Le plancher pelvien
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Le plancher pelvien
Édition 2/16 Hiver 2016 6’000 exemplaires Magazine suisse de physiothérapie destiné aux patients Le plancher pelvien L’incontinence peut être traitée! 10 Le Téléthon Entretien avec Philippe Rognon applications 14 Les sportives Des coaches numériques www.physioswiss.ch La physiothérapie agit! Plus d’informations sur www.physioswiss.ch L’Association suisse de physiothérapie NOTRE PASSION – VOTRE MOUVEMENT. ÉDITORIAL / SOMMAIRE THEMA Bienvenue! Le plancher pelvien et ses muscles constituent pour beaucoup de personnes un univers inconnu. Il s’agit de muscles invisibles de l’extérieur, souvent difficiles à activer au début et dont le rôle est pourtant primordial dans le contrôle des selles et des urines. Le sujet de l’incontinence, c’est-à-dire du mauvais fonctionnement de ce contrôle, est toujours abordé avec réticence. L’importance des informations sur les possibilités de prévention et de traitement offertes par la physiothérapie est d’autant plus grande. Jeunes et vieux, hommes et femmes, nous dépendons tous d’un bon fonctionnement des muscles du plancher pelvien. Votre smartphone s’y connaît-il en matière de santé? Il existe actuellement plus de 100’000 applications relatives à la santé. L’article de Delphine Willemin présente quelques indications sur des applications intelligentes qui peuvent vous soutenir dans votre activité physique. Votre physiothérapeute se tient à votre disposition pour toute question portant sur des exercices figurant dans vos applications ou sur les effets secondaires de ces derniers. Dans notre interview, Philippe Rognon nous parle du Téléthon, une manifestation qui mérite d’être soutenue. Elle met chaque année l’activité physique en lien avec le soutien des patients et de leurs familles ainsi qu’avec la recherche, notamment dans le domaine des maladies musculaires. L’INCONTINENCE Les pertes involontaires d’urine sont très fréquentes et très handicapantes. Une physiothérapie ciblée permet pourtant d‘y remédier. 04 PÉDIATRIE Quand et comment bébé doit-il apprendre à faire ses premiers pas? 08 RENCONTRE Entretien avec Philippe Rognon, coordinateur d’«Action Téléthon Suisse» et lui-même atteint d‘une maladie musculaire. 10 MOUVEMENT Les applications sportives constituent un soutien et une source de motivation pour une pratique sportive régulière. Nous vous souhaitons une lecture enrichissante et un hiver sans accident! Prenez bien soin de vous! 14 SANTÉ PUBLIQUE L’influence du statut professionnel des patients dans la facturation d’un traitement physiothérapeutique suite à un accident. 18 ORGANISATION POUR LA SANTÉ Pia Fankhauser Vice-présidente de physioswiss De nombreuses personnes sont touchées par une maladie rare. L’organisation faîtière «ProRaris» s’engage pour elles. 20 EN BREF La méditation en cas de mal de dos chronique − Le sport contre la dépression. L’IMAGE Un parc pour s’entraîner. 22 24 PHYSIOMAGAZINE 2/16 3 03 04 L’INCONTINENCE L’incontinence peut être traitée! Vous arrive-t-il de perdre involontairement de l’urine? Votre cas n’est pas isolé. L’incontinence est une affection fortement handicapante qui est très courante. La physiothérapie constitue un traitement de choix. L’entraînement des muscles du plancher pelvien, associé à un comportement approprié, donne souvent de très bons résultats. Madame Ansermin* est âgée de 62 ans. Elle reporte toujours ses courses aussi longtemps que possible car il n’y a pas de toilettes publiques dans son village. Madame Ansermin souffre parce qu’elle perd involontairement de l’urine. Elle se sent mal à l’aise malgré les protections qu’elle met car elle rencontre souvent des gens qu’elle connaît sur son chemin. Il se pourrait que le protège-slip ne tienne pas et qu’elle mouille son pantalon, ce qui la gênerait énormément. C’est encore plus difficile lorsqu’elle a le rhume. Elle ne retient que très difficilement son urine lorsqu’elle tousse ou qu’elle éternue. Autrefois, Madame Ansermin était membre d’un club de gymnastique. Elle aimait faire des voyages en autocar et adorait rencontrer de nouvelles personnes. Aujourd’hui, elle sort très peu. Elle est déprimée et a pris du poids parce qu’elle ne se déplace plus beaucoup. Madame