Partition 3D/coque par la méthode Arlequin

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Partition 3D/coque par la méthode Arlequin
Partition 3D/coque par la méthode Arlequin
H. Ben Dhia C. Durand G. Rateau
MSSMat UMR 8579 ECP 92295 Châtenay-Malabry
AMA EDF R&D 92141 Clamart
[email protected] [email protected] [email protected]
Résumé
Pour le calcul des structures curvilignes minces où, localement, les champs mécaniques ont une longueur d’onde de variation comparable à l’épaisseur, nous proposons de
former une partition 3D/coque dans le cadre de la méthode Arlequin.
1 Introduction
De par sa mission de maintenance du parc nucléaire, EDF est fréquemment amené à
étudier la nocivité potentielle d’un défaut mesuré dans les éléments de tuyauterie (sousépaisseurs, entailles, ...). Dans ces problèmes, nous distinguons sur le plan mécanique, au
moins deux échelles : une locale, où un modèle tridimensionnel raffiné est indispensable
pour représenter le défaut, et l’autre globale, où un modèle de coque suffit à représenter le
comportement du reste de la pièce. Nous proposons, dans ce contexte industriel, et pour ces
problèmes mécaniques multi-échelles, d’élaborer des éléments de jonction volumique 3D /
coque dans le cadre de la méthode Arlequin.
Rappelons que cette méthode, proposée par le premier auteur dans [3] et offrant un cadre
de modélisation multi-modèle des problèmes de la mécanique, s’appuie sur les trois idées
suivantes :
– superposer en volume deux modèles mécaniques et dupliquer, dans la zone de recouvrement, les états mécaniques,
– répartir entre ces modèles les travaux virtuels associés aux différentes forces, à l’aide
de fonctions de pondération,
– coller ces deux modèles sur la zone de superposition, avec un opérateur de jonction.
Signalons, en outre, que dans [3] et [4], cette approche a déjà fait l’objet d’une première investigation sur le cas d’un raccord bidimensionnel entre un modèle éléments finis de poutre
droite et un modèle éléments finis 2D. Le collage entre les modèles avait été écrit en utilisant
un opérateur de projection , et la condition de liaison avait été imposée par pénalisation.
Dans cet article, nous cherchons à étendre cette application au cas du couplage entre un
modèle éléments finis tridimensionnel et un modèle éléments finis de coque, et par rapport
au travail précédent, nous nous plaçons pour ce faire dans le cadre de la version lagrangienne
de la méthode Arlequin [4]-[6].
2 Couplage 3D/3D par la méthode Arlequin
Nous commençons par rappeler brièvement le raccord Arlequin 3D/3D dans la version
correspondant à [6]. Ces équations nous serviront de point de départ, pour dans la suite de
l’article, écrire le raccord Arlequin 3D/plaque et 3D/coque.
2.1 Un problème modèle
Pour pouvoir les écrire, nous considérons un problème mécanique modèle d’élasticité linéarisée isotrope en petites perturbations, portant sur une structure cylindrique occupant l’adhérence du domaine de ,
où
(1)
désigne la surface moyenne, que nous supposons incluse dans .
Le problème consiste à déterminer l’équilibre de cette structure, à la fois, sous l’effet d’un
chargement volumique et sous une condition d’encastrement sur
où
est une partie de mesure non nulle de
(2)
.
En désignant respectivement par ! et " , les tenseurs des contraintes et des déformations,
et en notant par # et par $ , le module d’Young et le coefficient de Poisson, la relation de
comportement 3D du matériau constituant s’écrit, en employant la convention usuelle sur les
indices répétés et en notant %'&)( , le symbole de Kronecker :
, + $ * &)( +#,
)
&
(
$.-0/
1$ /3242 %'&5('6
(3)
Ce faisant, le problème modèle peut être formulé comme suit,
CBED HGID
;=<?>@8A9
7 >F
>F
BED KJML D
D
7 >F
! 7NFOP" >F
Trouver 78:9
(4)
(5)
9
GID
>F
>:8
JL >
D
FN;>
(6)
sur
(7)
2.2 Formulation Arlequin
Pour faire apparaı̂tre les équations du raccord 3D/3D, nous modélisons ce problème en
recouvrant le domaine
des
par la superposition de deux modèles, occupant
l’adhérence
ouverts connexes
et , tels que la zone de recouvrement, notée
soit de
mesure non nulle.
