Bulletin CCH fiscalité: juin 2011

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Bulletin CCH fiscalité: juin 2011
Bulletin CCH fiscalité de juin 2011, Volume 13, No 6
Le Bulletin CCH fiscalité de juin 2011, Volume 13, No 6, comprend les articles suivants :
Les intérêts, le montant principal de la dette et la retenue de l'impôt
L’évolution du traitement des certificats-cadeaux
La Colombie-Britannique rétablira-t-elle l’ancienne TVP?
Publié par CCH à 13:32
L’évolution du traitement des certificats-cadeaux
Par Mel Thurlow, CA, PricewaterhouseCoopers LLP/s.r.l./s.e.n.c.r.l.
Il n’y a pas si longtemps, une personne qui souhaitait acheter un certificat-cadeau n’avait qu’à se rendre au
service à la clientèle d’un magasin de vente au détail privilégié et acheter un certificat pour une valeur donnée.
Ce certificat ne pouvait être échangé qu’à cet établissement de vente au détail et était traité comme de l’argent
comptant.
Maintenant, vous pouvez acheter des certificats-cadeaux ou des cartes-cadeaux selon l’appellation récente, à
divers endroits, y compris les supermarchés ainsi que les pharmacies. Ces certificats ou cartes-cadeaux sont
disponibles sous forme de carte plastifiée, de support papier émis par un terminal, ou achetés en ligne sans
aucune forme matérielle.
Notons que «certificats-cadeaux» n’est pas défini dans la Loi sur la taxe d’accise «la Loi».
Selon l’article 181.2 de la Loi, il est à noter que:
181.2 Certificats-cadeaux — Pour l'application de la présente partie, la délivrance ou la vente d'un
certificat-cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture. Toutefois, le certificat-cadeau
donné en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service est réputé être de l'argent.
181. (1) Définitions
«bon» Sont compris parmi les bons, les pièces justificatives, reçus, billets et autres pièces. En sont exclus
les certificats-cadeaux [...]
Par ailleurs, on trouve dans l’énoncé de la politique sur la TPS/TVH P-202 émis par l’Agence du revenu du Canada
(«Agence»), l’énumération des caractéristiques d’un certificat-cadeau, à savoir:
1. La précision de la valeur monétaire;
2. Le principe du remboursement lors de l’achat d’un bien ou d’un service à un fournisseur particulier, en ce
sens que le fournisseur convient d’accepter le certificat-cadeau en contrepartie intégrale ou partielle de
l’achat d’un bien ou d’un service;
3. Le certificat-cadeau ou la carte-cadeau tient lieu de contrepartie pour la valeur qui est attribuée;
4. Le certificat-cadeau ou la carte-cadeau n’a pas de valeur intrinsèque.
Notons aussi que l’ARC mentionne que cet énoncé de politique est en cours d’examen.
Il n’est pas toujours facile de différencier un certificat-cadeau d’un bon ou encore de la fourniture d’un bien
taxable.
À titre d’exemple, l’énoncé de politique P-202 décrit la situation où un détaillant émet un «certificat-cadeau»
d’une valeur de 100 $ en même temps que survient l’avènement de son cinquantième anniversaire. Étant donné
que le certificat-cadeau est dans un format approprié aux fins d’encadrement, l’Agence a décrété que ce
certificat-cadeau possède une valeur intrinsèque et, de ce fait, s’avère taxable.
Par ailleurs, en référence au jugement rendu en lien avec l’affaire Canasia Industries Limited c. La Reine(1), le
juge en chef Garon, tout en faisant remarquer que le mot «certificat‑cadeau» est une expression familière
pouvant englober divers documents et transactions, décrit ainsi les éléments constitutifs d’un certificat‑cadeau:
«L'élément essentiel est que le porteur du certificat, qui pourrait être quiconque à qui le certificat a été
transféré par l'acheteur initial du certificat ou par un détenteur ultérieur, a le droit de recevoir
gratuitement de l'émetteur du certificat soit un bien ou un service, soit la valeur nominale à l'achat d'un
bien ou d'un service. Je ne crois pas qu'il soit important que le porteur du certificat ait ou non versé une
contrepartie ou ait offert une contrepartie pour obtenir le certificat‑cadeau de l'acheteur initial du
certificat ou de n'importe quel intermédiaire ultérieur. À mon avis, le concept de «certificat‑cadeau» dans
le contexte d'une situation visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise implique nécessairement
que le bien ou le service mentionné dans le certificat soit fourni gratuitement au porteur du certificat
lorsque le certificat est échangé par son émetteur. La partie «cadeau» de l'expression «certificat‑cadeau»
serait autrement dénuée de sens.»
