Nouvelles en assuranceCM

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Nouvelles en assuranceCM
Nouvelles en assurance
CM
CM
Une revue périodique de sujets d’intérêt pour les assurés.
Publié par le groupe de litige en assurance
Rédacteurs en chef :
Emmanuelle Poupart et Daniel W. Payette
Septembre 2006
Table des matières
Victoire pour les assurés! ...............................................................................................1
L’obligation de déclarer de l’assuré et les impacts du questionnaire lors
de la conclusion du contrat d’assurance .............................................................................3
La décision Swagger annoncerait-elle la fin de toute couverture d’assurance
responsabilité pour les entrepreneurs généraux ....................................................................4
Tomber de Charybde en Scylla, l’inclusion contractuelle de délais de prescriptions
légales en assurance incendie..........................................................................................7
Nouvelles en assuranceCM
Victoire pour les assurés!
Par Jane Langford (Toronto) avec la collaboration
de Emmanuelle Poupart (Montréal)
Le 7 décembre 2005, notre cliente
University of Western Ontario remportait
une importante victoire dans le cadre d’un
litige de longue date qui l’opposait à son
assureur Guardian Insurance Company of
Canada. En 1987, un ancien employé de
l’administration de cette Université l’avait
poursuivie, lui réclamant entre autres
des dommages pour poursuite abusive,
congédiement injustifié, diffamation,
détention de biens personnels, éviction
de son bureau et complot afin qu’il fasse
l’objet d’une enquête criminelle. L’Université
avait alors demandé à son assureur Guardian
d’honorer son obligation de la défendre en
vertu d’une police d’assurance commerciale
de la responsabilité civile générale.
Guardian avait refusé, alléguant que les
motifs principaux de la réclamation étaient
le congédiement abusif et la violation du
droit d’auteur et qu’ils n’étaient pas couverts
par la police. L’Université avait donc été
forcée d’assumer sa défense dans une action
contre son ancien employé qui a mis 11 ans
à se résoudre. L’Université a déboursé plus
de 2 000 000 $ dans cette affaire.
En Octobre 2003, la Cour a déclaré que
Guardian avait l’obligation de défendre
l’Université dans le cadre de cette action et
elle l’a condamnée à dédommager l’Université
de ses frais de défense. Toutefois, comme la
police ne couvrait pas toutes les allégations, la
Cour a ordonné un procès pour déterminer si
Guardian était en droit de répartir les frais de
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défense entre les allégations couvertes et non
couvertes.
Le 7 décembre 2005, après deux semaines
d’audition, l’honorable Denis Power a décidé
qu’il incombait à Guardian de démontrer que
le travail effectué et les déboursements
encourus par les procureurs ou l’assuré
lui-même n’étaient pas clairement reliés
aux allégations couvertes, car Guardian
avait failli à ses obligations. Ce fardeau
est lourd et requiert que l’assureur propose
une approche rationnelle et conséquente
pour une juste répartition des frais de
défense.
Dans ce cas, la Cour a conclu qu’il était
presque impossible de relier le temps
consacré et les dépenses encourus à des
allégations spécifiques en raison de la nature
même de la réclamation contre l’Université.
La Cour a de plus rejeté l’argument de
Guardian selon lequel le tribunal devait
assumer que seule l’allégation de poursuite
abusive avait été plaidée et que, par
conséquent, Guardian n’était alors
redevable que des frais reliés à cette
allégation. La Cour a plutôt conclu que
cet assureur devait assumer les frais
qui avaient été engagés, pour la défense
d’allégations, tant couvertes que non
couvertes et qu’il devait ainsi rembourser
l’intégralité de ces frais. Guardian a,
par voie de conséquence, été condamnée
à verser à l’Université 95 % de ses frais
de défense.