Pour simplifier les écritures,
nous supposons que la condition d’encastrement sur ne
concerne que le domaine , et dans ces conditions, les espaces des champs de déplacement
cinématiquement admissibles pour les deux modèles s’écrivent :
D
sur >:8 F;>
(8)
D
9 F
(9)
D D ie. deux couples de foncEn désignant par P F et
F , deux couplessurde pondération,
+ , définies respectivement
tions à valeur dans et , et dont la somme est unitaire,
les travaux virtuels pondérés s’écrivent simplement comme suit.
9
B D
7
> F
JL
B D JL 7 > F
G D H
JPL
> F
G D HJPL
> F
D
! 7 F OP"
D
! 7 FOP"
>
> D
D
> F
(10)
> F
(11)
(12)
(13)
D("
FOP" F
L’analyse mathématique
de jonction dans
D [5] suggère de faire évoluer les multiplicateurs
D l’espace
F , et de prendre l’opérateur de couplage
F sous la forme d’un
produit scalaire de cet espace. Pour cette étude, nous choisissons,
&
<!
#"?
D "
F
J%$
" ', & " D
(14)
où le paramètre a pour but de rendre homogène les deux termes sous l’intégrale.
Ainsi, le problème Arlequin du raccord 3D/3D prend la formulation suivante,
Trouver
D
7
C B
B
C
<?> A
8 9 < > A
?
8 9 " 8 < )
7 D
D 77
F8:9 9
, D >> FF D >>
D(" 7 7
F
H
G
F
HG
F D
;
D >> FF
(15)
(16)
(17)
3 Raccord 3D/plaque
Nous allons maintenant utiliser cette formulation pour le cas où le paramètre est petit.
Dans ce cas, pour des questions de qualité du maillage, la modélisation par des éléments finis
volumiques s’avère rapidement onéreuse. De cette façon, il est en général pertinent d’utiliser des éléments de plaque, qui permettent une assez bonne représentation du comportement
mécanique global de la structure. Toutefois, à proximité de la zone d’encastrement et dans
toute zone où la longueur d’onde des champs d’intérêt devient inférieure ou comparable à
, ces modèles perdent leur précision et leur validité, et ce faisant, le mélange, au sein d’une
même modélisation, de modèles de plaque et de modèles volumiques, se présente comme une
alternative séduisante.
Nous signalons que d’autres approches ont été développées dans la littérature (eg. [7]), et
comparitivement, la méthode Arlequin, comme nous allons le voir ci-dessous, propose une
méthodologie originale pour écrire le raccord.
3.1 Modèle de plaque
Pour les modèles de plaque, la géométrie de la structure est représentée par la donnée
de la surface moyenne et de son épaisseur . Comme cette épaisseur est supposée faible
devant les dimension de , ces modèles postulent une cinématique particulière. Au premier
ordre, le champ de déplacement s’écrit comme suit,
avec D
F
D D ,
F 7
F
7
.
7
D F
(18)
En outre, suivant le modèle de plaque de Reissner-Mindlin, la relation de comportement est
donnée par
où ,
et
* + #,
,
+ $ $ / %
$ - /
.
#
* * +, $ / représentent les composantes
6
(19)
(20)
et , et le coefficient de correction
vaut .
De ce modèle, nous retiendrons, pour la suite, la cinématique particulière et les hypothèses
rhéologiques non conformes, et nous allons voir comment le cadre Arlequin permet de mélanger assez simplement ces spécificités avec le modèle 3D.
3.2 Equations continues
Nous approchons, dans les équations (15)-(17), le modèle tridimensionnel inscrit dans ,
par un modèle de type plaque. Compte tenu de la cinématique particulière, nous redéfinissons
l’espace 9
, comme suit,
9 >
> ,
> ; >
> 8 D
F
(21)
et, dans les expressions des travaux virtuels des forces internes (11), nous considérons la loi
de comportement (19)-(20) à la place de (3).
Dans ces conditions, les équations du raccord 3D/plaque prennent la même expression que
(15)-(17), et nous soulignons le fait que le mélange des différentes cinématiques et lois de
comportement s’opère de manière naturelle, dans la zone de transition, par le simple intermédiaire des fonctions de pondération. En fait, toute la différence en continu entre les
deux formulations, tient dans le choix des multiplicateurs de jonction.