L'Agence a récemment publié une décision concernant le statut fiscal des cartes musicales.
Certaines cartes sont des cartes en plastique, avec un numéro de série au dos, un NIP (numéro d’identification
personnel) ou un code d'activation. Dans tous les cas, les cartes réfèrent le porteur de la carte à un site Web
spécifique. En outre, certains sites Web fournissent une carte de format électronique.
Il existe trois types de cartes:
Après l'achat de la carte, l'acheteur est admissible à la même valeur monétaire pour des téléchargements
de musique.
Après que le destinataire entre son NIP (numéro d’identification personnel) ou code d’activation, la
valeur de la carte est alors transférée à un compte en ligne;
Les prix de vente, taxes comprises, relatifs à chaque téléchargement de musique sont déduits de la
valeur du compte courant jusqu’à ce que celui-ci soit épuisé.
Le deuxième type de carte permet à l’acquéreur de télécharger un certain nombre de pièces de musique;
Un troisième type de carte permet à l’acquéreur de télécharger des pièces de musique illimitées, pour une
certaine période de temps.
Dans tous les cas, l’ARC a décrété que les cartes de musique seront traitées comme des certificats-cadeaux et
que ni le grossiste ni le vendeur ne sont tenus de charger la TPS lors de la vente des cartes. La TPS s’appliquerait
seulement quand l’acheteur utilise la carte pour acheter de la musique.
Par contre, l’Agence a émis quelques lettres d’interprétation où on indique que les cartes d’appels prépayées
sont taxables au moment de l’achat. Les cartes d’appels prépayées ont les mêmes caractéristiques que les
certificats-cadeaux. Elles sont disponibles sous forme de carte plastifiée munie d’un NIP ou code d’activation, de
support papier émis par un terminal, ou achetées en ligne sans aucune forme matérielle.
Nous avons récemment confirmé avec l’Agence et Revenu Québec qu’ils continuent de considérer les cartes de
musique en tant que certificats-cadeaux, et que les cartes d’appels prépayées en tant que biens incorporels
taxables.
Dans l’intérêt des vendeurs de cartes-cadeaux de toutes sortes, on peut espérer qu’elles seront bientôt traitées
également.
1.
2000-4186(GST)I (C.C.I., procédure informelle, 10-02-2003) («Canasia»).
Publié par CCH à 10:10
Libellés : Taxes
La Colombie-Britannique rétablira-t-elle l’ancienne TVP?
Par Mel Thurlow, CA, PricewaterhouseCoopers LLP/s.r.l./s.e.n.c.r.l.
Le 24 juin 2011, un événement historique surviendra en Colombie-Britannique! Pour la première fois, les
électeurs de cette province décideront par bulletin de vote postal si la C.-B. maintiendra son régime actuel de
TVH (taxe de vente harmonisée) ou reviendra plutôt à l’ancien système de taxe de vente provinciale ou TVP.
La question qui sera posée aux électeurs s’avère assez simple:
Êtes-vous en faveur de l'élimination de la TVH (taxe de vente harmonisée) et du rétablissement de la TVP
(taxe de vente provinciale), conjointement avec la TPS (taxe sur les produits et services)?
Oui ou Non
La raison justifiant la tenue de ce référendum provincial est assez claire.
En effet, le 1er juillet 2010, le gouvernement de la province de la Colombie-Britannique combinait la TVP établie
à 7 % avec la TPS de 5 % aux fins de l’instauration d’une TVH de 12 %.
