kmd — kunsthalle marcel duchamp | the forestay museum of art

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kmd — kunsthalle marcel duchamp | the forestay museum of art
NOUS AVONS LE PLAISIR DE VOUS INVITER AU VERNISSAGE DE LA PREMIÈRE
EXPOSITION PERSONNELLE EN SUISSE DE
TOM HACKNEY THE THOUGHT GAME / LE JEU MENTAL
SAMEDI, LE 19 NOVEMBRE DE 18 À 20 HEURES
Exposition : 20 novembre 2016 – 22 janvier 2017
Ouvert : 24/24, du lundi au dimanche
KMD — KUNSTHALLE MARCEL DUCHAMP | THE FORESTAY MUSEUM OF ART
Place d’Armes/Quai de l’Indépendance, Cully · Postal address: Rue de l’Indépendance 2, CH–1096 Cully · www.akmd.ch · [email protected]
Tom Hackney, Chess Painting No. 54 bis (Michel vs. Duchamp, Strasbourg,
1924), 5,5 x 5,5 cm, gesso et acrylique sur lin, 2016.
Tom Hackney, Chess Painting No. 2 bis (Duchamp vs.
­Crépeaux, Nice, 1925), 4,2 x 4,2 cm, gesso sur lin, 2016.
Sur le plan conceptuel, les Chess Paintings de Tom Hackney, basées sur les fameuses parties d’échecs de Marcel
Duchamp, font essentiellement référence à deux textes significatifs du XXe siècle, l’un étant la célèbre « préface »
de Duchamp au Grand verre (1915–1923), qu’il nota vers 1915 sur un bout de papier et publia par la suite, en 1934,
dans La Boîte verte :
Préface
Étant donnés: 1° la chute d’eau
2° le gaz d’éclairage,
nous déterminerons les conditions du Repos instantané (ou apparence allégorique) d’une succession
[d’un ensemble] de faits divers semblant se nécessiter l’un l’autre par des lois, pour isoler le signe de
la concordance entre, d’une part, ce Repos (capable de toutes les excentricités innombrables ( ?)) et,
d’autre part, un choix de Possibilités légitimées par ces lois et aussi les occasionnant. 1
C’est par le biais de cette forme poétique d’instruction que ce grand artiste avant-gardiste tenta de réfléchir, à partir
d’une perspective tout à fait inédite, sur les idées alors fort discutées des Futuristes à propos de la visualisation
d’événements « mus » ou « en mouvement ».
Quant à l’autre texte, il s’agit de l’essai, précis et remarquable, que Max Bill publia dans le catalogue accompagnant
la première exposition personnelle de Marcel Duchamp dans une institution publique, que ce célèbre artiste suisse
avait lui-même organisée en 1960 au Musée des arts appliqués de Zurich. Dans cet essai, Max Bill cherche à interpréter la préface de Duchamp au Grand verre en faisant le lien avec sa passion pour le jeu d’échecs et tous ses
autres travaux créés dans l’interstice présent entre le jeu, la chance et la précision :
« Le débat sur la représentation du mouvement allait aboutir, en 1913, à l’invention d’une nouvelle sorte
de mécanique de l’image. Celle-ci est encombrée de pensées dans le genre littéraire symbolique, mais
on y observe également la tendance à mettre en œuvre une sorte de super-précision qui, passant par
la réalité géométrique mécanique, nous projette dans une méta-réalité où le jeu et la précision, l’idée
et la réalité coïncident. » [Dans ce sens, il n’était] « pas inessentiel pour son développement qu’il se fût
intéressé très tôt au jeu d’échec ; il s’en sortit si bien qu’il représenta la France dans des compétitions
internationales et qu’il publia en 1932 un livre consacré aux finales avec Halberstadt. Cette position à la
frontière de la signification, de la cohérence logique et du jeu est précisément l’élément que Duchamp a
introduit dans l’art ... Ce basculement du jeu mental vers la réalité artistique, le fait d’établir des règles
de jeu tout en autorisant une grande liberté d’action, la création de systèmes ouverts ... caractérise [son]
le travail qui devient œuvre d’art même quand on prend les plus grands risques... »2
C’est précisément sous l’angle de cette dualité qu’il nous faut aborder les peintures de Tom Hackney. D’un côté
elles se basent sur les parties d’échecs de Duchamp, de l’autre elles confèrent une nouvelle dimension post-avantgardiste aux peintures des artistes concrets de Zurich gravitant autour de Max Bill et Richard Paul Lohse. Maintes
années plus tard, Hackney dote les parties d’échecs à la fois ludiques et profondément existentielles de Duchamp
d’un aspect visuel statique – Duchamp aurait qualifié cela de « retard extra-rapide »3 – en commençant « avec
une toile de lin tendue non apprêtée, sur laquelle il dessine au crayon une grille délicate. Il reprend ensuite les
mouvements d’une partie d’échecs choisie au préalable et s’en sert pour déterminer l’emplacement de ses formes
peintes en reportant les mouvements des pièces sur la grille. Le parcours de chaque pièce sur l’échiquier y est tracé,
masqué et peint ... consécutivement, depuis l’ouverture jusqu’au dernier coup. La largeur de la ligne représentant
chaque coup est déterminé par les dimensions du carré ; les mouvements en diagonale sont plus larges que les
mouvements horizontaux ou verticaux parce que les mouvements en diagonale dérivent de l’hypoténuse du carré,
tandis que les mouvements horizontaux et verticaux équivalent à la largeur d’un côté. Les mouvements sont peints
au gesso noir ou blanc, un enduit à base de craie que l’on utilise traditionnellement pour préparer ou « apprêter »
une surface afin que les couches de peinture successives puissent y adhérer. Alors que le noir est opaque, et dissimule donc tout ce qui se trouve sous la surface peinte, le gesso blanc est translucide, révélant subtilement les mouvements précédents – si bien que plus la blancheur d’une zone peinte est saturée, plus elle recèle de mouvements.
