Contexte économique et finances publiques : le point
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Contexte économique et finances publiques : le point
-1- Contexte économique et finances publiques : le point 10 mars 2008 Section 1. L’économie Contexte économique : vers une récession ? Depuis l’automne dernier, les perspectives économiques à court terme n’ont cessé d’être révisées à la baisse tant par les gouvernements que par les organismes spécialisés. (voir tableau 1) Tableau 1. Prévisions économiques : PIB réel Monde États-Unis Canada FMI (mise à jour des perspectives, janvier 2008) 2007 2008 4,9 4,1 2,2 1,5 2,6 2 Canada Gouvernement fédéral 2008 2009 Énoncé économique du 30 oct. 2007 2,4 2,7 Budget du 26 février 2008 1,7 2,4 Banque du Canada (24 janvier 2008) 1,8 2,8 Québec Gouvernement du Québec 2008 2009 Budget 2007-2008 2,5 Mise à jour, décembre 2007 2,2 Consultations prébudgétaires (février 2008) 1,5 -2- Aux États-Unis, à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière en 2007, la possibilité d’une récession ne cesse d’augmenter. Tout au plus peut-on s’attendre à ce que l’économie fasse du surplace cette année. La conjugaison de pressions inflationnistes et d’anémie économique fait apparaître une situation de stagflation qui complique sérieusement la gestion macro-économique. Le système financier demeure grippé par les déboires de la crise du crédit hypothécaire à risque, alors que les radiations d’actifs ne cessent de s’accumuler. Pour atténuer les problèmes de liquidités et simuler l’économie, les autorités monétaires multiplient les réductions des taux d’intérêt. Ce faisant, cependant, on se trouve à réduire l’attrait du billet vert. La confiance dans le dollar US comme monnaie de réserve s’affaiblit, si bien qu’on assiste à une ruée des capitaux vers les produits de base : céréales, métaux, or, pétrole. Une nouvelle bulle spéculative est en train de se former de ce côté. Effectivement, l’appréciation des prix des produits de base traduit la dévalorisation du dollar US. Cela ne peut avoir que des effets négatifs sur une économie qui tourne déjà au ralenti. Du côté canadien, les perspectives se sont également assombries, mais moins qu’au sud de la frontière. Il est clair que les difficultés de l’économie américaine déteindront sur l’évolution au Canada. C’est ce que reconnaissait, le 4 mars dernier, la Banque du Canada lorsqu’elle a réduit de nouveau son taux directeur. Le ralentissement des exportations vers les États-Unis tirera la croissance canadienne vers le bas. En revanche, plusieurs éléments permettent de croire que l’économie restera à flot : la forte demande des pays émergents pour les produits de base canadiens, la vigueur de la consommation personnelle qui n’est pas affectée par une crise du crédit hypothécaire et qui est quelque peu stimulée par les allègements fiscaux du fédéral, l’accroissement des investissements publics en infrastructures. Au Québec, l’économie roulait déjà à petite vitesse, avec un taux de croissance de 2,2 % en 2006 et 1,7 % en 2007, en raison d’une détérioration continue du commerce avec les États-Unis et des incidences de l’intensification de la concurrence asiatique sur le secteur manufacturier. Pour 2008, la performance globale de l’économie devrait encore demeurer faible, sans pour autant basculer dans la récession. Fait surprenant, la tenue de l’emploi, pris globalement, a été plutôt bonne en 2007. Il s’est créé presque deux fois plus d’emplois qu’en 2006, soit 85 900 comparativement à 47 700. À cet égard, les derniers mois ont été encourageants. -25,0 -50,0 -75,0 -100,0 -125,0 -150,0 -175,0 2 007 2007 2 006 2 005 2 004 2 003 2 002 2 001 2 000 1 999 2006 1 998 1 997 1 996 1 995 1 994 1 993 1 992 1 991 1 990 1 989 1 988 1 987 1 986 1 985 1 984 1 983 1 982 1 981 1 980 1 979 1 978 1 977 Février Janvier Décembre Novembre Octobre Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février Janvier Décembre Novembre Octobre Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février Janvier -3- Emploi au Québec ('000) 3950 3900 3850 3800 3750 3700 2008 Variation de l'emploi au Québec 150,0 1977 à 2007 125,0 100,0 75,0 50,0 25,0 0,0 -4- Données récentes pour l’économie canadienne : quatrième trimestre de 2007 et bilan 2007 Comme l’indique Statistique Canada dans sa revue