Théorème des extremums liés

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Théorème des extremums liés
Développement n◦ 69/74
Benjamin Groux
Théorème des extremums liés
Mon développement
Théorème. Soient U un ouvert de Rn , f, g1 , . . . , gk ∈ C 1 (U, R),
M = {x ∈ Rn | g1 (x) = . . . = gk (x) = 0}
et m ∈ M ∩ U.
Si f |M ∩U présente un extremum local en m et si les formes linéaires Dg1 (m), . . . , Dgk (m)
sont linéairement indépendantes, alors il existe un unique (λ1 , . . . , λk ) ∈ Rk tel que
Df (m) =
k
X
λi Dgi (m) .
i=1
n
Avec les notations et hypothèses du théorème, M est
Tk une sous-variété de R . On sait
alors que l’espace tangent Tm M est égal à l’intersection i=1 Ker(Dgi (m)).
Soit v ∈ Tm M. Il existe un intervalle I contenant 0 et γ : I → Rn différentiable telle que
γ(I) ⊂ M, γ(0) = m et γ ′ (0) = v. La fonction f ◦ γ présente donc un extremum local en 0,
donc
0 = (f ◦ γ)′ (0) = Df (γ(0))(γ ′ (0)) = Df (m)(v) .
On a donc
k
\
Ker(Dgi (m)) ⊂ Ker(Df (m)) .
(1)
i=1
Par ailleurs, on note b1 , . . . , bk les formes linéaires Dg1 (m), . . . , Dgk (m). On peut compléter
la famille (b1 , . . . , bk ) en une base (b1 , . . . , bn ) du dual (Rn )∗ . SoitP(e1 , . . . , en ) sa base antéduale. Il existe un unique (λ1 , . . . , λn ) ∈ Rn tel que Df (m) = ni=1 λi bi . On a pour tous
i ∈ J1, kK et j ∈ Jk + 1, nK, Dgi (m)(ej ) = bi (ej ) = 0 donc, d’après (1),
∀j ∈ Jk + 1, nK, 0 = Df (m)(ej ) =
n
X
λi bi (ej ) = λj
i=1
d’où
Df (m) =
k
X
λi Dgi (m) .
i=1
Le théorème est donc démontré.
Application 1. Soit E un espace euclidien de dimension finie et u ∈ L(E) auto-adjoint.
Le spectre de u est réel et il existe une base orthonormée de E formée de vecteurs propres
de u.
On démontre ce résultat par récurrence sur la dimension de E.
Initialisation.
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Si E est de dimension 1, le résultat est immédiat.
Hérédité.
On suppose que la propriété est vérifiée pour tout espace de dimension n. Soient E un
espace euclidien de dimension n + 1 et u ∈ L(E) auto-adjoint.
Les applications
f:
E →
R
x 7→ hu(x), xi
et
g:
E →
R
x 7→ hx, xi − 1
sont de classe C 1 sur E. De plus, la sphère unité de E
S = {x ∈ E | g(x) = 0}
est compacte car E est de dimension finie. f est donc bornée sur S et atteint son maximum
sur S, en un point noté e1 .
Pour tout x ∈ E, Df (x) et Dg(x) sont les applications
Df (x) : h 7→ 2hu(x), hi et Dg(x) : h 7→ 2hx, hi .
D’après le théorème des extremums liés, il existe λ1 ∈ R tel que Df (e1 ) = λ1 Dg(e1). On
a donc : ∀h ∈ E, 2hu(e1 ), hi = 2λ1 he1 , hi. Donc u(e1 ) = λ1 e1 . En particulier, la droite engendrée par e1 est stable par u donc, puisque u est auto-adjoint, Vect(e1 )⊥ est aussi stable par
u. Ainsi uVect(e1 )⊥ est un endomorphisme auto-adjoint sur un espace euclidien de dimension n.
D’après l’hypothèse de récurrence, le spectre {λ2 , . . . , λn+1 } de uVect(e1 )⊥ est réel et il
existe une base orthonormée (e2 , . . . , en+1 ) de vecteurs propres de uVect(e1 )⊥ .
