Sleepy Hollow
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Sleepy Hollow
■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ Sleepy Hollow Un film de Tim BURTON LYCÉENS AU CINÉMA ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ Sommaire 2 GÉNÉRIQUE / SYNOPSIS 3 ÉDITORIAL 4 RÉALISATEUR / FILMOGRAPHIE 6 PERSONNAGES ET ACTEURS PRINCIPAUX 8 DÉCOUPAGE ET ANALYSE DU RÉCIT L’intrigue résumée, planifiée et commentée, étape par étape. 10 QUESTIONS DE MÉTHODE Les moyens artistiques et économiques mis en œuvre pour la réalisation du film, le travail du metteur en scène avec les comédiens et les techniciens, les partis pris et les ambitions de sa démarche. 11 16 Les outils de la grammaire cinématographique choisis par le réalisateur et l’usage spécifique qu’il en a fait. 18 UNE LECTURE DU FILM L’auteur du dossier donne un point de vue personnel sur le film étudié ou en commente un aspect essentiel à ses yeux. 19 EXPLORATIONS Les questions que soulève le propos du film, les perspectives qui s’en dégagent. 20 LYCÉENS AU CINÉMA Avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Centre national de la cinématographie, Direction régionale des affaires culturelles) et des Régions participantes. DANS LA PRESSE, DANS LES SALLES L’accueil public et critique du film. 21 L’AFFICHE 22 AUTOUR DU FILM MISES EN SCÈNE Un choix de scènes ou de plans mettant en valeur les procédés de mise en scène les plus importants, les marques les plus distinctives du style du réalisateur. LE LANGAGE DU FILM Le film replacé dans un contexte historique, artistique, ou dans un genre cinématographique. 23 BIBLIOGRAPHIE et le concours des salles de cinéma participant à l’opération 2 ■ Auteur du dossier Sébastien Clerget ■ GÉNÉRIQUE ■ SYNOPSIS États-Unis, 1999 1799. Le jeune inspecteur de police new-yorkais Ichabod Crane est envoyé dans le village isolé de Sleepy Hollow pour enquêter sur une série de meurtres dont les victimes ont eu la tête tranchée. Il y rencontre des notables persuadés d’être les proies du cavalier sans tête, le fantôme d’un mercenaire allemand, mort décapité par ses ennemis vingt ans plus tôt. Convaincu que le meurtrier n’est pas une créature de folklore, mais un être de chair et de sang, Ichabod voit ses certitudes ébranlées lorsqu’il découvre que le fantôme existe bel et bien. Témoin d’une nouvelle décapitation, il traverse une crise aggravée par le souvenir des circonstances de la mort de sa mère. Aidé dans son enquête par un jeune orphelin et par Katrina, la fille du fortuné Baltus Van Tassel, Ichabod découvre la tombe du cavalier, un arbre biscornu perdu au fond des bois. Il devine l’existence d’un complot, lié à l’héritage de la première victime du cavalier, Peter Van Garrett, un proche de Baltus Van Tassel, qui devient son principal suspect. Il comprend aussi que le cavalier n’est que l’instrument de cette machination. Mais, après le meurtre de Baltus, ses soupçons se reportent sur Katrina, dont il est pourtant amoureux. Effondré, il décide de regagner New York prématurément, mais un indice lui prouve l’innocence de la jeune femme, et il revient in extremis : Katrina est enlevée par sa belle-mère, Lady Van Tassel, la véritable coupable, dont le mobile est la vengeance, et qui a fait revenir le cavalier d’entre les morts. Katrina doit être sa dernière victime, mais après une folle poursuite, Ichabod parvient à la sauver en délivrant le cavalier de sa malédiction. Celui-ci s’empare alors de sa complice et regagne les Enfers dont il est issu. Ichabod repart à New York avec Katrina. Réalisation Tim Burton Scénario Andrew Kevin Walker, sur une idée de Kevin Yagher et Andrew Kevin Walker, d’après The Legend of Sleepy Hollow de Washington Irving Photographie Emmanuel Lubezki Son Tony Dawe Montage Chris Lebenzon Directeur artistique Les Tomkins Décors Rick Heinrichs Costumes Colleen Atwood Musique Danny Elfman Supervision des effets spéciaux Joss Williams Effets spéciaux de maquillage (têtes et personnages humains) Kevin Yagher Producteurs Scott Rudin, Adam Schroeder Producteurs exécutifs Francis Ford Coppola, Larry Franco Interprétation Ichabod Crane Johnny Depp, Katrina Van Tassel Christina Ricci, Lady Van Tassel/la sorcière Miranda Richardson, le cavalier Hessois Christopher Walken, Brom Van Brunt Casper Van Dien, le révérend Steenwyck Jeffrey Jones, Baltus Van Tassel Michael Gambon, le notaire Hardenbrook Michael Gough, le juge Phillipse Richard Griffiths, le docteur Lancaster Ian McDiarmid, Lady Crane Lisa Marie, Lord Crane Peter Guinness le jeune Masbath Mark Pickering, le président du tribunal Christopher Lee, et (non crédité au générique) Peter Van Garrett Martin Landau Production Mandalay Pictures/Scott Rudin/American Zoetrope Distribution Pathé Format 1,85 Film 35 mm, couleur Durée 105 minutes Date de sortie à Paris 9 février 2000 Interdit aux moins de 12 ans Les dossiers pédagogiques et les fiches-élèves de l'opération lycéens au cinéma ont été édités par la Bibliothèque du film (BIFI) avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Centre national de la cinématographie). Rédactrice en chef Anne Lété Dossier Sleepy Hollow © BIFI • Date de publication : octobre 2002 • Maquette Public Image Factory Iconographie Photogrammes Pathé Distribution (moyens techniques Pathé et laboratoire LPH) Portrait de Tim Burton Sam Emerson/D.R. Illustration de couverture Pathé Distribution Affiche Pathé Distribution Photo de tournage : Questions de méthode Pathé Distribution Correction Lucette Treuthard • L'auteur tient à remercier Guy et Bénédicte Astic, Nicole Brenez, Hélène Garrigues, Gilles Grandinetti, David Matarasso, Stéphane du Mesnildot, Chrystophe Pasquet et l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence. Bibliothèque du film (BIFI) 100, rue du Faubourg Saint-Antoine - 75012 PARIS Tél. : 01 53 02 22 30 - Fax : 01 53 02 22 49 Site Internet : www.bifi.fr 3 ■ ÉDITORIAL Plaisir de l’horreur Adaptation d’une célèbre nouvelle de l’écrivain américain Washington Irving et vieux projet hollywoodien – l’idée était déjà dans les cartons du réalisateur Albert Lewin dans les années quarante –, Sleepy Hollow s’adresse directement aux adultes nostalgiques de leur enfance. Dès ses premiers films, le réalisateur avait, en effet, exploité l’univers fictionnel de l’enfance pour l’entretenir ensuite avec, entre autres, l’adaptation d’une bande dessinée jouant délibérément sur la nostalgie des Comics (Batman) ou bien le conte merveilleux pour adultes (Edward aux mains d’argent). Sleepy Hollow est un appel à cette délectation innocente pour le morbide dont font preuve les enfants qui aiment par-dessus tout se faire peur, et à ce sentiment nostalgique d’adultes qui retrouvent le plaisir de l’horreur à travers une vraie fiction digne des classiques de la littérature fantastique (Frankenstein, Dr Jekyll et M. Hyde, etc.). L’interprétation pleine d’ironie et presque grand-guignolesque de Johnny Depp est révélatrice de cette fascination distanciée du réalisateur et de son acteur (fétiche) principal. Si Burton est depuis le début de sa carrière lié à Disney (dont les productions s’adressent aussi aux enfants, mais en versions « policées »), Sleepy Hollow est donc loin d’être destiné aux jeunes. Enfin, cette nostalgie pour le monde de l’enfance est présente dans l’esthétique du film qui rend explicitement hommage à un genre perdu, celui des films d’horreur « gothiques » des années cinquante et soixante. La Bibliothèque du film 4 ■ LE RÉALISATEUR Tim Burton ou le paradoxe hollywoodien Filmographie 1982 1984 1985 Cinéaste très attaché au monde de l’enfance, Burton travaille, dans des rapports parfois conflictuels avec les studios, à l’élaboration d’un univers autonome et fantastique, marqué par de nombreuses influences. Vincent (c.m.) Hansel and Gretel (c.m.) > De Vincent à Frankenweenie Frankenweenie (c.m.) Né le 25 août 1958 à Burbank (banlieue de Los Angeles), où il grandit, Tim Burton fait ses débuts dans le cinéma comme animateur chez Walt Disney, après des études au Californian Institute of the Arts (Cal Arts), une école fondée par Disney, où ses dons pour le dessin lui avaient permis d’entrer. Après une période difficile, l’ennui distillé par les méthodes du studio le pousse à ne pas se contenter de travailler sur des productions telles que Rox et Rouky (1981). Il réalise alors son premier court métrage d’animation, Vincent (1982), un hommage en noir et blanc à Vincent Price, un acteur célèbre pour ses rôles dans les adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman dans les années soixante, et auquel Burton voue une grande admiration depuis son plus jeune âge. À cette occasion, Burton rencontre son idole pour lui confier la narration du film. Il retrouvera Vincent Price en 1990 pour Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands), puis lui rendra un dernier hommage sous la forme d’un documentaire tourné la même année, avant la mort de l’acteur en 1993. On trouve déjà dans Vincent tout l’univers, à la fois enchanté et macabre, du futur réalisateur de Sleepy Hollow. La voix (off) de Vincent Price s’y livre, en citant abondamment l’œuvre de Poe, à une description poétique des aventures tragi-comiques du petit Vincent, enfant tourmenté, assailli de visions, vivant à la frontière de deux mondes. Alors que Disney tergiverse à distribuer le film, jugé trop insolite (mais qui sera programmé dix ans plus tard en première partie de L’Étrange Noël de Mr Jack – Tim Burton’s The Nightmare before Christmas, 1993), Burton réalise la même année une adaptation de Hansel and Gretel puis un second court métrage en noir et blanc, mais en images réelles cette fois, Frankenweenie, un hommage parodique à Frankenstein, où un petit garçon (encore) ressuscite son Aladdin and his Wonderful Lamp (c.m.) Pee Wee’s Big Adventure The Jar (c.m.) 1988 Beetlejuice 1989 Batman 1990 Edward Scissorhands (Edward aux mains d’argent) Conversations with Vincent (doc.) 1992 Batman Returns (Batman, le défi) 1993 Tim Burton’s The Nightmare before Christmas (L’Étrange Noël de Mr Jack) Production, conception des personnages et histoire originale 1994 Ed Wood 1996 Mars Attacks! 