de fin d’année (3 mars 2008) : Le PIB réel a progressé de 2,7 % en 2007, ce qui constitue un léger ralentissement par rapport à 2006. Ce taux de croissance équivaut au taux moyen enregistré au cours des cinq dernières années. Il y a eu un ralentissement de l'économie tout au long de 2007, le taux de croissance le plus bas ayant été enregistré au quatrième trimestre. L'année a été marquée par une nouvelle appréciation substantielle du dollar canadien par rapport à la devise américaine. Les importations ont bondi, tandis que les exportations ont légèrement progressé à un rythme comparable à celui enregistré en 2006. Le revenu personnel et les dépenses de consommation sont demeurés vigoureux alors que la demande intérieure finale a augmenté de 4,3 %. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, le rythme de l’activité économique a continué à ralentir au dernier trimestre de 2007. En rythme annualisé, la croissance a ralenti tout long de l’année : 4,0 % au 1er trimestre, 3,8 % au second, 3,0 % au troisième et enfin, 0,8 % au quatrième. L’économie a connu une décélération marquée en fin d’année. C’est surtout la faiblesse du secteur extérieur qui a plombé la croissance. Les dépenses personnelles ont progressé à un rythme soutenu, tandis que les activités des administrations publiques, ainsi que les investissements, ont connu une progression plus modeste. Au dernier trimestre de 2007, les exportations ont reculé de 2,2 % dans la foulée de l’appréciation du dollar canadien et du ralentissement de l’économie américaine. C’est en grande partie dans le secteur de l’automobile que les reculs ont été enregistrés. En revanche, la vigueur de la demande intérieure et l’accumulation des stocks chez les grossistes ont entraîné une croissance des importations de 2,6 %. Une augmentation du revenu personnel, combinée à une modeste hausse des impôts sur le revenu, a fait augmenter le revenu personnel disponible de 1,6 %. Le taux d'épargne personnelle a fléchi pour s'établir à 0,8 % au quatrième trimestre, de pair avec l'augmentation des dépenses personnelles. La dette des ménages (hypothèques et crédit à la consommation) a augmenté légèrement, correspondant à 116,4 % du revenu personnel disponible. Les frais de -5service de la dette sont demeurés inchangés, représentant environ 8 % du revenu personnel disponible. -6- Section 2 - Politique monétaire : baisse des taux d’intérêt Aux États-Unis Le taux directeur (Federal funds) a commencé à être abaissé en septembre dernier, quand la bourse s’est mise à vaciller, dans la foulée de la crise du crédit hypothécaire à risque. Alors qu’il se situait à 5,25 %, ce taux a été graduellement réduit à 4,25 % en décembre. Face à l’accélération du ralentissement économique, le taux directeur a été abaissé de trois quarts de point de pourcentage, à 3,5 % le 22 janvier 2008, puis d’un autre demi-point, à 3,0 % dans la semaine qui a suivi. Au Canada La Banque du Canada a abaissé son taux cible de financement à un jour le 4 décembre 2007, le faisant passer de 4,5 % à 4,25 %. Le 22 janvier 2008, la Banque centrale a encore abaissé son taux directeur d’un quart de point, à 4,0 %. Le 4 mars, le taux a été réduit d’un demi-point de pourcentage à 3,5 %. -7Dans son intervention la plus récente, le 4 mars dernier, la Banque centrale estime que la détérioration de la situation aux États-Unis est pire que prévu et que les incidences négatives sur l’économie canadienne sont en train de s’intensifier. Donc, double sujet d’inquiétude. En même temps, la Banque annonce qu’il faudra probablement abaisser davantage les taux d’intérêt dans un proche avenir. Taux cible de financement à un jour, Banque du Canada 5 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 mars jan dec nov oct sept juill aout juin avr mai mars jan fev dec nov oct sept aout juill juin mai avr mars fev jan dec oct nov sept 0 05 05 05 05 06 06 06 06 06 06 06 06 06 06 06 06 07 07 07 07 07 07 07 07 07 07 07 07 08 08 Section 3 – Finances publiques Budget Flaherty : un budget « Ponce Pilate » qui reflète l’insensibilité du gouvernement Harper face aux besoins des canadiens C’est un budget d’inspiration typiquement conservatrice qui a été déposé le 26 février dernier par le ministre fédéral des Finances, M. Jim Flaherty. Il ne contient rien pour stimuler les secteurs