Ce changement imposé n’avait donné lieu à aucune consultation préalable du public ou encore de discussion au
sujet du changement à venir. Ce qui a engendré comme résultat: de la confusion, de la colère, du
mécontentement politique ainsi que l’avènement d’une pétition signée par des centaines de milliers de citoyens
exigeant la tenue d’un référendum qui permettrait aux citoyens de décider!
Dans ce contexte, un jury indépendant a été mandaté pour examiner les avantages et les inconvénients liés à la
TVH et la TVP/TPS en lien avec les impacts prévisibles sur les familles, les entreprises, l'économie ainsi que le
gouvernement provincial. Aussi, le 4 mai dernier, le comité publiait son rapport «C'est votre décision».
Ce rapport contient des informations très intéressantes:
1. Toutes les provinces, sauf l'Alberta qui n'applique aucune taxe de vente provinciale, prélèvent entre 10 % –
20 % de leurs revenus par l’entremise des taxes de vente.
2. Les familles de la C.-B. déboursent en moyenne 350 $ de plus chaque année sur le plan des dépenses
courantes, en raison de la TVH. Ce prélèvement de taxe de vente ne comprend pas la TVH applicable pour
les articles occasionnels coûteux tels que l'achat d'une maison neuve ou des rénovations majeures.
3. La TVH procurera certainement des avantages pour l'économie, mais le bénéfice estimé au fil du temps est
difficile à mesurer.
Le retour à la TVP/TPS et ses implications
1. Le rétablissement de la TVP est possible — mais non pas du jour au lendemain. Ce retour à la TVP/TPS
s’étalera sur une période de 18 à 24 mois.
2. La première année du retour à la TVP/TPS entraînera pour la C.-B., une perte évaluée à plus d'un demimilliard de dollars en recettes fiscales.
3. La province devra probablement rembourser le gouvernement fédéral/Ottawa, soit 1,6 milliard de dollars
reçus lors de la transition à la TVH.
4. La province de la C.-B. devrait débourser annuellement 85 millions de dollars en intérêt, dans l’éventualité
où la province doive emprunter pour rembourser le gouvernement fédéral/Ottawa, les 1,6 milliard de
dollars accordés précédemment.
5. Le gouvernement de la C.-B. devra aussi rétablir le bureau de TVP, réembaucher 300 employés et
commencer de nouveau à percevoir la TVP.
L’expérience de la C.-B. peut vous sembler éloignée, mais si cette province rétablit le système de la TVP,
plusieurs entreprises du Québec seront touchées.
Les impacts prévisibles seraient les suivants:
Les entreprises inscrites aux fins de la TPS ne chargeraient plus ainsi la TVH en ce qui concerne les ventes
effectuées aux clients établis en C.-B.;
Les entreprises déjà inscrites aux fins de la TPS en C.-B. seraient obligées de s’inscrire de nouveau aux fins
de la TVP et les exigences et obligations à cet effet seraient à examiner;
Le recours obligé à l’utilisation de deux comptes de taxes, soit un pour la TPS et un autre aux fins de la
TVP;
L’application de règles transitoires concernant les ventes de biens meubles corporels, de services, de biens
meubles incorporels ainsi que des immeubles;
Des changements aux règles pour les régimes de pension et les institutions financières désignées
particulières;
Les modifications fiscales à mettre en place pour les terminaux de point de vente ainsi que les caisses
enregistreuses;
L’élimination du CTI pour ce qui est de la partie provinciale de la TVH de la C.-B.;
L'autocotisation applicable pour les biens taxables apportés en C.-B.;
Les changements liés à l'analyse de budgétisation et à la trésorerie.
Il suffit que vous pensiez un instant à toute la planification requise et à l’ensemble des changements nécessaires
pour vous préparer à transiter vers la TVH. Maintenant, imaginez que vous faites table rase de tout cela et que
vous reveniez à la case départ de l’ancienne TVP.Restez à l’affût pour la suite des développements à venir!
