penserlaville - Espace Culture
Transcription
penserlaville - Espace Culture
n° 24 L e j o u r n a l c u l t u r e l d e l ' U n i v e r s i t é d e s S c i e n c e s & Te c h n o l o g i e s d e L i l l e “La modernité est ce qui reparaît sous tous les étouffements” Henri MESHONNIC - Modernité, Modernité - 1988 MAI JUIN ÉCHOS CITÉ... Parution d’un nouvel ouvrage dans la collection “Les Rendez-vous d’Archimède” Projet étudiant : les médias en question Image extraite du documentaire vidéo “Architecture et écriture, 2000 RÉFLEXION-DÉBAT passerelles dans la ville” - détails p18-19 La Souveraineté Pour une nouvelle culture urbaine La ville à deux vitesses PLATEFORME DES ARTISTES Le Théâtre et la représentation de la guerre Autour du labyrinthe DOCUMENTAIRES Vidéo PRATIQUES ARTISTIQUES Danse - Théâtre À LIRE Jean-Pierre Luminet Hans-Georg Gadamer DOSSIER n° 2 : PENSER LA VILLE L A V I L L E : E S PA C E E T L I B E R T É P O U R U N E N O U V E L L E C U LT U R E U R B A I N E LA VILLE RENOUVELÉE, UN DÉFI À RELEVER QUELLE VILLE POUR DEMAIN ? L E S P O L I T I Q U E S D E L A V I L L E D U C Ô T É D E S H A B I TA N T S ADIEU BARNES par Nabil el HAGGAR, Vice-Président de l’USTL, chargé de la Culture EDITO Q 2 uand la constitution d'un État permet la mise à mort d'un humain, même coupable, la barbarie est alors au sommet de l'État. Quand la course aux exécutions capitales dope "la bourse politique", le dégoût et la révolte submergent alors la politique. Quand la violence souveraine de la justice est génératrice d'une violence sociale, culturelle et morale, aucun indicateur n'est alors en mesure d'en évaluer la portée. Quand la démocratie est incapable de faire face au mal politique, la souveraineté est alors un mal à combattre. La mise à mort d'Odell Barnes, survenue le premier mars dernier au Texas, est une illustration parfaite de la quadruple "barbarie légitime". Celle d'avoir ôté la vie à un homme, celle de n’avoir pas voulu réviser un procès sur lequel le doute pesait lourdement, celle d'un gouverneur pour qui la vie d'un homme ne fait pas le poids face aux sondages et enfin la barbarie de la masse, que l'on nomme “opinion”, qui soutient et encourage des pratiques d'un autre âge. Le cas Barnes, il faut plutôt dire l'exécution de Barnes, se pose à nous et à notre conscience à un moment où le politique et le bien commun sont à l'ordre du jour des rendez-vous d'Archimède. Tout d'abord, la peine de mort, c’est ôter, au nom de la justice légitime et souveraine, la vie à un humain. Au-delà de toute considération morale, cette justice met en scène À part les classiques actes de résistance (par exemple le boycott des entreprises qui sponsorisent la campagne électorale de G. Bush) et l'établissement d'un hypothétique rapport de forces, ne faut-il pas inventer de nouveaux principes et des mécanismes novateurs qui dépoussiéreraient notre vieille Démocratie. Cultiver la "Polis" et spiritualiser la politique : ce peut être une voie qui permettrait de répondre à ce paradoxe qui met face à face majorité et minorité. le pouvoir suprême exécutant l'acte irréversible. Ensuite, la transcendance de la loi à laquelle s'ajoute l'entêtement de la justice, en Amérique ou ailleurs, conduisent à d'éventuelles erreurs judiciaires. La vérité est supposée établie. L'irrévocabilité du jugement, conduisant à des injustices irréparables, est une chose insupportable. Enfin, le peuple est souverain en démocratie. Que signifie alors la popularité de la peine de mort ? En effet, aucun dirigeant américain ne se risquerait à surseoir à l’exécution d'un condamné sachant que 70% des Américains sont pour la peine de mort ! Cela confirme, sur les plans politique et culturel, les faiblesses des grandes Démocraties et leurs difficultés à évoluer entre représentation populaire et progrès de la culture démocratique. Par conséquent, que devient la Démocratie d'une majorité dans l'erreur ? Quels sont les moyens dont dispose la minorité pour faire évoluer le positionnement collectif ? Directeur de la publication : Directeur de la rédaction : Rédaction - Réalisation : Dessins : Réalisation - Impression : Jacques DUVEAU Nabil el HAGGAR Isabelle KUSTOSZ Delphine POIRETTE Edith DELBARGE Corinne JOUANNIC Ulrika LOLLIOT Rémy WALLE Robert RAPILLY USTL A3 ISSN : 1254 - 9185 Ont collaboré à ce numéro Pierre BEHAGUE Rudolph BKOUCHE Jean-Paul DELAHAYE Catherine LEFRANÇOIS Michel PARREAU Jean-François REY PARUTION D’UN NOUVEL OUVRAGE EN MAI 2000 COLLECTION LES RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE “L’ÉCOLE ENTRE UTOPIE ET RÉALITÉ “ Sous la direction de Rudolf BKOUCHE, professeur de mathématiques à l’USTL et de Jacques DUFRESNE, directeur adjoint de l’EUDIL et membre du Cercle Condorcet de Lille. L es premiers débats sur l’Ecole eurent lieu en France vers 1760 après la fermeture des collèges tenus par les jésuites. Depuis, ils n’ont jamais cessé d’exister, chaque époque essayant d’apporter des réponses quant à la forme et aux modalités de l’enseignement, quant aux contenus des programmes et à la nature des publics visés, quant aux missions de l’Ecole et au rôle de l’Etat. Les idées des pédagogues, les propositions des politiques ne manquent pas et pourtant, depuis quelques décennies, toutes les réformes de l’Education Nationale laissent un sentiment d’échec et donnent dans l’opinion publique l’impression de ne pas être à la hauteur des défis à relever. Le cycle de conférences sur l’Ecole, organisé dans le cadre des "Rendez-vous d’Archimède", a tenté d’éclaircir ce paradoxe par une série de regards croisés sur la place des transmissions des savoirs, la démocratisation de l’enseignement, les missions et les finalités de l’Ecole. ÉCHOS CITÉ Partie II : DÉMOCRATIE DE L’ENSEIGNEMENt L’enseignement primaire supérieur de la troisième République et la démocratisation de l’enseignement par Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie Gérer le pluralisme en éducation ? par Jean Houssaye Partie III : MISSIONS ET FINALITÉS DE L’ÉCOLe Les valeurs à l’école par François Dubet Citoyenneté et laïcité par Joël Roman La laïcité aujourd’hui par Jean Bauberot S OMMA IR e Partie I : LA PLACE DES TRANSMISSIONS DES SAVOIRs La place des savoirs à l’école et leur transmission par Catherine Kintzler Enseigner n’est pas une science ; enseigner est un art par Danièle Sallenave Sur quelles valeurs communes l’entreprise et l’école peuvent-elles se retrouver ? par Bertrand Schwartz 3 S o m m a i r e 3-5 ÉCHOS CITÉ 6-7 RÉFLEXION-DÉBAT 8 PLATEFORME DES ARTISTES 9-16 DOSSIER N°2 : PENSER LA VILLE 17 À LIRE 18-19 DOCUMENTAIRES 20-21 PRATIQUES ARTISTIQUES Les ateliers s’affichent 2000 - 2° partie 22-23 À LIRE Collection Les Rendez-vous d’Archimède : nouvelle parution Projet Étudiant : les médias en question Jean-Pierre Luminet Architecture et écriture, passerelles dans la ville Hans-Georg Gadamer FORUM FNAC à Lille à l’occasion de la sortie de l’ouvrage “EMPLOI ET TRAVAIL : REGARDS CROISÉS” en présence de Jacques DUVEAU, Jeudi 11 MAI 2000 président de l’USTL, à 17h30 Nabil el HAGGAR, Vice-président de l’USTL, EntrŽeLibre chargé de la Culture et Jean GADREY, directeur de l’ouvrage et économiste à l’USTL Collection “Les Rendez-vous d’Archimède” EMPLOI ET TRAVAIL regards croisés SPIRITUALITÉS DU TEMPS PRÉSENT fragments d’une analyse, jalons pour une recherche ALTÉRITÉS entre visible et invisible ÉCHOS CITÉ LA MÉDITERRANÉE DES FEMMES Ces ouvrages sont en vente à l’USTL Culture et à la FNAC et à votre disposition à la Bibliothèque Universitaire de l’USTL QUESTIONS DE DÉVELOPPEMENT Entrée libre 26 avril et 10 mai Tarifs préférentiels Avec le soutien de l’USTL Culture, du service Vie Sociale de l’Étudiant et du CROUS de Lille. Les médias en question nouvelles approches et enjeux étudiants de l’USTL A.C.C.E.S. Conférences Cinéma représentations et concepts de la nature LE GÉOGRAPHE ET LES FRONTIÈRES le s p r o je t s 3 et 4 mai 4 ENVIRONNEMENT D Association pour la Culture et le Contact des Étudiants en Sociologie - Elise Carton, Mathieu Cooren, Philippe Van Assche, étudiants en sociologie. Idées à coudre Association dont le but est de partager et discuter des informations et des réflexions utiles pour bâtir le monde dans lequel nous pourrions tous nous épanouir Jessy Cormont, étudiant en histoire/sociologie à Lille III Florent Jardoux, I.E.P. prépa. epuis les années 60, l’activité de journaliste s’est professionnalisée. Comme dans tout processus de ce type, elle a cherché à trouver l’indépendance indispensable à la légitimité sui generis de la construction de son identité. Cette quête devait aboutir à une distanciation nette avec les organes politiques qui autrefois bâillonnaient l’exercice du métier. Or, si le cordon ombilical fût officiellement coupé, le bébé semble plus