l'attend, forcément.
Répondant à ceux qui le pressent "d'envoyer chier la morale, la Loi et Dieu", et
d'assembler sa marionnette à partir de ses "rêves nauséabonds", l'homme-Céleste se
risque donc à un intrépide combat contre "les Idées qui sombrent", faisant appel au
Saint, au Génie, au Héros...
Dans ce conte philosophique, l'auteur chilien Alejandro Jodorowsky, 79 ans, ne fait
pas dans la dentelle. Fondateur avec Roland Topor et Fernando Arrabal de
"Panique", mouvement surréaliste des années 1960, l'artiste a gardé ici l'esprit
corsaire des soixante-huitards : critique de la société, utopie d'un monde meilleur,
liberté sexuelle (et l'imagination au pouvoir).
Alors attention, la provocation fait mouche (et peut heurter), dans les scènes et dans
les mots. Il en va ainsi de la fornication (hallucinante) de deux marionnettes ou
encore de la punition de l'"élève revêche" : Jésus. Blasphème et obscénités : oui,
mais le lyrisme particulier de Jodorowsky est une musique vorace qu'il faut entendre,
plus provocante que vulgaire.
Jean-Michel d'Hoop à la barre
Et puis, surtout, il y a cette mise en scène orchestrale, sobre et sans excès de JeanMichel d'Hoop, entouré d'une équipe excellente dans un décor résumé à un mur à
portes multiples et un écran "matrice".
Au diapason, on savoure cette société de marionnettes "crasseuses", aux
magnifiques gueules expressionnistes à la Otto Dix, conçues par Natacha Belova.
Epatant ! D'autant que les comédiens s'y glissent physiquement - mais pas
totalement -, mariant sans fausses notes l'interaction maître-esclave. Le résultat est
impressionnant : Cyril Briant, Sébastien Chollet, Emmanuelle Mathieu, Anne Romain
et Isabelle Wéry se dédoublent vocalement, passant d'un personnage à l'autre,
pantin ou pas. La musique "live" de Pierre Jacqmin crée rythme et couleur sonore.
Enfin, on retiendra la superbe interprétation de Fabrice Rodriguez, le Céleste qui
relève ses manipulations successives, en mille variations surprenantes, jusqu'à
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donner l'impression qu' il est vraiment manipulé par les pantins. Bref, cette "Ecole
des ventriloques" est une audace gorgée de moments mémorables.
Louvain-la-Neuve, Atelier Théâtre Jean Vilar, jusqu'au 29 février, à 20h30 - sauf jeudi
à 19h30 et dimanche à 15h, relâche lundi (de 10 à 24 €). Tél. 0800.25.325, Web
www.atjv.be
Bruxelles, Théâtre de la Balsamine, du 4 au 15 mars, à 21h (de 6 à 12 €, durée :
1h30). Tél. 02.735.64.68, web www.balsamine.be
3. Critique de Christian Jade sur la Première (radio) le 13/02/08
La chronique théâtrale de Christian Jade passe en revue le désarroi des hommes, entre
macho et papa-poule et la violence des enfants meurtriers de leurs parents. Mais son coup
de coeur va à une fable fantastique d'un Chilien de Paris, Alejandro Jodorowski, "L'école des
ventriloques", jouée à Louvain -la- Neuve et à la Balsamine.
« Jodorowski, touche-à -tout farfelu, est surtout connu comme scénariste de BD,
avec, notamment la fameuse série de" l'Incal" de Moebius et son minable détective
John Difool. Ce Mexico-Chilien de Paris , ami d'Arrabal et du mime Marceau,
créateur avec Topor et Arrabal du mouvement Panique, dans le années 60, nous
offre "L'école des ventriloques", une plongée baroque dans un monde fantastique où
règne le tout puissant et invisible "sacro-saint directeur"...d'une école des
marionnettes. Le malheureux "Céleste", être humain tombé dans cet enfer, est un
autre "détective Diffool", se débattant au milieu d'un monde hostile, où tous les
êtres humains rencontrés sont dédoublés en une marionnette qui a pris le pouvoir
sur eux. Cette sarabande grimaçante où les mauvais instincts se cultivent à la pelle,
n'épargne ni la pouvoir ni la religion, Toute la méchanceté rigolarde de Topor, mêlant
blasphème et sexualité débridée se retrouvent dans ce spectacle. où un peuple de
marionnettes à taille humaine, manipulées par cinq acteurs inspirés, luttent pied à
pied avec leur double On sait gré à Jean-Michel d'Hoop d'avoir mis en scène ce
conte philosophique anar et à Natacha Belova d'avoir créé ces marionnettes
expressionnistes qui introduisent un parfum de BD haut de gamme dans l'ensemble.
