Projet de loi - relative au transfert de propriété à titre de garantie

Transcription

Projet de loi - relative au transfert de propriété à titre de garantie
Projet de loi
- relative au transfert de propriété à titre de garantie
- modifiant et complétant la loi du 21 décembre 1994 relative aux
opérations de mise en pension effectuées par des établissements de crédit
- modifiant et complétant la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur
financier
- modifiant et complétant la loi du 21 juin 1984 relative aux marchés à
terme traités en Bourse de Luxembourg et aux marchés à terme dans
lesquels intervient un établissement de crédit
(28.7.2000)
TEXTE DU PROJET
Chapitre I. Transfert de propriété à titre de garantie
Art. 1.- Champ d'application
(1) La présente loi s'applique aux opérations de transfert de propriété à titre de garantie, y
compris par voie fiduciaire, (i) de valeurs dont le cédant ou le cessionnaire ou les deux sont
constitués ou établis au Luxembourg ou de valeurs inscrites dans un compte au Luxembourg
ou situées au Luxembourg, et (ii) dans lesquelles le cédant ou le cessionnaire ou les deux
sont des établissements de crédit, des autres professionnels du secteur financier, des
organismes de placement collectif, des sociétés de gestion de fonds commun de placement,
des fonds de pension, des entreprises d'assurance ou de réassurance, des établissements
commerciaux ou industriels bénéficiant d'un accès professionnel au marché financier ou
encore des organismes nationaux ou internationaux à caractère public opérant dans le
secteur financier.
(2) La présente loi s'applique également aux opérations de transfert de propriété à titre de
garantie de valeurs reprises au paragraphe précédent, dans lesquelles le cessionnaire est un
organisme dont l'objet est limité à la titrisation et aux activités y liées ou un tiers agissant au
bénéfice des personnes acquérant des titres émis par un tel organisme.
Art. 2.- Définitions
(1) Les opérations visées à l'article 1 sont celles qui consistent dans le transfert de la
propriété de valeurs par le cédant au cessionnaire en vue de garantir les obligations présentes
ou futures du cédant ou d'un tiers envers le cessionnaire et qui comprennent un engagement
du cessionnaire de retransférer les valeurs transférées ou d'autres valeurs équivalentes selon
la convention des parties, sauf en cas d'inexécution totale ou partielle des obligations
garanties.
Elles consistent également dans le transfert de la propriété de valeurs destinées à assurer, en
cours de contrat, l'équilibre convenu entre les prestations des parties, soit pour une opération
déterminée, soit globalement pour tout ou partie des opérations entre les cocontractants.
1
La loi s'applique aux valeurs substituées ou ajoutées en cours de contrat aux valeurs
transférées initialement, indépendamment de l'époque de cette substitution ou addition.
(2) Sont des valeurs au sens de la présente loi, les créances, les instruments repris à la
section B de l'annexe II de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier y
compris les valeurs mobilières telles que définies à l'article 112 du Code de Commerce, les
instruments financiers au sens le plus large et plus généralement toutes valeurs pouvant être
inscrites et transférées de compte à compte.
Art. 3.- Régime juridique
(1) Le transfert de propriété à titre de garantie portant sur des valeurs est réputé acte de
commerce.
Le transfert de propriété à titre de garantie de valeurs inscrites en compte autres que des
créances, prend effet entre parties au plus tard et devient opposable aux tiers lors de
l'inscription dans un compte ouvert au nom du cessionnaire ou d'un tiers convenu agissant
au profit du cessionnaire ou de leur désignation, dans un compte ouvert au nom du cédant,
comme étant la propriété du cessionnaire.
Le transfert de propriété à titre de garantie de valeurs non inscrites en compte ou de créances
prend effet entre parties et devient opposable aux tiers dès l'accord des parties. Néanmoins,
le débiteur d'une créance cédée se libère valablement entre les mains du cédant tant qu'il n'a
pas connaissance du transfert de sa dette au cessionnaire.
