Cultures intermédiaires - la chambre d`agriculture de Franche

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Cultures intermédiaires - la chambre d`agriculture de Franche
Cultures intermédiaires
Pourquoi implanter un couvert ?
Couverts, intercultures, dérobées, engrais verts, CIPAN…
Tous ces termes sont proches et se distinguent par la finalité de la couverture végétale mise
en place sur la parcelle.
A la différence d’une culture, les couverts n’ont pas vocation à être récoltés et peuvent
même être conduits en continu en parallèle des cultures (cas des systèmes en semis sous
couvert). Ici nous traiterons des couverts ponctuels, soit des cultures intermédiaires (ou
intercultures)
intercultures c’est-à-dire prenant place entre deux cultures récoltées.
L’appellation de CIPAN (cultures intermédiaires pièges à nitrates) se focalise sur le rôle de
capteur du couvert pour éviter les fuites d’azote dans le milieu, tandis que le terme d’engrais
engrais
vert considère le couvert au regard de ses restitutions à la parcelle une fois celui-ci détruit.
Enfin, on parle de culture dérobée quand une culture intermédiaire est récoltée pour être
valorisée dans l’alimentation d’un troupeau.
Les intérêts d’une couverture végétale
A l’automne comme à la reprise printanière, les couverts ont plusieurs cordes à leur arc.
Implantés après les récoltes de l’été, ils permettront de couvrir les sols pendant l’hiver
avant l’implantation d’une culture de printemps.
Les éléments nutritifs résiduels sont prélevés par le couvert pour sa croissance et
éviteront ainsi d’être lessivés vers les eaux souterraines. Le rôle principal d’une culture
intermédiaire est donc de piéger les nitrates,
nitrates c’est pourquoi cette technique est
obligatoire en zone vulnérable en cas d’interculture longue (voir page suivante).
A l'implantation de la culture suivante, le couvert détruit relargue ces éléments en les
rendant disponibles pour la culture suivante. L’utilisation des couverts comme engrais
verts est encore plus efficace si des légumineuses sont présentes dans le couvert.
Mais ce n’est pas tout, les cultures intermédiaires sont aussi bénéfiques pour l’état des
sols : en surface, elles permettent de limiter l’érosion, le ruissellement et la battance.
battance
En profondeur, elles permettent d’améliorer la structure du sol par leurs racines, et, en
se décomposant de maintenir le taux de matière organique et l’activité biologique du
sol.
Enfin, en fonction des espèces implantées, les cultures intermédiaires peuvent rompre le
cycle de certains parasites ou avoir un effet allélopathique (libération de substances qui
empêchent la pousse d’adventices) sur la culture suivante.
Les bénéfices apportés par les cultures intermédiaires sont donc nombreux et
compensent souvent leur coût d’implantation. Cette technique s’inscrit pleinement dans
l’optique de systèmes de productions économes en intrants.
Pour obtenir les effets escomptés notamment en terme de réduction d’herbicides et de
pression parasitaire, le choix des espèces est déterminant et se raisonne en fonction de
la rotation et des itinéraires techniques.
Cultures intermédiaires
Précautions et réglementation
Quelques considérations à prendre en compte
Si les couverts apportent indéniablement de nombreux avantages agronomiques, ils n’en
restent pas moins une implantation d’espèces végétales, souvent de familles proches des
espèces récoltées, et peuvent donc présenter quelques contraintes.
Par exemple, les couverts favorisent souvent les limaces et peuvent être des hôtes de
maladies (phoma avec colza en interculture) ou de parasites pour la culture suivante
(pucerons de la jaunisse nanisante de l’orge sur céréales à paille par exemple).
Pour éviter ces inconvénients, il est préférable de semer des couverts de familles différentes
des espèces cultivées dans la rotation ou au moins d’alterner
alterner les familles botaniques.
botaniques
Autre facteur à prendre en compte, la minéralisation
de la matière organique : si généralement les couverts
entraînent une légère augmentation des rendements
(plus d’azote disponible au printemps), il faut éviter
de détruire tardivement ceux à base d’espèces riches
en carbone car cela pourrait provoquer une faim
d’azote.
En revanche pas de problèmes pour le phosphore et
la potasse contenus dans les résidus de végétaux qui
se retrouvent dans le sol sous une forme identique à
celle des engrais minéraux les plus solubles.
