L`Affaire d`Outreau

Transcription

L`Affaire d`Outreau
L’Affaire d’Outreau
Consignes : à partir du document 1, reconstituez les différentes étapes de la procédure pénale. Vous
releverez tout le vocabulaire relatif à la justice
Document 1 : article tiré du site du Nouvel Obs. : « Il y a 10 ans, débutait l'affaire Outreau »
Le 22 février 2001, s'ouvrait cette affaire qui reste aujourd'hui considérée comme un désastre judiciaire :
18 personnes mises en cause, 13 acquittées, après parfois trois ans de prison.
Déclenchée il y a dix ans, l'affaire de pédophilie d'Outreau a abouti à 13 acquittements, laissant des stigmates
sur la justice, qui a depuis introduit des réformes, et sur les innocents qui ont essayé de se reconstruire après leur
incarcération.
Le 22 février 2001, à la suite de signalements des services sociaux, le parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-deCalais) ouvrait l'information judiciaire qui, au fil des mois, aboutissait à la mise en cause de 18 personnes pour
leur participation supposée à des orgies pédophiles, impliquant une vingtaine d'enfants de la banlieue populaire
d'Outreau.
Un emballement
Tous, à une exception près, sont incarcérés et certains innocents resteront ainsi trois ans en prison. Outre les
descriptions des enfants qui se révéleront largement inventées, les accusations calomniatrices sont propagées par
Myriam Delay, qui sera finalement condamnée à 15 ans de réclusion criminelle - 20 pour son mari Thierry - pour
viols d'enfants.
Parmi les accusés figurent des personnalités bien connues localement : le prêtre ouvrier Dominique Wiel,
l'huissier Alain Marécaux, la boulangère ambulante Roselyne Godard ou le chauffeur de taxi Pierre Martel.
Instruite par le jeune juge Fabrice Burgaud, l'affaire va connaître un emballement quand, en janvier 2002, un
des accusés, Daniel Legrand en rajoute dans l'horreur en parlant d'une "fillette belge" tuée au cours d'une orgie.
Il aurait fait cet aveu fantaisiste pour faire considérer l'ensemble des accusations de Myriam Delay comme
invraisemblables : mais, dans le contexte de la terrible affaire Dutroux de l'autre côté de la frontière belge, ces
"révélations" ont été prises très au sérieux.
"Regrets et excuses"
Avant les procès, l'affaire devait faire une première victime avec la mort en prison le 9 juin 2002 du ferrailleur
de
33
ans
François
Mourmand,
à
la
suite
d'une
intoxication
médicamenteuse.
Des comités de soutien de certains accusés se sont constitués et c'est dans une ambiance passionnée que le
premier procès s'est déroulé à Boulogne entre mai et juillet 2004. D'aveux en rétractations et expertises
contradictoires, il aboutit à un verdict difficilement compréhensible de dix condamnations et sept
acquittements.
En dehors de quatre accusés - les Delay et un couple voisin de palier - qui acceptent les condamnations,
l'innocence des six autres est proclamée le 1er décembre 2005 avec éclat à l'issue du procès en appel à Paris.
Du jamais vu : le président Jacques Chirac présente ses "regrets et excuses" aux acquittés et les leçons du fiasco
sont tirées par une commission d'enquête parlementaire très médiatisée de janvier à avril 2006.
Des réformes
Cela devait aboutir à des réformes marquantes de la procédure pénale : enregistrement des interrogatoires et
auditions, présence obligatoire d'un avocat, création de pôles de l'instruction de trois juges, limitation de la
détention provisoire et renforcement du caractère contradictoire de l'instruction.
Consignes : quels sont les reproches faits à la justice ? sur quoi portent les réformes ?
Document 2 : extraits de l’article de Wikipédia « Affaire d’Outreau »
Les dysfonctionnements de la justice
D'abord concernant la justice : tous les échelons de l'appareil judiciaire sont mis en cause, surtout les pouvoirs
importants du juge d'instruction, le non-respect de la présomption d'innocence, le recours à l'emprisonnement
préventif ainsi que l'importance donnée aux expertises psychiatriques, jugée trop grande.
Les acteurs sociaux sont également mis en cause, notamment les experts psychiatriques et les professionnels
(assistants sociaux, etc.) ayant recueilli la parole de l'enfant, mais aussi les associations de protection de l'enfance
accusées de faire du lobbying et d'exercer une forte pression sur les juges en dressant le spectre du scandale.