Publié par CCH à 08:03
Libellés : Taxes
Les intérêts, le montant principal de la dette et la retenue de l'impôt
Par Robert Korne, avocat chez BCF s.e.n.c.r.l.
I. Introduction
Dans le monde des affaires, les obligations à coupons détachés ne sont pas inconnues. Elles peuvent souvent être
utilisées dans le cas où la dette principale est transigée d’une manière séparée du revenu d’intérêts qui s’y
rapporte. En l’espèce, la considération principale sur le plan de la politique fiscale consiste à déterminer quel
doit être le traitement fiscal approprié lorsque le montant principal de la dette et le droit à l’intérêt sont
détenus chacun par deux personnes différentes et lorsque le propriétaire de l’intérêt est une personne qui ne
réside pas au Canada et qui a des liens de dépendance avec le débiteur de l’obligation.
Suite aux modifications législatives introduites le 1er janvier 2008, la retenue de l’impôt sur le revenu d’intérêts
gagné par un non-résident entre créancier et débiteur liés a été éliminée. Mais certaines exceptions demeurent.
il s’agit en particulier de la retenue de l’impôt sur l’intérêt sur les dettes participantes. Par ailleurs, la retenue à
la source au Canada s’applique toujours au revenu d’intérêts, en vertu du sous-alinéa 212(1)b)(vii) de la Loi de
l’impôt sur le revenu (1) (ci-après la « Loi ») lorsque l’intérêt est payé à une personne envers laquelle le débiteur
a un lien de dépendance. Cette retenue d’impôt sur l’intérêt payé entre personnes liées peut être réduite par
une convention fiscale applicable. En vertu de la plupart des conventions fiscales conclues par le Canada, le taux
canadien de 25 % est réduit à un taux de 10 %. Exceptionnellement, la Convention fiscale entre le Canada et les
États-Unis élimine complètement la retenue canadienne sur des intérêts (autre que l’intérêt sur certaines dettes
participantes) versés par un résident du Canada à une personne avec laquelle il n’a aucun lien de dépendance et
qui est admissible à l’allégement offert par cette convention.
Étant donné que l’exemption s’applique seulement lorsque le débiteur canadien et le créancier non-résident
transigent à distance, il a été possible dans la plupart des cas de structurer ces transactions dans le respect de
cette règle.
Cette question a cependant refait surface dans une décision récente de la Cour d’appel fédérale, Lehigh Cement
Ltd. c. R. (2) Bien que l’affaire ait traité de plusieurs considérations accessoires aux notions de lien de
dépendance et de retenue à la source pour les non-résidents, elle a soulevé une question de politique fiscale
fondamentale, à savoir : est-ce que le gouvernement du Canada doit soustraire de la retenue à la source l’intérêt
payable au créancier non-résident qui a un lien de dépendance avec le débiteur canadien, lorsque la dette
principale est détachée de l’intérêt et que cette dette demeure payable à un créancier avec lequel le débiteur
est lié ?
II. Lehigh - les faits
L’affaire Lehigh concerne l’impôt de la Partie XIII de la Loi (avant 2008). L’exonération habituelle s’appliquait
aux intérêts payés à une personne non-résidente aux termes de certains types d’obligations lorsque le débiteur
n’est pas obligé de payer plus de 25 % de la dette principale à l’intérieur d’un délai de 5 ans depuis l’émission de
la dette. Cette exonération fut remplacée par les amendements de 2008 et qui prévoient un allégement encore
plus grand. Néanmoins, l’exigence que le débiteur canadien et le créancier étranger n’aient entre eux aucun lien
de dépendance demeure l’exigence clé même de cette nouvelle exonération.
Le contribuable dans Lehigh, une société résidente au Canada, était membre d’un groupe multinational basé
ailleurs qu’au Canada. Le contribuable avait emprunté de l’argent d’une société sœur membre de son groupe. La
retenue a été faite à l’égard des intérêts versés au créancier non-résident. En 1997, environ 10 ans après la
naissance de la dette, les parties ont modifié les conditions du prêt, y compris pour permettre au prêteur de
vendre la totalité ou une partie seulement des intérêts payables à une tierce partie. Ainsi, l’intérêt fut séparé de
la dette principale et vendu à une banque belge qui n’avait aucun lien de dépendance avec les membres du
groupe de la société, mais la dette principale restait détenue par la société étrangère membre du groupe.