que jamais présent dans les entrailles du système. Les liens entre les médias dominants et la politique n’ont pas disparu, bien au contraire, ils y ont simplement changé de nature et les premiers ont pris une place de choix au sein d’un réseau de pouvoir qui s’est fortement complexifié. Dans cette configuration réticulaire, les journalistes les plus populaires jouent le rôle pernicieux de metteur en scène de la vie publique, rôle clef dans une société démocratique où le pouvoir passe par des luttes symboliques, celles de "faire voir" ou de "faire croire" à un monde tel qu’on le perçoit ou qu’on le désire. La grande perversité de cette position de force réside paradoxalement dans son apparente modestie, celle de n’être que la simple vitrine de la réalité, celle de l’illusion d’une réalité telle qu’elle est et non telle que les rapporteurs la perçoivent. Sous couvert d’analyse objective, certains journalistes et leurs sous-fifres paraissent aux yeux du monde distiller des informations neutres de tous points de vue (ils seraient donc les seuls à posséder ce pouvoir tant recherché dans les sciences, particulièrement dans les sciences humaines et sociales !). Par un tour de main incroyable, ils ont réussi à faire croire à une majeure partie de la population que la réalité des faits transcende leurs discours, oubliant au passage que dire quelque chose de quelque chose, c’est déjà dire autre chose et que la façon de le dire produit déjà du sens. En avoir conscience est la condition sine qua non de l’objectivité tant recherchée. Or les journalistes des médias de grande diffusion ne semblent pas prêts à discuter de leurs positionnements par rapport à l’information qu’ils divulguent, se satisfaisant de leur statut de "Mahomet du fait social" qu’ils se sont octroyé. Sans incriminer tous les journalistes, ni toutes les formes de journalisme - au contraire - nous voudrions nous interroger sur certaines pratiques. Plus généralement, nous aimerions porter une analyse critique sur ce nouveau réseau dirigeant (diri-giste ?) qui, "sans scandale ni trompette", nous livre sa propre vision du monde devenue, par la force des choses, celle du plus grand nombre et en dehors de laquelle il s’impose qu’il n’existe point de salut. La démocratie, le pouvoir du peuple, cette quête incessante ne subit-elle pas, à travers ce système économico-politico-médiatique, une atteinte d’un nouveau type qui, une fois encore, nous ferait subrepticement nous tourner vers l’obscure démagogie, cet art de mener le peuple particulièrement en captant sa faveur. - Faire l’opinion 1 Philippe Van Assche , étudiant en sociologie à l’université de Lille I Contacts : A.C.C.E.S. - Salle 027 (bât. SH2) Tél : 03.20.33.64.02 - permanences : entre 12h00 et 14h00 le mardi et le jeudi. Idées à coudre Tél : 03.20.91.27.08 (Jessy). CINÉMA Il y sera discuté l’hypothèse de Patrick Champagne selon laquelle : "ce qui existe en réalité ce n’est pas l’opinion publique ni même l’opinion mesurée par les sondages d’opinion mais en fait un espace social dominé par un ensemble d’agents". Jeudi 4 mai 2000 (lieu à préciser) Vidéoconférence sous forme de dialogue avec le public par Jean-Pierre Di Gacomo, psychologue en psychologie sociale à l’université de Lille III. A partir d’un documentaire vidéo canadien sur la guerre du Golfe intitulé "Vendre une guerre". 5 Mercredi 26 avril 2000 - Cinéma Le Kino (Lille 3) 18h30 Pas vu pas pris de Pierre Karles 20h30 The big one de Michaël Moore Mercredi 10 mai 2000 - Cinéma Le Méliès (V. d’Ascq) Roger et moi de Michaël Moore Projections suivies d’un débat avec la salle. CONFÉRENCES Mercredi 3 mai 2000, 18h30 Amphi Archimède, bât. M1, Cité Scientifique Conférence-débat avec Patrick Champagne, sociologue à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales et Eric Massé, sociologue, chercheur au CADIS et maître de conférence à Paris III. - La manipulation médiatique des émotions Afin de divulguer des outils adaptés pour une analyse de cette question préoccupante et de faire prendre conscience du pouvoir pernicieux des médias dominants, nous avons organisé plusieurs rendez vous dont la liste, encore indicative, est livrée ci-dessous. ÉCHOS CITÉ Cette situation, dans le contexte des réseaux de connivence dont nous avons parlé, induit insidieusement des mécanismes d’autocensure. Ces derniers contribuent à construire des interprétations univoques des réalités sociales complexes qui nous entourent à travers, entre autres, des catégories de classement homogènes et exhaustives. Ils fabriquent ainsi, selon un cercle herméneutique relativement inébranlable, des schèmes de perception souvent simplificateurs où viendront s’imbriquer sans peine des analyses de discours politiques, de faits sociaux, de mesures économiques, devenues objectives à l’intérieur de structures mentales, alors partagées par le plus grand nombre. N’y a-t-il pas alors un véritable risque de manipulation ? - Les nouveaux chiens de garde 2 (Lieu et date à préciser) Conférence de Serge Halimi, journaliste au Monde diplomatique suivi d’un débat avec la salle. "Les médias français se proclament "contre-pouvoir". Mais la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence. Alors, dans un périmètre idéologique minuscule, se multiplient les informations oubliées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices, les services réciproques. Un petit groupe de journalistes omniprésents (et dont le pouvoir est conforté par la loi du silence) impose sa définition de l’information-marchandise à une profession de plus en plus fragilisée par la crainte du chômage. Ces appariteurs de l’ordre sont les nouveaux chiens de garde de notre système économique." 1 - Titre du livre de Patrick Champagne, “Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique”. Éd. de minuit, Le sens commun 1990, d’où est issue la citation. 2 - Titre du livre de Serge Halimi, “Les nouveaux chiens de garde”. Éd. Liber-raison d’agir, 1997, d’où est issue la citation (page de garde). RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE CYCLE LE POLITIQUE : ENJEUX PARTAGÉS Cité Scientifique, Bât M1, Amphi Archimède EntrŽeLibre LA SOUVERAINETÉ RÉFLEXION-DÉBAT Mardi 2 MAI 2000 à 18h30 AVEC Blandine BARRET-KRIEGEL, professeur des Universités, professeur de philosophie politique et morale - Université de Paris X Nanterre, auteur de “L’Etat et les Esclaves”, éd. Payot, 1989. Conférence animée par Nabil el HAGGAR, vice-président de l’USTL. "La souveraineté articule une triple conception de l'État : l'indépendance extérieure, la consistance intérieure, la transcendance de la loi" (...) "Absolu, le pouvoir souverain est toujours limité. Faute de quoi, aux yeux des plus statolâtres, la souveraineté serait une seigneurie" (...) 6 Eugène Delacroix : La liberté guidant le peuple (1830) "La toute puissance de l'État est donc intentionnelle, elle concerne le droit et la constitution d'un pouvoir soumis au droit. Plus durable que telle ou telle limite de la souveraineté est la limitation même de l'État par la loi et pour commencer par les droits individuels"1. Cette conférence nous permettra de situer les limites des pouvoirs souverains dans le débat sur la Démocratie aujourd'hui, ses acquis et ses faiblesses, d'une part, et dans un contexte mondial globalisant d'autre part. 1 Extrait de “L’Etat et les Esclaves”. RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE CYCLE PENSER LA VILLE Cité Scientifique, Bât M1, Amphi Archimède EntrŽeLibre POUR UNE NOUVELLE CULTURE URBAINE : LES EXPÉRIMENTATIONS CONTEMPORAINES MAI 2000 à 18h30 AVEC Antoine BAILLY, professeur à l’Université de Genève, président du comité suisse de l’Union Géographique Internationale, auteur de “Voyage en géographie”, éd Anthropos, 1999 et Jean-Yves BOULIN, chargé de Recherche au CNRS, Institut de Recherche et d’information socio-économique - Travail et société, Université Paris-Dauphine. Table ronde animée par Didier PARIS, responsable du DESS “Ville et Projets”, directeur de l’UFR de géographie, Université des Sciences et Technologies de Lille. Des lieux et des cultures : une nouvelle culture urbaine émerge ces récentes années dans les villes occidentales, en particulier dans les espaces publics réappropriés par les citadins. Comment s’y déroulent les interactions sociales, par quels groupes sont-elles menées, quels lieux privilégient-elles, peut-on influencer ces formes d’urbanité ? Autant de questions à aborder pour comprendre comment les nouvelles représentations de la ville contribuent à des pratiques urbaines renouvelées et à l’émergence des valeurs de la société contemporaine. RÉFLEXION-DÉBAT Mardi 9 LA VILLE À DEUX VITESSES : LA POLITIQUE DE LA VILLE EN QUESTION Mercredi 24 MAI 2000 à 18h30 AVEC Jean-Pierre SUEUR, Maire d’Orléans, auteur de “Demain la Ville”, documentation française, 1998 et Dominique DUPREZ (IFRESI), auteur de “Genèse des inadaptations : le cas des restructurations urbaines”, CTNERHI, 1986 et de “Le mal des banlieues ? Sentiments d’insécurité et crise identitaire”, L’Harmattan, 1992. Table ronde animée par François-Xavier ROUSSEL, directeur d’études à la SCET Nord Pas-de-Calais, Société Centrale pour l’Équipement du Territoire. Ceux qui s’intéressent à la ville n’auront pas manqué, s’ils sont de notre région, d’entendre parler depuis quelques années de la "ville renouvelée", s’ils suivent l’actualité nationale sur la ville, de lire et d’entendre depuis deux ans le terme de renouvellement urbain. L’axe fort d’une politique sur la ville devient, pour une bonne part, le renouvellement urbain. Est-ce une construction théorique, une nouvelle mode, une nouvelle école, une politique vraiment nouvelle ? 