La pensée philosophique

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La pensée philosophique
CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
La manière philosophique de penser
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
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conférence N°1600-285
LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
Introduction à la pensée philosophique
conférence par Éric Lowen donnée le 20/10/2009
à la Maison de la philosophie à Toulouse
La philosophie, avant d’être des sujets, est une certaine démarche de la pensée, une
manière particulière de penser et de réfléchir. Il n’y a d’ailleurs pas vraiment de sujet
philosophique en soi, ce qui importe c’est le fait de penser philosophiquement les sujets.
Comme le disait Descartes dans son Discours de la méthode, l’important est d’abord de
bien conduire sa pensée, de penser à sa pensée. Cette conférence présentera les
principes généraux de la pensée philosophique, sa particularité par rapport aux autres
catégories de pensée de l’homme (pensée religieuse, pensée scientifique, pensée
artistique, etc.).
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-285 : “La pensée philosophique” - 03/10/2009 - page 2
LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
Introduction à la pensée philosophique
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
I
LA PHILOSOPHIE ET LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
1 - Une erreur courante en philosophie : confondre la philosophie avec des sujets de la philosophie
2 - Il n’existe pas de sujet philosophique, il n’y a que des sujets philosophisés
3 - La philosophie est dans la finalité sophique du raisonnement et la méthode rationaliste adoptée
4 - L’intention de cette conférence est donc en premier de rétablir cette distinction et
ensuite de présenter les spécificités de la pensée philosophique
II
LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
1 - La pensée philosophique, une partie de la prosophia
2 - La pensée philosophique est l’application de la démarche philosophique au domaine de la pensée
3 - La nécessité d’une construction qualifiée du raisonnement pour qu’il soit philosophique
4 - La finalité de suffit pas, l’intention est nécessaire mais pas suffisante
5 - La pensée philosophique implique donc une méthodologisation de la pensée
6 - L’insuffisance de la rationalité, elle n’est qu’un des paramètres de la pensée philosophique
7 - Une valorisation de la pensée et une attention particulière à l’élaboration de nos raisonnements
III
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
1 - La réhabilitation du sujet pensant : penser par soi-même, une libre pensée
2 - Une pensée consciente d’elle-même, être conscient de penser pour mieux penser
3 - La recherche de la vérité, que nos raisonnements soient vrais
4 - Une pensée active et pas seulement réactive, une pensée anticipatrice
5 - Une pensée examinatrice, enquêtrice, questionnante, interrogatrice
6 - Une pensée prudente, consciente des multiples difficultés pour réfléchir correctement
7 - Une pensée lente : penser correctement demande du temps, prendre le temps de penser
8 - Dépasser la pensée primaire spontanée : opinions, croyances, préjugés, prêt-à-penser
9 - Une pensée objectivisée, la recherche de l’objectivité
10 - Une pensée rationnelle et rationaliste, fondée sur les voies de la raison et la logique
11 - Une pensée critique, l’exigence de la pensée rigoureuse
12 - Une pensée de la complexité autant qu’une pensée complexe
13 - L’utilisation du doute
14 - La distanciation, la mise en perspective, une pensée perspectiviste
15 - Une pensée cultivant le sens de l’étonnement et de l’émerveillement, la sérendipité
16 - Une pensée de l'inachèvement, la recherche du perpétuel progrès de la réflexion
IV
L’UTILITÉ DE LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
1 - La pensée philosophique, une pensée au service de la philosophie et de la praxis philosophique
2 - Mieux penser le monde pour mieux vivre, pour vivre son existence de manière plus éclairée
3 - Une pensée rationnelle sans tomber dans la ratiocination
4 - Une pensée questionnante sans tomber dans la masturbation intellectuelle
5 - Une pensée argumentée sans tomber dans la sophistique
6 - La pensée philosophique est application de la prosophia : une philosophisation de la pensée
V
CONCLUSION
1 - La pensée philosophique, plus une éthique de la pensée qu’un formalisme méthodologique
2 - Mieux comprendre la pensée philosophique pour mieux philosopher
ORA ET LABORA
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Document 1 : La naissance de la conscience de la pensée philosophique, dès les origines de la pensée,
avec Parménide.