Finalement, le spectre {λ1 , . . . , λn+1} de u est réel et (e1 , . . . , en+1 ) est une base orthonormée
de vecteurs propres de u.
Le théorème est donc démontré par récurrence.
Application 2. Sur un billard elliptique, il existe une trajectoire fermée à trois rebonds.
Dans R2 muni du produit scalaire usuel, on considère une ellipse E d’équation
X2 Y 2
+ 2 =1.
a2
b
On note
f:
(R2 )3
→
R
.
(A, B, C) 7→ AB + BC + CA
La fonction f étant continue sur le compact E 3 , elle y atteint son maximum en un triplet
(A0 , B0 , C0 ). Ces trois points de l’ellipse sont forcément distincts.
En effet, si on dispose de trois points de l’ellipse dont deux au moins sont confondus, alors
ils forment un triangle plat, donc il est clair qu’en considérant un point de l’ellipse distinct
de ceux-ci, on peut former un triangle inscrit de périmètre strictement supérieur.
On note ensuite
R2 →
R
g:
x2 y 2
(x, y) 7→ 2 + 2 − 1
a
b
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puis
g1 :
(R2 )3
→ R
,
(A, B, C) 7→ g(A)
g2 :
(R2 )3
→ R
(A, B, C) 7→ g(B)
et g3 :
(R2 )3
→ R
.
(A, B, C) 7→ g(C)
La fonction g est de classe C 1 sur R2 et pour tout (x, y) ∈ R2 , on a
∀(h1 , h2 ) ∈ R2 , Dg(x, y)(h1, h2 ) =
2xh1 2yh2
+ 2 .
a2
b
Les fonctions g1 , g2 , g3 sont donc de classe C 1 sur (R2 )3 et pour tous A, B, C ∈ R2 et
→ −
−
→ →
−
→ −
−
→
→
→
→
tous −
a , b ,→
c ∈ R2 , on a Dg1 (A, B, C)(−
a , b ,−
c ) = Dg(A)(−
a ), Dg2 (A, B, C)(−
a , b ,→
c)=
→
−
→ −
−
→
−
→
→
−
Dg(B)( b ) et Dg3 (A, B, C)( a , b , c ) = Dg(C)( c ).
On note U l’ouvert de (R2 )3 constitué des triplets de points deux à deux distincts.
– La fonction f est de classe C 1 sur U.
– Les fonctions g1 , g2 , g3 sont de classe C 1 sur U.
– On a E 3 = {(A, B, C) ∈ (R2 )3 | g1 (A, B, C) = g2 (A, B, C) = g3 (A, B, C) = 0}.
– (A0 , B0 , C0 ) appartient à U ∩ E 3 .
– La restriction f |U ∩E 3 admet un extremum local en (A0 , B0 , C0 ).
– Les formes linéaires Dg1 (A0 , B0 , C0 ), Dg2 (A0 , B0 , C0 ) et Dg3 (A0 , B0 , C0 ) sont linéairement
indépendantes.
D’après le théorème des extremums liés, il existe un unique (λ1 , λ2 , λ3 ) ∈ R3 tel que
Df (A0 , B0 , C0 ) = λ1 Dg1(A0 , B0 , C0 ) + λ2 Dg2(A0 , B0 , C0 ) + λ3 Dg3(A0 , B0 , C0 ) .
→
− →
→
−
−
→
En particulier, pour tous →
a , b ,−
c ∈ R2 vérifiant Dg(A0 )(−
a ) = 0, Dg(B0 )( b ) = 0 et
→
Dg(C0)(−
c ) = 0, on a
→ →
−
→
Df (A0 , B0 , C0 )(−
a , b ,−
c)=0.
(2)
−
Or, d’une part, pour tout A ∈ E et tout →
a ∈ R2 , on a
→
−
Dg(A)(−
a)=0 ⇔ →
a est tangent à E en A .
