Y a-t-il un pilote dans la loco?

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Y a-t-il un pilote dans la loco?
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Y a-t-il un pilote dans la loco?
José Crespo
Au mépris des investissements récents, Berne remet en question l’existence de 57 lignes régionales
romandes pour envisager leur transfert sur des bus.
éclairage
Les lignées
menacées
Aucune région n’échappe au couperet
de l’Office fédéral des transports. Parmi
les trains régionaux menacés en Suisse
romande, certains desservent de nombreuses habitations et d’autres sont emblématiques pour le tourisme. Quelques
exemples des axes les plus menacés,
présentant un seuil de rentabilité inférieur à 30%.
> Le Noirmont–Tavannes.
> La Chaux-de-Fonds–Le Locle.
> Aigle–Les Diablerets.
> Montreux–Les Rochers de Naye.
> Genève–La Plaine.
> Bulle–Montbovon.
> Martigny–Le Châtelard.
tre part, par les subventions fédérales, cantonales et communales.
Or, selon ce document, les cantons
devront désormais, avant tout investissement conséquent sur une
ligne régionale, examiner s’il ne
serait pas plus avantageux de la
remplacer par des bus au cas où sa
rentabilité serait inférieure à 50%.
En Suisse romande, 57 tronçons sont concernés. Berne veut
même systématiser cette démar­
che pour quelque 25 lignes dont
les recettes couvrent moins de 30%
des dépenses (lire encadré). La liste
publiée par l’OFT a suscité une levée de boucliers. Du Locle à Finhaut en passant par Glovelier, les
trains menacés forment en effet la
colonne vertébrale des régions
périphériques. Pour illustrer l’incohérence de l’OFT, nous avons
examiné deux d’entre eux: le tronçon reliant Delémont à la localité
frontalière de Delle (F) et le RER
Bulle–Romont–Fribourg.
Delémont–Delle
«La proposition de la Confédération n’a aucun sens», tempête
David Asséo, délégué aux transports
pour le canton du Jura. Des dizaines
de millions de francs (20 millions en
2012) ont été investis récemment
pour améliorer la ligne, le matériel
roulant et les cadences sur l’axe
Delémont–Porrentruy–Delle.
Ces efforts ont été payants
puisque la fréquentation a augmenté de 44% depuis 2004. En
2013, le seuil de rentabilité sur
cette ligne sera certes de 35% seulement, mais il faudrait 10 autobus
articulés, l’un derrière l’autre, pour
prendre en charge les quelque
1000 passagers qui arrivent à Porrentruy à 8 heures le matin! La proposition de Berne est d’autant plus
absurde que la France met les bouchées doubles pour prolonger la
ligne en ressuscitant, d’ici à 2015,
le tronçon entre Delle et la nouvelle gare de TGV à Belfort.
Bulle–Romont–Fribourg
Berne se tire une autre balle
dans le pied en inscrivant la ligne
Bulle–Romont–Fribourg sur sa
liste. Le nouveau RER exploité par
les Transports publics fribourgeois
(TPF) et les CFF depuis la fin de
2011 affichait pourtant, en mai
déjà, une hausse de la fréquentation de 28% entre Bulle et Romont.
Les cadences sur la ligne seront du
reste étoffées à partir de ce 9 décembre.
Ni les CFF ni le Service fribourgeois de la mobilité n’ont souhaité
se prononcer. De leur côté, les TPF
ne prennent pas la menace au sérieux. «Nous l’interprétons com­me
un exercice de style politique visant à rappeler l’importance du
trafic régional», estime leur porteparole Martial Messeiller.
Un signal dangereux
«Notre volonté n’est pas de démanteler le trafic régional, tempère
en effet Florence Pictet, porte-parole
de l’OFT. Aucun automatisme n’est
prévu et la rentabilité n’est pas le
seul critère. Il est toutefois légitime,
pour justifier les subventions, de se
demander si la solution en vigueur
est la plus appropriée.» Nous n’en
saurons toutefois pas davantage sur
la rentabilité exacte des tronçons
mis en cause. Les arguments de
l’OFT ne convainquent pas non plus
le Gouvernement jurassien qui juge
ce signal dangereux. «La politique
des transports se mène sur le long
terme, observe David Asséo. Or, la
qualité du réseau suisse tient précisément à la complémentarité entre
le réseau régional et les grandes
lignes. Toucher à l’une d’elles, c’est
tirer la maille d’un tricot.»
En soufflant le chaud et le froid
à la veille d’une nouvelle augmentation des tarifs, Berne décrédibilise les efforts entrepris pour dynamiser les transports publics.
Claire Houriet Rime
BO
es Suisses sont les champions
du monde des kilomètres parcourus en train. L’âge d’or du rail
suisse appartient-il à l’histoire?
On pourrait le croire à la lecture
d’un projet d’ordonnance publié
récemment par l’Office fédéral des
transports (OFT).
En préambule, rappelons que
le trafic régional est financé, d’une
part, par les recettes (abonnements, billets et publicité) et, d’au­
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Liste complète des lignes
menacées sur
www.bonasavoir.ch

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