A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière

Transcription

A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière
Université Lumière Lyon II
Institut d’Etudes Politiques
Métiers et pratiques du droit dans les entreprises et institutions
A la croisée du glaive et de la balance, les
reconduites à la frontière en droit français
Mémoire de fin d’études,
Stéphanie BOUVIER
Maître André VIANÈS, Avocat au barreau de Lyon
Année universitaire 2006-2007
Table des matières
Dédicace . .
Remerciements . .
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne . .
0.1. Du droit des étrangers . .
0.2.L’autonomisation d’une prérogative régalienne . .
0.2.1.La reconduite, modalité d’exécution de l’expulsion . .
0.2.2.La constitution de la reconduite à la frontière comme procédure à part entière
..
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière . .
1.1.Une décision préfectorale . .
1.1.1. Le rôle central du préfet . .
1.1.2. L’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière . .
1.1.3. Les autres décisions du préfet . .
1.2.L’exécution de la reconduite à la frontière . .
1.2.1. Le processus . .
1.2.2. Les difficultés de la mise en œuvre de l’éloignement . .
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par
le juge . .
2.1.Le contrôle du juge judiciaire . .
2.1.1. L’intervention du juge judiciaire, garant de la liberté individuelle . .
2.1.2. Le rôle du juge judiciaire en cas de première prolongation . .
2.1.3. Le rôle du juge judiciaire en cas de demande préfectorale de prorogation . .
2.2.Le juge administratif, au cœur de la conciliation entre droits de l’Homme et ordre public
..
2.2.1 Une procédure juridictionnelle adaptée . .
2.2.2. L’étendue du contrôle du juge administratif . .
2.2.3. Le contrôle de la violation de dispositions conventionnelles . .
2.2.4. La violation d’autres instruments internationaux . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Rapports . .
Colloques . .
articles de doctrine . .
Actualité jurisprudentielle . .
Textes législatifs . .
Annexes . .
Annexe n°1 : Code De l'Entrée Et Du Séjour Des Etrangers et Du Droit D'asile . .
Chapitre Ier : Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de
quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière . .
Chapitre II : Procédure administrative et contentieuse . .
Annexe n°2 : exemple d’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (accompagné
de la décision fixant le pays de renvoi). . .
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Annexe n°3 : Question du député Jérôme RIVIERE sur les reconduites à la frontière
..
Annexe n°4 : statistiques de reconduites à la frontière en France métropolitaine . .
Annexe n°5 : activité de la police aux frontières en Outre-mer 1998-2004 . .
Annexe n° 6 : Statistique de délivrance des laissez-passer consulaires . .
Annexe n°7 : émargement du registre de notification des droits en centre de
rétention administrative . .
Annexe n° 8 : demande de prolongation de rétention administrative . .
Annexe n°9 : Ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention . .
Annexe n° 10 : arrêt du Tribunal Administratif de Lyon . .
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Dédicace
Dédicace
A Emmanuel Bes de Berc qui déplorait le manque d’intérêt des étudiants Pour le droit des étrangers
un siècle et demi auparavant… A ma famille et mes amis pour leur soutien tout au long de cette
année
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A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Remerciements
Ce mémoire n’aurait pas vu le jour sans l’accueil chaleureux dont j’ai pu faire l’objet dans
l’ensemble de mes démarches. Je tiens à remercier M. Wyon, vice-président du Tribunal de Grande
Instance Lyon pour la confiance qu’il m’a témoignée en me recevant et en me permettant d’assister
au travail des magistrats et au fonctionnement interne du Palais de Justice. Je remercie également
M. Piffaut, juge des Libertés et de la Détention pour m’avoir reçue et offert le « Trassoudaine ».
Ma reconnaissance s’adresse tout particulièrement à M. Rohmer, commissaire du
gouvernement à la première chambre du Tribunal Administratif de Lyon, qui, après m’avoir
accueillie lors de mon stage au Tribunal m’a offert une aide précieuse et avisée dans mon travail.
Enfin, je tiens à remercier très sincèrement M. Gontier, Directeur Zonal de la Police Aux
Frontières Sud-Est pour les entretiens qu’il m’a permis de réaliser.
Je remercie également Me Vianès, avocat et maître de conférence à l’IEP de Lyon pour son
suivi et sa collaboration tout au long de ce séminaire.
Merci également à Mme Roche documentaliste à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, pour
m’avoir ouvert les archives de la bibliothèque et permis d’y effectuer mes recherches.
L’intérêt témoigné pour mes recherches par tous ceux que j’ai été amenée a contacter m’a bien
souvent mis sur la piste de recherches que seule, j’aurais été bien plus longue à découvrir. Que Me
Frery, Damien de Blic, Dominique Brault trouvent ici ma reconnaissance.
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Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
Chapitre introductif : la lente
autonomisation d'une prérogative
régalienne
Aussi étonnant que cela puisse paraître, le droit des étrangers n’est pas enseigné dans
les universités françaises, en particulier dans les études juridiques et politiques. Pourtant,
le statut des étrangers en France, comme dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique du
Nord, constitue actuellement un enjeu de première importance. En effet, il nourrit les débats
politiques et spécialement les débats électoraux comme ce fut le cas durant cette année
présidentielle où les candidats ont pu s’affronter autour de la question d’un ministère de
l’Immigration et de l’Identité Nationale. Le statut des étrangers figure en bonne place dans
les programmes des formations politiques, de la gauche la plus marquée à la droite la plus
extrême.
En outre, le droit des étrangers est devenu un domaine de la pratique juridique auquel
les professionnels du droit, avocats et magistrats de tous ordres notamment, mais aussi
policiers, préfets, sont de plus en plus souvent confrontés.
C’était donc un thème idéal pour un mémoire de fin d’études mêlant droit et sciences
politiques. Qui plus est, il répondait parfaitement à la thématique du séminaire « métiers
et pratiques du droit dans les institutions ». En effet, le droit des étrangers, et plus
particulièrement le thème de la reconduite à la frontière, représente véritablement un «
microcosme juridique » car il mêle les métiers du droit et les pratiques concrètes du droit,
ce qui était appréciable dans le cadre d’un mémoire professionnel.
Ce sujet s’inscrit également dans une thématique plus large, mêlant la science politique,
l’économie et l’histoire, autres dominantes de la formation dispensée dans les Instituts
d’Etudes Politiques.
En effet, étudier le droit des étrangers, et plus encore l’éloignement des étrangers, c’est
toucher aux grandes lignes politiques, économiques de l’histoire de France.
C’est pourquoi il convient ici d’étudier tout d’abord l’émergence du droit des étrangers,
afin de pouvoir cerner plus précisément comment la reconduite à la frontière s’est
autonomisée afin de devenir une procédure à part entière.
0.1. Du droit des étrangers
Le droit des étrangers présente une caractéristique majeure : la difficulté des définitions. Les
termes employés peuvent revêtir des acceptions différentes selon qu’il s’agit du vocabulaire
courant ou de la terminologie juridique. De plus, l’extrême sensibilité de l’opinion publique
fait que les mots sont imprégnés d’une connotation affective, positive ou négative, qui jette
la confusion sur des notions devant pourtant être employées avec rigueur.
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A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
L’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 en son article premier, est la première
norme à définir juridiquement la notion d’étranger : « sont considérés comme étrangers au
sens de la présente ordonnance tous individus qui n’ont pas la nationalité française, soit
qu’ils aient une nationalité étrangère, soit qu’ils n’aient pas de nationalité ».
Par la suite, l’opinion publique a pu distinguer d’autres notions telles que celles
d’immigré, de personne d’origine étrangère et de migrant. Au sens strict, l’immigré est
l’individu qui n’est pas né en France mais qui est venu s’y fixer. L’immigré est donc toujours
né à l’étranger, mais il n’est pas forcément étranger lui même : il a pu acquérir la nationalité
française. Souvent confondues avec les immigrés, les personnes d’origine étrangère sont «
les personnes nées en France d’un parent ou d’un grand-parent ayant immigré en France »,
et qui peuvent donc avoir un parent étranger et un parent français. Ces personnes d’origine
étrangère sont environ dix millions en France et ont pour la plupart la nationalité française.
Le terme « migrant » désigne quant à lui le travailleur saisonnier ou temporaire qui vient
en France lors d’une période déterminée et/ou pour un chantier déterminé (cas des travaux
lors de la construction du stade pour les jeux olympiques d’Albertville).
Le mot étranger vient du latin « extraneus », de extra : dehors, qui a aussi donné le
mot étrange. L’étranger est celui qui n’est pas d’ici, qui n’appartient pas au groupe, qui n’est
pas membre de la cité (civitas), qui n’est donc pas citoyen (civis). « Il est différent, étonnant,
incompréhensible. Les étrangers ne nous ressemblent pas, ils n’ont pas la même couleur de
peau, d’yeux, de cheveux, ils ne parlent pas la même langue, ils n’adorent pas les mêmes
Dieux, ils ne partagent pas la même culture, les mêmes traditions, le même mode de vie
1
».
La Grèce antique est la première civilisation dont nous ayons trace qui ait distingué les
« barbares » et métèques des grecs. L’extranéité explique que l’étranger soit perçu comme
un ennemi, et qu’il ne soit admis à intégrer le groupe que sous certaines conditions.
Logiquement donc, le droit des étrangers est avant tout un droit d’exclusion et de
restriction qui reconnaît à l’étranger moins de droit qu’au national, et codifie sa différence.
Cette relation entre exclusion et insertion imprègne toute l’histoire du droit des étrangers
depuis l’Antiquité.
ème
Le droit moderne des étrangers est apparu au XIX
siècle, sous l’influence
du développement des communications et du développement industriel. Le progrès
technique aidant, les échanges entre les hommes, les produits et les idées s’intensifièrent.
La Révolution Industrielle s’accompagna d’une immigration en provenance de l’Europe
méridionale et orientale.
Le régime juridique des étrangers est alors essentiellement destiné à s’assurer que leur
présence sur le territoire ne trouble pas l’ordre public. Le régime administratif des étrangers
est donc soumis à l’arbitraire administratif et les étrangers qui résident en France se trouvent
placé dans une situation extrêmement précaire.
Les difficultés économiques et les scandales politiques du début du XXème siècle
provoquèrent des épisodes de nationalisme qui se traduisirent également dans la législation.
Par exemple, la loi du 9 août 1893 institua un registre d’immatriculation des étrangers et
interdit aux employeurs d’embaucher des étrangers n’ayant pas satisfait aux obligations
légales.
1
8
Danièle Lochak ; Etrangers : de quel droit ? PUF, 1985, p.22
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
La crise de 1929 eut également des répercussions immédiates sur la situation
des étrangers. Une loi du 10 août 1932 limita ainsi l’entrée sur le territoire français
d’étrangers. Cette période connaît également une forte poussée de la xénophobie dans
l’opinion publique, due à la montée du fascisme en Italie, du nazisme en Allemagne et
du franquisme en Espagne. Les autorités publiques françaises ont comme impératif la
« sécurité nationale », ce qui explique que l’un des premiers actes du gouvernement de
Vichy soit la promulgation des « lois anti-juives ». Ces dernières reviennent sur le principe
même de la reconnaissance de droits aux étrangers et plus particulièrement aux juifs et aux
tziganes. Les autres étrangers sont eux aussi affectés puisque l’Etat français organise entre
autres mesures, un régime de travaux forcés pour les « étrangers en surnombre » et retire
2
les naturalisations prononcées depuis 1927 .
Abrogées par l’ordonnance du 9 août 1944 sur le rétablissement de la légalité
républicaine, les lois de Vichy sont remplacées par l’ordonnance du 2 novembre 1945
relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et portant création de
l’Office National d’Immigration.
Le but principal de l’ordonnance est de compenser les pertes de la guerre par un afflux
de main d’œuvre étrangère, et de reconstruire le pays. La période des Trente Glorieuses
qui succède verra effectivement un afflux du nombre d’étrangers.
Mais le choc pétrolier de 1973 et le ralentissement de la croissance économique
provoquent une brutale augmentation du chômage qui rend l’opinion publique extrêmement
sensible à la présence d’étrangers en France. La maîtrise de l’immigration devient alors un
problème politique de premier plan, et les mesures d’éloignement des étrangers, dont la
reconduite à la frontière commencent à s’édifier à partir de cette période.
0.2. L’autonomisation d’une prérogative régalienne
La reconduite à la frontière à longtemps existé comme méthode d’exécution d’une autre
procédure d’éloignement : l’expulsion (0.2.1.). Les tribulations législatives d’après guerre
ont permis sa constitution en une procédure à part entière (0.2.2).
0.2.1. La reconduite, modalité d’exécution de l’expulsion
A l’origine, la reconduite à la frontière et l’expulsion étaient confondues sous le même
vocable d’expulsion. Les termes de reconduite à la frontière ne désignaient qu’une modalité
concrète, l’éloignement effectif, de la procédure d’expulsion. Cette dernière n’avait pas alors
le sens qu’on lui donne à présent. La notion d’ordre public n’était pas prééminente comme
c’est actuellement le cas. En ce sens, l’expulsion d’hier recouvre la reconduite à la frontière
d’aujourd’hui.
L’éloignement est un pan important du droit des étrangers. C’est une pratique très
ancienne mais qui n’a été réglementée que récemment. Les motifs de l’expulsion, ou de
toute autre mesure similaire telle que la déportation, le refoulement, la reconduite ou le
renvoi, sont globalement identiques d’une législation à une autre. Ils visent les personnes
en situation irrégulière au regard des textes régissant l’entrée et le séjour sur le territoire,
2
P. Guillaume, Du bon usage des immigrés en temps de crise et de guerre, 1932-1940, in XXème siècle, 1985, n°7, p.117.
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A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
les personnes sans ressources risquant de tomber à la charge du pays d’accueil, ainsi que
les personnes dont la présence menace l’ordre ou la sécurité publique.
En France, la première loi qui ait véritablement mis en place un éloignement de
l’étranger date du 3 décembre 1849, mais elle n’est que l’aboutissement d’un long
cheminement dont les prémisses remontent à l’empire romain.
A l’origine en effet, le droit romain comportait tout un volet relatif à l’étranger,
l’aubain, étymologiquement « alibi natus », soit l’homme né sur une autre terre. La
pratique du refoulement des étrangers était admise en droit romain. C’est ainsi que
sur la proposition de Junius Pennus, de Cotta, de Torquatus, de Gabinius et de biens
d’autres, des lois intervinrent, ordonnant aux étrangers de sortir du territoire romain. Cicéron
blâma cette mesure en trouvant suffisante la privation du droit de cité « usu vero urbis
3
prohibere peregrinos sane inhumanum est » . L’expulsion fut fréquemment appliquée
par les Empereurs. Les seules personnes qui y échappaient étaient les médecins et les
professeurs. Mais les lois romaines n’ont pas survécu à la chute de l’Empire, et jusqu’à la
Révolution française, l’expulsion des étrangers ne fut réglementée par aucune loi spéciale
et resta soumise à l’arbitraire du pouvoir royal.
Celui ci déterminait alors les étrangers indésirables en fonction du jeu politique.
L’ « anglophobie » eut souvent pour conséquence des refoulements massifs d’étrangers
4
anglophones. Ainsi, on trouve plusieurs traces de reconduites à la frontière d’office . En
1242, en représailles contre Henri III qui avait fait mettre à mort des marchands français
trouvés sur la mer, Louis IX dans une ordonnance, enjoignit à ses gardes d’arrêter tous les
marchands anglais présents en France et de les renvoyer en Angleterre. Un siècle plus tard,
le 13 février 1347, Philippe de Valois fit arrêter tous les Lombards commerçants en France
et les renvoya en Italie.
La reconduite à la frontière de l’époque visait principalement des marchands
susceptibles de faire concurrence aux marchands français. Bien qu’aucune loi spécifique
n’autorisait ce genre de pratiques, les auteurs anciens avaient imaginé une théorie afin de
les légitimer, théorie qui cadrait au reste avec les idées de l’époque. Selon eux, l’Etat était
propriétaire du sol national et il octroyait en quelque sorte aux citoyens la jouissance de
tous les droits. Dès lors, l’Etat pouvait non seulement expulser les étrangers par mesures
individuelles, mais encore par mesures collectives, il pouvait aussi leur interdire l’entrée du
territoire car le pouvoir de la nation était illimité et absolu.
« Le droit exclusif de chaque nation sur sont territoire, dit de Martens, l’autorise à
en fermer aux étrangers l’entrée tant par terre que par mer, en conséquent aussi
à n’accorder l’entrée, le passage, le séjour qu’a ceux qui en auraient obtenu
la permission spéciale. Le gouvernement de chaque Etat a toujours le droit de
contraindre les étrangers qui se trouvent sur son territoire à en sortir en les
5
faisant conduire jusqu’aux frontières »
.
Emer De Vattel ajoutera : « le Souverain peut défendre l’entrée de son territoire, soit en
général à tout étranger, soit dans certains cas, ou à certaines personnes ou pour quelques
3
4
Ciceron, De Offic. Liv III, chap. XI, « interdire une ville aux étrangers est parfaitement inhumain. »
Charles DEMANGEAT, Histoire de la Condition Civile des Etrangers en France dans l’Ancien Régime et dans le Nouveau
Droit, 1842
5
Friedrich DE MARTENS, Droit des gens, liv. III, chap.3
10
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
affaires en particulier… c’est une conséquence du droit de domaine. Cette défense n’a rien
6
que de juste. » .
La première « reconduite à la frontière massive » dont nous ayons trace, date du 16
7
décembre 1791 . Des brabançons arrivent dans les villes de Douai et Lille, considérées
comme des places de guerre de première importance. Se met alors en place une police
spécifique des étrangers, qui connaîtra une inflation rapide : face au manque d’hommes, la
police est assurée par des troupes de ligne militaires.
L’étape suivante sera de légiférer pour organiser la surveillance des étrangers et leur
reconduite. Le directoire du département du Nord prends un arrêté le 17 décembre 1791 :
« les étrangers qui se présenteront à l’entrée des villes et des communes seront conduits à
la municipalité, qui examinera leur passeport, et règlera s’ils doivent ou non demeurer sur
le territoire. »
Ce dernier est remplacé par une loi d’expulsion des étrangers le 18 décembre 1791
afin de « faire sortir de la ville, dans les vingt-quatre heures, les étrangers inconnus qui s’y
étaient introduits, et de les faire conduire sur la frontière ».
En cette période troublée, la question des étrangers se politise rapidement. La
surveillance et l’expulsion des étrangers n’est plus seulement un enjeu en terme de sûreté
mais devient une pierre de touche pour créer les frontières politiques au sein même de la
Convention. Le 18 mai 1792, Lazare CARNOT, le grand-père de Sadi CARNOT, polémique
sur le « rassemblement de vagabonds et gens sans aveu tant étrangers que régnicoles
». Et dès le lendemain, on expulse les étrangers parisiens qui n’ont pas de papiers.
8
Un an plus tard, le 18 mars 1793, Bertrand BARERE (député du comité de salut public)
propose un décret d’expulsion des étrangers qui sera adopté à l’unanimité : « les étrangers
9
sans aveu seront chassés des terres de la République » . L’article VII stipule que « tout
étranger qui aura refusé ou négligé de faire sa déclaration (…) sera tenu de sortir de la
commune sous les vingt-quatre heures et sous les huit jours du territoire de la République »
10
. Six mois plus tard, une loi sur la mendicité du 24 Vendémiaire an II (15 octobre 1793)
ordonnait de reconduire à la frontière, aux frais de la nation, tout mendiant reconnu étranger.
Puis, un décret du troisième jour des Sans-culottides an II, (19 septembre 1794),
ordonne aux étrangers domiciliés à Paris et dans les grandes villes « avant le premier
Messidor de sortir de la ville ». Le 23 Messidor an III (11 juillet 1795), ordre est donné aux
étrangers nés dans les pays avec lesquels la France est en guerre de sortir du territoire :
« ils sortiront des communes où ils se trouvent dans les trois jours à partir de la présente
loi. Il leur sera en outre accordé un jour à raison de sept lieues du point de départ jusqu’à
la frontière ».
Plus aucune loi spéciale concernant l’expulsion des étrangers ne sera adoptée jusqu’en
1810, époque à laquelle les rédacteurs du Code Pénal complètent, dans l’article 272 le
décret de Vendémiaire an II : « Les individus déclarés vagabonds par jugement, pourront,
6
Emer DE VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. 3, 1758
7
8
9
10
Sophie WAHNICH, l’impossible citoyen, l’étranger dans le discours de la Révolution Française, Albin Michel 1997
Le Moniteur, t. 12 , p. 424.
Le Moniteur, t. 15, p.747
Le Moniteur, t. 15, p. 764
11
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
s'ils sont étrangers, être conduits, par les ordres du gouvernement, hors du territoire de
l'Empire ».
Une loi de 1834 durcit ce régime en disposant dans son article 8 que « tout étranger qui
se serait soustrait à l’exécution des mesures prononcées dans l’article 272 du Code Pénal,
ou qui, après être sorti de France par suite de ces mesures y serait rentré sans permission
du gouvernement sera traduit devant les tribunaux et condamné à un emprisonnement de
un à six mois. Après l’expiration de la peine, il sera reconduit à la frontière ».
C’est seulement au lendemain de la Révolution de 1848 que l’on prit de nouvelles
mesures de précaution contre les étrangers. Messieurs DE VATIMESNIL et LEFEVREDURUFLÉ présentèrent le 8 novembre 1849 une loi relative à la naturalisation et à
l’expulsion des étrangers. La commission proposa l’article 5 devenu l’article 7 de la loi en
vertu duquel : « le ministre de l’Intérieur pouvait, par mesure de police enjoindre à tout
étranger voyageant ou résidant en France de sortir immédiatement du territoire français
11
et de le faire conduire à la frontière » . L’étranger qui se serait soustrait à ces mesures
se verrait condamné à une peine de prison pouvant aller jusqu’à six mois, et serait à
l’expiration de sa peine reconduit à la frontière en application des dispositions de la loi de
1834 non abrogée. Un régime particulier existait pour les départements frontières où le
nombre d’étrangers était supérieur aux autres départements français. Dans ces cas, ce sont
les préfets qui disposent de ce pouvoir à l’égard des étrangers mais à charge pour eux d’en
référer immédiatement au Ministère de l’Intérieur.
Celui ci conservera pendant près d’un siècle tout pouvoir en matière d’expulsion des
étrangers du territoire national
12
.
Certains auteurs comme HANS, ont pu considérer l’expulsion ainsi instituée comme
une sorte de bannissement. Or ce n’est pas le cas, l’expulsion n’est pas une peine et même
si les bannis sont astreints à sortir du territoire, il ne faut pas confondre ces deux institutions.
Le bannissement ne touche un individu que lorsqu’il est légalement convaincu du crime
qu’on lui reproche. Un seul article du Code Pénal traite du bannissement, dans le cas où
un ministre aurait attenté à la liberté individuelle ou ordonné ou fait quelque acte arbitraire,
« il sera puni du bannissement
13
»
Toutes ces lois sont à l’origine de l’association « étranger-ennemi ». Pendant
la Révolution, l’ordre juridique est relié immédiatement à l’ordre politique et à l’ordre
économique : le statut des étrangers enregistre fidèlement les variations de la conjoncture
14
. On trouve une illustration de ce lien par les nombreux décrets des années 1930 destinés
à favoriser le refoulement des travailleurs étrangers. Les lois antérieurement en vigueur ne
sont pas toujours abrogées et le régime juridique applicable aux étrangers se complexifie
11
Emmanuel BES DE BERC, Droit Français de l’Expulsion des Etrangers, thèse pour le Doctorat, Arthur ROUSSEAU Editeur,
1888
12
F. Julien-Laferrière et D. Lochak, Les expulsions entre la politique et le droit, Archives de politique criminelle, n°12, 1990,
p. 65-88
13
article 115 du Code Pénal de 1810 : « Si c'est un ministre qui a ordonné ou fait les actes ou l'un des actes mentionnés en
l'article précédent, et si, après les invitations mentionnées dans les articles 63 et 67 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, il a refusé
ou négligé de faire réparer ces actes dans les délais fixés par ledit sénatus-consulte, il sera puni du bannissement. »
14
12
D. LOCHAK, Etrangers : de quel droit ?, Presses Universitaires de France, 1985
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
à la limite de la lisibilité. Le changement de régime à la fin de la Seconde Guerre Mondiale
permettra de clarifier ce droit.