3.3 Choix des multiplicateurs
$
$
L’analyse mathématique faite en [5], nous suggère l’alternative suivante pour le choix de
l’espace pivot,
9
9
ou
(22)
Ce faisant, il s’agit de décider s’il faut prendre des multiplicateurs de jonction avec une
cinématique volumique ou avec un cinématique de type plaque.
Pour trancher cette question, imaginons que nous choisissions des multiplicateurs avec
une cinématique complète. Dans ce cas, nous pourrions déduire à partir de (17) que
7
7 ,
7
sur
(23)
Ce faisant, nous forcerions le champ de déplacement 7 à suivre, sur cette zone, une cinématique de type plaque, alors que la relation de comportement du modèle correspondant est
inadaptée. En effet, nous imposerions de cette façon, la condition
/
D
7 F
sur
(24)
qui viendrait contrecarrer de manière forte l’effet de Poisson qui relie, par la relation (3),
toutes les composantes diagonales du tenseur des déformations.
$
Pour ces raisons, ce choix semble contre-indiqué, et nous retenons
9 (25)
3.4 Raccord Arlequin en discret
Si la formulation continue de ce couplage représente une étape importante pour la justification de notre démarche, elle ne constitue en aucun cas sa finalité, et tout l’intérêt de ce
raccord ne se révèle que dans sa version discrète.
Pour approcher de manière discrète les équations (15)-(17), nous considérons,
suivant
la
méthode des éléments finis, deux triangulations régulières, pour les domaines
et , et
nous notons les approximations correspondantes des espaces 9
et 9
, 9 et 9 . De
manière analogue à (25), nous choisissons 9 .
$
Si la discrétisation du modèle 3D se fait par la simple application de la méthode des
éléments finis, le modèle de plaque nécessite, à cause du verrouillage, des éléments de plaque
(technique de sous-intégration sélective, ou cisaillement transverse présumé, ...) [1].
B
D F , le travail virtuel des forces internes correspondant,
Ce faisant, nous désignons par et dans le cas de la sous-intégation, nous signalons que, par la présence de la fonction , la
discrétisation de (11) demande une attention particulière pour l’implémentation [8].
Ainsi, le problème approché de (15)-(17), s’écrit,
7 7 F8:9 9 ;
CB D , D G D <?> 8A9 7 > F > F
> F
(26)
CB D D G D <?> 8@9 7
>
F
>
F
>
F
(27)
"< 8 D" 7 7 F (28)
D F prend aussi en compte le terme de
A ce niveau, puisque l’opérateur de couplage Trouver
D
cisaillement transverse, nous pouvons nous interroger s’il ne peut y avoir une disproportion
entre ce terme et les autres, ce qui se traduirait, sur le plan numérique, par un mauvais couplage. Toutefois, l’exemple numérique donnée ci-après, ne semble montrer aucune anomalie.
4 Raccord 3D/coque
Dans le cas général où la surface moyenne est courbe, nous devons, pour suivre la même
stratégie, remplacer le modèle de plaque par un modèle de coque, et modifier en conséquence
les équations (15)-(17). Pour ce faire, la principale difficulté réside dans le fait qu’il existe
plusieurs interpolations pour discrétiser, suivant des hypothèses et des approximations plus
ou moins fortes, la géométrie courbe de la coque (représentation par facettes, géométrie lissée
des élements 3D dégénérés ou description analytique) [2].
Si certaines interpolations entrent entièrement dans le cadre des équations précédentes,
d’autres, telles celles par facettes, les modifient de manière importante, ce qui pose un problème pour l’écriture générique du raccord 3D/coque.
Considérons cette dernière. D’une part, même si les facettes sont courbes, leur surface polynomiale ne se confond pas toujours avec la surface moyenne , et à la frontière de ces
éléments, les normales peuvent être discontinues, ce qui se traduit, sur la géométrie approchée
tridimensionnelle de la structure, par des manques et des redondances de matière. En outre,
pour pouvoir écrire des champs de rotation continus, une composante supplémentaire, dite
rotation de vrillage, doit enrichir la cinématique, et pour assurer l’inversibilité de la matrice
de raideur, une rigidité artificielle est associée à ces degrés de liberté.