économiques en crise, rien pour soutenir les travailleuses et les travailleurs qui perdent leur emploi, rien pour le logement social, pour les aînés et les enfants, pour la condition féminine, pour la lutte contre la pauvreté. En revanche, il réserve 630 millions de dollars pour les forces policières et les prisons. L’essentiel des surplus qui restent, après les baisses d’impôts tous azimuts consenties lors de l’Énoncé économique du 30 octobre dernier, servira au remboursement de la dette, même si celle-ci ne présente aucun problème. Et la cerise sur le gâteau, c’est l’introduction d’un nouvel abri fiscal pour les riches : le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), une sorte de REER à rebours qui minera la progressivité du régime d’imposition. -8- À travers ce vide vertigineux gravitent quelques initiatives intéressantes : création d’une société d’État autonome pour l’assurance emploi, nouveau programme de subventions aux étudiants en remplacement des bourses du millénaire, injection de 500 millions pour le transport en commun. Les grands équilibres Le gouvernement s’attend à finir l’année 2007-2008 avec un surplus de 12,9 milliards. De cette somme, il réserve 2,7 milliards pour les mesures du budget et consacre le solde, soit 10,2 milliards, au remboursement de la dette (Il aurait fort bien pu réserver une partie de cette marge pour des dépenses dans des domaines prioritaires). Pour 2008-2009, il prévoit des excédents d’à peine 3,8 milliards, dont 1,5 milliard ira aux mesures budgétaires et 2,3 milliards au remboursement de la dette. Pour 20092010, les chiffres correspondants sont 3,0, 1,7, 1,3. Les mesures prises depuis l’Énoncé économique d’octobre dernier pour les années 2007 à 2009, totalisent 13,8 milliards pour le remboursement de la dette, 23,9 milliards en baisses d’impôt et à peine 5,9 milliards de mesures de dépenses. C’est dire que 87 % de l’argent disponible est consacré à des baisses d’impôt et au remboursement de la dette, et seulement 12 % pour les mesures de dépenses. -9- Sur le plan macro-économique, le budget table sur les allègements fiscaux consentis à l’automne 2007 pour soutenir la demande intérieure, plutôt que sur un accroissement des dépenses publiques. D’après le Plan budgétaire, les revenus du gouvernement chuteront de 244,5 milliards en 2007 à 241,9 milliards en 2008. Les charges de programmes augmenteront quelque peu, passant de 201,2 milliards en 2007 à 208,1 milliards cette année. Cela correspond à une augmentation de 3,4 % des dépenses, un rythme de croissance comparable à celui prévu pour le PIB nominal, soit 3,5 %. En fait, les revenus continueront à glisser en proportion du PIB, passant de 16,3 % en 2006 à 15,3 % en 2008. Cette réduction de l’équivalent de 1,0 % du PIB correspond à une perte de revenus permanente de près de 15 milliards par an. Les charges de programmes, en proportion du PIB, demeurent plutôt stables : 13,0 % en 2006, 13,2 % en 2007, 13,1 % en 2008. On ne saurait dire que le gouvernement conservateur est en train d’écraser les dépenses de programmes. Encore cette année, celles-ci augmenteront au rythme du PIB. La baisse du poids relatif de la dette et les incidences sur les intérêts procurent certaines marges qui facilitent la tâche. En même temps, en multipliant les baisses d’impôt, le gouvernement rajuste le niveau des revenus pour éliminer les surplus. Si la situation économique se dégrade subitement, le gouvernement n’aura guère de marge de manœuvre. - 10 - Autres faits saillants La création d’une société d’État pour gérer l’Assurance emploi. Le gouvernement créera une nouvelle société d’État indépendante gouvernement, l’Office de financement de l’assurance emploi du Canada. du En conséquence, les fonds de l’assurance emploi ne pourront plus servir à d’autres fins que le régime. La société aura pour mandat de gérer le taux de cotisation selon les besoins de la caisse, sans pouvoir dépasser 15 cents d’ajustement au taux de cotisation. Le gouvernement établira aussi une réserve de 2 milliards pour amortir les chocs conjoncturels. La création d’un organisme autonome pour gérer l’assurance emploi va dans le sens de nos revendications, mais cela ne signifie pas que le gouvernement doit se sentir dégagé de l’obligation de rembourser la caisse pour les 57 milliards