Bravo enfin aux six acteurs, qui ont su se plier aux règles pas évidentes du
dédoublement de la voix et de la personnalité. « L'Ecole des ventriloques », au Jean
Vilar à Louvain -la Neuve ,jusqu'au 29 février puis retour à la Balsamine, du 4 au 15
mars. Belle et utile coproduction. »
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4. Critique sur « arrêt sur info » le 13/02/08
Je est un autre"
P.F.
Mardi 12 février avait lieu la première représentation et la création
mondiale de L'Ecole des ventriloques, d'Alejandro Jodorowsky, à la
Balsamine. La pièce, interprétée par la Compagnie Point Zéro, mais aussi et surtout
par ses magnifiques pantins, acteurs à part entière du spectacle, réussit à mêler la
réflexion et la magie dans un conte philosophique plein d'humour et d'émotion.
Au commencement, des battements de coeur. Dans une fenêtre de lumière
barrée d'une croix commencent à vivre des images ; sur l'écran évolue quelque
chose qui évoque le phoenix renaissant de ses cendres. Soudain, le coeur s'arrête de
battre ; un pantin tombe du ciel et s'écrase sur le sol, devant un assemblage de
grillages métalliques et de casiers rouillés qui font penser à une école à l'abandon.
Doucement, les casiers s'ouvrent, laissant entrevoir des intérieurs capitonnés de
cercueils. Petit clin d'oeil au métier d'acteur : sur la porte des casiers-cercueils, un
miroir de loge entouré de loupiotes. Des personnages en soutanes, ainsi qu'une
nonne, surgissent de la pénombre et s'approchent du pantin. Sous leurs caresses,
celui-ci s'anime peu à peu... Et la magie s'installe dans la salle.
Mais brusquement, le sortilège est rompu par des sirènes de police et des
éclairages violents. Le pantin s'enfuit à toutes jambes, et au détour d'un mur revient
sur le devant de la scène sous forme humaine. Il tombe alors nez à nez avec Don
Crispin, ou plutôt avec le canon du revolver de celui-ci, qui nous éclaire un peu sur
l'endroit où l'on se trouve : "Cet endroit est plus sévère qu'une prison. C'est une
putain d'école." Bienvenue à l'école des ventriloques, où chaque personnage est
dédoublé en un ventriloque et son pantin. Les pantins y sont cruels et n'ont aucune
pitié les uns pour les autres ; ils représentent les faces cachées, les pulsions
refoulées de leurs ventriloques. Mais qui est manipulé dans l'histoire
Le nouveau-venu, qui se prénomme Céleste ("fils du ciel") apprend rapidement
le credo de l'école : "Moi, ce n'est pas moi" ; "Moi, c'est celui qui est tapi dans
l'ombre de mon esprit" ; "Moi je m'efface pour que Cela advienne"...
L'Ecole des ventriloques est un lieu étrange, où les personnalités se perdent avec
passion. Céleste recherche avec avidité l'authenticité et la profondeur de son âme,
dans un tourbillon de questionnements. Il franchit les étapes les unes après les
autres, dans sa quête d'identité.
