Quand la vente à l`étranger d`instruments collectifs

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Quand la vente à l`étranger d`instruments collectifs
QUAND LA VENTE À L’ÉTRANGER D’INSTRUMENTS COLLECTIFS QUÉBÉCOIS
PROFITENT À NOS PETITS AFFAIRISTES D’ICI
Texte de Léo-Paul Lauzon, professeur au Département des sciences comptables et titulaire de la Chaire d’études
socio-économiques à l’université du Québec à Montréal
À écouter parler le patronat, leurs politiciens et leurs meneurs de claque de tout poil, la
privatisation, la défiscalisation des gros, la désyndicalisation, le ratatinement de l’État au nom de
l’adaptation et de la modernisation, le libre-échange avec les States, les pseudos-lois
supposément naturelles du divin marché, et j’en passe, relèvent du pragmatisme et du gros bon
sens. Il faut s’y faire car personne ne peut rien contre ça.
Par contre, parler de nationalisation et de services publics, de syndicalisation des travailleurs
atypiques, de fiscalité équitable par l’instauration d’un impôt minimum sur les profits et sur la
richesse, la révision des trop nombreux abris fiscaux, la lutte à la fraude fiscale dans les paradis
fiscaux et aussi de l’intervention accrue de l’État relève d’idéologie et de dogmes émanant de
dinosaures totalement dépassés et intégralement déphasés.
Au fédéral, la privatisation de joyaux publics comme Air Canada, Petro-Canada, CN, Téléglobe,
Canadair, Télésat, Les Arsenaux canadiens, les aéroports, etc. s’est fait, mes amis, uniquement
au nom de l’idéologie néolibérale et de dogmes très conservateurs sans aucune étude sérieuse et
sans aucun débat public au profit de petits opportunistes et aux dépens de la majorité. Plusieurs
de ces mesures, comme le libre-échange, ont été imposées à la population malgré leur
opposition. Beau petit pays démocratique. Par contre, que la SAQ ou Hydro-Québec fassent le
moindre faux pas et les faiseux sont prompts à exiger la privatisation. Mais, dans le cas du
désastre de la privatisation d’Air Canada et de Petro-Canada, alors là, faut faire preuve de
compréhension et d’indulgence et surtout pas parler de nationalisation. Même chose au niveau
des fraudes répétées dans le domaine bancaire, pétrolier et pharmaceutique, faut pas suggérer la
nationalisation et l’intervention de l’État. Faut plutôt proposer des concepts angéliques et futiles
comme des mesures volontaires de responsabilité sociale de l’entreprise et d’éthique capitaliste.
Nous vivons dans une société à sens unique ou seuls la privatisation et le démantèlement de
l’État sont de mises. Les faiseux de droite n’ont de leçon à donner à personne. Le Canada, et bien
évidemment le Québec, est le pays occidental qui contrôle le moins son économie. On est devenu
locataire dans notre propre pays et dans notre belle petite province, pas seulement de nos
entreprises mais également de nos ressources naturelles, comme les forêts, le pétrole, le gaz
naturel et l’eau. Demain, ça sera le tour de nos services publics d’être cédés à l’étranger comme
la santé, l’éducation, les autoroutes, les aqueducs, etc., tout ça au profit des générations futures,
je suppose. Comme façon de s’appauvrir collectivement, on ne peut pas faire mieux.
Dans cet article, il sera facile pour moi de vous faire la démonstration que la privatisation, et la
vente à l’étranger qui s’ensuivit, de joyaux collectifs québécois, comme Biochem Pharma,
Provigo, Domtar et Cambior, s’est fait aussi au nom de dogmes primaires et n’a profité qu’à
quelques petits affairistes minables. Mes amis, la prestigieuse revue The Economist a dit
récemment que la vente de sociétés québécoises et canadiennes à l’étranger aurait soulevée des
passions et une levée de boucliers ailleurs. Ici, rien, même que ça se fait dans l’enthousiasme.