de surplus qu’il a détournés au fil des ans. Le schéma proposé ne laisse aucune marge pour des bonifications aux bénéfices du régime. La portée de cette initiative est donc fort limitée, pour ne pas dire symbolique. - 11 Le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) Le budget introduit un nouvel abri fiscal pour les riches qui érodera la progressivité du régime d’imposition. Il prévoit qu’à compter de 2009 une personne pourra placer dans ce véhicule jusqu’à 5000 dollars par an. Les intérêts ou gains de capital découlant de ce placement seront exemptés d’impôt. Ces fonds pourront être retirés ou réinjectés à volonté en franchise d’impôt, et servir à n’importe quelle fin. Les droits de cotisation inutilisés seront reportés aux années futures. Ces revenus n’affecteront pas les prestations fédérales et les crédits d’impôt fondés sur le revenu. Il sera possible de contribuer au compte du conjoint. Quand l’inflation cumulative aura atteint environ 10 %, le plafond des cotisations sera haussé de 500 $. Le nouveau CELI est en quelque sorte un REER à rebours. Dans le cas des REER, le placement donne droit à une déduction aux fins de l’impôt. Les intérêts ou gains de capital s’accumulent à l’abri de l’impôt. Les fonds retirés sont assujettis à l’impôt. Il s’agit d’un impôt différé. Dans le cas du CELI, les fonds injectés sont réputés être des revenus après impôt. Ceux-ci, de même que les revenus de placements qu’ils génèrent, sont donc soustraits à une nouvelle imposition. Ce type de mesure découle d’une théorie fiscale voulant que l’épargne est constituée à partir de revenus qui ont déjà été imposés et qu’en conséquence, les fruits de cette épargne ne devraient pas être imposés. C’est fort discutable et cela ne reflète certainement pas l’esprit des recommandations de la Commission Carter dans les années 60 qui est à la base du régime d’imposition canadien. Au-delà des considérations théoriques sur les philosophies fiscales, le fait demeure que cette nouvelle disposition fera perdre de l’argent au gouvernement et profitera à peu près exclusivement aux riches. Même, si à court terme, l’effet sur les finances du gouvernement sera minime (55 millions), à long terme le gouvernement y perdra 3 milliards par an. Le nouveau programme de subventions aux étudiants À l’automne 2009, au moment où commencera l’élimination progressive de la Fondation canadienne des bourses du millénaire, le gouvernement lancera un nouveau programme de subventions de 350 millions pour les étudiantes et étudiants de familles à revenus faibles ou moyens. Les sommes consacrées au programme augmenteront à 400 millions l’année suivante et jusqu’à 430 millions en 2012. Contrairement au programme des bourses du millénaire qui constituait une ingérence dans un domaine de juridiction provinciale, ce nouveau programme respectera le principe de « l’opting out ». - 12 Les infrastructures Le budget confirme le caractère permanent du Fonds de la taxe sur l’essence qui s’élèvera à 2 milliards en 2009. Il ajoute aussi 500 millions pour le transport en commun répartis entre les provinces selon leur population et accessibles au cours des deux prochaines années. On annonce aussi la mise sur pied d’une société d’État, PPP Canada Inc., qui travaillera de concert avec les secteurs public et privé au soutien des partenariats public-privé. L’économie et l’environnement Le budget consacrera 250 millions sur 5 ans pour la recherche dans le secteur automobile afin de concevoir des véhicules novateurs, moins polluants et plus écoénergétiques. On consacrera aussi 250 millions de dollars pour la recherche et la démonstration du captage et du stockage du carbone. Le gouvernement se propose d’investir 300 millions de dollars pour appuyer l’énergie nucléaire, ce qui comprend le développement du réacteur CANDU avancé et le maintien de la sûreté des opérations. La sécurité renforcée Le budget réservera 400 millions pour encourager les provinces à embaucher 2 500 policiers de plus. Le budget pour les pénitenciers fédéraux sera accru de 122 millions sur deux ans. Quelque 62 millions additionnels seront octroyés pour renforcer la lutte contre la criminalité. Québec : nos représentations et nos attentes à l’égard du budget - 13 - Annexe 1 Financement de l’éducation en 2008-2009 La CSQ revendique 1,5 