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TECHNIQUE AMPLIFICATEUR DE PUISSANCE Bel Canto Evo 200.2 La révolution numérique… TECHNIQUE L es amplificateurs numériques font une lente apparition sur le marché audiophile. Un bon nombre existe déjà en laboratoire (Philips, Texas, Thomson, Harris, Tripath…), certains sont déjà sur le marché (TacT Audio, qui devrait présenter de nouveaux modèles, dont certains de type multicanal), d’autres fonctionnent en sonorisation où leurs utilisateurs apprécient non seulement leur robustesse mais surtout leur légèreté. Mais, que nomme-t-on réellement ampli numérique ? Les premiers modèles d’amplis non linéaires, qui transformaient un signal analogique en signal pulsé remontent au début des années 70. C’étaient déjà des convertisseurs de puissance, qui travaillaient selon le principe de la classe D et fournissaient un signal modulé en largeur d’impulsion ou PWM. Cette technique connaissait et connaît encore certaines limites dues au manque de linéarité de la conversion et à la faible vitesse. La technique PWM est donc restée au rang des applications peu critiques, celle de la régulation pour les alimentations, par exemple, ou des amplis pour caisson de grave. Depuis, les transistors de commutation de puissance ont fait des progrès considérables. Le facteur vitesse de commutation est devenu moins critique. Par ailleurs, les fabricants de convertisseurs N/A ont conçu des circuits intégrés dont le fonctionnement évoque très fortement la technique PWM. Ce sont tous les modèles connus sous l’appellation “One Bit”. Il était donc logique que certains fabricants d’amplis tentent de faire la jonction entre ces deux mondes. Mais demeuraient quand même certains problèmes relatifs à la partie puissance. En effet, les algorithmes de filtrage numérique qui compensent les défauts de fonctionnement des convertisseurs équipant les lecteurs CD ne sont pas adaptés à la conversion PWM de puissance. Dans le premier cas, la conversion numérique vers analogique est réalisée dans un circuit inté- 76 gré très rapide. Dans le cas d’un ampli, elle est réalisée par les transistors de puissance et un filtre passif. Solution en progrès de vélocité, mais encore trop lente pour une application directe. De ce fait, les amplis numériques sont constitués d’un filtre numérique particulier et adaptés à la vitesse de réaction de la partie puissance. Toute la réussite de cette technique tient donc aux caractéristiques du filtre que le fabricant de l’ampli doit concevoir lui-même et réaliser le plus souvent avec un gros circuit intégré DSP. Le Bel Canto Evo 200.2 n’échappe pas à cette règle. Ce modèle, contrairement à celui rencontré précédemment, possède des entrées analogiques et non numériques. On a le choix entre signaux asymétriques sur prises RCA de belle qualité et symétriques sur XLR. Il n’y a pas de commande de volume, ni de réglage de sensibilité. Les signaux entrants sont traités dans des amplis opérationnels très performants Burr-Brown, des classiques de l’audio (série OPA) ou de l’instrumentation (série INA). Cette partie est plus qu’un simple buffer d’entrée. L’amplificateur assurant lui-même la conversion A/N, il faut prendre garde à éviter l’écrêtage à cet endroit. Car l’écrêtage en numérique est désagréable à l’écoute, ceux qui se sont fait posséder avec ce phénomène en gravant un CD ou un MD ne nous contrediront pas. C’est la partie analogique du processeur interne qui assure cette fonction, ainsi elle détecte en continu l’amplitude du signal d’entrée et la réduit si nécessaire, réalisant ce que l’on nomme un “Soft Clipping”, écrêtage en douceur (le nom est du à NAD, qui proposait cette fonction il y a une vingtaine d’années sur ses amplis analogiques). Il n’y a aucun condensateur de liaison sur le trajet du signal analogique de cet ampli : pas question de discuter la couleur sonore de ce type de composant sur l’Evo 200 ! On remarquera le traitement analogique en différentiel, même si l’on utilise les prises d’entrées RCA asymétriques. C’est un avantage pour la conversion A/N qui s’opère plus facilement dans ces conditions. De