Il est important de souligner que la banque belge s’est prémunie contractuellement contre divers risques
découlant de l’acquisition des intérêts. Elle a aussi acheté le coupon d’intérêts avec un escompte de 14 %. En
plus, une des sociétés du groupe a garanti le paiement de l’intérêt à la banque belge en acceptant de racheter le
coupon d’intérêts à la banque à un prix déterminé advenant un défaut du débiteur canadien. La banque belge a
aussi été indemnisée contre des paiements prématurés de l’intérêt dans une transaction de couverture, le cas
échéant. Donc, le seul risque de la banque était limité au défaut possible d’un garant non-résident et cela n’est
pas inhabituel dans ce type de transactions commerciales internationales.
Après les modifications des conditions de l’obligation et la cession du coupon d’intérêts, l’emprunteur canadien a
cessé de retenir et de remettre l’impôt de la Partie XIII sur les paiements d’intérêts désormais faits à la banque
belge. En effet, la banque belge, qui n’avait aucun lien de dépendance avec le débiteur canadien, était
maintenant admissible à l’exonération prévue par le sous-alinéa 212(1)b) de la Loi. De plus, l’appelante a déduit
ses paiements d’intérêts dans le calcul de son revenu pour les fins de l’impôt canadien. L’Agence du revenu du
Canada (ci-après l’« ARC ») cotisa l’appelante en vertu de la Partie I de la Loi, lui refusant la déduction d’une
partie de sa dépense. Plus important encore pour les fins qui nous occupent, l’ARC cotisa l’appelante en vertu de
la Partie XIII, en appliquant les pénalités. Pour l’ARC, la séparation du paiement des intérêts de la dette
principale constituait une transaction d’évitement abusive soumise à la disposition générale anti-évitement (ciaprès la « DGAÉ ») du paragraphe 245(2) de la Loi.
III. La décision de la Cour canadienne de l'impôt
La Cour canadienne de l’impôt a étudié le texte, le contexte et le but du paragraphe 212(1)b) de la Loi. La Partie
XIII de la Loi crée un impôt sur le revenu passif (qui n’est pas tiré d’une entreprise ou d'un emploi) payé par une
personne résidente du Canada et reçu par une personne non-résidente. Le paiement d’un montant à titre
d’intérêts est assujetti à l’impôt en vertu du sous-alinéa 212(1)b)(vii) de la Loi.
Dans cette décision, on précise que l’admissibilité à l’exemption du sous-alinéa 212(1)b)(vii) est sujette aux
conditions suivantes :
les intérêts sont payables par une société résidente du Canada;
ils sont payables à une personne avec laquelle cette société n’a aucun lien de dépendance;
le titre de créance a été émis par cette société après le 23 juin 1975; et
la société n’est obligée, dans aucun cas, de verser plus de 25 % du montant principal de l’obligation dans
les 5 ans suivant la date de la créance.
La Cour a reconnu que le but de cette règle est d’imposer le revenu passif payé par les personnes résidentes du
Canada aux personnes non-résidentes. Ce type de revenu n’est pas assujetti à l’impôt en vertu de la Partie I de la
Loi; toutefois, la Partie XIII a créé une nouvelle imposition avec ses propres règles. Quant à la politique fiscale
sous-jacente à la règle du sous-alinéa 212(1)b)(vii), la Cour canadienne de l’impôt a fait les commentaires
suivants :
[39] Le sous-alinéa (vii) est relativement facile à saisir. Il n’est pas rédigé dans le style impénétrable qui si
souvent caractérise d’autres parties de la Loi. Laissé à moi-même, j’aurais fort bien pu conclure que cette
exemption avait pour objet d’aider les sociétés canadiennes à emprunter auprès de prêteurs étrangers sans
lien de dépendance avec elles, qui recevraient alors des intérêts non soumis à la retenue fiscale. Après
examen des articles cités aux paragraphes 37 et 38 ci-dessus, je suis d’avis que l’objet du sous-alinéa (vii)
est d’aider les sociétés canadiennes en quête de capitaux, et cela en leur rendant plus accessibles les
marchés internationaux de capitaux. Le coût de la retenue fiscale frappant les intérêts payés aux prêteurs
étrangers est souvent répercuté sur l’emprunteur canadien, ce qui a pour effet d’accroître pour celui-ci le
coût du capital. L’exemption de retenue fiscale pour les emprunts contractés auprès de prêteurs étrangers
sans lien de dépendance rend de tels emprunts plus concurrentiels par rapport aux emprunts contractés sur
le marché canadien.
