Nouvelles en assuranceCM
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Nouvelles en assurance CM CM Une revue périodique de sujets d’intérêt pour les assurés. Publié par le groupe de litige en assurance Rédacteurs en chef : Emmanuelle Poupart et Daniel W. Payette Septembre 2006 Table des matières Victoire pour les assurés! ...............................................................................................1 L’obligation de déclarer de l’assuré et les impacts du questionnaire lors de la conclusion du contrat d’assurance .............................................................................3 La décision Swagger annoncerait-elle la fin de toute couverture d’assurance responsabilité pour les entrepreneurs généraux ....................................................................4 Tomber de Charybde en Scylla, l’inclusion contractuelle de délais de prescriptions légales en assurance incendie..........................................................................................7 Nouvelles en assuranceCM Victoire pour les assurés! Par Jane Langford (Toronto) avec la collaboration de Emmanuelle Poupart (Montréal) Le 7 décembre 2005, notre cliente University of Western Ontario remportait une importante victoire dans le cadre d’un litige de longue date qui l’opposait à son assureur Guardian Insurance Company of Canada. En 1987, un ancien employé de l’administration de cette Université l’avait poursuivie, lui réclamant entre autres des dommages pour poursuite abusive, congédiement injustifié, diffamation, détention de biens personnels, éviction de son bureau et complot afin qu’il fasse l’objet d’une enquête criminelle. L’Université avait alors demandé à son assureur Guardian d’honorer son obligation de la défendre en vertu d’une police d’assurance commerciale de la responsabilité civile générale. Guardian avait refusé, alléguant que les motifs principaux de la réclamation étaient le congédiement abusif et la violation du droit d’auteur et qu’ils n’étaient pas couverts par la police. L’Université avait donc été forcée d’assumer sa défense dans une action contre son ancien employé qui a mis 11 ans à se résoudre. L’Université a déboursé plus de 2 000 000 $ dans cette affaire. En Octobre 2003, la Cour a déclaré que Guardian avait l’obligation de défendre l’Université dans le cadre de cette action et elle l’a condamnée à dédommager l’Université de ses frais de défense. Toutefois, comme la police ne couvrait pas toutes les allégations, la Cour a ordonné un procès pour déterminer si Guardian était en droit de répartir les frais de Page 1 Nouvelles en assuranceCM défense entre les allégations couvertes et non couvertes. Le 7 décembre 2005, après deux semaines d’audition, l’honorable Denis Power a décidé qu’il incombait à Guardian de démontrer que le travail effectué et les déboursements encourus par les procureurs ou l’assuré lui-même n’étaient pas clairement reliés aux allégations couvertes, car Guardian avait failli à ses obligations. Ce fardeau est lourd et requiert que l’assureur propose une approche rationnelle et conséquente pour une juste répartition des frais de défense. Dans ce cas, la Cour a conclu qu’il était presque impossible de relier le temps consacré et les dépenses encourus à des allégations spécifiques en raison de la nature même de la réclamation contre l’Université. La Cour a de plus rejeté l’argument de Guardian selon lequel le tribunal devait assumer que seule l’allégation de poursuite abusive avait été plaidée et que, par conséquent, Guardian n’était alors redevable que des frais reliés à cette allégation. La Cour a plutôt conclu que cet assureur devait assumer les frais qui avaient été engagés, pour la défense d’allégations, tant couvertes que non couvertes et qu’il devait ainsi rembourser l’intégralité de ces frais. Guardian a, par voie de conséquence, été condamnée à verser à l’Université 95 % de ses frais de défense. Cette affaire, dans le cadre de laquelle nous représentions l’Université, semble être