Ansermin n’a pas été conseillée jusqu’à présent car elle n’ose pas parler de son problème. Elle pense * nom modifié par la rédaction PHYSIOMAGAZINE 2/16 Le plancher pelvien ferme le bas du bassin et permet de maintenir les organes pelviens en position. Les muscles du plancher pelvien doivent être suffisamment puissants pour contrer la pression dans la vessie. L’INCONTINENCE Le plancher pelvien: un exercice de base Position de départ: position couchée, les jambes relevées. Fermez les orifices corporels (vagin et anus) et faites-les rentrer, comme un ascenseur qui démarrerait. L’ascenseur monte au premier étage, au deuxième, puis au troisième. Là, il s’arrête un moment et redescend. La «descente» ne devrait pas être une tension mais un relâchement lent et délibéré. Autocontrôle: un miroir permet de vérifier simplement si le plancher pelvien se déplace à l’intérieur lors de la tension. L’autocontrôle est encore plus efficace pour les femmes en introduisant un doigt dans le vagin pour vérifier la tension du plancher pelvien. Pour augmenter la difficulté: faire l’exercice en position assise puis, dans un deuxième temps, debout. Il est recommandé de se faire guider par un thérapeute qualifié pour l’apprentissage des exercices du plancher pelvien, un tiers des femmes les effectuant de manière incorrecte. Il est par ailleurs important de vérifier si la contraction du plancher pelvien se fait correctement. aussi que perdre de l’urine est inévitable à partir d’un certain âge. Une femme sur trois est atteinte d’incontinence d’effort On pense souvent que perdre un peu d’urine lorsqu’on tousse, qu’on éternue ou qu’on court est tout à fait normal. Ce ne sont pas épargnées. Des études ont montré qu’au moins une jeune femme sur trois est atteinte d’incontinence d’effort lors de la pratique du sport. Une grossesse, un accouchement par voie vaginale mais aussi par césarienne, la ménopause, des interventions chirurgicales, une maladie pulmonaire chronique ainsi qu’un surpoids ou un poids inférieur à la normale sont d’autres facteurs de risque. Les options de traitement sont variées (voir encadré p. 7) et prometteuses. Les hommes également touchés Bien que deux fois moins touchés en moyenne, les hommes sont aussi concernés par l’incontinence urinaire. Les hommes sont généralement atteints d’incontinence d’urgence, principalement en raison de l’agrandissement de la prostate. Chez les femmes, l’incidence de l’incontinence d’urgence augmente également avec l’âge. Il existe aussi des formes mixtes d’incontinence d’urgence et d’effort. Une incontinence d’urgence se manifeste généralement par un besoin soudain et irrépressible d’uriner, par des mictions fréquentes de petites quantités d’urine ainsi que par la nécessité de se lever plusieurs fois la nuit, quelques gouttes pouvant même se perdre sur le chemin des toilettes. Qu’est-ce que la «continence»? La force de fermeture de la vessie pour y maintenir l’urine doit être supérieure à la pression de la vessie lorsqu’elle se rem- La puissance des muscles du plancher pelvien peut être entraînée comme celle de tous les autres muscles du corps. n’est pas vrai! Ce sont des signes typiques d’une incontinence d’effort, un problème qui concerne une femme sur trois. L’incontinence urinaire d’effort est la forme la plus courante d’incontinence féminine. Bien que la fréquence augmente avec l’âge, les jeunes femmes et les sportives plit. On peut considérer la vessie comme une sorte de ballon qui doit rester fermé pour que l’air ne s’en échappe pas. Ce sont l’urètre et les muscles du plancher pelvien qui assurent le mécanisme de fermeture de la vessie. Le plancher pelvien se trouve dans le bassin et le ferme vers le bas. Il PHYSIOMAGAZINE 2/16 05 L’INCONTINENCE Le comportement quotidien Aux toilettes Il est conseillé de prendre son temps sur les toilettes et d’éviter de pousser lors de la défécation, l’idéal étant de se pencher en avant en arrondissant le dos. Pour uriner, il faut en revanche redresser le torse et écarter les jambes. Une alimentation saine et beaucoup de liquides (entre 1,5 et 2,5 litres d’eau par jour, selon le poids corporel) garantissent des selles molles. Une forte poussée lors de selles dures exerce une pression défavorable sur le plancher pelvien. Il est en outre