Discours de M. Conseiller d`État Philippe Perrenoud, Direction de la

Transcription

Discours de M. Conseiller d`État Philippe Perrenoud, Direction de la
Communication
du canton de Berne
Chancellerie d’Etat
Manifestation
Conférence de presse du Conseil-exécutif
Sujet
Nouvelle étape dans l’autonomisation des trois institutions
psychiatriques cantonales
Date
18 décembre 2015
Orateur
Conseiller d'État Philippe Perrenoud, Direction de la santé publique et de la
prévoyance sociale
Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à cette ultime
conférence de presse de l’année 2015, qui portera donc sur la fin de la phase de
planification de l’autonomisation des trois établissements psychiatriques cantonaux au 1er
janvier 2017 – les Services psychiatriques universitaires de Berne SPU, le Centre
psychiatrique de Münsingen CPM ainsi que les Services psychiatriques Jura bernois –
Berne-Seeland SPJBB.
La semaine dernière, le Conseil-exécutif a validé les travaux effectués et nous avons ainsi
franchi approximativement la moitié du long chemin à parcourir.
Au long de cette année, nous n’avons informé que de manière sommaire sur les étapes
atteintes. Aujourd’hui, il nous semble utile de présenter plus largement l’état intermédiaire du
projet et de baliser les étapes qui restent à parcourir.
D’emblée, j’aimerais souligner que les travaux nécessaires se déroulent bien et que la
première moitié du parcours est un succès, grâce entre autres à l’engagement exceptionnel
de tous les partenaires associés.
Au début, on a pu entendre diverses réserves et l’expression d’un certain scepticisme.
Aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer que tout le monde s’accorde à dire que les objectifs
fixés ont été atteints – j’entends par là à la fois les objectifs matériels et l’acceptation des
modalités retenues par la plupart des partenaires.
Pour l’essentiel, le Grand Conseil appuie, dans sa grande majorité, le projet tel qu’il se
développe. C’est également le cas des organisations du personnel, qui, malgré leur légitime
approche critique, devraient soutenir les solutions retenues.
L’autonomisation est un projet essentiellement « technique »
Avant d’aller plus loin, je me dois de vous prévenir. Ce que nous vous présentons
aujourd’hui n’a pas une très haute valeur informative – aucune nouvelle sensationnelle.
Pourquoi ? C’est essentiellement dû au fait qu’un tel projet est pour l’essentiel de nature
technique, exigeant un travail minutieux sur une quantité presque infinie de détails autant
organisationnels qu’opérationnels.
Cette documentation est aussi disponible sur Internet à l’adresse www.be.ch/communiques
Conférence de presse du Conseil-exécutif du 18 décembre 2015
Le débat politique de fond est derrière nous ; c’est en 2013 que le Grand Conseil a décidé,
en révisant la loi sur les soins hospitaliers, d’autonomiser les trois établissements
psychiatriques cantonaux.
Cela a été une décision de grande portée. Ces trois établissements sont des acteurs
importants : ils assument aujourd’hui 60% des traitements stationnaires et 40% des
traitements hospitaliers ambulatoires.
Le principe une fois acquis, sa mise en œuvre implique de relever de nombreux défis, mais,
somme toute, il ne s’agit que de transformer des établissements existants, et qui
fonctionnent bien, en société anonyme de droit privé – si le cadre institutionnel change,
l’établissement de soins demeure.
On pourrait même dire qu’il s’agit avec cette transformation institutionnelle de normaliser le
statut juridique de nos établissements psychiatriques publics. En effet, à ce jour, un
consensus bien établi dans tout le pays veut que les hôpitaux ne soient pas partie de
l’administration d’un canton ou d’une commune, mais indépendants, ou autonomes comme
on dit.
Cela étant, quand on procède à pareille autonomisation, on tombe inévitablement sur l’une
ou l’autre question qui revêt une dimension politique – entre autres la dotation en capital des
futures entreprises et les conditions de travail des personnels, qui quittent eux aussi le giron
de l’État.
En résumé, le projet d’autonomisation doit créer les conditions qui permettront aux
établissements, une fois constitués en société anonyme autonome, de se développer de
manière durable, donc en fournissant les prestations nécessaires au meilleur coût et selon
les standards de qualité requis.
Dimensions concomitantes de l’autonomisation
Liées à l’autonomisation comme processus essentiellement technique, d’autres dimensions
ne doivent pas être négligées pour autant.
Je souhaite en mentionner deux à ce stade – d’une part la couverture des soins, d’autre part
l’amélioration des comptes de résultats.
Il est important à mes yeux qu’on ne mélange pas tout, même si tout est inévitablement lié.