0.2.2. La constitution de la reconduite à la frontière comme procédure
à part entière
Le droit de l’éloignement des étrangers restera figé jusqu’à l’ordonnance du 2 novembre
1945. Edictée au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Général DE GAULLE lui
assigna comme but d’organiser « avec méthode et intelligence » la politique de l’immigration
de la France. Fondement essentiel du droit des étrangers en France, l’ordonnance est la
première disposition législative à avoir consacré un chapitre aux Reconduites à la Frontière.
Les articles 22 et 22 bis de l’ordonnance classent en plusieurs catégories les étrangers
susceptibles d’être reconduits à la frontière.
Elle sera depuis modifiée à de nombreuses reprises. Les fluctuations de la législation
applicable aux étrangers sont sans cesse allées dans le sens d’une complexification et
d’une autonomisation croissante du régime de la reconduite à la frontière. Deux tendances
majeures sont toutefois à dégager : l’augmentation de la logique de police de maintien de
l’ordre public, et une importance croissante des garanties accordées aux étrangers.
*.La loi « BONNET » n° 80-9 du 10 janvier 1980
Elle introduit pour la première fois dans le texte de l’ordonnance de 1945 la notion
de Reconduite à la Frontière. L’article 6 de la loi modifiant l’article 22 de l’ordonnance,
dispose que « l’étranger expulsé peut être reconduit à la frontière ». La reconduite est
alors considérée comme un simple moyen d’exécution forcée des mesures d’expulsion
qui ressortissent à la compétence du ministère de l’Intérieur. En vertu de cette loi, une
mesure d’expulsion peut être prononcée à l’encontre d’un étranger dont la présence sur le
territoire constitue une menace pour l’ordre public, mais aussi contre un étranger en situation
irrégulière. L’éloignement des étrangers, quels qu’en soit les motifs, relève pour le moment
d’un régime juridique unique, celui de l’expulsion.
Parallèlement, les infractions aux règles d’entrée et de séjour des étrangers en France
sont pénalement sanctionnées, et ce, depuis l’ordonnance du 2 novembre 1945. Son article
19 punissait de peines d’emprisonnement l’étranger qui enfreignait ces règles et la loi du 10
janvier 1980 n’est pas revenue sur ces dispositions pénales.
De par cette loi coexistaient donc deux voies d’éloignement. Une voie administrative
par laquelle une autorité administrative pouvait décider de l’éloignement d’un étranger en
situation irrégulière, et une voie judiciaire par laquelle le juge pénal pouvait infliger une
sanction à l’étranger qui avait enfreint les règles sur l’entrée et le séjour. Cette sanction
emportait reconduite à la frontière à l’issue de la peine.
Aux termes de cette loi, la reconduite à la frontière était une notion qui recouvrait un
régime juridique complexe d’éloignement des étrangers à finalité unique (mettre fin à une
situation irrégulière) mais à caractère dual (coexistence de deux types de reconduites).
La loi « BONNET » est également la première loi à introduire la rétention administrative
dans l’ordonnance de 1945. Elle stipule que celle ci doit avoir lieu dans « des locaux ne
relevant pas de l’administration pénitentiaire ». Le Conseil Constitutionnel en avait admis
13
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
la conformité à la Constitution dans sa décision du 9 janvier 1980
contrôle par le juge judiciaire dans les plus brefs délais.
15
, sous réserve d’un
*.La loi « QUESTIAUX » n° 81-973 du 29 octobre 1981
Elle modifie profondément le schéma initial consacré par la loi « BONNET », en
attribuant au juge pénal une compétence exclusive en matière de reconduite à la frontière
des étrangers clandestins. Les infractions aux règles sur l’entrée et le séjour sont érigées
en délits. Et la loi ajoute aux peines correctionnelles la peine accessoire de reconduite à
la frontière : l’éloignement n’est plus assuré par le Ministre de l’Intérieur mais par le juge
pénal dont l’intervention est présumée être davantage protectrice pour l’étranger. En effet,
son prononcé est une simple faculté pour le juge pénal qui doit tenir compte de la situation
personnelle de l’intéressé et ne peut la prononcer contre certaines catégories d’étrangers
protégés de l’expulsion.
Sanction pénale, la reconduite à la frontière se distingue donc pour la première fois,
par son objet et son régime procédural, de l’expulsion qui reste une mesure de police
administrative prononcée par le Ministère de l’Intérieur et qui ne vise que les étrangers dont
la présence sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public.
Cette loi donne également au juge pénal la possibilité de prononcer contre l’étranger
« clandestin » récidiviste une peine d’interdiction du territoire français qui a pour effet
d’entraîner la reconduite à la frontière.
*.La loi « PASQUA I » du 9 septembre 1986
Cette loi consacre l’autonomie de la reconduite à la frontière par rapport à l’expulsion.
Dans un souci d’efficacité et d’accélération de la procédure, le Ministre de l’Intérieur
de l’époque, Charles PASQUA abroge le monopole du juge pénal en cette matière. La
reconduite à la frontière devient une mesure spécifique de police administrative prononcée
par le préfet. Le texte de loi rappelle que conformément au droit commun du contentieux
administratif, l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut faire l’objet d’un recours
en excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif, recours qui peut éventuellement être
assorti d’une demande de sursis à exécution.
Mais le contrôle juridictionnel apparaît comme purement symbolique en l’absence
d’effet suspensif du recours, le tribunal ne statuant en pratique qu’une fois que l’étranger
est effectivement reconduit.
La loi PASQUA ne remet pas en cause la compétence du juge pénal pour réprimer
l’immigration irrégulière. La répression pénale est même accrue : le juge répressif peut
désormais prononcer à l’encontre de tout étranger en situation irrégulière une peine
complémentaire d’interdiction du territoire laquelle emporte de plein droit une reconduite à la
frontière du condamné. L’autonomie du régime de la reconduite à la frontière est maintenue
mais on assiste en même temps à la consécration législative de son dédoublement :
coexistent désormais une reconduite administrative et une reconduite judiciaire.
*.La loi « JOXE » n° 89-548 du 2 août 1989 et la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990
Ces deux lois ne modifient pas l’économie générale de la loi Pasqua, mais ont pour objet
de renforcer les garanties juridictionnelles offertes aux étrangers en instance de reconduite
administrative.
15
14
Décision n° 79-109 DC, Rec.p.29
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
La loi « JOXE » introduit contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière
un mécanisme de recours doublement original. D’une part, alors même qu’il s’agissait de
décisions administratives, la loi donnait compétence au juge judiciaire, et plus précisément
au Président du Tribunal de Grande Instance pour connaître des recours formés contre
ces mesures d’éloignement. D’autre part, l’étranger obtient vingt-quatre heures afin de
former un recours devant le président du tribunal, lequel doit statuer dans un délai de
quarante-huit heures, et surtout, ce recours a un effet suspensif, c’est à dire que les mesures
d’éloignement sont suspendues jusqu’à ce que le juge ait statué.
Ce recours était donc particulièrement protecteur. Mais le Conseil Constitutionnel dans
sa décision n° 89-261 du 28 juillet 1989, a censuré ces dispositions de la loi « JOXE »
au motif que le transfert au juge judiciaire du contentieux de la reconduite administrative
méconnaissait le principe de séparation des pouvoirs et la compétence traditionnelle
réservée au juge administratif. En effet, l’APRF étant l’exercice d’une prérogative de
puissance publique, seul le juge administratif pouvait connaître des recours en annulation
de ces décisions.
En conséquence, la loi du 10 janvier 1990 reprenant les principales caractéristiques du
mécanisme juridictionnel prévu initialement par la « loi JOXE », confie au juge administratif
et plus précisément au président du Tribunal Administratif l’examen des recours introduits
contre les APRF. Cette procédure juridictionnelle est toujours en vigueur aujourd’hui.
La mise en place d’un recours spécifique à caractère suspensif est l’achèvement de
l’autonomisation de la reconduite à la frontière par opposition à l’expulsion. Elle a permis
le développement d’un contentieux particulier lié à l’application de l’article 22bis de
l’ordonnance de 1945.
La rétention administrative est elle, confiée à la compétence exclusive du juge judiciaire,
en vertu de l’article 66 de la Constitution qui en fait le gardien des libertés individuelles.
*.La loi n° 92-190 du 26 février 1992
Cette loi est considérée comme à part dans l’historique du régime de la reconduite
à la frontière. En effet, elle a comme objet d’adapter cette procédure à la Convention
d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985. Le but de ces accords était de créer
un espace de libre circulation des individus à l’intérieur des frontières des Etats parties, et ce,
par la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes et par harmonisation
des règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers extra communautaires.
La loi du 26 février 1992 crée deux nouveaux cas de reconduites pour les ressortissants
extra communautaires qui ont méconnu les règles définies au niveau européen. Ceuxci, ainsi que les étrangers qui ont fait l’objet d’un signalement par l’un des autres pays
signataires, peuvent faire l’objet soit d’une reconduite administrative, soit d’une reconduite
judiciaire. Cette loi ajoute donc au régime commun des deux types de reconduites (judiciaire
et administrative), un « régime Schengen ».
*.Les lois « PASQUA II » n° 93-1027 du 24 août 1993 et n°93-1417 du 30 décembre
1993
Ces deux lois sont incontestablement les plus polémiques des sources du régime de
la reconduite à la frontière. Leur importance ne vient pas tant des lois elles mêmes, mais
surtout des décisions du Conseil Constitutionnel les accompagnant et qui créent un véritable
statut constitutionnel de l’étranger.
15
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
16
Le 2 juin 1993
, Charles PASQUA, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de
l’Aménagement du Territoire annonce que « l’immigration zéro » est l’objectif qu’il s’est
assigné, « compte tenu de la gravité de la situation économique ». Le texte de loi voté et
présenté au Conseil Constitutionnel à comme principaux buts de « prévenir l’immigration
sauvage, défendre l’ordre public, et rendre plus efficace les mesures d’éloignement ». Cette
loi du 24 août appartient donc au courant que l’on peut qualifier de « sécuritaire », c’est-à-dire
dans lequel l’ordre public constitue un impératif prioritaire. La loi du 24 août 1993 lie en effet
étroitement les notions d’éloignement et d’ordre public. La reconduite à la frontière devient,
en vertu des nouveaux 3° et 7° de l’article 22 de l’ordonnance de 1945, la mesure d’exécution
des décisions de retrait de titre de séjour ou de refus de délivrance ou de renouvellement
de titre de séjour. Il en résulte que l’étranger à qui un titre de séjour à été refusé ou retiré
ne peut efficacement exercer les voies de recours ouvertes contre cette décision.
La loi prévoit également d’autres mesures pour rendre l’éloignement effectif, telles
que l’interdiction administrative du territoire, qui « emporte de plein droit reconduite à la
frontière de l’étranger concerné », ou l’exécution d’office du refus d’entrée. Auparavant,
pour contraindre l’étranger qui refusait d’embarquer dans un moyen de transport, il fallait lui
appliquer les dispositions de l’article 27, c’est-à-dire le déférer au parquet, le traduire devant
le juge correctionnel qui prononçait une peine d’emprisonnement assortie d’une interdiction
du territoire, laquelle emportait de plein droit reconduite à la frontière.
Le gouvernement avait également envisagé dans son projet initial de prolonger la durée
de la condition administrative d’un délai de soixante-douze heures.
17
Saisi de la loi, le Conseil Constitutionnel rendra la « décision des records
» qui marque une étape importante dans l’évolution de la jurisprudence du Conseil
Constitutionnel. La décision n° 93-325DC est la première décision à établir véritablement
le statut constitutionnel des étrangers, en même temps qu’elle apporte une importante
contribution à la théorie générale des libertés fondamentales.
Cette loi est celle qui a donné lieu à l’invocation du plus grand nombre de moyens
(environ 80) répartis en quinze catégories différentes. Le Conseil Constitutionnel a prononcé
l’invalidation de nombreuses dispositions. Ainsi, l’automaticité de l’interdiction du territoire
dans le cas du prononcé d’une mesure de reconduite à la frontière fut invalidée car
violant l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’article 27
de la loi, proposant l’allongement de la durée de rétention administrative de trois jours
fut également considérée comme contraire à l’article 66 de la Constitution de 1958 et
invalidée pour cette raison. Au total, plus de vingt dispositions de la loi furent considérées
comme inconstitutionnelles, ce qui est beaucoup pour une loi comportant 51 articles. De
nombreuses réserves d’interprétations furent également émises, faisant au total de la
décision 93-325DC une des décisions les plus sévères qui aient été prononcées par les
Neufs Sages.
Plus largement, cette décision structure véritablement le statut juridique des étrangers.
Les 2° et 7° considérants énoncent les grands principes qui leur sont applicables, et la
décision est construite de telle sorte que ressortent les principaux points de leur statut.
Deux grandes orientations sont ainsi définies : d’une part, les étrangers ne sont pas
nécessairement placés dans la même situation que les nationaux, et d’autre part, il convient
16
17
Le Monde, 2 juin 1993, propos recueillis par Philippe Bernard, Erich Inciyan et Edwy Plenel.
Louis FAVOREUX, , Décision maîtrise de l’immigration du 13 août 1993, Revue Française de Droit Constitutionnel ,1993,
n°15, p. 565
16
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
de distinguer pour le bénéfice de certains droits, les étrangers en situation régulière de ceux
qui ne le sont pas.
Cette décision fut également l’occasion de faire progresser la liberté individuelle et ses
composantes et d’affirmer par la même occasion la compétence exclusive du juge judiciaire
en la matière.
La loi fut promulguée « corrigée » le 24 août, mais le gouvernement obtint le
dernier mot par une loi du 30 décembre 1993, qui tout en respectant les aménagements,
permit d’augmenter les cas de reconduites à la frontière tout en diminuant les catégories
d’étrangers protégés. De plus, le préfet reçut la possibilité de prendre à titre de sanction
supplémentaire une décision d’interdiction du territoire d’une durée maximale d’un an, en
tenant compte de la situation personnelle de l’intéressé.
* La loi « DEBRÉ » n°97-396 du 24 avril 1997
Considérée par la doctrine comme un « amas de mesures », la loi n° 97-396 durcit les
dispositions des lois PASQUA afin de pallier les difficultés de mise en œuvre des mesures
d’éloignement mises en évidence par plusieurs travaux parlementaires.
La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l’immigration
prévoit le transfert du contentieux de l’appel des jugements rendus en matière de reconduite
à la frontière du Conseil d’Etat aux cours administratives d’appel. La loi ajoute également
à l’ordonnance un alinéa qui protège de l’éloignement l’étranger résidant habituellement en
France et atteint d’une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le défaut
pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une extrême gravité, sous réserve qu’il ne
puisse bénéficier du traitement approprié dans le pays de renvoi.
*.La loi « CHEVÈNEMENT » n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour
des étrangers en France et au droit d’asile (ou loi RESEDA).
L’annonce par Jacques CHIRAC de la dissolution de l’Assemblée Nationale signa
18
« l’arrêt de mort de la loi DEBRÉ
», qui n’était pas encore promulguée. En effet, au cours
de la campagne des législatives en mai et juin 1997, et suite au mouvement des « sanspapiers de Saint Bernard », les socialistes, les communistes, le Mouvement des Citoyens
et les Verts annoncèrent « l’abrogation des lois PASQUA DebrÉ » en cas de victoire.
Considérées comme « contraire à la Constitution et au principe d’égalité » et « attentatoires
aux libertés individuelles », ils proposent une « refonte de l’ordonnance du 2 novembre
1945 », afin de donner à la politique de l’immigration une orientation plus conforme au
principe traditionnel de la gauche qu’est le respect des droits de l’homme et de la dignité
humaine.
Le 19 juin, dans son discours programme prononcé devant l’Assemblée Nationale,
Lionel JOSPIN déclare que le « gouvernement va définir une politique d’immigration
ferme et digne ». Il confie à ce titre une mission d’étude à l’universitaire Patrick WEIL
qui rend son rapport au Premier Ministre le 31 juillet. La mission WEIL ne propose pas
l’abrogation des lois PASQUA-DEBRÉ mais des retouches telles que l’allongement du délai
de recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière ou la suppression de l’interdiction
administrative du territoire. Soumis à l’Assemblée Nationale selon la procédure d’urgence,
le projet est adopté en première lecture le 17 décembre 1997. Il est ensuite examiné
par le Sénat qui rejette en bloc les modifications apportées aux lois PASQUA-DEBRÉ.
Suite à l’impossibilité pour la commission mixte paritaire de rédiger un texte de compromis
18
François JULIEN-LAFFERIERE, « La loi DEBRÉ sur l’immigration », in Regards sur l’actualité, n°15, 1997
17
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
(les positions des deux assemblées étant inconciliables), l’Assemblée Nationale adopte
définitivement le projet.
Saisi dès le lendemain par les membres des groupes RPR et UDF, le Conseil
Constitutionnel ne censura qu’une disposition relative à l’immunité pénale des associations
et fondations apportant aide et assistance aux étrangers en situation irrégulière.
La loi promulguée le 11 mai était destinée à rendre l’ordonnance de 1945 « plus juste »
mais aussi « plus efficace ». Pour cela, elle modifia plusieurs aspects du régime administratif
des étrangers pour abroger les dispositions des lois PASQUA et DEBRÉ considérées
comme « attentatoires aux droits de la personne humaine sans apporter aux pouvoirs
19
publics les moyens réels de mener leur politique
». La loi du 11 mai 1998 apporta
plusieurs retouches aux procédures d’éloignement et de rétention administrative.
Le régime de la reconduite à la frontière est modifié sur deux points : l’allongement
du délai de recours contre l’arrêté de reconduite et la suppression de l’interdiction
administrative du territoire.
Le délai de recours contre l’APRF passe de vingt-quatre heures à quarante-huit
heures en cas de notification par voie administrative (remise à l’intéressé lors de son
placement en rétention) et à sept jours en cas de notification postale. Ce dernier point
permet à l’étranger de disposer du temps nécessaire pour exercer son recours, ce qui était
auparavant impossible dans les vingt-quatre heures.
La loi du 11 mai 1998 supprime l’interdiction administrative du territoire dont le préfet
pouvait depuis la loi du 24 août 1993, assortir un arrêté de reconduite à la frontière « en
raison de la gravité du comportement ayant motivé l’arrêté » et en tenant compte de la
situation personnelle de l’intéressé. L’abrogation de cette disposition va donc dans le sens
d’une meilleure garantie des droits des étrangers.
Concernant la rétention administrative, la durée maximale de rétention est portée
de dix à douze jours non seulement « en cas d’urgence absolue et de menace d’une
particulière gravité pour l’ordre public », mais également lorsque « l’impossibilité d’exécuter
la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage
de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité, ou de l’obstruction volontaire
faite à son éloignement ». Auparavant la prolongation de la rétention ne pouvait qu’avoir
pour but d’obtenir les documents de voyage nécessaires à l’éloignement. Désormais, la
prolongation de rétention s’apparente surtout à une sanction de l’impossibilité dans laquelle
l’intéressé a mis l’administration de l’éloigner.
Il est à noter que la loi du 11 mai 1998 est la première qui parvient à porter à plus de
dix jours la durée de la rétention, les tentatives précédentes s’étant heurtées au refus du
Conseil Constitutionnel.
*.La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au
séjour des étrangers en France et à la nationalité, dite « loi SARKOZY »
La loi du 26 novembre 2003, dite couramment « loi SARKOZY » du nom du ministre
de l’Intérieur qui en fut le promoteur, a mis en mouvement un processus de modification de
l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui a atteint une ampleur jamais connue jusqu’alors. En
effet, le projet de loi visait à modifier les 23 articles de l’ordonnance et à en créer 8 nouveaux,
mais également à modifier le code civil, le code pénal et le code de procédure pénale. Sur
19
18
Exposé des motifs de la loi.
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
le fond, le bouleversement n’était pas moindre, le projet de loi visant à combler les « failles
dans le dispositif de contrôle des flux migratoires instaurées par la loi du 11 mai 1998
20
».
Néanmoins, cette révision s’inscrit dans la continuité des réformes précédentes.
21
« Marquée du sceau de la complexité
», en ce qu’elle modifie pour la vingt-deuxième
fois l’ordonnance du 2 novembre 1945, la loi du 26 novembre 2003 est emblématique de
la volonté du législateur de tenter de concilier la maîtrise de l’ordre public avec la garantie
des droits et libertés des étrangers.
Ses principales innovations résident dans l’allongement du délai accordé au juge
administratif pour statuer sur les recours formés contre les arrêtés préfectoraux de
reconduite à la frontière et dans les modifications apportées aux catégories d’étrangers
protégées par les articles 25 et 26 de l’ordonnance.
Une nouvelle catégorie de reconduite à la frontière est ainsi créée, il s’agit de l’étranger
qui, pendant la durée de validité de son visa, ou s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa
pendant un délai de trois mois suivant son entrée sur le territoire, s’est mis en infraction
avec la législation sur le travail. L’étranger qui méconnaît les dispositions de l’article L.141-1
du code du travail, c’est à dire celui qui exerce une activité salariée sans être titulaire de
l’autorisation correspondante, est passible d’une décision de reconduite à la frontière. Il en
va de même pour l’étranger qui est « passible de poursuites pénales sur le fondement des
articles 222-39 et 222-39-1 du code pénal relatif au trafic de stupéfiants ».
La première de ces dispositions fut vivement critiquée, car elle revient à sanctionner
le travailleur irrégulier, et non son employeur. La seconde le fut également, car elle ne
respecterait pas la présomption d’innocence. Néanmoins, aucune de ces dispositions ne fut
censurée par le Conseil Constitutionnel.
La loi SARKOZY introduit à l’article 26 bis de l’ordonnance de 1945 un alinéa prévoyant
que le préfet peut décider la reconduite à la frontière d’office « lorsqu’un étranger non
ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne, qui se trouve sur le territoire
français, a fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des autres Etats
membres de l’Union Européenne ». Cette disposition transpose avec près d’un an de retard
la directive n°2001/40/CE relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement
des ressortissants de pays tiers contre lesquels une mesure d’éloignement à été prise par
un Etat autre que la France.
Parallèlement, trois protections contre les reconduites à la frontières sont créées. Il
s’agit tout d’abord de celle de l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de
vingt ans. La seconde protection instituée est celle de l’étranger qui réside régulièrement
en France depuis plus de dix ans sans vivre en état de polygamie et qui dans le même
temps, se prévaut de son mariage depuis au moins trois ans avec un ressortissant français.
La troisième protection est celle de l’étranger qui réside régulièrement en France depuis
plus de dix ans sans vivre en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français
mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien
et à l’éducation de l’enfant.
20
21
Exposé des motifs de la loi.
Hélène MANCIAUX, La réforme de la reconduite à la frontière par la loi du 26 novembre 2003 : l’imbroglio juridique demeure,
in AJDA, 18 octobre 2004, p. 1904.
19
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Ce sont donc désormais onze situations qui écartent l’édiction d’une décision de
reconduite à la frontière, contre huit auparavant. Néanmoins la proximité des catégories
visées entraîne une multiplication des cas de « double » ou « triple » protection.
La seconde innovation de la loi n° 2003-1119 réside dans l’allongement du délai dans
lequel le juge de la reconduite doit statuer. En effet, la loi du 26 novembre fait passer de
48 à 72 heures le délai dans lequel le juge de la reconduite doit statuer sur une demande
d’annulation d’une mesure d’éloignement. En revanche, le délai de saisine du juge demeure
inchangé et limité à 48 heures lorsque l’arrêté préfectoral est notifié par voie administrative
et sept jours s’il l’est par voie postale. La justification en vient de l’allongement de la durée de
rétention prévue par la réforme. En effet, l’urgence à statuer est moindre puisque la rétention
est limitée à 32 jours et non plus 12 comme c’était le cas auparavant, ce qui permet donc
une augmentation du délai de jugement.