Faut être arriérés et colonisés pas à peu près.
Le cas de Biochem Pharma
L’ancêtre de Biochem Pharma était l’Institut Armand Frappier, un organisme étatique au Québec
rattaché au réseau de l’Université du Québec. C’est cet organisme de recherche public qui, à
l’aide uniquement de fonds et de chercheurs publics, avait inventé, entre autres, le plus célèbre
médicament pour lutter contre sida, le 3TC. Cette société était un succès total. Puis, le
gouvernement du Québec, au nom de l’idéologie néolibérale, l’a privatisée et la compagnie a
changé de nom pour Biochem Pharma. On a mis en place des faiseux qui l’ont inscrite en
Bourse et qui se sont naturellement octroyés des mégas parachutes dorés composés d’options
d’achat d’actions, de caisses de retraite et d’indemnités de départ. Puis, afin de profiter de la
manne, les dirigeants de Biochem Pharma, avec à sa tête l’opportuniste par excellence Francesco
Bellini, ces gens qui n’ont eu rien à voir avec les découvertes de la firme, qui n’ont rien investi
et, de ce fait, pris aucun risque, ont décidé de vendre en 2001 ce formidable instrument collectif à
l’anglaise Shire Pharmaceuticals Group pour 5,9 milliards de dollars.
Le titre de cet article du journal Les Affaires du 23 décembre 2000, rédigé par André Dubuc et
Francis Vailles, va tout vous dire sur qui a profité de ce honteux délestage : «Les dirigeants de
Biochem Pharma empocheront plus de 325 millions», dont la bagatelle somme de 261 millions$
à Francesco Bellini. Au premier paragraphe de l’article, il est dit que : «En vendant, les
dirigeants de Biochem Pharma n’auront plus les coudées franches, mais ils auront les poches
bien garnies… En rétrospective, les hauts dirigeants auront profité des décisions récentes (sic,
c’est-à-dire juste avant la vente) de l’entreprise concernant leur rémunération».
Puis, pour nous écoeurer encore plus, le même crosseur à Bellini a dit des énormités dans un
article de La Presse du 12 mai 2001 de Denis Arcand intitulé : «Bellini a le cœur brisé… Je ne
suis pas un lâcheur». Un lâcheur et un profiteur si vous voulez mon avis. Bout de merde
comment se fait-il que le gouvernement péquiste et la population du Québec n’ont rien fait pour
stopper cette transaction? N’y a-t-il pas de secteur plus stratégique pour un pays, générateur
d’investissements, de recherches et d’excellents emplois, que le domaine pharmaceutique? La
France n’a-t-elle pas récemment empêcher la vente à des étrangers de sa pharmaceutique
Aventis? Essayez donc pour voir de faire une offre d’achat émanant d’étrangers sur les
Américaines Merck et Pfizer. Lors de la vente à l’étranger de Biochem Pharma, de Provigo, de
Domtar, de Cambior et même des Canadiens et des Alouettes de Montréal, où étaient donc nos
intrépides et aventureux gens d’affaires et nos lumineux lucides qui nous accusent pourtant
régulièrement d’immobilisme? Ce qu’il aurait fallu faire, comme beaucoup d’autres pays
d’ailleurs, c’est de créer, comme l’a suggéré récemment Québec Solidaire, une société d’État
comme Pharma Québec qui aurait hérité de Biochem Pharma (Institut Armand Frappier) et qui
aurait aussi pris des participations dans d’autres jeunes compagnies pharmaceutiques
québécoises. Ainsi, nos découvertes, nos emplois, nos investissements et notre argent resteraient
ici même au Québec. Ben non, nos politiciens doctrinaires préfèrent verser des milliards de
dollars en fonds publics à chaque année sous forme uniquement de subventions, et non d’achats
d’actions, à des compagnies qui sont ensuite vendues à des étrangers au seul profit de leurs
actionnaires, comme ce fut le cas ces dernières années dans le domaine pharmaceutique avec
Sabex, MultiChem, ID Biomédical, Technilab, Anapharm, Promedis, Pangeo Pharma et Celmed
Biosciences.