7 ECHANGES ET DISCUSSIONS PLATEFORME DES ARTISTES autour des points forts de la programmation de nos partenaires culturels Bâtiment des Thèses (face à la B.U.) Cité Scientifique - Villeneuve d’ascq Autour du labyrinthe par Jean-Michel RABEUX, metteur en scène, 8 écrivain en résidence à la Rose des Vents Jeudi 18 MAI 2000 de 18h30 à 20h00 P arfois, je fais des spectacles dont la matière première n’est pas le texte mais le plateau lui-même. Je compose des situations à partir d’un thème, je les agence entre elles comme l’auteur agence les mots sur sa feuille de papier. Le plateau devient notre feuille de brouillon, avec ratures, surajouts, pannes d’inspiration et découvertes bouleversantes. Cette fois, le thème de départ, l’histoire, le conte, le rêve, le mythe, le spectacle donc, c’est LE LABYRINTHE. Leparthéâtre et la représentation de la guerre Yannick MANCEL, conseiller littéraire et artistique au Théâtre du Nord Jeudi 25 L MAI 2000 de 18h30 à 20h00 a guerre hante l’histoire du théâtre depuis ses origines. Des Perses d’Eschyle ou de Lysistrata d’Aristophane à des auteurs d’aujourd’hui comme Genet, Vinaver ou Bond, en passant par Shakespeare, Corneille ou Brecht, la guerre irrigue la fiction des oeuvres dramatiques à travers les âges. Figure du conflit dialectique ou du destin tragique, elle défie les limites de la représentation et se trouve au coeur de la polémique contemporaine sur l’éventuelle irreprésentabilité de l’horreur et de la barbarie. “La modernité est ce qui reparaît sous tous les étouffements” Henri MESCHONNIC - Modernité, Modernité - 1988 n° 24 DOSSIER n° 2 : MAI JUIN 2000 PENSER LA VILLE ”L’air de la ville rend libre” : le vieil adage médiéval résonne aujourd’hui de manière provocatrice. Pour beaucoup, la ville est devenue symbole d’aliénation. Quant à son air, il connote désormais l’idée de pollution… Les vertus de la ville ne semblent plus susciter que le doute. LA VILLE espace et liberté par Alain CAMBIER de la ville-œuvre à la ville zone L a commune médiévale était pourtant une villeœuvre, fière de son autonomie administrative et économique, jalouse de ses innovations sociales, soucieuse du bien commun. Les corporations faisaient office de système d’intégration et permettaient d’éviter l’exclusion sociale 1. L’assemblée des bourgeois en parlement manifestait son avancée politique qui se traduisait par son sens de la coopération, des obligations contractuelles et la réciprocité des devoirs et des droits. L’esthétisation de la vie quotidienne était Les images de ce dossier sont extraites du documentaire vidéo rendue possible grâce “Architecture et écriture, passerelles dans la ville” - détails p 18-19 à des investissements improductifs qui entretenaient, par exemple, le sens de la fête collective. Dans les régions du Nord, le beffroi – de Bergfrid : qui garde la paix – symbolisait l’insolence de ces villes prospères et libres, alors que les campagnes subissaient le joug du servage. Mais aujourd’hui la ville-œuvre a fait place à la ville-zone. Le mur d’enceinte - dont la signification se retrouve dans les étymologies de "polis", de "urbs" ou de "town" - qui marquait le clivage entre la ville et la campagne, a disparu. ... La zone désigne désormais un tissu réticulaire où les banlieues semblent expier leur mise au ban de la société, à mille lieues de l’esprit d’urbanité, confondant licence et liberté. Remerciements à Alain CAMBIER, Antoine BAILLY, François-Xavier ROUSSEL, Philippe LOUGUET et Dominique DUPREZ qui ont participé à l’élaboration de ce dossier. la ville condition de la cité ... De conurbations en rurbanisations, nous n’avons plus affaire qu’à des agglomérations étranges sans dedans et sans dehors, qui ne sont ni la ville, ni la campagne. Tour à tour Minotaure ou Sphinx, la ville ne semble plus être qu’un monstre hybride dont le labyrinthe est luimême le lieu de l’énigme. Dans la mégapole dérélictionnelle, nous semblons ramenés à l’errance originaire. Ainsi, la ville semble dénaturée dans son principe. Mais n’est-il pas présomptueux de présupposer une essence de la ville ? le non-lieu de la ville Certes, la ville n’est pas encore la cité : "Les maisons font la ville mais les citoyens font la cité" écrivait Rousseau 2, en reprenant Bodin 3 . Pourtant la ville a toujours d’abord été la condition fondamentale de l’émancipation de l’homme. Toute ville est fondée sur un principe d’u-topie, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de négation du lieu. La ville est le résultat d’une disjonction fondatrice entre l’espace et le sol. L’originalité paradoxale de la ville est d’établir un espace de vivre-ensemble, indépendamment du lieu. La révolution Clisthénienne avait ainsi défini, à Athènes, un nouvel espace circulaire et homogène, autour d’un centre commun : l’Agora, qui avait permis de développer la démocratie. Toute ville repose sur un principe de soustraction de l’homme au despotisme du terroir, déterminé par le sang et le sol. L’arrachement au lieu marque ainsi la fin du déterminisme du lignage clanique, condition essentielle de l'assimilation du citadin au sein de la ville. La ville émancipe l’homme par son pouvoir d’il-location ou de dislocation du lieu. En Occident, la ville fut essentiellement un rassemblement de personnes étrangères au lieu. La ville arrache l’homme à la soumission au topos pour l’installer dans un espace de liberté. En permettant le rassemblement des hommes, les villes sont la condition matérielle nécessaire pour créer un espace d’apparence où les hommes ne sont reconnus dans leur identité que dans la mesure où ils s’exposent au milieu des autres, à travers leurs actes et leurs paroles. Les constructions qui caractérisent la ville constituent un entre-deux qui, à la fois, nous relient les uns aux autres tout en nous séparant, pour nous permettre de nous distinguer. A l’opposé du clan fusionnel qui nous empêche de nous différencier, la ville offre la possibilité de vivre au milieu d’une pluralité d’individus autonomes. Comme l’a souligné Hannah Arendt, "la fondation des villes, qui en tant que cités sont demeurées exemplaires pour l’organisation politique occidentale, est bien par conséquent la condition la plus importante de la puissance" 4. Il faut que les hommes vivent suffisamment près les uns des autres pour qu’ils ressentent la puissance de la vie collective qui augmente leurs possibilités d’action. Parce qu’en ville les individus entre eux constituent un espace d’apparence, ils se rendent plus puissants qu’ils ne le sont naturellement. A Rome, les cives – les citoyens - étaient eux-mêmes la condition de la civitas, qui ne faisait alors que refléter leur relation de mutualité et dont la structure croisée en cardo et decumanus pouvait être reproductible à l’infini. les limites de la ville abstraite Le principe de soustraction au local s’est traduit dans la construction des villes par la conquête de cet élément volumétrique nouveau qu’est la verticalité. De la tour de Babel aux gratte-ciel de Manhattan, la ville s’émancipe des pesanteurs de la surface pour s’édifier en altitude. La ville cosmique de Xénakis 5 serait l’expression ultime de cette prétention à vouloir monter à l’assaut du ciel. Mais le risque de cette fuite en avant dans l’u-topie est de faire croire que nous pourrions nous épanouir dans un univers abstrait, peuplé d’hommes sans qualité. Les villes à la Descartes 6 comme Le Richelieu - aux confins de la Touraine et du Poitou - témoignent des excès de la géométrisation à outrance de notre environnement urbain. La ville est réduite à n’être que l’incarnation d’une Idée : à défaut d’être idéale, elle n’est qu’idéelle. Comme la ville d’Amoraute avec Thomas More, la ville n’est plus d’abord qu’un projet qui naît dans l’esprit d’un homme ou de quelques hommes. Les villes qui ne sont que le fruit de l’entendement abstrait poussent à son paroxysme le