La rétention administrative se trouve également modifiée par cette réforme. La loi
SARKOZY réécrit entièrement l’article 35 de l’ordonnance de 1945 tant sont nombreuses
les modifications qu’elle lui apporte.
La durée maximale de la rétention administrative est portée à 32 jours, c’est-à-dire
48 heures sur décision du préfet, puis 15 jours sur autorisation du juge des libertés et de
la détention et de nouveau 15 jours au plus, « en cas d’urgence absolue ou de menace
d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure
d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de
l’intéressé, de la dissimulation par celui ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite
à son éloignement ». Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil Constitutionnel a
validé cette durée, sous réserve toutefois que « l’autorité judiciaire conserve la possibilité
d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative
ou à la demande de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient
22
».
Pour contrebalancer cette atteinte aux libertés publiques, le législateur à voulu
améliorer la protection des destinataires de la rétention. Dans cette optique, l’administration
doit respecter un délai raisonnable entre la décision de reconduite à la frontière et le
placement en rétention : celle ci n’est possible que si l’APRF a été édicté moins d’un an
auparavant.
Les droits de la défense sont également redéfinis : à la formulation « l’étranger doit être
informé de ses droits immédiatement » succède l’expression « dans les plus brefs délais ».
La loi prévoit aussi la possibilité pour les étrangers placés en rétention administrative d’être
assistés d’un interprète dans la langue de leur choix.
De plus, le nouvel article 35 nonies de l’ordonnance de 1945 crée une « commission
nationale de contrôle des centres et locaux de rétention » composée de magistrats, de
représentants d’associations et de l’administration, chargée de « veiller au respect des droits
des étrangers retenus et aux conditions de leur hébergement » et qui pourra « effectuer
des missions sur place et faire des recommandations au gouvernement pour améliorer les
conditions de rétention ».
La loi n° 2003-1119 a également permis de mettre en œuvre une entreprise de
er
codification du droit des étrangers, qui à aboutit à l’entrée en vigueur au 1 janvier 2005
du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).
22
Décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003, Maîtrise de l’immigration et séjour des étrangers en France, JO 27 novembre
2003, p. 20154
20
Chapitre introductif : la lente autonomisation d'une prérogative régalienne
*.La loi du n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, dite
loi « Sarkozy II »
La loi du 24 juillet 2006 est révélatrice d’un tournant dans la politique de l’immigration
française. Ambitieuse parce qu’elle prétends poser les « fondements d’une nouvelle
23
politique de l’immigration
», elle lie pour la première fois immigration et intégration,
tout en affirmant une fois de plus la volonté du gouvernement de lutter contre l’immigration
irrégulière. Plusieurs de ses dispositifs visent dès lors à rendre plus difficile le séjour
des étrangers en situation irrégulière et l’un de ses principaux objectifs est de faciliter
la procédure d’éloignement du territoire, en instaurant une nouvelle procédure simplifiée,
er
l’Obligation de Quitter le Territoire Français, « l’OQTF », entrée en vigueur le 1 janvier
2007.
La loi procède ainsi au couplage des décisions de refus de séjour et d’une partie des
décisions d’éloignement en adoptant une procédure déjà connue du droit belge. Jusqu’ici,
le refus du droit au séjour s’accompagnait d’une invitation (non-exécutoire) à quitter le
territoire, laquelle était assortie d’un délai d’un mois pour que l’étranger quitte effectivement
le territoire. Si à l’issue de cette période l’étranger se trouvait encore sur le territoire, il faisait
l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière qui permettait alors l’exécution effective
de la mesure d’éloignement. La loi n° 2006-911 « simplifie » les choses en décidant que le
refus d’un titre de séjour peut être assorti d’une obligation de quitter le territoire qui fixe le
pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé. Cette décision est exécutoire d’office par
l’administration. Les décisions de refus de séjour assorties d’une OQTF se substituent donc
aux APRF et aux invitations à quitter le territoire français.
En théorie, l’instauration de l’OQTF devait répondre à l’accroissement important du
contentieux administratif en matière de reconduites à la frontière (46% du contentieux des
étrangers), en fusionnant ces trois décision (interdiction du territoire, arrêté de reconduite
et décision fixant le pays de renvoi) qui faisaient auparavant l’objet de trois jugements
différents. Dans la pratique, l’OQTF ne concerne que deux catégories de situation irrégulière
et les arrêtés de reconduite à la frontière subsistent donc.
Au terme de cette première approche historique, une tendance globale de
l’augmentation de l’emprise de l’Etat sur la procédure de reconduite à la frontière est à
constater. La politique imprègne véritablement cette branche du droit et le clivage droite/
gauche se reflète donc tant dans la construction législative de la reconduite à la frontière
que dans la structure même de cette procédure.
Celle ci tente d’équilibrer deux impératifs contradictoires, qui constitueront les deux
grandes parties de ce mémoire : la volonté des autorités publiques d’assurer l’effectivité des
mesures d’éloignement prononcées à l’encontre d’étrangers en situation irrégulière ; et la
garantie des droits fondamentaux de l’étranger.
23
Exposé des motifs de la loi.
21
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Premiere partie : la logique du glaive, la
décision de reconduite à la frontière
Matière de police, le droit des étrangers et plus particulièrement l’éloignement des étrangers
est imprégné de la préoccupation de maintenir l’ordre public et de prévenir les troubles dont
il pourrait être l’objet. Il constitue à ce titre une compétence régalienne par excellence, ce qui
explique que l’éloignement des étrangers ait toujours été confié au pouvoir exécutif. Avant
l’instauration du préfet, l’éloignement des étrangers pouvait être confié indifféremment au
gouvernement lui même
24
, ou au Ministre de l’Intérieur
25
.
La décision de reconduite à la frontière est tout d’abord une décision préfectorale (1.1)
dont l’exécution est confiée aux fonctionnaires de la Police aux Frontières (1.2).
1.1. Une décision préfectorale
La loi du Consulat du 28 pluviôse en VIII instaura le préfet comme dépositaire de l’autorité de
l’Etat, et le 22 janvier 1852, le Ministre de l’Intérieur lui confia l’éloignement des étrangers.
Cette compétence ne lui a jamais été enlevé depuis, et fut au contraire réaffirmée à plusieurs
reprises (notamment par la loi « PASQUA I »). Les préfets sont au cœur du dispositif
administratif de la reconduite à la frontière.
Ce sont eux qui décident de reconduire un étranger dans l’une des hypothèses
de reconduite définies par la loi. Les préfets ont également la possibilité de prendre
des mesures « accessoires » de la reconduite, comme la prolongation de la rétention
administrative, ou la fixation du pays de renvoi.
1.1.1. Le rôle central du préfet
Institué par la loi consulaire du 28 pluviôse an VIII, le préfet est à la tête de l’administration
d’Etat dans sa circonscription. Seul haut fonctionnaire dont les compétences ont une base
26
constitutionnelle , il « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du
respect des lois ». La loi du 9 septembre 1986 lui donna la compétence pour les reconduite
à la frontière : « le représentant de l’Etat dans le département et à Paris le préfet de police
peuvent décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière ». Cette faculté est expliquée
par la compétence de principe du préfet de département en matière de délivrance des titres
24
25
Ainsi que le prévoyait la loi du 28 Vendémiaire an VII, ou le Code Civil de 1810 en son article 215 précité
Loi du 3 décembre 1849, art 7 « le Ministre pourra par mesure de police, enjoindre à tout étranger voyageant ou circulant en
France, de sortir immédiatement du territoire français et de le faire conduire à la frontière
26
22
Article 72 de la Constitution de 1958.
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
de séjour. Ce dernier est donc le mieux à même d’apprécier le caractère régulier ou non de
la situation administrative d’un étranger sur le territoire français.
1.1.1.1. Le pouvoir discrétionnaire de reconduire
Loin d’être synonyme d’arbitraire, cet adjectif signifie que le préfet a le pouvoir de choisir
entre deux décisions ou deux comportements également conforme à la légalité. Exerçant
son pouvoir discrétionnaire de reconduite, le préfet ne peut jamais faire que ce que le
droit lui permet de faire ; mais il dispose d’une certaine marge de manœuvre. Saisi du
cas d’un étranger, le préfet n’a pas l’obligation de le reconduire à la frontière, ni la loi, ni
la jurisprudence ne l’y oblige : il peut également reconsidérer le cas de l’étranger et lui
délivrer un titre de séjour. Le préfet n’a pas « une compétence liée », il exerce un pouvoir
discrétionnaire légal. La situation irrégulière d’un étranger n’entraîne pas automatiquement
le prononcé d’une mesure de reconduite. Celle-ci relève d’une appréciation fondée sur
chaque cas d’espèce. Le préfet ne peut légalement décider de reconduire, ou d’obliger à
quitter le territoire, qu’une fois avoir examiné le cas de l’étranger, dans le cas contraire, la
mesure serait entachée d’illégalité et annulée.
1.1.1.2. La possibilité de déléguer
L’importance des attributions préfectorales est telle que le préfet n’est pas en mesure de
les exercer personnellement. Il a donc la possibilité de consentir à des délégations de
compétence au profit de ses adjoints ou subordonnés. Des deux types de délégations de
compétences, délégations de pouvoir et délégation de signature, c’est cette dernière qui est
la plus fréquemment utilisée en matière de reconduite à la frontière
27
.
Le préfet habilite nommément une personne (dans la majorité des cas son directeur de
cabinet, son secrétaire général ou le sous-préfet d’arrondissement) à signer à sa place. Pour
être régulière, une délégation de signature nécessite la réunion de cinq conditions : elle doit
28
être prévue par un texte , elle doit être explicite de façon à ne laisser aucun doute sur son
existence ni sur l’identité du délégataire, elle doit être précise en ce qui concerne l’étendue
des compétences déléguées, l’acte autorisant la délégation doit être publié, et la durée de
la délégation doit être limitée dans le temps (la durée est limitée par l’exercice des fonctions
de la personne qui délègue sa signature et par celle qui bénéficie de cette délégation).
1.1.1.3. La compétence territoriale du préfet
La compétence territoriale du préfet en matière de reconduite a été définie de façon souple
par la jurisprudence : il s’agit du critère du lieu de constat de l’irrégularité de la situation de
l’étranger. Le préfet du département dans lequel a été constatée l’irrégularité de la situation
d’un étranger au regard du CESEDA est compétent pour décider l’éloignement de l’intéressé
29
. Dans le cas de Paris, c’est le préfet de police qui est compétent pour prendre les arrêtés
préfectoraux de reconduite à la frontière.
27
Entretien avec Mme THORY, directrice des Libertés Publiques et de la Citoyenneté, préfecture du Val d’Oise.
28
Concernant les préfets de département, c’est le décret du 10 mai 2004 qui leur permet de déléguer une partie de leurs
attributions.
29
CE, 2 décembre 1992, Rutazigwa
23
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
1.1.1.4. La compétence générale du préfet en matière de reconduite
Pivot de la procédure de reconduite à la frontière, la compétence du préfet ne se limite
pas à l’édiction de la mesure de reconduite à la frontière. Le préfet peut accompagner
cette décision d’une mesure d’interdiction du territoire français, et d’une mise en rétention
administrative afin d’exécuter la mesure d’éloignement. Le préfet fixe également le pays de
destination de laquelle l’étranger sera reconduit. Enfin, conformément à l’article 72 de la
Constitution, le préfet représente l’Etat devant les juridictions, administratives et judiciaires.
1.1.2. L’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière
1.1.2.1. Souplesse des règles de procédures…
Contrairement à certains cas strictement encadrés par les textes, aucune procédure
contradictoire n’est prévue pour l’édiction des arrêtés préfectoraux de reconduite à la
frontière. Le préfet doit certes procéder à un examen particulier de chaque affaire, mais il
peut décider de reconduire un étranger sans être tenu de l’inviter préalablement à présenter
ses moyens de défense. Ni la loi, ni la jurisprudence ne prévoient la possibilité pour l’étranger
d’être entendu par des magistrats avant le prononcé de l’APRF, parce que la saisine du juge
est suspensive. C’est lors du recours juridictionnel que se fait le débat contradictoire.
L’arrêté de reconduite à la frontière doit être motivé en vertu de l’article L511-2
du CESEDA. La motivation consiste dès lors à énumérer dans le corps de l’arrêté, les
considérations de droit et de fait qui fondent la décision.
Si les règles de procédure conduisant à l’édiction d’un arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière sont souples, le préfet doit toutefois respecter les motifs légaux des mesures
de reconduite à la frontière.
1.1.2.2. …Fermeté des hypothèses
La mesure de reconduite à la frontière n’est légalement possible que si l’intéressé entre
dans l’un des cas de reconduite limitativement énumérés par la loi. Le champ d’application
de cette mesure d’éloignement résulte de la liste des hypothèses de reconduite (11.2.2.1)
à laquelle est soustraite la liste des étrangers protégés contre une telle mesure en raison
de leur situation particulière (1.1.2.2.2).
1.1.2.2.1. Les motifs de la reconduite à la frontière
La loi n° 2003-1119 à créé 3 nouveaux cas pour lesquels la reconduite à la frontière peut
être prononcée. L’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut être pris dans 8 cas,
énumérés à l’article L511-1 à L511-8 du CESEDA.
L’APRF sanctionne l’irrégularité de la situation de l’étranger. Celle ci peut découler soit
d’une entrée irrégulière sur le territoire français, soit d’un maintien irrégulier après l’expiration
des titres de séjour.
La violation des règles d’entrée sur le territoire est la première raison pour laquelle un
arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut être édicté.
Aux termes de l’article L511-1, 1°, la reconduite à la frontière peut tout d’abord être
prononcée à l’encontre de l’étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le
24
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
territoire français. La jurisprudence du Conseil d’Etat est venue préciser cette condition : le
préfet de région ne peut prononcer un arrêté de reconduite à la frontière contre un étranger
entré irrégulièrement sur le territoire, mais dont la situation aurait été régularisée a posteriori.
Cette particularité ne concerne que les étrangers dont le statut de réfugié est reconnu par
l’OFPRA.
La violation des règles d’entrée sur le territoire représente environ 30% des cas dans
lesquels une mesure de reconduite à la frontière est prononcée. Mais ce chiffre recouvre
deux réalités très différentes selon qu’il s’agisse de la France métropolitaine ou de la
France de l’outre-mer. En effet, en métropole les étrangers en situation irrégulière sont
généralement entrés régulièrement sur le territoire, mais s’y sont maintenus irrégulièrement.
En Outre-Mer, les entrées irrégulières sont massives, facilitées qu’elles sont par la proximité
des pays sources et la perméabilité des frontières. Cette situation se vérifie particulièrement
dans le cas de la Guyane dont la majeure partie des 1183 km de frontières est le fleuve
Maroni (520 km), facilement traversable et difficilement contrôlable. La faiblesse du nombre
des non-admis
30
(89 en 2004) rapportée au nombre de mesures de reconduites à la
frontières prononcées (5319
31
) illustre la perméabilité des frontières
32
.
Les autres collectivités d’outre-mer, telles que Mayotte ou la Guadeloupe sont
également touchées par les entrées irrégulières, qui reflètent l’accroissement des
différences de niveau de vie ainsi que la situation politiques des pays environnants
33
.
Les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pris sur le fondement d’une entrée
irrégulière représentent la majeure partie des mesures de reconduite édictées en Outre-Mer.
L’autre motif permettant la délivrance d’un arrêté est le maintien irrégulier sur le territoire
français, et concerne plus particulièrement la France métropolitaine.
Ce motif est celui qui génère le plus grand nombre d’arrêtés préfectoraux de reconduite
à la frontière en France métropolitaine. Les chiffres sont difficiles à obtenir car l’immigration
irrégulière échappe par nature au recensement. De surcroît, les indicateurs sont peu fiables.
Selon le rapport de la commission d’enquête sur l’immigration clandestine, on estime le
nombre d’étrangers irréguliers entre 200 000 et 400 000 personnes. 63 681 personnes en
situation irrégulière ont été interpellées au cours de l’année 2005, et plus de 47 000 d’entre
elles se sont vues notifier un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Aux termes du CESEDA, ce dernier peut être prononcé dans plusieurs hypothèses
différentes.
« Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité
de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois
mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour
régulièrement délivré » article L511-1, 2° CESEDA.
30
31
C’est à dire les étrangers qui n’ont pas eu l’autorisation de rentrer sur le territoire.
Source : http://www.contreimmigrationjetable.org/IMG/pdf/analyse_2006-07-24_outre-mer.pdf , page consultée le 20 mai
2007. Le site dont sont extraits ces chiffres est sujet à caution, mais au regard des statistiques officielles, les chiffres semblent juste,
raison pour laquelle l’auteur à choisir de les citer.
32
33
Source : Rapport de la Commission d’enquête sur l’immigration clandestine, présidée par M. Georges OTHILY, 2005, p.36
L’aggravation de la situation politique d’Haïti à multiplié par 3 les demandes d’asile en 2005, source : Rapport de la
Commission d’enquête sur l’immigration clandestine, présidée par M. Georges OTHILY,préc., p.21
25
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Ce cas de figure représente la majorité des arrêtés préfectoraux de reconduite à la
frontière. La jurisprudence du Conseil d’Etat à précisé le contenu de cette disposition.
Le maintien en France malgré l’absence de demande de titre de séjour permet au préfet
34
d’édicter d’une mesure de reconduite à la frontière
. Les étrangers qui séjournent en
France plus de trois mois après leur entrée sur le territoire Schengen, ou qui sont non
porteurs des documents permettant le franchissement des barrières externes peuvent
également faire l’objet d’un APRF.
« Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et
s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre »,
article L511-1, 4° CESEDA
L’étranger qui demande à la préfecture le renouvellement de son titre de séjour
temporaire se voit remettre un récépissé de sa demande. Celui-ci lui permet d’être considéré
comme étant en situation régulière pour le temps que nécessite l’examen de sa demande.
35
Dès lors, la personne concernée ne peut se voir notifier un APRF
. Au contraire, si
l’étranger n’a pas demandé à faire renouveler son titre de séjour et qu’il est resté sur
le territoire français, il n’est pas protégé contre l’édiction d’un APRF. Ces dispositions
36
s’appliquent à une demande de renouvellement présentée tardivement . Il en va de même
s’agissant d'un étranger ayant demandé le renouvellement de son titre mais n’ayant pas
37
répondu à une demande en vue de compléter son dossier . L'intéressé doit être considéré
comme ayant renoncé à sa demande de renouvellement dès lors qu’il ne s'est pas présenté
au rendez-vous qui lui avait été fixé et qu’il n'a entrepris aucune démarche depuis
38
.
« Si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification,
établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour » article L511-1,
5° CESEDA
Cette disposition permet le prononcé de mesures de reconduites à la frontière à
l’encontre d’étrangers condamnés pour contrefaçon, falsification, établissement sous un
39
autre nom que le leur ou défaut de titre de séjour
. Par voie de conséquence, la
reconduite à la frontière peut ici concerner un étranger en situation régulière. Une fois leur
condamnation purgée, les étrangers se voient notifier un arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière. Ils sont dès lors placés directement en rétention administrative par le préfet,
en attendant leur éloignement effectif. Toutefois, cette disposition est rarement appliquée
dès lors que le juge pénal lui-même assortit en général la condamnation au principal de
la sanction accessoire d’interdiction du territoire français, laquelle emporte de plein droit le
prononcé d’une mesure de reconduite à la frontière.
« Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance
ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été
34
35
36
37
38
39
26
CE, 26 juill. 1991, Préfet Hautes Alpes c/ Arab, req. n° 124593. – 27 mai 1998, Préfet Alpes-Maritimes c/ Mejri, req. n° 181832
TA Versailles, 1er avr. 1997, Manuel Mananga c/ Préfet Val d'Oise, n° 971402R
CE, 27 mai 1998, Préfet de police c/ Bouras, req. n° 175093
CE, 30 déc. 1998, Préfet Gironde c/ Tokpassi, req. n° 195243
CE, 6 janv. 1995, Préfet Pas-de-Calais, req. n° 146370
CE, 6 janv. 1995, Ntamack, req. n° 148700
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en
raison d'une menace à l'ordre public ». article L511-1, 7° CESEDA.
C'est une innovation de la loi « Pasqua » de 1993 que d’avoir étendu le champ
d’application de la reconduite à la frontière à des hypothèses d’étrangers en situation
régulière mais ayant fait l'objet d’une décision de retrait, de refus de délivrance ou de
renouvellement d’un titre de séjour motivés par une menace à l'ordre public. Cette hypothèse
semble redondante par rapport aux termes de l’article L511-1 du CESEDA régissant
l’expulsion. Opérant un rapprochement entre la reconduite à la frontière et l’expulsion,
cette hypothèse traduit la volonté du législateur de traiter de manière spécifique l’étranger
qui trouble l’ordre public. Reste qu’en pratique, cette procédure permet de réaliser une
40
« expulsion déguisée
», sans que l’intéressé ne bénéficie des garanties de procédure
et de fond applicables à l’expulsion.
Cette « dérive » du champ d’application de la mesure de reconduite à la frontière a
ensuite été poursuivie par l’insertion par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure
dans l’ex-article 22-I-2 d’un nouveau cas de reconduite à la frontière concernant l’étranger
« dont le comportement a constitué une menace pour l’ordre public pendant la durée de
son visa, ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, pendant la période de trois mois à
compter de son entrée sur le territoire français ». L’introduction de cette nouvelle possibilité
accroît de fait la confusion entre la reconduite à la frontière et l’exclusion.
« Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du
visa, pendant la période définie au 2º ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué
une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les
dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail », article L.511-1, 8° CESEDA
Introduit par la réforme du 26 novembre 2003 afin de sanctionner le travail clandestin,
cet article constituait l’une des principales innovations de la loi n°2003-119. Aux termes
de cette loi, les étrangers ayant méconnu les dispositions de l’article L.341-4 du code du
travail, c’est-à-dire ayant exercé une activité professionnelle salariée en France sans avoir
obtenu d’autorisation de travail peuvent se voir notifié un arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière.
L’exposé des motifs de la loi traduit la préoccupation du législateur de prendre en
41
considération « l’aspect économique et humain
» de l’immigration irrégulière.
Une enquête menée par l’Inspection Générale de l’Administration de novembre 1999 à
août 2000 a montré que les étrangers en situation irrégulière employés clandestinement
percevaient des rémunérations très inférieures au SMIC. Certaines branches d’activité (aux
premiers rangs desquels les bâtiments-travaux publics, le secteur hôtelier ou agricole) sont
plus exposées au travail illégal. Il s’agit de secteurs connaissant de fortes difficultés de
recrutement, que la main d’œuvre clandestine peut permettre de pallier. En sanctionnant
le non respect du code du travail, l’objectif du législateur était de garantir l’application de
normes sociales minimales et par là, de maintenir l’ordre public social.
Par cette loi, l’inspection du travail se voit dotée de pouvoirs spéciaux jusqu’alors
réservés aux forces de l’ordre, puisque l’URSSAF et les inspecteurs du travail pourront
contrôler l’identité et le titre de séjour des étrangers
40
41
42
42
. Ils doivent également constater
Xavier Vandendriessche, Droit des Etrangers, Connaissance du droit, Dalloz, 2005
Exposé des motifs de la loi du 26 novembre 2003.
Art. 34 nonies du projet de loi modifiant l'article L. 611-8 du Code du travail
27
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
l’infraction commise par l’étranger démuni d’autorisation de travail, et en référer aux préfets.
Ces derniers peuvent alors prononcer un arrêté de reconduite à la frontière.