De manière similaire, les zones de gris résultent des endroits où le parcours des pièces blanches est passé sur celui
des pièces noires, ce qui renvoie au spectre des valeurs potentielles entre le blanc et le noir qui est – à l’image du
nombre de mouvements dans le jeu d’échecs – virtuellement illimité. Les zones qui ne sont traversées par aucun
mouvement conservent la teinte taupe de la toile nue, ajoutant de la couleur au motif par ailleurs achromatique.
Après ces toiles en noir et blanc, Hackney a créé des toiles avec des motifs plus colorés, basés non seulement sur
les parties de Duchamp, mais aussi sur une variante de jeu d’échecs unique que Duchamp proposa pour la première fois en 1920. ... Dans ce jeu, la couleur représente les mouvements de la reine, du fou, du cavalier et de la tour,
tandis que les rois et les pions conservent le noir et le blanc traditionnel. Les reines sont représentées par un vert
clair et plus foncé, puisque le mouvement potentiel de cette pièce englobe les mouvements de la tour et du cavalier
qui sont respectivement identifiés par des bleus et des jaunes clairs et plus foncés. Le cavalier, dont le parcours
spécifique ne partage aucune caractéristique avec les autres pièces, revêt différentes valeurs de rouge. »4
Pour son exposition personnelle à la KMD, l’artiste a entamé une série supplémentaire qui comprend de nouvelles œuvres sculpturales spécifiquement conçues pour la galerie inférieure lesquelles – comme le dit Hackney
– « évoquent des sculptures au sol minimalistes – elles font penser à la notion d’alphabet majuscule que Duchamp
avait appliquée aux échecs, et jouent avec l’illusion d’échelle dans l’espace inférieur. »5 Il revisite également une
ancienne variation des Chess paintings où « les mouvements sont peints par paires, de gauche à droite »6. Pour l’artiste « la relativité d’échelle » a été « une idée maîtresse dans la réflexion sur le jeu d’échecs : le jeu existe en premier
lieu en tant que structure englobant un petit ensemble de conditions. En tant qu’idée, cette structure n’a pas de
masse ou d’échelle déterminée. Le dispositif matériel des échecs – l’image du champ de bataille symbolique – est
lui-même soumis à un processus de rétrécissement et de compression. L’activité n’est pas liée à un temps ou à un
lieu précis et peut voyager dans l’esprit. »7
En d’autres mots, les œuvres de Tom Hackney sont directement apparentées au concept de repos instantané de
­Marcel Duchamp, mais elles se caractérisent par un style de peinture qui est propre aux artistes concrets de Zurich :
elles offrent non seulement une nouvelle dimension à l’idée de mouvement, mais apportent aussi une raison enrichissante pour l’appropriation ou la revitalisation de la peinture abstraite aujourd’hui.
NOTES:
1 Marcel Duchamp, Duchamp du signe suivi de Notes, Écrits réunis et présentés par Michel Sanouillet et Paul Matisse. Nouvelle édition revue
et corrigée avec la collaboration de Anne Sanouillet et Paul B. Franklin, Flammarion, Paris 2008, p. 64. Les précisions dans la citation sont
faites d’après The Bride Stripped Bare by Her Bachelors, Even, a typographic version by Richard Hamilton of Marcel Duchamp’s Green Box,
traduit par George Heard Hamilton, Edition Hansjörg Mayer, Stuttgart, Londres, Reykjavik, et Jaap Riekman Inc., New York 1976 (troisième
édition), sans numéro de pages.
2 Max Bill, “Zu Marcel Duchamp,” in Marcel Duchamp, Dokumentation über Marcel Duchamp (catalogue d’exposition), Kunstgewerbemuseum Zürich, pp. 5–11, pp. 7–8. Exposition : 30 juin – 28 août 1960.
3 Marcel Duchamp, Duchamp du signe suivi de Notes, op. cit. (note 1).
4 Bradley Bailey, “Layered Meaning, ” in Tom Hackney, Corresponding Squares: Painting the Chess Games of Marcel Duchamp (catalogue
d’exposition), World Chess Game Hall of Fame, St. Louis, MO, USA, pp. 5–11, p. 9. Exposition : 19 mai – 11 septembre 2016.
5 Tom Hackney dans un courriel à Stefan Banz, 18 octobre 2016.
6 Tom Hackney dans un courriel à Stefan Banz, 21 octobre 2016.
7 Tom Hackney dans un courriel à Stefan Banz, 17 octobre 2016.
TOM HACKNEY (né en 1977, UK) vit et travaille à Londres. Il a obtenu son Master of Fine Arts degree au Goldsmiths College, Londres, en
2008. Parmi ses expositions personnelles récentes figurent Corresponding Squares: Painting the Chess Games of Marcel Duchamp, Francis
M. Naumann Fine Art, New York et World Chess Hall of Fame, Saint Louis (2016) ; Minerals, Ambacher Contemporary, Munich (2015), et
Tremors, Breese Little, Londres (2013). Son œuvre est représentée dans diverses collections publiques et privées en Europe et aux États-Unis.

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