Cette affaire, dans le cadre de laquelle nous
représentions l’Université, semble être le
premier cas canadien lors duquel une preuve
substantielle a été faite durant le procès
quant à la répartition des frais de défense.1
Elle illustre le risque que prennent les
compagnies d’assurances en refusant d’assumer
leur obligation de défendre lorsqu’il y a
possibilité qu’au moins une partie des
allégations soient couvertes par la police.
Elle suggère également que vous ne devriez
pas accepter le refus de votre assureur de
vous défendre au motif que certaines de
vos allégations ne seraient pas couvertes.
Vous devriez plutôt déterminer si certaines
allégations sont effectivement couvertes et
s’il y a chevauchement dans la défense des
allégations couvertes et non couvertes.
Dans cette affaire, la Cour a reconnu et
confirmé la jurisprudence qui favorise les
assurés lors de la répartition des frais de
défense décidée après les faits, c’est-à-dire
après que la responsabilité de l’assuré ait été
déterminée et les frais de défense encourus.
Par conséquent, si votre assureur refuse de
vous défendre au motif que certaines de vos
allégations ne sont pas couvertes, il est peutêtre de votre intérêt d’obtenir une décision
rapide sur son obligation de défendre les
allégations couvertes, mais de retarder la
décision quant à la répartition des frais de
défense entre les allégations couvertes et non
couvertes, jusqu’à ce que la responsabilité de
1
Au Québec, il y a au moins une décision soit l’affaire
Procureur général du Québec c. Benoit Girard, 2004
CanLII 47874 (C.A.) dans le cadre de laquelle une allocation
entre les allégations couvertes et non couvertes a été
appliquée. Cependant, il ne semble pas que l’allocation
ait fait l’objet d’une preuve ou d’une analyse détaillée.
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l’assuré ait fait l’objet d’une décision finale du
tribunal.
Si votre assureur refuse de vous défendre, vous
devriez immédiatement obtenir des conseils
juridiques. Mieux encore, si vous envisagez de
présenter une réclamation à votre assureur,
consultez un avocat au préalable.
Pour plus d’information, veuillez contacter
Jane Langford à Toronto :
[email protected]
L’obligation de déclarer de
l’assuré et les impacts du
questionnaire lors de la
conclusion du contrat
d’assurance
Par Benoit Byette (Montréal)
En droit des assurances, il existe un principe
voulant que la conclusion d’un contrat
d’assurance soit soumise à la plus haute bonne
foi des parties. L’assuré doit donc, lorsqu’il
souscrit une police d’assurance, déclarer toutes
les circonstances connues qui sont de nature à
influencer de façon importante l’appréciation
du risque et l’établissement de la prime. Au
Québec, cette obligation de l’assuré est prévue
aux articles 2408 et suivants du Code civil du
Québec. Cette obligation se poursuit même
après la conclusion du contrat. L’assuré doit
donc, de façon continue, divulguer toute
information pouvant influencer l’assureur dans
l’appréciation du risque. En cas de litige, le
comportement de l’assureur et de l’assuré
s’apprécie objectivement. L’assureur se doit
de démontrer que l’information requise était
objectivement matérielle à l’appréciation du
risque, alors que l’assuré se doit de démontrer
qu’il a rempli entièrement son obligation de
déclarer comme l’aurait fait un autre assuré
prévoyant.
La Cour d’appel du Québec a récemment
rendu deux décisions significatives atténuant
l’obligation de déclarer de l’assuré lorsque
celui-ci, en souscrivant une assurance, a
répondu au questionnaire qui lui a été présenté
par l’assureur ou aux questions spécifiques
formulées par les représentants de ce dernier.
