Ecotaxe poids lourds
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Ecotaxe poids lourds
Ecotaxe poids lourds Une exonération indispensable pour les filières bétail et viandes ARGUMENTAIRE CHIFFRE Mission d’information sur l’écotaxe poids lourds – Audition du 16/01/14 L’écotaxe poids lourds, actuellement suspendue, vise deux principaux objectifs : inciter les entreprises à utiliser, pour leurs transports de marchandises, des modes moins polluants et financer de nouvelles infrastructures, tout particulièrement en matière de transport ferroviaire. Au total, 10 000 km d’autoroutes et routes nationales non payantes (ex « RN »), 5 000 km de routes départementales et communales et 800 000 véhicules pourraient être concernés par cette taxe. Les entreprises de la filière élevage et viandes seront très fortement impactées par l’écotaxe poids lourds. En effet : - Elles réalisent nécessairement une multitude d’opérations de transports : transport de l’alimentation du bétail, des animaux entre exploitations et jusqu’à l’abattoir, des carcasses et de la viande, des co-produits, … - En raison de leur implantation en zone rurale et des spécificités propres à leur secteur, elles ne disposent d’aucune alternative au réseau routier pour assurer ces transports. Or, ces entreprises se trouvent dans une situation particulièrement fragile, sur le plan économique et sont dans l’incapacité, à l’heure actuelle, de supporter une telle charge supplémentaire. C’est pourquoi INTERBEV demande officiellement l’exonération de l’écotaxe poids lourds pour l’ensemble des professionnels qu’elle représente. 1 INTERBEV rappelle que l’écotaxe constitue une nouvelle charge importante pour la filière élevage et viandes, qui : - Représente un frein à la compétitivité de la production française, Fragilise les entreprises et le tissu économique local et entraînera de nouvelles fermetures d’établissements et suppressions d’emplois, Est en totale contradiction avec les plans de relance du gouvernement en faveur du secteur. Le Président de la République, lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier, a rappelé, dès les premiers mots de son discours, sa principale priorité : relancer la production en France, « agir sur l’offre » en soutenant les entreprises sur le plan social, réglementaire et fiscal. La décision d’un maintien, par le gouvernement, de l’écotaxe poids lourds pour les entreprises du secteur élevage et viande, serait donc particulièrement mal perçue par la profession. Une prise en compte indispensable de la « réalité de terrain » matérielle et économique de la filière ! La loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport, adoptée en mai 2013 et programmant la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds, a intégré un amendement, présenté par plusieurs parlementaires bretons, prévoyant l’exonération des véhicules assurant la collecte du lait. Les arguments ayant abouti à cette exonération lors des débats relatifs à ce projet de loi se sont concentrés sur la réalité de terrain matérielle et économique du secteur laitier (absence d’alternative à la route, graves difficultés économiques rencontrées par la filière). Cette « réalité de terrain » n’est spécifique ni au secteur laitier, ni à la Bretagne : en effet, les entreprises de la filière élevage et viandes dans son ensemble, et dans le pays tout entier, sont soumises aux mêmes difficultés. 2 Une « réalité matérielle » : des transports multiples, empruntant obligatoirement la route ! La filière élevage et viandes présente la caractéristique de réunir de nombreux « maillons », impliquant de très nombreuses opérations de transfert : - Transport de l’alimentation du bétail jusqu’à l’exploitation Transport des animaux jeunes d’une exploitation à l’autre (ex : transfert de l’exploitation « naisseur » à l’exploitation « engraisseur »). Transport des animaux jusqu’à l’abattoir Transport des carcasses vers les lieux de transformation de la viande Transport des carcasses et de la viande vers les différents circuits de distribution Transport des co-produits … C’est donc une « peine » multipliée par 5, voire plus, qui s’appliquera à chaque entreprise de la