le premier cas canadien lors duquel une preuve substantielle a été faite durant le procès quant à la répartition des frais de défense.1 Elle illustre le risque que prennent les compagnies d’assurances en refusant d’assumer leur obligation de défendre lorsqu’il y a possibilité qu’au moins une partie des allégations soient couvertes par la police. Elle suggère également que vous ne devriez pas accepter le refus de votre assureur de vous défendre au motif que certaines de vos allégations ne seraient pas couvertes. Vous devriez plutôt déterminer si certaines allégations sont effectivement couvertes et s’il y a chevauchement dans la défense des allégations couvertes et non couvertes. Dans cette affaire, la Cour a reconnu et confirmé la jurisprudence qui favorise les assurés lors de la répartition des frais de défense décidée après les faits, c’est-à-dire après que la responsabilité de l’assuré ait été déterminée et les frais de défense encourus. Par conséquent, si votre assureur refuse de vous défendre au motif que certaines de vos allégations ne sont pas couvertes, il est peutêtre de votre intérêt d’obtenir une décision rapide sur son obligation de défendre les allégations couvertes, mais de retarder la décision quant à la répartition des frais de défense entre les allégations couvertes et non couvertes, jusqu’à ce que la responsabilité de 1 Au Québec, il y a au moins une décision soit l’affaire Procureur général du Québec c. Benoit Girard, 2004 CanLII 47874 (C.A.) dans le cadre de laquelle une allocation entre les allégations couvertes et non couvertes a été appliquée. Cependant, il ne semble pas que l’allocation ait fait l’objet d’une preuve ou d’une analyse détaillée. Page 2 Nouvelles en assuranceCM l’assuré ait fait l’objet d’une décision finale du tribunal. Si votre assureur refuse de vous défendre, vous devriez immédiatement obtenir des conseils juridiques. Mieux encore, si vous envisagez de présenter une réclamation à votre assureur, consultez un avocat au préalable. Pour plus d’information, veuillez contacter Jane Langford à Toronto : [email protected] L’obligation de déclarer de l’assuré et les impacts du questionnaire lors de la conclusion du contrat d’assurance Par Benoit Byette (Montréal) En droit des assurances, il existe un principe voulant que la conclusion d’un contrat d’assurance soit soumise à la plus haute bonne foi des parties. L’assuré doit donc, lorsqu’il souscrit une police d’assurance, déclarer toutes les circonstances connues qui sont de nature à influencer de façon importante l’appréciation du risque et l’établissement de la prime. Au Québec, cette obligation de l’assuré est prévue aux articles 2408 et suivants du Code civil du Québec. Cette obligation se poursuit même après la conclusion du contrat. L’assuré doit donc, de façon continue, divulguer toute information pouvant influencer l’assureur dans l’appréciation du risque. En cas de litige, le comportement de l’assureur et de l’assuré s’apprécie objectivement. L’assureur se doit de démontrer que l’information requise était objectivement matérielle à l’appréciation du risque, alors que l’assuré se doit de démontrer qu’il a rempli entièrement son obligation de déclarer comme l’aurait fait un autre assuré prévoyant. La Cour d’appel du Québec a récemment rendu deux décisions significatives atténuant l’obligation de déclarer de l’assuré lorsque celui-ci, en souscrivant une assurance, a répondu au questionnaire qui lui a été présenté par l’assureur ou aux questions spécifiques formulées par les représentants de ce dernier. Dans la décision Compagnie mutuelle Page 3 Nouvelles en assuranceCM d’assurance Wawanesa c. GMAC Location ltée, [2005] R.R.A. 25, la Cour d’appel a conclu que l’obligation de déclarer de l’assuré était limitée aux informations expressément demandées par l’assureur dans son questionnaire. Dans cette affaire, la Compagnie mutuelle d’assurance Wawanesa (« Wawanesa ») assurait un véhicule, propriété de Serge et Rita Rouette. Avant la conclusion du contrat