1999 Sleepy Hollow 2001 Planet of the Apes (La Planète des singes) 1 Pour Parental Guidance (surveillance parentale recommandée). chien écrasé par une voiture, selon les méthodes du « Prométhée moderne » inventé par Mary Shelley. Frankenstein, dont la version réalisée par James Whale en 1931 reste une œuvre référence pour Burton, sera par la suite souvent cité par le cinéaste, par exemple à travers le personnage de Vincent Price dans Edward Scissorhands, ou la scène du moulin de Sleepy Hollow. > Disney et les studios Disney refusant de distribuer Frankenweenie à son tour, à cause d’un classement PG1, Burton abandonne le studio et réalise son premier long métrage pour la Warner, Pee Wee’s Big Adventure (1985). Le cinéaste ne quittera plus vraiment le système hollywoodien, où le triomphe commercial de Batman en 1989 (qui en fera, à l’égal de Spielberg, un « wonder boy ») lui permettra de bénéficier d’une marge de manœuvre assez rare dans le cadre rigide des infrastructures de l’industrie. Pourtant, les producteurs resteront méfiants vis-à-vis de cet artiste un peu fantasque dont les films sortent de la norme, et dont les (anti)héros sont des marginaux, des êtres décalés et « différents ». Un peu à leur image, Burton, qui continue à se sentir étranger au système tout en y demeurant, n’en est pas à un paradoxe près. Il reviendra, par exemple, chez Disney à deux reprises, via sa filière Touchstone Pictures : pour L’Étrange Noël de Mr Jack d’abord, un projet qui remonte à l’époque de ses débuts – mais Burton, trop occupé par le tournage de Batman returns, en déléguera la réalisation à Henry Selick, rencontré au département animation chez Disney ; pour Ed Wood (1994) ensuite, une biographie du « plus mauvais réalisateur du monde », l’échec au box-office le plus sévère de Burton à ce jour. Coïncidence ou non, ces deux films peuvent être considérés, avec Edward aux mains d’argent, 5 comme les plus personnels de leur auteur – le nom de Tim Burton étant même intégré au titre anglais de The Nightmare... à la demande du studio, mais dans des perspectives plus commerciales qu’artistiques. > Les matrices > The Nightmare before Christmas, Ed Wood et l’enfance The Nightmare before Christmas, film d’animation musical, est un véritable « concentré » de l’univers du cinéaste, où l’on croise fantômes et monstres en tous genres, citrouilles d’Halloween, cimetières, architectures expressionnistes et gothiques, etc. Autant de motifs qui rendent un film de Burton immédiatement identifiable, plus par son aspect visuel que pour une question de style proprement dit. Danny Elfman, collaborateur fidèle et alors auteur de toutes les partitions musicales des films de Burton depuis Pee Wee, achève de faire de The Nightmare... un objet typiquement burtonien. Ici, Jack Skellington, le roi filiforme du monde d’Halloween, accède au monde de Noël par une porte placée dans un arbre – ce que Burton n’oubliera pas en faisant dire à Ichabod Crane/Johnny Depp dans Sleepy Hollow que l’arbre des morts « est un passage entre deux mondes ». Quant à Ed Wood, c’est le premier film que Burton tourne en noir et blanc depuis Frankenweenie. On ne peut s’empêcher de penser que le sujet touchait directement Burton, même si sa situation à Hollywood le place à un extrême, dont Ed Wood, avec ses budgets dérisoires, aurait pu occuper le pôle inverse. Malgré son échec, le film eut néanmoins un effet surprenant, puisqu’il a sorti Ed Wood, cinéaste déjà culte auprès de certains cinéphiles, des limbes où il avait sombré bien avant sa mort, survenue dans l’indifférence générale en 1978. Cela souligne un autre paradoxe : si Burton est l’héritier de l’esthétique des films à petits budgets qui ont nourri son enfance (ou tout du moins de leur imagerie), il en réalise des versions luxueuses, avec les moyens importants dont il dispose. C’est aussi pour Burton une façon d’exprimer sa mélancolie envers un monde disparu qui, originairement, n’est autre que le monde de l’enfance, auquel il ne cesse de retourner, dont il adopte le point de vue jusqu’à l’obsession et qui agit par-là même comme un philtre : un philtre de jouvence, mais aussi un écran, un filtre par lequel les images sont passées et retournées. D’où également ce goût immodéré pour des formes tombées en désuétude qui conduira Burton à s’inspirer, pour Sleepy Hollow, son huitième long métrage, des films d’horreur anglais produits par la Hammer dans les années 50-60 (voir rubrique Autour du film). Et tout ramenant décidément Burton à Walt Disney, Sleepy Hollow s’inscrit aussi dans une « lignée » de remakes indirects, puisque le récit de Washington Irving, The Legend of Sleepy Hollow, avait déjà été adapté à plusieurs reprises, notamment par Disney en 1949, avec un court métrage animé : The Adventures of Ichabod and Mr Toad. Burton travaille toujours à partir d’un matériau préexistant, pas seulement cinématographique, mais fréquemment issu des formes populaires : ses films sont des adaptations de comic-books (Batman), de contes (Sleepy Hollow), des remakes (La Planète des singes), des biographies (Ed Wood) ou s’inspirent de jeux de cartes de collection (Mars Attacks!, également une parodie de La Guerre des mondes). Ses fictions trouvent aussi leur origine dans les contes de fées (Edward Scissorhands) ou encore dans les comédies hollywoodiennes des années cinquante (Beetlejuice). Mais, à la différence d’un Brian De Palma ou d’autres auteurs américains de la génération précédente, Burton ne peut être qualifié de cinéaste « maniériste ». Moins intéressé par le recyclage des formes cinématographiques en elles-mêmes que par celui d’une iconographie, Burton ne cesse de raccorder ses films entre eux, procédant par greffes (un motif qui revient fréquemment dans son œuvre), collages et assemblages. À ce titre, on remarquera à nouveau au sujet de l’arbre des morts de Sleepy Hollow qu’il était déjà présent à l’orée de l’œuvre burtonienne, dans le tout premier plan du générique de Vincent. Burton semble ainsi « boucler une boucle », sa carrière paraissant, depuis Sleepy Hollow, prendre une tournure des plus étranges. Après le remake, catastrophique il faut bien l’avouer, de La Planète des singes, Burton travaille sur Big Fish, un projet abandonné par Steven Spielberg, présenté comme une « comédie dramatique ». 6 ■ PERSONNAGES ET ACTEURS PRINCIPAUX Les créatures de Tim Burton L’imaginaire de Tim Burton s’approprie les acteurs pour en faire les créatures d’un univers qui obéit à ses propres lois (sur)naturelles. Il n’est pas trop fort de dire que Tim Burton « tire les ficelles » : ses personnages sont parfois proches des marionnettes auxquelles il donnait vie au début de sa carrière, dans son premier film d’animation. Ses interprètes ne sont pas des pantins pour autant, les rôles que leur propose Burton leur permettant, au contraire, d’expérimenter les grandes métamorphoses dont les rêves (d’acteurs) sont faits. CHRISTOPHER WALKEN/LE CAVALIER HESSOIS JOHNNY DEPP/ICHABOD CRANE Johnny Depp, né le 9 juin 1963 dans le Kentucky, a été révélé par la série télévisée 21 Jump Street. Après quelques rôles mineurs au cinéma (dans Les Griffes de la nuit de Wes Craven, premier épisode des célèbres aventures du croquemitaine Freddy Krueger, en 1984, ou dans Platoon d’Oliver Stone, en 1987), il devient une star du grand écran avec Cry Baby (John Waters, 1990), qui parodie déjà son image de jeune rebelle du cinéma américain, image qui s’affirmera dans le choix de ses films, en priorité ceux de cinéastes revendiquant leur indépendance – Jim Jarmusch, Emir Kusturica, Terry Gilliam... La même année, Tim Burton le dirige une première fois dans Edward Scissorhands (dans le rôle d’un Pinocchio gothique) et l’intègre ainsi d’emblée à son univers. Une rencontre a eu lieu, et le charme opère. Burton retrouvera Johnny Depp pour Ed Wood, puis pour Sleepy Hollow, sans jamais l’employer dans le même registre, attestant de l’attrait exercé par l’acteur sur l’imagination du cinéaste. Chez Burton, Depp devient en effet une créature changeante, un être aux multiples facettes. Dans le rôle d’Ichabod Crane, Depp est physiquement aux antipodes du personnage disgracieux décrit par Washington Irving dans son récit (« Il était grand, mais excessivement maigre et étroit d’épaules (...) Sa tête était petite et aplatie sur le dessus, affublée d’une paire d’oreilles démesurées et de grands yeux verts vitreux surmontant un long nez de bécasse...1 ») et semble moins extravagant que dans ses précédents rôles burtoniens, même s’il n’hésite pas à faire quelques écarts burlesques. Comme si, dans cet univers fantastique, l’acteur devenait soudain le garant de la raison, du raisonnable, après avoir incarné un automate doté d’une âme (Edward) puis un artiste exalté, voire illuminé (Ed Wood). Des caractéristiques dont on peut cependant toujours déceler la trace chez Ichabod, un homme à la fois fort et fragile, hanté par la mort de sa mère, dont l’esprit tend vers la raison, mais que ses sentiments ramènent perpétuellement à la magie. Comme souvent chez Tim Burton, le personnage a besoin, pour exister, d’accessoires qui sont autant de prolongements de son propre corps : une caméra pour Ed Wood, des ciseaux en guise de mains pour Edward ; Ichabod, comme pour s’inventer luimême, utilise des outils d’investigation dont il est le concepteur. Christopher Walken, né en 1943 dans le Queens, un quartier de New York, a grandi dans le monde du show-business. Danseur de formation, il est monté très jeune sur les planches du musichall, puis du théâtre. Révélé tardivement au cinéma par une courte et singulière apparition dans Annie Hall (Woody Allen, 1977), il obtient l’année suivante l’Oscar du meilleur second rôle dans Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, où il interprète aux côtés de Robert De Niro le personnage de Nick, que la guerre du Vietnam transforme en « champion » de la roulette russe. Acteur très utilisé pour son « inquiétante étrangeté » (une étrangeté qui ne pouvait que séduire un auteur tel que Tim Burton), d’abord voué aux rôles de névrosés, il devient dans les années quatre-vingt dix l’acteur-fétiche d’Abel Ferrara (King of New York en 1990, puis trois autres films), chez qui il livre ses interprétations les plus magistrales. Invention gestuelle, intensité du regard, élégance féline des mouvements, magnétisme : telles sont les caractéristiques principales d’un subtil « technicien » du jeu. S’il n’a pas la popularité de certains acteurs de sa génération, comme Robert De Niro ou Al Pacino, Christopher Walken demeure, malgré tout, un acteur de premier plan. On l’avait déjà vu chez Tim Burton dans Batman Returns (1992), dans le rôle de Max Shreck, un impitoyable magnat de la finance. Le rôle du cavalier Hessois, un mercenaire allemand sanguinaire à la solde des Anglais, enrôlé pour combattre les Américains pendant la Guerre d’indépendance, pouvait a priori sembler ingrat pour un acteur aussi reconnu, puisque le personnage est muet d’une part, et que d’autre part il n’apparaît « intégralement » que dans deux scènes2. Deux apparitions néanmoins suffisamment « sur-expressives » pour rendre cette figure inoubliable, grâce à son interprète, bien sûr, mais aussi au remarquable travail de maquillage, particulièrement effrayant, effectué par Kevin Yagher – lentilles bleues pour les yeux, dents 1 Washington Irving, La Légende du Val Dormant in Trois récits fantastiques américains, Librairie José Corti, collection « Romantique » n° 60, 1996, p. 178. Johnny Depp avait d’abord envisagé, à l’aide d’un maquillage élaboré, de restituer l’apparence du personnage de Washington Irving, mais Tim Burton l’en a dissuadé. 2 On pourrait y ajouter une troisième apparition, très brève, lorsque Lady Van Tassel, à la fin, évoque sa rencontre avec le cavalier, alors qu’enfant, elle était allée chercher du bois avec sa sœur dans la forêt, événement déjà raconté par Baltus Van Tassel dans le flash-back (nous découvrons alors l’identité de ces mystérieuses fillettes). Mais Tim Burton reprend les mêmes plans, ne tenant pas compte du changement de point de vue impliqué par ce nouveau narrateur. 