Couverture des soins : neutre du point de vue institutionnel mais, davantage que par
le passé, soumise au principe d’économicité.
Aux yeux de la population, la couverture des soins est la dimension essentielle. Beaucoup
de gens se demandent en quoi l’autonomisation en cours va la changer ; certains redoutent
une perte de la qualité des soins.
En principe, l’autonomisation ne devrait en aucune manière affecter la couverture des soins.
La gouvernance du système des soins psychiatriques est indépendante du statut des
cliniques – de manière analogue au domaine des soins somatiques, où cette gouvernance
s’exerce indépendamment du modèle institutionnel des hôpitaux, qu’ils soient publics ou
privés.
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Vous en connaissez les instruments : le canton édicte une planification de soins, actualisée
périodiquement et portée à la connaissance du Grand Conseil ; pour le secteur stationnaire,
la liste des hôpitaux détermine les établissements autorisés à facturer leurs prestations à
l’assurance de base et les conditions requises ; pour le secteur ambulatoire, le canton gère
le système par le biais des contrats de prestations.
Ces instruments sont déjà appliqués dans le domaine psychiatrique et il en ira de même à
l’avenir.
Le canton poursuit sa politique d’amélioration du système des soins psychiatriques en
développant une approche régionale, en collaboration avec les Centres hospitaliers
régionaux, et mieux conforme aux attentes des patients.
Tout cela peut et va continuer, indépendamment du cadre institutionnel et du statut juridique
des établissements.
C’est d’ailleurs pour cette raison, parmi d’autres, que le Conseil-exécutif avait considéré, à
l’époque, que l’autonomisation ne devait pas être définie comme un projet prioritaire et qu’il
l’avait ainsi reportée à plus tard. On le sait : le Grand Conseil ne l’a pas suivi.
Cela posé, il est clair que les établissements psychiatriques ont saisi l’occasion de
l’autonomisation pour repenser leur stratégie et adapter leurs structures internes, tout en
restant dans le cadre de la planification des soins cantonale – cela devrait entraîner des
effets positifs sur la qualité des soins.
J’attends en particulier une dynamisation des coopérations avec les hôpitaux de soins aigus.
À long terme, les cliniques psychiatriques seront beaucoup plus qu’aujourd’hui intégrées à
des réseaux de soins régionaux – ces réseaux intégrés, avec soins somatiques autant que
psychiatriques, prestations stationnaires autant qu’ambulatoires, devraient améliorer
considérablement la prise en charge des patients.
À mes yeux, c’est d’un autre point de vue qu’il faudrait se poser la question de l’influence de
l’autonomisation sur la couverture des soins, à savoir celui de l’impact du principe
d’économicité.
L’évolution des conditions-cadres et les révisions successives de la législation ont placé le
principe d’économicité au centre de l’organisation des soins, dans le domaine psychiatrique
aussi bien que dans le domaine somatique. L’autonomisation des établissements de soins,
ce qu’on pourrait appeler leur découplage de l’État, font qu’ils ne sont plus des services
publics, au sens traditionnel du terme, mais des entreprises chargées d’une mission d’intérêt
public. Ces entreprises sont en concurrence dans l’exercice de leur mission, elles doivent
donc travailler de manière lucrative, produire leurs prestations au meilleur coût possible –
c’est cela l’économicité.
Si on analyse le système des soins de ce point de vue, se posent bien sûr de nombreuses
questions, qui touchent aussi à la politique. Pour ma part, je serais bien incapable
aujourd’hui de répondre à ces questions, mais je suis certain que la génération qui vient va
devoir se confronter au retour du pendule, à savoir la remise en cause d’un paradigme de
concurrence par trop unilatéral.
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L’application du principe d’économicité pose de vrais problèmes dans le domaine
psychiatrique ; en particulier dans le cas des patients les plus lourds, qui font face à côté de
leur pathologie spécifique à des difficultés sociales souvent complexes.
L’exigence d’économicité et son corollaire de standardisation des protocoles de traitement
réduit la capacité de prise en charge des établissements pour ces patients qui demandent
un accompagnement individualisé, quasiment du cousu main.
C’est là un constat, pour une part hypothétique, ce n’est pas un jugement de valeur. Ce n’est
qu’avec le temps que nous pourrons mesurer précisément les effets réels de l’influence
croissante du principe d’économicité dans la pratique clinique.
Si vous me permettez encore une remarque au passage, on peut considérer que le débat
autour de l’initiative populaire « sur les sites hospitaliers » exprime déjà le probable retour du
pendule que j’évoquais. Il n’est pas inintéressant d’entendre des revendications qui étaient
rejetées avec véhémence voici peu, peut-être parce qu’elles venaient, sous une forme
pourtant mesurée, d’une majorité gouvernementale rejetée en tant que telle.
