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Droit Immobilier
Droit Immobilier
Fiscalité immobilière
La nouvelle loi sur la TVA dans
le domaine immobilier
Le prix du terrain peut être exclu
de l’impôt si le bâtiment et le terrain
sont vendus à un prix forfaitaire.
Au 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la nouvelle loi régissant la TVA (ci-après: LTVA ). Nous
avons présenté dans le numéro de mars 2010 les principales modifications apportées par la
nouvelle législation en matière immobilière. Au premier trimestre 2010, la pratique de l’Administration fédérale des contributions, Division principale de la TVA (ci-après: AFC), n’était pas encore
complètement connue. Des discussions avaient lieu entre l’industrie du bâtiment et l’AFC pour
déterminer dans quelles circonstances la livraison d’une construction est une opération soumise
à la TVA ou une opération hors champ de l’impôt.
I
l semble que les négociations
aient abouti, puisque l’AFC a publié le 31 mars 2010 sur son site
internet une modification de la
pratique concernant la délimitation
entre contrat d’entreprise et contrat
de vente en matière immobilière.
La nouvelle pratique est applicable
dès le 1er janvier 2010. Une période
transitoire, pendant laquelle les entités concernées pouvaient choisir
librement l’application de l’ancien
régime ou du nouveau, a été instaurée jusqu’au 30 juin 2010. Pour
les constructions de complexes immobiliers dont les travaux ont débuté, pour certains objets ou pour
l’ensemble du complexe, avant le 31
décembre 2009, c’est l’ancien droit
qui reste applicable jusqu’à la fin
des travaux.
Me Nicolas Buchel
Avocat, associé, Oberson Avocats, Genève
La nouvelle pratique
administrative
Il convient de rappeler que, jusqu’au
31 décembre 2009, le critère de dé-
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limitation entre, d’une part, une livraison pour le compte de tiers soumise à la TVA et, d’autre part, une
livraison pour son propre compte
entraînant une imposition au titre
de prestation à soi-même, consistait à déterminer si un contrat de
vente et/ou d’entreprise et/ou une
promesse de vente avait été conclu
avant le début des travaux. Si tel
était le cas, la livraison était imposable, sinon, il s’agissait d’une
prestation à soi-même. Relevons
également que la notion de prestation à soi-même entraînait un assujettissement du constructeur, qui
était considéré comme construisant
pour son propre compte. Celui-ci
devait décompter la TVA sur le prix
de l’ouvrage et pouvait récupérer celle qui lui était facturée par
les fournisseurs tiers. Une fois la
construction terminée, la vente du
bien était considérée comme une
opération hors champ de l’impôt,
sauf si le vendeur optait pour soumettre la vente à la TVA. L’option
n’était possible que pour des biens
immobiliers vendus à des assujettis
TVA, et non pour des biens à usage
privé (logements).
La notion de prestation à soi-même
en matière immobilière n’existe
plus depuis le 1er janvier 2010. On
ne peut donc plus être assujetti
du seul fait d’une prestation à soimême immobilière. La notion de
prestation à soi-même existe encore pour corriger l’impôt préalable,
par exemple en cas de changement
d’affectation de biens, notamment
lorsqu’un bien, utilisé pour du
chiffre d’affaires soumis et pour lequel l’impôt préalable a été déduit,
est par la suite affecté à la réalisation d’opérations hors champ.
Désormais, en matière immobilière,
la délimitation entre une livraison
imposable et une livraison exclue
du champ de l’impôt se fait selon
le critère d’ «appartenance» du terrain, en distinguant les trois hypothèses ci-dessous.
1. Le terrain appartient
à l’entrepreneur
de la construction
Dans cette hypothèse, la livraison
(du terrain et de la construction)
sera considérée comme exclue du
champ de l’impôt si tous les critères
suivants sont remplis:
•l’acheteur acquiert un objet dont
la planification et l’étude de projet sont terminées;
•le terrain et le bâtiment sont vendus à un prix forfaitaire (fixé préalablement par l’entrepreneur de
la construction);
•l’acheteur ne peut en aucune
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Les Acteurs de l’Immobilier
Les Acteurs de l’Immobilier
Les promoteurs immobiliers
doivent être très attentifs
aux documents (promesses,
contrats, etc.).
remise (un acompte à concurrence de 30% du prix de vente
n’est pas déterminant).