Dans le cas de Celmed Biosciences vendue au mois de novembre 2006 à la hollandaise Kiadis,
qui toutes deux se spécialisent dans les médicaments contre le cancer, le titre de l’article de La
Presse du 29 novembre 2006 est révélateur : «Celmed Biosciences : le siège social quitte
Montréal», même si Celmed représente 70% des actifs de la nouvelle entreprise.
Et puis, même si les gouvernements et Francesco Bellini nous avaient juré avoir obtenu des
assurances bétonnées, «Shire ferme le labo de Biochem à Laval», tel était le titre de l’article de
La Presse du 1er août 2003 dans lequel on pouvait lire ceci : «Trois ans après avoir acheté la
pharmaceutique lavalloise Biochem Pharma, et deux jours après avoir obtenu un contrat de
vaccins de plusieurs millions du gouvernement fédéral, l’anglaise Shire Pharmaceuticals a
annoncé hier la fermeture du centre de recherches Biochem de Laval… Les 120 scientifiques et
administrateurs du prestigieux laboratoire ont été avisés hier qu’ils seront licenciés». Terminons
au moins sur une note positive. Au mois de décembre 2006, Francesco Bellini vient de nous
annoncer qu’il va s’installer en Alberta. Bon débarras. Si ça peut juste inciter d’autres profiteurs
comme lui à faire de même, on ne s’en porterait que mieux. On est prêt à payer le transport et le
cognac pour fêter ça.
Le cas de Provigo
L’histoire de Provigo, le plus important distributeur et grossiste en alimentation au Québec et un
retentissant succès né de véritables entrepreneurs dignes de ce nom suite à la fusion de Couvrette
et Provost, Lamontagne et Denault, ressemble à plusieurs égards à celle de Biochem Pharma.
Pendant longtemps, le contrôle majoritaire de ce joyau collectif était détenu par trois sociétés
d’État québécoises que sont le Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société générale de
financement du Québec et Soquia. Notre bon gouvernement du Québec a d’abord nommé à sa
tête des opportunistes de luxe, du type André Caillé qui aurait bien aimé privatiser HydroQuébec pour s’enrichir. Comme président et chef de la direction, ce fut Pierre Migneault qui eut
la bonne idée aussi d’embaucher sa conjointe Sylvie Lorrain à titre de vice-présidente déléguée,
qui elle également passera à la caisse, et comme président du conseil, ce fut Pierre Michaud,
actionnaire majoritaire de Réno-dépôt qui a depuis vendu sa business à une compagnie française.
Puis, le «brainwashage» et la propagande du faiseux Pierre Michaud a commencé, comme le
démontre clairement le titre de ces deux articles du Devoir et du Journal de Montréal parus le 12
avril 1995 : «Le président du c.a. de Provigo souhaite que la «saga» finisse. Pour Pierre
Michaud, la Caisse de dépôt ne devrait plus contrôler la compagnie», et «Pour le bien de
l’entreprise, il faudrait que Provigo appartienne à une multitude d’actionnaires. Pierre Michaud,
président du conseil». On se laisse dire n’importe quoi, par n’importe qui sans rien dire.