Dans la décision Compagnie mutuelle
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d’assurance Wawanesa c. GMAC Location
ltée, [2005] R.R.A. 25, la Cour d’appel a
conclu que l’obligation de déclarer de
l’assuré était limitée aux informations
expressément demandées par l’assureur
dans son questionnaire. Dans cette affaire,
la Compagnie mutuelle d’assurance Wawanesa
(« Wawanesa ») assurait un véhicule, propriété
de Serge et Rita Rouette. Avant la conclusion
du contrat d’assurance, les représentants de
Wawanesa avaient posé une série de questions
à Serge Rouette relativement à son dossier
criminel concernant l’utilisation de tout
véhicule motorisé. À la suite d’un accident lors
duquel le véhicule de l’assuré a été considéré
comme une perte totale, Wawanesa a nié
couverture en raison du défaut de Serge
Rouette d’avoir déclaré qu’il avait été trouvé
coupable d’infractions criminelles pour vol,
fraude et possession de drogue. La Cour
d’appel a refusé d’endosser la position de
Wawanesa. Elle a plutôt conclu que
M. Rouette, avait omis d’informer Wawanesa
de son dossier criminel, mais qu’il avait
néanmoins rencontré son obligation de déclarer
telle que prévue à l’article 2409 C.C.Q.,
puisqu’une personne raisonnable placée dans
les mêmes circonstances n’aurait pas considéré
que la divulgation de ces mêmes offenses
criminelles était pertinente. La Cour d’appel a
d’ailleurs précisé que les questions spécifiques
posées à l’assuré confirmaient le fait qu’un
assuré normalement prévoyant n’aurait pas
pensé que ces offenses auraient pu être d’un
quelconque intérêt pour l’assureur dans
l’appréciation du risque.
La Cour d’appel a adopté le même
raisonnement dans l’affaire Bergeron c.
Lloyd’s Non-Marine Underwriters, [2005]
R.R.A. 20, renvoyant à des faits similaires,
en concluant que :
« Avec une question aussi précise quant à la
nature des actes et la période où ils auraient
été commis, une personne raisonnable peut
conclure que seuls ces actes intéressent
l’assureur et constituent des circonstances
de nature à influencer sa décision quant à
l’établissement de la prime, l’appréciation
du risque ou de la décision de l’accepter. »
Nous devons donc conclure qu’au Québec,
les tribunaux ont reconnu que l’obligation
de déclarer de l’assuré n’est pas absolue
et qu’elle peut être atténuée par le
comportement de l’assureur, et plus
particulièrement en fonction de la nature
et de l’étendue des questions posées à l’assuré
lorsque celui-ci souscrit à une couverture
d’assurance. Cependant, n’oublions pas
qu’indépendamment de ces deux décisions,
l’assuré a toujours l’obligation de déclarer
toute information qui serait de nature à
influencer de façon importante l’appréciation
du risque par l’assureur.
Il est parfois difficile de déterminer quelle
information est matérielle, ce concept étant
sujet aux circonstances propres à chaque cas.
L’assuré devrait donc consulter un avocat
spécialisé en droit des assurances s’il
s’interroge sur l’étendue de son obligation de
déclarer, puisque tout défaut de respecter
cette obligation peut avoir des conséquences
significatives, allant même jusqu’à invalider
un contrat d’assurance.
La décision Swagger
annoncerait-elle la fin de
toute couverture d’assurance
responsabilité pour les
entrepreneurs généraux
Par Charles Hough & Ariel DeJong (Vancouver) avec
la collaboration de Chantal Tremblay (Montréal)
La couverture d’assurance dont bénéficient
certains joueurs clés, tel l’entrepreneur
général, est l’un des aspects les plus
importants des litiges de construction. Il est
déterminant pour l’entrepreneur général qui
est défendeur et qui, sans assurance, n’aurait
peut-être pas les moyens d’assumer les frais
de sa défense ou de payer toute somme qu’il
pourrait être obligé de verser à la suite
d’un règlement ou d’un jugement contre
lui. C’est un aspect tout aussi important
pour le propriétaire ou toute autre partie
qui aurait une réclamation à faire valoir
contre l’entrepreneur général, puisque cette
réclamation pourrait ne jamais être honorée
si les actifs de cet entrepreneur étaient
insuffisants et qu’il n’avait aucune assurance.