(2) En cas d'inexécution totale ou partielle des obligations garanties, le cessionnaire est
libéré de son obligation de retransfert à concurrence de sa créance sur le cédant ou le tiers
garanti selon les modalités d'extinction ou de compensation convenues entre les parties, et,
sauf convention contraire, sans mise en demeure préalable.
(3) Le transfert de propriété à titre de garantie de valeurs, ainsi que les conditions de
résiliation des conventions prévoyant les obligations garanties, les modalités d'évaluation et
de compensation convenues entre les parties sont valables et opposables aux tiers,
commissaires, curateurs, liquidateurs et autres organes similaires nonobstant la faillite, la
liquidation ou la survenance de toute autre situation de concours ou procédure
d'assainissement, nationale ou étrangère, de l'une des parties.
La résiliation, l'évaluation et la compensation effectuées en raison d'une voie d'exécution ou
d'une mesure conservatoire sont réputées intervenues avant une telle procédure.
Les dispositions du Livre III, Titre XVII du Code Civil, du Livre Ier, Titre VIII et du Livre
III du Code de commerce et les dispositions nationales ou étrangères similaires régissant les
situations de concours ou procédures d'assainissement du cédant ou du cessionnaire ne font
obstacle ni à l'application de la présente loi ni à l'exécution par les parties de leurs
obligations en rapport avec les valeurs transférées en propriété à titre de garantie.
(4) Les actes constatant un transfert de propriété à titre de garantie ne sont pas soumis aux
formalités de l'enregistrement. Ils sont enregistrés au droit fixe s'ils sont présentés à la
formalité de l'enregistrement ou invoqués en justice.
Chapitre II. Mise en pension
Art. 4.- La loi du 21 décembre 1994 relative aux opérations de mise en pension effectuées
par des établissements de crédit est modifiée comme suit:
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(1) Le titre de la loi est modifié comme suit: "Loi du 21 décembre 1994 relative aux
opérations de mise en pension".
(2) L'article 1er est modifié comme suit: "La présente loi s'applique aux opérations de mise
en pension dans lesquelles le cessionnaire ou le cédant ou les deux sont des établissements
de crédit, des autres professionnels du secteur financier, des organismes de placement
collectif, des sociétés de gestion de fonds commun de placement, des fonds de pension, des
entreprises d'assurance ou de réassurance, des établissements commerciaux ou industriels
bénéficiant d'un accès professionnel au marché financier ou encore des organismes
nationaux ou internationaux à caractère public opérant dans le secteur financier."
(3) Le paragraphe 2 de l'article 3 est modifié comme suit: "2. L'ouverture d'une faillite,
liquidation ou toute autre situation de concours ou procédure d'assainissement, nationale ou
étrangère, relativement à l'une ou l'autre des parties à l'opération de mise en pension,
intervenue après la cession du bien du cédant au cessionnaire, ne dispense pas les parties
d'effectuer la rétrocession aux conditions convenues. Toutefois, si la rétrocession ne peut
plus s'effectuer aux conditions convenues, la faillite, liquidation ou autre situation de
concours ou procédure d'assainissement libère les deux parties de leurs obligations
respectives."
Chapitre III. Compensation
Art. 5.- La loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier est modifiée et
complétée comme suit:
(1) Il est inséré à l'article 60 un paragraphe 6bis libellé comme suit:
"(6bis) Les paiements, opérations et autres actes, y compris ceux relatifs à la constitution et
à la réalisation de sûretés effectués par un établissement visé par le présent article et les
paiements faits à un tel établissement le jour du dépôt ou, le cas échéant, de la notification
du dépôt de la requête visée aux paragraphes précédents, sont valables et opposables aux
tiers, à l'établissement et aux commissaires, s'ils précèdent le dépôt ou, le cas échéant, la
notification du dépôt de la requête, ou s'ils ont été effectués dans l'ignorance de ce dépôt ou
de cette notification."