milliard pour l’éducation Les carences au primaire et au secondaire dans le secteur public minent les efforts en vue d’assurer la réussite scolaire du plus grand nombre tandis que le sousfinancement des établissements d’enseignement supérieur atteint maintenant des niveaux alarmants qui risquent de causer des retards qu’il sera très difficile de combler. Une nouvelle impulsion en éducation s’impose. C’est dans cette optique que nous soumettons un projet qui vise à détailler les ressources publiques qu’il serait souhaitable de consacrer à la mission éducative du gouvernement du Québec. Selon nos évaluations, qui complètent celles provenant de plusieurs autres spécialistes, les réinvestissements nécessaires à une mise à jour en éducation devraient s’élever à 1,5 milliard de dollars. Cela aurait pour effet de relever de 0,5 % la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée à l’éducation au Québec, portant celle-ci à 8 %. Étant donné l’ampleur des réinvestissements envisagés, ceux-ci pourraient être étalés sur une période de trois ans. En tenant compte des coûts de système, le budget de l’éducation pour 2008-2009 serait majoré de 925 millions, soit de 6,9 %. I. Les besoins En comparant leur capacité financière avec celle des autres établissements analogues du Canada, les universités québécoises ont évalué leur sousfinancement annuel chronique à 375 millions en 2002. Aujourd’hui, le sousfinancement doit dépasser les 400 millions. Cela, sans compter ce qui sera nécessaire pour résorber les déficits accumulés qui dépassent les 400 millions 1 . Cette faiblesse handicape les universités dans l’embauche de nouveaux et de plus nombreux professeurs, ainsi que dans l’achat d’équipements technologiques et de laboratoires avancés. Pour les cégeps, une étude de Pierre Malouin, ancien directeur général du financement de l’enseignement supérieur au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), et de l’économiste Pierre Fortin, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), arrivait à la conclusion que le sous-financement du réseau s’élevait à 305 millions en 2005-2006. Ne pouvant procéder à des comparaisons interprovinciales comme pour les universités, les auteurs ont mis au point une autre méthode d’évaluation. Celle-ci prenait en compte la sous-indexation répétée des subventions ; la couverture incomplète de besoins essentiels comme les coûts de l'énergie et de l'entretien des terrains et des bâtiments, ainsi que la non-prise en 1 Le Devoir, 31 janvier 2003. - 14 compte de nouveaux besoins incontournables, comme le soutien de stages à l'étranger, les coûts de gestion des réseaux informatiques et l'achat de logiciels et d'équipement technologique. Cette autre méthode, appliquée aux universités par les auteurs, a donné les mêmes résultats que ceux de l’étude faite pour les universités 2 . Comme l’ont montré plusieurs études, les cégeps contribuent, de manière exceptionnelle, à stimuler la persévérance scolaire. Cependant, il demeure que l’augmentation des besoins liés à l’enseignement depuis l’implantation à coût nul, en 1994, de la Réforme du collégial n’a pas été prise en compte. De même, les besoins pressants suscités par la diversification de la population étudiante en termes d’âge, d’origine culturelle, de handicaps physiques et mentaux, de degré de préparation et de rapport aux études, de difficulté d’apprentissage, entre autres, exercent une pression aiguë sur les intervenantes et des intervenants de première ligne. Une étude paritaire portant notamment sur la complexification de la profession enseignante est d’ailleurs en cours à l’heure actuelle afin d’en brosser le tableau. Au préscolaire, au primaire et au secondaire, les efforts doivent être intensifiés pour assurer la réussite scolaire, réduire le décrochage, améliorer la qualité du français, mieux intégrer les nouveaux arrivants, accroître le soutien aux enfants en difficulté, augmenter l’aide et l’encadrement pour les enfants de milieux défavorisés, élargir la formation professionnelle et les programmes de recyclage pour les travailleuses et les travailleurs sans emploi. Le secteur de l’éducation des adultes, qui joue pourtant un rôle essentiel pour le raccrochage d’un grand nombre de jeunes, demeure systématiquement négligé. Ce ne sont pas les défis qui