7 CHRISTINA RICCI/KATRINA VAN TASSEL taillées en pointe. Le cavalier hurle, il ne parle pas. Le travail de Walken est donc exclusivement gestuel et mimique : tout, dans son apparence, exprime la cruauté et la soif du sang. Une soif qu’il saura étancher dans l’un des moments les plus forts du film – et le plus inattendu. En contrepoint de sa brutalité, le cavalier est tout de même capable d’une certaine délicatesse (lorsque traqué, il supplie, un doigt posé sur la bouche, deux petites filles de ne pas faire de bruit), voire de tendresse (envers son noir destrier, dont il est indissociable). Mi-ogre, mi-loup, le cavalier Hessois vient admirablement compléter le délirant bestiaire de Tim Burton. Anecdote amusante : dans Dead Zone (David Cronenberg, 1983), Walken, qui tenait le rôle d’un enseignant, donnait The Legend of Sleepy Hollow en lecture à sa classe, ignorant qu’il allait, seize ans plus tard, interpréter le rôle du « démon sans tête » qu’il évoquait alors devant ses élèves. Christina Ricci, que Tim Burton aime décrire comme « la fille de Peter Lorre et de Bette Davis », est née en 1980. Dans la grande tradition américaine des enfants-stars (de Dean Stockwell, le garçon aux cheveux verts, à Drew Barrymore, la petite sœur de l’ami d’E.T.), cette jeune actrice est apparue très tôt au cinéma, notamment dans le rôle de Wednesday, la cadette de La Famille Addams (Barry Sonnenfeld, 1992, puis 1993 – Les Valeurs de la Famille Addams). Parmi les principaux rôles de son encore courte, mais riche filmographie, il faut retenir l’émouvante danseuse du film de Vincent Gallo, Buffalo’66 (1997), qui la voit quitter définitivement l’enfance et les rôles de petite fille, pour l’adolescence. C’est chez Tim Burton qu’elle opère une nouvelle transformation, pour devenir une jeune femme dans Sleepy Hollow. Malgré une personnalité assez énigmatique, Katrina est plus proche de Kim, la « petite fiancée » d’Edward aux mains d’argent, que des grandes héroïnes couturées et rapiécées de Tim Burton – Catwoman, ou Sally dans The Nightmare before Christmas. Ici, lors de la première rencontre d’Ichabod et de Katrina, c’est « les yeux fermés » qu’elle se dirige vers Johnny Depp, dont elle avait déjà croisé la route (une route psychédélique) dans Las Vegas Parano de Terry Gilliam (1998). MIRANDA RICHARDSON/LADY VAN TASSEL/ LA SORCIÈRE Actrice anglaise née en 1958, Miranda Richardson a été révélée par Mike Newell avec Dance with a Stranger (1985), où elle interprétait déjà une meurtrière. Dans Sleepy Hollow, c’est un double rôle qui lui échoit : celui de Lady Van Tassel, la belle-mère de Katrina, et de sa sœur, la sorcière qui vit en solitaire dans les bois du Ponant. Personnage de l’ombre, Lady Van Tassel aurait aussi pu devenir un grand personnage tragique, or ce n’est qu’un être mû par la vengeance et la cupidité, dont les motivations ne seront jamais questionnées. Prenant d’une certaine façon le relais de Tim Burton, c’est elle qui « tire les ficelles », convoquant le cavalier pour exécuter ses basses œuvres, ou manipulant les notables de Sleepy Hollow pour les tenir à sa merci. Lors de la première apparition de la sorcière, le visage de l’actrice reste dissimulé sous un voile. Ce n’est que dans sa dernière apparition qu’elle se montre « derrière » son personnage : il est aussitôt décapité par son double, sa sœur maléfique. 8 ■ DÉCOUPAGE ET ANALYSE DU RÉCIT Enquêtes symétriques « J’aime regarder les histoires selon plusieurs points de vue. Ici, celui de Crane, de l’enfant, de la jeune femme et du Cavalier sans tête se croisent. C’est important, car la trame de départ est très mince. Tout l’intérêt est de voir le récit prendre de l’ampleur, rétrécir, changer de ton, selon que tel ou tel personnage le prend en charge. » TIM BURTON 1 dans le même lieu présente l’avantage d’une seule scène d’exposition, au lieu de plusieurs. De plus, l’idée de conspiration est déjà présente : lorsque Ichabod entre dans le bureau de Baltus Van Tassel, c’est bien à un groupe de conspirateurs qu’il semble déjà confronté. Le flash-back de l’histoire du cavalier Hessois semble intervenir très tôt, mais ce que le film perd en mystère, il le gagne en effroi : nous pouvons déjà mettre un visage sur le corps de l’assassin, qui apparaît pour la première fois. > PROLOGUE (5’) Après les premiers cartons du générique : un testament, celui de Peter Van Garrett, est glissé dans une enveloppe cachetée. Puis une diligence est lancée à toute allure sur les routes de campagne, de nuit. Son occupant, alerté par des bruits suspects, se rend compte que le cocher a été décapité et saute du véhicule en marche. Il s’enfuit dans un champ de maïs, mais sa tête est à son tour fauchée par son poursuivant. À New York, l’inspecteur Ichabod Crane vient de découvrir un corps dans l’Hudson, dont il ne sera pas autorisé à faire l’autopsie. Au tribunal, un juge lui confie une mission : aller à Sleepy Hollow, un village de colons hollandais, où trois personnes viennent d’être assassinées, afin d’y démasquer le meurtrier. ANALYSE Cette séquence pré-générique est divisée en deux parties. Nous assistons d’abord, sans encore le savoir, aux premiers meurtres perpétrés à Sleepy Hollow (ceux de Van Garrett et de son fils – le cocher), sans pouvoir en identifier l’auteur, confiné dans le hors-champ. La deuxième partie introduit le personnage d’Ichabod Crane dans ses fonctions. Deux scènes nocturnes, qui placent littéralement le film sous le signe de la mort : à un double meurtre succède la découverte d’un cadavre. Une passerelle est d’ores et déjà jetée entre Sleepy Hollow et Ichabod Crane. > L’ARRIVÉE À SLEEPY HOLLOW (10’) Suite (et fin) du générique sur le trajet d’Ichabod, puis son arrivée à Sleepy Hollow. Il se rend chez les Van Tassel, et tombe au beau milieu d’une fête. Là, il rencontre Katrina, la 1 « Visages de la peur », Cahiers du cinéma n° 543, p. 30. fille de son hôte, puis les notables du village. Baltus Van Tassel lui raconte l’histoire du cavalier Hessois, dont le fantôme serait le meurtrier : « un mercenaire de Hesse envoyé par une princesse allemande pour garder les Américains sous le joug des Anglais (...) il vint par amour du carnage. » Fermement convaincu de la culpabilité d’un être « de chair et de sang », Ichabod refuse cette idée. Pendant la nuit, un autre homme, Jonathan Masbath, est assassiné – la quatrième victime. ANALYSE Ichabod rencontre presque tous les habitants de Sleepy Hollow à l’occasion de la fête donnée chez les Van Tassel, à commencer par Katrina. Réunir tous les personnages principaux > L’ENQUÊTE « RATIONNELLE » (20’) Ichabod commence son enquête sur des bases scientifiques : étude du site de la mort de Jonathan Masbath, exhumation des corps des victimes, autopsie du corps de la troisième, la veuve Winship... Car Ichabod apprend du juge Phillipse, lors de l’enterrement de Masbath, que « cinq corps sont enterrés dans quatre tombes ». L’autopsie lui apprend que la veuve Winship était enceinte. La nuit, Ichabod est victime d’un canular : il est pris en chasse par un faux cavalier sans tête (en fait Brom Van Brunt, le prétendant de Katrina) qui lui lance une citrouille enflammée à la tête. Ichabod s’évanouit, et se remémore des scènes de son enfance, avec sa mère, une magicienne. Réveillé en sursaut dans son lit, il se rend au salon où il trouve Katrina en train de lire. Elle lui offre un petit livre de magie. Ensemble, ils se rendent dans les ruines de la ferme où vivaient autrefois les Van Tassel. Plus tard, Ichabod voit de ses propres yeux le cavalier fantôme décapiter le juge Phillipse. Alité, hystérique, il s’évanouit de nouveau et revoit encore des scènes de son enfance. Mais il se ressaisit. 9 s’y rend, puis y retourne – la ferme en ruine, l’arbre des morts), les péripéties (deux poursuites à cheval – voir la dernière partie), ou entre les personnages (Katrina veille au chevet d’Ichabod, puis ce sera au tour d’Ichabod d’être au chevet de Katrina – selon quel personnage « prend l’autre en charge »). Une structure semblable à celle des contes de fées, fondée sur les répétitions. > L’ENQUÊTE « FANTASTIQUE » (20’) L’enquête se poursuit dans les bois hantés du Ponant où Ichabod et le fils de Jonathan Masbath (qui, désormais orphelin, lui a proposé son aide) rencontrent une sorcière. Elle leur révèle l’existence de l’arbre des morts, où « gît le cavalier ». Après avoir été rejoints par Katrina, ils trouvent l’arbre, auprès duquel sont enterrés les restes du Hessois (moins son crâne, qui lui a été ravi), ainsi que les têtes des malheureux qui ont croisé le fil de son épée. Le trio assiste à une « sortie » du cavalier, qui jaillit du tronc de l’arbre. Ichabod se lance à sa poursuite. Le cavalier assassine la famille Killian, mais il est intercepté par Brom, qui faisait sa ronde. Ichabod se joint au combat, mais Brom est tué. Ichabod, blessé et inconscient, se remémore pour la troisième fois son enfance : la mort de sa mère. Il avoue à Katrina qu’elle a été tuée par son père, un fanatique religieux. ANALYSE Ces deux parties de l’enquête sont symétriques. La symétrie est clairement dite par deux scènes d’autopsie. Dans la partie « rationnelle », fondée sur des méthodes scientifiques : l’autopsie de la veuve Winship. Dans la partie « fantastique », la nature fantomatique de l’assassin une fois avérée : l’autopsie peu orthodoxe, à la hache, de l’arbre des morts. Dans les deux scènes, Ichabod est abondamment éclaboussé de sang. Plus généralement, la narration de Sleepy Hollow se structure autour de fréquents effets de symétrie : entre les lieux (Ichabod > LE COMPLOT (20’) Ichabod a compris que quelqu’un se sert du cavalier, qui ne tue pas au hasard. Ses déductions le mènent à Baltus Van Tassel, et il découvre des indices chez le notaire Hardenbrook : le testament de P. Van Garrett, et un acte de mariage de celui-ci avec la veuve Winship. De retour chez les Van Tassel, Ichabod et Masbath trouvent Katrina dans la chambre d’Ichabod, puis des signes magiques sous le lit. La même nuit, Ichabod surprend Lady Van Tassel en train de commettre un adultère. À son retour, les preuves ont été volées. À la ferme en ruine, il retrouve Katrina en train de brûler les documents qui semblent accuser son père. C’est la rupture. Alors que Lady Van Tassel déclare à Ichabod qu’elle sait avoir été espionnée par lui la veille, Baltus leur apprend que Hardenbrook s’est pendu. La population se réunit à l’église, mais le cavalier surgit et en fait le siège. Il parvient à tuer Baltus, sous les yeux de Katrina qui s’évanouit. ANALYSE Alors même qu’il s’éloigne de Katrina, Ichabod se « rapproche » du spectateur à travers ses découvertes. Il gagne en crédibilité – en tant que policier –, mais l’on se doute qu’il fait erreur sur certains points, par exemple sur la culpabilité de Katrina. Ce faisant, il devient lui-même suspect aux yeux de la jeune femme, qui a le sentiment d’avoir été trahie. D’incessants allers-retours entre la maison des Van Tassel et d’autres lieux font avancer l’enquête. Petit à petit, les contours du complot se précisent, et, pendant ce temps, les apparitions de Lady Van Tassel se multiplient. > LA RÉSOLUTION (20’) Après avoir fait ses adieux à une Katrina encore inconsciente ainsi qu’à Masbath, Ichabod repart pour New York. Mais à peine est-il sorti du village qu’il découvre, dans le petit livre bleu offert par Katrina, que les signes magiques tracés par elle sous le lit étaient destinés à le protéger. Il fait demi-tour, mais Katrina a été enlevée par Lady Van Tassel qui l’emporte au moulin et appelle le cavalier. La belle-mère de Katrina, dont la famille fut autrefois dépossédée de ses biens par les Van Garrett au profit des Van Tassel, espère ainsi se venger et toucher l’héritage destiné, après la mort du dernier des Van Garrett, au dernier des Van Tassel. Masbath et Ichabod arrivent à temps au moulin pour sauver Katrina, et ils échappent au cavalier, qui les poursuit jusqu’à l’arbre des morts. Ichabod subtilise à Lady Van Tassel le crâne du cavalier et le restitue à son propriétaire, dont la tête se recompose. Le Hessois s’empare de sa complice, la fait monter sur son cheval, lui donne un baiser sanglant et, ensemble, ils disparaissent dans l’arbre des morts qui se referme sur eux. Ichabod s’évanouit. Il est réveillé par un baiser de Katrina à son arrivée à New York où il sont repartis avec le jeune Masbath. ANALYSE Lady Van Tassel prend le récit en charge : elle raconte son histoire et éclaire des zones d’ombre, s’appropriant à son tour la forme du flash-back. Grâce au montage parallèle, le récit se « contracte », s’accélère et bascule du côté des personnages maudits (Lady Van Tassel, le cavalier), Ichabod s’étant délesté de sa propre malédiction. Dernier effet de symétrie : le film se clôt à New York, après un trajet de retour où sont repris certains plans de l’aller, version raccourcie. 