Le 9 septembre 2005, l’honorable Nathan Smith
de la Cour Suprême de la Colombie-Britannique
rendait son jugement dans l’affaire Swagger
Construction Ltd. c. ING Insurance Company
et al2. Cette décision a ébranlé les assises
de la couverture d’assurance responsabilité
professionnelle pour les entrepreneurs
généraux impliqués dans des litiges de
construction.
Pour plus d’information, veuillez contacter
Benoit Byette à Montréal :
[email protected]
2
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2005 BCSC 1269
L’Université de Colombie-Britannique (« UBC »)
avait engagé Swagger, à titre d’entrepreneur
général, pour construire le Centre des sciences
de la forêt. Swagger avait intenté une
poursuite contre UBC afin de recouvrer
des sommes qui lui étaient prétendument
dues en vertu du contrat de construction.
De son côté, UBC avait déposé une demande
reconventionnelle, en raison de prétendus vices
qui auraient causé des dommages au Centre
des sciences de la forêt. Ces vices auraient
affecté l’enveloppe du bâtiment et entraîné
des infiltrations d’eau.
Swagger détenait un certain nombre de polices
d’assurance responsabilité civile générale
(« CGL »), qui le couvraient durant la
conception et la construction du bâtiment
et au moment où les prétendus dommages au
bâtiment étaient survenus. Les termes de ses
polices CGL étaient standards. Ils prévoyaient
une couverture pour tout dommage relié à un
préjudice corporel ou pour tout dommage
matériel dont Swagger serait responsable.
Pour ce qui est de la réclamation pour
dommages matériels, le libellé exigeait,
comme c’est le cas dans la plupart des polices
CGL, qu’un dommage ait été causé à un bien.
Avant la décision Swagger, les avocats
canadiens spécialisés en matière de couverture
d’assurance estimaient que pour qu’une
réclamation soit couverte par une police CGL,
il fallait non seulement invoquer un vice de
construction, mais aussi des dommages
matériels au bâtiment résultant des prétendus
vices de construction. Par exemple, il n’était
pas suffisant d’alléguer que le bâtiment n’avait
pas un revêtement adéquat. Pour que la
couverture d’assurance s’applique, il fallait
alléguer des dommages découlant de l’absence
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de revêtement adéquat, comme des dommages
causés par l’eau ou reliés à la présence de bois
pourri. Depuis la décision Swagger, et malgré
celle-ci, la majorité des avocats canadiens
spécialisés dans de tels litiges maintiennent
la même position.
Par ailleurs, bien qu’une telle réclamation
puisse être couverte en vertu des clauses
d’assurance, elle pouvait se voir exclue en
vertu des exclusions « votre produit/votre
travail ». Dans les années 1980 et 1990, le
libellé de ces clauses d’exclusion dans les
polices CGL a été substantiellement modifié.
Généralement, ces exclusions n’empêchaient
pas qu’il y ait couverture dans le cas d’actions
contre les entrepreneurs généraux lors de
réclamations faites pour des condominiums
ayant été endommagées par des infiltrations
d’eau. Ceci avait d’ailleurs été confirmé par
deux décisions de la Cour Suprême de la
Colombie-Britannique qui concluaient que
les assureurs CGL avaient l’obligation de
défendre l’entrepreneur général dans le
cadre de tels litiges.
Dans l’affaire Swagger, le juge a conclu que
la réclamation contre l’entrepreneur général
n’était pas couverte car, selon lui, le dommage
matériel était survenu uniquement au travail
ou au produit de l’assuré.