Quelqu’un peut-il dire à ce petit monsieur que c’est lorsqu’une compagnie appartient à l’État
qu’il compte le plus de propriétaires, soit plus de 7 millions de québécois et c’est ce qui est le
mieux pour l’entreprise, la population et le Québec. Comme dans le cas de Biochem Pharma, nos
journalistes, avec leur légendaire sens critique, se sont laissé dire et ont rapporté fidèlement les
conneries des dirigeants. Vraiment pathétique! Puis, comme il va de soi, «Si Provigo passe à
Loblaw, le tandem Migneault-Michaud passera à la caisse», tel était le titre de l’article de Miville
Tremblay paru dans La Presse du 4 novembre 1998. Encore une fois, des gens qui n’ont pas
fondé l’entreprise, qui n’ont rien investi et qui n’ont pris aucun risque, ont empoché des millions
de dollars. Dans un article de La Presse du 9 janvier 1999 intitulé : «Pierre Migneault ne devrait
pas faire de vieux os chez Provigo», il est dit ceci d’intéressant au premier paragraphe : «Le
président de Provigo s’est dit prêt à rester en poste sous la nouvelle direction de Loblaw. Mais
avec le parachute doré qu’il s’est négocié (sic), comment pourrait-il refuser de sauter?».
Effectivement, Migneault-Michaud ont sauté et très vite en plus de ça.
«Loblaw avale Provigo. L’offre du géant ontarien survient au moment où la Caisse de dépôt,
Métro-Ricgelieu et Provigo travaillaient à un projet de rapprochement», tel était le titre de
l’article du Devoir du 1er novembre 1998. Même si la Caisse de dépôt et Métro-Richelieu étaient
prêts à tout faire pour que le contrôle de ce géant reste au Québec, nos politiciens n’ont rien fait,
de même que nos aventureux gens d’affaires d’ici qui ont pourtant horreur de l’immobilisme.
Loblaw, une filiale de George Weston a payé 2 milliards$ pour faire l’acquisition de Provigo.
Pour l’essor de l’industrie agro-alimentaire du Québec, il aurait fallu que notre gouvernement
intervienne pour forcer la fusion de Métro et de Provigo et contraindre ces détaillants à faire un
minimum de place sur leurs tablettes à nos PME québécoises comme Lavo, Leclerc, Carrière,
Yoplait, Lassonde, Cascades, Lafleur et d’autres. Oui, l’ONU l’a dit à plusieurs reprises que dans
des petits pays et dans des secteurs névralgiques, l’État a le devoir d’intervenir. Comment nos
petites entreprises québécoises peuvent-elles, dans cette industrie, tenir tête à des multinationales
comme General Foods, Kraft et Nestlé? Penser le contraire, c’est faire preuve d’une forte dose de
pensée magique. Si d’autres pays le font, pourquoi alors ne le faisons-nous pas au nom du
pragmatisme et du gros bon sens? Mais dans le cas de nos biens publics, le profit rapide empoché
par les dirigeants opportunistes importe plus que le bien être de l’ensemble des Québécois et des
générations futures, comme l’a très bien signalé l’article de Miville Tremblay de La Presse du 4
novembre 1998 mentionné plus tôt : «On comprend que le tandem Migneault-Michaud ait trouvé
moins intéressante l’offre de Métro-Richelieu où l’appréciation du titre aurait été possible de
manière plus graduelle et plus incertaine». Valait mieux pour ces bandits empocher les millions
tout de suite et décrisser avec le pognon.
Le titre de ces articles va vous donner une bonne idée de ce qui s’est produit par après, suite à la
vente de Provigo à l’Ontarienne Loblaw :
-
«Provigo déleste 125 employés de son siège social». Les Affaires, 26 juin 1999;
«Vente de Provigo à Loblaw : l’inquiétude demeure grande parmi les producteurs et
transformateurs québécois». Le Devoir, 28 août 1999;
«Provigo restructure ses services informatiques», La Presse, 14 février 2002. 50 Postes
en moins au Québec;
«Centralisation de Loblaw à Toronto. L’agroalimentaire québécois s’inquiète», La
Presse, 5 mai 2006;
«Loblaw fait le ménage au Québec», La Presse, 17 novembre 2006. On peut lire que :
«Après avoir délesté deux centres de distribution qui employaient 140 personnes l’an
dernier, Loblaw fermera 27 magasins au Québec au cours des prochains mois».