10 ■ QUESTIONS DE MÉTHODE Recoller les morceaux Tim Burton s’est approprié le scénario de ce film de commande en appliquant pour sa réalisation des méthodes davantage proches de l’animation et du trucage que du « tout numérique ». > Effets graphiques C’est à la sortie de la longue et pénible préparation d’un film qui, finalement, ne verra jamais le jour, Superman Lives, que Tim Burton lit le scénario de Sleepy Hollow et que, séduit par l’opportunité de faire enfin un vrai film d’épouvante, il accepte de le réaliser. Pour Tim Burton, Sleepy Hollow est donc un film de commande, qui lui est proposé en 1998 par le producteur Scott Rubin. Mais le cinéaste, conformément à ses habitudes puisqu’il n’écrit jamais lui-même ses scénarios, va s’approprier ce matériau sans difficulté, tant il correspond déjà à son univers. Tim Burton, dessinateur dans l’âme et animateur de formation, préfère concevoir ses films par le dessin plutôt que par les mots. Pour réaliser ses décors et ses personnages, il fait dans un premier temps une série de croquis et d’esquisses – à ne pas confondre avec le storyboard, que Burton utilise de moins en moins, craignant « qu’une confusion s’installe entre les personnages qu[‘il] dessine, et les acteurs de chair et d’os qu[‘il] dirige.1 » Burton confie à Kevin Yagher, l’homme qui se trouve à l’origine du projet Sleepy Hollow, coauteur d’une première version de l’adaptation écrite dès 1992 et également coproducteur du film (il avait aussi envisagé d’en assurer la réalisation), les effets spéciaux de maquillage. Kevin Yagher va notamment concevoir les têtes coupées, mais alors que trois ou quatre décapitations à peine étaient initialement prévues dans sa propre histoire, le film en comporte une bonne dizaine à l’arrivée. Ces effets sanglants constituent une nouveauté pour Tim Burton, jusqu’alors plus enclin à des maquillages fantaisistes, parfois horrifiques, mais peu versés dans l’hémoglobine. Le maquillage, et les effets spéciaux en général, arts éminemment graphiques, prolongent naturellement le travail inauguré sur papier par Burton. > Synthèse et numérique Tim Burton est un cinéaste « à effets spéciaux ». Il en utilise beaucoup, qu’ils soient mécaniques, optiques, numériques ou simples maquillages, et en a même dévoilé avec humour certains des procédés de fabrication (artisanaux en l’occurrence) dans Ed Wood. Pour Sleepy Hollow, le cinéaste et son équipe préfèrent au numérique, très employé dans Mars Attacks!, des méthodes plus ordinaires et moins onéreuses, par exemple l’utilisation d’écrans de fumée destinés à faire office de faux nuages pour masquer les plafonds des studios où le film fut tourné dans sa 1 Tim Burton, Cahiers du cinéma n° 543, p. 28. Ichabod Crane est lui-même un illustrateur de talent, comme en témoignent les planches que l’on aperçoit dans le film. 2 Tim Burton, op. cit., p. 29. grande majorité (voir rubrique Le langage du film). Il refuse aussi les écrans bleus, une technique qui consiste à filmer les personnages devant un écran pour ensuite, en laboratoire, remplacer celui-ci par une image filmée séparément – un décor ou un effet spécial. Même si Sleepy Hollow n’est pas tout à fait exempt d’effets spéciaux, bien au contraire, Burton privilégie des techniques dites classiques, qui interviennent au moment même du tournage, limitant ainsi le lourd travail de post-production qu’implique généralement l’utilisation de l’image de synthèse : « Presque rien, dans le film, n’a été conçu par ordinateur, sauf la transformation de Christopher Walken de squelette en cavalier.2 ». Le film comporte tout de même près de 300 plans retouchés numériquement, à défaut d’avoir été entièrement conçus par ordinateur, des plans qui concernent en majorité les apparitions du cavalier sans tête : au tournage, les acteurs interprétant le cavalier étaient vêtus d’une cagoule bleue, afin que leur tête puisse être « effacée » numériquement avec plus de facilité. Les décapitations elles-mêmes résultent d’une combinaison astucieuse entre le maquillage – les têtes créées par Kevin Yagher – et le numérique : une fois la tête du personnage tranchée, celle-ci est remplacée par l’une des « vraies » fausses têtes (dans certains cas avec l’aide du morphing), qui va pouvoir rouler sur le sol, tomber dans un panier, etc. Le travail du cinéaste consiste alors à homogénéiser ou, pour utiliser un terme plus technique, « étalonner », des images a priori dissemblables, hétérogènes, d’origines et de factures diverses. Il « recolle les morceaux », ce qui n’est autre que le but du cavalier sans tête : recoller le morceau qui lui manque pour retrouver son intégrité. 11 ■ MISES EN SCÈNE Un lieu « habité » par les motifs page 12 Tim Burton unit ses personnages pour ensuite mieux les désunir, par la simple succession de motifs visuels qui tissent des liens entre passé, présent et futur. Hantises Film ponctué par les évanouissements à répétition de ses personnages, Sleepy Hollow balance constamment d'un monde à un autre et tend des passerelles entre ces mondes hantés par les images. nouissement, au sommeil de la conscience/de la raison (ce sommeil qui engendre les monstres), tel que le décrivait Washington Irving dans le texte d’où le film tient son argument : « Cette contrée semble être sous l’empire de quelque influence soporifique propice au rêve, imprégnant l’atmosphère même.1 » Ichabod, très réceptif à la frayeur, est la première victime de cette contamination, de l’influence délétère qu’exerce Sleepy Hollow, tant sur les esprits que sur les corps. La lanterne magique page 13 À partir d’un procédé de projection archaïque, Burton installe un dispositif à travers lequel le regard de l’enfant va percevoir et filtrer la violence et la mort, avant d’en devenir lui-même victime. Les « cauchemars » d’Ichabod, à la frontière du rêve et du souvenir page 14 Entre flash-back et scènes oniriques, les cauchemars d’Ichabod posent la question du régime de l’image : rêve, souvenir, entre-deux de la conscience ? Indicateurs page 15 Tim Burton construit le personnage d’Ichabod à l’aide de quelques gestes, qui vont déterminer le personnage et ses « orientations », et aboutir à un « geste de caméra ». > Contaminations Sleepy Hollow est peut-être un film moins linéaire qu’il n’y paraît. S’il obéit au schéma des grands récits d’investigation – une énigme à résoudre par une série de déductions et de révélations –, c’est aussi un film où ce qui se joue d’essentiel advient dans les absences de la conscience de son « héros », Ichabod Crane. Chaque évanouissement d’Ichabod interrompt le fil de l’enquête, y ouvre une parenthèse, crée un intervalle où passent des images qui vont contaminer le récit ou, au contraire, être contaminées par lui. La mise en scène de Tim Burton s’articule autour de ces contaminations, rimes visuelles ou narratives qui vont devenir le symptôme de l’appartenance d’Ichabod à Sleepy Hollow, un endroit qu’il semblait prédestiné à visiter. « Sleepy » est à entendre dans le sens littéral : le « Val Dormant » est un lieu favorable à l’éva- > Motifs, figure de la mère et prémices du cinéma Tim Burton construit sa mise en scène autour de quelques motifs visuels, récurrents ou ponctuels, qui vont « lier » ou « délier » les événements, faire raccorder les scènes entre elles en traversant le film comme des leitmotive. Ils vont, à la fois, lui donner une unité visuelle et une unité structurelle. Ichabod Crane est surtout hanté par des images, et c’est à travers ces images que le personnage se construit. Ainsi, il reconnaîtra en Katrina, montrée comme une « bonne sorcière » dès sa première apparition, l’image de sa mère disparue (sans que cela soit jamais formulé, sinon par allusions), mais il verra aussi en Lady Van Tassel l’image de la « mauvaise mère » qu’elle aurait pu être, et qu’elle était aux yeux de son père : adepte de magie noire. Nous verrons que Burton construit son film autour de l’image omniprésente de la mère, disséminée à travers le film entier. 1 Washington Irving, La Légende du Val Dormant, op. cit., p. 175. 2 Imaginé en 1824 par un médecin anglais, le Dr Paris, le taumatrope est donc ici un anachronisme. Cependant, c’est bien en 1799 que fut breveté un appareil dénommé phantascope, « capable d’assurer la projection d’une vue sur un écran transparent en modifiant le grandissement sans altérer la mise au point » (Jean Mitry, Histoire du cinéma 1, Ed. Universitairesd, Paris, 1967, p. 23). Ichabod est en conflit avec tous, et avec lui-même pour commencer : un conflit intérieur qui trouve son origine dans son enfance, et qui se répercute dans le présent. Ichabod, en désaccord avec ses supérieurs à New York, s’oppose au surnaturel qu’il découvre à Sleepy Hollow, ainsi qu’à ses habitants. C’est un homme de raison et de science, que la mise en scène de Burton va s’efforcer de déstabiliser en le plaçant d’abord en observateur, puis en acteur dépassé par les événements. Dans Sleepy Hollow, les enfants sont les premiers à observer. Que leur dit leur regard ? La même chose que la caméra de Tim Burton : apprendre à regarder, c’est d’abord s’émerveiller et admirer – par exemple les prémices de l’image animée, du cinéma. Burton met le cinéma en abyme, à une époque où celui-ci n’existait pas ; il a besoin d’en passer par une « lanterne magique » dans la scène du meurtre de la sage-femme et de sa famille, et par une « amulette optique », celle d’Ichabod, qui n’est autre qu’un taumatrope2 (Ichabod se sert du taumatrope pour réfléchir, et c’est en « jouant » avec qu’il a l’idée d’ouvrir le livre de magie, pour constater qu’il s’était trompé sur le sens des signes tracés par Katrina). Sleepy Hollow est un film moins hanté par un fantôme que par la mémoire des images, et celle de leur origine. 