Le juge a estimé que le travail et le produit
de l’entrepreneur général concernaient le
bâtiment dans son intégralité, de sorte que
pour qu’il y ait couverture, il fallait qu’un
dommage ait été causé à autre chose qu’au
bâtiment. Pour en arriver à cette décision, le
juge s’est fondé sur des décisions de common
law en matière de délit, dans le cadre
desquelles les tribunaux avaient rejeté la
théorie de structure complexe (« complex
structure theory »). En vertu de cette théorie,
les éléments de structure pouvaient être
distincts les uns des autres, de façon à ce
qu’un dommage à une partie de la structure
qui aurait été causé par un vice dans une autre
partie du bâtiment, pouvait être qualifié de
dommage au bien d’autrui.
La Cour d’appel du Québec a atteint un résultat
similaire dans sa décision Géodex c. Zurich,
Compagnie d’assurance du 21 avril 2006. Dans
cette affaire, le toit du stationnement d’un
condominium s’était effondré, rendant
inutilisable le stationnement et endommageant
les voitures qui y étaient garées. L’assureur
avait accepté de couvrir la portion de la
réclamation liée à l’effondrement, mais
refusait de couvrir la réparation des vices
constatés dans les travaux de l’entrepreneur.
La Cour d’appel a confirmé cette position de
l’assureur puisque la simple existence de
malfaçons ne constituait pas en soi un
dommage matériel.
L’une des problématiques que soulève la
décision Swagger est l’application de décisions
en matière de délit dans un contexte
d’assurance. Ce sont strictement l’analyse des
allégations formulées dans la procédure et le
libellé de la police qui permettent de décider
s’il y aura couverture. Si la police d’assurance
comprend une couverture pour toute
réclamation découlant de dommages à des
biens, alors dès que des dommages matériels
résultant d’un vice de construction sont
constatés, la réclamation devrait être couverte
en vertu des termes et conditions de la police.
Il faut alors se demander principalement si les
exclusions « votre produit/votre travail »
écartent toute couverture.
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Le libellé usuel de ces exclusions n’empêche
habituellement pas qu’il y ait une couverture
d’assurance, étant donné qu’à l’intérieur
même de ces exclusions, il y a une exception
pour les travaux complétés par un sousentrepreneur, pour et au nom de l’assuré et
pour les biens immobiliers desquels on exclut
les bâtiments. Étonnamment, le juge n’a pas
analysé les exclusions « votre produit/votre
travail » dans son jugement. Il est plutôt
curieux de penser que les assureurs ont
consacré du temps à la rédaction de
l’exclusion « votre travail/votre produit »,
si les dommages à votre travail/votre produit
ne tombaient pas d’emblée dans les clauses
d’indemnité retrouvées dans des polices CGL.
Selon la décision Swagger, ces exclusions
seraient donc superflues pour les
entrepreneurs généraux.
Swagger a porté cette décision en appel,
mais s’est désisté avant son audition.
En conséquence, selon cette décision,
les entrepreneurs généraux de la
Colombie-Britannique n’auraient pas de
couverture d’assurance pour tout litige qui
découlerait d’infiltrations d’eau dans les
condominiums ou pour toute autre forme de
litige de construction, dans le cadre duquel le
dommage allégué serait limité au travail pour
lequel l’entrepreneur général a été engagé,
sans inclure les dommages découlant d’autre
chose que du travail de l’entrepreneur général.
Nonobstant la décision Swagger, si comme
entrepreneur général vous faites face à une
réclamation, vous devriez rapidement la
rapporter à vos assureurs pour préserver la
couverture dont vous pourriez bénéficier et
obtenir des conseils juridiques afin d’établir
si cette réclamation est couverte ou non.
L’analyse attentive du libellé de votre police
permettra de déterminer si une couverture est
disponible. Bien que le libellé des polices
d’assurance CGL soit standard, les libellés
varient néanmoins d’une police à l’autre, ce
qui peut avoir un impact significatif sur la
couverture d’assurance offerte.
