la diligence due comme lien entre la responsabilité découlant d`un

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la diligence due comme lien entre la responsabilité découlant d`un
LA DILIGENCE DUE COMME LIEN ENTRE LA RESPONSABILITÉ
DÉCOULANT D'UN ACTE ILLICITE INTERNATIONAL ET LA
RESPONSABILITÉ DÉCOULANT DE CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES
D'ACTIVITÉS NON INTERDITES PAR LE DROIT INTERNATIONAL
LA VALEUR DES NORMES DE DROIT INTERNE RELATIVES À LA
SUBSTANCE DE LA DILIGENCE DUE
Zlata Drnas de Clément
Quand nous parlons de responsabilité internationale, nous nous référons à l'obligation
juridique internationale qui incombe à un ou plusieurs sujets internationaux, à l'égard d'un ou de
plusieurs autres sujets internationaux, et qui résulte :
* de la violation1 d'une obligation internationale2 ou
* des conséquences dommageables provoquées par des actes non interdits par le
droit international.
Pour que la violation d'une obligation juridique internationale soit considérée comme un
«fait de l'État»3, conformément au Projet de la Commission du droit international des
Nations Unies4 (CDI) concernant la Responsabilité des États, elle doit avoir été commise :
* par les propres organes de l'État; par ceux d'un service public situé sur le territoire de l'État;
par un organisme qui, sans appartenir à la structure même de l'État ou à un organisme public
territorial, est habilité à exercer des prérogatives des pouvoirs publics ou a agi en tant que tel;
* par des personnes ou un groupe de personnes qui ont effectivement agi pour le compte de
l'État ou en exerçant des prérogatives des pouvoirs publics à défaut des autorités officielles et
dans des circonstances qui les justifient; * par des organes qu'un autre État ou qu'une
organisation internationale ont mis à la disposition de l'État en question afin d'exercer des
prérogatives relevant des pouvoirs publics de l'État à la disposition duquel ils se trouvent; * par
1 Action ou omission illicite «imputable» à l'État.
2 Soit la violation d'une règle conventionnelle, coutumière ou provenant d'une autre source juridique.
3 Par commodité, nous faisons référence à l'État même si cette référence peut être élargie à n'importe quel
sujet de droit international.
4 Projet de 60 articles approuvé par la CDI lors de sa 48e session (1996). À la 49e session qui s'est terminée
le 18 juillet 1997, il a été décidé de procéder à une nouvelle lecture du Projet et M. James Crawford a été
nommé Rapporteur.
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un mouvement insurrectionnel établi sur son territoire ou sous son administration,
conformément au droit international. Le Projet de la CDI exclue la responsabilité de l'État
pour ce qui est du comportement des particuliers5. Lorsque des dommages6 se sont
produits, l'État peut néanmoins être tenu responsable pour ne pas avoir pris les mesures qui
s'imposaient pour prévenir ou réprimer des actes ou des activités ayant nui ou pouvant nuire à
un autre État.
Le manquement de l'État à l'égard de son devoir de diligence due concerne aussi bien
l'attitude de passivité qui enfreint une obligation qu'une attitude insuffisamment active. La
violation de l'obligation de faire (tant au niveau interne qu'externe), imposée à un État en vertu
d'une norme conventionnelle ou coutumière du droit international, qui porte préjudice à un
autre État, entraîne la responsabilité internationale de l'État qui a commis l'infraction.
Quentin-Baxter, dans son Second rapport à la CDI sur la responsabilité
internationale des États pour les conséquences nuisibles d'actes non interdits par le droit
international a déclaré que «le devoir de diligence demeure la mesure des obligations de
l'État de veiller à ce que les droits des autres États ne soient pas lésés par les effets nuisibles
d'actions (...) menées sur son territoire ou sous sa juridiction» (Annuaire de la CDI, 1981,
Vol. II, Première partie, p. 123, par. 40)7.