d’assurance, les représentants de Wawanesa avaient posé une série de questions à Serge Rouette relativement à son dossier criminel concernant l’utilisation de tout véhicule motorisé. À la suite d’un accident lors duquel le véhicule de l’assuré a été considéré comme une perte totale, Wawanesa a nié couverture en raison du défaut de Serge Rouette d’avoir déclaré qu’il avait été trouvé coupable d’infractions criminelles pour vol, fraude et possession de drogue. La Cour d’appel a refusé d’endosser la position de Wawanesa. Elle a plutôt conclu que M. Rouette, avait omis d’informer Wawanesa de son dossier criminel, mais qu’il avait néanmoins rencontré son obligation de déclarer telle que prévue à l’article 2409 C.C.Q., puisqu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances n’aurait pas considéré que la divulgation de ces mêmes offenses criminelles était pertinente. La Cour d’appel a d’ailleurs précisé que les questions spécifiques posées à l’assuré confirmaient le fait qu’un assuré normalement prévoyant n’aurait pas pensé que ces offenses auraient pu être d’un quelconque intérêt pour l’assureur dans l’appréciation du risque. La Cour d’appel a adopté le même raisonnement dans l’affaire Bergeron c. Lloyd’s Non-Marine Underwriters, [2005] R.R.A. 20, renvoyant à des faits similaires, en concluant que : « Avec une question aussi précise quant à la nature des actes et la période où ils auraient été commis, une personne raisonnable peut conclure que seuls ces actes intéressent l’assureur et constituent des circonstances de nature à influencer sa décision quant à l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou de la décision de l’accepter. » Nous devons donc conclure qu’au Québec, les tribunaux ont reconnu que l’obligation de déclarer de l’assuré n’est pas absolue et qu’elle peut être atténuée par le comportement de l’assureur, et plus particulièrement en fonction de la nature et de l’étendue des questions posées à l’assuré lorsque celui-ci souscrit à une couverture d’assurance. Cependant, n’oublions pas qu’indépendamment de ces deux décisions, l’assuré a toujours l’obligation de déclarer toute information qui serait de nature à influencer de façon importante l’appréciation du risque par l’assureur. Il est parfois difficile de déterminer quelle information est matérielle, ce concept étant sujet aux circonstances propres à chaque cas. L’assuré devrait donc consulter un avocat spécialisé en droit des assurances s’il s’interroge sur l’étendue de son obligation de déclarer, puisque tout défaut de respecter cette obligation peut avoir des conséquences significatives, allant même jusqu’à invalider un contrat d’assurance. La décision Swagger annoncerait-elle la fin de toute couverture d’assurance responsabilité pour les entrepreneurs généraux Par Charles Hough & Ariel DeJong (Vancouver) avec la collaboration de Chantal Tremblay (Montréal) La couverture d’assurance dont bénéficient certains joueurs clés, tel l’entrepreneur général, est l’un des aspects les plus importants des litiges de construction. Il est déterminant pour l’entrepreneur général qui est défendeur et qui, sans assurance, n’aurait peut-être pas les moyens d’assumer les frais de sa défense ou de payer toute somme qu’il pourrait être obligé de verser à la suite d’un règlement ou d’un jugement contre lui. C’est un aspect tout aussi important pour le propriétaire ou toute autre partie qui aurait une réclamation à faire valoir contre l’entrepreneur général, puisque cette réclamation pourrait ne jamais être honorée si les actifs de cet entrepreneur étaient insuffisants et qu’il n’avait aucune assurance. Le 9 septembre 2005, l’honorable Nathan Smith de la Cour Suprême de la Colombie-Britannique rendait son jugement dans l’affaire Swagger Construction Ltd. c. ING Insurance Company et al2. Cette décision a ébranlé les assises de la couverture d’assurance responsabilité professionnelle pour les entrepreneurs généraux impliqués dans des litiges de construction. Pour plus d’information, veuillez