Puis, concernant le cas précis du secteur de la boulangerie au Québec, voici une autre belle
histoire impliquant Weston, la compagnie-mère de Loblaw. Dans un premier temps, «Weston
évince les pains Gadoua», tel était le titre de l’article du Journal de Montréal du 26 mai 2001.
Fini les pains et autres produits de la québécoise Gadoua dans les marchés Provigo, Maxi et
Loblaws. Ils seront remplacés par les produits Weston, bien évidemment. On est jamais mieux
servi que par soi-même, n’est-ce pas? Puis, comme une PME comme Gadoua ne peut supporter
financièrement une telle perte de clientèle, ce qui devait arriver arriva, «La boulangerie Gadoua
se laisse avaler par la torontoise Weston», que titrait l’article de La Presse du 8 juillet 2004.
Fantastique. Peuple colonisé, soumettez-vous à genoux! Dans la même veine, le président de la
chaîne québécoise de dépanneurs Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, avait déploré la
vente de la boulangerie québécoise Multi-Marques à l’Ontarienne Canada Bread et avait dit que
cela sera dommageable pour l’économie québécoise dans un article du Journal de Montréal du
24 janvier 2001 intitulé : «La vente de Multi-Marques à Canada Bread Compagny : Une belle
occasion ratée, dit Alain Bouchard».
Le mot de la fin revient à Jacques Parizeau, ex-premier ministre péquiste du Québec et éminent
économiste, qui avait pondu la perle de connerie suivante dans un article du Devoir du 3
novembre 1998, publié en première page s’il vous plait, intitulé : «La Caisse de dépôt pourrait
acheter des actions de Loblaw. Une suggestion de Jacques Parizeau». Ben oui, avec 2 ou 3% du
contrôle de Loblaw, on va en faire une entreprise québécoise et c’est la Caisse de dépôt et
placement du Québec qui va mener chez Loblaw et non plus George Weston. Et ce sont ces gens
là qui se disent nationalistes et souverainistes! Triste à mourir!
Le cas de Domtar
Comme vous le verrez, les cas de Domtar et de Cambior sont aussi pitoyables. Domtar dans le
domaine de la forêt et Cambior dans celui des mines, n’y a t il pas secteur aussi névralgique pour
un pays d’être propriétaire de ses ressources naturelles comme les autres pays occidentaux le
sont. Uniquement dans le secteur des pâtes et papier, voici une liste non exhaustive de
compagnies québécoises qui sont passées à des intérêts étrangers ces dernières années sans que
personne n’intervienne : «Papiers Stadacona, Alliance, Forex, Consolidated-Bathurst, Foresbec,
Avenor, Cartons St-Laurent, Repap et Donahue. À quand le tour de Cascades et de Tembec?
Domtar, la plus importante papetière québécoise, qui, il n’y pas si longtemps, était détenue
majoritairement par l’ensemble des québécois par le biais de la Société générale de financement,
de la Caisse de dépôt et placement et de Dofor. Mais voilà, comme dans le cas de Biochem
Pharma, Provigo et Cambior, au nom de l’idéologie néolibérale qui préconise l’État très minimal
et déifie le pseudo-marché fondé sur le capitalisme global, nos minables politiciens l’ont
privatisé sans aucun débat public, ont nommé comme dirigeants de petits faiseux, plutôt que de
véritables commis d’État, qui ont vite fait de vendre à des étrangers en empochant des millions
de dollars grâce aux parachutes dorés qu’ils s’étaient octroyés. «Domtar passe aux Américains
(la papetière Weyerhaeuser). Une opération de 3,3 milliards$. Québec réagit prudemment», tel
était le titre de l’article du Devoir du 24 août 2006. Ben non, le gouvernement libéral du Québec
n’a pas réagit prudemment; Jean Charest et le ti-coune à Raymond Bachand, son ministre du
Développement économique, ont applaudi, en vrais colonisés qu’ils sont, à cette prise de contrôle
étrangère comme il a été signalé dans l’article du Devoir du 26 août 2006 : «Québec ne
s’opposera pas à la fusion entre Domtar et Weyerhaeuser». Quant au Parti québécois, il fut égal à
lui-même en donnant son accord mais avec prudence : «PQ : la prudence est de mise», que titrait
le Journal de Montréal du 25 août 2006. Comme à l’habitude, on s’est fait rassurant pour les
jobs et le maintien du siège social à Montréal, comme le titrait Le Devoir du 24 août 2006 :
«Domtar se fait rassurant pour les emplois au Québec». On vous croit menteurs… on a une
poignée dans le dos et une grosse en plus de ça. Servez-vous, le buffet est ouvert!