Dans l'Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, la Cour internationale de Justice (CIJ) a indiqué dans son arrêt du 24 mai 1980,
que «la politique officielle iranienne qui permettait de continuer d'occuper l'ambassade et de
retenir des otages» «faisait du comportement des militants un acte de l'État»8. Si des activités
déployées par des particuliers portent préjudice à un autre État et si l'État qui est à l'origine du
dommage n'adopte pas les mesures nécessaires pour y mettre fin et réparer le tort causé, l'acte
des particuliers devient un acte de l'État. Bien que les États aient adopté des normes
conventionnelles afin de garantir la réparation sur le plan du droit privé9, ils se sont montrés
5 En général, les réclamations relatives à des dommages causés à l'environnement se règlent sur le plan du
droit international privé. De nombreuses conventions internationales maintiennent la relation sur ce plan
(voir note 10). Les États confrontés à de graves dommages transfrontaliers à l'environnement, se sont
montrés peu enclins à présenter des réclamations sur le plan du droit international public. Cette attitude a
pu être observée dans divers contextes, vg. : les dommages au Fukuruyu Maru (1er mars 1954), l'incendie
de Sandoz à Bâle (31 octobre 1986), les fuites de la centrale nucléaire de Tchernobyl (26 avril 1986)...
6 S'il n'y a pas de dommage, il n'y a pas lieu non plus, d'invoquer un manque de mesures suffisantes.
7 On trouve une déclaration équivalente à l'article IV de la Résolution d'Athènes de l'Institut de droit
international (CDI), Session de 1979 (Vol. 58, Tome II, p. 196 et suivantes). Voir FERNÁNDEZ DE
CASADEVANTE ROMANI, C. La protection de l'environnement en droit international, en droit
communautaire européen et en droit espagnol, Gouvernement basque,
Vitoria-Gasteiz, 1991, p. 58 et suivantes.
8 CIJ, Recueil, 1980, par. 30-45, 57-58, 74, 87.
9 Vg. : Convention de Paris du 29 juillet 1960 et Convention de Vienne du 21 mai 1963 relatives à la
responsabilité en matière de dommage nucléaire ; Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 et du 18
décembre 1971 sur la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par des hydrocarbures ;
Convention de Londres du 1er mai 1977 sur la responsabilité en cas de pollution résultant de la recherche
et de l'exploitation des ressources minérales du sous-sol marin... Ces documents internationaux ont des
3
peu enclins à engager leur responsabilité directe pour les dommages causés par les activités
des particuliers. Seules quelques conventions internationales établissent la responsabilité de
l'État pour les dommages causés à l'environnement du fait des activités de particuliers ou
admettent la responsabilité de l'État pour le simple fait du dommage sans qu'il soit nécessaire
d'en imputer la faute à l'État10.
Le Tribunal arbitral dans l'Affaire relative à la fonderie de Trail a estimé dans sa
décision du 11 mars 1941, que, «conformément aux principes du droit international ainsi qu'au
droit des États-Unis, aucun État n'a le droit d'utiliser ou de permettre d'utiliser son territoire de
telle sorte que le territoire d'un autre État ou les personnes ou les biens qu'y s'y trouvent
subissent des dommages (...)»11. La CIJ a adopté une position similaire dans son arrêt du 9
avril 1949 (question de fond) dans l'Affaire relative au Canal de Corfou en indiquant que
«tout État» «a l'obligation» de «ne pas permettre que son territoire soit utilisé à des fins
contraires aux droits des autres États»12.
C'est dans le principe de la responsabilité internationale par manque de mesures
pertinentes que nous trouvons le lien entre la responsabilité découlant d'un acte illicite
international et la responsabilité découlant des conséquences préjudiciables d'actes non
interdits par le droit international.
Comme l'indique Graefrath, la réglementation internationale fixe la limite qui sépare
l'activité licite de l'activité illicite. Pour ce qui est de la prévention en tant qu'obligation destinée
à prévenir les dommages transfrontaliers, la question consiste à déterminer où se termine
l'activité licite et où commence le comportement illicite. Quoi qu'il en soit, la responsabilité
internationale13 commence là où la non prévention d'un résultat donné est considérée comme
un acte illicite.
caractéristiques communes puisqu'ils *garantissent l'identification du pollueur grâce à une présomption : la
responsabilité est directement attribuée à l'exploitant (canalisation de la responsabilité) ; *établissent un
système de responsabilité objective pour les dommages causés ; déterminent la compétente
juridictionnelle : celle du domicile du demandeur et, dans certains cas, (comme celui de la Convention de
Londres), permettent que le défendeur choisisse le tribunal ; *exigent que le pollueur potentiel soit assuré
ou dispose d'une autre forme de garantie financière. En général, il existe un plafond d'indemnisation qui ne
s'applique pas en cas de faute inexcusable du responsable (Protocole de 1984 à la Convention de Bruxelles
de 1969).