manquent. La réduction de la taille des classes, ou le plafonnement du nombre d’élèves constituent une approche qui a fait ses preuves en Ontario ces dernières années pour accroître la réussite scolaire. L’ajout de ressources professionnelles et techniques, actuellement en nombre trop restreint pour fournir le soutien nécessaire aux personnes présentant des difficultés, s’impose aussi. Pour mieux desservir un peu plus de 1,3 million de jeunes et d’adultes qui fréquentent les établissements d’enseignement, nous avons évalué les besoins à 700 millions, ce qui est l’équivalent d’une injection de près de 15 000 éducatrices et éducateurs 3 en début de carrière (13 % de plus). Cette somme représente ce qui serait dépensé de plus dans les commissions scolaires du Québec si l’on avait la même dépense par habitant que la moyenne canadienne. À titre de complément d’information, nous pouvons signaler que la dépense globale par élève du Québec, à l’enseignement primaire, affiche un retard 2 3 Pierre Malouin, Pierre Fortin, « Le sous-financement des cégeps, une impasse financière oubliée », Le Devoir, 2 novembre 2006. Professionnelles et professionnels, enseignantes et enseignants, techniciennes et techniciens et autres personnels de soutien. - 15 de 1 222 $ en 2004 sur la moyenne des pays de l’OCDE 4 . À l’enseignement secondaire, le retard du Québec sur la moyenne de l’OCDE s’élevait à 1 104 $ 5 . L’aide financière aux étudiantes et aux étudiants devrait aussi être bonifiée dans des proportions semblables aux investissements projetés dans l’offre de services, ce qui représenterait 100 millions. Les sommes prélevées auprès des étudiantes et des étudiants sous forme de hausse des frais de scolarité devraient leur être retournées. Tableau 1 Réinvestissements en éducation et modalités d’étalement Besoins totaux Budget 2008 (millions $) (millions $) Proportion du total en 2008 (%) Développement du loisir et sport, formation en hôtellerie et tourisme 15 5 33 % Préscolaire, primaire et secondaire 700 233 33 % Enseignement collégial 305 115 38 % Universités 400 203 51 % Aide financière aux étudiants 100 33 33 % 1 520 589 39 % Total II- Engagements financiers pour 2008-2009 On peut distinguer deux dimensions dans le budget annuel : les coûts de système et les réinvestissements. Au total, le budget de l’éducation pour 2008-2009 serait majoré de 925 millions, soit de 6,9 %. a) Les coûts de système : 335 millions Les coûts de système représentent les sommes nécessaires pour reconduire les programmes existant en tenant compte des fluctuations des clientèles, des coûts des conventions collectives, de l’énergie et des fournitures, de l’indexation de l’aide financière, etc. Dans le cadre de cet exercice, nous avons supposé que les clientèles scolaires seraient invariantes, mais il va sans dire que les rajustements au financement, selon les règles applicables, seraient effectués. Pour couvrir les coûts de système, le budget devrait prévoir 335 millions. Cette évaluation découle 4 5 OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques. MELS, Bulletin statistique de l’éducation no 35, janvier 2008, annexe 2. - 16 de l’application d’un paramètre de 2,5 % aux dépenses du MELS en 2007, chaque programme recevant sa quote-part. b) Les réinvestissements : 589 millions L’autre volet concerne les réinvestissements, c’est-à-dire les sommes additionnelles qui pourraient être consacrées à l’amélioration ou à l’extension des services éducatifs. Pour l’année 2008-2009, les gouvernements du Canada et du Québec ont déjà pris plusieurs engagements. Le tableau 2 en dresse l’inventaire. En considérant le réinvestissement dans l’enseignement postsecondaire annoncé en 2006 (80 millions), les ententes sur les ressources pour 2005-2008 avec les syndicats (20 millions), l’ajout aux transferts fédéraux pour l’enseignement supérieur découlant de la refonte du transfert canadien pour les programmes sociaux (TCPS) (187 millions), la quote-part estimée pour l’éducation du Plan québécois des infrastructures (44 millions), on arrive à un total de 331 millions. On sait aussi que le gouvernement fédéral a annoncé en décembre 2007 l’ajout de 406 millions aux transferts de péréquation pour 2008. Ces transferts, sans être conditionnels, sont destinés à permettre aux provinces récipiendaires