(3)
En effet, le point de coordonnées (x′ , y ′) appartient à la tangente à E au point de coordonnées
(x, y) si et seulement si
xx′ yy ′
x2 y 2
+
=
1
=
+ 2
a2
b2
a2
b
′
′
ce qui équivaut à Dg(x, y)(x − x, y − y) = 0. On en déduit ainsi l’équivalence (3).
D’autre part, en notant
−−−→
A0 B0
−
→
,
u0 =
A0 B0
−−−→
B0 C0
−
→
v0 =
B0 C0
−−−→
C0 A0
−
→
et w0 =
,
C0 A0
on a
→ →
−
→ −
−
→ → −
−
→ → −
−
→
→
→
→
→
∀−
a , b ,−
c ∈ R2 , Df (A0 , B0 , C0 )(−
a , b ,→
c)=−
u0 .( b − −
a )+ →
v0 .(−
c − b )+ −
w0 .(→
a −−
c ) . (4)
−−→ −−→
En effet, l’application (M, N) 7→ MN 2 = MN .MN est différentiable sur (R2 )2 de différentielle
−−→ → −
→
→
en (M, N) égale à (−
u ,−
v ) 7→ 2MN .(−
v −→
u ). L’application (M, N) 7→ MN est donc
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différentiable sur l’ouvert des couples des points de R2 distincts, sa différentielle en (M, N)
−−→ → −
→
−
v −→
u ). On en déduit la différentiabilité de f en (A0 , B0 , C0 )
étant (−
u ,→
v ) 7→ 2M1 N 2MN .(−
et la relation (4).
→ → −
−
→
Finalement, d’après (2), (3) et (4), en prenant b = −
c = 0 , on obtient que pour tout
→ −
−
→
−
→
→
→.−
→
→
a tangent à E en A0 , −
u0 .−
a =−
w
0 a . De même, pour tous b , c tangents à E resp. en B0 ,
→
−
→
−
→
→
→
→
→ .−
→
C0 , on a −
u0 . b = −
v0 . b et −
v0 .−
c =−
w
0 c . Ce sont les trois conditions de rebond recherchées.
A0 B0 C0 est donc une trajectoire de billard fermée à trois rebonds.
Figure 1 – Une trajectoire fermée à trois rebonds.
Références
J’ai utilisé [Ave83, p. 103], [Rou09, p. 413].
Leçons correspondantes
J’utilise ce développement pour les leçons 130, 215, 217, 219. On peut également l’utiliser
pour les leçons 133, 144, 214.
Remarques
– Dans l’application 1, lorsque F est un sous-espace vectoriel stable par u, uF désigne
l’endomorphisme induit par u sur F .
– Dans l’application 1, on a noté h., .i le produit scalaire sur E tandis que dans l’application 2, on a noté . le produit scalaire usuel sur R2 .
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– Dans l’application 2, on voit successivement un élément de R2 comme un point, un vecteur, un couple de réels. On jongle entre ces points de vue tout au long de l’application
en fonction de ce qui est le plus pratique.
– L’application 2 est ici détaillée à l’extrême. Lors de l’oral, il faut en donner les grandes
lignes et occulter une bonne partie des calculs.
– L’application 1 est plus adaptée pour les leçons 130 et 133, et l’application 2 pour les
autres leçons.
– Le théorème des extremums liés a de nombreuses autres applications, voir leçon 217.
Questions possibles
1. Justifier que Tm M ⊂ Ker(Df (m)).
2. Détailler le calcul de la différentielle de (M, N) 7→ MN 2 .
3. Que pourrait-on dire sur les extremums de f si on avait comme condition M = {g ≤ 0}
au lieu de M = {g = 0} ?
4. Démontrer le théorème spectral à l’aide du théorème des extremums liés.
5. Que peut-on dire des trajectoires de billard à n rebonds ?
Références
[Ave83] André Avez : Calcul différentiel. Masson, 1983.
[Rou09] François Rouvière : Petit guide de calcul différentiel à l’usage de la licence et de
l’agrégation. Cassini, 2009.
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