10 Vg : *Le Traité del Río de la Plata y son Front maritime (Argentine-Uruguay, 19 novembre 1973)
stipule dans son art. 51 que «Chaque partie est responsable vis -à-vis de l'autre, des dommages
occasionnés à la suite d'une pollution provoquée par ses propres activités ou par celles de personnes
physiques ou morales domiciliées sur son territoire». *La Convention sur la responsabilité internationale
en cas de dommages causés par des objets lancés dans l'espace du 22 mars 1972, dont l'art. 2 stipule : «Un
État de lancement assume l'entière responsabilité et doit répondre des dommages causés par un objet
spatial lui appartenant, à la surface de la terre ou aux aéronefs en vol».
11 Recueil des sentences arbitrales, Vol. III, p. 1965 et 1966.
12 Recueil, 1949, p. 22.
13 GRAEFRATH, B. -Responsabilité et dommages causés : relation entre responsabilité et dommages,
dans Recueil des cours, T. 185 (1984-II),
p. 115.
4
Nous devons considérer que tous les comportements se produisent nécessairement sur
un territoire national soumis à une juridiction déterminée. L'État est le sujet territorial par
excellence et sa compétence s'étend à la portion du globe terrestre14 qui lui appartient. Le
comportement des particuliers sur le territoire de l'État est régi par sa réglementation interne,
domaine où s'applique le principe international de non ingérence dans les affaires intérieures
des États. Or, s'agissant d'actes de particuliers qui portent ou peuvent porter préjudice à
d'autres États, l'État est tenu par l' obligation internationale d'interdire que son territoire soit
utilisé d'une manière susceptible de porter préjudice à un ou plusieurs autres États. Cette idée
de diligence due, de «bon gouvernement»15 conforme aux circonstances, est liée à l'existence
de normes minima du comportement étatique («diligence suffisante») requises à l'échelon
international16. Comme le montre une importante partie de la doctrine, un État ne peut
considérer un autre État comme responsable d'un dommage causé par l'activité de particuliers
en se basant uniquement sur le contrôle qu'il exerce sur son territoire. En effet, il doit pouvoir
invoquer le non-respect d'une obligation internationale soit en l'occurrence, le manque de
diligence due. Précisément, en vue de codifier et de développer le droit relatif aux normes
minima du comportement de l'État face aux activités des particuliers susceptibles de causer
des dommages transfrontaliers, la CDI a élaboré le *Projet sur la responsabilité des
conséquences dommageables d'actes non interdits par le droit international17 et le
*Projet d'articles sur les droits relatifs à l'utilisation des cours d'eau internationaux à des
fins autres que la navigation18. Dans ces deux projets, la prévention de l'acte nuisible
constitue l'élément essentiel pour traiter la question. Selon les circonstances, cette prévention
constitue une obligation ad intra, ex ante ou ex post 19.
14 Il faut également tenir compte du fait qu'en vertu du droit international, l'État peut exercer sa juridiction
sur des biens et des personnes dans des zones situées au-delà des limites de sa juridiction nationale ou
dans des territoires appartenant à d'autres États.
15 Cette notion qui a été recueillie dans la jurisprudence de la common law du siècle dernier et qui repose
sur le principe «bonnus pater familiae», est plus proche de l'idée de la souveraineté de l'État et de l'égalité
des droits que de la responsabilité vicariante ou de la responsabilité par complicité (Cf. DUPUY, P. Aspects
juridiques de la pollution transfrontalière, OCDE, Paris, 1977, p. 401).
16 Il existe un minimum constitutionnel et légal nécessaire au respect des obligations internationales
(«droit interne indispensable au niveau international»). Voir, à ce sujet, l'arrêt de la Cour permanente de
Justice internationale (CPJI) dans l'Affaire relative au traitement des ressortissants polonais (1932) et
l'Affaire relative aux zones franches (1932).
17 Projet de 22 articles approuvé par la CDI lors de sa 48e session (1996). A sa 49e session (1997), la CDI a
décidé de poursuivre l'analyse du sujet. Elle a nommé Pemmaraju Sreenivasa Rao en qualité de rapporteur
et lui a recommandé de traiter en premier lieu, «la prévention des dommages transfrontaliers causés par des
activités dangereuses».