Ce nouvel article accroît la confusion entre la reconduite à la frontière et l’expulsion
dans la mesure où la référence au code du travail s’écarte de la définition traditionnelle de la
reconduite à la frontière. Le champ d’application de la reconduite à la frontière est élargi au
point pour certains auteurs de perdre de sa lisibilité. La reconduite à la frontière deviendrait
une « mesure fourre- tout
43
».
Reconduites à la frontière et accords de Schengen
L’article L511-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a
prévu que puissent être reconduit à la frontière les étrangers non ressortissants d’un Etat
membres de l’Union Européennes. Deux conditions sont toutefois nécessaires pour une
telle reconduite : l’étranger intéressé ne doit pas avoir remplies les conditions d’entrée
prévues (c’est-à-dire qu’il n’ait pas demandé de visa), ou il ne peut justifier être entré sur le
territoire métropolitain (puisque la Convention de Schengen ne s’applique pas pour l’outremer) conformément aux règles prévues.
La prise en compte des accords de Schengen a permis une reconnaissance mutuelle
des mesures d’éloignement entre les Etats membres. Lorsqu’un étranger en situation
irrégulière fait l’objet d’une mesure d’éloignement dans un pays partie à la convention, le
pays dans lequel réside l’étranger peut exécuter cette mesure d’éloignement.
1.1.2.2.2. La protection contre les mesures de reconduite à la frontière
La loi n°2003-1119 a modifié la liste des étrangers protégés contre les mesures de
reconduites à la frontières, en créant 3 nouvelles protections portant de fait à 11 le nombre de
cas dans lesquels une telle mesure ne peut être prononcée. Ces protections sont également
valables pour les Obligations de Quitter le Territoire Français. Les hypothèses suivantes
sont fondamentales pour les reconduites à la frontière, car les étrangers faisant l’objet d’une
telle mesure se réclament d’une de ces catégories devant le juge administratif.
« L'étranger mineur de dix-huit ans », article L511-4 CESEDA
Cette protection provient directement de la tradition juridique française, et se trouve
confirmée par d’autres dispositions conventionnelles telles que la Convention relative aux
droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990. Les mineurs sont la seule catégorie
d’étrangers qui échappe totalement aux mesures d’éloignement, car ils n’ont pas à avoir un
titre de séjour. La Cour Administrative d’Appel a de plus jugé qu’un mineur n’avait pas le
droit à un titre de séjour
44
.
Aux termes de cet alinéa, un préfet ne peut donc prononcer la reconduite à la frontière
d’un mineur étranger. Mais cette protection n’est pas une protection par « ricochet », c’està-dire que la présence de mineurs n’empêche pas l’édiction d’une mesure de reconduite
à la frontière pour leurs parents, dès lors qu’il n’existe aucune circonstance mettant les
intéressés dans l’impossibilités d’emmener leurs enfants avec eux
45
.
La protection des mineurs cesse à la majorité de la personne.
43
44
45
28
Hélène Manciaux, La réforme de la Reconduite à la frontière : l’imbroglio juridique demeure, AJDA 18 octobre 2004, p. 1904
CAA Nancy, Ministre de l’Intérieur c/ Mme AZOUGGAH, 16 février 2006
CE, 27 janv. 1992, Préfet Seine-et-Marne c/ YUKSEL, req. n° 124680
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
« L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il
a atteint au plus l'âge de treize ans », article L511-4, 2° du CESEDA.
Cette protection se justifie par la volonté du législateur d’offrir une protection particulière
aux étrangers dont le lien avec la France est particulièrement fort. Ce dernier se prouve par
tout moyen, et est fréquemment invoqué devant les juridictions administratives. En effet,
cette protection est particulièrement destinée aux personnes arrivées en France dans les
années 70 par la voie du regroupement familial, sans avoir été pour autant régularisées.
Cette disposition protège donc les enfants des travailleurs immigrés qui se sont établis en
France pendant les Trente Glorieuses, et qui ne connaissent pas leur pays d’origine, dont
ils conservent pourtant la nationalité. Cet alinéa protège donc d’une mesure de reconduite
à la frontière les personnes ayant toujours vécu en France.
« L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été,
pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention
"étudiant" » article L511-4, 4° du CESEDA
46
Là encore, la résidence habituelle se prouve par tous moyens. Comme pour l’alinéa
précédent, la fixation à 10 ans de la durée de vie en France a pour vocation de vérifier
l’attachement de la personne étrangère au pays d’accueil et de protéger les liens qu’elle
y a noués.
« L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans », article
L511-4, 5° CESEDA
Créée par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, cette disposition protège
également la vie que l’étranger a pu construire en France, en prenant en considération
la régularité de sa situation précédente. Celle ci serait un gage de bonne intégration et
de bonne foi pour l’administration qui ne peut donc reconduire à la frontière les étrangers
concernés. La jurisprudence du Conseil d’Etat a précisé le contenu du calcul de la durée.
Toute interruption doit être ponctuelle et non répétée, afin de ne pas interrompre la durée
de résidence habituelle en France
47
.
« L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français
mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et
à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis
la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans », article L 511-4, 6° CESEDA
Seconde des trois nouvelles protections mises en place par la loi n°2003-1119,
cette disposition introduit pour la première fois, une considération d’ordre public dans les
hypothèses protégées. L’étranger doit formellement prouver qu’il se conforme à la législation
sur le mariage en n’étant pas polygame, et il doit démontrer l’existence de sa contribution
à l’éducation de son enfant.
La prise en charge s’apprécie sur une période assez longue et le Conseil d’Etat a
considéré qu’il ne « saurait être fait grief à un étranger privé temporairement d'emploi du
fait qu'il n'a pu subvenir pendant cette période aux besoins matériels de son enfant ». En
46
Le 3° « L'étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il
a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" » a été abrogé par la loi
n° 2003-1119.
47
CE, 5 janvier 2005, Préfet de police c/ Turak.
29
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
revanche, l'étranger qui n’exerce aucune profession ne peut être regardé comme subvenant
effectivement aux besoins de son enfant.
48
Cette clause est à mettre en relation avec d’autres dispositions de la loi, visant à limiter
le regroupement familial. Celui-ci n’est désormais possible que lorsque les parents apportent
la preuve de leur capacité à élever des enfants. Dans le cas contraire, ils ne peuvent se
prévaloir de leur rôle de soutien de famille et ne sont donc pas protégés contre les mesures
de reconduite à la frontière.
« L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française,
à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint
ait conservé la nationalité française », article L 511-4, 7° CESEDA
La durée de mariage susceptible de protéger d’une mesure d’éloignement a été durcie
par la loi n°2003-1119, passant d’un à trois ans. Le Conseil Constitutionnel a maintes fois
affirmé qu’il « appartient au législateur d’apprécier les conditions dans lesquelles les droits
de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d’intérêt public »
49
. Cette durée
s’applique strictement et ne tient pas compte d’une période antérieure de concubinage
, ou d’un veuvage
51
50
.
Le maintien de la communauté de vie constitue une condition indispensable pour
52
bénéficier de la protection . Le préfet est fondé à considérer que celle ci n’existe plus
lorsque l’un des deux époux quitte le domicile conjugal deux mois avant la décision de
reconduite à la frontière
procédure de divorce
54
53
, ou lorsque les conjoints résident séparément pendant une
. En revanche, l’incarcération de l’intéressé ne suffit pas à faire
regarder la communauté de vie entre les époux comme ayant disparu
55
.
« L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant
pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger
relevant du 2º, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage »,
article L 511-4, 8° CESEDA
Dernière « nouveauté » instaurée par la loi du 26 novembre 2003, cette disposition a
été créée afin de mieux protéger certaines situations familiales fréquentes et de garantir au
mieux le respect de la vie familiale. L’étranger en situation irrégulière marié à une personne
elle même en situation irrégulière, mais qui vit en France depuis l’âge de 13 ans, se voit
ainsi protégé contre les mesures d’éloignement.
48
49
50
51
52
CE, 28 juill. 1993, Camara
Conseil Constitutionnel, 3 septembre 1986 n°86-216 DC ; 13 août 1993 n°93-325 DC.
CE, 30 juill. 1997, Souam-Thomas, req. n° 180961
CE, 29 juill. 1994, Arndt : Rec. CE, tables p. 939
CE, 11 juin 1997, Préfet Hauts de Seine c/ Jenan, req. n° 181659. – 22 sept. 1997, Gurbuz, req. n° 173039. – 27 mai 1998,
Préfet Alpes maritimes c/ Mejri, req. n° 181832. – 13 janv. 1999, Barrou, req. n° 199193
53
54
55
30
CE, 28 févr. 1997, El Mounsi, req. n° 174814
CE, 30 avr. 1997 Préfet Moselle c/ Bengrira, req. n° 174788
CE, 3 mars 1997, Sadeg, req. n° 163153
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
« L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle
servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou
supérieur à 20 % », article L 511-4, 9° CESEDA
Cette hypothèse vise directement à protéger les travailleurs immigrés venus s’établir en
France, et répond à une « nécessité de justice sociale ». La participation de ces travailleurs
à la reconstruction d’après guerre exigeait en retour des garanties de protection. Lors de
l’alternance législative sous le mandat de Jacques Chirac, la majorité socialiste modifia
par la loi du 11 mai 1998 la liste des hypothèses protégeant d’une mesure de reconduite
à la frontière en introduisant cette possibilité. Dès lors qu’ils ont été reconnus invalides
par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, les étrangers
ne peuvent se voir notifier une mesure d’éloignement. Il en va de même lorsque qu’ils
perçoivent des pensions d’invalidité versées suite à un accident du travail et l’allocation
supplémentaire servie par le Fonds national de solidarité
56
.
« L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise
en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une
exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement
approprié dans le pays de renvoi », article L511-4, 10° CESEDA
Introduite par la loi Debré du 24 avril 1997, cette hypothèse est aujourd’hui l’une des
plus fréquemment invoquée devant les Tribunaux Administratifs. Cette disposition souffre
en effet de sa trop grande imprécision : il était prévu dans le projet de loi de l’articuler avec
57
les dispositions de l’article D. 322-1 du Code de la sécurité sociale , qui fonde la notion
d’affection de longue durée. Mais la proposition ne fut pas retenue lors de l’adoption du
projet de loi.
Aux termes de la loi, cette protection ne protège que l’étranger qui établit que le
traitement qu’il doit suivre ne peut lui être prodigué dans son pays d’origine
58
, et que le
59
défaut de traitement entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité
. Le Conseil d’Etat a considéré que cette protection n’était pas subordonnée à la condition
que l’étranger ait commencé le traitement
60
.
Si l’étranger soutient qu’il ne peut bénéficier du traitement approprié dans son pays
61
d’origine, la charge de la preuve contraire appartient au préfet . Dans tous les cas, le
préfet est tenu de recueillir l’avis médical sur la nécessité pour un étranger de poursuivre
son séjour pour motif de santé. L’article 7-5 du décret du 30 juin 1946 précise que l’état de
santé de l’intéressé est constaté par un « avis du médecin inspecteur de santé publique de
la DDASS émis au vu d'un rapport établi par un médecin agréé ou praticien hospitalier et
des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine ».
56
57
58
59
60
61
CE, 29 avr. 1998, Préfet Loire c/ Saïd Benmira, req. n° 189912
article qui recense 30 affections considérées comme des maladies graves au sens de la Sécurité Sociale.
CE, 8 juill. 1998, Préfet Alpes-Maritimes c/ Ben Chora, req. n° 187441
CE, 17 févr. 1999, Préfet Essonne c/ Samba Pene, req. n° 200096
CE, 17 févr. 1999, Préfet de police c/ Hoyos Ospina, req. n° 192881
CE, 3 novembre 1999, N’Satou, req n°200065.
31
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
« Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à
l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les
membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L.
122-1. », article L511-4, 11°
Cette disposition concrétise le principe de libre circulation des hommes affirmé par la
construction européenne et mis en œuvre par la Convention de Schengen. Les frontières
ont ainsi été progressivement démantelées, et les étrangers des pays membres de
62
l’Union Européenne bénéficient par leur citoyenneté européenne
d’un droit de séjour
sur le territoire français, en vertu duquel ils ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure
d’éloignement.
Protection liée à l’impossibilité de reconduire certaines personnes auxquelles doit être
délivré de plein droit un titre de séjour.
Indépendamment de la liste fixée par l’article L511-4 du CESEDA des catégories
d’étrangers ne pouvant faire l’objet d’une mesure d’éloignement, les articles L 313-11 et
L313-12 du CESEDA ajoutent une garantie supplémentaire. Ces deux articles prescrivent
que s’il remplit ces conditions, l’étranger doit se voir délivrer un titre de séjour lequel fait
obstacle au prononcé d’une mesure de reconduite à la frontière.
Bien que recouvrant un large éventail d’hypothèses, la protection instituée par le
législateur comporte certaines limites. La proximité des situations visées rend inévitable
le chevauchement de certaines d’entre elles, et certains étrangers en situation irrégulière
bénéficient d’une double ou triple protection.
La principale limite de la protection législative concerne « l’après ». L’étranger protégé
ne se voit pas automatiquement remettre de titre de séjour et reste de fait exposé à des
poursuites pénales pour infraction à la législation sur les étrangers. Il se crée alors des
situation « ubuesques » dans lesquelles les étrangers ne sont ni « régularisables », ni
« éloignables ».
1.1.3. Les autres décisions du préfet
Le préfet peut prendre d’autres décisions pour éloigner les étrangers en situation
irrégulières. La loi du 24 juillet 2006 a créée une nouvelle procédure d’éloignement (1.1.3.1).
Dans le cadre de sa mission, le préfet est également amené à prendre d’autres décisions
annexes telles que la mise en rétention administrative (1.1.3.2), la décision fixant le pays
de renvoi (1.1.3.3).
1.1.3.1. L’Obligation de Quitter le Territoire Français
L’article 52 de la loi du 26 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, a créé
l’Obligation de Quitter le Territoire Français, qui accompagne les refus de titre de séjour, les
refus de renouvellement et retraits de titres de séjour (article L511-1,1° du CESEDA). Ces
hypothèses, ex-articles L511-1, 3° et L511-1, 6° du CESEDA, étaient autrefois susceptibles
d’entraîner le prononcé d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Depuis l’entrée
en vigueur, le 29 décembre 2006 de cette réforme, le préfet peut assortir ses décisions de
refus de séjour d’une Obligation de Quitter le Territoire Français, laquelle est exécutoire
d’office dès l’expiration du délai d’un mois après la notification.
62
32
Instituée par le Traité de Maastricht du 26 février 1992.
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
L’OQTF a été crée afin de simplifier le travail des préfets (et des magistrats
administratifs) concernant l’éloignement des étrangers, ainsi que pour répondre à l’urgence.
Le contentieux de l’éloignement des étrangers est régi par l’urgence, les délais d’action sont
très courts, ce qui peut mener le préfet aux limites de la légalité. La création de l’OQTF
correspond a la volonté de rationaliser les procédures d’éloignement et est le prolongement
de l’APRF. L’OQTF associe à la décision préfectorale statuant sur le refus de séjour
une obligation de quitter le territoire, exécutoire après un délai d’un mois. Cette réforme
est directement inspirée du projet de directive européenne sur les normes et procédures
communes en matière d’éloignement du territoire.
La principale innovation de l’OQTF telle qu’instituée par la loi du 24 juillet 2006, consiste
en la fusion entre la décision d’éloignement elle même, et la décision fixant le pays de
destination.
Les règles applicables à la reconduite à la frontière s’appliquent également à l’OQTF,
notamment en ce qui concerne les personnes protégés contre les mesures de reconduite
à la frontière (CESEDA, art L-511-4°), avec quelques modifications toutefois. L’étranger qui
a résidé habituellement en France depuis plus de quinze ans ne bénéficie plus de cette
protection, le conjoint de français doit avoir 3 ans de vie commune, et les ressortissants
communautaires ou de la Confédération Suisse sont ajoutés à cette liste
63
.
Afin d’assurer l’effectivité de l’éloignement, le préfet peut, tout comme pour l’arrêté
préfectoral de reconduite à la frontière, assortir l’OQTF d’une demande de rétention
administrative.
1.1.3.2. La mise en rétention administrative
Un arrêté préfectoral ne peut être exécuté avant l’expiration du délai de recours (quarante64
huit heures ) devant le tribunal administratif. A ce délai suspensif d’exécution s’ajoute le
délai nécessaire pour que le magistrat administratif statue. De plus, l’exécution immédiate
d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est le plus souvent, matériellement
impossible. L’administration doit en effet réserver une place sur un avion, ou un ferry à
destination du pays de renvoi, l’étranger doit être en possession d’un document de voyage
(passeport et laissez-passer consulaire). Il existe donc avant toute exécution d’une mesure
d’éloignement des délais incompressibles pendant lesquels une surveillance des étrangers
reconduits s’avère nécessaire. L’administration doit en effet être a même de s’assurer de
63
Article L511-1 CESEDA : Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 50, art. 51, art. 52 Journal Officiel du 25 juillet 2006) I. -
L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de
séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une
menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination
duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (1). La même autorité peut,
par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace
économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun
droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le
territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par
l'administration. Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter
le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire
français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, sauf
s'il a été placé en rétention.
64
Article L512-3 CESEDA
33
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
la présence d’étrangers dont elle peut penser qu’ils ne défèreraient pas spontanément à la
mesure de reconduite.
C’est la raison pour laquelle la loi « Bonnet » du 10 janvier 1980 introduisit dans
l’ordonnance de 1945 la possibilité pour l’administration de retenir les étrangers éloignés
dans des « locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pendant le temps
strictement nécessaire à l’organisation du départ ». Cette loi codifie une pratique instituée
en 1810 sur la base de l’article 120 du Code Pénal, qui autorisait implicitement la détention
des étrangers. En effet, la détention arbitraire n’était pas sanctionnée dès lors qu’il s’agissait
de personnes étrangères.
Depuis cette loi, le préfet est seul compétent pour décider du placement initial en centre
ou en local de rétention, pour une durée de quarante-huit heures. Cette décision est motivée
par le fait que l’étranger « ne peut quitter immédiatement le territoire français », en raison
de conditions matérielles objectives.
A l’issue de cette première période, si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée
malgré les diligences de l’administration, le préfet peut demander au Président du Tribunal
de Grande Instance une première prolongation de la rétention. Usuellement fixée à six jours,
cette prolongation est de quinze jours depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-1119.
Le président du Tribunal de Grande Instance ou le juge des Libertés et de la Détention
statue par ordonnance, après audition du représentant de l’administration et de l’étranger.
Si, aux termes de cette première prolongation, la mesure d’éloignement n’a toujours
pas été exécutée, le préfet a la possibilité de demander une prorogation pour un délai de
cinq jours ou de quinze jours supplémentaires. Le préfet dispose donc d’un maximum de
32 jours pour organiser l’éloignement effectif de l’étranger.
1.1.3.3. La décision fixant le pays de renvoi
C’est un arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat qui a consacré la distinction entre la mesure
de reconduite à la frontière et la décision complémentaire fixant le pays à destination duquel
65
l’étranger sera reconduit . Cette distinction à été consacrée par la loi du 24 août 1993
à l’article L.513-3 du CESEDA. Le fondement de cette distinction jurisprudentielle repose
sur l’idée que le but premier de reconduite à la frontière est de sanctionner une situation
irrégulière. Or l’éloignement dans le pays d’origine peut parfois s’avérer impossible parce
que l’étranger y encoure des risques particuliers, soit de par sa situation personnelle, soit
de par la situation politique du pays. Le préfet peut alors entreprendre des démarches afin
de trouver un pays d’accueil pour l’étranger.
La décision fixant le pays de renvoi n’obéit à aucune condition formelle, le choix de la
destination relevant le plus souvent d’un certain nombre d’indices. Lorsque la nationalité de
l’étranger est connue, c’est à dire lorsque l’étranger a apporté la preuve par un passeport,
des diplômes, des témoignages d’autres nationaux… Le préfet contacte alors les autorités
consulaires du pays, en vue de l’obtention d’un laissez-passer consulaire. Dans le cas
contraire, lorsque l’étranger ne révèle pas son identité ou qu’il n’est pas possible de le
reconduire dans son pays d’origine, le préfet doit choisir un autre pays. Peut alors être
choisi un pays géographiquement ou culturellement proche, ou le préfet peut demander à
entendre l’étranger qui lui indique une destination. Une nouvelle demande de laissez-passer
consulaire est alors engagée.
65
34
CE. Ass. 6 novembre 1987 Buayi, AJDA 1987, p. 765
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
La décision de renvoi, juridiquement distincte de l’arrêté préfectoral de reconduite à la
frontière, peut être annulée séparément par le juge administratif, mais elle doit être soulevée
en même temps que l’arrêté.
1.2. L’exécution de la reconduite à la frontière
1.2.1. Le processus
1.2.1.1. L’exception : l’exécution spontanée
Lorsque l’étranger en situation irrégulière se voit notifié un arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière, il dispose d’un délai d’un mois pour quitter le territoire. Diverses aides ont
été prévues pour faciliter le retour, parmi lesquelles l’aide au retour des étrangers en
situation irrégulière. Cette aide versé par l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et
des migrations peut atteindre 6500€ pour un couple marié avec 3 enfants mineurs. Afin
d’assurer l’effectivité du retour, les aides sont versées dans le pays d’accueil.
L’exécution spontanée ne représente cependant qu’une infime proportion de
l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : 2000 retours ont ainsi eu lieu en 2006,
66
et 1000 en 2005
. Dans la grande majorité des cas, les services préfectoraux sont
amenés à demander l’aide de la Police Aux Frontières afin de faire exécuter les mesures
d’éloignement.
1.1.2.2. La police aux frontières
A l’origine, en 1811, la police aux frontières était un simple service administratif dans les
gares. Lorsqu’il devient ministre de l’intérieur en mars 1906, Georges ClÉmenceauconstate
avec surprise « la faiblesse de la sûreté générale et l’insuffisance dramatique de la police ».
Son discours d’intronisation est le point de départ à la constitution de la police aux frontières
comme un corps policier à part entière. En 1973, elle devient un service central autonome
sous le nom de Police de l’Air et des Frontières.
Un décret du 29 janvier 1999 finalise la Police Aux Frontières en tant que direction
spécialisée de la police nationale, et lui attribue différentes missions. Aux termes de ce
décret, la Direction Centrale de la Police aux Frontières, (DCPAF) est chargée de « veiller au
respect des textes relatifs à la circulation trans-frontière ainsi que d'animer et de coordonner
l'action des services de police nationale en matière de lutte contre les infractions liées à
l'entrée et au séjour des étrangers en France ».
L’essentiel de son action consiste à lutter contre « l’immigration irrégulière », et de là, à
exécuter les décisions d’éloignement décidées au niveau préfectoral. Afin de remplir cette
mission, la DCPAF a été réorganisée en 2003. Elle se compose actuellement d’un Etat major
et de trois sous directions.
66
Source
:
http://www.france24.com/france24Public/fr/nouvelles/france/20070524-france-hortefeux-immigration-
codeveloppement.html , page consultée le 25 mai 2007.
35
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
L’état major assure la circulation de l’information relative à toutes les activités de
la police aux frontières. Il lui est rattaché l’Unité nationale d’escortes, de soutien et
d’intervention, qui est chargée des escortes internationales, de l’appui aux services
déconcentrés et du fichier national trans-frontière. L’état major est assisté de trois sousdirections, chargées d’orienter et d’évaluer l’action de la PAF et d’animer la coordination
nationale interministérielle mise en place en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
Deux d’entre elles interviennent plus particulièrement dans l’exécution des mesures
d’éloignement. Il s’agit d’une part de la sous direction de la lutte contre l’immigration
irrégulière, et d’autre part, de la sous direction relative aux affaires internationales, transfrontières et à la sûreté.