déracinement de l’homme et chacun n’est plus renvoyé qu’à sa grégaire solitude. Urbanistes et architectes technocratiques ont oublié alors que l’espace n’est pas un milieu dans lequel on se trouve, mais plutôt un moyen pour s’orienter. Dès lors, la ville abstraite peut effectivement devenir source d’aliénation, parce qu’elle escamote notre être-au-monde. les hétérotopies de la ville La ville offre la possibilité de se distancier visà-vis des rythmes de la nature qui régissent les êtres. A la campagne, le temps reste soumis aux cycles de l’espace cosmique. A l’inverse, l’espace urbain devient plutôt l’expression d’une temporalité inédite : celle de l’historicité de l’homme. L’irruption de la temporalité humaine est ainsi la raison profonde de cette contestation du lieu si caractéristique de la ville. Les emplacements urbains constituent un espace symbolique surchargé des significations que suscitent les soubresauts de l’existence humaine. La ville rend sensible à l’homme qu’il est l’acteur du sens de son existence. C’est dans le rejet de l’adhésion têtue au lieu que peut surgir la conscience de l’historicité de l’existence humaine. Parce qu’elle aménage notre être-au-monde, la ville articule notre temporalité privée sur l’histoire publique. Elle libère parce qu’elle nous ouvre à un temps spécifiquement humain. C’est pourquoi, la ville peut légitimement revendiquer son droit de cité. 1 - Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 252. 2 - Rousseau, Du contrat social, I, 6, note. 3 - Bodin , Les six livres de la République, I, 6. 4 - Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, V. 5 - Iannis Xenakis, Musique et architecture. 6 - Descartes, Discours de la méthode, deuxième partie. 7 - Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, IV. 8 - Michel Foucault, Des espaces autres, in Dits et écrits, IV. Hannah Arendt : Condition de l’homme moderne, IV, V Éd. Pocket, 1992 Jean Bodin : Les six livres de la République, I, 6 Éd. Confluences, 1999 Michel Butor :L’emploi du temps - Éd. Minuit, 1995 René Descartes : Discours de la méthode, II Éd. Hatier, 1999 Michel Foucault : Des espaces autres, in Dits et écrits, IV Éd. Gallimard, 1994 Georg Wilhelm Friedrich Hegel : Principes de la philosophie du droit, III - Éd. Flammarion, 1999 Henri Lefebvre : Le droit à la ville Thomas More : Utopia - Éd. Ellipses, 1998 Lewis Mumford : La Cité à travers l’histoire - Éd. Seuil, 1972 Jean-Jacques Rousseau : Du contrat social, I, 6 Éd. Hatier, 1999 Jean-Pierre Vernant: Espace et organisation politique en Grèce ancienne, in Mythe et pensée chez les Grecs Éd. La Découverte, 1996 Iannis Xénakis : Musique et architecture - Éd. Séguier, 1996 Max Weber : La Ville, extrait in Économie et Société Éd. Aubier, 1994 bibliographie Car si la ville rompt avec la dictature du local, si elle est bien un artefact, elle ne s’édifie légitimement que pour nous ouvrir un monde où nous pouvons nous retrouver ensemble, sans nous confondre. En ce sens, l’Urbs est bien Orbs. La ville est "cette demeure non-mortelle des hommes mortels" 7 qui doit leur permettre de faire dépendre le sens de l’existence humaine d’une histoire individuelle et collective, plutôt que des lois despotiques de la nature. Les villes humaines ne sont plus alors celles qui abolissent totalement les lieux, mais celles qui leur font exprimer notre historicité. Ainsi un lien critique s’instaure entre le citadin et le lieu. Foucault opposait les hétérotopies aux utopies 8 : il désignait par cette expression des lieux réels, mais qui ont pour fonction de représenter d’autres lieux. L’hétérotopie est un emplacement critique puisqu’elle invite sans cesse au déplacement symbolique. Or, les hétérotopies des villes opèrent un hiatus entre le lieu et l’espace où vient se glisser l’expérience de la temporalité. Les hétérotopies nous dépaysent nécessairement parce qu’elles projettent sur l’espace urbain l’historicité de l’homme : la bibliothèque, le musée, ou les monuments témoignent de notre historicité culturelle, de notre longue durée ; le cinéma et le théâtre nous arrachent au rythme du temps institué pour nous faire croiser des destins anachroniques ; le jardin public met en scène ironiquement le temps des saisons ; le cimetière, l’église et l’hôpital aiguisent notre conscience existentielle ; quant à la rue, elle apparaît non seulement comme un espace de circulation, mais aussi de manifestation où peut se jouer l’histoire "kaïrétique" de luttes politiques décisives ; enfin la place publique n’est pas que le carrefour de l’échange marchand, mais aussi le creuset où se forge le jugement critique de l’opinion publique. Ainsi, l’espace de la ville est taraudé par le temps historique. un espace historicisé pour une nouvelle CULTURE URBAINE par Antoine Bailly Du local au global C omme l'écrit M. Serres, “notre relation avec le monde a changé. Avant elle était locale-locale ; maintenant elle est localeglobale”. La globalisation nous fait découvrir une autre citoyenneté, une nouvelle culture : celle d'un Monde que l'on peut voir à travers les images satellites, d'un monde de la vitesse et du déplacement. Par contraste, le local se résume souvent au moi, à l'individualité, d'où la difficulté de maintenir comme valeurs culturelles des citoyennetés locales. Globalisation et fragmentation sont des termes d'une dialectique nouvelle entre le général et le particulier. On ne peut plus se contenter d'une vision localiste car le monde est partout présent, pas plus qu'on ne peut, sous prétexte de globalisme, simplifier aveuglement notre conception du monde. La citoyenneté ne peut plus être exclusivement celle de l'Etat Nation. D'ailleurs l'Etat providence s'essouffle et souvent c'est le libre-échange dans le cadre du libéralisme économique qui sert de référence à la politique des Etats. Mais, au même moment, émergent des demandes pour de nouvelles valeurs fondées sur des idéologies identitaires, puisant souvent leur inspiration dans l'histoire des peuples. Le temps des architectures locales apparaît corrélativement à la mise en place du système-monde. On évoque de nouveaux systèmes de citoyenneté fondés sur des avantages locaux et une nouvelle gouvernance à l'échelle locale. S'agit-il d'un modèle transitoire ou d'une prise de conscience durable ? La question des cultures locales et des enjeux géopolitiques qui en résultent est au centre de débats au sein de nombreux pays et de nombreuses métropoles. PENSER LA VILLE Rendez-vous d’Archimède Mardi 9 Mai : Pour une nouvelle Culture Urbaine, les expérimentations contemporaines avec Antoine Bailly, Jean-Yves Boulin et Didier Paris Mardi 23 Mai La Ville à deux vitesses avec Jean-Pierre Sueur, Dominique Duprez et François-Xavier Roussel Une mobilité généralisée Aujourd'hui la mobilité s'est généralisée, mobilité des hommes, des informations, des biens et des services. D'où l'idée de mondialisation qui s'oppose à l'ancrage territorial ; d'où aussi le concept de citoyenneté fluide, lié à la résidence et non à la naissance. Mais, dans ce monde en mouvement, la réalité de la résidence ne disparaît pas : les cadres de vie sont plus évolutifs dans des localisations changeantes où l'homme acquiert de nouvelles connaissances. Dans chaque ville, le migrant va redécouvrir un passé, une mémoire collective. La conscience par la découverte du lieu va se substituer à la conscience du lieu, générant de nouvelles formes de citoyennetés. Ainsi va le changement des valeurs et des découpages du monde. Quel type de culture privilégier et selon quelles cohérences ? La régulation évolutive du monde illustre la substitution des systèmes de référence et les changements institutionnels. De l'Etat naturel à l'Etat Nation, aux Communautés supra-nationales, au système-monde, aux nouveaux régionalismes et aux nouvelles régions métropolitaines, l'architecture du monde s'est profondément modifiée. La ville devient le creuset de nouvelles cultures ; aux politiques locales de les appuyer. Des politiques culturelles locales Un volet particulièrement important dans les politiques urbaines concerne ses aspects sociaux et culturels, souvent mis au deuxième plan derrière des logiques économiques et budgétaires. Dans des sociétés urbaines où le rôle de la famille s'estompe, et où l'appartenance communautaire est remplacée par des réseaux fonctionnels, les politiques sociales et culturelle jouent un rôle majeur dans la lutte contre l'exclusion et la valorisation des identités locales. Pour favoriser la coopération sociale et culturelle au niveau des quartiers, la gestion peut-être faite par le bas (au niveau du quartier) ou par le haut (au niveau métropolitain) : valorisation locale pour l'intégration au niveau du quartier, valorisation du métropolitain pour créer une