Le grotesque est au centre de la mise en scène de Jean-Michel d'Hoop, et évoque
le théâtre panique dont Jodorowsky est l'un des fondateurs. Ce théâtre avait pour
particularité de libérer l'inconscient et de mêler les différentes disciplines artistiques
pour obtenir un art total. Ici aussi, les marionnettes côtoyent les acteurs, les vidéos
et la musique (interprétée en live par un ancien musicien du groupe belge Vénus)
font partie intégrante du jeu. Alejandro Jodorowsky était présent pour la création de
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sa pièce ; on pouvait lire sur son visage sa satisfaction de l'interprétation grâce au
sourire malicieux qu'il arborait... Un spectacle magnifique, qui passe du rire aux
questions existentielles, et où la qualité de jeu des acteurs est surpassée par celle
des pantins !
L'Ecole des ventriloques, d'Alejandro Jodorowsky, à Bruxelles le 16 février à la
Balsamine et du 19 au 29 février au Théâtre Jean Vilar
http://arretsurinfo.over-blog.net/article-16649250.html
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5. Critique sur Plaisir d’offrir le 13/02/08
Illusion d’illusion ?
Muriel Hublet
Un corps tombe sur la scène.
Quatre personnages sombres s’approchent, le regardent, le scrutent, l’inspectent et
la silhouette commence à remuer lentement, à s’agiter, à bouger, mue par ces mains
discrètes.
Un effet saisissant, des gestes tout à faits réalistes créés à huit mains.
Un splendide lent ballet, un travail de précision inouï.
Le ton est donné, L’école des ventriloques va nous surprendre.
Surgi, Don Crespin, qui tel un mafioso, avec l’accent naturellement, poursuit les
intrus à coups de revolver.
La surprise vient là de l’aspect du bonhomme : une poupée en noir et blanc, presque
grandeur nature, qui se déplace au rythme des godillots de l’actrice Emmanuelle
Mathieu, qui manipule bras et tête.
Nous sommes dans une école d’un genre spécial.
Une école de ventriloquie où chaque manipulateur, chaque élève s’efface pour
devenir un personnage.
Ici ce sont les créations qui sont reines, qui gouvernent, qui font les règles.
Monde étrange dont on ne sait trop qui tire les ficelles, monde fou où l’anormalité
semble être la règle, où l’être humain est compacté, formaté, au profit de la
marionnette dont il devient le pantin.
Endroit amoral où un génie, un héros ou un ange n’ont pas place, incapables de
résister à la veulerie, au mensonge, à l’aveuglement, à la pornographie, au sexe à
outrance, …
Céleste (Fabrice Rodriguez), pauvre égaré n’y comprend rien et cherche bien plus
que sa voie dans ce dédale infini, dans cette réplique satirique de notre univers
déboussolé.
Alejandro Jodorowsky signe un magnifique conte, une fable réaliste et cruelle.
Il interpelle, il secoue les consciences au second degré en laissant de prime abord la
vue sur un univers défragmenté et tourmenté tout à fait kitch et bourré d’humour
(noir).
Au premier degré, on se laissera donc emporter par le talent créatif de Natacha
Belova et ses étranges lutins libidineux, le travail exigeant de manipulations réalisé
sous la houlette de Neville Tranter, la mise en scène inventive et déjantée de JeanMichel d’Hoop, la musique live de Pierre Jacqmin et l’audacieuse complicité de toute
une équipe (Cyril Briant, Sébastien Chollet, Anne Romain, Isabelle Wéry, Aurélie
Deloche, Xavier Lauwers) pour arriver à un résultat aussi bluffant.
La qualité du propos, son originalité, peut-être un peu outrancière pour les plus
prudes, ne manquera pas de séduire et qui sait de soulever la question Qui tire les
fils de qui ?
Qu’on y trouve une réponse ou pas, tout le monde se délectera de ce petit bijou de
fraîcheur glauque, d’ironie amère, de plaisir cynique, de cauchemar ludiques et
lubrique et de provocante audace.
http://www.plaisirdoffrir.be/Vu/Critique.php?recordID=4411
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6. Critique sur Cinémaniacs le 13/02/08
L’ECOLE DES VENTRILOQUES, un texte pour acteurs et marionnettes d’Alejandro
Jodorowsky !