Cette dernière participe à la conception et à l’application des textes relatifs à la
réglementation nationale et européenne dans le domaine de compétences de la direction
centrale de la police aux frontières. Elle travaille en liaison avec la direction des
libertés publiques et des affaires juridiques du Ministère de l’Intérieur. Elle coordonne et
anime l’action conduite en matière de contrôle trans-frontière en liaison avec les autres
administrations concernées par cette mission. C’est également elle qui assure la mission
d’assistance juridique des services déconcentrés de la direction centrale de la police aux
frontières. Enfin, elle coopère avec d’autres polices en participant à la conduite d’actions
de coopérations policières au niveau européen. Il existe en effet 10 centres de coopération
policière et douanière (CCPD) mis en place avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie,
le Luxembourg et la Suisse.
La sous direction de la lutte contre l’immigration irrégulière est celle qui joue le
plus grand rôle dans l’éloignement des étrangers. En effet, il lui revient la coordination
nationale de la lutte contre toutes les formes d’immigration illégale, et c’est elle qui
met effectivement en œuvre l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Elle est
également chargée d’améliorer les méthodes de détection des faux documents de voyage.
Elle est assistée dans sa mission par l’office central pour la répression de l’immigration
irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titres, l’OCRIEST, qui supervise l’activité des
unités d’investigations des services déconcentrés. Il est également rattaché à la sous
direction de la lutte contre l’immigration irrégulière la brigade des chemins de fer qui contrôle
la lutte contre l’immigration irrégulière empruntant le vecteur ferroviaire.
Au plan déconcentré, la DCPAF est représentée par 7 directions zonales (DZPAF), 6
directions (DPAF), 44 directions départementales et 67 services de la police aux frontières
(SPAF) lui permettant de contrôler 67 aéroports, 27 ports et 65 postes ferroviaires et
67
terrestres
. Ce sont les fonctionnaires des SPAF qui sont chargés de faire exécuter
matériellement les mesures de reconduite prononcées par le préfet.
L’éloignement des étrangers en situation irrégulière était l’un des thèmes privilégiés
de la campagne électorale. La victoire de Nicolas SARKOZY à permis de réaliser la
création d’un Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Codéveloppement, sur le modèle de ce qui existe en Grande-Bretagne, au Québec ou au
Luxembourg. Bien que les décrets n’aient pas encore été publiés à l’heure où l’auteur
termine ce mémoire, il est permis de penser que l’exécution des mesures d’éloignement sera
l’une des missions de ce ministère. Cette mission correspondrait à la volonté affirmée durant
la campagne de réunir dans un même portefeuille l’ensemble des services s’occupant des
étrangers en France, depuis l’entrée sur le territoire jusqu’au départ. Il est possible que la
67
36
http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/organisation/dcpaf , page consultée le 20 mai 2007.
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
Police Aux Frontières soit alors co-gérée par le Ministère de l’Intérieur et le Ministère de
l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Co-développement.
1.1.2.3. L’exécution de l’éloignement
Lorsqu’une mesure d’éloignement à été prononcée à l’encontre d’un étranger en situation
irrégulière, la charge de l’exécution en revient aux fonctionnaires de la police aux frontières.
Ceux ci prennent alors en charge l’étranger retenu au centre de rétention. Deux
situations se présentent alors à eux : si l’étranger dispose de documents de voyages
authentiques, c’est-à-dire d’un passeport en cours de validité et d’un laissez-passer
consulaire, l’exécution de la mesure d’éloignement pourra être réalisée. Les fonctionnaires
contactent alors l’agence Havas qui se charge de réserver le moyen de transport, et
transmet la date de départ au Centre de Rétention où est retenu l’étranger. Ce dernier est
alors placé sous escorte policière et l’éloignement a lieu.
Dans le cas contraire, lorsque l’étranger n’est pas documenté, c’est à l’administration
française que revient la charge de la preuve de l’identité de l’intéressé. L’étranger est
présenté devant le consulat de son pays d’origine, qui doit lui délivrer un laissez passer
consulaire, titre de voyage tenant lieu de passeport. Les étrangers doivent être en mesure
de justifier de leur identité, en apportant la preuve de leur nationalité par des documents
officiels ou des témoignages de personnes de leur nationalité. Si le Consulat reconnaît
l’étranger comme un de ses nationaux, l’éloignement a lieu. Mais si le Consul ne reconnaît
pas l’étranger, il doit signer un Procès Verbal de non-reconnaissance, et l’éloignement
est provisoirement interrompu. Une procédure judiciaire est alors engagée sur le motif de
l’obstruction de l’étranger à son identification, pouvant amener à une incarcération à l’issue
de laquelle la procédure d’éloignement recommence.
Ces hypothèses sont cependant relatives, car le placement en rétention concerne
surtout les étrangers dont l’éloignement est possible car ils ont été formellement identifiés et
reconnus par leur consulat. C’est d’ailleurs ce qui explique que le taux d’éloignement effectif
des étrangers placés en centre de rétention administrative soit actuellement de 72%.
L’éloignement peut avoir lieu par différents moyens de transports, tels que l’avion,
le bateau ou encore le convoyage en voitures de police. Pour des raisons pratiques,
l’éloignement aérien est le plus fréquemment utilisé. Il peut avoir lieu indifféremment sur
des avions de ligne régulières, ou sur des « charters » spécialement affrétés par le
gouvernement français, ou en coopération avec d’autres pays européens.
Lorsqu’il s’agit d’avions de ligne, les reconduits sont amenés au pied de l'avion par un
véhicule administratif une heure et demie avant le décollage. Les étrangers sont escortés
par des policiers du Service de la Police Aux Frontières de l’aéroport de départ. Il existe un
nombre maximum de places réservées à l’éloignement, déterminées en fonction du nombre
de reconduits, de la taille de l’escorte policière, et de la capacité de l’avion de ligne.
1.2.2. Les difficultés de la mise en œuvre de l’éloignement
1.2.2.1. Les difficultés matérielles
Les difficultés relatives à l’exécution de l’éloignement sont triples. Elle résident tout d’abord
dans la difficulté d’obtention des laissez passer consulaires, elles proviennent ensuite des
37
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
modalités d’organisation avec les compagnies aériennes, et elles sont enfin aggravées
par la violence inhérente à l’éloignement, mais particulièrement présente dans le cas des
reconduites par voie aérienne.
Une première difficulté empêchant la mise en œuvre de l’éloignement est la difficulté
d’obtention des laissez-passer consulaires. Cette difficulté est fréquemment couplée à la
« perte » du passeport. Or l’étranger qui ne peut présenter de passeport ne peut être
éloigné sans laissez-passer consulaire. Ce titre de transport qui tient lieu de passeport
est indispensable à l’éloignement. C’est au préfet qu’il appartient de faire les démarches
auprès du Consulat de l’intéressé. En effet, dès que l’étranger est placé en rétention, la
préfecture envoie par fax le dossier de l’intéressé au consulat du pays dont il est supposé
être le ressortissant (elle se fonde en général sur la nationalité déclarée à l’entrée en France
ou sur la langue parlée lors de l’audition). Deux cas de figure se présentent alors : soit le
consulat accepte de « coopérer » et l’étranger y est conduit sous escorte policière pour un
entretien visant à déterminer s’il est bien ressortissant de ce pays ; soit le consulat refuse
d’apporter son concours aux autorités préfectorales et ne délivre aucun laissez-passer, ni
au bout de sept, ni au bout de douze, ni au bout de trente-deux jours. C’est en particulier le
cas des consulats d’Irak et de Palestine, mais aussi d’Iran et d’Egypte. D’autres consulats
(Cameroun, Chine, Tunisie et Maroc) délivrent ces documents au compte goutte, selon que
le ressortissant a commis, ou non une infraction.
En effet, les consulats sont partagés entre deux injonctions contradictoires. Le droit
international leur impose en principe de réadmettre leurs ressortissants, mais ils doivent
également défendre leurs intérêts face à un Etat tiers. Cette contradiction explique les
différences de délivrances de laissez-passer consulaires d’un pays à l’autre. Certains pays
se montrent particulièrement coopératifs comme l’illustre le tableau (voir en annexe ?). Le
rapport 2003 sur les centres et locaux de rétention de la CIMADE souligne que les pays les
plus coopératifs sont la Roumanie et la Turquie, tous deux candidats à l’entrée dans l’Union
Européenne. Certains consulats sont tellement désireux de coopérer qu’ils admettent
comme ressortissants des étrangers qui n’ont pas leur nationalité (cas du consulat de
Roumanie avec les étrangers de Moldavie).
Dans le cas des consulats qui ne répondent pas aux injonctions préfectorales, la raison
provient souvent de la difficulté à établir avec certitude que l’étranger sous le coup d’une
mesure d’éloignement est bien l’un de leurs ressortissants. Les représentations consulaires
des pays de l’ex-Union soviétique (Georgie, Ukraine, Russie…) délivrent par exemple assez
peu de laissez-passer, non pas par volonté d’obstruction mais parce qu’elles ne parviennent
pas toujours à savoir avec certitude s’il s’agit de l’un de leurs ressortissants
Face à ces difficultés, les pouvoirs publics français agissent sur tous les fronts pour
mettre fin à ces résistances et augmenter les taux de reconduite à la frontière. A l’échelle
internationale tout d’abord, l’imposition de clauses de réadmission dans les accords de
coopération est désormais monnaie courante : au niveau français comme au niveau
communautaire, les questions d’aide au développement et d’échanges commerciaux sont
de plus en plus systématiquement liées à la gestion des flux migratoires
68
.
Les visites diplomatiques jouent également un rôle dans l’obtention des laissez-passer
consulaires. Depuis la visite effectuée par Nicolas SARKOZY au Mali en 2002, les consulats
maliens se montrent beaucoup plus « coopératifs » : alors qu’elles ne délivraient jusque
là aucun laissez-passer, les autorités consulaires acceptent désormais de se rendre au
centre de rétention afin d’identifier leurs ressortissants. Il en va de même pour le consulat
68
38
Caroline Intrand, « La politique du "donnant-donnant" », Plein droit, n° 57, juin 2003
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
de Tunisie qui accepte depuis la visite protocolaire de 2004 de se rendre à la maison d’arrêt
pour identifier les détenus.
Au plan national, les différents ministres de l’Intérieur qui se sont succédés place
Beauvau ont tous œuvré à une augmentation du taux de délivrance des laissez passer
consulaires. Une directive du Ministère de l’Intérieur du 16 avril 2002 relative à la délivrance
des laissez-passer consulaires avertit les préfectures que « des entretiens bilatéraux ont
eu lieu afin de contribuer à l’établissement d’un climat de compréhension mutuelle » plus
propice à l’aboutissement des démarches préfectorales
69
.
L’absence de laissez passer consulaire constitue donc une difficulté majeure pour
l’administration, car l’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement ne peut être
reconduit sans ce document, et devra être relâché à l’issue de sa rétention. La situation
devient alors paradoxale : l’étranger, toujours sous le coup de l’arrêté de reconduite à la
frontière puisque celui est valable un an, reste en France en situation irrégulière car il n’a
pu être éloigné !
Une autre difficulté majeure vient également de l’organisation concrète de la rétention.
La politique des quotas menée par certaines compagnies aériennes ainsi que la faible
disponibilité des vols pour certaines destinations peuvent rendre difficiles l’exécution de
l’éloignement par vols réguliers. De plus, certaines lignes sont plus « sensibles » que
d’autres. Tel est le cas des lignes à destination de l’Afrique de l’Ouest (particulièrement
Bamako, Douala et Conakry) et de la Chine Populaire. Plusieurs commandants de bord
ont ainsi révélé que des incidents entre les passagers et les policiers escortant le reconduit
avaient déjà eu lieu, ainsi que l’illustre le placement en garde à vue de l’élu Rhonalpin qui
s’était opposé à l’éloignement d’une famille a destination de Pristina.
En devenant un débat de société, l’éloignement cristallise les passions et l’hostilité
des passagers à l’égard des procédures de reconduite à la frontière par voie aérienne est
croissante. Certains affrontements ont pu dégénérer en « émeutes », les passagers prenant
fait et cause pour l’étranger reconduit. La sécurité à bord de l’appareil en est compromise,
ainsi que la sécurité du personnel navigant qui est assimilé à la police dans les pays de
destination
70
.
La violence est en effet la principale difficulté de l’exécution des mesures d’éloignement,
et particulièrement dans le cas des reconduites par avions de ligne. La tâche des
fonctionnaires de police constitue une mission difficile compte tenu de la résistance et des
comportements violents de certains étrangers, et passagers. La Commission Nationale de
Déontologie et de Sécurité fait ainsi état de plusieurs cas de violences à l’égard de policiers.
Plusieurs fonctionnaires ont été blessés par des morsures ou des griffures, entraînant des
71
incapacités temporaires de travail de quinze jours . La violence n’épargne pas non plus
les étrangers. Ce même rapport fait ainsi état de comportement abusifs en réponse à une
opposition de la part de l’intéressé. Suite à la mort en 2004 de deux étrangers pendant
un vol de reconduite, le Comité Européen de Prévention de la Torture à édicté des règles
pour encadrer dans le respect des droits de l’Homme la procédure d’éloignement. Plusieurs
69
70
Circulaire de la DLPAJ relative à la délivrance des laissez-passer consulaires.
Commission d’enquête du Sénat portant sur les régularisations d’étrangers en situation irrégulière,
http://senat.fr/rap/
l97-47022/l97-470228.html , page consultée le 25 mai 2007.
71
Rapport 2005 de la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité, p.454
39
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
recommandations ont ainsi été mises en œuvre, telles que l’utilisation de bandes velcro
pour entraver les membres
72
.
Toutes ces raisons expliquent le développement d’autres modalités de transport pour
assurer l’effectivité de l’éloignement. Dans le cas des reconduites à destination des pays
du Maghreb, l’utilisation de la voie maritime est désormais privilégiée, car elle permet
de prévenir le refus d’embarquement. Des « cellules » sont aménagées dans les ferries
assurant la liaison entre la France et les pays concernés. Les étrangers reconduits y sont
amenés sans être en contact avec les passagers, afin d’empêcher d’éventuelles émeutes.
La pratique des avions « charters » s’est également développée. En fonction des
ressortissants d’un même pays retenus dans les centres de rétention, le gouvernement
affrète un avion, qui peut être privé mais aussi militaire, vers une destination précise. Les
ressortissants du pays seront alors regroupés dans cet avion et éloignés.
De plus en plus également, se développent les reconduites « groupées » au niveau
européen. La pratique des reconduites groupées européennes permettent de répondre à
l’accroissement du contentieux ainsi qu’une baisse des coûts conséquente. Elles ont été
récemment organisées par une directive du 29 avril 2004, transposée en France le 8 août
2004. Chaque Etat membre choisit le transporteur aérien avec lequel il définit les coûts
afférents à l’éloignement. Les Etats qui veulent y participer contactent l’Etat organisateur
en lui indiquant le nombre d’étrangers en attente d’éloignement, ainsi que l’effectif de
l’escorte policière les accompagnant. L’Etat organisateur répartit les demandes, et les Etats
participants lui transmettent alors les documents de voyages nécessaires, tels que les
passeports, les visas d’entrée et les dossiers.
Plusieurs vols ont ainsi été réalisés depuis l’entrée en vigueur de cette directive
73
.
1.2.2.2. Les chiffres de l’éloignement
Bien qu’il puisse sembler cynique de parler du coût monétaire des mesures d’éloignement
compte tenu du coût moral et humain, l’aspect financier représente tout de même
un poids non négligeable. L’éloignement des étrangers présente un coût relativement
74
difficile à estimer. Une enquête des Echos
révélait que 179,1 millions d’euros sont
dévolus à la lutte contre l’immigration irrégulière pour l’année 2007. Ce chiffre comprend
le coût de l’éloignement, ainsi que le fonctionnement des centres de rétentions. Le
budget alloué à la Police Nationale pour l’année 2007 est en nette augmentation par
rapport à 2006 (106,8millions d’euros) et reflète la volonté d’augmenter les retours forcés.
Ceux-ci mobilisent près de 10 000 fonctionnaires par an, et 15 000 si l’on compte les
fonctionnaires « empruntés » à d’autres services
75
( pour gérer les escortes, par exemple).
Les Centres de Rétention Administratives représentent également un gros poste
budgétaire. Les dépenses d’investissement qui leurs sont relatives représentent 270 millions
72
73
74
75
40
Rapport relatif à la visite effectuée en France par le Comité de Prévention de la Torture en juin 2002
Pour exemple, le 2 août 2006 un vol groupé organisé par les autorités françaises a décollé à destination de la Bulgarie.
Carine FOUTEAU, « coût des reconduites à la frontière », Les Echos, 29 septembre 2006.
Damien DE BLIC, « Sans-papiers, l’autre chiffre de la politique d’expulsion », revue Mouvements, avril 2007.
Premiere partie : la logique du glaive, la décision de reconduite à la frontière
d’euros pour le budget 2007, dont 47,9 millions d’euros seront affectés à la construction de
3 nouveaux centres
76
.
Le taux d’exécution des mesures d’éloignement est très variables selon que l’étranger
est placé ou non, en centre de rétention. Dans le premier cas, 72% des mesures
d’éloignement sont exécutées, dans le second cas, le taux effectif d’éloignement tombe à
20%. Au total, près de 20 000 (19 848) retours forcés ont été exécutés en 2005
en 2006 et l’objectif pour 2007 est fixé à 27 000 reconduites.
77
, 24 000
*** *** ***
La recherche de l’effectivité des mesures d’éloignement constitue véritablement la
colonne vertébrale de la reconduite à la frontière. La décision originelle du préfet, ensuite
exécutée par la Police Aux Frontières vise à répondre à cette exigence.
Mais tout comme Janus, le Dieu romain aux deux visages, la reconduite à la frontière
présente une autre facette : l’impératif d’effectivité est ainsi équilibré par les garanties
offertes par le Juge aux étrangers.
76
77
Damien DE BLIC, précité.
Réponse à Jérome RIVIERE, débats parlementaires, source :
http://www.ump.assemblee-nationale.fr/article.php3?
id_article=5527 , page consultée le 25 mai 2007.
41
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Deuxieme partie : la balance protectrice
des droits de l’étrangers, les garanties
offertes par le juge
La répartition des compétences entre les juridictions administratives et judiciaires dans le
contentieux des étrangers est complexe, car deux principes du droit « s’opposent ».
D’une part la juridiction administrative dispose d’une clause générale de compétence
dérogatoire de droit commun. Cette attribution conférée par le juge constitutionnel lui
78
impose de connaître les activités de puissance publique de l’administration . La rétention
administrative est une activité de gestion de l’immigration sur le territoire français laquelle
est une activité de puissance publique inhérente à la souveraineté. La compétence du juge
administrative semble trouver là un fondement.
D’autre part, l’article 66 de la Constitution dispose que « nul ne peut être arbitrairement
détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce
principe dans les conditions prévues par la loi ». Or dans la mesure où le placement
en centre ou en local de rétention limite la liberté individuelle, le juge judiciaire est tenu
d’intervenir.
A défaut d’unification du contentieux (tentée par le législateur en 89 mais censurée
par le Conseil Constitutionnel), la répartition des compétences opérée par la loi demeure
une conciliation entre deux impératifs constitutionnels. La décision n° 93-325 a toutefois
assuré la compétence exclusive du juge judiciaire en matière de prolongation de la rétention
administrative.
2.1. Le contrôle du juge judiciaire
2.1.1. L’intervention du juge judiciaire, garant de la liberté individuelle
Conformément à une tradition constante, le juge judiciaire est compétent en matière de
79
« sauvegarde de la liberté individuelle
». La compétence du juge judiciaire en la matière
a un fondement constitutionnel, mais se trouve limitée par le droit constitutionnel.
La Constitution du 4 octobre 1958 indique en son article 66 que « le juge judiciaire est
le garant de la liberté individuelle ». Le juge judiciaire détient dès lors nécessairement une
78
« relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions
prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif », Conseil Constitutionnel
86-224DC 23 janvier 87 Conseil de la Concurrence.
79
42
Tribunal des Conflits, 18 décembre 1947, Hilaire et Dame Cortesi, JCP, 1948, n° 4087
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
compétence dans le contentieux de l’immigration. Mais cette compétence doit être qualifiée
de subsidiaire, car le juge de droit commun en matière d’entrée, de séjour et d’éloignement
des étrangers est le juge administratif. Le juge judiciaire a une compétence limitée à certains
cas où la liberté individuelle de l’étranger est particulièrement exposée, ce qui s’observe
essentiellement en matière de rétention administrative.
La rétention administrative est la possibilité pour l’administration de maintenir pour une
durée limitée les étrangers visés par une mesure d’éloignement du territoire dans des locaux
ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. La rétention administrative, empêchant
l’individu d’aller et de venir constitue donc bien une privation de liberté, et le juge judiciaire
est à ce titre compétent pour connaître de son contentieux.
Néanmoins, en vertu du principe de séparation des pouvoirs la portée du contrôle du
juge judiciaire est limitée. Le juge judiciaire est radicalement incompétent pour connaître de
la régularité de la décision initiale de placement en rétention administrative.
En tant que gardien des libertés individuelles, le juge judiciaire a pour la rétention
administrative une double compétence. Il vérifie que les droits garantis à l’étranger ont
été respectés lors de sa rétention, et il contrôle également la légalité de la décision de
prolongation de rétention.
L’intervention du juge judiciaire doit satisfaire à deux exigences complémentaires :
d’une part elle doit d’une part intervenir avec suffisamment de célérité pour ne pas vider
de son sens l’article 66 de la Constitution et d’autre part, cette intervention ne doit pas être
formelle.
L’exigence de rapidité de l’intervention du juge judiciaire a été rappelée par le Conseil
Constitutionnel dans sa décision du 9 janvier 1980. Il a énoncé à cette occasion que
l’intervention doit avoir lieu « dans le plus court délai possible », afin que la liberté individuelle
soit sauvegardée. Cette exigence de promptitude a ainsi conduit la Cour de Cassation à
censurer l’ordonnance d’un premier présidant statuant plus de 48 heures après sa saisine
80
.
Le Juge des Liberté et de la Détention du ressort où se situe le centre de rétention est
donc saisi à l’issue du délai de 48 heures pour statuer sur la prolongation de la rétention.
Il peut être saisi une deuxième fois pour envisager la prorogation de la rétention à l’issue
de la première prolongation de 15 jours
81
.
L’audience se déroule publiquement, en présence de l’intéressé et de son conseil s’il
en a demandé l’assistance, et en présence (facultative) du représentant de l’administration.
Elle peut avoir lieu au Tribunal de Grande Instance compétent, ou dans une salle d’audience
à proximité immédiate du centre de rétention. Face à la polémique provoquée par cette
possibilité, le Conseil Constitutionnel a précisé que pour être conforme aux règles du procès
équitable, la salle doit avoir été spécialement aménagée afin de permettre la publicité des
débats, tout comme leur « clarté, sécurité et sincérité ». Il est également possible que « pour
limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés » l’audience ait lieu
par vidéoconférence.
80
81
ème
Cass. 2
civ. 27 mars 1996, n° 95-50023, Bull. Civ. II, p.75
Prévu par la loi n°2003-1119, cet allongement visait à répondre à un souci d’harmonisation avec les autres Etats de l’Union
Européenne, (la durée antérieure de 12 jours étant, selon l’exposé des motifs du projet de loi, « de loin la plus contraignante de tous
les Etats Européens » ), et permettre « d’améliorer le taux d’exécution des mesures d’éloignement ».
43
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Le juge doit rappeler la procédure, entendre l’étranger retenu et lui rappeler les droits
dont il bénéficie au Centre de Rétention. L’étranger retenu bénéficie en effet de l’assistance
d’un avocat et d’un interprète s’il en a besoin, du droit à être examiné par un médecin et
du droit de communiquer avec son consulat ou une personne de son choix. Le juge entend
enfin les éventuelles observations du représentant de l’administration et les conclusions de
l’avocat.
A l’issue de l’audience, les ordonnances sont rendues sans délai et notifiées à
l’étranger, à son avocat, ainsi qu’au représentant du préfet. Quelle que soit sa décision, le
juge doit informer l’étranger des possibilités de recours contre les décisions le concernant.
