doc oignons:Mise en page 1 - La Ferme de Sainte Marthe

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doc oignons:Mise en page 1 - La Ferme de Sainte Marthe
Le légume du mois
La farandole
DES OIGNONS
C’est sous forme de bulbilles à planter que la grande majorité des
jardiniers amateurs cultive maintenant les oignons (Allium cepa L.). Ce
stade de développement de la plante permettant effectivement de s’éviter
les longs et fastidieux désherbages des premières semaines. Si cela
présente des avantages, l’inconvénient majeur lui n’est pas des moindres :
combien de variétés sont disponibles sous forme de bulbilles à planter ?
Sans vouloir exagérer, je pense que l’essentiel des distributeurs n’arrive
qu’à grand peine à en aligner cinq, quand des dizaines existent en
graines. Ce dossier est donc l’occasion de faire un gros plan sur une
espèce cultivée depuis quasiment les origines de l’agriculture,
pleine de surprises et de diversité.
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reste. Xénophon, Aristophane y font
allusion dans leurs œuvres. Ses propriétés lacrymales ne leur ayant pas
échappé, l’oignon symbolisait alors la
souffrance. A Rome, c’est d’ailleurs
pour les basses classes qu’on le cultive : son goût prononcé, son odeur
forte, mais également l’haleine qui
accompagne une forte consommation de cette alliacée ne prédisposait
pas les nobles palais aristocratiques à
s’en délecter…
Si le Moyen Age fut une période des
plus sombres pour nos chers légumes
au sens moderne du terme, nombre
de ceux cultivés durant l’antiquité
ayant été abandonnés au profit des
céréales, de quelques légumineuses
et des cueillettes de disette, soigneusement emmitouflé dans ses nombreuses peaux, pareil aux chevaliers
en armure de ces temps anciens,
notre oignon triomphe et continue à
s’imposer dans les champs et courtils
médiévaux. Plusieurs variétés étaient
même fréquemment cultivées. Une
des plus réputées de l’époque fut
sans conteste l’oignon de Corbeil,
plusieurs fois cité dans les textes officiels et fabliaux du moment. On le
retrouve même dans l’expression
populaire « Rouge comme un oignon
de Corbeil », indiscutable signe de
succès de cette plante. Taillevent,
Platine, le Ménagier de Paris, tous
évoquent et font l’apologie des
oignons, ainsi cet autre dicton en
témoigne : « Si tu te trouves sans
chapon sois content de pain et d’oignon ».
Un peu d’histoire
C’est à la haute altitude des plateaux
iraniens que l’oignon prend sa source
sauvage. Très rapidement, son utilité
alimentaire s’imposant quasiment
d’emblée, il migre de régions en
régions. Connu et vénéré dans la très
haute antiquité égyptienne, nombre
de bas reliefs le représentent, lui attribuant des propriétés sacrées, les
égyptiens d’alors allant même jusqu’à
le déifier. Viatique des plus précieux,
on trouva même dans la main desséchée d’une momie le précieux bulbe.
Un peu plus tard, la Bible elle-même
fait allusion au manque provoqué par
la perte des oignons que ressentirent
les Hébreux lors de leur fuite
d’Egypte. Grecs et Romains en cultivateurs extrêmement compétents
qu’ils étaient n’étaient bien sûr pas en
Un légume tant apprécié, dont la culture ne connut d’interruption au gré
de l’histoire, fut logiquement décliné
sous de nombreuses formes au gré
des régions où on le cultive. En
1904, dans leur ouvrage de référence Les plantes potagères,
Vilmorin et Andrieux décrivent
35 variétés sûres, et en énoncent
35 autres en cours de classification.
Quand je disais en guise de préambule que les bulbilles n’avaient pas
que des avantages…
Faut-il aimer
souffrir !
Qui n’a pas encore pleuré à chaudes
et curieusement très piquantes
larmes en coupant des oignons ?