Mais si ces penseurs, ces savants ou ces sages que nous qualifions rétrospectivement
de «présocratiques» ont eu de grandes inspirations qui ont fécondé l'avenir, il faut
attendre Parménide pour que la philosophie ait un «père» présentable.
Parménide (540-450 av. J.-C.) est l'auteur d'un Poème fameux, qui présente encore tous
les caractères extérieurs de la littérature sapientiale. Et pourtant tout est changé parce
qu'il affirme qu'il y a de l'être (homogène, complet, suffisant - «sphérique»), et que cet
être se dit dans la pensée.
Le versant négatif de cette identité de l'être et du penser n'a pas moins d'importance : le
néant n'est pas, il ne peut être ni pensé ni dit. «Père» de l'être, Parménide est aussi celui
du néant : l'être est, le néant n'est pas.
Nous n'avons pas affaire ici à une doctrine philosophique parmi d'autres, mais à la
constitution du genre philosophique comme tel. L'objet philosophique, c'est l'être de ce
qui est. Philosopher, c'est dire l'être ; la vérité philosophique, c'est l'identité de l'être et du
discours. L'alternative radicale est celle du vrai et du faux, adossée à l'opposition de l'être
et du néant.
Le cheminement initiatique ne débouche plus directement dans un art de vivre, mais
dans le discours sur l'être de l'étant. Au lieu de lutter contre le désir qui étreint l'homme
(n'oublions pas que brahmanisme et bouddhisme sont à peu près contemporains), il faut
l'orienter vers la vérité, en rompant avec le monde du devenir mouvant, des apparences
changeantes et privées de sens, bref, tout ce qui captive la foule des insensés.
Dominique Folscheid
Les grandes philosophies, 2004
Ch.1 La Philosophie en quête de soi, I - Naissance de la philosophie
Document 2 : Le problème du dépassement de l’opinion, de la doxa, est une notion qui apparaît dès la
philosophique antique. Face à la multiplicité des opinions, il convient de trouver une norme objective : ce
sera le rôle de la raison et de la logique.
Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises les
hommes entre eux, la recherche de l'origine de ce conflit, la condamnation de la simple
opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l'opinion pour déterminer si on
a raison de la tenir, l'invention d'une norme, de même que nous avons inventé la balance
pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit de ce qui
est tordu.
Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste tout ce qui paraît tel à chacun ?
Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Par
conséquent, non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent à nous justes ? Pourquoi à
nous plutôt qu’aux Syriens, plutôt qu'aux Égyptiens ? Plutôt que celles qui paraissent
telles à moi ou à un tel ? Pas plus les unes que les autres. Donc l'opinion de chacun n'est
pas suffisante pour déterminer la vérité.
Nous ne nous contentons pas non plus quand il s'agit de poids ou de mesures de la
simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces différents cas. Et dans
le cas présent, n'y a-t-il donc aucune norme supérieure à l'opinion ? Et comment est-il
possible qu'il n'y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu'il y a pour les
hommes de plus nécessaire ?
- Il y a donc une norme.
Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l'avoir trouvée, pourquoi
ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous en écarter d'un pouce ?
Car voilà, à mon avis, ce qui, une fois trouvé, délivrera de leur folie les gens qui se
servent en tout d'une seule mesure, l'opinion, et nous permettra désormais, partant de
principes connus et clairement définis, de nous servir, pour juger des cas particuliers,
d'un système de prénotions.
Épictète (50?-130?)
Entretiens
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Document 3 : Dans l’histoire de la philosophie, la confrontation avec les maîtres de la parole, les
rhétoriciens ou sophistes, à obliger la philosophie à préciser son mode de penser : le primat sera à la vérité
et non l’efficacité du discours comme l’explique le texte suivant de Platon en exposant les thèses du
sophiste Gorgias.
SOCRATE. Eh bien, maintenant, Gorgias (1) à ton tour. La rhétorique est justement un
des arts qui accomplissent et achèvent leur tâche uniquement au moyen de discours,
n'est-il pas vrai ?