(2) Les paragraphes (1) et (2) de l'article 61-1 sont remplacés comme suit :
« (1) Les compensations entre créances, opérées en cas de faillite, de liquidation ou de toute
autre situation de concours ou procédure d'assainissement, sont valables et opposables aux
tiers, aux commissaires, aux curateurs et aux liquidateurs, quels que soient les dates
d'exigibilité, leurs objets ou les monnaies dans lesquelles elles sont libellées, à condition
qu'elles résultent d'opérations qui font l'objet de conventions ou de clauses de compensation
bilatérales ou multilatérales entre deux ou plusieurs parties qui doivent nécessairement être
des établissements de crédit, d'autres professionnels du secteur financier, des organismes de
placement collectif, des sociétés de gestion de fonds commun de placement, des fonds de
pension, des entreprises d'assurance ou de réassurance, des établissements commerciaux ou
industriels bénéficiant d'un accès professionnel au marché financier ou encore des
organismes nationaux ou internationaux à caractère public opérant dans le secteur financier.
La résiliation, l'évaluation et la compensation effectuées en raison d'une voie d'exécution ou
d'une mesure conservatoire sont réputées intervenues avant une telle procédure. Ces
compensations sont également valables et opposables lorsqu'elles sont effectuées par
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l'intervention d'organismes à caractère public ou de professionnels du secteur financier
chargés de la compensation et du règlement de paiements ou d'opérations financières, à
condition que les parties à ces compensations soient des personnes énumérées au présent
paragraphe.
(2) Les clauses de connexité entre créances ainsi que les clauses de résolution, de résiliation,
d'indivisibilité, d'exigence de marges de couverture, de substitution, de déchéance du terme,
les modalités d'évaluation et de compensation et toutes autres clauses stipulées pour
permettre les compensations visées au paragraphe précédent sont également valables et
opposables aux tiers, aux commissaires, aux curateurs et aux liquidateurs ou autres organes
similaires, et trouvent effet même après la faillite, la liquidation, la situation de concours ou
procédure d'assainissement, indépendamment du moment où ces clauses, y compris de
compensation, ont été convenues ou exécutées."
(3) Le paragraphe (3) de l'article 61-1 est abrogé.
Chapitre IV.- Marchés à terme
Art. 6.- La loi du 21 juin 1984 relative aux marchés à terme traités en Bourse de
Luxembourg et aux marchés à terme dans lesquels intervient un établissement de crédit est
modifiée comme suit:
(1) Le titre de la loi est modifié comme suit: "Loi du 21 juin 1984 relative aux marchés à
terme."
(2) Le texte de l'article 1er est remplacé comme suit:
« (1) La présente loi s'applique à tous les marchés à terme traités en bourse ou sur un marché
réglementé et aux marchés à terme dans lesquels intervient un établissement de crédit, un
autre professionnel du secteur financier, un organisme de placement collectif, une société de
gestion de fonds commun de placement, un fonds de pension, une entreprise d'assurance ou
de réassurance, un établissement commercial ou industriel bénéficiant d'un accès
professionnel au marché financier ou encore un organisme national ou international à
caractère public opérant dans le secteur financier.
(2) Les marchés à terme visés par la présente loi sont ceux qui portent sur une quantité
déterminée de biens fongibles, tels que devises, métaux précieux, marchandises, droits ou
autres valeurs quelconques ainsi que ceux qui portent sur des instruments financiers au sens
le plus large. »
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EXPOSE DES MOTIFS
Le transfert de propriété à titre de garantie est une technique de garantie très ancienne. Ainsi
les Romains connaissaient la fiducia cum creditore par laquelle un débiteur aliénait à son
créancier un objet corporel, selon un mode solennel de transfert de propriété; à cette
aliénation était joint un pacte mettant à la charge du créancier l'obligation de retransférer le
bien lorsque la garantie n'avait plus lieu de jouer (C. Witz, Les transferts fiduciaires à titre
de garantie, in Les opérations fiduciaires, Féducie-LGDJ, p.55 et s.). Cette technique de
garantie, si elle a disparu pendant un certain temps, est néanmoins réapparue dans nos pays
voisins au cours du siècle dernier.