Comment se fait-il que ce bulbe, qu’il
soit bien rond ou allongé, en tous cas
de forme bien innocente quand il est
juste posé sur la planche à découper,
se transforme en impitoyable adver-
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saire pour peu que la lame du couteau le pénètre ? Nombre d’alliacées
contiennent bien renfermés à l’abri
de leurs cellules des composés chimiques sulfurés : les sulfures d’alkyle.
Tant que leurs cellules restent
intactes tout va pour le mieux, à partir du moment où elles sont endommagées, ces précurseurs chimiques
interagissent avec l’alliinase, un
enzyme capable de les rendre volatiles. De la planche à découper à nos
yeux, les quelques dizaines de centimètres les séparant sont vite franchis… A chacun ses astuces : lunettes
de vue, de soleil, masque à souder
(non, là j’exagère…) ou plus simplement un filet d’eau courante, tous les
moyens sont bons. Pour ma part, je
trouve qu’un couteau bien affûté permet de nettement raccourcir le temps
nécessaire à l’opération.
Si comme nombre de légumes les
oignons sont essentiellement composés d’eau (environ 80%) ils n’en ont
pas pour le moins de nombreuses
vertus, la première étant bien sûr
d’indéniables propriétés diurétiques,
presque « nettoyantes ». La célèbre
soupe à l’oignon, traditionnelle
conclusion de banquets trop riches et
arrosés n’étant pas due au simple fait
du hasard.
Si le Moyen
Age fut une
période des
plus sombres
pour nos chers
légumes au
sens moderne
du terme,
pareil aux
chevaliers en
armure de ces
temps anciens,
notre oignon
triomphe et
continue à
s’imposer dans
les champs
et courtils
médiévaux.
Le légume du mois
Un oignon pour Noël.
Dans l’ouest de la France
subsiste une tradition un
peu sévère peut-être. Si les
enfants sages se voyaient
récompensés par une
orange, les plus
désobéissants ne trouvaient
eux dans leurs chaussons
qu’un oignon ! Avaient-ils le
droit de pleurer en
l’épluchant ? Gageons que
les larmes devaient être
amères…
Variétés pour
récolte primeur
Blanc de Paris
Extra hâtif de Barletta
Proches de nous, de nombreux
ouvriers du bâtiment originaires
d’Italie témoignent de ce repas du
midi qui paraîtrait maintenant bien
frugal à nos estomacs de travailleurs
pourtant sédentaires mais tellement
suralimentés : un morceau de pain et
un oignon suffisaient (bien malgré
eux) à composer l’ordinaire de ces
travailleurs de force. Gageons qu’ils
connaissaient moins de problème de
surpoids, de cholestérol et de diabète
que ceux que nous commençons à
rencontrer. Qu’il est difficile de trouVariétés pour récolte
de conservation
Jaune paille des vertus
Lézignan
Long white Koshigaya
Rouge de Brunswick
Rouge long de Florence
Sturon
Type Trébons
ver un juste milieu pour quelque
chose d’aussi essentiel que l’alimentation !
Graines ou
bulbilles,
les variétés ne
manquent pas.
En plantation d’automne ou de printemps, la mise en place des bulbilles
ne pose pas de difficulté. Celles-ci
sont enfoncées quasi totalement tous
les 15-20 cm en rangs distants de
35 cm.
Date de semis
ou plantation
15 août au 15 septembre
15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
15 août au 15 septembre
ou 15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
15 février au 15 mars
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Le semis est un peu plus problématique s’il est effectué en pleine terre.
Semés en fin d’hiver ou d’été, leur
germination assez lente impose de
bien contrôler l’enherbement. Une
pépinière envahie d’herbes fournissant des sujets maigres et étiolés à
repiquer en place. Cependant, il est
bien rare qu’un jardinier amateur ait
besoin de plusieurs mètres de pépinière. Le semis en terrine est alors
idéal. Que ce soient de simples caissettes à poissons en polystyrène ou
même des jardinières remplies de ter-
Caractéristiques
Petit oignon blanc précoce
Se récolte en 2 mois ! Superbe petit bulbe blanc
à confire ou cuire en jardinière
Bulbe moyen. Très bonne conservation.