12 ■ MISES EN SCÈNE Un lieu « habité » par les motifs Tim Burton unit ses personnages pour ensuite mieux les désunir, par la simple succession de motifs visuels qui tissent des liens entre passé, présent et futur. Alors que la partie « rationnelle » de l’enquête d’Ichabod Crane est sur le point de s’achever pour laisser le fantastique faire irruption avec fracas, le détective et Katrina Van Tassel se retrouvent dans les vestiges d’une ferme, autrefois occupée par les Van Tassel. La scène, d’apparence anodine, construite en champs-contrechamps statiques, s’élabore autour de l’apparition de motifs visuels qui vont renforcer les liens qui se nouent entre Ichabod et Katrina, mais aussi, pour l’un d’eux, faire office d’indice, encore indéchiffrable. À la faveur d’une rencontre nocturne dans la demeure des Van Tassel (scène précédente), Katrina raconte à Ichabod l’histoire de sa famille et lui propose de lui montrer la maison de son enfance, après lui avoir offert un petit livre de magie ayant appartenu à sa mère (A Compendium of Spells Charms and Devices of the Spirit World 1). Sans transition, le couple arrive à la ferme : une ruine, où seuls tiennent encore debout le cadre d’une porte, celui d’une fenêtre ainsi qu’une cheminée. Alors, les motifs vont 1 Ce que le sous-titre du film traduit et résume par : « Charmes et sortilèges ». se succéder : les cicatrices dans les paumes d’Ichabod ; les fleurs bleues, dont l’une apparaît littéralement dans la main de Katrina sans qu’elle ait besoin de la cueillir, comme si Ichabod la lui avait transmise par simple contact ; le dessin dans la cendre ; le blason des Archer ; le cardinal perché sur une branche – semblable jusqu’à la couleur à celui que le jeune policier libère de sa cage avant de quitter New York, et que l’on reverra, mort, chez la sorcière ; l’amulette d’Ichabod, héritée de sa mère, que Katrina perçoit comme un objet magique, ce qu’Ichabod s’empresse de contredire : « Non, c’est de l’optique, deux images distinctes qui se fondent en une. » De ce lieu abandonné niché au cœur du film, foyer dans tous les sens du terme (maison, âtre, foyer optique), qui est aussi foyer de la vengeance (son origine, d’où ont été chassés les Archer, la famille de Lady Van Tassel), quelque chose va renaître : invoquant le souvenir de la mère d’Ichabod, Katrina plonge celui-ci dans un grand trouble. Tout, ici, ramène Ichabod à ce souvenir (à commencer par Katrina), c’est-à-dire à son enfance, en même temps qu’à celle de la jeune femme. Le vrai dialogue est essentiellement visuel : chacun propose une image à l’autre, une image qui résonne et va se répercuter hors de cette chambre d’écho. Indice de la conspiration ou indice amoureux, signe magique ou phénomène optique, le motif réunit Ichabod et Katrina. Lorsque les tourtereaux se retrouvent plus tard au même endroit pour une scène de séparation (en reprenant exactement les mêmes places – Katrina, vêtue de la même robe, près de la cheminée, Ichabod dos à la fenêtre), il n’y a plus que les ruines. La scène s’ouvre par une image de destruction : les preuves (indices) dérobées par Katrina achèvent de se consumer dans la cheminée. Ce qui a été noué se dénoue, le lieu, vidé de ses ornements – les motifs qui en faisaient le charme, désormais rompu – devient un espace désolé. En cabrant son cheval, Katrina adopte même une posture typique du cavalier fantôme. Ichabod se retrouve seul en face de ses démons. Bientôt, la vie l’aura (momentanément) quitté. 13 ■ MISES EN SCÈNE Lanterne magique En reproduisant un processus de projection archaïque, Burton installe un dispositif à travers lequel le regard de l’enfant va percevoir et filtrer la violence et la mort, avant d’en devenir lui-même victime. Faisant suite au petit « tour de magie » d’Ichabod, la lanterne magique de la famille Killian propose un autre événement optique, qui relève plus du phénomène cinématographique de la projection. Le meurtre des Killian, dans son dispositif, contraste avec les autres scènes de décapitation du film : il a lieu à l’intérieur d’une maison, au lieu des champs et des sentiers habituels ; il concerne trois personnes, alors que, jusqu’à présent, le cavalier n’en tuait qu’une à la fois ; il est, enfin, éclairé par une chaude lumière orangée (aux teintes presque sépia), à la bougie, et non plus par la clarté laiteuse de la lune. C’est du point de vue de l’enfant que les meurtres sont filmés, à partir du dispositif qu’il a lui-même mis en place en allumant les bougies. Ainsi, lorsque le cavalier entre dans la pièce, la tête du père à la main, la caméra est placée à hauteur d’enfant. En adoptant ce point de vue, qu’il reprendra en plusieurs occasions dans son film, Burton questionne la mise en scène de la violence, ainsi que le problème du regard de l’enfant sur cette violence, perçue à travers le prisme lumineux de la lanterne. Très vite, après l’irruption du cavalier, la sage-femme fait passer son fils « à la trappe ». C’est là, caché sous le plancher, qu’il entend la mort de ses parents, puis qu’entre deux planches, il croise le regard sans vie de sa mère, dans un plan qui trouvera un écho plus tard, lorsque Ichabod se souviendra de la mort de la sienne : il avait croisé son regard de la même manière à travers l’ouverture du sarcophage qui s’était refermé sur elle – la scène du meurtre des Killian s’ouvre d’ailleurs sur le thème musical de l’enfance d’Ichabod. Le regard du petit Killian sur la disparition de sa mère se confronte donc à celui d’Ichabod enfant sur le même événement mais aussi, d’une certaine façon, à la mort de Baltus Van Tassel sous les yeux de Katrina, dans l’église. Sleepy Hollow est un film où les enfants ne cessent d’être les témoins de la mort de leurs parents, d’assister à leur devenir orphelin. À une différence près, en ce qui concerne le petit Killian : l’enfant, cruellement, ne sur- vivra que quelques secondes à ses parents – mais sa mort n’est pas filmée, Burton ressort de la maison avant que l’acte ne soit commis, et nous n’en entendrons que les cris. Pour Burton, magie et cinéma semblent liés : tant dans « l’optique » d’Ichabod que dans ces projections de créatures fantastiques sur les murs (dragons, sorcières, monstres marins, etc.), l’image affirme la part de magie qui est en elle, au moins virtuellement (Katrina confondant magie et optique), ou donne naissance à des motifs fantasmagoriques et invoque les esprits. L’image fait revenir les fantômes, l’image est elle-même fantomatique. À l’aide de sa lanterne magique, Burton dématérialise la violence d’un événement terrible, la mort d’un enfant, dont il redouble le caractère fantastique : lorsque le cavalier et les créatures projetées se superposent, le tueur lui-même devient une chimère, attirée par d’autres chimères. C’est au cauchemar d’un enfant que nous assistons, mais un cauchemar dont Ichabod Crane sera le seul à se réveiller. 14 ■ MISES EN SCÈNE Les « cauchemars » d’Ichabod Entre flash-back et scènes oniriques, les cauchemars d’Ichabod posent la question du régime de l’image : rêve, souvenir, entre-deux de la conscience ? Il faut trois séquences à Ichabod pour « retrouver la mémoire » d’un événement refoulé, que son aventure à Sleepy Hollow ramène à la surface. Elles sont muettes, on y entend seulement la voix de Lady Crane qui, lointaine, comme venue du passé, appelle son fils. D’un point de vue plastique, elles contrastent violemment avec la tonalité d’ensemble du film : couleurs vives et lumineuses du verger et de la clairière, décor blanc, immaculé, de la chapelle. Ichabod, alors âgé de sept ans, y réalise la même chose qu’Ichabod adulte : il ouvre des portes vers l’inconnu, traverse des corridors qui vont le conduire à cette vérité qu’il poursuit, menant tout à la fois une quête et une enquête. Formant une petite histoire autonome à l’intérieur du film, ces séquences interviennent après les syncopes d’Ichabod, provoquées par des chocs émotionnels. Elles apparaissent invariablement en fondus enchaînés, et semblent remonter doucement des profondeurs de l’image sur laquelle elles s’inscrivent, toujours un plan 1 Du nom de son inventeur supposé, Geza von Bolvary, cinéaste hongrois (1897-1961). d’Ichabod évanoui – c’est donc des profondeurs de sa conscience qu’elles proviennent. Dans une ambiance onirique, les figures y évoluent en apesanteur ou dans de discrets ralentis, la caméra épouse les mouvements des corps, comme lors du « tourniquet » d’Ichabod et de sa mère. Puis elles sont progressivement traitées comme des cauchemars : montée de l’angoisse, visions terrifiantes surgissant par flashs, réveils en sursaut. Des premiers plans de la première de ces scènes – images d’un paradis perdu –, dans lesquels la mère d’Ichabod apparaît exactement comme Katrina un peu plus tôt (les yeux bandés par un foulard blanc, déposant un baiser sur la joue d’Ichabod), aux derniers plans de la troisième (la salle des tortures du père, le cadavre de la mère), c’est toute l’aventure d’Ichabod qui est résumée, de son amour pour Katrina à son combat contre le cavalier sans tête. Ainsi, dans le troisième « cauchemar », Ichabod, accroupi derrière un banc, voit son père approcher, forme noire et menaçante qui se détache sur les murs blancs de la chapelle. À la faveur d’un raccord « von Bolvary 1 » (un personnage s’avance vers la caméra jusqu’à en obstruer le champ, puis est repris de dos, s’en éloignant cette fois), sa tête disparaît : c’est la métamorphose symbolique du père en cavalier sans tête, appuyée par le bruit des éperons du cavalier et le grondement de l’orage qui accompagne chacune de ses apparitions dans la bande-son. C’est la réalisation du raccord qui manquait à Ichabod pour accepter une vérité plus cruelle encore que celle de l’existence du tueur fantôme : son père était, lui aussi, un assassin. En créant un hiatus par le montage, Burton réalise la seule décapitation réellement fantastique, car imaginaire, de son film. Le raccord est l’œuvre d’Ichabod lui-même, puisque nous sommes passés dans un régime d’image mentale. Des flashs-back, oui, mais au croisement du rêve et du souvenir. 15 ■ MISES EN SCÈNE Indicateurs Tim Burton construit le personnage d’Ichabod à l’aide de quelques gestes qui vont déterminer le personnage et ses « orientations » et aboutir à un « geste de caméra ». Les gestes ont, dans Sleepy Hollow, une importance particulière. Ils vont montrer à Ichabod des directions, à suivre ou ne pas suivre, qui disent bien le tiraillement du personnage, partagé entre le rationnel et la magie (« Ma raison se heurte au monde des esprits. »), qui deviendra déchirement lorsque le personnage devra choisir entre les obligations de son enquête et son amour pour Katrina. En plusieurs occasions, Burton met en avant deux types de gestes de la main : des gestes féminins/maternels et des gestes masculins/paternels. Les gestes féminins sont ceux de la mère d’Ichabod, qui lui fait signe de la suivre dans la première des trois scènes « rêvées » par Ichabod. Invitation ambiguë à la tendresse, au mystère et à la connaissance. Burton reprend ce geste à la fin de son film et en donne une version négative. C’est la main de Lady Van Tassel qui dépasse du tronc de l’arbre des morts, après qu’elle y a été engloutie, et dont un doigt amorce un mouvement similaire à celui de Lady Crane. À la vue de cet ultime geste, invitation à la mort et à l’Enfer, Ichabod s’évanouit une dernière fois – alors que, bizarrement, Katrina et Masbath regardent en l’air. Les gestes masculins sont celui du juge qui, en pointant son doigt en direction du jeune inspecteur dans la scène du tribunal, le « met sur la sellette », puis celui du père d’Ichabod, qui pose violemment son index sur une page de la Bible pour la montrer à sa femme « pécheresse », coupable de sorcellerie. En insistant sur ces gestes, Burton place son personnage sous une double autorité : celle de son père d’une part, dont le juge, quoique filmé en contre-plongée, représente une version moins menaçante, puisqu’il donne à Ichabod la possibilité de faire ses preuves ; celle de sa mère d’autre part – qui est plus une emprise –, dont la disparition « pèse » sur sa conscience. Il y a encore un geste dont Ichabod devra tenir compte : celui de Katrina, évanouie après la mort de son père. Geste/posture prolongé par une craie rose, qui va entraîner un lent mouvement de caméra (extension du regard d’Ichabod) jusqu’au signe dessiné sur le sol de l’église par la jeune femme. Le doigt inerte de Katrina semble, une fois de plus, « montrer » à Ichabod la direction à suivre, lui « signifier où regarder » – même si c’est son autre main qui indique concrètement la bonne direction. Le travelling, en partant de Katrina, passe au-dessus des corps sans vie du docteur et du révérend, et induit forcément le policier en erreur. La plongée totale, jusqu’alors seulement utilisée par Burton dans la seconde séquence onirique de l’enfance d’Ichabod (et dans le plan de l’inhumation du cavalier Hessois), semble actualiser la malédiction dont celui-ci est victime, comme dans un geste funeste. Ichabod est mis dans la position du juge, de l’inquisiteur (nous sommes dans une église, et Ichabod est à l’emplacement de la chaire) et son regard, en surplombant la scène, condamne à son tour et se trompe. Il reproduit