Compétences et performance collectives en contextes extrêmes

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Compétences et performance collectives en contextes extrêmes
 APPEL À CONTRIBUTION Revue Française de Gestion Compétences et performance collectives en contextes extrêmes Rédacteurs invités Cécile Godé Tessa Melkonian Thierry Picq Date limite de soumission : Lundi 27 juillet 2015 Développer des collectifs de travail qui soient à même de mener des projets en contextes extrêmes constitue un enjeu fort pour un nombre croissant d’organisations. Un contexte peut être qualifié d’extrême lorsqu’il est simultanément marqué par l’évolutivité, l’incertitude et le danger (Bouty et al., 2012 ; Aubry et al., 2010). L’évolutivité souligne les aspects rapides, simultanés et discontinus des changements auxquels les individus font face (Wirtz et al., 2007), tout en insistant sur l’existence de décalages dynamiques par rapport à un mode de fonctionnement antérieur (Lièvre, 2005). L’incertitude renvoie à la probabilité élevée que de tels changements se produisent sans qu’il soit possible d’en déterminer le moment de survenue (Bouty et al., 2011), créant une réelle surprise pour les acteurs et nécessitant une adaptation rapide de leur part (Cunha et al., 2006 ; Weick et Sutcliffe, 2007). Enfin, les acteurs opérant dans de tels contextes sont exposés à un haut niveau de danger, référence faite à des menaces vitales (par exemple, blessures, mort), matérielles (par exemple, destruction de biens de valeur) ou symboliques (par exemple, perte de légitimité ou de leadership) (Godé et Lebraty, 2013). En contextes extrêmes, les collectifs de travail sont régulièrement confrontés à des événements imprévus. Ceux‐ci surviennent lorsque les causes et la nature du problème à traiter n’ont pas (ou mal) été anticipées par les acteurs ou lorsque celles‐ci, bien qu’anticipées, s’inscrivent dans un processus complexe et itératif qui rend difficile leur compréhension ou leur maîtrise. Les événements imprévus sont susceptibles de remettre partiellement en question les modèles d’action standard usuellement exploités par les collectifs, et exigent de leur part des capacités de décision et d’adaptation rapides afin de mener à bien leurs objectifs initiaux. En contextes extrêmes, la probabilité que des situations imprévues surviennent est forte (évolutivité et incertitude élevées). Le niveau de danger est alors lié aux capacités des acteurs à donner du sens à ces événements inattendus. Jusqu’à très récemment limitée à des organisations particulières, telles que les centrales nucléaires (voir notamment Gautherau et Hollnagel, 2005), les porte‐avions (Roberts et Weick, 1993), les services hospitaliers (Faraj et Xiao, 2006 ; Vashdi et al., 2013) ou encore les expéditions polaires (Aubry et Lièvre, 2011) et en haute montagne (Giordano et Musca, 2012), la question du management en contextes extrêmes prend tout son sens pour les organisations plus classiques. 1 Œuvrant dans un environnement socio‐économique fortement compétitif, marqué par une pression à l’innovation et des interdépendances complexes, les entreprises évoluent aussi dans des contextes changeants, incertains et dangereux (Berry, 2005 ; Melkonian et Picq, 2014). Elles doivent alors relever un enjeu majeur : développer des collectifs de travail nouveaux, plus flexibles et capables de gérer des événements imprévus, afin de mener à bien des missions nécessitant un haut degré de performance (Weick et al., 1999). Toutefois, nous savons encore peu de choses sur les mécanismes collectifs concrets à l’œuvre dans les projets menés en contextes extrêmes, tout particulièrement en termes de compétences collectives, de management de la performance et de leadership (Klein et al., 2006; Melkonian et Picq, 2010 ; Godé, 2012 ; Rouleau et al., 2014). Comment peut‐on s’organiser