Gros bulbe jaune aplati à chair très douce.
Superbe oignon tige idéal pour les consommations
primeur, entre oignon et ciboule
Bulbe rouge moyen. Très bonne conservation.
Très long bulbe au goût très doux. Ne se conserve pas.
Gros bulbe rond et allongé jaune cuivré.
Très bonne conservation
Bulbe blond très allongé. Très doux et sucré.
Conservation courte.
reau, donc exemptes d’herbes,
1 mètre linéaire de semis fournit
entre 80 et 100 oignons à planter !
Cette méthode permet sans d’autres
efforts que de veiller à maintenir un
arrosage suffisant, d’être autonome
quant au choix de ses variétés.
Quand les plants font environ 0,5 cm
de diamètre, en général un bon mois
après le semis, ils sont alors repiqués
en place aux mêmes distances que
les bulbilles.
Cette technique très pratique n’empêche pas bien sûr de planter également quelques bulbilles, toujours
plus promptes à mûrir.
Les cultiver
De manière générale, les oignons
apprécient les terres légères, à tendance calcaire ayant connu une
fumure ancienne. Un enrichissement
trop récent du sol favorisera la pourriture des bulbes soit en terre si l’année est humide, soit lors de leur
conservation. Ceci ne signifie pas
qu’il leur faut une terre pauvre,
n’ayant jamais connu les plaisirs du
fumier ou du compost maison : celuici doit dater d’au moins une année.
Ils sauront s’en contenter.
Incontestablement comme nombre
d’alliacées, les oignons redoutent les
excès d’humidité, tellement fréquents
dans les terres argileuses, soit environ
75 % des sols français. La culture sur
buttes ou billons est vraiment idéale,
le drainage se faisant naturellement,
l’eau remontant par capillarité en
sommet de butte suffit largement à
les alimenter.
Comme tous les légumes, les arroser
copieusement les fera immanquablement gagner en calibre de façon tout
à fait spectaculaire dans un premier
temps. Dans un second temps, ils
pourriront de manière tout aussi
spectaculaire lors de la conservation
hivernale. C’est un choix tout à fait
personnel, et plutôt qu’une irrigation
plus ou moins bien contrôlée, je préfère m’abstenir de tout arrosage.
Comme pour de nombreux bulbes,
le jaunissement du feuillage est le
signe de maturité de cet organe de
réserve. On peut le hâter en couchant les feuilles au sol avec le dos
d’un râteau par exemple. Les oignons
sont ensuite arrachés par temps sec
et laissés à ressuyer sur le terrain pendant 48 h au moins, avant d’être stockés dans un lieu sec, ventilé et hors
gel. Très décoratif, les lier en bottes
suspendues est de plus très efficace.
Plus pragmatique, les étaler dans une
cagette en conservant les fanes pour
garantir une aération supplémentaire
et n’éplucher qu’au fur et à mesure
des besoins est une des techniques
les plus fréquentes.
Les indésirables
Les oignons ne sont pas à proprement parler une culture fragile,
cependant quelques mésaventures
peuvent subvenir.
Du côté des insectes, par temps sec
et chaud, la mouche de l’oignon, ressemblant à la petite mouche commune domestique, un peu plus
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mince néanmoins, pond et dépose
ses larves dans les bulbes des jeunes
oignons. Quand elles éclosent,
celles-ci commencent à dévorer les
bulbes, provoquant rapidement un
dépérissement et un jaunissement du
feuillage. Les moyens de lutte sont
divers : dans un premier temps arracher les plantes atteintes et les brûler
systématiquement en veillant bien à
ce qu’il n’y ait plus de larves sur le
sol. Préventivement, des semis de
persil intercalés entre les rangs l’éloignerait assez efficacement. En cas de
forte infestation, un insecticide biologique peut s’avérer nécessaire.
