Lemme des poignées de mains, Cédrick Tombola

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Lemme des poignées de mains, Cédrick Tombola
Lemme des poignées de mains, Cédrick Tombola
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
One Pager
Janvier 2013
Vol. 5 – Num. 007
Copyright © Laréq 2013
http://www.lareq.com
Lemme des poignées de mains
Cédrick Tombola Muke
« L'extrême netteté, la clarté, et la certitude ne s'acquièrent qu'au prix d'un immense
sacrifice: la perte de la vue d'ensemble. »
Albert Einstein
Résumé
Ce papier propose une
preuve, par double dénombrement et par récurrence, du lemme des poignées
de mains.
Mots – clé : degré, arête (ou arc), lemme des poignées de mains.
Abstract
In this paper, we introduce the handshaking lemma. To prove this result, we have been used the
technique of double counting and inductive reasoning.
Introduction
Le lemme1 des poignées de mains est un résultat prouvé, en 1736, par le mathématicien suisse Paul L.
Euler dans son article fondateur de la théorie des graphes sur les sept ponts de la ville de Königsberg.
D’après ce résultat, tout graphe fini contient un nombre pair de nœuds de degré impair. Et depuis lors,
ce lemme est devenu une propriété très utile en théorie des graphes dans la mesure où son
appréhension facilite la compréhension, notamment, du lemme des régions d’un graphe planaire
topologique, mais également la formule d’Euler, concernant les graphes planaires, qui relie les nombres
de sommets, d’arêtes et de régions.
Vu son importance en théorie des graphes – qui, pour sa part, trouve de nombreuses applications en
économie à travers les situations que peut modéliser un graphe –, ce papier poursuit l’objectif de
présenter le lemme des poignées de mains (section 1) avant d’en proposer une démonstration,
successivement, par double dénombrement et par récurrence (section 2) et de nuancer sa généralisation
par la présentation de cas particuliers.
Pour présenter ce résultat, nous nous appuyons sur la terminologie de Tombola (2012a et 2012b) qui
jettent les bases permettant de découvrir la matière de la théorie des graphes et de démontrer
facilement certaines propriétés.
Présentation du lemme des poignées de main
Le lemme des poignées de mains, introduit et prouvé par Euler, est la preuve que la somme des degrés
des sommets d’un graphe fini non orienté (orienté) est égale à deux fois le nombre d’arêtes (arcs), i.e. :
1
En mathématique, un lemme est un résultat intermédiaire utilisé au cours de longs raisonnements que nécessite la
démonstration de certains théorèmes.
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L’idée qu’une arête ou un arc
est compté, exactement, deux fois dans la somme des degrés de
n sommets d’un graphe, i.e. une fois dans
et une fois dans
, est un début de preuve intuitive du
lemme. Et si on nomme sommets impairs, les sommets de degré impair, le lemme des poignées de main
peut également s’énoncer comme suit : tout graphe fini possède un nombre pair de sommets impairs.
Cette formulation est souvent considérée non pas comme le lemme des poignées de mains mais comme
sa conséquence immédiate.
En termes profanes et en considérant ce dernier énoncé, le lemme prouve le constat selon lequel dans
une réunion d’un groupe d’individus dont certains se font une poignée de mains, un nombre pair
d’individus devra serrer un nombre impair de fois la main d’autres individus. D’où le nom du lemme des
poignées de main.
Quant à ses applications, ce lemme est, en effet, d’une grande importance en théorie des graphes parce
qu’il est utilisé comme ingrédient, notamment, dans la preuve du lemme de Sperner1 qui, par ailleurs,
est un input ou mieux un analogue combinatoire du théorème du point fixe de Brouwer – dont la
démonstration fera l’objet d’une publication ultérieure. Mais il est aussi utilisé ou plutôt rend aisée,
comme mentionné en introduction, l’appréhension du lemme des régions et la formule d’Euler concernant
les graphes planaires.
Démonstration du lemme des poignées de mains
Nous démontrons le lemme de deux façons : par double dénombrement et par récurrence. Remarquons
que la preuve par double dénombrement sert à démontrer, comme son nom l’indique, que deux
expressions sont égales, en apportant la preuve qu’il y a deux façons de compter le nombre d’éléments
d’un même ensemble. Le raisonnement par récurrence, quant à lui, consiste à démontrer que si une
propriété est vraie pour un certain entier naturel, alors elle l’est aussi pour son successeur et elle est
vraie donc en général.
Preuve par double dénombrement
En effet, il y a deux façons de compter le nombre d’extrémités des arêtes (arcs) d’un graphe :

chaque arête (arc) ayant deux extrémités, c’est le double du nombre d’arêtes (arcs), soit :