Ainsi le droit allemand connaît la Sicherungsabtretung dérivée du §398 BGB et la
Sicherungsübereignung (§ 930 BGB) comme technique de sûreté courante.
En France, la cession de propriété à titre de garantie a été introduite pour encourager les
banques à accorder du crédit à des taux compétitifs aux entreprises en obtenant comme
garantie les factures de l'emprunteur sur leurs clients. La loi n° 81-1 du 2 janvier 1981
facilitant le crédit aux entreprises (dite loi Dailly) permet ainsi aux entreprises de céder à
titre de garantie leurs créances professionnelles contre l'octroi de crédits.
Les auteurs français et allemands, qui ont commenté les textes précités, se réfèrent
invariablement au concept de fiducie ("fiduziarisches Rechtsverhältnis") pour expliquer le
transfert de propriété à titre de garantie.
Au Luxembourg la loi du 21 décembre 1994 relative aux opérations de mise en pension
effectuées par les établissements de crédit a introduit un type de transfert de propriété à titre
de garantie. Cette opération consiste en une vente au comptant d'un bien avec engagement
ou option pour le cédant de racheter le bien en question à terme convenu à un prix convenu
d'avance. La mise en pension s'analyse donc en une double vente.
Le transfert de propriété visé principalement par le présent projet de loi, est pratiqué au
Luxembourg par le recours à la fiducie, qu'elle soit soumise au règlement grand-ducal du 19
juillet 1983 relatif aux contrats fiduciaires des établissements de crédit ou non. Cette
technique permet au fiduciaire de se payer, en cas de défaillance du fiduciant, en
compensant sa créance avec les avoirs fiduciaires suivant les termes convenus avec le
débiteur, sans le concours des créanciers du débiteur. Le fiduciaire, en tant que propriétaire,
peut disposer des avoirs fiduciaires sous réserve de son obligation de restitution éventuelle
en fin de contrat. Ceci permet en principe de réduire le coût du crédit.
Or la validité du transfert de propriété à titre de garantie fait l'objet de controverses dans nos
pays voisins. Pour certains ce serait un moyen frauduleux de contourner les règles
impératives du gage, pour d'autres un transfert simulé. Ces objections ne devraient
cependant, avec l'assouplissement de la législation sur le gage et au vu de l'existence de la
fiducie, pas être retenues à Luxembourg.
Un récent arrêt de la Cour de cassation belge (Cass. 17 octobre 1996 CGER / Centre
régional d'action culturelle du Sart-Tilman, JLMB, 97/209) a pu semer une certaine
confusion même, si pour les raisons développées ci-dessus, cette décision n'est pas
nécessairement transposable au Luxembourg. La décision a retenu, au sujet d'une cession de
créance à titre de garantie, que celle-ci était inopposable aux créanciers en concours d'une
entreprise en faillite comme constituant une convention créant une sûreté réelle non prévue
par la loi.
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Outre que le transfert de propriété à titre de garantie constitue une technique intéressante de
mobilisation de crédit à taux réduit, elle constitue aujourd'hui la technique de sûreté la plus
communément utilisée dans les marchés financiers internationaux.
Ainsi, elle trouve application, par exemple, dans certains contrats à terme d'échange de taux
d'intérêt ou de devises à travers la Credit Support Annex (CSA) de l'International Swaps and
Derivatives Association (ISDA). De même, elle est prévue dans le contrat-cadre de
l'International Securities Lenders Association (ISLA), appelé Overseas Securities Lenders’
Agreement (OSLA) en vue de garantir les engagements de l'emprunteur dans une opération
de prêt d'instruments financiers. Cette technique est également utilisée dans les systèmes de
paiement avec contrepartie centrale tels que le système anglais de règlement de contrats à
terme sur devises appelé "ECHO netting".