contacter Benoit Byette à Montréal : [email protected] 2 Page 4 Nouvelles en assuranceCM 2005 BCSC 1269 L’Université de Colombie-Britannique (« UBC ») avait engagé Swagger, à titre d’entrepreneur général, pour construire le Centre des sciences de la forêt. Swagger avait intenté une poursuite contre UBC afin de recouvrer des sommes qui lui étaient prétendument dues en vertu du contrat de construction. De son côté, UBC avait déposé une demande reconventionnelle, en raison de prétendus vices qui auraient causé des dommages au Centre des sciences de la forêt. Ces vices auraient affecté l’enveloppe du bâtiment et entraîné des infiltrations d’eau. Swagger détenait un certain nombre de polices d’assurance responsabilité civile générale (« CGL »), qui le couvraient durant la conception et la construction du bâtiment et au moment où les prétendus dommages au bâtiment étaient survenus. Les termes de ses polices CGL étaient standards. Ils prévoyaient une couverture pour tout dommage relié à un préjudice corporel ou pour tout dommage matériel dont Swagger serait responsable. Pour ce qui est de la réclamation pour dommages matériels, le libellé exigeait, comme c’est le cas dans la plupart des polices CGL, qu’un dommage ait été causé à un bien. Avant la décision Swagger, les avocats canadiens spécialisés en matière de couverture d’assurance estimaient que pour qu’une réclamation soit couverte par une police CGL, il fallait non seulement invoquer un vice de construction, mais aussi des dommages matériels au bâtiment résultant des prétendus vices de construction. Par exemple, il n’était pas suffisant d’alléguer que le bâtiment n’avait pas un revêtement adéquat. Pour que la couverture d’assurance s’applique, il fallait alléguer des dommages découlant de l’absence Page 5 Nouvelles en assuranceCM de revêtement adéquat, comme des dommages causés par l’eau ou reliés à la présence de bois pourri. Depuis la décision Swagger, et malgré celle-ci, la majorité des avocats canadiens spécialisés dans de tels litiges maintiennent la même position. Par ailleurs, bien qu’une telle réclamation puisse être couverte en vertu des clauses d’assurance, elle pouvait se voir exclue en vertu des exclusions « votre produit/votre travail ». Dans les années 1980 et 1990, le libellé de ces clauses d’exclusion dans les polices CGL a été substantiellement modifié. Généralement, ces exclusions n’empêchaient pas qu’il y ait couverture dans le cas d’actions contre les entrepreneurs généraux lors de réclamations faites pour des condominiums ayant été endommagées par des infiltrations d’eau. Ceci avait d’ailleurs été confirmé par deux décisions de la Cour Suprême de la Colombie-Britannique qui concluaient que les assureurs CGL avaient l’obligation de défendre l’entrepreneur général dans le cadre de tels litiges. Dans l’affaire Swagger, le juge a conclu que la réclamation contre l’entrepreneur général n’était pas couverte car, selon lui, le dommage matériel était survenu uniquement au travail ou au produit de l’assuré. Le juge a estimé que le travail et le produit de l’entrepreneur général concernaient le bâtiment dans son intégralité, de sorte que pour qu’il y ait couverture, il fallait qu’un dommage ait été causé à autre chose qu’au bâtiment. Pour en arriver à cette décision, le juge s’est fondé sur des décisions de common law en matière de délit, dans le cadre desquelles les tribunaux avaient rejeté la théorie de structure complexe (« complex structure theory »). En vertu de cette théorie, les éléments de structure pouvaient être distincts les uns des autres, de façon à ce qu’un dommage à une partie de la structure qui aurait été causé par un vice dans une autre partie du bâtiment, pouvait être qualifié de dommage au bien d’autrui. La Cour d’appel du Québec a atteint un résultat similaire dans sa décision Géodex c. Zurich, Compagnie d’assurance du 21 avril 2006. Dans cette affaire, le toit du stationnement d’un condominium s’était effondré, rendant inutilisable le stationnement et