Roger Simons
Un spectacle fantastique ! Un conte onirique ! Du jamais vu ! Un mélange
de fiction et de réalité ! Un texte rythmé et féroce ! Du Tim Burton avant la
lettre ! Du Grand Guignol !
Sept acteurs talentueux et leurs ventriloqueries.
Un spectacle de la Compagnie « Point Zéro » en coproduction avec le
Théâtre de la Balsamine et l’Atelier Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve),
mis en scène par Jean-Michel d’Hoop.
Superbement génial !
Don Crespin :Qu’est-ce que tu viens foutre ici ?
Céleste : Je n’avais pas de but précis, je fuyais les lumières. Ce sont elles qui m’ont
poussé à grimper la porte.
Don Crispin : Tu réalises maintenant, espèce de couille molle, que c’est à l’extérieur
que tu étais libre ? Ici tu ne pourras ni faire ce que tu veux, ni aller où ça te chante.
Cet endroit est plus sévère qu’une prison. C’est une putain d’école !
Céleste : Une école de quoi ?
Don Crispin : Tu y apprends à devenir ventriloque. Ta personnalité, cette tare fétide ,
se fond dans un pantin que tu fabriques toi-même et auquel tu fais entièrement don
de ton âme.
Alejandro Jodorowsky est né en février 1929 à Irique, petit bourg du nord du Chili. Il
vient de fêter ses 79 ans !
Jodorowsky a parcouru le Chili en tous sens avec son théâtre de marionnettes et a
quitté son pays à destination de la France en 1953 où il a commencé à forcer la
porte du mime Marceau pour qui il a écrit quelques-unes de ses plus célèbres
pantomimes .
Il a travaillé également avec Roland Topor et Fernando Arrabal.
Dix ans plus tard, il s’embarque pour le Mexique où il va rester huit années. Puis, il
revient en France, s’intéresse à la bande dessinée et à l’écriture de scénarios pour le
cinéma.
Un véritable touche-à-tout qui est aussi un spécialiste incontesté du Tarot de
Marseille, un maître de conférence anachronique où il invente le concept de psycho
magie et un écrivain de plus en plus assidu
… Et depuis, il n’a pas cessé de publier des romans, recueils de poèmes, pièces de
théâtre , ouvrages sur la pratique du Tarot divinatoire , scénarios de BD.
A près de quatre-vingts ans , « Jodo » comme on l’appelle dans l’intimité , n’a pas
fini de faire parler de lui…
Don Crispin : Merde, merde et triple merde , je t’ai dit de ne pas me donner du «
pantin » ! Donnes-toi des coups de tatane sur le citron, connard ! Allez ! C’est moi
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qui suis. Et celui qui me manipule n’est pas moi ! Il va falloir que ça te rentre dans le
crâne une fois pour toutes, sinon tu es perdu : tu te feras bouffer !
Céleste : Je te demande pardon.
Don Crispin : Ne me tutoie pas, sac à viande fétide !
Alejandro Jodorowsky : J’ai d’emblée vu en la marionnette une figure hautement
métaphysique. Tout d’abord, j’étais fasciné de voir un objet fabriqué de mes propres
mains. m’échapper. Dès que je mettais la main dans la marionnette pour l’animer, le
personnage se mettait à vivre de manière quasi autonome. J’assistais au déploiement
d’une personnalité inconnue comme si la poupée se servait de ma voix et de mes
mains pour prendre une identité qui lui était déjà propre Au lieu d’être un créateur, il
me semblait faire office de serviteur. Finalement, j’avais l’impression d’être dirigé,
manipulé par la poupée. Cette relation si profonde avec marionnettes a fait naître le
désir de devenir moi-même une marionnette, autrement dit un acteur de théâtre
(Extrait du « Théâtre de la guérison » -Alejandro Jodorowsky)
Il était présent à la première de « L’ECOLE DES VENTRILOQUES » mardi soir ,
souriant, décontracté , signant des autographes à qui en demandaient ! Un
personnage « bien vivant » et sympathique.