l’erreur autrefois commise par son père, qu’il a peutêtre entendu proférer les mots qu’il prononce à son tour : « Le mal a bien des masques, le plus dangereux est le masque de la vertu... » 16 ■ LE LANGAGE DU FILM Les perspectives d’un décor « éclairé » « J’ai voulu planter le décor (...) en gardant toujours à l’esprit que l’Amérique est une terre de fiction particulière. » TIM BURTON > Une direction artistique de premier plan Tim Burton a souvent recours au tournage en studio, où le décor est fabriqué de toutes pièces, passant pour « naturel », ou donnant au contraire à voir son caractère artificiel. Ainsi, la ville de Gotham City des Batman fut entièrement construite selon ce principe, de même que l’intégralité du plateau de The Nightmare before Christmas. Sleepy Hollow est un peu particulier, en ce qu’il est à la fois reconstitution historique (l’Amérique, encore sauvage, de la fin du XVIIIe siècle) et création d’un monde fantastique. Mais le cinéaste n’ayant aucunement l’intention de faire un film réaliste, l’aspect fantastique va prendre le pas sur la reconstitution. Du manoir des Van Tassel, perpétuellement surplombé par un ciel noir, au moulin à vent, vestige des origines hollandaises des habitants de Sleepy Hollow, le film assume son esthétique factice – Burton décrivant ses décors comme « la version grandeur nature de ceux de Nightmare before Christmas1 ». Comme les citrouilles d’Halloween et les épouvantails dont le film foisonne, ces éléments semblent moins provenir d’un manuel d’histoire que d’une BD d’épouvante. L’arbre des morts, avec ses branches tordues et sa cime en forme de gueule, acquiert une personnalité dont tous les lieux semblent pourvus, ce à quoi contribue aussi l’attention portée aux textures et aux matières – bois, pierre, feuilles mortes… Peu à peu, ce décor incontournable, presque oppressant, résultat d’une direction artistique minutieuse, devient la vedette du film, excédant son rôle d’arrière-plan décoratif. À travers la manière d’en restituer l’espace, d’y intégrer les personnages, c’est l’esthétique du film entier qui en dépend. 1 Michel Ciment et Yannick Dahan, « Entretien avec Tim Burton », Positif n° 468, février 2000, p. 19. 2 Tim Burton, Cahiers du cinéma n° 543, p. 26. > Plier l’objectif, déplier l’espace, explorer la perspective « Chaque plan était conçu en fonction de l’espace du décor.2 » : on voit bien que c’est le décor qui dicte à Burton sa manière de filmer, et non l’inverse. Une fois monté, inaltérable dans les limites mêmes de ses dimensions – forcément restreintes –, il « plie » l’objectif de la caméra à ses contraintes, empêche les mouvements de caméra trop amples ainsi que les plans d’ensemble trop larges. Pour compenser ce manque de largeur, Burton va jouer sur la profondeur, grâce à l’utilisation des fausses perspectives. Les couloirs, les chemins bordés d’arbres, les trouées dans la végétation abondent afin de donner de la profondeur à l’espace, l’illusion de l’existence d’un prolongement à des limites trop réelles. Autant d’ouvertures par lesquelles jaillit brusquement (et au galop) le cavalier sans tête, comme un diable sortirait de sa boîte. De ce point de vue, le cavalier, en surgissant de l’arbre des morts, devient une émanation du décor lui-même, quand Burton ne filme pas le décor en lieu et place de la créature, lorsqu’il n’a pas d’autre choix. Dans la première séquence, par exemple, où sa présence n’est que sonore – galop du cheval, son métallique de l’épée sortie de son fourreau –, Burton cadre une citrouille d’Halloween grimaçante éclaboussée de sang qui représente le cavalier, car il est encore trop tôt pour montrer celui-ci (Van Garrett, quand il aperçoit l’épouvantail, reste pétrifié et stupéfait, comme s’il se trouvait devant le monstre lui-même). Pour explorer les perspectives, vraies ou fausses, Tim Burton multiplie les travelling avant et adopte le point de vue de son personnage, parfois en caméra subjective, lui faisant franchir des paliers qui le rapprochent de la vérité. La caméra subjective est ici au service du récit d’investigation, alors qu’elle est plus généralement utilisée, dans le cinéma fantastique, du point de vue du monstre ou du tueur lui-même. Or, dans Sleepy Hollow, c’est le regard d’Ichabod Crane qui compte, son « approche » des choses, son cheminement sinueux (sinuosité qui devient visuelle lorsque la caméra louvoie entre les arbres dans la scène des bois du Ponant), l’obstacle le plus fréquent à ce regard étant constitué par les portes qu’Ichabod ne cesse d’ouvrir pour voir ce qui se cache derrière. On trouve toutefois une exception, toujours dans la première séquence : 17 un plan en caméra subjective, adoptant le point de vue de l’assassin, s’approche de Van Garrett, égaré au milieu du champ de maïs, et se clôt par la décapitation de l’infortuné fuyard. Un point de vue évidemment impossible, puisque le meurtrier n’a pas de tête, donc pas de regard. Mais cela, nous l’ignorons encore, Burton travaillant l’économie de ses apparitions, dans la tradition des films de monstres : dès la seconde, on en verra plus, mais il sera cadré sous les épaules. Ce n’est qu’à la troisième apparition du spectre que, en même temps qu’Ichabod, nous découvrirons qu’au-dessus de ses épaules, il n’y a rien. > Vers un cinéma « primitif » Dans le paysage actuel du cinéma américain industriel, dont l’esthétique dominante est marquée par la vitesse et le mouvement, Tim Burton demeure un cinéaste à contre-courant. Il n’hésite pas à généraliser, dans une même scène, y compris dans certaines scènes d’action, l’emploi du plan fixe associé à un découpage illustratif, portant une plus grande attention au contenu de ses plans, à leur plastique, qu’à leur agencement – Burton n’est pas un virtuose du montage, comme en témoigne celui de Sleepy Hollow, assez mécanique. L’image va même souvent jusqu’à constituer une vignette autonome, d’où la fréquence des plans de coupe (ponctuations destinées à faire la transition entre deux séquences). Tant dans ses choix esthétiques que dans celui de ses références, Burton tend vers un certain primitivisme – n’oublions pas que parmi les « trucs » de Georges Méliès, les hommes sans tête n’étaient pas les moins fameux – en harmonie avec l’état encore primitif de l’Amérique racontée par Washington Irving. C’est pourquoi Sleepy Hollow est un film sombre, non pas une reconstitution historique, mais une restitution de l’atmosphère empreinte de superstitions d’une « terre de fiction particulière ». > Entre chien et loup : des lumières « muettes » Burton avoue avoir beaucoup pensé au cinéma muet pendant la conception de Sleepy Hollow, un aveu qui semble paradoxal, compte tenu de l’abondance des dialogues, mais dont il faut chercher les répercussions dans quelques séquences entièrement muettes, ainsi que dans l’image. Une image contrastée, souvent monochrome et proche du noir et blanc, qui « déteint » sur des acteurs au jeu quasi expressionniste, dont les visages sont modelés par la peur (les victimes du cavalier, Ichabod) ou façonnés par la cruauté (Lady Van Tassel, le cavalier Hessois3). Les rares scènes colorées sont les flash-back créant des ruptures chromatiques dans les dominantes gris-bleu, qui situent le film à la frontière du jour et de l’obscurité, entre chien et loup. Plutôt qu’un film en couleurs, Sleepy Hollow a l’apparence d’un film « teinté », un sentiment accentué par l’utilisation, pour certains plans, de nuits américaines – une technique déjà éprouvée 4 qui consiste à reproduire la nuit artificiellement, à l’aide de filtres placés devant l’objectif de la caméra. C’est grâce à cette lumière « anti-naturaliste » que Sleepy Hollow devient un lieu de l’entre-deux mondes, enveloppé du voile d’une étrange beauté funèbre. Mais fréquemment, le voile se déchire : chaque apparition du cavalier sans tête est accompagnée d’éclairs, déjà présents dans le flash-back du cavalier Hessois qui commençait sur un champ de bataille éclairé par une lumière infernale, laissant par intermittence les figures dans l’ombre. Ces discontinuités dans le plan, produites par les clignotements et le stroboscope, font vaciller la perception, de la même manière que le brouillard rend les formes incertaines et donne une texture « gazeuse » à l’image. Film d’époque oblige, les intérieurs de Sleepy Hollow sont, par ailleurs, éclairés à la flamme ou à la bougie. Le scintillement produit par ces sources lumineuses évoque à son tour le cinéma muet, en particulier dans la séquence où Ichabod, blessé, est en proie à la fièvre – le scintillement, phénomène caractéristique de la projection, était particulièrement visible à l’époque du muet, où les films étaient projetés à 16 images/seconde, avant l’introduction d’obturateurs destinés à l’atténuer, puis le passage à une vitesse de 24 images/seconde. 3 Dont le maquillage s’inspire de celui de Lon Chaney dans London after Midnight (1927) de Tod Browning, film muet et, hélas, perdu mais dont des photos ont été conservées. 4 Qui a donné son titre à un film de François Truffaut sur le cinéma : La Nuit américaine (1973). 18 ■ UNE LECTURE DU FILM Deuil sanglant, noces de sang Aux limites du film gore, Sleepy Hollow utilise le sang comme une matière aux multiples vertus. Une goutte d’un liquide rouge et épais tombe sur du papier, filmée en gros plan. Une petite flaque se forme bientôt, mais ce que nous prenions pour du sang s’avère, en fait, être de la cire destinée à fermer une enveloppe. Sleepy Hollow commence donc par un leurre, un faux-semblant, dévoilant déjà une partie de son programme, formulé par Ichabod Crane lui-même : « Ne confondons pas vérité et apparence. » Mais sans tarder, le sang va couler pour de bon, se répandre, gicler, souiller, asperger hommes et choses : celui de Van Garrett, éclaboussant la citrouille ; celui du cadavre de la veuve Winship, dont Ichabod se retrouve maculé ; celui de la chauve-souris, que la sorcière utilise pour préparer sa potion ; puis celui de l’arbre des morts, qui, tel un réservoir, semble en contenir des litres ; celui de Lady Crane, dégorgé à gros bouillons par la vierge de fer ; celui de la gouvernante, dont la main est entaillée par Lady Van Tassel afin de faire passer le corps de la malheureuse pour le sien ; celui de Lady Van Tassel elle-même, qui s’auto-mutile lors de ses ébats avec le révérend, lequel se régalera du liquide écarlate ; celui de Baltus, transpercé par un pieu ; celui du docteur et du révérend, petites flaques vermillon répandues dans l’église ; celui de Lady Van Tassel encore, embrassée avec trop de fougue (et de dents) par le cavalier Hessois. Bref, on peut compter sur les doigts d’une main les personnages de Sleepy Hollow qui ne saignent pas à un moment ou à un autre (Katrina, le jeune Masbath...). Le sang est présent dans les dialogues, encore : Katrina avoue à Ichabod que la consanguinité est chose courante à Sleepy Hollow, communauté qui s’est bâtie sur des mariages entre membres de mêmes familles ; de son côté, Ichabod constate que les plaies des victimes du cavalier sont instantanément cautérisées, sans qu’il y ait eu de « fuites ». Si le film de Tim Burton flirte avec le gore (« gore », mot issu du vieil anglais, qui signifie littéralement « sang répandu » ou « sang coagulé », désignant par extension des films particulièrement sanglants 1), c’est par nécessité. Le sang est ici un élément fondamental, une « matière première » indispensable ; il est au cœur de l’intrigue et en détermine les aspects les plus fantastiques. Tache inerte, figée ou substance vivante, active et virulente, Tim Burton le filme de plusieurs manières, en décline les « modes d’apparition » possibles, et moins possibles. Dans Sleepy Hollow, les cadavres continuent à saigner bien après leur mort, comme celui de la veuve Winship lors de son autopsie. À l’inverse, une décapitation laissera échapper une petite fumée au lieu d’un jaillissement artériel – la mort du père de la famille Killian. Il est vrai que la pâleur des visages évoque des corps déjà vidés de leur substance vitale, à commencer par celui d’Ichabod, qui a de bonnes raisons d’entretenir ce teint livide : arpentant le cimetière, allant d’une tombe à l’autre pour en exhumer les cadavres et les examiner méthodiquement, il fait petit à petit le deuil de sa mère. Et pour réaliser ce deuil, il devra être témoin de ces écoulements de sang : le liquide rouge sombre dans lequel, enfant, il avait bien failli se noyer, remonte à la surface de la psyché du jeune homme. Mais le climax de Sleepy Hollow, son point culminant, ce sont les « noces sanglantes » du cavalier Hessois et de Lady Van Tassel, en un baiser spectaculaire et cannibale qui semble illustrer le mot de Georges Sadoul : « Les baisers sont meilleurs quand les gencives saignent. 