Etymologie
A l’origine les oignons sont
désignés sous le nom caepa
dont dérivent les mots
cèbes, cébettes et nombre
de noms européens. C’est
Columelle qui voulant bien
préciser que les oignons
n’ont qu’un bulbe unique
préféra le mot unio, à
l’origine de notre oignon.
Le légume du mois
Comment cuire
les oignons
Voici la recette du Ménagier
de Paris écrit à la fin du
XIVe siècle. « Dans l’eau
longuement avant de mettre
les pois, et jusqu’à ce que
l’eau soit toute dissipée à la
cuisson. Puis on met du
bouillon de légume pour
finir de les cuire et enlever
le goût de l’eau. »
A essayer…
Cuivrés, ronds,
blancs,
allongés,
rouges,
aplatis,
les oignons
se déclinent en
de multiples
formes, toutes
se prêtant à
des usages
différents.
Caractéristiques des sols ou années
humides, certaines maladies cryptogamiques (causées par des champignons) peuvent s’avérer redoutables.
S’attaquant au feuillage puis détériorant les bulbes, il existe un mildiou
des oignons. Quelques épandages de
lithotamme ou de maël préventivement, une culture sur buttes bien
aérée, avec des distances importantes
entre plants et rangs sont le premier
barrage efficace à ce champignon.
Un ou deux passages de cuivre
(bouillie bordelaise en général) sont
parfois nécessaires mais à limiter au
maximum. Nettement plus dramatiques, évitables uniquement en respectant soigneusement de longues
rotations, les fusarioses et sclerotinias
sont néanmoins heureusement peu
fréquents.
Cuivrés, ronds, blancs, allongés,
rouges, aplatis, les oignons se déclinent en de multiples formes, toutes
ces variétés se prêtant à des usages
différents. Délicieux au printemps
dans les jardinières, les petits oignons
blancs nous régalent par leur fraîcheur. Idéaux dans les premières
salades de crudités, les oignons tiges
ou les oignons rouges allongés sont
un délice de fraîcheur. Tout l’hiver,
les gros oignons rouges et jaunes de
conservation sont indispensables à
nombre de plats mijotés. Bref autant
de variétés qu’il y a d’usages. Il serait
vraiment dommage de s’en priver par
méconnaissance des techniques de
semis, encore une fois beaucoup plus
simples qu’il n’y paraît.
Dossier réalisé par Xavier Mathias,
Photos Georges Thévenot
et Marie Coutable.
Ludique et productif
Il peut être amusant et surtout très
productif de « faire » soi-même ses
bulbilles à planter. Le semis se fait en
mars-avril avec des variétés de
bonne conservation comme le
« Jaune de Mulhouse », le « Rouge de
Brunswick », le « Jaune paille des
vertus », etc. On le fait en pleine terre
en conservant un plant tous les 2 cm,
les bulbilles sont arrachées en juillet
en ayant soin de ne garder que celles
d’un diamètre inférieur à 2 cm.
Conservées au sec elles seront
plantées au printemps suivant.
Bibliographie
Le courtil des gourmets V. Albouy Editions du Terran
Le guide du jardinage biologique. JP Thorez.
Tous les légumes V. Renaud. Editions Ulmer.
Histoires de légumes des origines à l’orée du XXIe siècle. Michel Pitrat et Claude
Foury, coord. INRA éditions.
Le potager plaisir. JP. Coffe. Editions Plon.
Les plantes potagères Vilmorin et Andrieux.
Ravageurs et maladies au jardin Otto Schmid et Sylvia Hengeller éditions Terre
vivante.
La cuisine des légumes Christine McFadden et Mickaël Michaud. Editions KL
Légumes R.Phillips et M.Rixx La maison rustique.
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