L’appel est possible pendant 24 heures. L’appel du Ministère public doit être effectué dans
un délai de 4 heures s’il souhaite voir déclarer l’appel suspensif en cas de remise en liberté
de l’étranger.
Le juge judiciaire est seul compétent pour décider de la prolongation et de la prorogation
de la rétention administrative. Son contrôle varie légèrement suivant les cas.
2.1.2. Le rôle du juge judiciaire en cas de première prolongation
2.1.2.1. Le contrôle de la procédure
En vertu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n’est pas
compétent pour examiner la validité des actes administratifs, à l’exception de la requête du
préfet le saisissant (2.1.2.1.1). Il est en revanche pleinement compétent pour connaître de
la régularité de la procédure antérieure (2.1.2.1.2). C’est à l’étranger ou à son conseil qu’il
incombe de soulever une éventuelle irrégularité.
2.1.2.1.1. Le contrôle de la saisine
Le juge contrôle la régularité de la saisine. La requête doit avoir été déposée au greffe
du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel se trouve le Centre de Rétention
Administrative, avant l’expiration du délai de 48 heures suivant la décision administrative
de maintien en rétention. La requête en prolongation doit être motivée, datée et signée par
le préfet ou son délégataire, la délégation devant être jointe au dossier pour permettre au
juge d’en vérifier la légalité. Le juge vérifie également la présence d’une copie du registre
du centre, indiquant l’heure à laquelle a débuté la rétention administrative.
2.1.2.1.2. Le contrôle de la procédure antérieure à la rétention administrative
Le juge se prononce en tant que gardien des libertés individuelles, mais sa décision ne
préjuge pas de la validité de l’arrêté de reconduite à la frontière. Il lui appartient en revanche
82
de vérifier la régularité des actes antérieurs à la décision de rétention administrative . La
deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a affirmé le lien unissant la légalité de la
mesure de rétention administrative à la régularité d’un contrôle d’identité préventif
garde à vue
82
83
44
84
, ou d’une détention
85
83
.
S. Trassoudaine, le droit des étrangers et la protection de l’individu, rapport de la Cour de Cassation, 2000, p.160 et s.
ème
Préfet de la Haute Garonne c/ M. Bechta, Cass. Civ. 2
28 juin 1995
, d’une
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
Les irrégularités ici sanctionnées sont celles qui portent sur les conditions de
l’interpellation, sur les modalités de la garde à vue ou encore sur la détention.
Les conditions d’interpellation ont été strictement définies par les articles 78-1 et
suivants du Code de Procédure Pénale.
Plusieurs types de contrôles d’identité sont susceptibles d’avoir permis l’interpellation
d’un étranger en situation irrégulière. Le contrôle d’identité judiciaire, qu’il soit personnalisé
(art 78-2, al. 1 du CPP) ou requis-systématique (art 78-2, al. 2 du CPP) ainsi que le contrôle
d’identité administratif, doit respecter des règles strictes de procédures, dont l’inobservation
est susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrestation et la remise en liberté de l’étranger.
Il en va de même pour le contrôle d’identité frontalier, régi par les articles 78-2, al 4.
et 5 du Code de Procédure Pénale. Ce contrôle vise toute personne se trouvant dans
une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la
Convention de Schengen, et une ligne tracée à 20 km en deçà de la frontière, ainsi que
les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières
ouvertes au trafic international. Seul un Officier de Police Judiciaire ou sous ses ordres et sa
responsabilité les APJ et APJ adjoints mentionnés à l’article 20 et 21 du CPP sont habilités
à procéder à de tels contrôles.
Ces fonctionnaires sont également les seuls compétents pour procéder à la vérification
de situation d’un étranger, en vertu de l’article L.611-1 du CESEDA. Leur contrôle vise les
personnes étrangères qui, aux termes de l’article doivent être en mesure de présenter les
pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisée à séjourner en France.
Le Conseil Constitutionnel a précisé dans sa réserve d’interprétation de la décision du 13
août 1993 que la mise en œuvre de ce contrôle doit se fonder exclusivement sur des critères
objectifs et exclure toute discrimination de quelque nature qu’elle soit entre les personnes.
La chambre criminelle a quant à elle, posé le principe selon lequel il faut relever «
l’existence d’éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même
86
de l’intéressé (…) de nature à faire apparaître celui-ci comme un étranger
». Mais tout
en employant le pluriel, elle n’exige en réalité que l’existence d’un seul élément extérieur.
Ont été jugés comme pouvant constituer des éléments objectifs extérieurs à la
87
personne le fait de se trouver au volant d’un véhicule immatriculé à l’étranger , ou le fait
d’être connu des services de police comme ayant fait l’objet de procédures pour infraction
à la législation sur les étrangers
88
89
. En revanche, le fait de s’exprimer en langue étrangère
, ou de lire un journal rédigé en langue étrangère
objectif extérieur exigé.
90
, ne suffit pas à caractériser l’élément
Le juge des libertés et de la détention examine dans un second temps la régularité
de la garde à vue pouvant intervenir à l’issue de l’interpellation d’un étranger en situation
84
85
Mme Mesu c/ Préfet du Calvados, Cass. Civ. 2
ème
28 juin 1995
ème
M. F. Massemba c/ Préfet de Police de Paris, Cass. Civ. 2
28 juin 1995
86
87
88
89
90
Cass. Crim. 25 avril 1985, arrêts Bogdan et Vuckovic, JCP G 1985, II, 20 465.
Cass. Crim. 25 avril 1985, arrêt Bogdan, précité.
Cass. Crim. 17 mai 1995, Fouzari, Bull. Crim. n°177.
Cass. Crim. 10 novembre 1992, Bassilika, Bull. Crim. n°370.
CA Paris, 19 juillet 1991, Juris-Data n°023722.
45
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
irrégulière. Le placement en rétention prend effet immédiatement à l’issue de cette mesure.
Le juge doit alors se prononcer sur les irrégularités attentatoires à la liberté individuelle.
Le contrôle porte sur plusieurs points différents.
Le contrôle du juge des liberté et de la détention porte en premier lieu sur la décision
de placement en garde à vue, ainsi que sur l’information du Procureur de la République.
Si, aux termes des article 63 et 77 du Code de Procédure Pénale, le placement en garde
à vue relève du seul pouvoir des Officiers de Police Judiciaire, ces derniers doivent en rendre
compte au Procureur de la République. La chambre criminelle a rappelé que tout retard
dans la mise en œuvre de cette obligation d’information non justifié par des circonstances
insurmontables fait nécessairement grief aux intérêts de la personne.
Le juge examine ensuite la notification des droits. En effet, des droits sont attachés au
placement en garde à vue dont le juge des libertés et de la détention vérifie qu’ils ont été
exposés à l’intéressé, conformément à la loi. La copie du registre du Centre de Rétention
permet alors au juge de vérifier que tel a été le cas : une case devant être émargée par
91
l’intéressé signale la délivrance de l’information . Concernant la rapidité de notification de
ces droits, la loi n° 2003-1119 a substitué au terme « immédiat » l’expression « dans les
meilleurs délais ».
Néanmoins, si la personne est en état d’ébriété, la notification des droits peut être
différée jusqu’à complet dégrisement pour permettre à la personne placée en garde-à-vue
de comprendre la portée de ce qui lui est notifié. Cet état peut éventuellement être constaté
par un médecin requis.
Le juge examine dans un troisième temps que l’étranger interpellé ait pu s’entretenir
avec un interprète. La chambre criminelle de la Cour de Cassation a précisé que la loi exige
que la personne ait connaissance dans une langue qu’elle comprend de ses droits mais non
que l’OPJ ait recours à un interprète assermenté. Les droits peuvent être notifiés au moyen
d’une traduction écrite dans la langue concernée. C’est d’ailleurs ce que prévoit la loi du 9
mars 2004 dans le nouvel article 63-1 « les informations (…) doivent être communiquées
à la personne gardée à vue dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen
de formulaires écrits ».
Par ailleurs, dans l’hypothèse où les enquêteurs ne disposent d’aucun formulaire écrit
dans la langue considérée, la loi n’impose pas la présence physique de l’interprète dans les
locaux de police mais seulement son intervention. Il en résulte donc que la traduction de
cette notification peut être assurée téléphoniquement par un interprète.
L’alinéa 4 de l’article 63-1 complète ce dispositif en prévoyant que si la personne gardée
à vue « est atteinte de surdité, ou qu’elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un
interprète en langue des signe ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une
méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout
dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ».
L’absence de l’interprète, alors qu’il apparaît que l’étranger ne comprend pas la langue
française, entache la procédure de nullité
92
.
Le juge judiciaire vérifie également que les droits garantis à toute personne privée de
sa liberté aient été effectivement exercés.
91
92
46
Voir Annexe n°7
ème
Cass. 2
Civ. 29 mars 2001, n°00-50.022.
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
Les droits ainsi garantis sont le droit à l’information, le droit de faire prévenir un tiers, le
droit d’être examiné par un médecin et le droit de s’entretenir avec un avocat.
*.Le droit à l’information
Selon le premier alinéa de l’article 63-1 « toute personne placée en garde à vue est
immédiatement informée de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête ». Cette
information doit intervenir avant la notification des autres droits accordés par la loi.
En pratique, une simple notification orale des droits peut être effectuée dès le placement
en garde à vue ou dans un temps très court, une demi heure, la transcription par procès
verbal pouvant n’intervenir qu’ultérieurement, dans un délai de 3 heures, il est toutefois
indispensable que ce Procès-Verbal, signé par l’intéressé précise expressément que celuici a été avisé de ses droits dès le placement en garde à vue.
Le dernier alinéa de l’article 63-1 du code de procédure pénale prévoit toutefois
qu’un retard dans la communication des droits est possible en cas de circonstances
insurmontables. La jurisprudence de la Cour de Cassation est venue préciser de telles
circonstances. Ainsi en est-il lors de l’indisponibilité d’un interprète. Il faut cependant
démontrer que les diligences effectuées n’ont pas permis de faire venir un interprète. De
même, il doit caractériser les circonstances insurmontables qui justifie pour l’OPJ la non
notification immédiate de l’intégralité des droits. L’OPJ doit donc acter toutes les initiatives
prises et les difficultés rencontrées.
*.Le droit de faire prévenir un tiers (art. 63-2 du CPP)
L’article 63-2 accorde le droit à toute personne placée en garde à vue de faire prévenir et
non de prévenir elle même, par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement
ou un membre de sa famille ou son employeur. La communication doit avoir pour unique
objet d’informer sur la situation dans laquelle se trouve la personne gardée a vue et de mettre
ainsi notamment la famille en mesure d’exercer le droit de solliciter un examen médical.
*.Le droit d’être examiné par un médecin (art 63-3 du CPP)
L’article 63-3 fait de l’examen médical un droit pour la personne gardée à vue dont elle
est informée et qu’elle peut exercer dès le début de la procédure. Un délai de 3 heures est
prévu pour la mise en œuvre de droit, l’OPJ et le Procureur de la République désignant le
médecin habilité à pratiquer cet examen.
Ce droit ne peut en principe être exercé qu’une seule fois. En cas de nouvelle demande,
l’OPJ peut opposer un refus s’il ne lui apparaît pas qu’un second examen soit justifié.
*.Le droit de s’entretenir avec un avocat (art 63-4 du CPP)
L’article 63-4 encadre l’intervention de l’avocat durant l’exécution de sa garde à vue en
traitant principalement de sa désignation, du moment de son intervention et de son rôle.
Les deux premiers alinéas de l’article 63-4 du CPP prévoient notamment que si la
personne gardée à vue et désireuse de s’entretenir avec un avocat « n’est pas en mesure
d’en désigner un ou si l’avocat ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit
commis un d’office par le bâtonnier. Le bâtonnier est informé de cette demande par tous
moyens et sans délai ».
L’intéressé qui sollicite un entretien avec un avocat a donc la faculté de le choisir lui
même. L’OPJ a alors l’obligation de contacter cet avocat ou plus exactement l’obligation
de tout mettre en œuvre pour y parvenir. En effet les enquêteurs ne sauraient être rendus
coupables de l’impossibilité de joindre l’avocat. Ils sont tenus à une obligation de moyens et
non de résultats. Il faut toutefois que l’OPJ justifie avoir accompli les démarches de nature
47
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
à permettre, dans le délai légal, l’exercice du droit à l’entretien avec son avocat (circulaire
du 4 décembre 2000).
Si l’avocat choisi ne peut être joint ou ne peut se libérer ou si la personne gardée à
vue ne désire pas un avocat en particulier, une désignation d’office peut alors avoir lieu.
Afin de permettre l’exercice de ce droit, l’OPJ qui décide un placement en garde à vue doit
se mettre en relation avec le dispositif mis en place par le Barreau, afin que soit sollicitée
l’assistance d’un avocat de permanence ou d’un avocat nommément désigné.
La loi n’impose pas à l’avocat de se présenter aux services d’enquête avant l’expiration
d’un délai maximum. Les contraintes inhérentes à son déplacement peuvent en effet
conduire à ce qu’il ne se présente que plusieurs heures après avoir été prévenu, mais aucun
cumul de la durée des entretiens n’est possible.
La place de l’avocat dans la garde à vue est naturellement primordiale, en ce qu’il
incarne les droits de la défense, mais force est de constater que son rôle en tant qu’acteur
de la procédure est ici très limité. Il consiste essentiellement à vérifier la bonne exécution
de la mesure de garde à vue et à conseiller utilement son client. L’entretien avec l’étranger
gardé à vue ne peut excéder 30 minutes, et est confidentiel. Un espace doit être prévu à
93
cet effet, qui doit être accessible en toutes circonstances, sauf cas de force majeure . A
l’issue de la garde à vue, l’avocat peut présenter des observations écrites qui sont jointes
à la procédure.
*.Les autres droits
A son arrivée au centre de rétention, l’étranger est par ailleurs informé des droits qu’il
est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile. Il doit lui être notamment indiqué
qu’une demande d’asile ne sera plus recevable si elle est formulée plus de cinq jours après
cette notification.
Le juge judiciaire examine également la régularité de la prolongation de garde-à-vue.
Seul le Procureur de la République a la compétence pour procéder à une prolongation de
la garde-à-vue. Les modalités de prolongation varient considérablement selon le cadre de
l’enquête.
Le contrôle du juge porte également sur le délai entre la fin de la garde-à-vue et la
notification de la décision de maintien en rétention. Ce délai s’apprécie au cas par cas et
doit être le plus court possible.
Le juge des liberté examine enfin la régularité de la procédure de rétention intervenant à
la suite d’une détention. Le contrôle du juge porte sur le délai entre la levée d’écrou (l’heure
de la levée d’écrou doit pouvoir être contrôlée par le juge) et la notification de la décision
de maintien en rétention dans un lieu ne relevant pas de l’administration pénitentiaire
(l’intéressé peut être conduit dans un autre local pour cette notification, par exemple un
commissariat et être ainsi privé de sa liberté). Le contrôle du juge se fait au cas par cas,
le délai ne devant pas être excessif.
2.1.2.1.3. Le contrôle de la procédure de maintien en rétention
Le juge des libertés et de la détention exerce un triple contrôle, portant tout d’abord sur l’avis
à Parquet. Il vérifie ainsi que le Procureur de la République a été immédiatement informé
du maintien en rétention. Il vérifie ensuite la notification effective des droits (de l’assistance
93
Le Conseil Constitutionnel à considéré que la force majeure ne s’applique ici qu’à l’accès à l’espace réservé et non pas au
droit à l’avocat. ( DC n° 2003-484, précitée, cons. 52)
48
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
d’un médecin, d’un interprète et d’un conseil et de la possible communication avec son
consulat ou avec une personne de son choix) qui doit avoir lieu au moment de la notification
du maintien en rétention.
Le juge des libertés et de la détention contrôle enfin que les droits de l’intéressé ont bien
été respectés, par exemple qu’ils aient été notifiés dans une langue connue par l’étranger
ou que celui-ci ait pu s’entretenir avec son avocat avec l’assistance d’un interprète.
2.1.2.2. La décision du juge des libertés et de la détention
Le juge des libertés et de la détention a obligation de statuer. Lorsque la procédure
est régulière, il ne peut que prolonger la rétention de l’étranger pour 15 jours, ou
exceptionnellement, assigner l’étranger à résidence. L’assignation à résidence n’est
possible que lorsque l’étranger bénéficie de garanties de représentations effectives,
lesquelles sont laissées à l’appréciation souveraine du juge, ou après la remise effective du
passeport en cours de validité de l’intéressé à un service de police ou de gendarmerie. Le
juge ne peut pas remettre l’étranger en liberté. Ce dernier dispose de 24 heures pour faire
appel devant le premier président de la Cour d’Appel ou son délégué, qui dispose alors de
48 heures pour statuer. Les recours ne sont pas suspensifs.
Lorsque la procédure est irrégulière, il doit remettre l’étranger en liberté, auquel cas
le représentant de l’administration a 24 heures pour faire appel, et le Parquet 4 heures s’il
souhaite voir déclarer l’appel suspensif. Cette procédure, également connue sous le nom
de « référé-rétention » fut introduite par la loi n° 2003-1119. L’intéressé est dans ce cas
« maintenu à la disposition de la justice », selon les termes de la réserve d’interprétation
94
du Conseil Constitutionnel , alors même qu’il a été libéré. Cette situation quelque peu
paradoxale est justifiée par les Neufs Sages par le fait que le siège est le seul décideur
du bien fondé de la demande (c’est le premier président de la Cour d’Appel qui décide du
caractère suspensif du recours). La position du Conseil Constitutionnel est indispensable
au respect de l’article 66 de la Constitution, qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté
individuelle, ce qui implique que ce dernier ne peut être « un juge potiche
contenterait d’entériner les décisions prises par l’administration.
95
» qui se
2.1.3. Le rôle du juge judiciaire en cas de demande préfectorale de
prorogation
L’une des principales innovations de la loi n° 2003-1119 fut de permettre une prorogation
du maintien en rétention pour une durée de 15 jours ou de 5 jours, afin de permettre
l’éloignement effectif de l’étranger.
Le maintien en rétention peut être prolongé pour une nouvelle durée de 15 jours qu’en
cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ou lorsque
l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction
des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou
de l’obstruction volontaire faite à son éloignement.
94
95
Décision 2003-484 prec.
D. Liger, le juge judiciaire et la rétention administrative des étrangers, la lettre du SAF, octobre 1995, in L’étranger à la
ème
colloque de droit des étrangers, samedi 3 février 1996, Lille.
recherche de son juge, 4
49
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Dans ce cas, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de
quinze jours de la première ordonnance, et pour une nouvelle période d’une durée maximale
de quinze jours.
Le maintien en rétention peut également être prorogé pour une durée de 5 jours dans
deux hypothèses. C’est tout d’abord le cas lorsque malgré les diligences de l’administration,
la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des
documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de
transport. L’autorité administrative doit alors établir que l’une ou l’autre de ces circonstances
doit intervenir sous peu. C’est ensuite le cas lorsque la délivrance des documents de voyage
est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir
procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai prescrit.
L’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de quinze jours
de la première ordonnance et la prolongation ne peut excéder une durée de cinq jours.
Pour ces deux prorogations, le contrôle du juge porte sur la requête qui doit être datée,
motivée, signée, accompagnée de la délégation de pouvoir si nécessaire et de toutes les
pièces justifiant les démarches de l’administration.
Dans tous les cas, « l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout
moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande
96
de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient
». Cette possibilité
découle de la motivation même de la prolongation ou de la prorogation de la décision de
rétention, qui veut que l’étranger ne puisse être « maintenu en rétention que pour le temps
nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet ».
Si la mission constitutionnelle de gardien de la liberté individuelle du juge judiciaire
permet d’affirmer sa compétence dans certains domaines, le rôle constitutionnel de juge de
la puissance publique du juge administratif explique en effet sa compétence de principe en
matière d’immigration.
2.2. Le juge administratif, au cœur de la conciliation
entre droits de l’Homme et ordre public
Manifestation par excellence de la puissance publique, la faculté de l’Etat d’éloigner les
étrangers est en effet l’un des attributs classiques de la souveraineté. En vertu du principe
constitutionnel de séparation des pouvoirs, c’est le juge administratif qui est le juge de droit
commun de la puissance publique.
La loi de 1986, qualifiant la reconduite à la frontière de mesure de police administrative,
fait du juge administratif le juge privilégié du contentieux de la reconduite. Et cette
compétence fut constitutionnellement reconnue par une décision du Conseil Constitutionnel
qui fit du juge administratif le juge de droit commun de la puissance publique
97
.
Le Code de l’Entrée, du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile confère de larges
pouvoirs à l’autorité administrative qui incarne la puissance publique. Le juge administratif
96
97
50
Conseil Constitutionnel, décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 66
Décision de 1987, préc.
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
se trouve alors confronté à une double exigence dont la conciliation est délicate. Il se trouve
en effet au cœur de la dialectique du respect de l’ordre public et du respect des droits
fondamentaux. C’est en fonction de la conciliation de ces exigences que se détermine
l’étendue du contrôle du juge administratif.
2.2.1 Une procédure juridictionnelle adaptée
2.2.1.1. Les spécificité de la procédure
La compétence du juge administratif s’explique par la nature administrative des décisions
prises par l’autorité publique qui réglemente l’entrée et le séjour des étrangers en France.
Le conseil constitutionnel a de plus, veillé à ce que le législateur respecte le principe
de séparation des juridictions. C’est la raison pour laquelle le juge judiciaire n’a qu’une
compétence subsidiaire là ou le juge administratif à une compétence naturelle.
Dans le cadre de sa mission de juge de la puissance publique, le juge administratif
est amené à veiller à la protection des libertés individuelles. Cette compétence s’exprime
largement en droit des étrangers. En effet, le juge administratif est compétent pour juger de
la légalité des mesures prises par l’autorité administrative que ce soit concernant l’entrée
et le séjour de l’étranger, ou son éloignement.
La nature de ce contentieux exigeant une prise de décision rapide, la loi du 10 janvier
1990 instaura une formation de jugement extraordinaire, celle du juge unique. En effet, en
matière de contentieux de reconduites à la frontière, l’urgence justifie l’exception au principe
de collégialité. Le magistrat administratif délégué statue donc seul, sans conclusions du
commissaire du gouvernement.
Le principe du juge unique se retrouve à la fois en première instance et en appel. Il
répond à la volonté du législateur de concilier la rapidité du jugement et l’effectivité des
recours
98
.
La loi du 10 janvier 1990 a également posé les bases du contentieux des reconduites
à la frontière.
Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel siège le préfet qui
a pris l’arrêté de reconduite à la frontière. Mais afin d’éviter le déplacement sur de grandes
distances d’étrangers placés en centre de rétention, une dérogation a été prévue par un
99
décret de 2004 : le tribunal administratif compétent est alors celui dans le ressort duquel
se trouve le centre de rétention où est placé l’étranger.
En vertu de l’article L512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile, le président du tribunal administratif est exclusivement compétent pour statuer sur
les recours formés contre les arrêtés préfectoraux de reconduites à la frontière. Dans
la pratique, tout comme le préfet, il délègue ses pouvoirs aux magistrats. L’étranger à
l’égard duquel une mesure d’éloignement est prononcée dispose de quarante-huit heures
pour saisir le juge administratif. Depuis la loi Joxe de 1989, le recours devant le juge
administratif est suspensif en France métropolitaine. Une dérogation à ce régime avait été
prévue pour dix ans dans les départements d’Outre mer, qui fut prolongée de cinq ans en
1998 pour la Guyane. En 2003, la loi sur la sécurité intérieure pérennisa cette situation, en
98
99
Rudolph D’Haëm, Reconduites à la frontières, PUF, 1997, p.67
Décret n° 2004-814 du 14 août 2004.