Pour plus d’information, veuillez contacter
Charles Hough à Vancouver :
[email protected]
ou
Ariel DeJong à Vancouver :
[email protected]
Tomber de Charybde en Scylla,
l’inclusion contractuelle de
délais de prescriptions légales
en assurance incendie
Par Thomas H. Ferguson et Brandon Kain (Calgary)
avec la collaboration de Sébastien Pierre-Roy
(Montréal)
L’incorporation contractuelle de délais de
prescription s’appliquant expressément à
l’assurance incendie dans les polices
d’assurance tous risques ou multirisques, et
abrogeant ainsi les délais de prescription qui,
autrement, gouverneraient les réclamations
présentées en vertu de ces polices, se retrouve
parmi les questions les plus controversées du
droit canadien de l’assurance.3 La décision
récente de la Cour d’appel de l’Alberta, dans
Fenrich v. Wawanesa Mutual Insurance Co.,
2005 ABCA 199, n’a fait que soulever des
objections parmi les assureurs et les assurés
dans la lutte perpétuelle qu’ils se livrent sur
cette question. Malheureusement, ce jugement
tranche la question de façon insatisfaisante,
alors qu’il aurait pu établir des directives
claires.
La réclamation dont il est question dans
Fenrich est survenue à la suite de dommages
causés par l’eau à une maison assurée par une
police tous risques et aux biens personnels
qui s’y trouvaient, assurés par une police
multirisques. Bien que la police ait été
souscrite par les parents du demandeur,
ce dernier était néanmoins inclus dans la
définition d’« assuré » telle que contenue
dans la police. Le demandeur a engagé une
3
Notez que cette pratique n’a pas cours au Québec,
étant interdite par le Code civil.
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poursuite afin d’être indemnisé à la suite
des dommages causés à ses biens par l’eau,
alors que ceux-ci se trouvaient dans le
garage adjacent à la maison. Par la suite, le
demandeur a tenté d’amender son action afin
d’y inclure son père comme assuré nommé dans
la police, bien que plus d’un an se soit écoulé
depuis la survenance des dommages. À ce
sujet, la police d’assurance comprenait
explicitement un délai de prescription d’un an,
tel que prévu dans le Insurance Act albertain et
qui s’applique aux polices d’assurance
incendie. La question dont devait débattre
la Cour d’appel de l’Alberta était de savoir
si le demandeur pouvait se fonder sur l’article
6 (1) du Limitations Act albertain, lequel
permettait l’amendement de procédures,
même après l’expiration du délai de
prescription. Cependant, advenant que
le délai de prescription d’un an, introduit
contractuellement dans la police d’assurance à
partir de l’Insurance Act, soit considéré comme
transformant cette prescription en prescription
« légale » plutôt que contractuelle, le
paragraphe 2 (4) (b) du Limitations Act
albertain aurait rendu le paragraphe 6 (1)
inopérant, et l’amendement aurait été interdit.
En permettant l’amendement, la Cour
détermina ultérieurement que, le demandeur
ayant produit son action dans l’année prévue
à la police d’assurance, l’amendement n’était
pas tardif, même si l’on considérait que
l’intégration de cette condition dans la police
en faisait une condition légale. Étrangement
toutefois, la Cour estimait qu’il n’était pas
nécessaire de déterminer si les parties à un
contrat d’assurance pouvaient accepter d’être
liées par des délais de prescription plus courts
que ceux prévus au Limitations Act, lorsque le
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contrat en question couvrait des périls autres
qu’un incendie.
La Cour d’appel évitait ainsi une question qui
aurait pu facilement être résolue en appliquant
le raisonnement de la Cour suprême du
Canada, tel qu’exposé dans KP Pacific Holdings
Ltd. v. Guardian Insurance Co. of Canada, 2003
SCC 25. Dans cette affaire, l’assuré avait
présenté une réclamation pour une perte
causée par un incendie en vertu d’une police
d’assurance tous risques, plus d’un an après
la survenance de la perte, mais moins d’un
an après avoir produit une réclamation à
l’assureur. L’assureur prétendait que la
police se définissait comme une police
d’assurance incendie selon l’Insurance Act de
Colombie-Britannique, qui instaurait un délai
de prescription d’un an à compter de la date
de la perte. De son côté, l’assuré prétendait
que sa police tous risques se classait selon les
dispositions générales de l’Insurance Act de
Colombie-Britannique, selon lequel le délai de
prescription était d’un an à partir de la
production de la réclamation à l’assureur.