Amélioration des comptes de résultats
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, à la deuxième dimension concomitante de
l’autonomisation en cours, celle de l’amélioration des comptes de résultats.
Nous vous avons informés à cet égard lors d’une conférence de presse en août. Il est
important pour moi de bien distinguer ces mesures et les adaptations voulues par
l’autonomisation.
Qu’est-ce qui rend nécessaire cette amélioration des comptes de résultats ? Qu’est-ce qui
exige cette augmentation de la productivité ?
Premier point, intrinsèquement lié à l’autonomisation : une fois constitués en entreprise
indépendante, et comme tous les établissements figurant sur la liste des hôpitaux, les
établissements psychiatriques devront financer à partir de leurs recettes propres non
seulement tous leurs coûts d’exploitation mais aussi leurs charges d’investissements.
Le canton ne pourra plus leur apporter que des financements additionnels très limités, pour
des prestations particulières et strictement définies, ce que l’on appelle les « prestations
d’intérêt général » (PIG).
Avec ces conditions nouvelles, assurer l’équilibre financier constitue un grand défi.
Second point, indépendant de l’autonomisation : l’introduction prochaine d’un nouveau
système de financement de la psychiatrie stationnaire. À la place des forfaits journaliers que
nous connaissons aujourd’hui, les soins psychiatriques seront bientôt rétribués, à l’instar de
ce qui est pratiqué pour les soins somatiques, selon des forfaits par cas – c’est le nouveau
système tarifaire TARPSY.
Inévitablement, ce nouveau système tarifaire, qui n’est pas encore défini dans tous ses
détails, aura des effets sur les concepts thérapeutiques qui préconisent des durées de
séjour longues et sur les unités de soins dont la part des patients chroniques est élevée.
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Ces deux caractéristiques se retrouvent particulièrement dans les SPJBB – et c’est
justement pour cela que le volume des mesures d’amélioration des comptes de résultat est
dans leur cas bien plus élevé qu’aux SPU ou au CPM.
Et maintenant ?
Après ces propos introductifs, j’ose espérer que les liens entre le projet d’autonomisation de
nos établissements psychiatriques et son contexte soient plus clairs pour tout le monde et
venons-en donc au bilan intermédiaire.
Cet état des lieux vous sera présenté par Monsieur Martin Rumpf, qui reprendra dans le
courant du premier trimestre 2016 la direction générale du projet, ainsi que par Monsieur
Gustav Baldinger, chef de projet chez PricewaterhouseCoopers, l’entreprise spécialisée qui
nous apporte une expertise précieuse durant ce processus.
J’aimerais exprimer ma vive reconnaissance à Madame Katharina Schönbucher Seitz,
secrétaire générale adjointe de ma direction, qui a été dans cette première phase directrice
générale du projet. Atteinte dans sa santé, elle ne peut être malheureusement parmi nous.
Elle a fourni un travail remarquable à tous égards et je souhaite lui rendre l’hommage qu’elle
mérite.
Vu qu’elle aura quitté la SAP à la fin mars, Martin Rumpf, qui la secondait, lui succédera le
moment venu pour mener à son terme la deuxième phase. Je lui exprime toute ma
confiance.
Ma reconnaissance va aussi à PwC, sans qui nous ne saurions mener ce projet à terme. Sa
qualité d’expertise est de haut niveau et ses collaboratrices et collaborateurs ont œuvré avec
grande efficacité. Je me réjouis de pouvoir compter également sur PwC pour la deuxième
phase, ce qui nous garantit entre autres l’indispensable continuité.
Après la présentation de Messieurs Rumpf et Baldinger, les directeurs à la tête des
établissements exposeront l’état des travaux et les défis à relever dans chacune des
cliniques – Monsieur Stefan Aebi pour les SPU ; Monsieur Rudolf Ineichen pour le CPM ;
Monsieur Jan von Overbeck, notre estimé médecin cantonal et, depuis fin octobre, directeur
ad intérim des SPJBB.
Bien sûr, je me dois de les remercier eux aussi très vivement de même que les personnels
de nos trois établissements psychiatriques. Pour eux, la mise en route du processus
d’autonomisation n’a pas été qu’un grand défi professionnel et technique ; elle a été aussi
une remise en question existentielle ; pour un petit nombre, elle signifie également, du fait
des nécessaires mesures d’assainissement, la perte de leur emploi.
Toutes et tous se sont engagés avec générosité et haute conscience professionnelle. Le
Conseil-exécutif leur sait gré de leur dévouement autant que de leur loyauté.
Finalement, nous serons tous à votre disposition pour répondre à vos questions.
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