51
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
raison de la situation exceptionnelle du département. Cet effet suspensif du recours, qui
est le corollaire de l’absence de procédure contradictoire devant le préfet, constitue une
garantie remarquable pour l’étranger reconduit. En effet, les recours introduits devant le juge
administratif ne sont pas suspensifs en principe. En raison de sa mission d’intérêt général,
l’administration bénéficie du « privilège du préalable », qui lui permet de faire exécuter
d’office une décision. L’arrêté préfectoral constitue donc une dérogation au droit commun,
l’article L512-3 disposant que « L'arrêté de reconduite à la frontière pris en application des
articles L. 511-1 à L. 511-3 ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de quarantehuit heures suivant sa notification par voie administrative ou, si le président du tribunal
administratif ou le magistrat désigné à cet fin est saisi, avant qu'il n'ait statué ».
L’étranger qui a saisi le tribunal administratif d’une requête a ainsi le droit de demeurer
sur le territoire français afin de présenter sa défense, jusqu’à ce que le magistrat ait statué.
Une limite est toutefois apportée à cette garantie : le délai de saisine s’apprécie strictement.
Le délai de computation a été jurisprudentiellement défini, et court dès lors que l’arrêté
préfectoral a été remis. Les circonstances inhérentes à une situation particulière ne font pas
100
obstacle à la computation
. Afin de vérifier la recevabilité des recours, des horodateurs
ont été placés à l’extérieur des tribunaux administratif. Lorsque l’étranger est placé en centre
de rétention, c’est l’heure figurant sur le fax de la requête qui est examinée.
Dès lors que la saisine a été régulièrement opérée, le juge administratif dispose de
soixante-douze heures pour statuer, selon la réforme de la loi n°2003-1119. La décision est
rendue par juge unique, délégué du président du tribunal administratif. Cette particularité a
pour conséquence de modifier le travail du juge administratif ainsi que les rapports entre le
magistrat et le requérant. Il n’est pas rare que ce dernier présente oralement sa défense lors
de l’audience, en exception au principe de droit commun de la magistrature administrative
qui veut que la procédure soit écrite.
Le principe du juge unique s’applique également pour une décision « annexe » de la
reconduite à la frontière, celle fixant le pays de renvoi. Initialement le recours contre cette
décision était également suspensif, mais la loi du 24 août 1993 à modifié ces règles. Le
recours contre le pays de destination n’est suspensif que si le juge administratif est saisi
101
simultanément du recours dirigé contre le choix de destination et contre l’arrêté
. Cette
particularité est désormais inscrite dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers à
l’article L513-3.
En cas de difficulté particulières, le principe du juge unique est écarté au profit de
la formation collégiale. Le délai pour faire appel devant le président de la section du
contentieux est d’un mois, mais l’appel est non suspensif. L’audience en appel est publique
et le juge d’appel statue seul après avoir entendu les conclusions du commissaire du
gouvernement.
2.2.1.2. Une procédure destinée à équilibrer les exigences d’efficacité et de
protection des droits de l’homme
En matière de reconduite administrative, la procédure administrative est une procédure
spécifique dérogatoire du droit commun, et ce afin de concilier l’effectivité des mesures et
le respect des droits fondamentaux.
100
101
52
CE, 3 novembre 1995, Bendo, n° 158293, cas d’un accouchement imminent.
Dans le cas contraire, le recours contre le pays de renvoi est jugé en audience collégiale.
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
2.2.1.2.1. La garantie des droits de l’étranger
L’étranger reconduit dispose d’un certain nombre de garanties procédurales, afin de lui
permettre d’exercer au mieux son droit à la défense, et de pouvoir contester, si ce n’est
annuler, la mesure d’éloignement qui a été prise à son encontre. Outre l’effet suspensif
du recours, l’étranger en instance d’éloignement bénéficie de plusieurs autres garanties de
protection.
Tout d’abord concernant la présentation de la requête, le formalisme a été simplifié. La
requête doit certes être rédigée en français sous peine d’irrecevabilité, mais l’intéressé peut
demander l’assistance d’un interprète pour la régulariser. L’arrêt du Conseil d’Etat Ersahin
du 27 janvier 1992 précise que le juge ne peut rejeter comme irrecevable une requête
non-rédigée en français dans la mesure où le requérant n’a pu solliciter le concours d’un
interprète. Dans le cas d’une requête non motivée, la régularisation peut même avoir lieu à
l’audience, par la présentation orale des moyens. En vertu de l’arrêt de principe Aoulad Haj
du 28 octobre 1991, le juge unique est tenu de répondre aux moyens soulevés oralement
le jour de l’audience.
Les requêtes demandant l’annulation d’une mesure de reconduite sont en principe
dispensées du ministère d’avocat. Mais selon l’article L 512-2 du CESEDA, l’étranger peut
être assisté d’un conseil, choisi par lui ou commis d’office. Un système de permanence
à été institué par les barreaux, sur le modèle du système existant pour les comparutions
immédiates.
Le magistrat administratif doit accéder à la demande de désignation d’un avocat
d’office, « compte tenu de la garantie que représente l’assistance d’un avocat en première
instance
102
». Dans le cas contraire, son jugement est susceptible d’être annulé en appel.
LA CIMADE peut alors agir pour garantir les droits des étrangers. Cette association est
la seule agréée pour intervenir dans les centres de rétention. Un service spécial est dédié à
cette action : la DER (Défense des Etrangers Reconduits), qui s’occupe d’introduire auprès
des tribunaux administratifs les requêtes contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la
frontière. Au tribunal administratif de Lyon, près des deux tiers des recours contre les arrêtés
préfectoraux ont été introduits par la DER. La DER agit dans l’urgence, mais n’assure pas
le suivi des affaires.
Le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés) intervient également
auprès des étrangers en situation irrégulière, en apportant des conseils juridiques. Des
modèles de lettres de recours contre les arrêtés d’éloignement sont disponibles sur leur site
ou dans leurs permanence.
Si l’étranger ne parle pas suffisamment français pour être à même d’assurer sa défense,
l’article L.522-2 prévoit l’assistance d’un interprète. L’intéressé doit en faire la demande dès
le dépôt de la requête. Mais dans ce cas, le juge détient un pouvoir d’appréciation du bien
fondé de la demande. Il a ainsi été jugé que c’était à bon droit que le président du Tribunal
Administratif de Paris avait estimé qu’un ressortissant Guinéen présent en France depuis
quatre ans ne nécessitait pas une telle aide
103
.
L’interprète peut être « indépendant », ou appartenir à la CIMADE dont les membres
peuvent se déplacer lors des audiences.
102
103
CE, 14 novembre 2001, n°298985, Boutabouna
CE, 28 octobre 1991, Toure, T. Leb., p. 945
53
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
L’article R. 776-10 dispose que les parties doivent être averties par tous moyens de la
date, de l’heure et du lieu de l’audience. La convocation se fait en français, et peut s’effectuer
par téléphone. La convocation au jugement est l’une des garanties du procès équitable,
tel que l’entend la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il résulte de l’article L512-2
que l’étranger doit être convoqué à l’audience, même si il est assisté d’un avocat. La non
convocation de l’étranger à l’audience est alors susceptible d’entraîner une annulation en
appel, car la procédure est irrégulière. Il en va de même si la convocation à été reçue trop
104
tardivement par rapport à l’audience
. En revanche, le jugement peut être rendu hors
la présence de l’intéressé ou celle du représentant de la préfecture, il est en effet fréquent
que celui-ci ne se déplace pas.
105
L’audience est publique et dispensée de conclusions du commissaire du gouvernement
. L’obligation faite au juge de statuer dans un bref délai (soixante douze heures) limite la
possibilité d’échange des mémoires telle qu’elle est prévue dans la procédure contentieuse
générale. Le principe du contradictoire doit toutefois être respecté et les éléments qui
serviront de fondement au jugement doivent être connus des deux parties.
Le respect du principe du contradictoire s’exerce également pendant l’audience. Celle
ci doit être suspendue toutes les fois qu’il le sera nécessaire afin de permettre aux parties
de prendre connaissances des pièces nouvelles. Dans le cas contraire, le jugement est
susceptible d’être annulé en appel pour non respect du principe du contradictoire. Il en va
de même si l’un des fondements du jugement réside dans l’un des mémoires qui n’a pas
été communiqué à l’une des parties et qu’aucune suspension d’audience ne permet à cette
partie d’en prendre connaissance
106
.
Le principe du contradictoire s’exerce également dans la possibilité de réplique. Ainsi,
si des pièces en langues étrangères sont produites à l’audience et non accompagnées de
traduction, le jugement se fonder dessus.
L’instruction écrite est close lors de l’audience. Mais il peut parfois arriver que l’une des
parties fasse parvenir un mémoire après la clôture de l’instruction. Le juge administratif doit
alors le soumettre au débat contradictoire en suspendant l’audience.
Une autre garantie accordée à l’étranger réside également la possibilité de présenter
des observation orales lors de l’audience, mais aucune conclusion nouvelle ne peut être
soulevée après l’appel de l’audience. Cette faculté est dérogatoire à la procédure de
droit commun de caractère écrit. L’article L512-2 laisse en effet une grande place aux
observations orales.
2.2.1.2.2. La rapidité de jugement
Si l’étranger bénéficie donc de certaines garanties procédurales destinées à protéger
ses droits fondamentaux, son action devant le juge administratif ne doit pas pour autant
107
« paralyser indéfiniment
» la décision administrative. C’est la raison pour laquelle des
délais très courts de jugements et de recours ont été prévus par le législateur.
104
105
106
107
54
CE, 10 juillet 2002, n°233509, Mabial
Article L512-2 du CESEDA.
CE, 16 mai 2001, n° 222265, Ngouel
Rudolph d’Haëm, les Reconduites à la frontière, PUF, 1997, p.76
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
En matière de reconduite à la frontière, le délai de recours contentieux est très bref :
quarante huit heures et ce, depuis la loi Chevènement. Auparavant, ce délai était de vingtquatre heures. Le délai de recours se décompte strictement, heures par heures, il ne s’agit
pas d’un jour franc.
Le délai imparti au juge de la reconduite est également très court : soixante douze
heures depuis l’entrée en vigueur de la loi SARKOZY du 26 novembre 2003. Le délai court
à partir de l’enregistrement au greffe de la requête, mais sa prescription n’entraîne pas
nullité : en cas de sérieuses difficultés, le juge saisi peut éventuellement renvoyer l’affaire
en formation collégiale.
A l’issue de l’audience, le jugement est prononcé et notifié aux parties. Le respect
des prescriptions de l’article R 776-17 selon lesquelles « le dispositif assorti de la formule
exécutoire est communiqué sur place aux parties présentes à l’audience qui en accusent
immédiatement réception » constitue une formalité substantielle.
Sous peine de nullité, le jugement doit comporter un certain nombre de mentions
énumérées à l’article R-741-12 du Code de Justice Administrative : noms et conclusions des
parties, convocation et auditions des parties, ainsi que les visas des pièces. Le jugement
doit également répondre à tous les moyens et arguments développés par le requérant.
Le dispositif du jugement à force exécutoire dès sa lecture à l’audience. C’est la raison
pour laquelle, lorsque l’étranger est retenu, le dispositif du jugement doit être immédiatement
communiqué pour que la procédure d’éloignement puisse être poursuivie si le recours de
l’étranger a été rejeté. L’appel est en effet dépourvu d’effet suspensif. Dans le cas contraire,
si l’arrêté de reconduite à été annulé, une autorisation provisoire de séjour doit être accordée
à l’étranger, conformément aux dispositions de l’article L.512-4, jusqu’à ce qu’il soit statué
de nouveau sur le cas de l’étranger.
Afin de répondre à l’accroissement du contentieux en appel, la loi du 24 avril 1997 a
transféré aux Cours Administratives d’Appel la compétence pour connaître des recours. Le
délai pour faire appel est d’un mois, et cours dès l’envoi de la notification de la décision de
première instance à la préfecture et à l’étranger
108
.
L’exécution de la mesure de reconduite à la frontière ne prive pas l’appel de son objet,
109
et ce même si l’étranger s’est vu remettre un titre de séjour postérieurement
. Par contre,
l’appel peut être rendu sans objet si la mesure d’éloignement n’a pas été exécutée.
2.2.2. L’étendue du contrôle du juge administratif
Le juge administratif exerce un double contrôle de la légalité des actes, interne et externe. Il
est également amené à vérifier que le préfet n’a pas porté atteintes aux garanties accordées
aux étrangers et leurs interdisant l’éloignement.
Le recours que peut former un étranger contre l’arrêté préfectoral ordonnant sa
reconduite est un recours pour excès de pouvoir, c’est à dire un recours permettant
l’annulation de l’acte pour cause d’illégalité.
Pour annuler un tel arrêté, le juge administratif procède à un contrôle de la légalité
interne et externe.
108
109
CE, 27 mars 2000, n° 204960, Préfet de l’Isère c/ Bouchalta
CE, 25 novembre 1996, n°170336, Othmani.
55
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
2.2.2.1. Le contrôle de légalité externe
Le contrôle de la légalité porte tout d’abord sur la compétence de l’auteur de l’acte. Le
préfet du département dans lequel à été constatée la situation irrégulière de l’étranger est
compétent pour prendre l’acte de reconduite à la frontière. Une particularité se présente
dans le cas de Paris, où cette compétence appartient au préfet de police.
L’examen porte également sur la validité de la délégation de signature, une délégation
de signature postérieure à la mesure d’éloignement entache celle ci d’irrégularité, car elle
110
a été prise par une autorité incompétente
. L’illégalité de la délégation entraîne la nullité
de la mesure d’éloignement puisque celle-ci ne relève pas d’une compétence liée du préfet.
Dans tous les cas, en vertu du second alinéa de la loi du 12 avril 2000 « toute décision prise
doit comporter outre la signature de son auteur, la mention en caractère lisibles, du prénom,
du nom et de la qualité de celui-ci ».
Lorsque l’incompétence de l’auteur de l’acte est soulevée par l’étranger ou son conseil,
le préfet est tenu d’apporter la preuve contraire de la compétence de l’auteur de l’acte.
Il n’est pas possible pour l’étranger de soulever devant le tribunal administratif le moyen
du vice de procédure. En effet, aucune exigence procédurale n’est nécessaire pour l’édiction
d’un arrêté de reconduite à la frontière : la commission du titre de séjour, pas plus que
l’étranger n’ont à être entendu par le préfet.
Le contrôle du juge administratif porte également sur la motivation de la décision. Aux
termes de l’article L. 511-1 du CESEDA, la motivation est nécessaire, que ce soit en droit ou
en fait. En cas d’absence ou d’insuffisance de motivation, l’arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière encourt l’annulation. Tel est le cas par exemple, lorsqu’un arrêté ne comporte
aucune énonciation des considérations de droit ou de fait sur lesquelles il se fonde
111
.
Certains moyens de légalité externe sont inopérants devant le juge administratif.
Ces moyens concernent les conditions d’interpellation, de rétention (qui ne peuvent être
soulevés que devant le juge judiciaire) et de notification de la mesure de reconduite à la
frontière.
2.2.2.2.Le contrôle de la légalité interne : un contrôle gradué
De par ses attributions, le préfet exerce un pouvoir discrétionnaire en matière de reconduite
à la frontière. Il peut et doit apprécier au cas par cas l’opportunité d’une mesure de
reconduite. C’est ce pouvoir d’appréciation que le Conseil d’Etat à souhaité délimiter et
contrôler par voie prétorienne. Le juge administratif vérifie donc qu’aucune disposition de
l’article L511-1 n’ait été violé (2.2.2.1). Parallèlement à ce contrôle, l’émergence de la
jurisprudence conventionnelle a permis au magistrat administratifs d’opérer un glissement
de son regard sur les conséquences des mesures d’éloignement sur la situation de
l’étranger (2.2.2.2).
2.2.2.2.1. Le contrôle des dispositions de l’article L511-1 du CESEDA
La jurisprudence administrative a permis de préciser l’étendue de la protection accordée
par le législateur aux étrangers en situation irrégulière. Le juge contrôle la validité des motifs
110
111
56
CE, 8 février 1995, n°149735, Sow.
CE, 29 décembre 2000, n°216038, Aydinoz
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
ayant entraîné le prononcé de la reconduite à la frontière (1), et vérifie également que
l’étranger à l’égard duquel la mesure de reconduite à été prononcée ne rentre pas dans
l’une des catégories protégées par l’article L511-4 (2)
*.Violation de l’article L511-1, 1°
Il n’est pas possible pour une autorité administrative de se fonder sur l’entrée irrégulière
d’un étranger si celui-ci démontre qu’il était titulaire d’un visa, ou d’un titre de séjour. En
conséquence, le juge administratif annulera l’acte.
*.Violation de l’article L511-1, 1°
Le juge administratif a été amené à constater une violation de cette disposition dans
le cas de certaines pratiques dilatoires des préfectures. En effet, certaines procédures
« duraient » anormalement, ce qui avait pour conséquence d’entraîner de fait l’irrégularité de
la situation de l’étranger. Et c’était sur cette violation qu’intervenait une mesure de reconduite
à la frontière. Depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 juillet 1991, Pilven, le juge administratif
est amené à contrôler les conditions de la violation.
*.Violation de l’article L511-4
Le maintien sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration d’un titre de séjour
sans demande effective de son renouvellement fonde l’édiction d’une mesure de reconduite
à la frontière. Mais si l’étranger apporte la preuve qu’il avait déposé dans les limites du délai,
un dossier de renouvellement de titre de séjour, cette disposition ne peut s’appliquer et le
juge administratif annulera l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
*.Violation de l’article L511-1, 5°
Lorsque l’étranger est condamné pour défaut de titre de séjour, falsification ou contre
façon, la reconduite à la frontière peut être légalement prononcée. La portée du contrôle du
juge administratif sera alors restreinte à l’exactitude des faits
Violation de l’article L511-1, 7°
Cette disposition qui prévoit que l’étranger puisse être reconduit en cas de menace à
l’ordre public est peu appliquée. En effet, elle ne concerne que les cas de délivrance par
erreur de titre de séjour. L’annulation de la décision de refus de séjour prive de base légale
l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière
112
.
*.Violation de l’article L511-1, 8°
Cet article introduit en 2003 permet la reconduite à la frontière d’un étranger dont le
comportement à constitué une menace à l’ordre public, ou qui a méconnu les dispositions
de l’article L341-4 du Code du travail. Le contrôle du juge se porte sur l’adéquation entre la
situation et les motifs invoqués. En cas de différence, il peut être amené à annuler l’arrêté.
Il est possible pour le juge administratif de procéder à une substitution de base légale.
En effet, lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise en vertu
d’une autre disposition que celle attaquée, le magistrat peut substituer ce fondement à celui
présenté. La substitution de base légale relève d’office du juge, mais il doit avoir mis les
parties à même de présenter des observations sur ce point.
En dehors de la véracité des motifs invoqués dans l’arrêté porté à sa connaissance, le
juge est également amené à vérifier que l’étranger sous le coup d’une mesure d’éloignement
ne bénéficie pas de certaines garanties législatives.
112
CE, 25 novembre 2002, n°239491, Préfet du Val d’Oise c/ Duman
57
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
2.2.2.2.2 Le contrôle des catégories d’étrangers non reconductibles.
Depuis 1981 ont été définies par le législateur des catégories d’étrangers qui ne
peuvent faire l’objet de mesures d’éloignement. La raison d’une telle protection provient
généralement de la durée de leur séjour en France ou des attaches familiales qu’ils ont pu
y nouer. L’étendue de ces catégories à évolué au gré des interventions du législateur, soit
dans un sens restrictif (cas des lois de 1986 et 1993) soit dans un sens protecteur (cas des
loi de 1989 ou 2003).
Actuellement, le juge administratif vérifie donc le respect de onze catégories.
*.Violation de l’article L511-4, 2°,3° et 4°
Cet article est relatif aux étrangers mineurs. C’est à ces derniers qu’il appartient
d’apporter la preuve de son âge. Les services préfectoraux ont également la possibilité
de faire des enquêtes et de déterminer par radiographies l’âge supposé du requérant. La
protection apportée à l’étranger du fait de sa minorité n’empêche toutefois pas l’éloignement
de ses parents, sauf circonstances les mettant dans l’impossibilité d’emmener leurs enfant
avec eux
113
.
*.Violation de l’article L511-4, 2°, 3° et 4°
La résidence habituelle en France se prouve par tous moyens. C’est ainsi que des
relevés de notes peuvent être versés au dossier. La difficulté de cette protection réside dans
la preuve de l’habitude de la résidence. Le calcul de la durée de séjour s’effectue de manière
stricte et toute interruption doit être ponctuelle et non répétée.
Le 4° de l’article L511-4 précise que le séjour doit être régulier. En conséquence, le juge
administratif ne peut considérer comme non-reconductible un étranger ayant séjourné en
114
France pendant la durée prévue, mais sous couvert de documents falsifiés
. De même,
les années de détention ne peuvent être prises en considération dans le calcul de la durée
de résidence en France
115
.
*.Violation de l’article L511-4, 5°
Cette protection accordée aux étrangers résidant en France depuis plus de vingt ans
était l’une des innovations de la loi du 26 novembre 2003. Elle ne peut s’appliquer qu’aux
étrangers auxquels a été retiré un titre de séjour.
*.Violation de l’article L511-4, 6°
Cette disposition protégeant les parents d’enfants français est l’une des protection les
plus fréquemment invoquées devant le juge administratif. Pour en bénéficier, l’étranger
sous le coup de la mesure de reconduite à la frontière doit apporter la preuve de plusieurs
éléments.
Le juge ne pourra reconnaître cette protection à l’étranger que si celui-ci justifie d’une
communauté de vie avec l’autre parent. C’est au requérants d’apporter la preuve de cette
communauté de vie, soit par l’acte délivré par le juge aux affaires familiales, soit par tout
autre moyen. Si le requérant ne produit pas ces pièces, il ne peut prétendre exercer l’autorité
parentale sur l’enfant et ne peut échapper à une mesure de reconduite à la frontière.
113
114
115
58
CE, 26 juillet 1991, n°123711, Préfet de Seine et Marne c/ Ciftci.
CE, 25 mai 2007, n° 271765, Ihute Adiele.
CE, 26 février 2003, n°248841, Zerelli.
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
L’étranger doit également apporter la preuve de la nationalité française de l’enfant pour
bénéficier de la protection. Lorsque l’enfant est français et est reconnu par anticipation, le
parent étranger ne peut être reconduit à la frontière
116
. La nationalité française acquise de
l’enfant fait obstacle à une mesure d’éloignement, et ce, même en cas de divorce
117
.
En revanche, la possibilité d’acquisition de la nationalité française à la majorité de
l’enfant n’influe pas sur la légalité de l’acte de reconduite, car sa légalité s’apprécie au
moment de son édiction
118
.
La protection du 6° de l’article L511-4 est également valable lorsque l’enfant a la double
nationalité.
Le requérant doit également apporter la preuve de sa contribution effective aux besoins
de l’enfant. Cette dernière est appréciée par le juge au moment de la date de la reconduite à
la frontière, mais il pourra pour ce faire prendre en compte des éléments antérieurs, tels que
le versement d’une pension alimentaire ou des frais de scolarité. Mais la protection instituée
par le 6° de l’article L511-4 n’est valable que pendant la minorité de l’enfant.
*.Violation de l’article L511-4, 7°
Cette disposition protège les étrangers mariés depuis aux moins deux ans avec
un conjoint français. Une double condition vient toutefois restreindre l’étendue de cette
protection : d’une part la communauté de vie ne doit pas avoir cessé, et d’autre part, le
conjoint doit conserver la nationalité française.
La première condition relative au maintien de la communauté de vie avait été instaurée
par la loi de 1993, pour faire écho à la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle le
préfet pouvait refuser un titre de séjour à un étranger s’il avait été établi que le mariage
avait été contracté dans cette seule optique
sur cette restriction.