d’offrir des services publics comparables. Nous croyons que le quart de ce montant, soit 102 millions, doit être réservé pour l’éducation, ce qui correspond à la part de l’éducation dans les dépenses totales. Tableau 2 Investissements en éducation pour 2008 identifiés Mesures de dépenses (millions $) Réinvestissement enseignement supérieur (automne 2006) 80 Ententes 2005-2008 sur les ressources (hiver 2005-2006) 20 TCPS (budget fédéral 2007) 187 Plan d’infrastructures (automne 2007) 44 Péréquation additionnelle (décembre 2007) 102 Soutien formation professionnelle (budget fédéral 2007) 117 Sous-total 550 Mesures fiscales Plan d’action secteur manufacturier (2007) 24 Total mesures annoncées 574 Relevant du MELS 433 - 17 Enfin, compte tenu des hypothèses de partage des enveloppes entre les universités et les cégeps (60/40) et compte tenu de l’objectif d’obtenir en 2008 au moins le tiers des réinvestissements projetés, il faudrait injecter quelque 156 millions de plus pour la mise à jour des services éducatifs 6 . Tableau 3 Projet de budget pour l'éducation en 2008-2009 Dépenses 2008-2009 Dépenses Coûts Mise à niveau Total 2007de et 2008 système développement 2,5 % (millions $) Administration et consultation Variation $ 133 3 84 2 Éducation préscolaire et enseignement primaire et secondaire 7 764 Enseignement collégial Enseignement et recherche universitaire % 136 3 2,5 % 5 91 7 8,4 % 194 233 8 192 427 5,5 % 1 676 42 115 1 833 157 9,4 % 2 581 65 203 2 848 267 10,3 % Aide financière aux études 403 10 33 446 43 10,8 % Régimes de retraite 755 19 774 19 2,5 % 13 395 335 14 319 924 6,9 % Développement du loisir et du sport, formation en tourisme et hôtellerie Total 6 589 Voir : CSQ, Des moyens pour une nouvelle impulsion, 3 février 2008. - 18 - Annexe 2 Aide-mémoire présenté à la ministre des Finances du Québec, Mme Monique Jérôme-Forget, le 4 février 2008 Budget du Québec pour 2008-2009 : Recommandations de la CSQ 1. Conjoncture économique a) Garder le pied sur l’accélérateur Le Plan d’action en faveur du secteur manufacturier et le Plan québécois des infrastructures sont les bienvenus et devraient contribuer à soutenir l’activité économique cette année. Toutefois, si la situation de l’emploi en venait à se dégrader, il serait souhaitable que le gouvernement réagisse rapidement en devançant les investissements prévus. b) Stimuler l’investissement dans les technologies propres Dans son Plan d’action en faveur du secteur manufacturier, le gouvernement a annoncé des investissements de 25 millions de dollars dans un fonds de capital de risque pour le financement de technologies propres et de projets de production d’énergies renouvelables. Des initiatives de ce type méritent d’être encouragées et étendues. c) Accélérer le développement du logement social L’accélération des travaux publics constitue toujours une option de rechange pour compenser une baisse de régime de l’activité du secteur privé dans l’accélération du développement du logement social et abordable serait tout indiquée. Dans les circonstances. Le gouvernement du Québec pourrait se montrer plus revendicatif à ce sujet vis-à-vis d’Ottawa. d) Encourager le transport en commun en harmonisant la déduction aux usagers introduite par le gouvernement fédéral 2. Éducation : des moyens pour une nouvelle impulsion La CSQ souhaite retrouver dans le prochain budget de l’éducation, en plus des sommes requises pour la couverture des coûts de système (2,5 %), les divers montants déjà promis au secteur de l’éducation tant par le gouvernement fédéral que par celui du Québec. La CSQ demande aussi au gouvernement de réserver pour l’éducation le quart des 406 millions en péréquation additionnelle annoncé en décembre dernier. Enfin, la CSQ demande l’injection de 156 millions de plus est - 19 pour la mise à jour des services éducatifs. Cela entraînerait un accroissement des dépenses de 925 millions (6,9 %). 