Il est dès lors indispensable que les professionnels de la finance à Luxembourg puissent
utilement participer à ces contrats.
Plus généralement y a-t-il lieu d'adapter notre loi à la pratique internationale afin de
maintenir la compétitivité de notre place financière. La sécurité juridique est un moteur
incontournable au développement de la place au même titre que l'incertitude juridique
constitue un frein à ce développement.
La France et la Belgique ont déjà réagi en introduisant une législation particulière sur le
sujet pour le domaine financier, législation dont le présent projet s'inspire d'ailleurs
largement.
Ainsi la France a, outre la loi Dailly précitée, légalisé la remise en pleine propriété à titre de
garantie dans le contexte de conventions-cadres à l'article 52 de sa loi n° 96- 597 du 2 juillet
1996 de modernisation des activités financières. Depuis une loi du 15 juillet 1998 la
Belgique admet cette pratique plus largement dans le cadre de contrats conclus avec des
professionnels du secteur financier.
La constitution et la réalisation des sûretés étant régies par la lex rei sitae et le Luxembourg
étant, notamment par la présence d'un important organisme de clearing, un centre majeur de
dépôts de titres et d'instruments financiers il a également fallu veiller à conférer aux parties à
des conventions impliquant des avoirs situés au Luxembourg, la sécurité juridique requise.
A l'instar des lois belges et françaises le présent projet vise à confirmer la validité et
l'opposabilité aux tiers de transferts de propriété à titre de garantie de valeurs tant en
situation ordinaire qu'en situation de faillite. Dans ce dernier cas, le créancier pourra réaliser
sa sûreté par voie de compensation telle que conventionnellement arrêtée nonobstant toute
situation de concours ou d'assainissement.
Dans le souci d'assurer la cohérence des textes applicables sur la place financière, il y a lieu
d'adapter la loi sur les opérations de mise en pension, les articles de la loi du 5 avril 1993 au
secteur financier concernant la compensation ainsi que la législation sur les marchés à terme
qui contiennent des dispositions intimement liées à celles reprises au projet sur le transfert
de propriété à titre de garantie.
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COMMENTAIRE DES ARTICLES
Chapitre I.
Transfert de propriété à titre de garantie
Article 1
Champ d'application
1. Le premier paragraphe définit deux conditions à l'applicabilité de loi:
- La première condition contient deux options qui peuvent d'ailleurs exister cumulativement:
soit (a) le cédant ou le cessionnaire sont constitués ou établis à Luxembourg c'est-à-dire sont
ou bien des entités de droit luxembourgeois ou des succursales d'entités étrangères établies
au Luxembourg, soit (b) les valeurs faisant l'objet du transfert de propriété sont situées à
Luxembourg (ex. le débiteur de la créance cédée régie par le droit luxembourgeois se trouve
à Luxembourg) ou inscrites dans un compte à Luxembourg.
Cette dernière sous-option est à rapprocher des dispositions de notre législation relatives à la
circulation des titres ainsi que de celles de la directive 98/26/CE concernant le caractère
définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur
titres (la "Directive") qui conditionnent l'applicabilité de la loi luxembourgeoise à la
situation au Luxembourg du compte dans lequel des titres ou créances sont inscrits.
- La deuxième condition exige que l'une des parties au contrat, c'est-à-dire le cédant ou le
cessionnaire soit un professionnel de la finance luxembourgeois ou étranger. Le projet de loi
reprend la liste des professionnels contenue à l'article 61-1 de la loi du 5 avril 1993 relative
au secteur financier tout en la complétant par les fonds de pension récemment introduits
dans le droit luxembourgeois, les assurances et les réassurances qui sont des acteurs
importants du secteur financier par la grande masse des réserves qu'ils gèrent et par un
renvoi aux organismes nationaux à caractère public opérant dans le secteur financier tels la
Banque Centrale du Luxembourg et l'Office du Ducroire.