qualité de vie et une image urbaine positive dans un ensemble cohérent. Il s'agit dans chaque cas de prendre en compte la dimension territoriale des politiques, d'intégrer l'ensemble des acteurs à des échelles géographiques différentes et de prévoir les politiques en termes d'équité et de durabilité. Au lieu d'une gestion verticale descendant des élus et de l'administration vers les citadins, les politiques sociales et culturelles peuvent être assises sur la vitalité du local et associer la société civile à l'action publique. Dans cette perspective, ces politiques locales jouent un rôle moteur sur le dynamisme social et l'intégration des citadins dans le corps urbain. LA VILLE RENOUVELÉE un défi à relever C eux qui s’intéressent à la ville n’auront pas manqué, s’ils sont de notre région, d’entendre parler depuis quelques années de la "ville renouvelée", s’ils suivent l’actualité nationale sur la ville, de lire et d’entendre depuis deux ans le terme de renouvellement urbain. L’axe fort d’une politique sur la ville devient, pour une bonne part, le renouvellement urbain. Est-ce une construction théorique, une nouvelle mode, une nouvelle école, une politique vraiment nouvelle ? En fait, rien vraiment de tout cela si on prend la peine d’en rappeler l’origine, d’en rappeler l’argumentaire de départ puisque cet argumentaire est local, qu’il a été défini à partir du cas de la métropole lilloise. L’idée de la ville renouvelée se fonde sur une observation fine et approfondie des processus d’évolution de nos villes, des leçons aussi qu’il devenait possible de tirer d’une quinzaine d’années de "politiques de la ville". Les constats étaient les suivants : la situation de certains quartiers, en fait de véritables "morceaux de ville" si on s’intéressait au secteur de Roubaix, - situation économique, sociale et urbaine - est durablement très dure et les contrastes avec le reste de la métropole s’aggravent, d’autre part, cette aggravation se produit alors même que les efforts publics pour y remédier ont été importants. Tout se passe comme si nous étions dans une sorte de coursepoursuite dans laquelle la spirale de la déqualification, de la dégradation et du marquage était plus fort que les processus de requalification et de traitement. Cette évolution n’est plus tolérable. Il ne suffit plus de changer les pansements, il faut penser le changement. Et le changement, c’est de vouloir conduire une véritable entreprise de transformation, économique, sociale et urbaine, c’est de débloquer les territoires qui ne se renouvellent plus, qui se renouvellent mal : il faut faire "la ville renouvelée", il faut faire un effort net, rapide, efficace pour renouveler ce qui est obsolète, ce que les gens refusent, ce qui n’est plus adapté et parallèlement, et ce n’est pas le moindre, il faut renouveler nos pratiques, nos logiques, nos manières de faire trop tournées vers l’extension urbaine, vers des politiques sectorielles, verticales, centralisées. Cet argumentaire qui colle bien à la réalité des villes du Nord a trouvé force écho dans beaucoup de villes de notre pays. En effet, bien des évolutions : gestion économe des ressources, désindustrialisation laissant des friches en tissu urbain, marquage très fort de l’image négative de certains territoires, demande et donc marché de plus en plus sélectif en terme de qualité urbaine... et sociale, enseignements de certaines actions menées qui ont pu conférer à l’acharnement thérapeutique changent la donne. L’intérêt pour s’occuper du tissu urbain existant, du tissu urbain qui a quelques difficultés à se renouveler (et on en trouve dans beaucoup de villes) s’accroît ; le renouvellement urbain devient un point de passage majeur de toute politique sur la ville et il faut s’en réjouir ! Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Faire et surtout réussir la ville renouvelée, c’est être exigeant. par François-Xavier Roussel Si tous les champs de betterave sont semblables, les villes existantes et notamment les morceaux de ville qui ne fonctionnent plus ou qui fonctionnent mal sont tous différents, ont chacun une part importante de particularités et ont besoin d’un traitement adapté, ajusté. En outre, il s’agit souvent de rattraper rapidement, à la vitesse de notre époque, un niveau de qualité, d’équipement, de service urbain, d’image, de recréer un marché qui s’est évanoui, d’anticiper sur un marché, il s’agit donc de mener à bien et fortement un investissement public recréant un processus de création de valeur, recréant un marché, une dynamique positive. Un tel effort a besoin de s’inscrire dans une politique d’ensemble à l’échelle de l’agglomération et de bénéficier des solidarités des échelles supérieures. Tout ceci suppose quelques fortes conditions de réussite : - Qu’existe enfin un vrai pouvoir d’agglomération aux compétences larges, en charge de tout le champ d’une politique pour la ville (l’Etat gardant ses compétences régaliennes) et cela suppose (le plus tôt sera le mieux) une autorité d’agglomération élue au suffrage universel. La deuxième phase de la décentralisation n’a que trop tardé ! - Qu’aux échelles locales, on mette en oeuvre et on pratique aux différentes échelles, sous la responsabilité des élus et avec l’appui de l’Etat et des autres acteurs de la ville, une vraie logique de projets (pensés, affichés, débattus, suivis,évalués), où la transversalité, la globalité, l’interface, la synergie seront une grille d’entrée indispensable. - Qu’on révise fortement notre cadre institutionnel, législatif, financier au regard des enjeux urbains de notre temps, cadre dépassé. Quelques pas vont dans ce sens (lois récentes : Voynet, Chevénement, solidarité et renouvellement urbain) : ces pas sont encore bien timides.... et comme plus globalement, pour la réforme de l’Etat, il faudra encore plus d’un coup de boutoir pour que la marche se fasse au bon rythme ! PENSER LA VILLE Illustrations Mardi 26 Avril : Ciné dej Des cinéastes dans la ville Mercredi 3 Mai : Documentaires vidéo Architecture et Écriture QUELLE VILLE pour demain ? par Philippe Louguet L a mutation qu'a entraînée le développement de la grande distribution en périphérie des villes, ainsi que les migrations quotidiennes habitat-travail, ont opéré un changement dans la structure même des tissus urbains. Le modèle centre-périphérie est désormais en tension constante avec le système multipolaire. Les villes traditionnelles tendent à redéfinir leur rôle au sein de ce processus, en spécialisant leur système commercial en miroir de celui des grandes surfaces. Il est clair que l'évaluation du phénomène urbain ne peut plus désormais se contenter des limites administratives d'une ville, ces limites ne sont plus signifiantes, du fait du phénomène de dilatation urbaine. Le concept de ville multipolaire évoque bien un tel dépassement : la ville serait constituée des lieux de condensation de l'activité, qu'il s'agisse des centres des villes anciennes ou des centres émergents, voire des zones de résidence ; les déplacements de pôles à pôles constitueraient désormais la structure de la ville. Mais la continuité de la structure en réseau exclurait la continuité spatiale : l'espace apparemment continu de la métropole masquerait la superposition de deux systèmes: l'un multipolaire, l'autre indéfini, ou plutôt défini négativement : ce qui ne constitue pas de pôle. En caricaturant, on peut penser que ceux que l'on nomme aujourd'hui les exclus ne communiquent pas avec la ville multipolaire, n'occu LES POLITIQUES DE LA VILLE du côté des habitants L es politiques de la ville occupent une place particulière au sein des politiques publiques. Elles ont connu des transformations depuis 1981 : politique de développement social des quartiers (DSQ), puis politique de développement social urbain (DSU) et, depuis le XIe plan, les contrats d’agglomération. Ces politiques ne sont jamais devenues un “objet scientifique” : “Les raisons conjoncturelles sont multiples... mais il existe aussi une cause structurelle qui tient à la nature même de la politique de la ville. Tout se passe comme si depuis dix ans, le véritable objet de la politique de la ville demeurait caché et indicible” 1. La difficulté essentielle tient au fait que cette politique se situe à l’interface de catégories d’appréhension (l’urbain, le social, l’éducatif, etc.) et de logiques sectorielles (traitement social du chômage, traitement économique, etc.). Appréhender les liens entre les politiques catégorielles et les politiques de la Ville constitue un objet complexe qui nécessite sans doute de renouveler les catégories cognitives usuelles. Mais ici notre propos sera plus modeste. Il s’agit de saisir l’appréhension et la compréhension que les usagers potentiels (les habitants de ces