plus, cette configuration élimine les bruits induits. Or la partie puissance de l’Evo 200 doit sûrement en générer un peu, compte tenu de son mode de fonctionnement. Dans le même esprit, on a remarqué un soin particulier dans le routage des circuits de masse, tant ceux pratiqués par des pistes de circuit imprimé que ceux acheminés par fil de gros diamètre. La référence de potentiel est assez complexe sur ce modèle et fait appel à des éléments de correction de différence de potentiel. Cette partie audio en amont du convertisseur possède bien sûr sa propre alimentation isolée de celle du DSP et de celle de l’étage de puissance. Notons toutefois que la gestion de l’énergie est assez astucieuse sur cet appareil. Les deux amplis travaillent en opposition de polarité. De ce fait, et compte tenu qu’une bonne partie du message sonore est commune aux deux canaux, un des amplis tire sur l’alimentation positive tandis que l’autre pompe sur la partie négative et réciproquement. Cette astuce permet de ne pas tirer simultanément l’énergie des deux canaux sur le même enroulement du transformateur. D’où une réserve de puissance supérieure à taille d’alimentation égale. Cette astuce diminue aussi les bruits de commutation induits sur les lignes d’alimentation. Bel Canto précise que son ampli numérique fonctionne sans contre-réaction. Pour info, sachez que ce sujet, contre-réaction ou La partie la plus importante du travail s’effectue dans ce petit boîtier blindé. pas, s’anime d’un grand débat chez les fabricants et dans les laboratoires spécialisés dans les amplis numériques (notamment chez B&O, qui travaille aussi sur le sujet). En fait, on imagine mal comment appliquer un signal de contre-réaction sur une chaîne de traitement aussi complexe. Bel Canto parle en revanche de servos numériques qui contrôlent en temps réel et corrigent les signaux de commande pour les TECHNIQUE transistors de puissance. Il s’agit effectivement d’une contre-réaction, mais numérique et localisée, la boucle n’englobant pas toute la chaîne. Cette correction est rendue nécessaire par le fait que les transistors de FICHE TECHNIQUE Puissance : 2 x 120 W (8 ohms) Dimensions : 45 x 13 x 30 cm Prix : 3 800 euros Origine : Etats-Unis commutation utilisés ont une caractéristique de tension grille/source assez peu linéaire et qui tend à retarder les instants exacts de commutation. Les algorithmes de commande intégrés au soft des DSP tiennent compte de cette caractéristique. La tâche de commutation des transistors est difficile : ils doivent fournir, au rythme de 600 kHz (600 000 fois par seconde) la pleine tension d’alimentation positive puis la pleine tension d’alimentation négative. Et ce durant des durées précises, de l’ordre du milliardième de seconde. Cette vitesse élevée permet de repousser assez loin en fréquence les résidus de bruit de quantification inhérents au procédé PWM. Lesquels occupent un spectre situé entre 200 et 1500 kHz et sont bloqués en sortie par un filtre passe-bas passif à 12 dB par octave. Ce filtre est constitué d’une inductance sur tore en poudre de fer et d’un condensateur à faibles pertes et diélectrique plastique, l’ensemble étant calibré pour couper à 80 kHz. Bel Canto précise que cette coupure s’avère quasiment indépendante de la charge (le type d’enceinte connectée à la sortie de l’ampli). Argument défendable, mais reprenant une certaine critique qui avait été formulée à l’égard de l’ampli numérique concurrent, et selon lequel on pouvait perdre une fraction ou même un décibel entre 10 kHz et 20 kHz, avec des enceintes à impédance basse (typiquement 4 ohms). S’il fallait arbitrer, sans vouloir fâcher qui que ce soit (et Bel Canto en particulier), nous dirions que tout ampli chargé par un filtre voit nécessairement sa réponse affectée par cet élément. On retiendra surtout, au rang des bénéfices de la technique appliquée à l’Evo 200, le fait de pouvoir fonctionner directement avec des sources analogiques et une certaine simplicité de mise en œuvre qui n’a pas été développée au détriment des performances. L’absence d’entrée numérique et de commande de volume pourra