3. Santé et services sociaux : des rattrapages à faire Les crédits pour la santé et les services sociaux devraient permettre de couvrir l’inflation (2,5%), la croissance réelle par habitant en lien avec les technologies et un meilleur accès (1,5 %), ainsi que la croissance des coûts liés au vieillissement (1,2 %), conformément aux estimations de divers spécialistes. Cela entraînerait une croissance des dépenses de 5,2 % (1 240 millions). De plus, un effort particulier devrait être consacré au développement des soins et des services à domicile. Pour couvrir, en partie, les besoins à ce chapitre, une enveloppe de 200 millions, correspondant à la moitié du supplément de péréquation annoncé en décembre dernier, devrait être réservée à ces fins. Au total, les dépenses pour la santé seraient augmentées de 1 440 millions, soit 6,0 %. 4. Politique familiale Dans le prochain budget, nous souhaitons voir la traduction de l’engagement d’augmenter le nombre de places en garderie de 20 000 places à 7 $ en cinq ans. Considérant le mini baby-boom, le rythme de création de places devrait être accéléré, alors qu’on prévoyait seulement 2 500 places additionnelles en 20072008. Nous souhaitons aussi voir renouveler l’engagement de ne pas augmenter le tarif de 7 $ exigé des parents. 5. Lutte contre la pauvreté Injection de 100 millions pour des projets de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale Plusieurs revendications ont été formulées à ce sujet par une large coalition de groupes communautaires et de syndicats. (concernant la pleine indexation des prestations d’aide sociale, l’établissement de barèmes sur la base des besoins essentiels et le traitement des pensions alimentaires) En outre, nous croyons qu’il serait pertinent de consacrer un quart du supplément de péréquation de 406 millions pour des projets de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ces sommes seraient affectées au Fonds québécois d’initiatives sociales ainsi qu’au Fonds d’aide à l’action communautaire autonome. 6. Financement : occuper l’espace fiscal cédé par le fédéral - 20 Dans sa mise à jour du cadre financier, de l’automne dernier, le gouvernement a porté à 3,5 % l’objectif de croissance des dépenses pour 2008. Le supplément de péréquation de 406 millions, annoncé par le gouvernement fédéral en décembre dernier, permettrait de hausser à 4,2 % la croissance des dépenses. En tablant sur une croissance des revenus un peu plus élevée que prévu, à cause de la bonne tenue de l’emploi en 2007, des économies au chapitre du service de la dette, et de la baisse des taux d’intérêt, la croissance des dépenses pourrait être plus élevée, sans compromettre l’équilibre budgétaire. Si des mesures de revenu doivent être appliquées pour permettre la réalisation des objectifs de dépenses sans encourir de déficit, nous privilégions un relèvement du taux d’imposition des grandes entreprises, cela compenserait le retrait du gouvernement fédéral. Réaménager l’impôt sur le revenu des grandes entreprises Nous nous objectons à l’élimination de la taxe sur le capital parce qu’elle entraînera des pertes de revenus annuels de 900 millions (en 2011) 7 qui ne seront plus disponibles pour financer les services publics. À tout le moins, le taux de la taxe sur le capital pour les institutions financières devrait être maintenu à son niveau actuel de 0,72 %. Plusieurs provinces ont décidé de maintenir cette taxe. Dans toute éventualité, les pertes découlant de la réduction de la taxe sur le capital devraient être compensées par un accroissement de l’imposition des sociétés. Le gouvernement du Québec devrait occuper l’espace fiscal cédé par le gouvernement fédéral au chapitre de l’impôt sur le revenu des sociétés, comme l’avait fait M. Michel Audet dans son budget de 2005-2006. Celui-ci prévoyait pour la grande entreprise une augmentation du taux d’imposition sur le revenu actif de 1 % en 2006, de 1,5 % en 2008 et de 0,5 % en 2009, pour le porter à 11,9 %. L’augmentation de 1 % du taux d’imposition des grandes entreprises, en 2006, devait générer des recettes fiscales additionnelles de 174 millions. Comme le gouvernement fédéral réduit son taux d’imposition de 1,0 % en 2008, le gouvernement du Québec devrait majorer le sien d’autant. Ce taux passerait de 11,4 % à 12,4 %, ce qui serait encore inférieur au taux de 14 % de l’Ontario. À moyen terme, il faudra, par ailleurs, se poser la question du relèvement de la taxe de vente à la hauteur ou à une fraction de la hauteur de l’espace cédé par le gouvernement fédéral, le tout assorti d’une bonification des crédits d’impôt pour les personnes à faible revenu. 7 Budget 2007-2008, Renseignements additionnels sur les mesures du budget, Section C.