recommandé de ne pas vider sa vessie trop fréquemment ou de façon préventive car cela réduit sa capacité à stocker de grandes quantités d’urine. Soulever des charges Soulever des charges peut surcharger le plancher pelvien. Mais c’est parfois inévitable dans la vie quotidienne. Contractez le plancher pelvien avant et pendant le transport de charges telles que des sacs poubelles ou lorsque vous levez votre bébé hors de son lit. Il faut faire attention à tenir le dos droit pour éviter une pression néfaste sur le plancher pelvien. Les conseils d’un professionnel sont utiles pour soulever des masses de manière appropriée. Toux, éternuements Conserver le dos droit permet de réduire la pression sur le plancher pelvien. Toussez par-dessus votre épaule, en arrière vers le haut. Ne serrez pas votre corps dans des vêtements étroits Évitez les pantalons serrés qui compriment l’abdomen et augmentent la pression sur le plancher pelvien. permet de maintenir les organes pelviens en position. Les muscles du plancher pelvien doivent être suffisamment puissants pour contrer la pression dans la vessie et pour soutenir les organes. La puissance des muscles du plancher pelvien peut être entraînée comme celle de tous les autres muscles du corps. La maxime use it or loose it s’applique parfaitement ici: lorsqu’on n’utilise pas les muscles du plancher pelvien, on les perd. Le renforcement musculaire du plancher pelvien est important. Il ne suffit pourtant pas toujours pour assurer la continence. De l’urine peut s’écouler en cas d’incontinence d’effort, en particulier lors de la toux, des éternuements, d’une course ou d’un saut. Dans ces situations, le plancher pelvien doit être en mesure de se res- PHYSIOMAGAZINE 2/16 © Edler von Rabenstein – Fotolia Voici quelques conseils pour soulager le plancher pelvien au quotidien. © ramonespelt – Fotolia 06 serrer très rapidement et de façon automatique. Voilà pourquoi un programme de formation complet et moderne active ces automatismes en entraînant cette capacité. Ces deux éléments jouent un rôle important en plus des exercices de sensibilisation (où se trouve mon plancher pelvien et quelle perception en aije quand je le contracte?), du renforcement et des exercices de coordination (se mettre en position accroupie et simultanément contracter le plancher pelvien). L’incontinence est un sujet très complexe. Elle soulève de nombreuses questions dont certaines sont toujours sans réponse. La filière Santé de la Haute école spécialisée de Berne mène divers projets de recherche sur ce sujet. L’INCONTINENCE Les deux types les plus courants d’incontinence et le traitement physiothérapeutique approprié Incontinence d’effort Incontinence d’urgence Symptômes Traitement Symptômes Traitement Perte d’urine lors de sollicitations comme: · les éternuements, · la toux, · le jogging, · les sauts, · le soulèvement de charges, · le sport. · Renforcement musculaire du plancher pelvien par: - la perception, - la force, - la force-vitesse, - la détente, - la coordination. · Conseils comportementaux. · Intégration au quotidien. · Conseils sur les moyens auxiliaires. · Fort besoin d’uriner avec perte incontrôlée d’urine. · Plus de huit mictions par jour. · Nombreuses excrétions de petites quantités d’urine. · Plus d’un réveil causé par le besoin d’uriner pendant la nuit. · Comportement en lien avec les boissons et les toilettes. · Entraînement du comportement de la vessie: contrôle de la miction, apprentissage de l’évaluation du remplissage de la vessie, vidage complet. · Renforcement musculaire du plancher pelvien et de la détente. · Calmer la vessie par l’électrothérapie. L’efficacité du traitement de l’incontinence par la physiothérapie L’association professionnelle ICI (International Consultation on Incontinence) recommande la physiothérapie comme traitement de premier choix pour toutes les formes d’incontinence. En effet, les résultats de la recherche sont clairs: la physiothérapie est efficace1 et, de plus, peu onéreuse. Par ailleurs, son développement a été constant ces dernières années. La physiothérapie peut constituer une aide considérable en cas de pertes accidentelles d’urine. Parler du problème et demander conseil Un examen approfondi auprès d’un gynécologue, d’un urologue ou d’un