La législation sur la fiducie ne se référant pas expressément à la fiducie-sûreté il a paru utile
de préciser que la technique de transfert de propriété peut être une fiducie.
2. Le deuxième paragraphe vise à faire entrer dans le champ d'application de la loi des
entités impliquées dans des opérations de titrisation que le Luxembourg entend promouvoir
dans le cadre de sa politique de diversification des activités de la place.
Ainsi la loi s'applique également si le bénéficiaire du transfert est un véhicule de titrisation
ou un tiers, généralement un représentant des obligataires ou trustee, qui bénéficiera de la
garantie créée par le transfert de propriété à titre de garantie, pour compte des porteurs des
titres émis par le véhicule de titrisation pour financer l'acquisition du sous-jacent aux titres.
Article 2
Définitions
1. Le paragraphe 1 définit l'opération de transfert comme une technique ayant pour objet de
garantir les obligations existant au moment du transfert ou les obligations futures du cédant
lui-même face au cessionnaire ou celles d'un tiers pour le compte duquel le cédant s'engage
face au cessionnaire. Il s'agit cependant d'un véritable transfert de propriété avec comme
corollaire que le cessionnaire a le droit de disposer librement des avoirs cédés. Le
cessionnaire peut ainsi vendre les valeurs à lui cédées à un tiers et le cédant n'aura aucun
droit de suite ou autre droit contre ce tiers.
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Le transfert ayant pour objet la garantie de certains engagements, les biens cédés devront
retourner au cédant une fois que les engagements garantis auront été honorés.
En principe le cessionnaire transférera au cédant les valeurs qui lui auront été préalablement
transférées, mais le cessionnaire pourra se libérer en restituant des valeurs équivalentes c'està-dire présentant les mêmes caractéristiques ou qui sont de même valeur (ex. des espèces).
De telles conventions de restitution par équivalent se retrouvent notamment dans les accords
ISDA et OSLA précités.
Les parties pourront s'accorder de bonne foi sur ce qu'elles considèrent comme étant
équivalent pour les besoins de leur convention. L'équivalence pourra exister au moment de
la conclusion de la convention (ex. en cas d'obligation alternative de restitution) ou au
moment du dénouement du contrat.
Le cessionnaire sera en tout ou en partie dispensé de son obligation de retransfert en cas de
défaillance totale ou partielle du cédant ou du tiers débiteur-garanti. Dans ce cas le
cessionnaire pourra procéder à la compensation suivant les modalités convenues tel que
précisé à l'article 3, paragraphe 2.
Dans le souci d'assurer au cessionnaire à tout moment une couverture adéquate et au cédant
une certaine flexibilité quant aux avoirs transférés, le texte prévoit que le transfert couvre,
sans qu'il n'y ait lieu de conclure un nouveau contrat, d'une part les valeurs supplémentaires
que le cédant aura transférées au cessionnaire, généralement suite à un appel de marges,
pour couvrir l'insuffisance de garantie née du fait de l'augmentation des créances garanties
ou à la diminution de valeur des avoirs transférés et d'autre part les valeurs qui auront été
transférées par le cédant au cessionnaire en remplacement d'autres avoirs antérieurement
transférés. Le texte permet ainsi la même flexibilité que l'actuelle législation
luxembourgeoise sur le gage.
2. Les valeurs pouvant faire l'objet d'un transfert de propriété sont les créances (ex. loyers),
les valeurs mobilières, les instruments financiers au sens le plus large et généralement toutes
valeurs pouvant être transférées de compte à compte.