Selon la Cour canadienne de l’impôt, les relations entre les parties dans le cas présent « n’ont absolument rien en
commun avec la relation sans lien de dépendance emprunteur‑prêteur envisagée par le sous-alinéa (vii) » :
À mon avis, l’avantage fiscal, au sous-alinéa (vii), qui consiste à payer des intérêts exempts de retenue
fiscale à une personne non résidente ne s’applique qu’à l’emprunt contracté auprès d’un prêteur non
résident dans le cadre d’une opération entre parties sans lien de dépendance. Il s’agit là de l’opération
« ayant un certain objet commercial ». Dans le présent appel, l’appelante n’a pas emprunté d’argent à BBL
ni à aucun autre prêteur non résident. L’absence d’un prêteur non résident me conduit à dire que
l’opération conclue entre CBR IS [la compagnie mère] et BBL [la banque non liée] a constitué un abus du
sous-alinéa (vii).
En résumé, même si les conditions d’application de l’exemption ont été remplies, la Cour canadienne de l’impôt
a conclu que l’exemption s’applique seulement si l’emprunt est fait entre un prêteur et un emprunteur qui n’ont,
entre eux, aucun lien de dépendance. En conséquence, les transactions étaient contraires à la politique fiscale
sous-jacente. La DGAÉ a donc été appliquée pour refuser l’exemption de la retenue pour l’impôt des nonrésidents sur les paiements de l’intérêt faits en vertu du prêt.
IV. Cour d'appel fédérale
Devant la Cour d’appel fédérale, les parties étaient d’accord que l’opération en cause constituait une opération
d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la Loi et qu’elle avait pour objet de procurer l’avantage fiscal qui
découle de l’exemption prévue au sous-alinéa 212(1)b)(vii) et qui soustrait le débiteur à l’obligation de retenir
l’impôt des non-résidents. La seule question à décider était de déterminer si la DGAÉ s’appliquait à cette
transaction, en l’occurrence.
L’appelante a reconnu qu’elle recherchait le bénéfice de l’exemption prévue au sous-alinéa 212(1)b)(vii) pour se
soustraire à la retenue d’impôt, mais soutenait que la DGAÉ ne pouvait pas s’appliquer puisque les transactions
n’étaient pas abusives au sens du paragraphe 245(4) de la Loi.
La Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes, entre autres :
[28] Deuxièmement, le sous-alinéa 212(1)b)(vii) est libellé en termes suffisamment larges pour englober
tout intérêt payable par une société résidant au Canada à un non-résident, peu importe la façon dont le
non-résident peut avoir obtenu le droit de recevoir ledit intérêt. En effet, ce droit pourrait naître de bien
des façons – prêt à intérêt à une société résidant au Canada, vente d’un bien à une société résidant au
Canada dans le cadre de laquelle la portion impayée du prix d’achat porte intérêt ou achat du droit de
recevoir des intérêts sur un titre de créance d’une société résidant au Canada, avec ou sans droit au
principal de l’obligation.