La salle du théâtre est pleine à craquer. Noir total durant quelques instants. Puis la
lumière éclate sur le plateau. Tombant des cintres avec une certaine violence, le
corps d’un homme. Et surgissent alors de curieux personnages… Vivants et…
Céleste, héros de cette folle aventure, tombe de nulle part dans une ruelle déserte.
Pris de panique, il se sauve et atterrit dans le jardin d’une école peu banale , «
L’école des ventriloques » , dirigée par le Sacro-Saint Directeur. Parachuté dans ce
monde parallèle où les marionnettes – véritables monstres- font la loi, il se démène
comme un beau diable pour trouver sa voie…La trouvera-t-il ?
(L’enfant ventriloque se met à hurler)
L’enfant : Gouyaaaaaah !
La mère : Vous le voyez Madame Cerbère, il a développé un caractère désobéissant,
il a tendance à la manipulation , il manque de contrôle émotionnel, il est impulsif , ne
maîtrise pas le langage , il ne sait que babiller. Quand je l’emmène à la messe, il fait
du scandale...Je n’arrive pas à le tenir.
Madame Cerbère : Ton lardon est un danger public. S’il n’obéit pas aujourd’hui,
demain il mettra des bombes à tous les coins de rue. Psychothérapie obligatoire ! (
au père) Donne-lui sept coups de matraque paternelle !
Oui, un conte onirique au confluent du rêve et de la réalité qui nous plonge dans
l’œuvre d’un visionnaire provocateur, Alejandro Jodorowsky.
Un univers déjanté et ludique !Une verdeur de langage qui transgresse toutes les
règles connues par le truchement de la marionnette.
Un conte philosophique qui nous fait peur, aux frontières du rire , là où la tragédie
humaine devient grotesque.Un univers proche de ceux de Burton, Kafka et Orwell,
où des acteurs manipulent des pantins de taille humaine…À moins que ce ne soit le
contraire !
Un spectacle évènementiel aux nombreuses et redoutables péripéties ! Des rêves
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cauchemardesques !
Le Saint : Je les bénis tous , les bons et les méchants , le lion et l’agneau, le
poignard et la plaie , l’encens et la gale. Je bénis le roi et je bénis les puces. Je bénis
les vierges et les nymphomanes, les pets et le tonnerre, la clarté du jour et la nuit
sans lune. Je bénis la tête et je bénis aussi les pieds…
L’équipe de « Point Zéro » ( en résidence au Théâtre de la Balsamine): Nous avions
un sujet et des envies. Nous cherchions un auteur. Alejandro Jodorowsky est apparu
comme une évidence. Nous avions déjà monté l’une de ses oeuvres : « Opéra
Panique ». C’était au Théâtre des Martyrs. en 2004.
Nous connaissions donc l’œuvre et l’homme. Il avait assisté à la première
représentation de notre spectacle et avait apprécié notre travail. Très vite, nous
avons trouvé des points communs entre nos recherches respectives. Des envies sur
le plan de l’esthétique et des codes de jeux : utilisation de mannequins et/ou
marionnettes, une écriture à la frontière de l’absurde , de la dérision et flirtant même
avec le théâtre épique , une langue suggérant plusieurs niveaux de lecture , un
théâtre loin de toute psychologie , la poésie et l’humour comme refuge , comme
exutoire de nos angoisses existentielles
Saint : Mes frères et mes soeurs , c’est seulement en acceptant la souffrance qu’on
parvient à la conscience !
Manchot : Si c’est comme ça que tu vois les choses, alors accepte que ces poings
que tu m’as donnés te rouent de coups. (frappant) Tiens ça t’apprendra à te mêler
de ce qui ne te regarde pas !
Saint : Tes coups, c’est Dieu qui me les donne pour briser mon orgueil. Merci.
L’équipe de « Point Zéro » : L’ECOLE DES VENTRILOQUES , n’est-ce pas une école
de théâtre, d’art dramatique, une école où l’on apprend à jouer ? N’est-ce pas aussi
une métaphore sur notre société qui voudrait formater l’individu sous le rouleau
compresseur de l’uniformité pour en faire des citoyens modèles, des agents
économiques rentables, calmes et dociles, facilement manipulables…Comme des
pantins , des individus qui auraient perdu leur langage propre ?