2 » Un baiser comme on n’en voit pas dans les contes de fées où puise Tim Burton : le démon, devenu vampire, réveille la sorcière, dans une inversion du baiser traditionnel – et, comme en réponse à ce baiser des « grands », Katrina embrassera Ichabod pour le réveiller à leur arrivée à New York, intervertissant les rôles du Prince charmant et de la Belle au bois dormant. Aux noces des amants maudits succède la constitution d’une famille : Ichabod/Katrina/le jeune Masbath. Sleepy Hollow se termine par cette réplique : « La maison est par là. » Le sang va pouvoir se renouveler. 1 On peut citer en exemple deux grands classiques du film gore, genre qui a connu ses plus belles heures dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt : Zombie (Dawn of the Dead, 1978) de George A. Romero et The Evil Dead (1982) de Sam Raimi. En guise de contre-exemple, et contrairement aux idées reçues, Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chainsaw Massacre, 1975) de Tobe Hooper n’est pas un film gore, mais une œuvre d’une sécheresse absolue. 2 Georges Sadoul, Les Lettres françaises, 7 juin 1971, cité par Bernard Benoliel, « Fondus au flou », Simulacres n° 7, automne 2002. 19 ■ EXPLORATIONS Anatomies du fantôme Avec Sleepy Hollow, le fantôme, créature cinématographique par excellence, est impliqué pour la seconde fois dans l’œuvre de Tim Burton. « Sleepy Hollow, c’est du sang, du feu, de la terre, des animaux, des fantômes... surtout des fantômes. » TIM BURTON > État spectral Le cinéma a toujours aimé les fantômes, et inversement, les fantômes ont toujours eu, par essence, des affinités avec l’image cinématographique. Cela tient à la nature même de cette image et de son unité, le photogramme : un support transparent, qui convient au fantôme, lui-même figure de la transparence, de l’immatériel, et aussi projection d’une image, en provenance de l’au-delà. Il existe de très nombreuses possibilités pour représenter le fantôme au cinéma. L’une d’elles consiste, par exemple, à mettre en évidence cette transparence de la figure, ou sa nature ectoplasmique, comme dans Poltergeist (Tobe Hooper, 1982) ; une autre à ne pas montrer le spectre, mais uniquement les conséquences de sa présence invisible, ses manifestations, ce à quoi travaillent les grands films de la hantise, tels que La Maison du Diable (The Haunting, 1963) de Robert Wise. Avec Les Autres (The Others, 2001), fortement inspiré du Tour d’écrou de Henry James, le cinéaste espagnol Alejandro Amenabar adopte encore une autre solution, consistant cette fois à inverser la proposition en « fantomatisant » les vivants. Les disparus, qui n’ont pas conscience de leur « état » spectral, y deviennent alors des créatures hantées par la vie, dont ils conservent toutes les apparences. Burton avait déjà fait de revenants les protagonistes de son deuxième long métrage, Beetlejuice, histoire d’un couple de « jeunes fantômes » qui voient leur maison envahie par des intrus – les nouveaux locataires. Pour effrayer – sans succès – les envahisseurs, le couple s’y livre à de petites mises en scène macabres ; dans l’une de ces représentations grand-guignolesques, la femme tient d’une main la tête tranchée de son mari et de l’autre une hache ensanglantée. L’effet de terreur escompté n’a pas lieu, et le corps sans tête du mari est contraint de courir maladroitement dans l’escalier pour aller fermer la porte du grenier, le repaire des défunts, que les indésirables manifestent l’intention d’aller examiner. > Fantômes virtuoses Le « headless horseman » de Sleepy Hollow n’est donc pas le premier fantôme acéphale de la filmographie de Tim Burton. Cependant, si le cavalier Hessois est un fantôme, ce n’est pas une apparition spectrale, mais plutôt un surgissement corporel. Aux créatures fantomatiques diaphanes ou immobiles et aux ectoplasmes, Burton substitue un corps solide chargé du poids de son attirail de guerrier. Un corps athlétique et brutal, vif et indestructible, presque celui d’un robot (avec qui il partage la particularité d’être « télécommandé »), sur lequel les balles ricochent comme sur de l’acier au lieu de passer au travers. En un sens, le cavalier sans tête a plus d’affinités avec les spectres bondissants et voltigeurs du cinéma chinois, de Hong-Kong en particulier. Que l’on se souvienne de la série produite par Tsui Hark et réalisée par le cinéaste-chorégraphe Ching Siu-tung, Histoires de fantômes chinois (trois épisodes, de 1987 à 1991), où les revenants allient une agilité et une légèreté toutes fantomatiques. Comme le cavalier sans tête, ce sont des corps caractérisés par la vitesse de leurs déplacements. Dans le premier épisode de la série, l’un d’eux continue même à combattre après avoir eu la tête tranchée. Si le cavalier est un virtuose de l’épée, les fantômes chinois sont, traditionnellement, des virtuoses des arts martiaux, capables, grâce à leurs pouvoirs surnaturels, d’exploits physiques encore plus incroyables que leurs homologues vivants. Vers la fin de Sleepy Hollow, lorsque le cavalier se « crashe » en diligence, il fait un vol plané qui reproduit maladroitement les improbables trajectoires, mieux contrôlées, des spectres orientaux de Ching Siu-tung. Chez Tim Burton, dans Sleepy Hollow comme dans Beetlejuice, le fantôme est un être résistant, turbulent et consistant, plus proche du cartoon que de l’âme errante en proie à la mélancolie d’une existence révolue. Il est, au contraire, débordant de vie. 20 ■ DANS LA PRESSE, DANS LES SALLES Déferlement plastique Succès public et critique quasi unanime à la sortie d’un film avant tout apprécié pour sa beauté plastique et son caractère harmonieux. À sa sortie en février 2000, Sleepy Hollow se classe pour sa première semaine d’exploitation deuxième au box-office, derrière une production Disney (Burton reste décidément toujours dans l’ombre de Disney !), Toy Story 2, avec plus de 800 000 entrées. Un succès qui fait suite à celui remporté par le film aux ÉtatsUnis (97 millions de dollars de recettes), que le réalisateur explique par la popularité du conte de Washington Irving dans son pays d’origine. Mais un succès auquel Burton – qui semble avoir acquis le statut d’auteur à part entière dès Edward Scissorhands, statut confirmé et renforcé par la sortie d’Ed Wood quelques années plus tard – est aussi habitué en France, ses films y rencontrant un public fidèle, conquis depuis Batman par les enluminures gothiques du cinéaste. Batman a fait la couverture des Cahiers du cinéma, mais la critique « officielle » a mis un peu plus de temps à suivre… par André Caron dans la revue québécoise Séquences, qualifiant le film d’« œuvre parfaitement harmonieuse, tant dans le ton dramatique que dans le traitement visuel. » (n° 206, janvier 2000). > Les réserves d’une critique enthousiaste > Inventaire et harmonie Pour la sortie de Sleepy Hollow, la plupart des journaux de cinéma se livrent à un petit « inventaire » de l’univers burtonien fonctionnant par « entrées » – c’est le cas de Positif, Les Cahiers du cinéma, Première, les Inrockuptibles. Les revues peuvent ainsi solliciter le point de vue de Tim Burton sur son propre système. Par exemple, les Cahiers du cinéma lui proposent une série de photos de Sleepy Hollow (photos du film, mais aussi photos de plateau), qu’il commente sous l’angle choisi : « le diable », « Johnny Depp », « l’artiste », etc. (n° 542, février 2000). Tandis que Positif fait un tour d’horizon plus analytique de ses motifs ou de ses thèmes récurrents : « Contes de Noël », « Citrouilles » et autres « Horreurs » (n° 468, février 2000). Si la critique se penche ainsi sur l’univers de Tim Burton, c’est aussi pour souligner la manière dont Sleepy Hollow s’y inscrit, par exemple en porte-à-faux : « Si le cinéaste n’a rien perdu de sa fantaisie ni de sa mélancolie, associées ici avec le même bonheur que dans Edward Scissorhands et L’Étrange Noël de Mr Jack, il nous surprend en revanche par ses sanglants appétits. » écrit David Matarasso dans L’Écran fantastique (n° 194, février 2000), avant de conclure : « Le style et les préoccupations de Tim Burton s’expriment donc ici dans toute leur plénitude, au point que l’on pourrait considérer Sleepy Hollow comme le film le plus caractéristique de son auteur, en tout cas le plus harmonieux. » Une harmonie également soulignée par Samuel Blumenfeld dans le quotidien Le Monde du 09/02/2000 (« Sleepy Hollow fait preuve d’une harmonie et d’une pureté visuelle à couper le souffle ») ou Par ailleurs, les superlatifs ne manquent pas pour faire l’éloge du dernier-né de Burton, notamment de la part des « fans » comme Christian Viviani dans Positif, évoquant un « déferlement plastique » et garantissant que « Sleepy Hollow confirme qu’il [Tim Burton] fait partie des grands. » Ou encore Cédric Delelée dans Mad Movies, revue spécialisée en cinéma fantastique : « Visuellement, Sleepy Hollow est d’une beauté stupéfiante. C’est bien simple : on n’a jamais vu ça sur un écran de cinéma » (n° 123, janvier 2000).Un concert de louanges toutefois perturbé par quelques dissonances. Pour Les Inrockuptibles, Sleepy Hollow « brille plus par ses parties et détails que par son tout » (10/02/2000). Dans Télérama, Jean-Claude Loiseau apporte une petite variante sur la question de la partie et du tout : « Il y a des films, comme Sleepy Hollow, où les fulgurances de style arrivent à effacer jusqu’au souvenir des maladresses occasionnelles » (09/02/2000). Les réserves les plus fortes sont formulées par l’hebdomadaire Les Inrockuptibles qui, dépassant l’aspect visuel du film, s’attaque à quelques particularités formelles : « Sleepy Hollow est un film superbement peint, une œuvre de la nuit très plaisante à regarder, mais pas vraiment bouleversante, limitée par sa trame quelque peu prévisible et son scénario explicatif. Ça se termine par la figure obligée de la “poursuite finale”, montée selon les normes hollywoodiennes contemporaines : un changement de plan toutes les deux secondes, véritable rollercoaster pour 21 ■ L’AFFICHE Romantique avant tout Une affiche très soft, qui met en avant le romantique et gomme l’aspect horrifique, uniquement suggéré. le spectateur certes bien blackboulé dans son fauteuil, mais qui ne distingue plus rien sur l’écran. » Mais si le critique, « n’ayant jamais été un burtonien acharné », y précise ses réticences à l’égard de l’œuvre de Burton dans son ensemble, il s’avoue lui aussi séduit par les qualités plastiques du film, transformant indirectement Burton en virtuose