en gêner certains qui auraient pu souhaiter exploiter une liaison et une transcription 100 % numérique pour leurs programmes préférés. Mais, si l’on en croit la Rédaction, cet Evo 200 constitue déjà une des révélations de l’an 2000. Place à l’écoute, donc. Ecoute Nous ne sommes pas de chauds partisans du lyrisme exacerbé, mais nous faisons tout pour vous communiquer nos coups de cœur lorsque nous en avons. En l’occurrence, ce nouvel amplificateur de puissance Bel Canto nous a fortement impressionnés. Car, si les différences de comportement entre appareils se situent toujours dans un cadre déterminé, même large, on a vraiment l’impression que le nouveau Bel Canto sort clairement de sa catégorie. Les différences sont si grandes qu’il s’agit indéniablement d’un nouveau standard d’amplification pour son prix. Le Bel Canto offre une restitution sonore d’une franchise Cet amplificateur ne rajoute rien mais ne retranche rien non plus. Si la musique est douce et subtile, le son sera d’une suavité incroyable et, si vous écoutez de la “house” à fond les ballons, vous allez comprendre votre douleur. Néanmoins le plus frappant, c’est que l’Evo 20.2 permet d’écouter de la musique à un niveau colossal sans que la qualité sonore en souffre en quoi que ce soit. Monter le volume, même très haut, n’occasionne aucune dégradation ni même le moindre signe de saturation. La dynamique s’avère stupéfiante. Rarement nous avons eu l’occasion de tester un amplificateur aussi rapide, aussi spontané. Il est capable de passer d’une note très faible à une très forte en une fraction de seconde. Du coup le rythme le plus diabolique se suit avec une aisance démoniaque. Et, c’est toute la musique qui en profite. Vous pouvez suivre n’importe quelle ligne mélodique de manière évidente. Tout est simple. Le reste est à l’avenant. Cet amplificateur se révèle très transparent. Il vous permettra Les impacts restitués par ce Bel Canto s’avèrent si puissants que l’auditeur les ressent physiquement. désarmante. C’est un peu comme si la musique enregistrée était débarrassée de la moindre coloration, totalement exempte de déformation, d’inertie et de traînage. A quelques notables exceptions près, on a l’impression que les autres amplis gomment la musique enregistrée, traînent en route, manquent de souffle. Deux aspects notamment sont incroyablement révélateurs, la bande passante et la dynamique. La première se révèle pleinement étendue. Le grave descend vraiment très bas et l’extrême-grave est restitué avec une facilité absolument déconcertante. Dire de ce grave qu’il est “percutant” relève de la litote la plus grossière. Les impacts s’avèrent si puissants, si violents que l’auditeur les ressent physiquement avec une surprise non dissimulée. Un pied d’orgue ou une contrebasse ressemblent à ce qu’ils sont vraiment et non pas à de piètres succédanés. De l’extrême-grave à l’extrême-aigu, la bande passante est d’une régularité et d’une linéarité impossibles à prendre en défaut. Et, pas la moindre rupture entre registres, pas la plus petite basse ou le moindre creux. On a l’impression d’écouter un haut-parleur large bande, sans les coupures aux extrémités. d’entendre toutes les petites nuances à côté desquelles bon nombre d’amplis passent sans rien voir. Mais là n’est pas l’aspect le plus frappant de sa performance, le plus étonnant, pour des gens comme nous, c’est qu’avec cet amplificateur, la nature des produits associés saute immédiatement aux oreilles. Avec lui, on entend tout. C’est un formidable outil de travail pour un chroniqueur haute fidélité. MAURICE GOLDENBERG & LAURENT THORIN VERDICT Nous nous garderons bien d’affirmer que ce nouveau Bel Canto est le meilleur amplificateur du monde. Mais il prouve indéniablement que la technologie numérique permet d’aller très loin sur certains critères et de fabriquer des amplificateurs aux performances sidérantes. Dans tous les cas, nous sommes frappés par le potentiel extraordinaire de ce nouveau Bel Canto et surtout par son rapport qualité/prix apocalyptique. Des performances de ce calibre à un prix aussi “bas”, nous ne l’avions encore jamais vu. 77