GORGIAS. C'est vrai.
SOCRATE. Dis-moi donc à présent sur quoi portent ces discours. Quelle est, entre toutes
les choses de ce monde, celle dont traitent ces discours propres à la rhétorique ?
GORGIAS. Ce sont les plus grandes de toutes les affaires humaines, Socrate, et les
meilleures.
SOCRATE. Mais, Gorgias, ce que tu dis là est sujet à discussion et n'offre encore aucune
précision. Tu as sans doute entendu chanter dans les banquets cette chanson qui, dans
l'énumération des biens, dit que le meilleur est la santé, que le second est la beauté et
que le troisième est, selon l'expression de l'auteur de la chanson, la richesse acquise
sans fraude.
GORGIAS. Je l'ai entendue en effet, mais où veux-tu en venir ?
SOCRATE. C'est que tu pourrais bien être assailli tout de suite par les artisans de ces
biens vantés par l'auteur de la chanson, le médecin, le pédotribe (2) et le financier, et que
le médecin le premier pourrait me dire : «Socrate, Gorgias te trompe. Ce n'est pas son art
qui a pour objet le plus grand bien de l'humanité, c'est le mien.» Et si je lui demandais:
«Qui es-tu, toi, pour parler de la sorte ?» il me répondrait sans doute qu'il est médecin. «Que prétends-tu donc ? Que le produit de ton art est le plus grand des biens ?» il me
répondrait sans doute : «Comment le contester, Socrate, puisque c'est la santé ? Y a-t-il
pour les hommes un bien plus grand que la santé ?»
Et si, après le médecin, le pédotribe à son tour me disait : «je serais, ma foi, bien surpris,
moi aussi, Socrate, que Gorgias pût te montrer de son art un bien plus grand que moi du
mien», je lui répondrais à lui aussi : «Qui es-tu aussi, l'ami, et quel est ton ouvrage ? - je
suis pédotribe, dirait-il, et mon ouvrage, c'est de rendre les hommes beaux et robustes de
corps.»
Après le pédotribe, ce serait, je pense, le financier qui me dirait, avec un souverain
mépris pour tous les autres : «Vois donc, Socrate, si tu peux découvrir un bien plus grand
que la richesse, soit chez Gorgias, soit chez tout autre. - Quoi donc ! lui dirions-nous. Estu, toi, fabricant de richesse ? - Oui. - En quelle qualité ? - En qualité de financier. - Et
alors, dirions-nous, tu juges, toi, que la richesse est pour les hommes le plus grand des
biens ? - Sans contredit, dirait-il. - Voici pourtant Gorgias, répondrions-nous, qui proteste
que son art produit un plus grand bien que le tien.» Il est clair qu'après cela il
demanderait : «Et quel est ce bien ? Que Gorgias s'explique.» Allons, Gorgias, figure-toi
qu'eux et moi, nous te posons cette question. Dis-nous quelle est cette chose que tu
prétends être pour les hommes le plus grand des biens et que tu te vantes de produire.
GORGIAS. C'est celle qui est réellement le bien suprême, Socrate, qui fait que les
hommes sont libres eux-mêmes et en même temps qu'ils commandent aux autres dans
leurs cités respectives.
SOCRATE. Que veux-tu donc dire par là ?
GORGIAS. Je veux dire le pouvoir de persuader par ses discours les juges au tribunal,
les sénateurs dans le Conseil, les citoyens dans l'assemblée du peuple et dans toute
autre réunion qui soit une réunion de citoyens. Avec ce pouvoir, tu feras ton esclave du
médecin, ton esclave du pédotribe et, quant au fameux financier, on reconnaîtra que ce
n'est pas pour lui qu'il amasse de l'argent, mais pour autrui, pour toi qui sais parler et
persuader les foules.
Platon, (Vers 420-340 av. J.-C.)
Gorgias
(1) Sophiste grec de grande notoriété ; auteur du traité Du non-être ou de la nature.
Il est le premier interlocuteur de Socrate dans le dialogue du même nom.
(2) Maître de gymnastique, il était aussi compétent sur l'hygiène du corps.
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