quartiers) ont des politiques de la ville à partir d’une enquête réalisée avec l’INSEE en 1995 sur 10 quartiers des politiques de la ville en France. On se limite ici aux trois villes du Nord-Pas-de-Calais retenues dans cette enquête. Si l’on s’en tient au niveau strict de l’action publique locale menée dans le cadre des politiques Villes-Etat-Région du Xe plan, force est de constater que les populations n’en ont que des représentations floues ou limitées. Une première lecture globale des réponses aux questions relatives aux politiques de la ville permet de mettre en lumière des divergences entre les sites en terme : - de connaissance des actions menées : un peu plus de 40% des habitants de Lille-Sud en connaissent contre 33 % des habitants de Lens et 22 % des habitants de Liévin. Notons que les deux sous-quartiers de LilleSud ne se différencient pas sur ce point. - d’appréciation de l’effet des actions menées. Sur les différents sites, les politiques publiques sont perçues comme ayant des effets positifs, avec une différence notable sur Lille-Sud : 11 % des personnes interrogées considèrent que les actions génèrent un sentiment plus fort de sécurité contre 1 % à Lens. De manière plus précise si l’on veut cerner la nature des actions connues, on peut dire que les actions les plus citées sont celles qui sont physiquement repérables : les actions de réhabilitation (à Lens et à Liévin), mais aussi d’implantation d’équipements de proximité (Lille-Sud Nouveau et Ancien). La réhabilitation des logements et des immeubles a été l'ossature des politiques de développement social des quartiers. C'est à Lille-Sud Nouveau que le plus grand nombre d'habitants déclare avoir bénéficié d'une action de ce type (54 %). C'est dans les secteurs où l'habitat individuel domine que les per- par Dominique DUPREZ La réhabilitation et ses perceptions Lille-Sud ancien Lille-Sud Lens nouveau Liévin Votre immeuble a-t-il connu des travaux de réhabilitation oui non non réponse ensemble 27 72 1 100 54 46 0 100 36 63 1 100 35 64 1 100 Si oui, quelles en ont été les conséquences ? Cela a amélioré votre cadre de vie ? oui non ne sait pas-sans rép ensemble 66 26 8 100 58 41 1 100 54 43 3 100 76 16 8 100 Source : Insee-Enquête Conditions de vie 1994 - Extension quartiers sonnes interrogées sont le plus satisfaites (LilleSud Ancien et Liévin). Dans le premier cas, il s'agit essentiellement de petits propriétaires qui ont pu bénéficier d'aides publiques, dans l'autre cas, il s'agit de la réhabilitation des cités minières. Mais globalement, au-delà des actions physiquement repérables, lorsqu’elles existent, on peut parler d’une invisibilité des politiques de développement social. Le site de Liévin apparaît sur ce plan exemplaire : seuls 22 % des gens sont capables de citer une action et, parmi eux, 48 % citent l'amélioration de l'habitat alors que la question excluait ce domaine. L'enquête qualitative a confirmé ce constat. À Lens, les réhabilitations semblent occuper le centre des préoccupations des personnes interviewées, les autres actions, sauf les services (notamment les actions d’aide aux devoirs) sont peu mentionnées. A Lille-Sud, on observe aussi une tendance lourde : ce sont les équipements de proximité et les équipements publics qui sont le plus souvent cités, à savoir l’implantation d’une nouvelle mairie annexe et d'une poste dans l'axe commercial du vieux quartier. Il est significatif de noter une large satisfaction même des personnes pour lesquelles le déménagement de la mairie représente un éloignement : la qualité des bâtiments contribue à l'amélioration de l'image du quartier. L'action publique ne peut-être réduite aux politiques de la ville. Les habitants de ces quartiers sont souvent présentés comme massivement assistés, la précarité de bon nombre d'entre eux pourrait l'expliquer. Mais ce n'est pas parce qu'une idée est banale qu'elle est juste. En réalité, 23 % des habitants de Lens-Liévin et 16 % de ceux de Lille-Sud avaient rencontré un travailleur social au cours de l'année écoulée. Ils sont à peine plus nombreux à avoir fait une demande d'aide sociale : 25 % à Lens-Liévin, 17 % à Lille-Sud. Ce sont dans plus d'un tiers des cas les mairies et les centres communaux d'action sociale (CCAS) qui ont servi de relais d'information. Ce constat est à rapprocher des représentations de l'aide sociale : si 95 % des habitants des quartiers de l'enquête (Nord-Pas-de-Calais) sont, concernant l'aide sociale, d'accord avec la proposition "c'est bien, il faut aider les pauvres", ils sont près de 50 % à considérer que "c'est gênant de faire appel à l'aide sociale". Derrière ce constat statistique se cache une réalité que l'on imagine pas toujours : beaucoup de gens ont des réticences à demander des secours même lorsqu'ils se retrouvent face à des difficultés quasi insurmontables. Les jeunes se distinguent parfois de leurs aînés par les systèmes de débrouillardise dans lesquels ils sont impliqués. C'est une des contradictions de ces quartiers : beaucoup de jeunes ont compris que les élus sont sensibles à la violence urbaine. Elle est aujourd'hui régulièrement utilisée d'une manière instrumentale, alors que d'autres générations ont perdu le fil des rapports clientélistes aux notables, système Dessin : Nicolas Chachignot qui a géré pendant de longues décennies les rapports entre les classes populaires et les édiles. 1 - D. Béhard, P. Estèbe, “Recherche urbaine et politique de la ville. Entre énonciation et dénonciation”, Les annales de la recherche urbaine, n° 64, 1994, p. 39. Alain CAMBIER professeur de chaire supérieure en philosophie, Lycée Châtelet de Douai Antoine BAILLY professeur à l’Université de Genève, président du comité suisse de l’Union Géographique Internationale François-Xavier ROUSSEL géographe, directeur d’études à la SCET Nord Pas-de-Calais, Société Centrale pour l’Équipement du Territoire Philippe LOUGUET enseignant à l’École d’Architecture de Lille-Régions Nord, responsable de l’équipe de recherche “Architecture, Ville et Histoire”, architecte DPLG, urbaniste Dominique DUPREZ bibliographie chargé de recherche CNRS Ifrési - Clersé, Institut de Sociologie de l’USTL Antoine Bailly : Voyage en Géographie Éd. Anthropos Economica, 1999 Dominique Duprez Genèse des inadaptations : le cas des restructurations urbaines - CTNERHI, 1986 Dominique Duprez, Michel Kokoreff Les mondes de la drogue, Éd. Odile Jacob, 2000 Dominique Duprez, Hedli Mahieddine Le mal des banlieues ? Sentiment d’insécurité et crise identitaire L’Harmattan, col. Logiques sociales, 1992 Collectif : En marge de la ville, au cœur de la société : ces quartiers dont on parle Éd. de l’aube, 1997 Jean-Pierre Sueur : Rapport "Demain la Ville" Documentation Française, 1998 LES POÈTES ET L’UNIVERS de Jean-Pierre LUMINET le cherche-midi éditeur, Paris, 1996 par Rudolf Bkouche, professeur de mathémathiques à l’USTL Q mes des deux sortes, poèmes didactiques et poèmes des rêveurs du monde. Mais la distinction est-elle aussi claire ? Je reviens au texte de Poe, texte de magister et texte de rêveur ; mais cela ne rappelle-t-il pas la part de rêve sans laquelle il n'y a pas de magister ? N'estce pas Bachelard qui écrivait que l'on ne peut enseigner que ce que l'on a d'abord rêver ? C'est que le rêve permet les métaphores audacieuses des poètes visionnaires. On peut y voir, et c'est encore une métaphore audacieuse, les liens qui unissent le dit du monde du poète et le discours sur le monde du savant. On peut alors comprendre comment le Big Bang, indépendamment des théories qui le fondent, rejoint les doctrines cosmogoniques, moins comme la vérité d'un monde qui échappe autant au savant qu'au poète, que comme une façon de mêler naissance du monde et naissance de l'homme. La science y est ici poésie au sens premier du terme, c'est-à-dire création. Douze chapitres marquent une progression dans l'appréhension du lien qui unit l'homme et le cosmos ; dans cette progression le poète Luminet n'est pas absent qui consacre le dernier chapitre au "sentiment cosmique" et achève cette anthologie par un magnifique poème de Jean Orizet dont la première phrase résume ce lien intime entre l'homme et le cosmos que partagent autant le poète que le savant : "Chaque homme est une étoile où s'enflamme le fossile de l'univers". À LIRE ui a dit l'antagonisme entre science et poésie ? Luminet luimême, comme il l'explique dans la préface de son anthologie, avant de découvrir la richesse d'une poésie "non égotiste" selon lui, qui s'efforce de dire le monde. Ainsi Luminet, poète et astronome, qui prenait soin de séparer ces deux formes du dire que sont la science et la poésie, le dit du monde et le dit du moi, découvre et nous invite à découvrir comment ces deux formes peuvent se rapprocher. La poésie sait