Rappelons toutefois que selon l'Office National de la délinquance (2007) par la méthode des enquêtes de
victimisation qui permet d'appréhender la réalité des chiffres en matière criminelle, on dénombrait 475 000
personnes victimes (adultes) de violences sexuelles en France en 2005 ou 2006 dont 8 à 9 % déposent une
plainte.
Beaucoup de critiques portèrent sur l'écoute de la parole de l'enfant victime, jugée comme abusivement crue sans
précautions, telle une parole d'évangile — extrémité qui serait un retour de balancier suite à la prise de
conscience de la gravité des abus sexuels sur mineur au cours de la décennie précédente. On peut toutefois
remarquer que dans ce type d'affaire, les preuves matérielles sont rares, et les aveux des coupables extrêmement
difficiles à obtenir durant l'instruction, étant donné la gravité (aussi bien pour la loi que pour la morale) des faits.
Il ne reste donc que les témoignages des victimes, les faits se déroulant généralement en l'absence de tout témoin.
D'autres critiques portent également sur le rôle des services de police, qui ont pu prendre des libertés par rapport
à la présomption d'innocence et ont pu avoir un manque de neutralité.
Un des éléments le plus souvent mis en avant par la commission parlementaire semble être le problème de « la
solitude du juge d'instruction ». Les parlementaires ont souligné à plusieurs reprises qu'il paraissait difficile de
continuer à laisser le juge d'instruction prendre autant de décisions aussi importantes sans en référer ou au moins
en discuter avec qui que ce soit.
Un autre problème ressortant de l'audition du juge Burgaud le 8 février 2006 est celui de l'inexpérience des juges
« sortant de l'école ». Un parlementaire a ainsi indiqué qu'il lui semblait que, pour des affaires d'importance, un
délai de 5 ans d'expérience semblait être un minimum. En l'occurrence, le problème est que, dans la juridiction de
Boulogne-sur-Mer, il n'y avait que 3 juges d'instruction dont le plus expérimenté n'avait, à l'époque des faits,
qu'un an et demi d'expérience.
La pénurie de moyens, face à une judiciarisation des relations sociales, est également mise en avant : le budget de
la justice mettait la France au 29e rang européen en octobre 2006 (Commission européenne pour l'efficacité de la
justice. En octobre 2010, La France était classée 37e/43).
Procédure inquisitoire
La procédure inquisitoire de la justice française est largement remise en cause, le rôle assigné au juge d'instruction
dans celle-ci empêcherait celui-ci de faire preuve d'humanité et d'humilité. Sa position au sein de l'institution ne le
placerait pas non plus en position d'instruire à décharge les affaires qui lui sont confiées. On peut toutefois
rappeler que plus de 2 000 non-lieux ont été rendus en 2005 en France, ce qui tend à montrer qu'effectivement,
la pratique courante est d'instruire à charge et à décharge.
D'après une professeur de droit pénal comparé interrogée dans le cadre de la Commission d'enquête, la part des
dossiers pénaux traités par les juges d'instruction a de facto régressé depuis une trentaine d'années au profit des
procureurs et de leurs adjoints. Le parquet fait de plus en plus mener des enquêtes par la police et ne passe au
stade de l'instruction qu'une fois des éléments suffisamment probants — de son point de vue — obtenus.
L'institution du juge d'instruction et la procédure inquisitoire qui va avec sont donc en régression, de fait, depuis
déjà longtemps.
(…)
Réforme de la justice
Comme solution, la commission proposa :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
réformer le régime de la garde à vue
rendre les enquêtes du parquet plus contradictoires
limiter la détention provisoire
limiter l'exercice des fonctions judiciaires isolées
créer la collégialité de l'instruction
refonder la chambre de l'instruction
garantir l'accès au dossier
améliorer la qualité des expertises
mieux protéger les intérêts des enfants
redéfinir les conditions du recueil des déclarations des enfants
repenser la gestion des carrières des magistrats
responsabiliser les magistrats
responsabiliser les médias
rendre compte de la politique pénale devant le parlement
doter la justice de moyens dignes de sa mission
Les dysfonctionnements de l'« affaire d'Outreau » ont marqué l'opinion car ils ont jeté une lumière crue sur la
responsabilité d'un juge.
Les motifs de la réforme :
Il y a deux motifs principaux : les détentions provisoires ont été très longues et l'affaire a été très médiatisée. Les
pièces du dossier ont été communiquées aux avocats avec énormément de retard, des moyens médiatiques
considérables ont été utilisés, et on a pu assister à un basculement médiatique au fur et à mesure du procès.