3. Le terrain appartient
à l’acheteur
manière influencer la construction, les aménagements (y c. les
aménagements extérieurs), ni les
prestataires de services (artisans);
•il n’y a qu’un seul contrat (contrat
de vente entre l’entrepreneur de la
construction et l’acheteur, concernant le terrain et le bâtiment);
•les profits et les risques ne passent à l’acheteur qu’après l’achèvement des travaux;
•le paiement n’a lieu qu’après
l’achèvement de l’ouvrage et sa
remise (un acompte à concurrence de 30% du prix de vente
n’est pas déterminant).
Si un, ou plusieurs, de ces éléments
font défaut, il y a (i) une vente de
terrain exclue du champ de l’impôt
et (ii) une livraison du bâtiment imposable en vertu d’un contrat d’entreprise.
2. Le terrain appartient à un tiers
Dans cette hypothèse, il y a (i) une
vente de terrain exclue du champ
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de l’impôt et (ii) une livraison du
bâtiment imposable en vertu d’un
contrat d’entreprise.
Toutefois, lorsque le vendeur du
terrain et l’entrepreneur de la
construction sont des personnes
proches, il faudra considérer que
la livraison (du terrain et de la
construction) est exclue du champ
de l’impôt si les critères suivants
sont remplis cumulativement:
•l’acheteur acquiert un objet dont
la planification et l’étude de projet sont terminées;
•le bâtiment est vendu à un prix
forfaitaire;
•l’acheteur ne peut en aucune
manière influencer la construction, les aménagements (y c.
les aménagements extérieurs),
ni les prestataires de services
(artisans);
•les profits et les risques ne passent à l’acheteur qu’après l’achèvement des travaux;
•le paiement n’a lieu qu’après
l’achèvement de l’ouvrage et sa
Dans ce cas, il y a livraison du bâtiment en vertu d’un contrat d’entreprise imposable.
Cette nouvelle pratique exige des
promoteurs immobiliers qu’ils
soient très attentifs aux documents
(promesses, contrats, etc.) qu’ils
font signer aux acheteurs, puisque,
suivant leur contenu, l’opération
peut être soumise à la TVA au taux
de 8% (taux en vigueur depuis le 1er
janvier 2011) ou exclue du champ
de l’impôt. Le débiteur de l’impôt
étant le promoteur-constructeur, il
peut se voir réclamer de la TVA par
l’AFC sur les travaux de construction bien après la livraison des travaux, sans pouvoir nécessairement
répercuter cette charge fiscale sur
l’acheteur si les documents contractuels ne font pas mention de la TVA.
Parmi les critères mentionnés cidessus, une attention toute particulière doit être portée au le fait que
«l’acheteur ne peut en aucune manière influencer la construction»,
dans la mesure où il est courant que
ce dernier puisse faire modifier la
construction pour tenir compte de
ses préférences. Lorsque l’acheteur
fait modifier la construction, l’AFC
considère que si les coûts supplémentaires qui en résultent dépassent 5% (après avoir déduit les
éventuelles moins-values) du prix
forfaitaire pour le terrain et le bâtiment, alors la vente du bâtiment
n’est plus hors champ de l’impôt,
mais soumise à la TVA. La vente du
terrain reste hors champ de l’impôt.
Si le terrain n’est pas vendu mais
qu’un droit de superficie est octroyé
par l’entrepreneur, le pourcentage
maximum admis passe à 7% du
prix forfaitaire du bâtiment. Ces limites s’entendent par objet. Les
promoteurs-entrepreneurs devront
donc veiller à bien définir contractuellement dans quelles limites les
acheteurs pourront «influencer la
construction» pour déterminer par
avance si l’opération sera traitée
comme une opération soumise à la
TVA ou hors champ de l’impôt.
Pour l’instant, l’AFC n’a pas encore
publié toutes les brochures d’information par secteur économique,
en particulier celle concernant le
secteur «Administration, location
et vente d’immeubles» no 17. Cette
nouvelle pratique ne ressort pour
l’instant que de la publication de
mars 2010 concernant la modification de la pratique relative à l’Info
TVA concernant la transition 01.
On peut se demander comment des
critères aussi stricts trouveront leur
application dans la pratique. Dans
les faits, un grand nombre d’opérations immobilières destinées au
logement seront soumises à l’impôt
avec un résultat assez similaire à la
situation qui prévalait jusqu’au 31
décembre 2009. Il pourrait en résulter une charge fiscale plus élevée
que par le passé, puisque les critères retenus pour une imposition
au titre de prestation à soi-même,
dans la pratique la plus récente
avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, étaient assez restrictifs et
permettaient de ne pas prendre en
compte certains coûts (coûts financiers notamment). n
On peut se demander
comment des critères
aussi stricts trouveront
leur application
dans la pratique.
Nicolas Buchel, Avocat
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