aussi dire le monde ; il faudrait y ajouter l'émotion scientifique qui ne relève pas seulement de l'émotion intellectuelle. L'auteur n'en parle pas mais il me semble essentiel, pour comprendre ce que l'on pourrait appeler les affinités électives de la science et de la poésie, de parler de cette émotion scientifique dans toutes ses dimensions, lesquelles ne sont pas seulement intellectuelles. C'est aussi parce que l'auteur sait trouver dans ce que l'on a appelé, souvent avec quelques mépris, la poésie didactique, les signes "de l'intégration des connaissances scientifiques dans la culture à une époque donnée" que l'on peut comprendre comment le savant et le poète savent se rencontrer par delà le classique discours sur les deux cultures, ce discours qui marque le "désastreux morcellement de l'esprit occidental entre science et technologie d'une part, arts littéraires et plastiques d'autre part". Mais c'est avec les "rêveurs du monde", ceux "qui inventent le monde" et peuvent ainsi "rejoindre la quête du savant", voire "l'anticiper de façon surprenante" que Luminet nous fait voir, au sens fort du terme, cette liaison entre science et poésie. Et l'auteur nous renvoie au splendide Eureka d'Edgard Poe, ce maître es liaison entre la science et la poésie. Luminet propose alors des poè- 17 ARCHITECTURE ET ÉCRITURE dans le cadre du cycle “Penser la ville” Mercredi 3 MAI de 12 H 30 à 19 H 00 MACC, boulevard Langevin - Cité Scientifique - Villeneuve d’Ascq ENTRƒE LIBRE Production : Maison des Écrivains - Paris, École d’Architecture - La Villette 12 h 30 LA MÉMOIRE DES BANLIEUES de Paul Chemetov et Didier Deaninckx (1998, 45’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Ina, Ecole d'architecture de Paris-la-Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la culture (DA). DOCUMENTAIRES En prélude à la rencontre, Didier Deaninckx lit une de ses nouvelles où il raconte la mise en scène de la destruction des barres d’une cité HLM de banlieue : les habitants sont invités à applaudir au spectacle. L’architecte Paul Chemetov, ému par le récit, accuse confrères et politiques de vouloir normaliser les banlieues au nom de la modernité et de l’élimination de l’immigration. "L’amour de la ville ne peut se construire sur la haine des banlieues", déclare Chemetov. L’écriture militante de Deaninckx et l’architecture urbaine et sociale de Chemetov ont en commun d’entrer en résistance contre la disparition de la mémoire de la banlieue. 13 h 30 Comment poser la question de l'altérité dans une ville en perte de sens commun ? Comment la Grèce ancienne a-t-elle répondu à cette question ? Comment l'architecte réagit-il face aux espaces de plus en plus fragmentés de la ville. L'engagement civique de l'architecte Henri Gaudin et de l'historien Jean-Pierre Vernant nous rappelle que la ville et la démocratie sont des biens communs à partager. Gaudin réalise des espaces publics bien articulés entre les constructions des périphéries. Questionnant la relation de l'habitation au voisinage, il invente la notion de seuil, image spatiale qui renvoie à l'idée d'hospitalité. ESPACES COMMUNS ET HOSPITALITÉ de Henri Gaudin et Jean-Pierre Vernant (1998, 58’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Ina, Ecole d'architecture de Paris La Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la culture (DA). 14H30 LA SINGULARITÉ de Christian de Portzamparc et Philippe Sollers (1998, 63’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Production : Ina, Ecole d'architecture de Paris La Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la culture (DA). L'architecte Christian de Portzamparc et l'écrivain Philippe Sollers, complices depuis leur formation commune (freudisme, marxisme, structuralisme), opposent au monde contemporain anesthésié par le savoir relationnel et obsédé par la structure des choses, pensée complexe et singulière de la ville, apparentée à la vision sensible des poètes. Portzamparc définit "l'âge 3" de la ville contemporaine comme un travail de couture à réaliser sur les décombres d'un espace urbain rassemblement de l'héritage de la ville classique et de la ville moderne. "Il faut se faire voyant", renchérit Sollers et inviter l'architecture à une "porosité réciproque" avec la peinture ou la poésie. PASSERELLES DANS LA VILLE 15 h 30 LE PAS DU PROMENEUR de Antoine Grumbach et Jean-Christophe Bailly (1998, 44’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Production : Ina, Ecole d'architecture de Paris La Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la culture (DA). 16 h 30 RADICALITÉ ET MODERNITÉ de Jean Nouvel et Jean Baudrillard (1998, 54’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Production : Ina, Ecole d'architecture de Paris La Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la culture (DA). 17 h 30 Le sociologue Jean Baudrillard oppose le principe consensuel de la mondialisation à "l'indifférence radicale" de l'écriture, sorte de résistance à un monde où tout est programmé. L'architecte Jean Nouvel a choisi, lui aussi de bousculer la convention, arrachant des espaces de liberté créatrice aux différentes contraintes et censures qui bornent son travail. Comment résister au nouvel ordre mondial qui désintègre la citoyenneté ? Comment lutter contre le dessaisissement de toute réalité ? Comment accorder une valeur au réel quand tout s'annule par le jeu uniformisé de l'information ? Comment l'architecte peut-il agir sur la transformation d'un monde où l'esthétisation générale de tous les comportements et de toutes les structures l'a emporté ? AU PLUS PRÈS DU MÉTIER de Henri Ciriani et Olivier Rolin (1998, 54’) Conception : Hélène Bleskine. Réalisation : François Pain. Production : INA, Ecole d’Architecture de Paris La Villette (UP6), Maison des écrivains. Participation : Ministère de la Culture (DA). L’architecte péruvien Henri Ciriani et l’écrivain voyageur Olivier Rolin dialoguent sur ce qui constitue le fondement de leur métier et la manière de le pratiquer : l’invention sensuelle d’un nouvel usage des mots pour l’écrivain, le plaisir et l’enthousiasme de la construction pour l’architecte. L’un et l’autre dressent l’inventaire d’un vocabulaire qui témoigne au plus près des qualités parfois identiques de leur travail. Pour Rolin : la recherche de mots exacts pour dire la réalité des choses, la transmission obstinée d’une émotion ou d’une idée, la mise en ordre du chaos… Pour Ciriani : la réalité du contexte, l’humilité sociale privilégiant l’espace collectif, la transmission d’une DOCUMENTAIRES "Collectionneurs" érudits des villes, l'écrivain Jean-Christophe Bailly et l'architecte Antoine Grumbach aiment se promener dans des lieux qu'ils ne connaissent pas, pour tenter d'identifier peu à peu les éléments qui les composent. Conscients que ces lieux ont une histoire et une mémoire, leurs interventions respectives dans "ce livre déjà écrit" en restituent la trace avec charme et poésie. Bailly utilise comme matériau narratif les couches de mémoire matérielle que la ville accumule. Grumbach conçoit son travail comme une activité modeste de reprisage du tissu urbain, où chaque intervention nécessite une négociation avec le contexte existant. Ces artistes pratiquent un art de la mémoire collective où ils questionnent avec chaleur la manière de vivre ensemble. 19 PRATIQUES ARTISTIQUES LES ATELIERS S’AFFICHENT 2000 L’ATELIER DANSE encadré par Philippe CANCEL Les élèves de l’atelier Danse présenteront une chorégraphie, fruit du travail mené au cours de cette saison. Pièce à plusieurs facettes, parfois abstraites, parfois plus concrètes mais toujours inspirée d’une notion universelle ; l’échange. La présence d’un musicien en direct guidera et influencera les rapports entre les danseurs. Mélange d’improvisation et de rigueur technique, les danseurs se lanceront dans une présentation - performance de leur travail. 