La Cour a défini que la question en était une
d’interprétation de la loi et a noté qu’elle avait
la difficile tâche de catégoriser une police
d’assurance tous risques selon une « Loi
désuète fondée sur des catégories qui contient
des règles fondées sur les anciennes catégories
d’assurance ». En rejetant la défense de
prescription de l’assureur, la Cour a jugé que
les conditions légales applicables à l’assurance
incendie en vertu de l’Insurance Act de
Colombie-Britannique ne pouvaient s’appliquer
aux polices multirisques « qu’aux prix d’une
interprétation forcée et de résultats incongrus
» et que le législateur ne pouvait avoir eu
l’intention d’inclure les conditions régissant
les assurances incendie dans les polices tous
risques si l’on tenait compte de toutes les
conséquences d’une telle introduction.
La Cour conclut en demandant au législateur de
modifier la Loi « pour assujettir expressément
les polices multirisques à des dispositions
précises ».
Les cours des autres provinces ont jugé que les
principes clairement exprimés dans KP Pacific
empêchent l’introduction des conditions
légales rattachées aux polices d’assurance
incendie dans les polices d’assurance
multirisques (Audio Works Production Services
Ltd. v. Canadian Northern Insurance Co., 2005
MBQB 209), ou leur intégration contractuelle
dans celles-ci (Burry v. Donahue, 2003 NLSCTD
165). Toutefois, la Cour d’appel de l’Alberta,
dans Fenrich, a précisément refusé de prendre
en considération l’impact de la décision de la
Cour suprême dans KP Pacific, prétextant que
cette décision se distinguait parce qu’elle ne
correspondait pas à une tentative de limiter
contractuellement le délai de prescription
générale.
Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel, par son
refus de tenir compte de l’application de KP
Pacific à l’incorporation contractuelle de
conditions légales, a fait fi du raisonnement de
la Cour suprême, en ignorant l’avertissement
de cette dernière selon lequel les polices
d’assurance tous risques ou multirisques
modernes ne pouvaient plus être définies selon
un « paradigme désuet des catégories distinctes
de polices d’assurance ». Ces mêmes polices
ne devraient donc plus être régies par
l’application de conditions légales définies
dans ces mêmes lois. Ne faire qu’esquisser
la question de savoir si ce raisonnement
s’applique aux dispositions contractuelles
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incorporant un amalgame de conditions
légales aux polices tous risques et multirisques
revient à neutraliser le raisonnement de la
Cour suprême dans l’affaire KP Pacific.
En effet, comme mentionné dans Burry,
toute démarche en vue d’incorporer
contractuellement dans une police multirisques
un délai de prescription légale applicable aux
polices d’assurance incendie est une tentative :
[Traduction] … de faire indirectement
ce qu’on ne peut pas faire directement.
À mon avis, c’est une mauvaise
interprétation que de voir dans cette
situation l’acceptation d’être lié
contractuellement en vertu de ce qui
est prima facie un cadre législatif.
Je crois que si le cadre législatif est
inadéquat, insuffisant ou inefficace, alors
on devrait mettre fin à cette discussion.
L’assuré ne devrait pas être ainsi forcé
de tomber de Charybde en Scylla.
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Tous les efforts ont été déployés pour s'assurer de l'exactitude et de l'à-propos de la présente publication, mais les observations contenues aux présentes sont nécessairement
de portée générale. Les clients sont priés de demander des conseils précis sur les questions qui les concernent et de ne pas se fier uniquement au texte de la présente.

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