de façon performante pour faire face à un contexte marqué par le changement, l’incertitude et le danger permanents, et cela de façon durable ? Quels sont les dispositifs organisationnels et humains spécifiques pour répondre à ces enjeux ? Comment développer et maintenir les compétences collectives de collectifs de travail régulièrement confrontées à l’imprévu ? Quel mode de management et pratiques de leadership spécifiques doivent être déployés ? Ces interrogations, non exhaustives, nous paraissent aujourd’hui mériter l’attention des chercheurs et motivent cet appel à contributions dans la Revue Française de Gestion. Si l’essentiel des travaux menés sur ce champ sont encore anglo‐saxons, la recherche francophone en sciences de gestion portant sur les contextes extrêmes se développe (voir notamment Aubry et al., 2010 ; Aubry et Lièvre, 2011 ; Godé‐Sanchez, 2010 ; Melkonian et Picq, 2014). Ces travaux se concentrent essentiellement sur la conduite de projets « extrêmes » (pour une revue voir Lièvre et Aubry, 2014 ; Fauré et al., 2012), les conditions de la performance collective via les enjeux de coordination et de prise de décision (voir notamment Bouty et al., 2011 ; Godé et Lebraty, 2013), le développement des compétences collectives (voir notamment Melkonian et Picq, 2010 ; Godé, 2012). Afin de continuer les efforts de recherche autour des enjeux spécifiques portés par les contextes extrêmes, la Revue Française de Gestion se saisit de cette problématique des sciences de gestion et invite les contributions pratiques et empiriques cherchant notamment à éclairer les questions suivantes : – Quelles conditions de la performance collective en contextes extrêmes ? Comment mesurer la performance des collectifs de travail en contextes extrêmes ? – Quel leadership pour les organisations opérant en contextes extrêmes ? – Quelles modalités de coordination et/ou de décision pour l’action collective en contextes extrêmes ? – Quels modes de gestion des expériences et des compétences en contextes extrêmes ? Quelle régulation du stress et des risques psycho‐sociaux afin de maintenir la performance collective en contextes extrêmes ? – Le management en contextes extrêmes s’apprend‐il ? – Que peut apprendre l’entreprise d’organisations qui opèrent par nature dans des contextes extrêmes ? Ces questions ne sont bien entendu pas limitatives et les rédacteurs invités encouragent la diversité des approches méthodologiques, conceptuelles et empiriques entrant dans le champ du management en contextes extrêmes et permettant d’accroître les connaissances relatives à ce sujet. De même, les terrains éventuellement mobilisés peuvent se situer dans des environnements organisationnels très variés (entreprises, police, armée, sports extrêmes, premiers secours, urgences, projets d‘expéditions…) 2 Modalités de soumission Les articles doivent être déposés avant le 27 juillet 2015 sur le site internet de la RFG http://rfg.revuesonline.com/appel.jsp (« soumettre votre article en ligne ») en mentionnant dans la lettre d’accompagnement le titre du dossier : « Dossier RFG – contextes extrêmes ». Ils devront respecter les consignes de la RFG disponibles sur : http://rfg.revuesonline.com. Tous les manuscrits soumis dans le cadre de cet appel à contribution feront l’objet d’une évaluation en « double aveugle ». Bibliographie indicative Aubry, M. et Lièvre, P. (2011), Gestion de projet et expéditions polaires : que pouvons‐nous apprendre, Presses Universitaires du Québec, Montréal. Aubry, M., Lièvre, P. et Hobbs, B. (2010), “Project management in extreme environments”, Project Management Journal, Vol. 41, N°3, p. 2–4. Berry M. (2005). Management de l’extrême. Tome 1. Editions Autrement, Paris. Bouty, I., Godé, C., Drucker‐Godard, C., Nizet, J. Pichault, F. et Lièvre, P. (2011), « Les pratiques de coordination en situations