En raison de la multitude des instruments financiers sur le marché et de la tendance du
marché à créer régulièrement de nouveaux instruments, il est apparu préférable de faire
référence aux instruments financiers au sens large plutôt que d'établir une longue liste
d'instruments qui de toute façon n'aurait pu être qu'exemplative. Ainsi le texte couvre les
options, les futurs, les FRA, les swaps, les instruments relatifs à des sous-jacents financiers,
à des indices, à des matières premières, à des matières précieuses, à des denrées, à de
l'énergie, à des biens immobiliers ou mobiliers, ou à d’autres marchandises. On pourra
notamment se référer à certaines dispositions législatives belges qui contiennent des listes
non limitatives d'instruments financiers (ex. arrêté royal du 22 décembre 1995 relatif à la
création et à l'organisation de la Bourse belge des futurs et options).
Article 3
Régime juridique
1. La première phrase du paragraphe 1 de l'article 3 établit la nature commerciale du
transfert de propriété à titre de garantie par analogie à ce que l'article 112 du Code de
commerce prévoit pour le gage.
Dans un souci de sécurité juridique indispensable notamment au niveau du fonctionnement
des banques centrales et des systèmes de paiement ou de règlement des opérations sur titres,
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il s'est avéré important de définir le moment ultime où, à Luxembourg, le transfert de
propriété de valeurs inscrites en compte a lieu en faveur du cessionnaire, ce qui en matière
de titres fongibles est, en droit luxembourgeois, en principe le moment où les titres cédés
sont inscrits en compte du cessionnaire ou d'un tiers convenu.
L'exigence de cette précision résulte de l'article 9.2. de la Directive qui dispose comme suit:
"Lorsque des titres (y compris les droits sur des titres) sont constitués en garantie au
bénéfice de participants et / ou de banques centrales des États membres ou de la future
Banque centrale européenne (…), et que leur droit (ou celui de tout mandataire, agent ou
tiers agissant pour leur compte) relatif aux titres est inscrit légalement dans un registre, un
compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé situé dans un État membre, la
détermination des droits de ces entités en tant que titulaires de la garantie relative à ces
titres est régie par la législation de cet État membre."
Il faut également définir le moment de l'opposabilité du transfert de propriété à titre de
garantie et de ses modalités aux tiers tout en protégeant le débiteur cédé ignorant.
Le texte reprend pour l'essentiel les conditions posées dans notre législation sur le gage,
sinon les principes dégagés par les lois française et belge en la matière.
2. Le deuxième paragraphe confirme que si le cédant ou débiteur garanti ne satisfait pas à
ses obligations le cessionnaire est libéré de l'obligation de retransfert et la compensation
avec les créances garanties peut être effectuée selon les modalités conventionnellement
arrêtées, sans qu'il n'y ait lieu au préalable de procéder à une mise en demeure. Les montants
souvent impliqués dans les transactions financières et les fluctuations importantes que
peuvent connaître les marchés sur un court laps de temps ne s'accommodent pas de délais
d'attente, mais exigent une action immédiate afin de réduire les risques de pertes.
La compensation s'effectue entre la créance du cessionnaire et la valeur des actifs qui lui ont
été transférés telle que celle-ci s'exprime dans la dette de retransfert du cessionnaire.
3. En harmonie avec le droit français et belge en la matière et dans l'esprit de la Directive, le
projet de loi prévoit que, pour assurer aux acteurs du marché la sécurité indispensable à leurs
affaires et pour éviter des risques systémiques non négligeables dus à l'interrelation étroite
entre les opérateurs du marché, les dispositions sur la faillite et la gestion contrôlée ou
relatives à des procédures similaires, auxquelles le cédant ou le cessionnaire pourraient être
soumis, ne font pas obstacle aux droits du cessionnaire à une éventuelle compensation, le
cessionnaire restant corrélativement tenu à son obligation de retransfert selon les termes de
son contrat.
Ainsi il est prévu que le transfert de propriété ne pourra être considéré comme une sûreté
pour dettes antérieurement contractées ou un paiement par compensation ou autrement qu'en
espèces contraire aux dispositions du Code de commerce. Il est de même précisé que le
transfert de propriété à titre de garantie est à traiter comme une technique à part et ne relève
pas du gage.