Exactement comme pour les trois autres compagnies passées en revue dans cet article, le petit
parvenu de président de Domtar avait passé son message aux politiciens dans ses médias et avec
l’appui indéfectible de ses loyaux journalistes, comme le signale de façon explicite le titre de cet
article de Michel Van de Walle paru dans le Journal de Montréal du 10 novembre 1995 : «Le
président de Domtar souhaite que Québec vende son bloc de la papetière». Dans l’article, il est
dit ceci de vraiment intéressant : «Selon le président Stephen Larson, le contrôle exercé par le
gouvernement du Québec sur le capital-actions de Domtar a un effet dépressif (sic) sur le titre en
bourse. Québec a acheté 42% des titres de Domtar en 1981 pour éviter un transfert d’activités en
Ontario». L’important c’est la hausse rapide du prix de l’action afin d’engraisser les arnaqueurs
de première classe et au diable les besoins des autres. Que pensez-vous que le gouvernement
français aurait répondu à ce petit parvenu s’il lui avait demandé de se délester des actions qu’il
détient directement et indirectement dans Renault, Airbus, EADS, France Télécom, Électricité de
France, Sanofi-Aventis, etc? Tout de même bizarre, en 1981, le gouvernement du Québec prend
le contrôle effectif de Domtar afin d’empêcher sa vente à l’étranger et 25 ans plus tard il
applaudit et participe à sa vente à l’Américaine Weyerhaeuser. Autres temps, autres mœurs! Un
exemple éloquent que la modernisation, l’adaptation et la réingénierie de l’État riment avec
colonisation.
Le cas de Cambior
C’est en 1986 que le gouvernement du Québec a privatisé pour des miettes Cambior, le plus
important producteur d’or québécois, qu’il détenait par le biais de la société d’État Soquem.
Naturellement, de petits dirigeants incompétents ont été mis en place, dont le président Louis
Gignac qui, par après, a presque aculé à la faillite Cambior par une très mauvaise gestion de
couverture des risques. Il n’aurait pas fallu que cet impair, qui a coûté des dizaines de milliards
de dollars à Cambior, eut été fait du temps que l’entreprise était propriété de l’État sinon on en
aurait entendu parler à la tonne par ben des arrivistes et leur suite nuptiale qui auraient alors
exigé la privatisation sur le champ. Ils sont toutefois plus compréhensifs et plus tolérants pour les
erreurs commises par le privé et loin d’eux l’idée de suggérer la nationalisation dans ces cas.
Puis, pour 1,3 milliard de dollars, «Le producteur d’or Cambior passe entre des mains
torontoises. L’union avec Iamgold donnera naissance à la dixième entreprise aurifère mondiale»,
que titrait Le Devoir du 15 septembre 2006. Comme cela va de soi dans ce type de transaction :
«Le Québec minier déplore la perte du siège social de Cambior», que titrait l’article du journal
Les Affaires du 23 septembre 2006 dans lequel le journaliste François Riverin mentionne que :
«La transaction se traduira par la disparition du siège social d’un producteur minier de taille
importante au Québec au profit de Toronto, avec les effets négatifs sur les emplois et les
fournisseurs de service que cela implique». Je suppose que c’est comme ça qu’on va s’enrichir
au Québec et que cela va profiter pleinement aux générations futures?