endommageant les voitures qui y étaient garées. L’assureur avait accepté de couvrir la portion de la réclamation liée à l’effondrement, mais refusait de couvrir la réparation des vices constatés dans les travaux de l’entrepreneur. La Cour d’appel a confirmé cette position de l’assureur puisque la simple existence de malfaçons ne constituait pas en soi un dommage matériel. L’une des problématiques que soulève la décision Swagger est l’application de décisions en matière de délit dans un contexte d’assurance. Ce sont strictement l’analyse des allégations formulées dans la procédure et le libellé de la police qui permettent de décider s’il y aura couverture. Si la police d’assurance comprend une couverture pour toute réclamation découlant de dommages à des biens, alors dès que des dommages matériels résultant d’un vice de construction sont constatés, la réclamation devrait être couverte en vertu des termes et conditions de la police. Il faut alors se demander principalement si les exclusions « votre produit/votre travail » écartent toute couverture. Page 6 Nouvelles en assuranceCM Le libellé usuel de ces exclusions n’empêche habituellement pas qu’il y ait une couverture d’assurance, étant donné qu’à l’intérieur même de ces exclusions, il y a une exception pour les travaux complétés par un sousentrepreneur, pour et au nom de l’assuré et pour les biens immobiliers desquels on exclut les bâtiments. Étonnamment, le juge n’a pas analysé les exclusions « votre produit/votre travail » dans son jugement. Il est plutôt curieux de penser que les assureurs ont consacré du temps à la rédaction de l’exclusion « votre travail/votre produit », si les dommages à votre travail/votre produit ne tombaient pas d’emblée dans les clauses d’indemnité retrouvées dans des polices CGL. Selon la décision Swagger, ces exclusions seraient donc superflues pour les entrepreneurs généraux. Swagger a porté cette décision en appel, mais s’est désisté avant son audition. En conséquence, selon cette décision, les entrepreneurs généraux de la Colombie-Britannique n’auraient pas de couverture d’assurance pour tout litige qui découlerait d’infiltrations d’eau dans les condominiums ou pour toute autre forme de litige de construction, dans le cadre duquel le dommage allégué serait limité au travail pour lequel l’entrepreneur général a été engagé, sans inclure les dommages découlant d’autre chose que du travail de l’entrepreneur général. Nonobstant la décision Swagger, si comme entrepreneur général vous faites face à une réclamation, vous devriez rapidement la rapporter à vos assureurs pour préserver la couverture dont vous pourriez bénéficier et obtenir des conseils juridiques afin d’établir si cette réclamation est couverte ou non. L’analyse attentive du libellé de votre police permettra de déterminer si une couverture est disponible. Bien que le libellé des polices d’assurance CGL soit standard, les libellés varient néanmoins d’une police à l’autre, ce qui peut avoir un impact significatif sur la couverture d’assurance offerte. Pour plus d’information, veuillez contacter Charles Hough à Vancouver : [email protected] ou Ariel DeJong à Vancouver : [email protected] Tomber de Charybde en Scylla, l’inclusion contractuelle de délais de prescriptions légales en assurance incendie Par Thomas H. Ferguson et Brandon Kain (Calgary) avec la collaboration de Sébastien Pierre-Roy (Montréal) L’incorporation contractuelle de délais de prescription s’appliquant expressément à l’assurance incendie dans les polices d’assurance tous risques ou multirisques, et abrogeant ainsi les délais de prescription qui, autrement, gouverneraient les réclamations présentées en vertu de ces polices, se retrouve parmi les questions les plus controversées du droit canadien de l’assurance.3 La décision récente de la Cour d’appel de l’Alberta, dans Fenrich v. Wawanesa Mutual Insurance Co., 2005 ABCA 199, n’a fait que soulever des objections parmi les assureurs et les assurés dans la lutte perpétuelle qu’ils se livrent sur