Le degré d’un sommet étant le nombre d’arêtes (arcs) qui lui sont adjacentes, c’est aussi la
somme arithmétique des degrés de chaque sommet, soit :
1
Lemme dû au mathématicien allemand Emmanuel Sperner (1905 – 1980).
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En égalisant les expressions (2) et (3), on obtient :
Pour avoir l’intuition de ce résultat, considérons le digraphe ci – après, donné par sa matrice laplacienne,
sachant que cette matrice renseigne, précisément, sur le nombre d’extrémités des arêtes (arcs), soit le
double du nombre d’arêtes (arcs) – il suffit de compter le nombre de liens existant entre nœuds (– 1) –
et, en diagonale principale, sur le degré de chaque sommet, on peut en retirer les informations
suivantes :

=12 (ce qui implique que m = 6) et

Le lemme est donc vérifié sur cet exemple.
Considérons à présent la conséquence du lemme des poignées de mains d’après lequel tout graphe fini
possède un nombre pair de sommets impairs. Or, connaissant la relation (1) et en omettant les indices
pour simplifier, nous pouvons écrire :
soit :
On sait, en plus, que
terme de
et
sont pairs, leur différence
est impair. Donc pour que cette différence (
l’est aussi forcément. Or, chaque
) soit paire, elle doit, nécessairement,
contenir un nombre pair de termes. Par conséquent, il y a un nombre pair des nœuds impairs. Ce qui
conforte la preuve du lemme des poignées de mains.
Preuve par récurrence
Considérons le cas de base d’un graphe 1 – régulier, i.e. un graphe avec deux nœuds reliés par une
arête, soit n=2 et m=1. Le graphe étant 1 – régulier, le lemme des poignées de mains est naturellement
vérifié.
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Démontrons à présent que le résultat reste vrai pour un nombre d’arêtes égal à m + 1.
Pour avoir un graphe G’ ayant m + 1 arêtes, ajoutons l’arc (xk, xl) au graphe G, on peut dès lors établir
que :
La somme des degrés des sommets du graphe G’ donne :
et connaissant le lemme des poignées de main tel que l’établit la relation (1), il vient :
Cas particuliers
Graphe régulier
En vertu du lemme des poignées de mains, on réussit à établir, pour les graphes réguliers, une relation
entre le nombre d’arêtes, le nombre de sommets et le degré unique de tous les sommets du graphe.
Pour s’en convaincre, assumons un graphe q – régulier, le lemme des poignées de main s’écrit :
q étant un scalaire et en exploitant une des propriétés de l’opérateur sigma, il vient :
On a ainsi établit que tout graphe régulier de degré q et ayant n sommets, possède
arêtes.
Notons pour conclure que le lemme des poignées de main reste valable pour les digraphes avec boucle,
en convenant qu’une boucle est comptée deux fois dans le calcul du degré d’un sommet. Signalons
également que ce lemme n’est pas applicable aux graphes infinis, même lorsque ceux – ci ont un nombre
dénombrable de sommets impairs.
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Bibliographie

AMEEUW Fanchon et All., 2010, 7 défis pour découvrir la théorie des graphes, Institut Saint –
Laurent, 47p.
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BERGE Claude, 1970, Graphes et hypergraphes, Dunod, Paris, 502p.

FAURE Robert, 1999, Précis de recherche opérationnelle, Dunod, Liège, 466p.

MÜLLER
Didier,
2008,
"Introduction
à
la
théorie
des
graphes",
www.apprendre-en-
ligne.net/graphes, 46p.

PELLE Stéphane, 2005, Géomatique : La théorie des graphes, cours ingénieur 1ère année, Ecole
nationale des sciences géographiques, Marne, 79p.

TOMBOLA Cédrick, 2012a, “Recherche Opérationnelle. Résumé du cours et recueil d’exercices”,
Guide Laréq pour étudiant, (mars 2012), 70p.

TOMBOLA Cédrick, 2012b, « Construction de la matrice d’incidence et de la matrice laplacienne :
Comment représenter intelligemment un graphe », One Pager Laréq, vol. 4, num. 005, (novembre
2012), 30 – 34.
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