Comment mieux piloter la gouvernance d`un projet de territoire
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Comment mieux piloter la gouvernance d`un projet de territoire
Comment mieux piloter la gouvernance d’un projet de territoire ? Intervention de Vincent Pacini La gouvernance c’est quoi ce machin (Repenser le territoire, édition de l’Aube) ? Dans son utilisation actuelle, ce terme est un anglicisme. Il désigne une manière d'aborder la question du gouvernement qui ne donne pas la priorité à l'art de gouverner et aux techniques de la conduite de l'action, mais aux relations entre les dirigeants et les dirigés, notamment la société civile et l'État. Cette perspective convient pour définir un programme de recherche, une ligne d'analyse aussi bien que pour élaborer un discours normatif, celui de la « bonne gouvernance » et il arrive souvent que les deux se mêlent. Les organisations internationales ont largement diffusé ce terme flou, qui sert à parler des coalitions entre les entreprises privées et les autorités publiques dans les villes américaines aussi bien que de la prise en compte de l'économie informelle dans les stratégies de développement local dans le Tiers Monde ou encore des procédures de concertation dans les grandes opérations d'aménagement du territoire ou d'urbanisme en France. Les réels problèmes que sont la modernisation de l'action publique, la coordination de l’action territoriale et l'évolution des sociétés civiles n'ont pas vraiment besoin que l'on évoque la gouvernance pour être posés et l'utilisation d'un terme tellement ample produit, en particulier dans les comparaisons internationales, bien des incompréhensions. Pourtant, il a au moins le mérite d'ouvrir les débats et d'éviter que chacun se réfugie derrière la radicale spécificité de sa situation nationale. Surtout, la notion de gouvernance présente un grand intérêt tant qu'elle sert à poser des questions longtemps négligées: à cet égard, elle constitue un bon contrepoint au management public dont les productions récentes, souvent très riches, restent marquées par un certain enfermement dans la sphère des acteurs publics. En revanche, elle n'aide pas vraiment à traiter une question pourtant essentielle: partout, l'État et les diverses autorités publiques possèdent un pouvoir instituant par rapport à la société: ils créent des découpages sociaux (et pas seulement territoriaux), ils agissent sur la culture, l'action économique, la vie privée. En France, ce pouvoir instituant reste fort. Comment l'exercer dans le contexte actuel ? Comment, par exemple, construire, avec divers instruments dont les politiques d'aménagement du territoire font partie, des découpages sociaux équitables? Une pratique de la gouvernance qui reste difficile La prise de décision politique et l’application de règles précises d’organisation est souvent difficile à l’échelle territoriale. Sans doute la complexité des territoires y est-elle pour beaucoup. A côté des dimensions géographique, humaine, historique, culturelle, sociale, économique etc, qui s’articulent plus ou moins harmonieusement, s’ajoute un découpage administratif aux échelles multiples, parfois antagonistes, souvent éloigné de la réalité du terrain et rarement adapté au projet de territoire lui-même. Si ces caractéristiques rendent délicate la gestion politique courante, elles donnent aux projets de développement territoriaux des allures de défis qui ne peuvent être surmontés qu’à l’aide d’une vision d’avenir partagée et d’une réelle volonté politique de conduire le changement. Mais pour mettre en place et piloter « la gouvernance » les territoires doivent faire face à cinq enjeux clés : - la dilution du pouvoir politique local dans de nouveaux ensembles géographiques poreux et flous. Les territoires cherchent de nouvelles formes d’organisation pour faire face à l’emboîtement des échelles. Mais ces transferts de compétences ne s’accompagnent pas nécessairement d’une réorganisation des ressources financières, humaines, techniques et les collectivités ont un besoin croissant de gérer au plus juste leurs ressources. - l’optimisation des ressources existantes Les territoires doivent assumer des objectifs plus élevés (aménagement des espaces, cohérence des politiques publiques, élaboration de nouvelles politiques publiques, concurrence régionale et internationale, libéralisation des flux économiques et démographiques, l’évolution des réglementations européennes et nationales), sans obtenir de moyens supplémentaires. Ils doivent donc trouver de nouvelles marges de manœuvre, pour faire mieux, à moyens au moins