Jean-Michel d’Hoop ( metteur en scène ) : Mais ce doit être avant toute chose une
comédie , une comédie grinçante , une comédie dans un univers froid , inquiétant ,
oppressant , une comédie métaphysique , une comédie – comme vous l’avez
souligné – à la fois onirique et drôle qui doit aborder – l’air de rien – des questions
universelles et existentielles. . Nous n’avons pas voulu travailler dans l’imitation de la
réalité mais au contraire, inventer des situations imaginaires permettant au
spectateur de rêver d’abord, et de créer avec ce rêve un faisceau d’interrogations
excitations qui peuvent lui donner envie d’ouvrir de nouvelles portes.
J’ajouterai que je vois cette pièce comme un combat : le combat intellectuel d’abord
et physique ensuite que se livre l’homme avec le personnage de Céleste pour se
débarrasser de l’homme ou si vous préférez de sa condition d’homme , de la
pesanteur comme métaphore de la mort.
Céleste veut voler l’homme, veut échapper à sa fin , voudrait être Dieu, voudrait être
libre , l’homme alors que tout ici-bas l’enchaîne , l’emprisonne. Alors, il invente la foi,
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la poésie et les marionnettes !
Nonelle : Silence, s’il vous plaît ! Ici, être libre c’est obéir à la Loi. Soyez raisonnables.
Soumettez-vous : il n’y a pas d’autre issue. Jouez le jeu…Choisissez un autre pantin…
Céleste : Une marionnette méprisable comme celles des autres esclaves ?
Jean-Michel d’Hoop( metteur en scène) : Qui manipule qui ? Quel est le point de
fusion entre le personnage et l’acteur ? Quelle est la liberté d’action du personnage
et quelle est celle de l’acteur ? Le personnage de Céleste porte peut-être en lui la
somme de tous les acteurs qui lui ont prêté voix. Cela dit , les acteurs ne font-ils que
prêter voix au personnage ? Acteurs et poupées ventriloques , serait-ce la même
chose ? L’espace d’une représentation, d’une vie ?
Génie : Je suis le suprême tamis. Laisse-moi éliminer l’impureté de ton torrent
nauséabond , pour n’en garder que le glorieux !
Un énorme et passionnant travail pour toute l’équipe qui a pris deux ans de vie,
d’entraînement, de mise au point , de répétitions intenses !
Jean-Michel d’Hoop (metteur en scène) : Nous n’y connaissions rien en marionnettes.
Nous avons dû nous former et suivre des stages. Il a fallu aussi imaginer et fabriquer
des marionnettes adéquates à l’histoire. Toute la pièce est basée sur la relation entre
l’acteur et la marionnette. Il s’agissait d’arriver à donner vie à un corps inanimé.
Génie : Je sais : tu me donnes la vie. Moi, je donnerai vie à mon âme…
L’ensemble du spectacle fonctionne sur des axes de regards, l’acteur regardant la
marionnette, la marionnette regardant l’acteur. De véritables partenaires où l’acteur
est quelque peu l’esclave de ces marionnettes monstres.
Fabrice Rodriguez (Céleste) : C’est vrai ! Nos marionnettes à chacun sont nos
partenaires de jeux. Nous devons leur donner toute notre énergie.
C’est le regard que nous leur portons qui les rend vivantes et font croire qu’elles vont
parler !
C’est exactement ce que j’ai ressenti en voyant le spectacle l’autre soir à la
Balsamine.
Les marionnettes ont été conçues par « impression sur tissus», ce qui leur donne un
reflet de peau d’humain et plus particulièrement le visage. Et chaque marionnette a
d’ailleurs été fabriquée à partir du visage de l’acteur.
Et il y en a beaucoup de marionnettes gigantesques pour représenter tous les
personnages de la pièce que ce soit le paralytique, le général, la bossue, la femme
aux gros seins , la lépreuse , le manchot , l’académicien, etc.