cette question. Malheureusement, ce jugement tranche la question de façon insatisfaisante, alors qu’il aurait pu établir des directives claires. La réclamation dont il est question dans Fenrich est survenue à la suite de dommages causés par l’eau à une maison assurée par une police tous risques et aux biens personnels qui s’y trouvaient, assurés par une police multirisques. Bien que la police ait été souscrite par les parents du demandeur, ce dernier était néanmoins inclus dans la définition d’« assuré » telle que contenue dans la police. Le demandeur a engagé une 3 Notez que cette pratique n’a pas cours au Québec, étant interdite par le Code civil. Page 7 Nouvelles en assuranceCM poursuite afin d’être indemnisé à la suite des dommages causés à ses biens par l’eau, alors que ceux-ci se trouvaient dans le garage adjacent à la maison. Par la suite, le demandeur a tenté d’amender son action afin d’y inclure son père comme assuré nommé dans la police, bien que plus d’un an se soit écoulé depuis la survenance des dommages. À ce sujet, la police d’assurance comprenait explicitement un délai de prescription d’un an, tel que prévu dans le Insurance Act albertain et qui s’applique aux polices d’assurance incendie. La question dont devait débattre la Cour d’appel de l’Alberta était de savoir si le demandeur pouvait se fonder sur l’article 6 (1) du Limitations Act albertain, lequel permettait l’amendement de procédures, même après l’expiration du délai de prescription. Cependant, advenant que le délai de prescription d’un an, introduit contractuellement dans la police d’assurance à partir de l’Insurance Act, soit considéré comme transformant cette prescription en prescription « légale » plutôt que contractuelle, le paragraphe 2 (4) (b) du Limitations Act albertain aurait rendu le paragraphe 6 (1) inopérant, et l’amendement aurait été interdit. En permettant l’amendement, la Cour détermina ultérieurement que, le demandeur ayant produit son action dans l’année prévue à la police d’assurance, l’amendement n’était pas tardif, même si l’on considérait que l’intégration de cette condition dans la police en faisait une condition légale. Étrangement toutefois, la Cour estimait qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si les parties à un contrat d’assurance pouvaient accepter d’être liées par des délais de prescription plus courts que ceux prévus au Limitations Act, lorsque le Page 8 Nouvelles en assuranceCM contrat en question couvrait des périls autres qu’un incendie. La Cour d’appel évitait ainsi une question qui aurait pu facilement être résolue en appliquant le raisonnement de la Cour suprême du Canada, tel qu’exposé dans KP Pacific Holdings Ltd. v. Guardian Insurance Co. of Canada, 2003 SCC 25. Dans cette affaire, l’assuré avait présenté une réclamation pour une perte causée par un incendie en vertu d’une police d’assurance tous risques, plus d’un an après la survenance de la perte, mais moins d’un an après avoir produit une réclamation à l’assureur. L’assureur prétendait que la police se définissait comme une police d’assurance incendie selon l’Insurance Act de Colombie-Britannique, qui instaurait un délai de prescription d’un an à compter de la date de la perte. De son côté, l’assuré prétendait que sa police tous risques se classait selon les dispositions générales de l’Insurance Act de Colombie-Britannique, selon lequel le délai de prescription était d’un an à partir de la production de la réclamation à l’assureur. La Cour a défini que la question en était une d’interprétation de la loi et a noté qu’elle avait la difficile tâche de catégoriser une police d’assurance tous risques selon une « Loi désuète fondée sur des catégories qui contient des règles fondées sur les anciennes catégories d’assurance ». En rejetant la défense de prescription de l’assureur, la Cour a jugé que les conditions légales applicables à l’assurance incendie en vertu de l’Insurance Act de Colombie-Britannique ne pouvaient s’appliquer aux polices multirisques « qu’aux