Le couvert doit aussi avoir le temps de se développer
pendant l’interculture. Le choix des espèces doit donc
prendre en compte la fenêtre temporelle disponible
pour le développement du couvert entre la récolte
du précédent et l’implantation de la culture suivante.
Enfin deux critères propres aux espèces sont à
considérer : le coût de la semence,
semence très variable d’une
espèce à l’autre et la facilité de destruction.
destruction Pour ce
dernier point, les espèces gélives sont très
intéressantes d’un point de vue économique et
environnemental.
En conclusion, le couvert idéal n’existe donc pas et
les mélanges d’espèces sont recommandés pour
atténuer les effets négatifs.
La prise en compte de ces points clés ne doit pas être
un frein à la mise en place de couverts et permettra
au contraire d’en tirer le maximum de bénéfices,
notamment sur l’économie d’engrais azotés et
d’herbicides.
Interculture et directive nitrates Aspects réglementaires
Depuis l’automne 2012, 100% des sols en
zone vulnérable doivent être couverts :
• soit par une culture d’hiver ou une
prairie,
• soit par une culture intermédiaire ou
une dérobée, avant une culture de
printemps,
• soit par les cannes de maïs grain ou de
tournesol broyées et enfouies.
L’utilisation d’herbicides chimiques pour
la destruction des couverts est interdite.
Les CIPAN et les dérobées doivent être
implantées au plus tard au 10 septembre
et détruites après le 15 novembre (ou
après le 1er novembre si taux d’argile >
30%).
Voir tableau récapitulatif p.8 du lien
suivant :
http://www.franche-comte.chambagri.fr/
fileadmin/images_docs/
images_docs_contenu/actu/CDA70/
resum%C3%A9DNO3_vs2012.pdf
Voir aussi le site de la DDT de HauteSaône pour la mise à jour des arrêtés :
www.haute-saone.equipementagriculture.gouv.fr, rubrique Domaine
d'activité, puis "Eau", "Programme
d’actions nitrates".
Cultures intermédiaires
Gérer ses couverts
Implantation
Les doses et les dates de semis de l’interculture dépendent des
espèces choisies pour le couvert. Néanmoins, en zone vulnérable
le semis doit avoir lieu avant le 10 septembre.
Quoi qu’il en soit, il est conseillé de semer assez rapidement
après la récolte.
humidité
récolte Un semis sur un sol ayant conservé de l’humidité
permet une levée rapide et réussie du couvert, nécessaire pour
que l’interculture soit efficace.
Au niveau des équipements,
équipements les CIPAN peuvent être implantées
de différentes façons suivant le système de culture : à la volée
avec recouvrement, en combiné avec un passage de herse
rotative, en semis direct, ou après un déchaumage avec un
semoir à céréales.
Quand implanter un
couvert ?
• Entre
une céréale et une
culture de printemps
• Dans les situations où l’azote
est fortement présent dans un
sol sans cultures :
- après un épandage ou
- en cas de reliquat élevé
comme derrière un pois
• Pendant l’interculture en zone
vulnérable (nitrates).
Les semences de CIPAN sont généralement de petite taille et
demandent une profondeur de semis plutôt faible. Un passage de
rouleau est recommandé pour améliorer la levée. Il faut veiller aux différences de taille et de
formes des graines pour éviter des séparations dans la trémie (graines semblables pour semis
de deux espèces ou semis d’au moins trois graines différentes sont recommandés).
Eviter les problèmes
Pour éviter que le couvert ne
favorise les limaces,
limaces il est
recommandé d’utiliser des
espèces peu appétantes
(phacélie, moutarde) et de
déchaumer avant le semis.
Autre point de vigilance, les
résidus d’herbicides.
Les
d’herbicides
produits utilisés sur la culture
précédente doivent être
compatibles avec les espèces
du couvert pour permettre
son bon développement.
S oye z pa rt ic ul iè rem en t
vigilant avec les sulfonylurées
pour les crucifères.
Les pailles laissées après récolte peuvent gêner la levée de
l’interculture. Si elles ne sont pas enlevées, il est préférable de
les broyer avant l’implantation du couvert.
Destruction
Les couverts peuvent être détruits mécaniquement,
mécaniquement chimiquement (sauf
en zones vulnérables) et par le gel pour certaines espèces.
