DROIT DES MINORITES

Transcription

DROIT DES MINORITES
DROIT DES MINORITES
Lors de l’édition 2007 du FAP consacrée à la Déclaration universelle des droits de l’homme,
le professeur Yacoub, de l’Université catholique de Lyon, avait attiré notre attention sur la
« biodiversité humaine », c’est-à-dire sur le fait qu’il existe à travers le monde plusieurs
milliers de minorités culturelles, dont beaucoup revendiquent des droits bafoués ou aspirent à
une véritable reconnaissance : « C’est parce qu’elles s’estiment soumises à la domination
d’un pouvoir étranger et vivant dans des conditions d’inégalité que ces communautés
ethniques (…) revendiquent leur libération et l’affranchissement de la captivité. Certaines
vont même jusqu’à réclamer le droit de former des Etats distincts et indépendants. » 1 Selon
Yacoub, un milliards de personnes dans le monde appartiennent à des minorités.
Le XXe siècle a été caractérisé par la chute des empires. Les ont remplacés des structures
nationales moins fondées sur l’autorité que sur des liens culturels et sociaux. On a alors
« cherché à renforcer l’intégration des sociétés et des espaces dans ces cadres nationaux.
(…) Dans les Etats européens, la volonté uniformisatrice s’est donc souvent faite au
détriment des cultures périphériques ; les séquelles s’observent encore aujourd’hui de la
déconstruction dramatique de la Yougoslavie à la vigueur des mouvements régionalistes.
Dans le cas des Etats issus de la décolonisation, la faiblesse des constructions nationales,
imposées souvent par l’ex-colonisateur, sans grands moyens et sans réelle mémoire
collective, est grande. Pourtant, elles ont résisté malgré quelques tentatives de sécession
(Biafra au Nigeria, Katanga au Congo-Kinshasa) en dépit de l’ampleur des contrastes et des
diversités dans ces nouveaux pays. » 2
La question des minorités, qui vraisemblablement gagnera encore en importance à l’avenir,
est essentielle. Car si l’on en croit Régis Debray et plusieurs autres analystes, « tout indique
que la question des minorités culturelles va devenir la summa divisio, la ligne de partage
dans chaque pays, et entre voisins. (…) La mondialisation techno-économique s’avère être
une balkanisation politico-culturelle. » 3 Mais les conséquences d’une telle situation sont très
controversées : alors que certains nous annonçent un « choc des civilisations » 4 , d’autres
prédisent une « marche vers une modernité métisse » 5 .
Dans tous les cas se pose la question de la protection des minorités. Comment la communauté
internationale, et plus particulièrement l’ONU, peut-elle contribuer à assurer cette protection ?
Au tout début du 21e siècle, Isabelle Schulte-Tenckhoff constatait que, « à ce jour, aucun
instrument international à caractère universel n’aborde la question des minorités comme
telle, encore que divers textes reconnaissent des droits aux minoritaires ou appellent les Etats
à agir d’une certaine façon entre eux. Ainsi, en décembre 1992, l’Assemblée générale des
Nations Unies a adopté une Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des
minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ». 6 Dernièrement, le 13
septembre 2007, l’ONU a adopté la Déclaration des peuples autochtones, qui reconnaît à ces
peuples « le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur
1
Joseph Yacoub, Les minorités dans le monde, 1998, p. 28
Pascal Gauchon, Le Monde. Manuel de géopolitique et de géoéconomie, Paris, PUF, 2008, p. 476
3
Régis Debray, Un mythe contemporain : le dialogue des civilisations, 2007, p. 50-51
4
Huntington
5
Jean-Claude Guillebaud, Le commencement d’un monde, 2008
6
Isabelle Schulte-Tenckhoff, « Minorités en droit international », in Alain Fenet (directeur), Le droit et les
minorités, 2000, p. 17
2
statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».
(art. 3).
De telles Déclarations constituent un progrès, mais sont vraisemblablement insuffisantes. On
peut s’étonner par exemple de verbes mis au conditionnel dans la Déclaration de 1992, ou
encore de formules à fonction restrictive telle que « dans la mesure du possible ». De plus,
cette Déclaration de 1992, « ne propose aucune procédure garantissant sa mise en œuvre et
son suivi. (…) Rien n’y figure, en effet, sur les moyens de contrôle efficace de l’application
des droits accordés (…) comme par exemple des voies de recours efficaces devant les
tribunaux nationaux, en cas de non-respect de ces droits. » 7
Dans le cadre de l’édition 2009 du Forum annuel de la Planta (FAP), nous réfléchirons donc
aux moyens envisageables, aux instruments à créer permettant de renforcer cette protection.
Trois catégories de personnes peuvent être considérées comme formant des « minorités » :
- Les minorités nationales, religieuses, culturelles, linguistiques.
- Les minorités autochtones.
- Les non-ressortissants (en particulier les travailleurs migrants et les étrangers).
Cette année, nous nous intéresserons particulièrement aux deux premières catégories, plus ou
moins indifféremment. Il paraît en effet très difficile de les distinguer clairement : « La
question des similitudes et des différences entre peuples autochtones, peuples tribaux,
minorités ethniques, minorités autochtones …reste tout entière posée. » 8 La situation des
travailleurs migrants sera développée lors de l’édition 2010 du FAP qui sera
vraisemblablement consacrée aux migrations.
L’enjeu, pour la communauté internationale, est aussi simple à formuler que difficile à
concrétiser : comment, à toutes les échelles, « garantir l’unité qui ne soit pas uniformité et la
diversité de la famille humaine, qui ne soit pas synonyme de séparation, prélude à la
séparation » 9 ? Comment protéger le droit à l’existence des minorités, conserver voire
développer leurs cultures, préserver leur environnement, renforcer leurs institutions, lutter
contre les inégalités de développement et l’exclusion économique, … ?
7
Joseph Yacoub, Les minorités dans le monde, 1998, p. 172
Isabelle Schulte-Tenckhoff, « Minorités en droit international », in Alain Fenet (directeur), Le droit et les
minorités, 2000, p. 27
9
Joseph Yacoub, Les minorités dans le monde, 1998, p. 92
8