La nullité du mariage - france

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La nullité du mariage - france
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 3. Droit de la famille / Mariage /
Mars 2007
La nullité du mariage
La nullité sanctionne la méconnaissance de certaines conditions de formation du mariage.
Ses applications, rares en pratique, ont récemment augmenté du fait d'une
recrudescence des mariages blancs et forcés.
I. Conditions
Parmi toutes les irrégularités de formation du mariage, le droit français distingue les
empêchements prohibitifs des empêchements dirimants. Les premiers correspondent à
des irrégularités bénignes (défaut de publication des bans, absence de certificat
prénuptial, célébration malgré une opposition…). Ils ne donnent pas lieu à nullité mais
autorisent seulement à faire obstacle à la cérémonie par le biais d'une opposition à
mariage. Les seconds renvoient à la violation d'une condition essentielle de formation de
l'union et sont sanctionnés par la nullité.
La nullité encourue est relative si la condition méconnue tend à défendre un intérêt privé.
Elle sanctionne ainsi l'expression d'un consentement vicié et la conclusion de l'union d'un
incapable sans autorisation de ses représentants. Seul peut en principe l'invoquer celui
que la loi a voulu protéger. Depuis 2006, le Ministère public est également admis à agir
en cas de vice du consentement. Intransmissible, l'action en nullité relative s'éteint par
prescription quinquennale ou par confirmation, son titulaire renonçant alors
expressément ou tacitement à l'exercer. La nullité encourue est en revanche absolue
lorsque l'irrégularité commise porte atteinte à l'intérêt général. Ainsi en va-t-il en cas
d'impuberté, de bigamie (cause aujourd'hui la plus fréquente), d'inceste, d'identité de
sexe, d'absence totale de consentement, de clandestinité du mariage et d'incompétence
personnelle ou territoriale du célébrant. Péremptoires, les cinq premières causes de
nullité évoquées et le cas particulier d'incompétence tenant au défaut de qualité d'officier
d'état civil du célébrant emportent nécessairement l'annulation de l'union. Les autres,
facultatives, laissent au juge une liberté d'appréciation, sauf fraude. L'impuberté se
distingue comme une cause temporaire de nullité, qui s'éteint en cas de grossesse de
l'épouse ou après six mois passés depuis l'accession à la majorité du conjoint mineur. De
même, les vices de clandestinité et d'incompétence cessent si les époux se comportent et
apparaissent aux yeux de tous comme tels.
L'action en nullité absolue se prescrit par trente ans à dater du jour où le demandeur a
pris connaissance de l'irrégularité. Elle peut être intentée en toutes hypothèses par les
époux, leurs représentants et, s'il y a lieu, le conjoint bigame de l'un d'eux. Elle suppose
en revanche des collatéraux, créanciers, enfants d'un précédent lit et autres ayants cause
des époux qu'ils justifient d'un intérêt pécuniaire. Le Ministère public peut quant à lui agir
en cas d'atteinte à l'ordre public, mais seulement du vivant des époux.
II. Effets
La nullité entraîne la disparition du mariage. Mais ses effets sont aménagés par rapport à
ceux de la nullité d'un acte juridique ordinaire. Dans les rapports entre époux, le mariage
est rétroactivement anéanti, sauf application de la théorie de la putativité. Dans ce
dernier cas, la disparition n'opère que pour l'avenir, comme en cas de divorce. Il en va
ainsi à deux conditions : il faut d'abord que les époux ou l'un d'eux aient contracté
l'union de bonne foi, c'est-à-dire dans l'ignorance du vice en affectant la validité. La
bonne foi se présume et s'apprécie au jour de la célébration. La putativité ne joue ensuite
que s'il y a apparence de mariage, l'échange des consentements ayant eu lieu. A ces
deux conditions, les effets passés du mariage sont acquis pour le ou les époux de bonne
foi : les donations consenties sont conservées par leur bénéficiaire et les intérêts
pécuniaires des conjoints liquidés suivant les règles de leur régime matrimonial. A ce
dernier égard, des difficultés naissent quand un seul époux est de bonne foi, son conjoint
voyant alors le régime matrimonial liquidé à son égard sur la base d'une société de fait,
comme entre concubins.
A l'égard des enfants, le mariage annulé ne disparaît en tout état de cause que pour
l'avenir, peu important que les époux aient été de bonne ou mauvaise foi. Ils restent
donc rattachés à leurs deux parents, et ce même en cas de mariage annulé pour inceste
absolu.
Bibliographie
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