La destruction précoce est généralement recommandée :
• pour éviter la lignification des couverts à cycle courts –plus
difficiles à incorporer par la suite et gênant le semis suivant,
• pour éviter les effets dépressifs de certaines espèces sur la culture
suivante,
• pour éviter la montée à graine sur les couverts à cycle court
(surtout pour la moutarde),
• pour laisser le temps d’effectuer un travail profond en sol argileux.
Dans les cas où les contraintes ci-dessus ne sont pas présentes, une
destruction tardive aura l’avantage de prolonger la structuration du sol
par les racines, de limiter l’érosion et le développement des adventices.
Les légumineuses requièrent également d’une destruction tardive pour ne pas libérer l’azote
trop tôt car elles sont très vite minéralisées.
Enfin les espèces trop gélives (nyger, sarrasin) ne sont pas recommandées en zones de gelées
précoces car elles pourraient être détruites avant d’avoir suffisamment piégé d’azote.
Cultures intermédiaires
Caractéristiques des couverts
Choix des espèces
De nombreuses espèces sont utilisables et les associations rendent encore plus grande la possibilité
de mélanges. Certaines espèces se détachent de par leurs efficacité et leur facilité de conduite,
mais le choix doit toujours être fait en fonction de la situation et des besoins de la parcelle à
couvrir :
•
Piégeage de l’azote (reliquat élevé) et fourniture au printemps (intérêt d’implanter des
légumineuses). La prise en compte des épandages et des reliquats ne doit pas être négligée.
•
Amélioration de la structure du sol –graminée pour la surface et racines pivot (radis,
tournesol) pour la profondeur.
•
Durée de l’interculture (moutarde, colza et phacélie pour leur croissance rapide –également
recommandés en cas de reliquat élevé–, graminées pour
les intercultures longues).
Les couverts implantés en Franche-Comté généralement
composés à base de :
• Moutarde, seule ou en mélange
• Radis, seul mais particulièrement efficace associé à la
vesce et à la phacélie
• Vesces, avoines, phacélie et tournesol en association
Le sorgho et le nyger ne semblent pas appropriés à la
région (développement très faible, surtout si semis tardif).
La gesse a montré un fort pouvoir de fixation d’azote
mais elle nécessite d’être implantée précocement.
Gain économique et
environnemental
Les essais conduits dans le Jura ces
dernières années ont montré
qu’hormis en années climatiques
exceptionnelles (comme 2003), les
intercultures permettent d’obtenir sur
le maïs suivant un gain de rendement
moyen de 9,5 q/ha.
Le coût d’implantation des couverts
est largement compensé par les effets
de piège à nitrate et de rattrapage en
profondeur de phosphore et potasse.
En effet, en fonction des espèces
implantées, la valeur fertilisante des
couverts –ce qu’il aurait fallu apporter
pour apporter autant d’éléments NPK
– peut varier d’une vingtaine d’euros
à près de 300€.
Ces éléments restitués à la culture
suivante constituent une économie
d’engrais et représentent seulement
30% des éléments fixés par le
couvert. Le reste, incorporé sous
forme de matière organique dans le
sol sera libéré progressivement -autant
d’éléments qui n’ont pas été perdus
pas lessivage.
Photo : Moutarde jouant le rôle de tuteur dans un
couvert d’avoine de printemps, vesce, pois et sarrasin.
Cultures intermédiaires
Essai de couverts en mélange à Gy (2010)
Sol argilo-calcaire profond,
précédent orge d’hiver.