extrêmes », Management & Avenir, cahier spécial « Les pratiques de coordination en environnement extrême », Vol. 10, N°41, p. 387‐393. Bouty, I., Godé, C., Drucker‐Godard, C., Nizet, J. Pichault, F. et Lièvre, P. (2012), “Coordination practices in extreme situations”, European Management Journal, Vol. 30, p. 475‐489. Cunha, M. P. E., Clegg, S. R. et Kamoche, K. (2006), “Surprises in management and organization: Concept, sources and a typology”, British Journal of Management, Vol. 17, N°4, p. 317–329. Faraj S. et Y. Xiao (2006), "Coordination in fast‐response organizations". Management Science, Vol. 52, N°8, p. 1155‐1169. Fauré B., Giordano Y., Musca G. et Rouleau L. (2012), “(Re)constructing projects through communication: A practice ‐based view of the Darwin Climbing Expedition in Patagonia”, 4th International Symposium on Process Organization Studies (PROS), Kos (Greece), 21‐23 June. Gauthereau V., et Hollnagel E. (2005), “Planning, Control, and Adaptation: A Case Study”, European Management Journal, Vol. 23, N°1, p. 118‐131. Giordano Y. et Musca G. (2012), « Les alpinistes dans l'imprévu : pour une approche naturaliste de la décision ? », Revue française de gestion, Vol. N° 225, p. 83‐107 Godé, C. et Lebraty, F. (2013), “Improving decision making in extreme situations: The case of a military Decision Support System”, International Journal of Technology and Human Interaction, Vol. 9, N°1, p. 1‐17 Godé, C. (2012), « Développer les compétences collectives à partir des pratiques de retour d’expérience « à chaud » : le cas de l’Equipe de Voltige de l’Armée de l’air », Revue Française de Gestion, Vol. 38, N°223, p. 167‐180. Godé‐Sanchez, C. (2010), “Leveraging coordination in project‐based activities: What can we learn from military teamwork?”, Project Management Journal, Vol. 41, N°3, p. 69‐78. Klein K.J., Ziegert J.C., Knight A.P. et Xiao Y. (2006), “Dynamic delegation: shared, hierarchical and deindividualized leadership in extreme action teams”, Administrative Science Quarterly, Vol. 51, p. 560‐621. Lièvre, P. (2005), Vers une logistique des situations extrêmes, de la logistique de projet du point de vue d’une épistémologie de l’activité d’une expédition polaire, HDR, Université Aix Marseille II. Melkonian T. et Picq, T. (2014), « De la gestion de crise ponctuelle à l’action continue en contexte extrême : Détour par le cas des Forces Spéciales de l’Armée Française », In Denis J‐P., Hafsi T., Martinet, A‐C. and Tannery F. M. (Eds) Encyclopédie de la stratégie, Editions Vuibert, Paris, p. 631‐
644. 3 Melkonian, T. et T., Picq. (2010) “Opening the black box of collective competence in extreme projects: Lessons from the French Special Forces”, Project Management Journal, Vol.41, N° 3, p. 79‐
90. Rouleau L., Musca G., Perez, M. et Giordano, Y. (2014), "The 'Darwin' Mountaineering Expedition in Patagonia: A Case of Successful Leadership Failure", in : Giannantonio C.C. & A.E. Hurley‐Hanson (Eds.), Extreme Leadership: Leaders, Teams and Situations Outside the Norm, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, p. 62‐71. Vashdi, D. R., Bamberger, P. A., et Erez, M. (2013), “Can surgical teams ever learn? The role of coordination, complexity, and transitivity in action team learning”, Academy of Management Journal, Vol. 56, N°4, p. 945–971. Weick K. E. et Roberts, K., H. (1993), “Collective Mind in Organizations: Heedful Interrelating on Flight Decks”, Administrative Science Quarterly, Vol. 38, N°3, p. 357‐381. Weick, K. E., Sutcliffe K. M. et Obstefeld, D. (1999), “Organizing for high reliability: Processes of Collective Mindfulness”, In B.M. Staw & R. Sutton (Eds.), Research in Organizational Behavior, 23, Greenwich, CT: JAI Press, p. 81–123. Wirtz, B. W., Mathieu, A. et Schilke, O. (2007), “Strategy in High‐Velocity Environments”, Long Range Planning, Vol. 40, N° 3, p. 295‐313. 4