Quand le ventre fait mal au cerveau

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Quand le ventre fait mal au cerveau
LE TEMPS
SAMEDI 7 NOVEMBRE 2015
24 Sciences
Quand le ventre fait mal au cerveau
SANTÉ Notre microbiote intestinal pourrait influencer l’apparition de pathologies comme Alzheimer, Parkinson et l’autisme
de l’Université de New York, «il pourrait
y avoir un lien entre les maladies parodontales, qui touchent les tissus de
soutien des dents, et des troubles cognitifs». Cette corrélation s’appuie, entre
autres, sur une observation réalisée en
2013 au Royaume-Uni, où la présence
de la bactérie Porphyromonas gingivalis a été détectée dans le cerveau de
plusieurs patients atteints de la maladie
d’Alzheimer. Ce microbe, responsable
des lésions parodontales avancées,
aurait également comme caractéristique de bloquer le mécanisme naturel
de régénération des cellules.
De plus, selon des travaux réalisés en
Lombardie sur 270 patients atteints de
troubles cognitifs associés à la maladie
d’Alzheimer, le dépôt d’amyloïde, l’un
des marqueurs prédominants de cette
pathologie, serait également associé à
un déséquilibre du microbiote, lorsque
des bactéries entraînant des phénomènes inflammatoires prennent le
dessus dans la flore intestinale.
SYLVIE LOGEAN
Y a-t-il un lien entre notre microbiote,
ces centaines de milliards de bactéries
qui colonisent notre intestin, et notre
cerveau? Des évidences préliminaires
issues de différents travaux sur
l’homme tendent aujourd’hui à montrer que les microbes vivant dans notre
ventre pourraient avoir une influence
sur la survenue de maladies neurodégénératives ou neuropsychiatriques,
comme la maladie d’Alzheimer, Parkinson ou l’autisme. Réunis à Genève
mardi dernier, près de 300 scientifiques se sont penchés sur ce qui constitue l’un des domaines d’exploration
scientifique les plus actuels.
L’existence du microbiote – qu’on
qualifie désormais d’organe – a été
découverte il y a seulement quelques
années. Celui-ci est unique pour chacun d’entre nous, à l’image d’une
empreinte digitale. Il pèserait entre un
et deux kilos, et serait composé de 50
à 100 000 espèces de bactéries différentes. Logées dans notre tractus intestinal, ces dernières seraient dix fois
plus nombreuses que l’entier des cellules qui constituent le corps humain.
Elles sont non seulement indispensables à la digestion des aliments, à la
synthèse des vitamines, mais interviennent aussi dans la maturation du
système immunitaire et jouent un rôle
crucial dans l’équilibre des fonctions
physiologiques.
Lorsque ce délicat équilibre est
rompu, des troubles peuvent apparaître, aussi divers que le diabète, les
maladies inflammatoires intestinales,
l’obésité, ou, justement, des affections
de type neurologiques. Car il apparaît
aujourd’hui que notre système nerveux entérique, qui contrôle le système digestif à l’aide de ses 200 millions de neurones, dialogue en
permanence avec le cerveau, et serait
ainsi en mesure d’affecter la façon
dont il fonctionne.
La maladie de Parkinson, par
exemple, pourrait trouver son origine
dans le ventre, selon des études
récentes présentées à Genève. «L’intestin est touché dans une phase précoce
de la maladie, probablement des
dizaines d’années avant l’apparition des
troubles moteurs, confirme Filip Scheperjans, neurologue à l’Hôpital universitaire d’Helsinki. Pour 30 à 50% des
patients, les premiers symptômes de
Parkinson se traduisent par une
MÉTÉO
Le microbiote humain comprend 100 milliards de bactéries. Celles-ci sont dix fois plus nombreuses que la totalité
des cellules qui constituent le corps humain. (PACIFIC NORTHWEST NATIONAL LABORATORY)
atteinte de l’olfaction, des problèmes
de déglutition, et de la constipation.»
Le chercheur finlandais a aussi observé
des différences entre le microbiote
intestinal de patients atteints et celui
de personnes en bonne santé, qui
dépassent les simples disparités interpersonnelles. Il existerait en outre une
corrélation directe entre la quantité de
microbes de genre Enterobactericeae
(un type de bactérie pouvant être pathogène ou ne causer aucun mal selon son
sous-type) et le degré de gravité des
problèmes de mobilité et d’équilibre
chez les patients atteints.
Autre découverte: la majorité des
malades auraient les mêmes lésions
propres à Parkinson dans leur système
nerveux intestinal et leur cerveau.
Cette avancée dans la compréhension
de la maladie laisse entrevoir la mise
en place de nouveaux outils de diagnos-
tic précoce. Il devient en effet possible
d’imaginer qu’une simple biopsie du
colon permette de dépister cette affection avant même l’apparition des signes
moteurs. «L’inoculation du microbiote
de ces patients à des souris susceptibles
de développer la pathologie pourrait
également représenter un énorme raccourci dans le temps, car en quelques
semaines, on pourrait voir l’évolution
de cette affection chez l’animal, et ainsi
mieux évaluer le risque réel du patient
face à la maladie», complète le professeur Jacques Schrenzel, responsable
du laboratoire central de bactériologie
aux Hôpitaux universitaires de Genève.