Mélanges testés
Espèces
Densité
Tournesol Avoine P Trèfle
Pois Radis Navette
Tournesol Avoine P Trèfle
Radis Vesce
Tournesol Phacélie Pois Radis
Vesce
Biomasse produite Prix du mélange Salissement (pieds
en 75 j. (TMS/ha)
(€/ha)*
d’adventices/m²)
46
4,46
74
-
35,1
6,99
47
-
44,6
6,81
95
1,25
Moutarde Avoine S Phacélie
26
2,94
64
9,25
Moutarde Avoine P Sarrasin
Pois Vesce
52
7,65
68
-
Avoine S Phacélie Radis Vesce
34,5
6,57
82
4,75
Avoine S Trèfle Pois Radis
36
10,03
72
4
Avoine P Sarrasin Trèfle Radis
46,5
6,13
55
-
Sol nu déchaumé
-
-
-
23,75
Avoine S : avoine strigosa
* prix 2010 sur faibles quantités
Piégeage d’éléments minéraux par les couverts
E lem ents a bso r bés ( K g / h a )
450
400
350
300
375
331
265
226
250
200
416
N absorbé
P absorbé
K absorbé
148
289
241 236
276
236
213
170
159
150
100
50
19
29
30
61
42
10
38
32
46
24
0
Tournesol Tournesol Tournesol
Avoine P
Avoine P
Phacélie
Trèfle Pois Trèfle Radis Pois Radis
Radis
Vesce
Vesce
Navette
Moutarde
Avoine S
Phacélie
Moutarde Avoine S
Avoine S
Avoine P
Avoine P
Phacélie Trèfle Pois
Sarrasin
Sarrasin Radis Vesce
Radis
Trèfle Radis
Pois Vesce
Le mélange le plus satisfaisant dans cet essai : Avoine strigosa (10 kg/ha) +
Trèfle d’Alexandrie (5 kg) + Pois fourrager (20 kg) + Radis chinois (1 kg).
Ses atouts : un faible salissement d’adventices (seulement 4 pieds au m²), une
très bonne structuration du sol et une biomasse généreuse (10T MS/ha), qui a
piégé le maximum d’éléments fertilisants de nos essais (375 kg d’azote piégé
par les plantes sur un hectare et 416 kg de potassium) restitués pour partie à la
culture suivante.
Photo : Mélange n°7 (avoine, trèfle, pois et radis) au 14 septembre 2009.
Cultures intermédiaires
Essai de couverts en mélange dans le Jura
Essais d’intercultures dans le Jura
D’autres essais sur les couverts d’interculture ont été conduits dans le Jura pendant plusieurs années. Le
dernier essai conduit à Villevieux en 2008 apporte d’autres résultats sur sol limono-argileux calcaire après
blé d’hiver et pailles enlevées.
Composition du mélange
Densité
Biomasse produite
(T MS/ha)
Prix du
Mélange
(€/ha)
N total
P2O5
K2O
Valeur
fertilisante
€/ha
Féverole Phacélie Vesce Avoine H
81,7
2,5
55
101
29
113
155
Radis Phacélie Vesce Avoine H
31,7
2,4
45
93
30
119
168
Avoine H Vesce
86
2,2
70
47
25
112
108
Radis chinois
10,5
3,1
50
99
42
148
220
Radis
10,3
3,2
40
140
49
178
288
Moutarde
11,5
3,1
29
107
25
99
160
Sol nu
-
0,2
-
8
2
8
12
Avoine H : avoine d’hiver
Le calcul de la valeur fertilisante est réalisé avec les hypothèses suivantes :
30 % de l’azote absorbé par le couvert utilisé par la culture suivante,
Prix des engrais 1.2 €/uN, 1.5€/uP et de 1 €/uK,
Valeur fertilisante = coût équivalent engrais – coût de la semence.
Le coût d’implantation n’est pas déduit car toutes les parcelles, y compris le sol nu, ont été « traitées » de
la même manière (un passage de combiné semoir + herse rotative).
Conclusion
L’intérêt des couverts en mélange d’espèces
est intéressant à plusieurs niveaux :
ils permettent d’introduire un prix moyen
en mélangeant des espèces plus ou moins
chères.
La probabilité de développement est plus
importante quelles que soient les
conditions climatiques.
Les légumineuses permettent de bénéficier
d’un couvert plus dense et d’un relarguage
d’azote pour la culture suivante.
L’exploration du sol par les racines est plus
importante, d’où une structuration
profonde et de qualité.
Contact
L’interculture permet de piéger
efficacement les nitrates et
d’économiser sur les apports d’engrais
grâce au rattrapage en profondeur du
phosphore et de la potasse (ces deux
éléments captés par les couverts se
retrouvent dans le sol sous une forme
identique à celle des engrais minéraux
les plus solubles).
Ces effets conjugués au gain de
rendement sur la culture suivant font
des couverts une pratique à adopter
lorsque la durée d’interculture le
permet.
Fiche rédigée dans le cadre des actions du pôle régional agronomie
Photos : CRA Franche-Comté et photothèque des Chambres
d’agriculture
Pour plus de
détails sur ces
essais et leurs
protocoles,
contacter
la
c h a m b r e
r é g i o n a l e
d’agriculture de
Franche-Comté.
lauranne.galliard
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