filière. Ces nombreux transferts empruntent obligatoirement le réseau routier : Le transport de l’alimentation du bétail jusque dans les fermes, d’animaux vivants ou morts, de carcasses ou de viandes (85% des ventes de viande en France se font en viandes fraîches – carcasses ou muscles) ne peut logiquement pas être effectué par voie ferroviaire. En revanche, INTERBEV souligne qu’une réduction significative des émissions de GES pourrait être réalisée par des investissements ciblés sur les transports vers l’étranger : des camions de viandes partent aujourd’hui vers la Grèce et l’Italie, par exemple, qu’il serait particulièrement opportun de pouvoir reporter sur du transport ferroviaire. 3 Une « réalité économique » : des entreprises à bout de souffle ! La filière élevage et viandes française traverse une crise majeure, qui met en péril imminent la pérennité de ses entreprises : Le revenu annuel des éleveurs bovins viande figure, plus que jamais, parmi les plus bas niveaux de revenus agricoles, oscillant entre 12 et 15 000 € annuels. Du fait de ce faible niveau de rentabilité et du haut niveau de pénibilité du métier d’éleveur, les jeunes agriculteurs se détournent massivement de cette activité, engendrant un problème important en matière de renouvellement générationnel. Les abattages de gros bovins ont subi une baisse de 6% en 2013. Les entreprises subissent de plein fouet les différentiels de compétitivité avec leurs concurrents, notamment européens, sur le plan social (coût du travail), réglementaire (ex : maintien des tests ESB systématiques), … Alors même que la filière élevage et viandes représente 380 000 emplois directs et plus d’1 million d’emplois induits, qui contribuent directement à l’animation des territoires ruraux, cette crise fait peser une menace considérable sur la France, sur le plan de l’emploi et de l’aménagement du territoire. C’est pour répondre aux besoins urgents des entreprises sur le plan de la compétitivité que le gouvernement a mis en place, en 2013, le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE), perçu comme un véritable « ballon d’oxygène » par les opérateurs économiques de la filière. Malheureusement, l’écotaxe poids lourds, si elle est appliquée au sein du secteur, représentera les ¾ de l’avantage potentiellement acquis par les entreprises grâce à ce dispositif. 4 Une « réalité réglementaire » : l’exonération de l’écotaxe poids lourds pour le transport d’animaux vivants ou morts est compatible avec la réglementation européenne. Lors de la présentation, dans le cadre de l’examen au Sénat du projet de loi de finances pour 2014, d’un amendement visant l’exonération de l’écotaxe poids lourds pour les professionnels de la filière élevage et viandes française, le représentant du gouvernement, Benoît HAMON, l’a affirmé : « cette demande est d’autant plus légitime qu’elle est euro-compatible » (Cf compte-rendu de la séance publique du 26/11/13 après-midi). Aussi, de même que la justification de l’exonération de l’écotaxe accordée à la filière lait a été justifiée sur la base d’un règlement européen prévoyant cette possibilité, une extension au secteur élevage et viandes pourrait donc être envisagée. 5 L’écotaxe poids lourds représentera une part significative du résultat net des entreprises ! Selon les estimations réalisées par la profession, l’écotaxe poids lourds engendrera une augmentation de 5% des charges liées au transport, qui représentent 10% des charges totales des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire : l’écotaxe représentera donc environ 0,5% du chiffre d’affaires global de nos entreprises. Les entreprises du secteur agroalimentaire dégageant en moyenne entre 1 et 2% de leur chiffre d’affaires en résultats nets, l’écotaxe poids lourds détériorera donc très lourdement leur niveau de rentabilité. Estimation du coût de l’écotaxe pour la filière élevage et viandes Pour les professionnels de l’amont de la filière (éleveurs, négociants en bestiaux – espèces bovine, ovine) : environ 24 M € Ce chiffre englobe les coûts liés au transport de bovins et ovins vivants – 17 millions de mouvements par an – et à l’alimentation animale. Méthode de calcul : - Transport