18 Projet de 33 articles approuvé par la CDI lors de sa 48e session (1996).
19 Noyau de la responsabilité étatique en cas d'actes dommageables commis par des particuliers comme
conséquence de son manque de diligence due.
5
La doctrine et la jurisprudence ont recueilli certaines règles ou normes minima de
comportement diligent des États face aux activités des particuliers20.
S'agissant de prévention ad intra, ex ante, c'est-à-dire des mesures législatives,
administratives et d'exécution que les États doivent adopter de manière unilatérale afin
d'empêcher qu'un dommage portant atteinte à l'environnement ne se produise, il faut que l'État:
* possède un appareil juridique et des moyens matériels
suffisants
pour
garantir, dans des circonstances normales, le respect de l'obligation internationale de vigilance
de manière à éviter des dommages dus à l'activité des particuliers ;
* utilise ce dispositif avec diligence et conformément
aux prescriptions;
* contrôle la gestion rationnelle des activités déployées sur le territoire placé sous
sa juridiction ;
* avant d'autoriser des activités, évalue leur impact sur l'environnement, les classe
selon les risques qu'elles présentent et interdise les activités nuisibles21 ;
* offre des garanties aux éventuelles victimes d'activités dangereuses22 ;
* des conditions de réparations rapides, que ce soit au moyen d'assurances ou
d'un autre type de garantie financière à la charge de l'entrepreneur ;
* des conditions adéquates d'accès aux réclamations judiciaires.;
* exige le recours à des technologies propres et à la pointe du progrès.
S'agissant de la prévention ad intra, ex post, l'État est censé :
* empêcher qu'un dommage grave ne se produise une fois que l'accident a eu lieu
;
* éviter que les effets nuisibles ne se multiplient ;
* éviter que le dommage ne se fasse sentir au-delà de
la frontière...
20 La sentence arbitrale de Max Huber dans l'Affaire relative aux navires Alabama et Florida (1872)
constitue une des plus importantes tentatives visant à objectiver les normes minima de diligence.
21 L'article 3.1. de la Convention cadre sur l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs
internationaux (1992) (Commission économique européenne CEE), exige, au titre de l'obligation de
prévention, que les Parties imposent des exigences strictes, «pouvant aller jusqu'à l'interdiction dans
certains cas particuliers, quand la qualité des eaux ou l'écosystème le nécessite».
22 Apparemment, cet aspect n'est pas directement lié à la prévention du dommage transfrontalier; or, il l'est
néanmoins puisque, une fois qu'il a eu lieu, l'absence de réparations rapides, a une incidence négative sur
l'ampleur du dommage subi.
6
S'agissant de la prévention ad extra, ex ante23, le comportement de l'État consiste à
:
* informer l'État ou les États sur une activité qui pourrait éventuellement les
affecter ;
* consulter les États intéressés lorsqu'il s'agit d'activités qui pourraient avoir des
effets nocifs ;
* demander l'autorisation des États intéressés quand il s'avère que l'activité
comporte des effets nocifs inévitables ;
* négocier de bonne foi les divergences relatives aux activités envisagées (quand
elles présentent des effets nocifs potentiels ou certains) avec les États intéressés;
* informer rapidement en cas de possibilité réelle ou de certitude d'un dommage
imminent...
La prévention ad extra, ex post implique pour l'État, l'obligation de :
* notifier rapidement l'accident et fournir des informations à ce sujet ;
* employer tous les moyens dont il dispose pour minimiser le dommage
transfrontalier ;
* demander l'aide d'autres États et d'organisations spécialisées.
LES NORMES DE DROIT INTERNE RELATIVES À LA SUBSTANCE DE LA
«DILIGENCE DUE» EN TANT QU'OBLIGATION INTERNATIONALE,
CONSTITUENT UN «TERTIUM GENUS» ENTRE LES NORMES
INTERNATIONALES ET LES NORMES DE DROIT INTERNE
En principe, conformément à la doctrine et à la jurisprudence classiques, les normes
qu'un État adopte ad intra, face au droit international constituent un simple fait, une simple
manifestation de la volonté et de l'activité des États et un simple élément de preuve pour
23 Ces comportements ont toujours été liés à l'idée de coopération internationale ; ils sont toutefois utiles
pour l'adoption de mesures pouvant éviter ou minimiser une nuisance transfrontalière.