constants. - la transversalité des problèmes et l’inadaptation des outils de la connaissance L’interdépendance des échelles géographiques se combine à l’interdépendance des problématiques sociales, économiques et culturelles. Le problème de l’emploi et aussi celui du logement, de la santé, de la qualité des espaces, du développement durable… Un contexte qui oblige les acteurs à partager la connaissance, à mutualiser les moyens, à élaborer de nouveaux partenariats. L’enjeu devient de plus en plus la mise au point d’un système d’information capable de « rendre visible » cette transversalité. Une nouvelle connaissance est nécessaire pour mieux comprendre, expliquer et communiquer les transformations en court, les choix politiques préconisés, les actions engagées. C’est un nouveau système d’experts partagés qu’il faut créer et adapter à chaque territoire. - la multiplicité des comportements et des stratégies des acteurs Ces mutations en cours interrogent, sinon modifient les stratégies et les comportements du citoyen au rôle de l’Etat, en passant par les représentants institutionnels et les forces vives des territoires. Le pilotage ancien et descendant marqué par une forte centralisation des pouvoirs ne fonctionne plus. Tout se passe comme si chaque pilote d’avion continue de voler dans un espace inorganisé sans repère. L’absence de visibilité est préjudiciable au pilote qui en cas de défaillance tente de corriger de façon brutale sa trajectoire sans tenir compte de l’existant. Si il n’est plus possible de planifier à moyen et long termes sans se tromper, il est indispensable de mesurer le chemin parcouru et d’apprécier les progrès effectués. - Une communication brouillée qui entretient l’idée d’une perte de sens L’absence de clarté et de transparence des transformations de l’environnement, mais également des choix stratégiques des acteurs est source d’incompréhension pour tous. Le système pilotage doit devenir également un outil pédagogique et de communication commun pour comprendre progressivement les changements en cours et proposer des réponses acceptables aux yeux de tous. Un pilotage qui nécessite la maîtrise de trois processus Certes organisation et gouvernance territoriales se construisent sur une communauté de destin. Les solutions aux problèmes du territoire reposent avant tout sur les hommes et leur capacité à se mobiliser sur des projets collectifs, et à concevoir des organisations susceptibles de les faire aboutir. « Il n’y a pas de véritables territoires sans projet des acteurs qui l’habitent ». Dans ce cadre, améliorer la lisibilité des actions et expliciter de manière transparente la responsabilité des acteurs n’est pas un objectif secondaire : sa réalisation passe par des pratiques d’information plus pédagogiques en direction du citoyen, un renouvellement des compétences pour mieux aborder les problèmes complexes et la volonté de faire de la politique autrement. Qui peut être contre ces idées, même si nous éprouvons des difficultés à en mesurer l’efficacité ? La vraie difficulté n’est pas de se poser la question si la gouvernance est utile et salutaire, mais de savoir si il existe une forme de gouvernance plus efficace qu’une autre et si oui, comment faire. Mon expérience me laisse penser que cette gouvernance passe par un apprentissage plus ou moins long qui s’appuie sur la maîtrise de trois processus : - Le pilotage du processus de connaissance Il vise à partager l’information et mettre en cohérence l’information stratégique, la dimensionner à l’échelle du territoire ou du projet de territoire. Ce processus conduit les acteurs à créer un langage commun, à apprécier chemin faisant le degré d’importance de tout ce qui est susceptible d’influencer le devenir des territoires, d’évaluer la maîtrise des acteurs, d’imaginer les stratégies nécessaires pour se préparer aux changements attendus et provoquer les changements souhaités. - Le pilotage des ressources Il conduit les acteurs à évaluer la gestion des ressources actuelles disponibles (financière, humaines et techniques) et les dimensionne aux projets et aux stratégies du territoire. Ce processus oblige les acteurs à réfléchir à une meilleure optimisation de la gestion des ressources et à créer de nouvelles ressources. Le territoire doit être en mesure à tout moment de redéployer les ressources en fonction des aléas et des priorités retenues. - Le pilotage de la conduite du changement. Il évalue et accompagne les stratégies d’acteurs. Cette veille est essentielle pour créer les conditions d’un territoire apprenant et mesurer les changements nécessaires à accomplir.