[29] Troisièmement, selon la formulation du sous-alinéa 212(1)b)(vii), c’est la relation entre la personne
qui doit payer l’intérêt et la personne qui a droit à cet intérêt qui est visée pour établir s’il a été satisfait
au critère d’une relation sans lien de dépendance. Le sous-alinéa n’exige pas que le critère d’une relation
sans lien de dépendance s’applique aussi à la relation entre la personne qui est tenue de payer le principal
de l’obligation et la personne qui y a droit. Si, en matière de politique fiscale, le législateur avait voulu
faire en sorte que l’exemption du sous-alinéa 212(1)b)(vii) s’applique uniquement lorsque la même
personne avait droit à la fois aux intérêts et au principal, il aurait été facile pour lui de l’énoncer.
[30] Quatrièmement, la scission entre l’intérêt et le principal est depuis longtemps un aspect habituel des
opérations financières à caractère commercial, y compris les opérations visant les titres de créance de
l’État comme les bons du Trésor. La Couronne n’a fourni aucun élément de preuve démontrant que, sur le
fond ou sur la forme, l’opération de fractionnement en cause est inhabituelle sur le plan commercial.
[31] Cinquièmement, dans le contexte précis de la retenue d’impôt des non-résidents, le législateur était
au fait de cette pratique de fractionnement d’opérations en 1975 au moment de l’adoption de la première
version du sous-alinéa 212(1)b)(vii).
Selon la Cour d’appel fédérale, le Ministre n’a cité aucune source faisant autorité et soutenant, expressément ou
implicitement, sa thèse selon laquelle une opération qui fractionne l’obligation de payer les intérêts et
l’obligation de rembourser le principal entre différents créanciers est contraire à l’objectif de la politique fiscale
visé par le sous-alinéa 212(1)b)(vii). Dans le cadre de cette décision, la Cour d’appel fédérale a noté que le fait
qu’un contribuable invoque une disposition précise d’une façon qui n’a pas été prévue ou d’une manière
novatrice, ne signifie pas nécessairement qu’il y a un abus de cette disposition.
La Cour a jugé que « la Couronne ne peut s’acquitter du fardeau d’établir qu’une opération donne lieu à un abus
dans l’application d’une exemption simplement en affirmant que l’opération n’était pas prévue ou qu’elle tire
profit d’une lacune législative passée inaperçue jusqu’alors. […] [L]a Couronne doit établir par des éléments de
preuve et des arguments motivés que le résultat de l’opération en cause n’est pas conforme à l’objet de
l’exemption, à partir d’une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’exemption ».
En conséquence, la Cour a conclu que les transactions sous étude n’étaient pas soumises à la DGAÉ et que
l’appelante avait droit à l’exemption du sous-alinéa 212(1)b)(vii) de la Loi.
IV. La réponse du gouvernement canadien
Suite à cette décision de la Cour d’appel fédérale et au refus de la Cour suprême du Canada d’accorder la
permission d’en appeler, le ministre des Finances a réagi rapidement pour éliminer les effets de la décision au
moyen d’une loi. Dès le 16 mars 2011, le ministère des Finances a présenté un projet d’amendement. Plus
précisément, le gouvernement a proposé des modifications de clarification afin de protéger l’assiette fiscale du
Canada.
[L]a retenue d’impôt prévue par la partie XIII de la Loi de l’impôt sur revenu s’appliquera (sous réserve des
traités fiscaux du Canada) aux intérêts qu’une personne résidant au Canada (le payeur) paie à une personne
non-résidente, ou porte à son crédit, au titre d’une dette due à une personne non-résidente ayant un lien
de dépendance avec le payeur.
Ainsi, dans le Document d’information publié par le ministre des Finances, on annonce ce qui suit :
Le Canada impose une retenue sur les intérêts qu’un résident du Canada paie à un non-résident avec qui il
a un lien de dépendance. En appliquant cette retenue aux intérêts payés aux non-résidents, le Canada
exerce son droit d’imposer le revenu de source canadienne. Il a toutefois exonéré d’impôt les paiements
d’intérêts faits à des non-résidents sans lien de dépendance afin de permettre aux Canadiens d’avoir un
meilleur accès aux marchés financiers internationaux et de réduire leurs coûts d’emprunt. La vente de la
partie d’un prêt qui représente les intérêts par un non-résident ayant un lien de dépendance avec le payeur
à un non-résident sans lien de dépendance avec lui afin d’éviter la retenue d’impôt va à l’encontre de ces
objectifs puisque la dette est toujours détenue par une partie ayant un lien de dépendance avec le payeur
et que le coût d’emprunt pour le résident du Canada demeure inchangé.
