Samuel DEPREZ - Philippe VIDAL UMR IDEES

Transcription

Samuel DEPREZ - Philippe VIDAL UMR IDEES
PROPOSITION POUR LE COLLOQUE L’HOMME @ DISTANCE SOCIETES A DISTANCE : ROLES ET PLACE DES TIC DANS L’HABITAT NON ORDINAIRE Samuel DEPREZ ‐ Philippe VIDAL UMR IDEES ‐ CIRTAI 6266 ‐ Université du Havre Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sont souvent assimilées à des outils de gestion de la distance, représentant au moins dans l’imaginaire collectif, un palliatif à l’isolement économique, à l’exclusion sociale, au désengagement civique et plus encore à l’éloignement physique. Dans le même temps, ces technologies sont souvent perçues ‐ à tort ou à raison ‐ comme étant au coeur du processus d’évolution des territoires qui se modernisent et se technicisent chaque jour davantage, en particulier dans des contextes urbains très denses mais aussi de façon prégnante dans des espaces ruraux ou moins densément peuplés. Rapprocher les hommes et les lieux, maintenir ou recréer des liens entre les territoires semblent ainsi facilité par la diffusion et l'utilisation du téléphone portable ou de l'internet. Il semblerait toutefois qu’à chaque type de configuration territoriale, à chaque groupe social, correspondent des problématiques spécifiques, des niveaux d'appropriation différents et des rôles clairement attribués aux TIC. Outils de modernisation et de compétitivité dans les zones urbaines denses (paroxysmique dans les grandes capitales mondiales), alternative technique face à la raréfaction des services de proximité (publics et privés) dans les territoires plus ruraux, peu accessibles ou mal desservis, vecteurs et supports de liens communautaires ou simples moyens de communication entre individus, les TIC se révèlent à la fois polyformes et plurifonctionnelles, en fonction des besoins, des aspirations individuelles et collectives, ou des contextes territoriaux. Mais qu’en est‐il dans les territoires qui se construisent en marge de tout cadre réglementaire ou institutionnel ? Quand les communautés décident d’elles même de se mettre à distance de la société, comment les TIC sont‐
elles mobilisées ? Sont‐elles invitées dans ce processus de mise à distance ? Font‐elles au contraire l’objet de rejets dans la mesure où elles incarneraient précisément les symboles de la modernité ? Quelle place les TIC sont‐elles amenées à prendre dans ce type de dispositif qui se situe souvent à mi‐chemin entre le camping, la résidence de plein air et la jungle et qui se désigne par le terme générique « d'habitat non ordinaire » ? Dans ces territoires « inclassables », souvents urbains, parfois ruraux, quels peuvent être la place et le rôle des TIC ? Les hypothèses de travail apparaissent nombreuses et les entrées multiples. L'étude (exploratoire) menée sur le plateau de Dollemard, au nord de l'agglomération havraise en considère quelques unes en prenant appui sur la trentaine d'entretiens réalisés auprès des occupants de ces lieux. Havrais pour l'essentiel, issus des quartiers populaires et de condition modeste, ces personnes y ont trouvé un point de chute, un « refuge » en réponse à un certain mal‐être et un rejet de la société dans laquelle ils évoluent. On peut dès lors se demander si les TIC constituent des outils d'affirmation de cette démarche de mise à distance, par une non‐utilisation volontaire du téléphone portable par exemple, ou si elles permettent au contraire de maintenir malgré tout un lien avec la société. Nous montrerons que la réponse se situe plutôt dans le premier cas de figure, l’usage des TIC étant limité au strict minimum, le téléphone portable faisant office de balise de sécurité en cas de difficultés (problèmes de santé, impondérables) bien plus que d’un outil de connexion maintenant le lien. Ceci prend l’allure d’un paradoxe quand on constate la capacité des habitants à être particulièrement innovant dès lors qu’ils en ressentent la nécessité. Le constat quasi permanent de solutions innovantes pour produire de l'électricité ou collecter l'eau invalide de fait l’hypothèse d’une incapacité potentielle des habitants à se saisir de ces nouvelles technologies. Il semble qu’il faille mieux privilégier une autre clef d’explication : celle de la mise à distance de la société, concrétisée par la mise à distance des symboles de la modernité.