Natacha Belova est la créatrice non seulement de ces marionnettes mais aussi de
leurs costumes Extraordinaire !
L’académicien : On n’a jamais vu rien de semblable…Un pantin manipulant une
marionnette…C’est scandaleux
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La Juge : Avons-nous le droit, nous pantins de manipuler ?
Général : En aucune façon, nous sommes les maîtres, non les esclaves !
Génie : Taisez-vous cloaques, et écoutez parler mon âme ! En elle, pas de
compromissions, pas de limites, pas de rigidités morales
Cardinal : Péché mortel ! C’est un scandale ! Je demande qu’on fasse venir Don
Crispin afin qu’il applique sans ménagement notre dure loi !
C’est formidable de voir évoluer sur la grande scène de la Balsamine (et tout bientôt
sur celle de l’Atelier Théâtre Jean Vilar) ces sept artistes qui manipulent avec
dextérité leurs énormes « partenaires –pantins » à qui ils prêtent leur voix .Ainsi des
dialogues étonnants s’établissent entre :
Cyril Briant (l’acteur) et Jules, Peppa, l’enfant, le paralytique, le généralSébastien Chollet et le père, le manchot, l’académicienPierre Jacqmin et l’Homme MusiqueEmmanuelle Mathieu et Don Crispin , la bossue, le cardinalFabrice Rodriguez :: Céleste, le hérosAnne Romain et Julia, Peppé, la mère, la lépreuse, la jugeIsabelle Wéry et Nonelle, Madame Cerbère
Ils virevoltent de gauche à droite , sortant à gauche avec telle marionnette , rentrant
de droite avec une autre. Ils se déplacent dans un rythme démentiel, criant, collant
leur marionnette à leur corps qui ne forme plus qu’une seule et même personne.
Surprenant !
Ils méritent tous les sept nos bravos les plus chaleureux...
Mais je veux nommer également toute l’équipe technique, impeccable chacun dans
sa spécialité :
les quatre scénographes : Aurélie Deloche , Natacha Belova, Michel Hébert , JeanMichel d’Hoop
le créateur des lumières : Xavier Lauwers
L’assistante à la mise en scène : Coralie Vanderlinden
Les cinq assistantes pour les costumes et marionnettes : : Aurélie Borremans,
Sandrine Calmant, Emilie Plazolles, Françoise VanThienen et Geneviève Periat
Les interventions Video ( remarquable) : Michel Hébert
La musique et son interprétation : Pierre Jacqmin
Et bien entendu le metteur en scène talentueux et d’une belle modestie : Jean-Michel
d’Hoop.
Génie : Si vous détruisez mon âme , c’est moi que vous détruisez !
Cardinal : Ton « âme » est un démon qui te précipite en enfer ! Arrachez-lui les ailes
!
POINT ZERO a toujours voulu privilégier la recherche d’auteurs trop peu présents sur
nos scènes et qui méritaient de l’être !
Ce collectif d’artistes formé en 1993 entend toujours remettre en question la
méthode de travail elle-même.
Jean-Michel d’Hoop : Nous abordons chaque projet avec l’a priori que chaque texte
nécessite une démarche artistique singulière.
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Au-delà des questions qui nous semblent essentielles à poser via notre art , nous
pensons qu’il est indispensable d’interroger le langage lui-même.
S’il fallait tisser un fil dramaturgique entre nos spectacles , il serai tendu entre un
univers onirique et la réalité crue ; il nous emmènerait certainement aux frontières
du rire , là où la tragédie humaine devient grotesque.
Céleste : Aaaaarh ! Poupée de merde ! Illusion ! Rends-moi ma volonté !..Hors d’ici
démon !
(Extraits de « L’école des ventriloques » d’Alejandro Jodorowsky - texte français de
Brontis Jodorowsky, publié aux Editions BOOKLEG, ainsi que de propos publiés dans
le programme du théâtre)
http://theatre.cinemaniacs.be/theatre2.php?id=1715
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