Cette modification s’applique aux intérêts payés ou à payer à la date de publication, soit le 16 mars 2011, ou par
la suite, sauf s’ils sont payés ou à payer sur une obligation contractée par le payeur avant cette date et sauf si le
bénéficiaire a acquis le droit à ces intérêts avant cette date. Dans un cas identique à Lehigh, afin que
l’exemption s’applique, la dette principale et les intérêts devraient dorénavant être vendus à une personne qui
n’est pas liée à l’emprunteur canadien.
V. Conclusion
Il est étonnant que le gouvernement du Canada ait réagi si promptement à cette décision. Il serait intéressant de
savoir combien de transactions de ce type peuvent avoir été conclues après la décision Lehigh. Il est admis que
l’exemption de la retenue à la source peut produire un résultat commercial intéressant.
Par exemple, les économies d’impôt canadien seraient partagées avec le vendeur de l’intérêt. Ainsi, en
présumant que le vendeur de l’intérêt réside dans un pays avec lequel le Canada a une convention fiscale, il y
aurait habituellement une économie égale à 10 %. Mais les mécanismes établis pour prémunir le créancier contre
tous les facteurs de risques prévisibles de ces transactions multi-juridictionnelles, lesquelles tiennent souvent
compte des fluctuations de la devise, peuvent rendre l’économie produite par l’exemption fiscale canadienne
assez marginale.
Pendant la contestation judiciaire, le Ministre s’est appuyé sur l’esprit de l’exemption du sous-alinéa 212(1)b)(vii)
de la Loi, soit d'améliorer l’accès des Canadiens aux marchés internationaux des capitaux en diminuant leurs
coûts d’emprunt. Dans l’affaire Lehigh, la Couronne a plaidé que cet objectif a été frustré. Mais on peut se
demander en quoi les amendements peuvent faciliter l’accès aux capitaux étrangers. Souvent, les emprunteurs
canadiens ne peuvent pas accéder facilement aux marchés monétaires internationaux sans la collaboration d’une
société étrangère liée. Cette collaboration se traduit normalement par une diminution des coûts d’emprunt et
peut prendre diverses formes, comme des garanties ou des indemnités offertes par une société sœur étrangère,
des options de rachat et même des cessions d’intérêts. L’exigence à l'effet que la dette principale et le coupon
d’intérêts soient détenus par deux personnes qui n’ont aucun lien de dépendance avec le débiteur principal va
certainement freiner l’accès aux marchés monétaires étrangers pour les emprunteurs canadiens.
En effet, en vertu des amendements, si la dette principale et le composant intérêt sont vendus par un prêteur
non-résident lié à l’emprunteur à une tierce partie, aucune retenue ne s’applique au paiement d’intérêts
subséquent. Mais, on l'a vu, une situation identique a porté la Cour d’appel fédérale à se demander comment les
Canadiens pouvaient prétendre améliorer l’accès aux capitaux étrangers et diminuer leurs coûts d’emprunt alors
qu’il n’en résulte aucune augmentation des capitaux prêtés par un créancier étranger à un débiteur canadien. Ces
transactions ne font que changer l’identité du créancier des intérêts sans augmenter le montant du capital prêté.
On peut se demander si l’objet véritable du sous-alinéa 212(1)b)(vii) n’est pas d’obliger les parties à prévoir un
taux d’intérêt commercial qui n’existerait peut-être pas entre personnes liées. N’aurait-il pas été préférable que
les amendements de 2008 prévoient l’exonération de la retenue prévue à la Partie XIII sur la portion raisonnable
des intérêts payés au non-résident, peut importe l’existence d’un lien de dépendance entre créancier et
débiteur ?
1.
L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) telle que modifiée.
2.
2010 F.C.A. 124; requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée le 4 novembre 2010.
Publié par CCH à 10:00
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