des animaux : 17 M x 1,25 € (surcoût moyen par animal engendré par l’écotaxe, estimé par les professionnels du secteur) = environ 21 millions Transport de l’alimentation pour le bétail : 5,5 M (tonnes alimentation ruminants) X 50 centimes (surcoût par les professionnels du secteur) : environ 3 millions. Pour les professionnels de l’aval de la filière (abatteurs, notamment) : environ 45 M € Ce résultat englobe les coûts liés aux transports des animaux de l’exploitation jusqu’à l’abattoir, ainsi que ceux engendrés par les multiples transferts entre sites d’abattage, jusqu’aux lieux de transformation, aux circuits de transformation, …. Méthode de calcul : 1% X CA total du secteur. 6 Un nouveau « coup dur » pour les viandes françaises, au profit des viandes importées Selon les estimations établies par l’ensemble des professionnels du secteur, les véhicules assurant le transport de produits agricoles français seront taxés 5 ou 6 fois, à chaque étape de la production, tandis que le grand import ne le sera qu’une seule fois et que les produits provenant des pays voisins ne subiront que peu de taxes supplémentaires. INTERBEV juge cette situation inacceptable, alors même que sa filière subit de véritables difficultés liées à l’import : - Les différentiels de coûts (coûts du travail, coûts engendrés par réglementation sanitaire, environnementale, …) entre la filière viande française et ses concurrentes européennes créent une situation de distorsion de concurrence majeure, avantageant considérablement les viandes importées sur le marché français. - Le marché de la viande français s’apprête, en outre, à ouvrir grand ses portes à plusieurs dizaines de millions de tonnes de viande bovine américaine, comme le prévoient les accords de libre-échange en fin de négociation entre l’Union européenne et le Canada / les Etats-Unis. Les professionnels du secteur élevage et viandes français, soumis aux charges et normes les plus élevées au monde sur le plan sanitaire, environnemental et du bien-être animal, dénoncent avec force cette tendance à pénaliser les viandes françaises : les pouvoirs publics ne peuvent raisonnablement promouvoir le « Made in France » et la relance de la production en France tout en imposant à leurs produits des taxes 5 à 6 fois plus importantes que celles appliquées sur les produits importés. 7 ANNEXE – Etudes de cas : estimation du coût de l’écotaxe dans deux entreprises de la filière viande. 1 - Estimation du coût de l’écotaxe pour une PME de l’abattage (traitant 10 000 tonnes par an – CA inférieur à 50 M €). Moyens de transport : flotte extérieure Transport « amont » (transport des animaux de l’exploitation jusqu’à l’abattoir) - Le transport coûte environ 850€ par camion de 35 bêtes. L’abattoir transporte 30 000 bêtes par an, qui mobilisent environ 860 camions 850 x 860 = 731 000 €. L’écotaxe représentant environ 5% de la facture : 731 000 € x 5% = 36 550 € / an Transport « aval » (divers transports carcasses, viandes, co-produits, déchets, …) - Le coût moyen de transport d’une carcasse s’élève à 0,15 € par kg. L’abattoir traite 10 000 tonnes 10 000 000 kg X 0,15 ) = 1 500 000 € L’écotaxe représente environ 5% de la facture : 1 500 000 x 5% = 75 000 € / an Le coût moyen de transport pour les déchets est de 500€ par camion de 25 tonnes. Les déchets représentent 10 000 tonnes, soit 400 camions, soit un budget de 200 000 €. L’écotaxe représente environ 5% de la facture : 200 000 € x 5% = 10 000 € / an - Le coût total de l’écotaxe pour cette entreprise s’élèverait donc à 121 550 € par an. 8 2 - Estimation du coût de l’écotaxe pour un abattoir industriel (traitant 250 000 tonnes par an – CA de 1,4 milliards €) Moyens de transport : flotte propre + flotte extérieure Transport amont : 70 000 € flotte propre + 128 000 flotte extérieure = 198 000 € Transport aval : 545 000 € flotte propre + 799 000 € flotte extérieure = 1 344 000 € - Sur la base des coûts de transport de 2013, l’écotaxe représenterait environ 1 550 000 € par an. Ce résultat est à majorer de 10%, suite à la publication de l’arrêté du 25 juillet 2013. - Le coût total de l’écotaxe pour cette entreprise s’élèverait donc à 1 705 000 € par an. 9