Les dispositions de l'article 448 du Code de commerce sur la fraude aux droits des
créanciers sont également écartées, celles de l'article 1167 du Code civil (action paulienne)
restant cependant d'application.
La suite logique de l'exclusion des règles sur la faillite, afin d'assurer le bon fonctionnement
du marché, est l'exclusion des perturbations pouvant naître suite à une voie d'exécution ou
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une mesure conservatoire, telle une saisie-arrêt. A l'instar de la loi française le projet légalise
les clauses contractuelles qui prévoient qu'une saisie est à assimiler à une défaillance
entraînant une compensation automatique. La compensation n'étant plus possible après
saisie il est prévu que dans un tel cas la compensation est censée avoir eu lieu avant la saisie.
4. Le quatrième paragraphe de l'article 3 étend aux transferts de propriété à titre de garantie
le régime applicable à la cession de créance et au gage tel que défini à l'article VII de la loi
du 21 décembre 1994 modifiant certaines dispositions légales relatives au transfert des
créances et au gage. Ainsi les actes constatant un tel transfert sont soumis au seul droit fixe
s'ils font l'objet d'un enregistrement.
Chapitre II.
Mise en pension
Article 4
L'article 4 a pour objectif d'harmoniser la loi du 21 décembre 1994 relative aux opérations
de mise en pension effectuées par les établissements de crédit avec le texte qui précède en
élargissant, d'une part, son champ d'application aux professionnels de la finance repris dans
la législation sur la compensation et sur le transfert de propriété à titre de garantie (voir
Article 1(1) ci-dessus) et en faisant, d'autre part, une référence aux procédures de concours
et d'assainissement, nationales ou étrangères, pouvant affecter ces entités.
Le texte ne couvrant désormais plus seulement les établissements de crédit il y a lieu
d'adapter le titre de la loi.
Chapitre III.
Compensation
Article 5
Le premier paragraphe de l'article 5 vise à clarifier une ambiguïté qui a pu naître en raison
de l'emplacement dans la loi du 5 avril 1993 du paragraphe (2bis) de l'article 61 relatif à la
liquidation, qui pourrait faire penser, contrairement à l'intention existante, que la situation de
sursis de paiement et de gestion contrôlée n'est pas visée. Le texte proposé pour l'article
60(6bis) est identique à celui de l'article 61(2bis) sauf à tenir compte de la procédure
particulière prévue à l'article 60.
Les paragraphes 2 et 3 mettent l'article 61-1 en harmonie avec les textes sur le transfert de
propriété à titre de garantie et sur la mise en pension en adaptant la liste des professionnels
de la finance visés, et en excluant les règles particulières de la législation sur les situations
de concours et d'assainissement ainsi que les voies d'exécution et les mesures conservatoires.
La France et la Belgique ont pris sur ce point une approche identique.
Le renvoi aux exigences de marge de couverture et aux clauses de substitution à l'article 611(2) vise à couvrir, pour le netting de paiement, les circonstances reprises à l'article 2(1)
alinéas 2 et 3 du texte sur le transfert de propriété à titre de garantie
Chapitre IV.
Marchés à terme
Article 6
Les textes précités couvrent les situations de garantie dans le contexte d'opérations sur titres
et sur instruments financiers conclus par des professionnels de la finance. Ces instruments
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financiers se caractérisent généralement par le fait qu'ils se dénouent à terme. Il est donc
apparu nécessaire, afin d'éviter des ambiguïtés, d'élargir le champ d'application de la loi du
21 juin 1984 sur les transactions à terme à l'ensemble des professionnels visés dans des lois
connexes.
La diversité des instruments financiers fait qu'une référence à la Bourse de Luxembourg est
devenue insuffisante. Le texte englobe désormais toutes les bourses et marchés réglementés
sur lesquels sont traités ces instruments.
Enfin le deuxième paragraphe élargit la définition des transactions à terme à toutes les
transactions sur instruments financiers.
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