7
déterminer si l'État a agi conformément à ses obligations internationales24. Toutefois, les
normes édictées par un État en application de l'obligation de diligence due (vigilance ad
intra, ex ante et ex post en particulier), notamment en ce qui concerne la problèmes de
l'environnement, ne constituent pas de simples normes de droit interne mais la substance
stratégico-instrumentale de la norme internationale elle-même25.
L'évolution qu'a connu le droit international montre une tendance à objectiver la
diligence due au travers de normes de qualité ou de normes écologiques26.
L'ensemble des normes relatives à l'environnement comportent des exigences
différentes de celles des autres branches du droit international puisque du fait même de la
nature même de l'objet protégé (l'environnement), la prévention est au coeur même de sa
substance.
Il est donc pratiquement impossible, en matière de prévention ad intra, de fixer des
normes conventionnelles multilatérales de portée générale étant donné que les préfigurations
techniques et les conditions d'application varient en fonction de contingences spatiales et
temporelles. Il a effectivement été possible de fixer des règles concrètes de prévention et des
normes minima de comportement dans des traités internationaux bilatéraux (vg. : * le Traité
entre la Belgique et les Pays-Bas relatif au Canal de Terneuzen, de 1960, dont l'Annexe
III détermine les objectifs de qualité des eaux et les indices de salinité en termes précis. Il
stipule notamment que: «le déversement direct ou indirect de matières dans le canal ne doit
pas se traduire par: * une augmentation de la température de l'eau supérieure à 30°C.; * la
réduction à moins de 3 mlg/l de la teneur de l'eau en oxygène dissout selon la méthode
Winckler; * l'augmentation à plus de 10 mlg/l de la moyenne annuelle de la teneur de l'eau en
azote ammoniacal, étant donné que la valeur maximum ne peut dépasser 15 mlg/l...»; * le
Traité entre la France et le Luxembourg sur l'exploitation industrielle de la Moselle, de
1986; * le Traité entre les États-Unis et le Mexique sur la salinité du Colorado, de
1973...). L'impossibilité de parvenir à fixer des normes techniques de caractère général
établies par le droit international et la nécessité pour les États, de déterminer eux-mêmes les
normes de prévention en tenant compte des circonstances particulières à chaque question,
mais en application d'une obligation internationale de caractère général, font que nous
comprenons que les normes édictées par un État en application de normes minima de
diligence due constituent un tertium genus entre les normes du droit interne et celles du droit
international. Par ailleurs, nous pensons que la diligence due ne constitue pas dans ce cas, en
la matière, une obligation de simple comportement mais une obligation de nature complexe,
plus proche de l'obligation de résultat : l'obligation de l'État d'éviter qu'un dommage
24 Voir l'arrêt de la CPJI (question de fond) dans l'Affaire relative à certains intérêt allemands en HauteSilésie polonaise, 1926. CPJI, Série A. N°7, p.19.
25 DUPUY, P.M. signale à cet égard, que «le fait de prendre en considération l'incidence transfrontalière
des activités actuelles ou prévues (...) indique clairement que l'État ne peut considérer les problèmes
d'environnement uniquement du point de vue du territoire national (Op. Cit. p. 38).
26 FERNÁNDEZ DE CASADEVANTE ROMANI, C. Op. Cit. La protection de l'environnement..., p. 59.
8
transfrontalier27 ne se produise du fait de l'activité déployée par des particuliers sur son
territoire, faute d'avoir adopté les mesures de prévention adéquates compte tenu des
circonstances. Et cela avec ses corollaires concernant : *le fardeau de la preuve du manque
de diligence due et *l'application et l'interprétation par les tribunaux internationaux de ces
normes internationales technico-fonctionnelles établies par le droit interne28.
Le fardeau de la preuve de la diligence due
Jusqu'à présent, comme le signale GRAEFRATH29, la responsabilité internationale de
l'État en matière de pollution transfrontalière ne se posait que s'il était prouvé que l'État avait
violé une obligation internationale en se comportant d'une manière différente de ce que les
autres États étaient en droit d'exiger. La tendance actuelle consiste à établir de manière
détaillée dans des traités internationaux, les règles de diligence due qui incombent aux États.