20 THÉÂTRE - L’ATELIER INITIATION encadré par Paul LAURENT “L’histoire des ours panda racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort” de Matéi VISNIEC Adaptation pour douze acteurs d’un tête à tête étrange où l’amour et la mort, dans la fantaisie la plus débridée, se mettent à valser jusqu’au vertige. En echo : petits commentaires acerbes sur la passion amoureuse avec de “La déploration” d’Eugène DURIF. des extraits 2° PARTIE : DANSE ET THÉÂTRE Jeudi 4 MAI 2000 à 20 H 30 MACC, boulevard Langevin - Cité Scientifique - Villeneuve d’Ascq Ent r Že Libr e encadré par Paul LAURENT Création “Je suis là pour çà” I PRATIQUES ARTISTIQUES THÉÂTRE - L’ATELIER RECHERCHE l s’agit d’un travail de recherche théâtrale autour des notions d’écart et de norme inspiré par la lecture d’un texte bouleversant : “Vingt séminaires pour un fantôme” de Claude MAILLARD (Frénésie Editions, Paris, 1990). “Ces quelques portraits que Claude MAILLARD arrache à la réalité deviennent la trace douloureuse de l’univers mental d’une France en pleine mutation sociologique et psychologique... ... Tous ces êtres qui livrent ainsi leurs plus profondes angoisses vivent devant nous une Passion de la parole empêchée”. Yannis KOKKOS 21 En echo : quelques textes d’Emma SANTOS, écrivain, qui a passé de longues années en hôpital psychiatrique. RAPPEL 1° PARTIE : JAZZ & CHANT Jeudi 27 AVRIL 2000 à 20 H 30 MACC, boulevard Langevin - Cité Scientifique - Villeneuve d’Ascq Ent r Že Libr e HOMMAGE À HANS-GEORG GADAMER POUR SON CENTIÈME ANNIVERSAIRE par Klaus SCHINDLER, durant plusieurs années élève de Gadamer et membre de son cercle intime, actuellement directeur du Goethe-Institut de Lille À LIRE L e 11 février 2000, Hans-Georg Gadamer a célébré, en même temps que le millénaire, son centième anniversaire, un événement marquant le siècle, et pas seulement pour lui : depuis la parution, en 1960, de Vérité et méthode, il a empreint de son nom l'histoire de la philosophie, un domaine où, bien avant cette date déjà, il jouissait d'une grande renommée comme personnalité brillante de la pensée dialectique, disciple de Heidegger et spécialiste éminent de la philosophie grecque. (Rappelons qu'il a soutenu à tout juste 22 ans sa thèse de doctorat, à 28 ans, sa thèse d'habilitation et que, dans l'intervalle, il a obtenu avec la note maximale un diplôme d'Etat en latin et en grec, entre autres pour en imposer à Heidegger, son maître en philosophie). Mais avec Vérité et méthode, son oeuvre majeure qu'il publia à l'âge de 60 ans, c'est-à-dire très tard, même pour un spécialiste des sciences humaines, Gadamer qui, à la suprise générale, fut amené en 1948/49 à succéder à Karl Jaspers à la chaire de philosophie de l'université de Heidelberg, apparaît comme un philosophe indépendant et marquant du XXe siècle. Par la suite, à l'époque sans doute la plus riche de sa vie, il entraîne dans son sillage des esprits éminents de toutes les disciplines, des centres herméneutiques voient le jour dans d'autres universités et la force d'attraction de sa pensée est internationale. On le constate aisément au vu des listes de participants à ses séminaires très prisés. Cette "herméneutique universelle" fondée par Gadamer et qui, quarante ans plus tard, se réfère toujours à son nom, quelle est-elle et que signifie-t-elle ? Comment peut-on, pour reprendre un titre de Gadamer, refonder la raison à l'ère de la science, asseoir et traiter la philosophie avec la même rigueur et avec le même souci d'exactitude propre aux sciences ? (Le père de Gadamer était un scientifique rigoureux dans tous les sens du terme). Face à Jürgen Habermas - lui aussi disciple au sens large de Gadamer -, qui tente de dépasser l'herméneutique, les traits essentiels de l'herméneutique gadamérienne éclairent sans doute au mieux une controverse qui trouva son expression la plus dense dans le volume collectif Hermeneutik und Ideologiekritik (Frankfurt, 1971). En réponse à Habermas, Gadamer soutient que l'herméneutique peut très bien être universelle quant à sa revendication, c'est-à-dire - au travers du médium du langage - qu'elle englobe l'ensemble du savoir, de la tradition (et ceci incluant aussi les sciences physiques et naturelles, dont le savoir à visée méthodique doit être intégré, par un processus de transposition, dans la compréhension langagière du monde de la vie). Si donc l'herméneutique thématise le savoir et la tradition, bien évidemment aussi de façon méthodique (vérité et méthode ne s'excluent pas mutuellement !), une telle réflexion sur un ensemble est en même temps un processus infini ; ce qu'on atteint ainsi grâce à la réflexion, ne peut jamais être tout. "La conscience de l'histoire de l'efficience est forcément plus tre que Conscience" (Hul). Il a été permis à Gadamer de voir que la sociologie, la discipline apparemment victorieuse, n'a finalement pas détrôné la philosophie, pas plus qu'elle n'en a été l'héritière - un paisible triomphe qui continue à garantir l'actualité de la pensée gadamérienne, qui parvient même, contre toute attente, à faire sortir son champ d'action de l'enracinement dans la seule tradition de pensée spécifiquement germano-européenne pour l'élargir Ainsi Gadamer, dans le monde entier et à un âge avancé (professeur émérite depuis 1968 déjà !), continue-t-il à "apprendre en enseignant, à enseigner en apprenant" (Philosophische Lehrjahre, p.198). A l'occasion de son centième anniversaire, ses élèves et ses admirateurs (et qui, dans le domaine académique n'est pas du nombre ?) tiennent à lui exprimer leur reconnaissance et à lui souhaiter de tout coeur, pour les années à venir, une vie pleine et riche à tous points de vue ! Traduction : Marie-Lys Wilwerth, Martine Bloch, Robert Kremer (Goethe-Institut Paris) À LIRE On ne peut se libérer de ce "particularisme universel", de ce cercle non vicieux, par aucun a priori (que ce soit celui des conditions de constitution de la réflexion, celui de l'idée de l'émancipation avec la prise en compte de contextes "objectifs", à partir desquels seulement les actes sociaux peuvent être compris, etc.) ; "l'ingénieur social" lui-même se voit replacé dans le rôle d'un partenaire du dialogue social, dans le contexte global de ce qui est plausible et évident ; aucun chemin ne mène hors du processus de l'automédiation, de l'autoréflexivité de l'esprit, mais tous les chemins finissent par y mener. "L'horizon du présent ne peut donc absolument pas se former sans le passé. Il n'y a pas plus d'horizons historiques qu'on puisse conquérir. La compréhension consiste bien plutôt dans le processus de fusion de ces horizons qu'on prétend isoler les uns des autres" (Vérité et méthode, Seuil 1976 (et 1996), p. 147). à la sphère anglophone dominée jusqu'alors par la philosophie analytique du langage. Avec l'apparition aux Etats-Unis de la New Science Philosophy (et en particulier depuis la parution, en 1962, de La structure des révolutions scientifiques de Thomas S. Kuhn - 1ère édition française, 1983) - mais pas uniquement à travers elle - la philosophie de Gadamer devint, dans les années soixante-dix "actuelle" également aux Etats-Unis, et on se disputait outre-atlantique la présence de Gadamer dans les congrès et pour des conférences. Il intervenait en anglais, une langue dont, à 70 ans environ, il avait habilement complété les rudiments acquis durant sa jeunesse (les langues standard d'un érudit étaient en effet, à l'époque, le latin, le grec et le français), pour la maîtriser à la perfection. "C'était comme une deuxième jeunesse", constatait-t-il à ce propos dans Philosophische Lehrjahre (1977, p. 198). 23 Agenda Jeudi 27 avr 20h30 Mardi 2 mai 18h30 La souveraineté Merc 3 mai 12h30 DOCUMENTAIRES : “Architecture et écriture, passerelles dans la MACC Jeudi 4 mai 20h30 LES ATELIERS S’AFFICHENT 2000 : Théâtre-Danse MACC Mardi 9 mai 18h30 Pour une nouvelle culture urbaine : les expérimentations contemporaines avec Antoine BAILLY et Jean-Yves BOULIN Jeudi 11 mai 17h30 Jeudi 18 mai Merc MACC LES ATELIERS S’AFFICHENT 2000 : Chant-Jazz ENTRÉE LIBRE Amphi Archimède - M1 ENTRÉE LIBRE avec Blandine BARRET-KRIEGEL ville” ENTRÉE LIBRE ENTRÉE LIBRE Amphi Archimède - M1 ENTRÉE LIBRE MAI Forum FNAC FNAC de Lille ENTRÉE LIBRE JUIN 18h30 Autour du labyrinthe Bât des Thèses ENTRÉE LIBRE 24 mai 18h30 La ville à deux vitesses : la politique de la ville en question avec Jean-Pierre SUEUR ET Dominique DUPREZ Jeudi 25 mai 18h30 Le théâtre et la représentation de la guerre avec Yannick MANCEL Bât des Thèses ENTRÉE LIBRE Jeudi 15 juin 11h-18h Train des écrivains Accueil Mairie de Lille ENTRÉE LIBRE Merc 21 juin Fête de la musique Cité Scientifique ENTRÉE LIBRE Parution de l’ouvrage “EMPLOI ET TRAVAIL : REGARDS CROISÉS” avec Jean-Michel RABEUX Prestation des Ateliers de Pratiques Artistiques Amphi Archimède - M1 ENTRÉE LIBRE Ustl Culture * Pour ces spectacles, il est nécessaire de retirer préalablement vos entrées libres à l’USTL-Culture (disponibles un mois avant les manifestations), le nombre de places étant limité. Nabil el HAGGAR Vice-Président de l’USTL chargé de la Culture Isabelle KUSTOSZ Directrice - USTL Culture USTL Culture - Cité Scientifique - Espace Culture 59 655 Villeneuve d’Ascq du lundi au jeudi de 9h00 à 19h00 et le vendredi de 9h00 à 13h00 sans interruption Tél : 03 20 43 69 09 - Fax : 03 20 43 69 59 www.univ-lille1.fr [email protected] Corinne JOUANNIC Administration-Comptabilité Delphine POIRETTE Communication Edith DELBARGE Editions-Communication Michèle DUTHILLEUX Logistique-Organisation Freddy ALLIOTTE - Philippine LEROY Johanne WAQUET - Karine WILLAME Stéphane LHERMITTE - Ulrika LOLLIOT Anthony RABELLE - Mourad SEBBAT 2000