LE POINT D`ACTUALITE

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LE POINT D`ACTUALITE
LE POINT D’ACTUALITE
n°8 – janvier 2010
VERS PLUS DE RIGUEUR DANS L’INTERPRETATION DES CLAUSES DE PREEMPTION APPLICABLES AUX
CESSIONS DE DROITS SOCIAUX
La clause de préemption, qu’elle soit prévue dans les statuts ou stipulée dans un pacte extrastatutaire, a pour
objet de réserver aux associés existants, ou à certains d’entre eux, un droit de priorité sur les titres dont la
cession est envisagée.
La jurisprudence a été fréquemment appelée à se prononcer sur le champ d’application de cette clause.
Elle a jugé qu’un prêt de consommation d’actions, dans la mesure où il transfert à l’emprunteur la pleine
propriété des actions prêtées, devait respecter le droit de préemption stipulé dans un pacte d’actionnaires (Paris,
2 juillet 2002, Juris-Data n° 2002-190681).
Elle a également considéré que l’ouverture d’une procédure collective était sans incidence sur la mise en
œuvre de la clause de préemption. Celle-ci reste applicable à une cession d’actions conclue dans le cadre d’un
plan de continuation (Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Juris-Data n° 2003-240619). Elle s’impose encore au liquidateur
judiciaire, autorisé à céder les parts sociales d’une SCI détenues par une entreprise placée en liquidation
judiciaire, dès lors que les statuts de cette SCI stipulent un droit de préemption au profit des associés (Cass. Com.
23 janvier 1996, n° 92-18874).
La Cour de cassation a toutefois fait preuve, par le passé, d’une certaine souplesse d’interprétation. Elle a ainsi
admis qu’une clause d’agrément prévue en cas de cession (mais la solution est transposable à la clause de
préemption) devait être respectée en cas d’apport des actions concernées à une autre société (Cass. Com. 21 janvier
1970, n° 68-11085).
La Cour de cassation semble revenir sur cette analyse et vient de juger qu’une clause de préemption prévue
en cas de cession d’actions ne s’applique pas à leur apport en société (Cass. Com. 15 décembre 2009, n° 08-21037).
Cette décision doit être approuvée. Dès lors qu’elle limite la libre négociabilité des titres, la clause de préemption
doit être interprétée de façon restrictive et être cantonnée aux seules opérations expressément envisagées.
Des arrêts s’étaient déjà prononcés en ce sens. La Cour de cassation avait ainsi refusé d’appliquer une clause de
préemption visant tout transfert d’actions à titre onéreux ou gratuit à une transmission universelle de
patrimoine résultant d’une fusion-scission (Cass. Com. 28 avril 2004, n° 00-15003) et avait admis que la donation
d’actions consentie par un dirigeant à ses enfants n’avait pas à respecter la clause statutaire de préemption
applicable à « toute cession d’actions » (Cass. Com. 17 mars 2009, n° 08-11268).
La Cour de Paris avait enfin jugé que le pacte soumettant à un droit de préemption « toutes les aliénations par
quelque mode que ce soit, par transfert direct ou indirect, cession, apport, donation, échange, fusion, prêt de
consommation, nantissement, transfert universel de patrimoine, ou autrement, … » n’avait pas à s’appliquer aux
opérations portant sur les titres des sociétés signataires du pacte, même si elles entrainent un changement de
contrôle indirect de l’actionnariat de la société visée par la clause de préemption (Paris 4 décembre 2007, Juris-Data
n° 2007-352912).
En définitive, l’applicabilité d’une clause de préemption doit être appréciée au cas par cas et dépend de la
précision de sa rédaction.
En cas de violation d’un droit de préemption, quelle est la sanction applicable ?
Si la clause est prévue dans les statuts (hors SAS), les tribunaux retiennent, le plus souvent, l’inopposabilité de
la cession qui empêchera l’acquéreur de se prévaloir de la qualité d’associé, de percevoir les dividendes et
d’exercer les droits de vote attachés aux titres cédés. Dans le cas d’une SAS, la nullité de la cession s’impose en
application de l’article L. 227-15 du Code de commerce.
Lorsqu’elle est stipulée dans un pacte extra-statutaire, la violation d’une clause de préemption est sanctionnée
par l’octroi de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi par son bénéficiaire.
Bien plus, ce dernier est en droit d’obtenir l’annulation de la cession intervenue en violation de ses droits, voire
sa substitution à l’acquéreur s’il démontre l’existence d’une collusion frauduleuse entre les parties. Il lui
appartiendra d’établir la double preuve que l’acquéreur a eu connaissance de l’existence de la clause de
préemption et de la volonté de son bénéficiaire de s’en prévaloir, ce qui ne va pas sans difficultés (Cass. Chb. mixte
26 mai 2006, n° 03-19376 et 03-19495).
Nathalie MALKES KOSTER – Avocat – 15, rue Massenet 75116 Paris – Tel : 01 45 27 13 80 Fax : 01 45 20 50 43
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