119
. Les lois suivantes ne sont pas revenues
Afin d’assurer sa protection, le mariage doit être valide et la communauté de vie entre
époux existante. Le Conseil d’Etat a ainsi été conduit à rejeter la requête d’une veuve qui
120
se prévalait de la nationalité française de son époux après le décès de ce dernier
. Mais
l’incarcération de l’un des conjoints n’est pas de nature à faire cesser la communauté de
vie entre les époux.
La protection de cet article ne peut jouer lorsqu’il est prouvé que le conjoint français à
définitivement quitté le domicile conjugal.
*.Violation de l’article L511-4, 8°
Cette protection concerne l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de
dix ans et qui, sans vivre en polygamie, peut justifier d’un mariage depuis trois ans avec un
conjoint étranger résidant en France depuis l’âge de 13 ans. Lorsque toutes ces conditions
sont réunies, le juge sera alors amené à annuler la reconduite à la frontière de l’intéressé.
116
117
118
119
120
CE, 30 avril 1997, n°179924, Préfet de la Gironde c/ Diakoubouka.
CE, 21 février 2001, n°210371, El Fatmioui.
CE, 9 février 2001, n°220055, Ganhewamanage.
CE, Avis, 9 septembre 1992, Abihihali.
CE, 29 juillet 1994, n°142775, Arndt
59
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
*.Violation de l’article L511-4, 9°
Aux termes de cette disposition ne peuvent être reconduits à la frontière les
étrangers titulaires de rentes d’accident du travail ou de maladies professionnelles. Le
taux d’incapacité permanente du travail doit être supérieure à 20%, afin que la protection
s’applique
121
.
*.Violation de l’article L511-4, 10°
Introduite par la loi du 24 avril 1997, la protection ici visée, concernait les étrangers
« atteints d’une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait
entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Cette protection est l’une des
plus fréquemment invoquées devant les tribunaux administratifs, mais la jurisprudence
administrative à conduit à définir assez strictement son étendue. Le juge de la reconduite
exerce un contrôle normal sur la gravité des conséquences d’un défaut de traitement et sur
l’existence dans le pays de renvoi de structures médicales aptes ou non à prodiguer les
soins nécessités. C’est ce qui explique que selon les décisions fixant le pays de renvoi, le
juge sera amené à annuler ou non des arrêtés de reconduite à la frontière pour des étranger
souffrant des mêmes pathologies
122
.
Dans les cas particulier de transsexualisme, le Conseil d’Etat a été amené à
ordonner une expertise médicale et psychique avant de se prononcer
psychiatriques sont également pris en compte par le juge administratif.
123
. Les problèmes
*.Violation des article L.313-11, L.314-8 à L314-12 du CESEDA.
Ces articles énumèrent les conditions sous lesquelles les étrangers en situation
irrégulière doivent obtenir de plein droit un titre de séjour, et à l’encontre desquels une
mesure d’éloignement n’est pas possible.
2.2.2.2.3. Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des conséquences
de la reconduite sur la vie personnelle de l’étranger
Avant de décider le prononcé d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, le préfet est
tenu d’apprécier si la mesure envisagée n’est pas de nature à comporter pour la situation
personnelle de ce dernier des conséquences d’une exceptionnelle gravité.
Le juge de la reconduite exerce un contrôle restreint de l’appréciation portée par
le préfet, contrairement au respect de la vie familiale qui fait l’objet d’un contrôle de
proportionnalité.
Afin d’exercer son contrôle, le juge prendra en considération tous les éléments
susceptibles de caractériser la situation personnelle de l’étranger pour mesurer l’impact
d’une mesure de reconduite. Seule la preuve de l’existence de conséquences d’une extrême
gravité permettra l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière.
Plusieurs éléments susceptibles de caractériser la situation personnelle de l’étranger
ont été défini par la jurisprudence. L’intensité des liens personnels avec la France, en raison
121
122
123
60
CE, 27 mai 1994, n°143079, Mong’Anabola
CE, 22 avril 2005, n°269728, Ramjane.
CE, 30 juin 2003, n°256261, Préfet de police c/ Boubkari
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
124
de la durée de résidence et des liens familiaux particuliers correspond ainsi à ce critère
. Une pathologie particulière dont le suivi médical ne pouvait avoir lieu qu’en France justifie
également l’annulation d’une mesure d’éloignement
125
. Il en va de même lorsque l’état
de santé du requérant, ou l’imminence de son accouchement
impossible.
126
rend tout éloignement
La scolarité du requérant peut également parfois justifier l’annulation d’une mesure
de reconduite à la frontière lorsqu’il établit que son éloignement serait particulièrement
dommageable
127
.
A l’inverse, ne sera pas retenue l’erreur manifeste d’appréciation lorsque l’étranger
poursuit des études mais n’en démontre pas le sérieux. Plusieurs jugements ont ainsi refusé
d’annuler un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière lorsque le requérant a multiplié
les premières années universitaires
128
.
2.2.3. Le contrôle de la violation de dispositions conventionnelles
2.2.3.1. Le contrôle de l’atteinte à la vie familiale.
La vie familiale est le principal obstacle à la reconduite à la frontière, et il est de fait, l’un
des moyens les plus fréquemment soulevés.
En effet, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat Babas du 12 avril 1991, le juge exerce
un contrôle de proportionnalité vis a vis de l’article 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En vertu de cette
jurisprudence, une mesure de reconduite à la frontière qui respecte les dispositions
législatives et réglementaires en vigueur peut cependant être annulée pour violation de
l’article 8 de la CESDH.
La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme envisage le droit de
mener une vie familiale normale de façon globale et considère que les limites que les Etats
peuvent lui apporter doivent être entendues restrictivement
129
.
Afin d’opérer son contrôle de proportionnalité, le juge utilise la technique du faisceau
d’indice, en s’appuyant sur les différents éléments versés au dossier.
La situation maritale de l’étranger est un des indices que le juge administratif prend
en considération. Le célibat, ou le projet de mariage sont des éléments rendant difficiles
l’application de cet article. Il en va de même pour les cas de mariage postérieurs à la
124
125
126
127
CE, 2juin 2004, n°261975, Ren, cas d’un ressortissant chinois élevé en France par sa tante.
CE, 30 avril 2004, n°252135, Préfet de police c/ Haich, cas d’un ressortissant marocain en attente d’une greffe de rein.
Ce, 7 février 2003, n°243905, Préfet de police c/ Wang, cas d’une grossesse multiple.
CE, 12 mars 2003, n°239159, Préfet de l’Essonne c/ Moazeni, cas d’un étudiant dont la reconduite devait avoir lieu peu
de temps avant la soutenance de sa thèse.
128
129
CE, 3 octobre 2003, n°244510, Préfet de police c/ Douad.
CEDH, 24 mars 1988, n°10465/83, Olson c/ Suède.
61
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
décision d’éloignement ou lorsque les relations conjugales sont inexistantes. La polygamie
rend également inapplicable la protection de cet article
130
.
Un autre motif fréquent de confirmation de la mesure d’éloignement est le fait que
l’étranger n’apporte pas la preuve que la vie maritale ne puisse se poursuivre dans un autre
pays que la France. Si tel est le cas, l’atteinte à la vie familiale ne sera pas considérée
comme excessive. Afin de déterminer son contrôle, le juge administratif prend en compte
le statut du conjoint ainsi que la possibilité réelle de recréer la cellule familiale hors de
France. Le fait que les enfants soient nés et scolarisés en France ne rend pas impossible
la procédure de reconduite à la frontière.
Lorsque l’étranger peut bénéficier de la procédure de regroupement familial, il est plus
difficile d’annuler la mesure d’éloignement sur le fondement de l’article 8 de la CEDH, car
cela reviendrait à vider totalement de son intérêt cette procédure.
L’existence d’attaches affectives dans le pays d’origine est un autre élément qui fera
considérer l’atteinte à la vie familiale comme non excessive. Le juge regarde alors la nature
du lien de parenté existant entre le requérant et sa famille au pays. Plus le lien est proche,
et moins l’article 8 de la CESDH trouvera à s’appliquer.
La portée de l’erreur manifeste d’appréciation sera également voilée si la durée du
séjour en France est faible, irrégulière ou interrompue.
En revanche, la jurisprudence à défini plusieurs hypothèses caractérisant l’atteinte
excessive à la vie privée et familiale.
Lorsque le requérant à fondé une famille en France, le juge cherche à déterminer la
réalité de la vie familiale. Le juge accepte de reconnaître comme vie familiale les relations
homosexuelles sous réserve de leur ancienneté et de leur stabilité
131
.
L’atteinte à la vie privée peut également être excessive si le requérant apporte la preuve
132
qu’il n’a pas d’attaches familiales dans son pays d’origine
. Il en va de même si le
requérant apporte la preuve que sa présence revêt un intérêt particulier pour sa famille,
en raison de son soutien financier. Le fait que certains membres de la famille de l’étranger
soient français est également pris en compte par le juge administratif pour mesurer l’étendue
des liens familiaux avec la France
133
.
La jurisprudence du Conseil d’Etat a également conduit à annuler les mesures de
reconduites à la frontière lorsque l’un des deux conjoints à le statut de réfugié, car il est
évident que la vie familiale ne pourrait se poursuivre à l’étranger.
2.2.3.2. La violation d’autres dispositions conventionnelles.
Outre la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme, l’étranger peut invoquer la violation d’autres dispositions. Néanmoins, le juge
administratif ne leur a pas reconnu l’applicabilité pour les reconduites à la frontière.
130
131
132
133
62
CE, 29 décembre 2000, n° 210895, Sacko.
CE, 30 avril 2004, n°251827, Préfet d’Ile et Vilaine c/Telci
CE, 31 janvier 2005, n°265448, Sadiq.
CE, 31 mars 2003 ? n°240694, Préfet de la Seine St Denis c. Messoussi.
Deuxieme partie : la balance protectrice des droits de l’étrangers, les garanties offertes par le juge
C’est tout d’abord le cas de l’article 3 relatif à la prohibition de la torture et des
traitements inhumains ou dégradants. Bien que ceux-ci soient fréquemment invoqués
devant les tribunaux administratifs concernant le pays d’éloignement, la violation de l’article
3 ne peut s’appliquer à un arrêté de reconduite à la frontière, car il ne fixe pas le pays de
destination
134
.
L’article 5 relatif au droit à la liberté et à la sûreté est également inapplicable au
contentieux de la reconduite à la frontière, en vertu de la jurisprudence Popescu du 21
novembre 1994, jurisprudence réaffirmée en 2000 par l’arrêt Francisco.
Le Conseil d’Etat a également rejeté la violation de l’article 6 de la CESDH relatif au
droit à un procès équitable, en considérant que les garanties de la défense sont effectives.
Sa jurisprudence à ensuite été confirmée par un arrêt de la Cour européenne des droits de
l’homme, en estimant que le protocole n°7 avait clairement restreint la portée de l’article 6
dans le cas des expulsions d’étrangers.
L’article 12 de la CESDH ne peut également pas être soulevé car la reconduite à la
frontière a d’abord pour objet de sanctionner un séjour irrégulier sur le territoire, et non
d’empêcher un mariage
135
.
Enfin, l’article 13 relatif au droit à un recours effectif est inapplicable dans le cas des
reconduites à la frontière. En effet, la mesure de reconduite et la décision fixant le pays de
renvoi obéissent à des procédures différentes. La procédure fixant le pays de destination
peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et d’une requête en droit commun.
Cette faculté suffit à garantir le droit au recours effectif au sens du Conseil d’Etat
136
.
2.2.4. La violation d’autres instruments internationaux
L’une des conventions les plus fréquemment invoquées par les requérants est la Convention
relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990. L’article 3-1 dispose en
effet que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans toutes les décisions les concernant.
Des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ont ainsi pu être annulés lorsque
l’intérêt supérieur de l’enfant était en cause. Mais cette notion a été entendue de façon
restrictive par la jurisprudence administrative, et ce moyen bien que souvent soulevé, est
fréquemment rejeté.
Le Conseil d’Etat à également considéré comme non recevables les dispositions de la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, car elle n’a pas de
valeur en droit interne
137
.
Tous ces éléments de protection s’appliquent également pour l’OQTF. Cette nouvelle
procédure à permis de désengorger les tribunaux administratifs et de simplifier le travail
de leurs magistrats. La réforme de 2006 visait à s’adapter à l’émergence d’un contentieux
de masse, car l’éloignement des étrangers corresponds environ au tiers des requêtes
présentées devant les tribunaux administratifs.
134
135
136
137
CE, 15 décembre 2000, n°218248, Louahem M’Sabah
CE, 17 janvier 1996, n°152786, Préfet du Val d’Oise c/ Lahyam.
CE, 24 juin 2002, n°215400, Préfet de la Haute Garonne c/ Terzout Yettou
CE, 26 janvier 2000, n°170579, Préfets des Hauts-de-Seine c/Abdelkader.
63
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Cette simplification administrative « débute » devant les tribunaux administratifs, car
elle n’est en vigueur que depuis début 2007, mais a toutefois permis de simplifier le
contentieux. En effet, l’Obligation de Quitter le Territoire étant exécutoire d’office un mois
après sa notification, permet d’éviter la situation antérieure où les arrêtés préfectoraux de
reconduite à la frontière n’étaient pas exécutés, et où la notification d’un APRF pouvait
révéler l’existence d’un même arrêté antérieur. L’OQTF rationalise donc l’éloignement des
étrangers et permet de réduire l’urgence du contentieux car le juge administratif dispose de
trois mois pour statuer. La procédure de jugement est classique, en audience collégiale.
Cette réforme témoigne de la prise en compte par le législateur du contentieux de
masse que représente l’éloignement des étrangers pour les magistrats administratifs, et de
la volonté de rationaliser les mesures d’éloignement.
Les nombreuses garanties procédurales offertes aux étrangers par le Juge
contrebalancent la recherche d’effectivité poursuivie par l’administration. L’équilibre entre
ces deux impératifs contradictoires est la raison d’être du droit des étrangers, et plus
particulièrement des mesures d’éloignement et des reconduites à la frontière.
Avec l’intégration européenne, il faut désormais transposer cet équilibre à l’échelle
communautaire. La lutte contre l’immigration irrégulière est un objectif commun aux pays
membres, ce qui a pour corollaire une harmonisation des pratiques dans ce domaine (dont
l’OQTF, connue notamment en Belgique, est la dernière manifestation). La récente mise
en place du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration de l’Identité Nationale et du Codéveloppement en témoigne. Plusieurs pays membres de l’Union Européenne tels que le
Luxembourg, ou l’Angleterre en sont dotés.
Le traité de Nice à partiellement communautarisé les politiques d’asile au niveau
européen, et il est fort probable que pour rationaliser les mesures d’éloignement se mette
en place une procédure d’éloignement pour l’Europe. Dans cette optique a été créée en
2004 l’Agence de gestion des frontières extérieures –Frontex- afin de contrôler les frontières
extérieures à l’Europe. Mais la réticence des Etats à abandonner l’une de leurs dernières
prérogatives régaliennes explique que l’Agence manque pour le moment des moyens
humains et financiers pour assurer sa mission.
C’est la raison pour laquelle les Etats-membres développent en parallèle d’autres
dispositifs afin de lutter contre l’immigration irrégulière. A ce titre, le thème du codéveloppement avec les « pays sources » d’immigration apparaît comme unanimement
accepté.
La France pratique déjà cette politique, spécialement en ce qui concerne les Etats
voisins des départements et collectivités d’outre-mer. Le co-développement peut recouvrir
des formes diverses, allant des transferts financiers aux clauses de retour des travailleurs
étrangers.
Plus que le remède apporté aux flux migratoires, l’idée du co-développement est
positive en ce qu’elle est acceptée par la droite comme la gauche, ce qui a pour
conséquence de dépassionner les débats autour du droit des étrangers. Celui-ci ne pourra
qu’y gagner en stabilité.
64
Bibliographie
Bibliographie
Ouvrages
Emmanuel BES DE BERC, Droit Français de l’expulsion des étrangers, thèse pour le
doctorat, Editions Arthur Rousseau, 1888
Emmanuel BRIBOSIA,Andréa REA, Les nouvelles migrations : un enjeu européen,
Editions Complexes, 2002
Jean-Yves CARLIER, Droit des Etrangers et Nationalité, Commission Université Palais,
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sous la direction scientifique de M. Pascal BINCZAK, Professeur à l’université Paris
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public à l’université Paris 8, publication Litec-Jurisclasseurs
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69
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Annexes
Annexe n°1 : Code De l'Entrée Et Du Séjour Des
Etrangers et Du Droit D'asile
Chapitre Ier : Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet
d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de
reconduite à la frontière
Article L511-1 (Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 50, art. 51, art. 52 Journal Officiel du
25 juillet 2006)
I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de
séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte
de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une
menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire
français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte
pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (1).
La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre
de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen
ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie
plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1.
L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire
français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation
peut être exécutée d'office par l'administration.
Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant
l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa
précédent.
L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le
dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des
migrations, sauf s'il a été placé en rétention.
II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger
sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :
1º Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit
titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;
2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité
de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois
70
Annexes
mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour
régulièrement délivré ;
3º(2) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été
refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai
d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;
4º Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et
s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ;
5º Si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification,
établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour ;
6º(2) Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire
de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces
documents lui a été refusé ;
7º Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance
ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été
prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en
raison d'une menace à l'ordre public.
8º Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du
visa, pendant la période définie au 2º ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué
une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les
dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail.
NOTA (1) : Loi 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 118 : Les dispositions du I de l'article L.
511-1 entrent en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'Etat modifiant le
code de justice administrative et au plus tard le 1er juillet 2007.
NOTA (2) : Loi 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 118 : Les dispositions du 3º et du 6º
de l'article L. 511-1 seront abrogées à la date de publication du décret en Conseil d'Etat
modifiant le code de justice administrative et au plus tard le 1er juillet 2007.
Article L511-2
Les dispositions du 1º du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est
pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne :
a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée
à Schengen le 19 juin 1990 ;
b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne
peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de
ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2.
Article L511-4
Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure
de reconduite à la frontière en application du présent chapitre :
1º L'étranger mineur de dix-huit ans ;
2º L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il
a atteint au plus l'âge de treize ans ;
3º (Abrogé)
71
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
4º L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été,
pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention
"étudiant" ;
5º L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
6º L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant
français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à
l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code
civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;
7º L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française,
à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint
ait conservé la nationalité française ;
8º L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant
pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger
relevant du 2º, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;
9º L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle
servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou
supérieur à 20 %
10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une
prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une
exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement
approprié dans le pays de renvoi ;
11º Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à
l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les
membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L.
122-1.
En outre, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour l'un des
motifs prévus aux 1º, 2º et 4º du II de l'article L. 511-1 l'étranger ressortissant d'un pays tiers
qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un Etat
membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique
européen ou de la Confédération suisse.
Chapitre II : Procédure administrative et contentieuse
Annexe n°2 : exemple d’arrêté préfectoral de
reconduite à la frontière (accompagné de la décision
fixant le pays de renvoi).
(à consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon)
72
Annexes
Annexe n°3 : Question du député Jérôme RIVIERE sur
les reconduites à la frontière
Source : http://www.ump.assemblee-nationale.fr/article.php3?id_article=5527
Jérôme Rivière, Député des Alpes-Maritimes, a appelé l’attention du ministre d’État,
ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, au sujet d’éléments statistiques
concernant les personnes reconduites à la frontière en 2005. Il souhaiterait tout d’abord
avoir le nombre de personnes reconduites à la frontière en 2005. Il souhaiterait ensuite
savoir quelle est, pour chacune d’entre elles, leur nationalité.
RÉPONSE
L’honorable parlementaire a souhaité que le ministre d’État, ministre de l’intérieur
et de l’aménagement du territoire, lui indique le nombre de mesures de reconduite à la
frontière (arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, arrêtés d’expulsion, interdictions
judiciaires du territoire) exécutées en 2005 ainsi que les principales nationalités concernées.
En 2005, 19 848 mesures d’éloignement ont été exécutées, ce qui représente une
augmentation de 26,7 % par rapport aux éloignements d’étrangers en situation irrégulière
effectués en 2004.
Entre 2002 et 2005, le nombre d’éloignements effectifs a progressé de 88 %.
Par ailleurs, les éloignements enregistrés au cours de l’année 2005 ont été effectués
principalement à destination de la Roumanie (3 815), de l’Algérie (3 408), du Maroc (2 048),
de la Turquie (1 897) et de la Bulgarie (793), ces cinq nationalités représentant 60,3 % des
mesures exécutées.
Priorité de l’action du Gouvernement depuis 2002, les évolutions constatées
démontrent l’impact de la politique volontariste menée en la matière. Fruit des instruments
législatifs issus de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au
séjour des étrangers en France et à la nationalité et de la forte mobilisation de l’ensemble
des services de police, de gendarmerie et des préfectures, cette évolution doit encore se
confirmer.
C’est la raison pour laquelle le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de
l’aménagement du territoire a décidé de pérenniser la politique de pilotage par objectifs
de l’activité d’éloignement et fixé à 25 000 le nombre de mesures d’éloignement à
exécuter pour l’année en cours. Pour conforter et améliorer ces résultats, un plan de lutte
contre l’immigration irrégulière, décliné en actions destinées à lever les principaux freins à
l’exécution des mesures d’éloignement, a été élaboré.
Prenant appui sur une organisation nationale rénovée via, notamment, l’action
du comité interministériel de contrôle de l’immigration et la généralisation des pôles
départementaux d’immigration, ce plan définit en outre des mesures opérationnelles, telle
la mise en oeuvre d’un plan immobilier permettant d’accroître sensiblement les capacités
d’accueil des centres de rétention administrative.
Annexe n°4 : statistiques de reconduites à la frontière
en France métropolitaine
73
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
statistiques de reconduites à la frontière en France métropolitaine
Source : Le Monde du 7 avril 2007.
Annexe n°5 : activité de la police aux frontières en
Outre-mer 1998-2004
Source : Projet de Loi de Finances 2006.
74
Annexes
Martinique
Étrangers en situation
irrégulière
Reconduites - expulsions
Guade- Étrangers en situation
loupe
irrégulière
Reconduites - expulsions
Guyane Étrangers en situation
irrégulière
Reconduites - expulsions
La
Étrangers en situation
Réunion irrégulière
Reconduites - expulsions
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Évolution
2003/2004
180 173 205 243 349 358 516 +44,13%
163 201 190 217 290 330 466 +41,22%
709 591 764 579 776 977 1.077+10,24%
673 620 766 678 686 1.0531.083+2,85%
3.8974.3015.1443.6594.5755.7166.570*+14,94%
3.8974.1934.711 2.9784.2444.8525.318*+9,60%
87 59 26 41 41 44 61 +38,63%
62
49
31
21
22
22
50
+127,27%
Annexe n° 6 : Statistique de délivrance des laissezpasser consulaires
Source : CIMADE, Centres et locaux de rétention administrative, Rapport 2003, p. 16.
75
A la croisée du glaive et de la balance, les reconduites à la frontière en droit français
Annexe n°7 : émargement du registre de notification
des droits en centre de rétention administrative
(à consulter sur la place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon)
Annexe n° 8 : demande de prolongation de rétention
administrative
(à consulter sur la place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon)
76
Annexes
Annexe n°9 : Ordonnance du Juge des Libertés et de
la Détention
(à consulter sur la place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon)
Annexe n° 10 : arrêt du Tribunal Administratif de Lyon
(à consulter sur la place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon)
Liste des principales abréviation utilisées
A.J.D.AActualité Juridique de Droit Administratif
A.P.JAgent de Police Judiciaire
A.P.R.FArrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière
C.E.Conseil d’Etat
C.E.D.HCour Européenne des Droits de l’Homme
C.P.PCode de Procédure Pénale
J.O.R.F Journal Officiel de la République Française
L.G.D.J.Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
N°numéro
O.P.J.Officier de Police Judiciaire
O.Q.T.FObligation de Quitter le Territoire Français
p. page(s)
P.U.FPresses Universitaires de France
Rec.Recueil
77