Le mot de la fin de cette autre triste histoire revient à la pathétique chroniqueuse de La Presse,
Michèle Boisvert qui, lors d’une «touchante» entrevue qu’elle a aimablement accordée au
président de Cambior Louis P. Gignac, a titré son texte ainsi : «Transaction sur fond de
tristesse». Naturellement, la madame a laissé Ti-Louis Gignac dire n’importe quoi sans l’ombre
d’un minimum de sens critique. Comme Francesco Bellini avait le «cœur brisé» lorsqu’il a
vendu Biochem Pharma à l’anglaise Shire, Louis Gignac, qui est le seul responsable des
difficultés financières de l’entreprise est, quant à lui, «triste» de la vente de Cambior à
l’ontarienne Iamgolg. Tabarnouche de tabarouette, tous les producteurs d’or au monde font
depuis plusieurs années des affaires «d’or» alors que Cambior végétait. Cherchez l’erreur chez
celui qui est attristé mais qui comme les autres empoche «légitimement» des millions de dollars
pour l’aider à passer au travers de cette dure épreuve. Une chance qu’il y a des chroniqueuses
humanistes comme Michèle Boisvert de La Presse pour leur prêter une oreille attentive, les
comprendre et partager leur douleur devant de tels drames, sinon ces affairistes de grands
chemins auraient certes des pensées suicidaires.
En conclusion
Je le répète encore une fois pour être bien entendu. Le Québec et le Canada sont les pays
occidentaux qui contrôlent le moins leur économie. Puis, l’ONU a suggéré à maintes reprises
l’intervention étatique dans les petits pays et ceux en développement. Il a même cité en exemple
la Chine pour son intervention dans l’économie comme le signalait explicitement le titre de cet
article du Devoir du 1er septembre 2006 : «La CNUCED vante l’interventionnisme à la
chinoise». Dans les années 1960, le slogan du parti libéral du Québec était «Maîtres chez nous»,
ce qui avait donné lieu à la nationalisation d’Hydro-Québec détenu alors par des Américains et la
mise en place d’instruments collectifs comme la Société générale de financement, la Caisse de
dépôt et placement, la Société de développement industrielle, Soquia, Soquem, Soquip, Dofor,
etc. afin de prendre le contrôle et les destinées de notre économie. Aujourd’hui, tant pour le Parti
québécois que le Parti libéral du Québec, leur devise est dorénavant : «Locataires chez nous».
Pour nous aliéner encore davantage, comme si nous ne l’étions pas déjà assez comme ça, il n’y a
rien de mieux que La Presse qui, le 1er novembre 2006, a titré ainsi en première page l’article
suivant : «Une bonne journée : profits de grandes entreprises québécoises au troisième
trimestre». Mais pour La Presse, Alcan, Pages Jaunes, Domtar, Molson Coors et le CN (qui
appartient maintenant à plus de 60% à des Américains) sont des Québécoises pures laines. À la
fois pitoyable et pathologique. Le CN est tellement québécois et canadien qu’il a tenu aux States,
pour la première fois de son histoire, son assemblée annuelle des actionnaires, tel que signalé
dans cet article du Journal de Montréal du 13 janvier 2006 intitulé : «L’Assemblée annuelle du
CN aux États-Unis». À bien y penser, on est tellement inféodé aux States que ce qui est
américain est aussi québécois. Et si on pousse un peu plus loin la logique, peut-être qu’à bien y
penser Wal-Mart, Exxon Mobil, Pfizer et Microsoft sont un peu plus québécois qu’américains.
C’est ça la beauté avec la mondialisation; il n’y a plus de frontières, on fait tous partie du même
village global. Vraiment grandiose et immensément emballant. Je me sens pousser des ailes. Ça
y est, je m’envole!