SUR
LEWEB
Site de référence
Pour en savoir
plus sur le
microbiote
intestinal, le site
Gut microbiota
worldwatch,
alimenté
par la Société
européenne
de neurograstroentérologie
et de motilité,
est très riche.
http://bit.
ly/1mstkIT
Alzheimer aussi
Des modifications du microbiote ont
aussi été observées dans le cas de la
maladie d’Alzheimer. Selon Angela
Kamer, du Center for the Brain Health
Samedi 7 novembre
11° 19°
Basse
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Berne
8° 17°
B
Zurich
7° 19°
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froid
Genève
8° 16°
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occlus
H
- de -15° -15 à-10° -10 à -5° -5 à 0°
0 à 5° 5 à 10° 10 à 15° 15 à 20° 20 à 25° 25° et B
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5° 18°
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Saint-Moritz
Lausanne
B
UN PUISSANT ANTICYCLONE
S’ÉTENDANT des Açores vers
l’Europe de l’Ouest entretiendra
des conditions stables et sèches
pendant encore une semaine au
moins. Une forte inversion de température restera souvent présente
proche du sol, ce qui favorisera des
lune décroissante
taux de remplissage: 16%
DIMANCHE
9° 15°
9° 19°
La Chaux-de-Fonds
JACQUES SCHRENZEL,
BACTÉRIOLOGISTE AUX HUG
PRÉVISIONS À CINQ JOURS
Saint-Gall
11° 17°
B
«Il est probablement
plus facile
de manipuler
le microbiote
que nos cellules»
lever:02h58
coucher: 15h28
Bâle
B
1015
Si les scientifiques semblent convaincus du rôle pathogène des bactéries
dans l’apparition de certaines maladies
neurologiques, l’aspect thérapeutique
reste, quant à lui, un champ d’étude à
défricher. Nous disposons de plusieurs
outils pour intervenir sur notre flore
intestinale et ses bactéries: antibiotiques, probiotiques (des bactéries et
levures bénéfiques pour le microbiote),
prébiotiques (des molécules rétablissant son équilibre), l’alimentation ou
encore les transplantations fécales, qui
consistent à remplacer la flore intestinale d’un malade par celle d’un donneur. Mais les effets de certains de ces
moyens sont complexes à évaluer, et
l’on ignore encore leurs possibles effets
secondaires. Des études précliniques
conduites à l’Université de Los Angeles
ont cependant identifié plusieurs
mécanismes selon lesquels les probiotiques pourraient influencer les interactions entre le microbiote intestinal
et le cerveau. Mais ces résultats sont
encore à confirmer à plus large échelle.
«C’est tout de même assez excitant,
car il est probablement plus facile de
manipuler le microbiote que nos cellules sur un plan génétique, s’enthousiasme Jacques Schrenzel. Certes, il est
nécessaire de mieux comprendre les
mécanismes en cause avant d’aborder
l’aspect thérapeutique, mais on avance
rapidement dans ce domaine.» n
Les liens entre le microbiote et certaines affections neuropsychiatriques
ne s’arrêtent pas là. Des travaux réalisés notamment en Californie ont ainsi
pu prouver qu’en modulant la flore
intestinale, il était possible d’influencer les symptômes de l’autisme chez
l’animal. Des extrapolations chez
l’homme restent toutefois encore difficiles à réaliser.
Pour en savoir davantage, une vaste
étude baptisée «génération MB», dont
le but est de mieux comprendre le lien
entre le microbiote et différentes maladies inflammatoires, dont l’autisme,
devrait être lancée à Genève dès l’année
prochaine. Elle réunira une large
cohorte de nouveau-nés, en les suivant
depuis leur vie intra-utérine (par un
prélèvement de selles chez la mère),
jusqu’à environ 2 ans, âge auquel le
microbiote intestinal se stabilise. Les
bébés, stériles in utero, développent
leur flore intestinale au cours des deux
premières années de leur vie, en
entrant tout d’abord en contact avec les
bactéries maternelles à la naissance,
puis avec les microbes présents dans
l’environnement. Selon divers travaux,
un accouchement par césarienne, l’allaitement par biberon ou encore la
prise d’antibiotiques pourraient affecter le microbiote de l’enfant en affaiblissant sa diversité, générant ainsi une
plus grande sensibilité aux maladies
lever: 07h24
coucher: 17h14
3 minutes de soleil en moins
ÉPHÉMÉRIDE
Haute
pression
Isobares
(hPa)
Quels traitements?
Génération microbiote
Situation générale
aujourd’hui à 13h
H
inflammatoires. Pour Jacques Schrenzel, l’un des initiateurs du projet, «cette
étude permettra de remonter dans le
temps. Certains de ces enfants vont
probablement développer une maladie
inflammatoire, comme l’autisme. En
ayant accès à leur microbiote à des
moments précoces de leur vie, on
espère pouvoir avoir une idée plus précise des interactions en jeu et envisager,
à terme, des études thérapeutiques.»
Locarno
10° 19°
brouillards matinaux sur le Plateau
mais la présence d’un climat d’été
indien en montagne. Seule ombre
au tableau, quelques passages
nuageux qui traîneront ce samedi
matin, surtout au nord des Alpes,
en marge d’un front chaud en évacuation.
MétéoSuisse tél. 0900 162 666
en ligne avec nos météorologues, 24 heures sur 24
(fr. 3.- l’appel, fr. 1,50 la minute)
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3°
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80 %
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MERCREDI
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MARDI
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3°
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Limite des chutes de neige
Sud
des Alpes
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Limite des chutes de neige
Suisse
centrale
et orientale
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LUNDI
80 %
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