du pinceau : « (...) ça ressemble parfois à du Jackson Pollock aspergeant un tableau de Vermeer. » > Psychanalyse du conte de fées Mais si le film est d’abord jugé pour sa valeur visuelle, le scénario psychanalytique n’aura pas échappé aux connaisseurs de l’œuvre burtonienne, ni aux revues spécialisées, plus réflexives. Dans les Cahiers du cinéma, Marie-Anne Guerin souligne, en relevant une référence au western de Raoul Walsh Pursued (La Vallée de la peur, 1947) que « Sleepy Hollow met en scène (c’est sa matière et son sujet) le souvenir qui revient par lambeaux d’une terreur primitive. » Dans Positif, Christian Viviani, tout en remarquant lui aussi la référence au western de Raoul Walsh (dont Burton a pu s’inspirer pour la scène du meurtre des Killian, mais aussi pour le thème du personnage hanté par un événement survenu dans son enfance, dont le souvenir lui revient par bribes), est l’un des rares à s’interroger sur l’importance du personnage de Lady Van Tassel : « Lady Van Tassel (...) n’est-elle pas une réincarnation de la mère à la fois chérie et niée, détentrice, à travers ses pouvoirs magiques, d’un secret des origines qui échappe à Ichabod et à ses congénères ? » Pour sa part, dans L’Écran fantastique, David Matarasso voit le cavalier sans tête comme un « fantôme castrateur » dont « la lame meurtrière (...) ne cesse de voyager symboliquement entre les mains de personnages féminins. » Deux visages juvéniles placés côte à côte, en gros plan : Johnny Depp et Christina Ricci, le couple est déjà formé. L’affiche de Sleepy Hollow mise platement sur le romantique. Visuellement, l’équilibre narratif du film n’est pas respecté : l’histoire du cavalier sans tête passe au second plan, elle est réduite à un bandeau confiné sous les visages, qui correspond d’ailleurs à une image absente du film : le cavalier galope dans un cimetière brumeux et plat, brandissant une hache, instrument plus expressif que l’épée d’ordinaire utilisée – même si la hache fait partie de son petit arsenal. Un déséquilibre cependant compensé par l’importance du texte : « La légende du cavalier sans tête », plus qu’un soustitre, devient un « sur-titre ». L’accroche, qui n’en est pas une, est placée au milieu de l’affiche (accentuant la superposition des deux parties), au-dessus du titre – auquel elle semble ainsi vouloir se substituer –, dont le graphisme imite une écriture à la plume, d’un rouge tranchant : promesse à peine dissimulée de quelques débordements sanglants – ou d’amour ? De cette affiche, il faudrait d’abord retenir ce qui n’y figure pas : l’imagerie caractéristique de Tim Burton. Le choix était pourtant vaste, entre tous les motifs proposés par le film. À commencer par l’arbre des morts, que l’affiche américaine, beaucoup plus graphique, mettait d’ailleurs en vedette avec le cavalier1. Si, pour le public anglo-saxon, la campagne publicitaire était basée sur l’image culturellement forte du cavalier sans tête imaginé par Washington Irving, pour le public français la présence d’un Johnny Depp ténébreux (loin de son personnage) est nécessaire. 1 Affiche néanmoins censurée, au grand dam de Tim Burton, la taille du cavalier sans tête ayant été réduite. 22 ■ AUTOUR DU FILM Cycles fantastiques En rendant hommage à la Hammer Films, Tim Burton place son film dans la continuité d’un fantastique gothique qui trouve sa source dans la littérature anglaise. du Dr Jekyll (1960), La Gorgone (1964) ou encore The Devil Rides Out (Les Vierges de Satan, 1968)... > De la littérature aux mythes cinématographiques Librement adapté de l’un des textes fondateurs de la littérature fantastique américaine, The Legend of Sleepy Hollow (La Légende du Val Dormant, 1820) de Washington Irving, le film de Tim Burton rend hommage, à travers de nombreuses références, à une certaine tradition du cinéma fantastique, celle du film d’horreur gothique. Le roman gothique, ou « roman noir », en tant que genre littéraire – auquel le récit d’Irving n’est qu’apparenté – a été popularisé en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec des textes tels que Le Château d’Otrante de Horace Walpole (1764), Les Mystères d’Udolphe de Ann Radcliffe (1794) ou Le Moine de Matthew Gregory Lewis (1796). Suivront les grands romans fantastiques du XIXe siècle, comme Frankenstein de Mary Shelley (1818) ou Dracula de Bram Stoker (1897). C’est toujours en Angleterre, au milieu du XX e siècle, qu’une firme de production cinématographique fondée en 1934, la Hammer, va remettre le gothique au goût du jour. Le cinéma fantastique est un genre « cyclique », qui revient régulièrement à la mode après de plus ou moins longues périodes de désintérêt du public. Dans les années trente, aux États-Unis, la Universal initie une série de films fantastiques basés sur les grandes figures, essentiellement littéraires, du genre : Frankenstein, Dracula, le Fantôme de l’Opéra, mais aussi la momie, le loup-garou, etc. La Hammer, après avoir racheté les droits de ses classiques à la Universal, décide dans les années cinquante de « donner des couleurs », grâce au Technicolor, à ces « vieux » mythes en noir et blanc. Elle lance à son tour, après avoir « testé » le public avec quelques films de science-fiction, 1 Tim Burton, Tim Burton par Tim Burton, Éditions Le Cinéphage, 2000, p 190. > La Hammer vue par Burton une série inaugurée en 1957 avec The Curse of Frankenstein (Frankenstein s’est échappé), réalisé par Terence Fisher. Fisher restera le cinéaste emblématique de la Hammer, dont il signera quelques-uns des titres-phares, parfois d’authentiques chefsd’œuvre : Le Cauchemar de Dracula (1958), Le Chien des Baskerville et La Malédiction des Pharaons (1959), Les Deux Visages « Les productions Hammer avaient une atmosphère incroyable. Elles étaient très flamboyantes et très osées (...) Une beauté saisissante s’en dégageait – les effets gore et la teinte qu’avait le sang y étant pour beaucoup. Une grande joie m’envahit quand je les revois, et c’est cette félicité que j’ai essayé de faire passer dans Sleepy Hollow.1 » Des films de la Hammer et de Fisher en particulier, Burton récupère l’aspect gothique (manoirs, brouillard, ruines, cimetières...) qui caractérisait déjà certains de ses films précédents. Le personnage d’Ichabod Crane est également inspiré des personnages interprétés par Peter Cushing dans les productions de la firme anglaise : Sherlock Holmes, bien sûr (Le Chien des Baskerville), mais aussi le Dr Frankenstein, dont les scènes d’autopsie de Sleepy Hollow évoquent les expériences. En un sens, Ichabod Crane est, 23 roidi de Lady Crane en tombe, et des litres de sang s’en échappent, rappelant aussi les flots d’hémoglobine qui se déversent de l’ascenseur du Shining de Stanley Kubrick. Et, même si Burton ne s’en réclame pas, on ne peut également s’empêcher de penser au Moulin des supplices, film d’épouvante réalisé par Giorgio Ferroni en 1960, qui se déroule presque entièrement dans un moulin hollandais finalement ravagé par les flammes. > Nouveaux cycles comme Frankenstein, un homme dévoué à la science, un observateur attentif du corps humain (version légiste) et de ses reliques, curieux de ses origines – c’est bien au mystère d’une naissance avortée, autant qu’à celui d’une mort, qu’il est par exemple confronté avec le corps d’Emily Winship. Burton place également à l’orée de son film une figure tutélaire en la personne de Christopher Lee, l’un des symboles de la Hammer grâce au personnage de Dracula (nul mieux que Christopher Lee n’a su incarner le prince des ténèbres), dans le rôle du juge qui « expédie » d’un geste autoritaire Ichabod à Sleepy Hollow. C’est quasiment une passation de pouvoir entre les deux acteurs que Burton organise, comme pour légitimer la descendance de son film et le rôle que Johnny Depp y tient, auprès de l’un des plus hauts (et des derniers) représentants d’une autorité ancestrale. On trouve également dans la distribution de Sleepy Hollow, qui mélange acteurs américains et anglais, Michael Gough, un célèbre second rôle de la Hammer, dans le rôle du notaire Hardenbrook. On peut mesurer l’héritage de la Hammer chez Tim Burton à l’aune d’une phrase de Terence Fisher : « Je n’ai jamais fait de films d’horreur, seulement des contes de fées pour adultes.2 » Prolongement du gothique « hammerien », le gothique italien est également une source d’inspiration pour Burton qui, admirateur du film de Mario Bava Le Masque du démon (La Maschera del Demonio, 1960 3), reprend le motif de la vierge de fer, cet instrument de torture moyenâgeux dont les parois internes étaient hérissées de pointes, et dans lequel les suppliciés étaient enfermés : le sarcophage s’ouvre dans un craquement sinistre, le corps La Hammer connaît son âge d’or jusqu’à la fin des années soixante. Le terme de sa grande production fantastique coïncide à peu près avec le dernier film de Terence Fisher, Frankenstein and the Monster from Hell (Frankenstein et le monstre de l’enfer, 1973). Mais la compagnie a contribué à ouvrir la voie au cinéma fantastique moderne, qu’exploreront sans tarder des cinéastes américains tels que George A. Romero, John Carpenter ou Tobe Hooper, en travaillant sur des bases plus contemporaines. Ces auteurs renouvelleront le genre, qui entrera dans une nouvelle période de déclin au milieu des années quatre-vingt, pour de nouveau connaître les faveurs du public une décennie plus tard. Des faveurs gagnées par l’usage de la parodie, du second degré, dans des films où l’humour prend souvent le pas sur la peur, comme dans la série des Scream imaginée par Wes Craven. C’est dans ce contexte que Sleepy Hollow a vu le jour. On peut aussi le rattacher à une (courte) série destinée à « restaurer » les mythes gothiques, initiée par Francis Ford Coppola cette fois, avec Bram Stoker’s Dracula (réalisé par lui-même), puis le Frankenstein, bien peu convaincant, de Kenneth Branagh, avec Robert De Niro dans le rôle de la créature. 2 Fantastyka n° 15, 3 e trimestre 1998, p. 7. 3 Le Masque du démon raconte également une histoire de sorcellerie et, de la même manière que dans le film de Bava, la sorcière essaie de se réincarner dans le corps de la princesse Katia, n’est-ce pas Lady Crane qui, dans Sleepy Hollow, revient à la vie à travers le personnage de Katrina ? Bibliographie • Mark Salisbury, Tim Burton par Tim Burton, Éditions Le Cinéphage, 2000 Un livre d’entretien avec Tim Burton, qui couvre l’ensemble de sa carrière jusqu’à Sleepy Hollow, préfacé par le fan n° 1 de Burton : Johnny Depp. • Tim Burton, La Triste Fin du petit enfant Huître et autres histoires – The Melancholy Death of Oyster Boy & Other Stories, Éditions 10/18, collection « Domaine étranger », 1998 Un recueil de 23 histoires écrites et illustrées par Burton, dans une édition bilingue. • Trois Récits fantastiques américains, édition établie et préfacée par Bernard Terramorsi, Librairie José Corti, collection « Romantique », n° 60 , 1996 Un recueil qui rassemble deux récits de Washington Irving (La Légende du Val Dormant et Rip Van Winkle) et un récit de William Austin (Peter Rugg, le disparu), qui « marquent la naissance concomitante de la littérature des États-Unis et du genre fantastique ». • Peter Lerangis, Sleepy Hollow, Éditions Pocket, 2000 La novélisation (mise en roman) du film de Tim Burton, suivie de la nouvelle originale de Washington Irving. Revues mensuelles (dossiers consacrés à Sleepy Hollow) L’Écran fantastique n° 194, février 2000 Cahiers du cinéma n° 543, février 2000 Positif n° 468, février 2000 Sites internet http://www.sleepyhollowmovie.com (le site officiel du film) http://www.timburton.com (le site officiel de Tim Burton)