Dans les circonstances indiquées ci-dessus, il ne fait aucun doute que la question de la
responsabilité internationale se poserait en raison de la violation d'une norme conventionnelle.
Toutefois, dans le cas de la norme coutumière qui consacre l'obligation des États d'utiliser et
de permettre d'utiliser les territoires placés sous leur juridiction uniquement de manière à ne
porter ou ne pouvant porter préjudice à un ou plusieurs autres États, cela exige une obligation
de résultat et par conséquent, pour être déchargé de sa responsabilité du fait du dommage
provoqué, l'État concerné devra prouver qu'il a observé les règles de diligence due. Nous
pensons que la diligence répond au critère de due quand, dans des circonstances normales,
les mesures préventives adoptées s'avèrent suffisantes pour éviter les dommages
transfrontaliers. Il convient de citer le deuxième considérant de la Convention de Vienne
relative à la protection de la couche d'ozone (Vienne, 1985), qui rappelle les «dispositions
pertinentes de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement, et
tout spécialement le principe 21 qui stipule, conformément à la Charte des Nations Unies et
aux principes du droit international, que les États ont le droit souverain d'exploiter leurs
ressources selon leur propre politique en matière d'environnement et l'obligation de garantir
que les activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne nuisent pas
à l'environnement d'autres États ou de zones situées au-delà des limites de leur juridiction
nationale». De même, la Charte des droits et devoirs économiques des États (AG NU Rés.
27 S'il ne se produisait pas, cette question d'intérêt international ne se poserait pas non plus.
28 La CDI, consciente de l'importance de certains biens pour la communauté internationale et de
l'opportunité d'agir à l'échelon national afin de les protéger, dans le Projet de statut d'un tribunal pénal
international, en énonçant le droit applicable par la Cour, inter alia, se réfère à «toute norme de droit
interne» «dans la mesure où elle est applicable». Cela implique un changement important dans le principe
classique selon lequel les organes juridictionnels internationaux n'appliquent pas et n'interprètent pas des
normes de droit interne.
29 GRAEFRATH, B. Responsabilité et dommages causés : relation entre responsabilité et dommages,
dans Recueil des cours, Tome 185. 1984-II,
p. 117.
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3281 (XXIX) déclare dans son article 30, que «(...) tous les États ont la responsabilité de
veiller à ce que les activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle, ne
nuisent pas à l'environnement d'autres États ou de zones situées au-delà des limites de leur
juridiction nationale (...)».
Interprétation par les tribunaux internationaux des normes internationales technicofonctionnelles établies par le droit interne
La norme coutumière qui exige que l'État adopte des mesures visant à empêcher que
les activités menées dans les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne nuisent pas à
d'autres États, impose une obligation de résultat et n'indique pas de comportements précis; au
contraire, elle laisse à l'État la liberté de choisir les modalités. Lorsqu'un dommage
transfrontalier se produit en annulant le résultat prévu par le droit international, un tribunal
international n'évaluera pas les normes de droit interne adoptées pour prévenir des dommages,
uniquement comme des faits à partir desquels il vérifiera si l'État a agi conformément au droit
international. Or, le droit international n'aborde pas de façon spécifique l'action diligente. C'est
pourquoi il convient d'aller de l'avant et d'analyser la substance de la norme interne elle-même
et pouvoir ainsi déterminer si elle répondait de manière adéquate et dans des conditions
normales, aux exigences de prévention compte tenu des circonstances particulières à l'affaire
en question.
Les normes techniques relatives à l'obligation internationale de diligence due
n'ont pas la même portée juridique face au droit international que n'importe quel autre
comportement de l'État concernant l'application de normes internationales30. Dans ce cas, la
norme internationale générale et abstraite est appliquée par les normes du droit interne, à
savoir par les normes de caractère technico-fonctionnel qui constituent la substance de
l'obligation internationale.
30 Voir FERNÁNDEZ DE CASADEVANTE ROMANI C. Responsabilité internationale de l'État et
protection de l'environnement : Insuffisances de l'obligation de prévention, dans XIIIe Journées de
l'Association espagnole des professeurs de droit international et de relations internationales, 1989,
Alicante, 1990, p. 137-152.

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