prix d’une interprétation forcée et de résultats incongrus » et que le législateur ne pouvait avoir eu l’intention d’inclure les conditions régissant les assurances incendie dans les polices tous risques si l’on tenait compte de toutes les conséquences d’une telle introduction. La Cour conclut en demandant au législateur de modifier la Loi « pour assujettir expressément les polices multirisques à des dispositions précises ». Les cours des autres provinces ont jugé que les principes clairement exprimés dans KP Pacific empêchent l’introduction des conditions légales rattachées aux polices d’assurance incendie dans les polices d’assurance multirisques (Audio Works Production Services Ltd. v. Canadian Northern Insurance Co., 2005 MBQB 209), ou leur intégration contractuelle dans celles-ci (Burry v. Donahue, 2003 NLSCTD 165). Toutefois, la Cour d’appel de l’Alberta, dans Fenrich, a précisément refusé de prendre en considération l’impact de la décision de la Cour suprême dans KP Pacific, prétextant que cette décision se distinguait parce qu’elle ne correspondait pas à une tentative de limiter contractuellement le délai de prescription générale. Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel, par son refus de tenir compte de l’application de KP Pacific à l’incorporation contractuelle de conditions légales, a fait fi du raisonnement de la Cour suprême, en ignorant l’avertissement de cette dernière selon lequel les polices d’assurance tous risques ou multirisques modernes ne pouvaient plus être définies selon un « paradigme désuet des catégories distinctes de polices d’assurance ». Ces mêmes polices ne devraient donc plus être régies par l’application de conditions légales définies dans ces mêmes lois. Ne faire qu’esquisser la question de savoir si ce raisonnement s’applique aux dispositions contractuelles Page 9 Nouvelles en assuranceCM incorporant un amalgame de conditions légales aux polices tous risques et multirisques revient à neutraliser le raisonnement de la Cour suprême dans l’affaire KP Pacific. En effet, comme mentionné dans Burry, toute démarche en vue d’incorporer contractuellement dans une police multirisques un délai de prescription légale applicable aux polices d’assurance incendie est une tentative : [Traduction] … de faire indirectement ce qu’on ne peut pas faire directement. À mon avis, c’est une mauvaise interprétation que de voir dans cette situation l’acceptation d’être lié contractuellement en vertu de ce qui est prima facie un cadre législatif. Je crois que si le cadre législatif est inadéquat, insuffisant ou inefficace, alors on devrait mettre fin à cette discussion. L’assuré ne devrait pas être ainsi forcé de tomber de Charybde en Scylla. Pour plus d’information, veuillez contacter Thomas H. Ferguson à Calgary : [email protected] ou Brandon Kain à Calgary : [email protected] VANCOUVER P.O. Box 10424, Pacific Centre Suite 1300, 777 Dunsmuir Street Vancouver BC V7Y 1K2 Tel: 604-643-7100 Fax: 604-643-7900 CALGARY Suite 3300, 421 - 7th Avenue SW Calgary AB T2P 4K9 Tel: 403-260-3500 Fax: 403-260-3501 LONDON Suite 2000, One London Place 255 Queens Avenue London ON N6A 5R8 Tel: 519-660-3587 Fax: 519-660-3599 TORONTO Box 48, Suite 4700 Toronto Dominion Bank Tower Toronto ON M5K 1E6 Tel: 416-362-1812 Fax: 416-868-0673 OTTAWA The Chambers Suite 1400, 40 Elgin Street Ottawa ON K1P 5K6 Tel: 613-238-2000 Fax: 613-563-9386 MONTRÉAL Bureau 2500 1000, rue De La Gauchetière Ouest Montréal (Québec) H3B 0A2 Tel: 514-397-4100 Fax: 514-875-6246 QUÉBEC Le Complexe St-Amable 1150, rue de Claire-Fontaine, 7e étage Québec (Québec) G1R 5G4 Tel: 418-521-3000 Fax: 418-521-3099 UNITED KINGDOM & EUROPE 5 Old Bailey, 2nd Floor London, England EC4M 7BA Tel: +44 (0)20 7489 5700 Fax: +44 (0)20 7489 5777 Tous les efforts ont été déployés pour s'assurer de l'exactitude et de l'à-propos de la présente publication, mais les observations contenues aux présentes sont nécessairement de portée générale. 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