$
9 . D’une part,
Dans cette situation, il devient difficile de conserver le choix
les redondances de matière sont problématiques sur le plan de la modélisation, puisque la
même zone du modèle 3D est alors couplée à deux parties distinctes du modèle de coque.
En outre, l’ajout de la composante de vrillage pour les multiplicateurs se traduit par l’introduction d’équations de couplage supplémentaires, qui n’ont pas un grand sens mécanique,
puisqu’elles couplent la composante de vrillage du modèle 3D à celle, artificielle, du modèle
de coque. Enfin, pour que dans le cas général, le problème Arlequin de raccord 3D/coque soit
bien-posé, il faut, à l’image de ce qui est fait pour le terme de rigidité, modifier l’opérateur
de couplage.
Même si cette interpolation semble envisageable pour les multiplicateurs de jonction,
nous avons pris le parti, pour obtenir les résultats numériques qui suivent, d’interpoler les
multiplicateurs par des éléments de coque de type 3D dégénéré, et suivant (25), nous avons
choisi, lors du calcul des termes de jonction, de faire de même pour le champ de déplacement
7 .
Nous pouvons interpréter cette modélisation comme le choix d’utiliser deux approximations
différentes de la géométrie de la coque, une pour le calcul de la matrice de rigidité, et l’autre
pour le calcul des matrices de couplage. Pour des modèles de coque raffinés, ce choix semble
recevable ; en revanche, dans le cas de modèles grossiers, la question de sa pertinence reste,
à ce niveau de notre analyse, à justifier.
5 Exemples numériques
Repenant le cas étudié dans [4], nous avons tout d’abord testé la pertinence de ce raccord
sur le cas simple d’une poutre bidimensionnelle console, encastrée sur son extrémité gauche
et soumise à un déplacement imposé sur son bord opposé. Pour relever éventuellement des
effets
dues
à une disproportion des termes dans l’opérateur de couplage, nous avons choisi
. Sur la figure 1, nous indiquons les déformées résultantes, et sur les courbes cidessous, nous comparons les valeurs des champs de déplacement et de rotation avec celles
obtenues par un calcul avec le seul modèle de poutre. L’adéquation des deux courbes suggère
qu’il n’existe pas de telles difficultés.
Figure 1 – Test en 2D
Pour valider, notre approche en 3D, nous avons modélisé, comme indiqué sur la figure 2,
les cas classiques d’une plaque cantilever et d’un cylindre pincé. Dans le premier cas, nous
comparons les valeurs de la contrainte principale majeure obtenue par cette modélisation avec
celle obtenue par le seul modèle 3D, et dans l’autre cas, nous avons appliqué un déplacement
que sur un seul côté du cylindre, de sorte à observer un effet tridimensionnel.
Figure 2 – Partition plaque/3D et coque/3D
L’ensemble de ces résultats numériques ont été obtenus à partir du code de calul thermomécanique d’EDF, Code Aster.
Références
[1] Batoz J-L., Dhatt G., Modélisation des structures par éléments finis, Vol. 2 : Poutres et
plaques, Hermès, Paris, 1990.
[2] Batoz J-L., Dhatt G., Modélisation des structures par éléments finis, Vol. 3 : Coques,
Hermès, Paris, 1992.
[3] Ben Dhia H., Problèmes mécaniques multi-échelles : la méthode Arlequin. C.R.A.S.
Paris Série IIb 326 : 899-904, 1998.
[4] Ben Dhia H., Numerical modelling of multiscale problems : the Arlequin method,
ECCM’99.
[5] Ben Dhia H., Rateau G., Analyse mathématique de la méthode Arlequin mixte, C.R.A.S.
Paris Série I 332 : 649-654, 2001.
[6] Ben Dhia H., Rateau G., Application of the Arlequin method to some structures with
defects, R.E.E.F. 11, n 2,3,4 : 291-304, 2002.
[7] Ciarlet P.G., Mathematical Elasticity, Vol 2 : Theory of plates, North-Holland, Amsterdam, 1997.
[8] Rateau G., Méthode Arlequin pour les problèmes mécaniques multi-échelles. Applications à des problèmes de jonction et de fissuration de structures élancées, Thèse,
Laboratoire MSSMat Ecole Centrale Paris, en préparation.