médecin de famille est essentiel pour recevoir un traitement approprié. De la physiothérapie peut être prescrite une fois que le problème a été identifié. Au cours de celle-ci, médecins et physiothérapeutes spécialisés travaillent en étroite collaboration. Vous pouvez consulter la liste des physiothérapeutes spécialisés de votre région sur le site Internet de l’association pelvisuisse (www.pelvisuisse.ch). Si vous êtes intéressé, vous pouvez également participer à une étude portant sur «la physiothérapie contre l’incontinence d’effort», menée par la filière Santé de la Haute école spécialisée de Berne2. Pour en revenir à Madame Ansermin, elle devrait demander conseil à un expert. Avec un traitement de physiothérapie adapté à ses besoins et des exercices réguliers, ses chances de pouvoir à nouveau faire ses courses l’esprit léger ou de participer à des excursions en autocar sont bonnes. Sa qualité de vie n’en sera que meilleure. Irene König, physiothérapeute spécialisée dans le traitement de l’incontinence, possède un cabinet à Rotkreuz ZG (www.aveotherapie.ch). Elle est également collaboratrice scientifique au sein de la filière Santé de la Haute école spécialisée de Berne. 1. Dumoulin C, Cochrane Database Syst Rev (2014); Bø K. World Journal of Urology (2012). 2. Pour de plus amples informations: [email protected] PHYSIOMAGAZINE 2/16 07 PÉDIATRIE 1 2 © photo4passion.at – Fotolia 08 Au secours, mon bébé ne marche pas! De nombreux parents s’inquiètent si leur enfant n’a pas effectué ses premiers pas à son premier anniversaire. Comme nous l’explique une physiothérapeute pédiatrique, il n’y a pourtant aucune raison de s’en faire. L’idée selon laquelle un enfant normalement constitué devrait savoir marcher seul à l’âge d’un an est tenace. La réalité est tout autre: très peu d’enfants ont déjà fait leurs premiers pas lorsqu’ils fêtent leur premier anniversaire. Selon une étude de longue durée menée à Zurich sur des enfants en bonne santé, 70 pour cent des enfants marchent avant leur quinzième mois, les autres ayant besoin de plus de temps et attendant même d’avoir 20 mois pour y parvenir. La plupart des enfants apprennent à marcher entre leur 13e et leur 18e mois Un petit enfant qui apprend à marcher entre son 13e et son 18e mois est parfaitement dans la norme. Ce n’est ni trop tôt ni trop tard. Les enfants qui se déplacent en glissant sur leurs fesses peuvent même attendre jusqu’à 24 mois sans que l’on parle d’un début tardif de la marche. Le fait qu’un petit enfant commence à marcher à 13 ou à 18 mois n’a d’ailleurs aucune influence sur son développement ultérieur. PHYSIOMAGAZIN 2/16 L’entraînement au sol Chacun apprend à son propre rythme, ce que nous rappellent souvent les plus petits. En tant que parents, il nous est impossible d’accélérer ce processus. Nous pouvons en revanche tout à fait le soutenir. Un bébé exerce ses capacités motrices dès sa naissance et, ce faisant, il s’entraîne déjà pour pouvoir marcher seul plus tard. Il doit dès lors passer suffisamment de temps au sol. Il préférera d’abord être allongé sur le dos. Les parents peuvent aussi dès le début le poser quelques instants sur le ventre pendant la journée. Couché sur le sol, sur le dos ou à plat ventre, un nourrisson entraîne sa musculature et apprend à bouger son corps et à coordonner ses mouvements. Il lui faut réunir ces conditions importantes pour se déplacer à quatre pattes, s’asseoir et marcher. Bien sûr, il ne faut pas allonger le bébé sans protection sur un sol trop dur ou en carrelage. Une protection épaisse n’est cependant pas nécessaire. Plus la base sur laquelle il est allongé est molle, plus il lui sera difficile de bouger. Des nattes ou des 3 4 © Fotolia © Dmitry Lobanov – Fotolia PÉDIATRIE 1+2:Un bébé doit passer suffisamment de temps couché sur le sol pour entraîner sa musculature. 3+4: Agripper des objets pour se lever et se déplacer sur le côté sont des étapes en vue de la maîtrise de la marche. tapis-puzzle en mousse conviennent parfaitement. Ces derniers l’amuseront de surcroît jusqu’à l’âge du jardin d’enfants. Voyages d’exploration au sol Dès qu’un petit enfant montre de l’intérêt pour se déplacer sur le sol, il suffit de lui accorder un rayon d’action plus grand. Il faut cependant veiller à aménager les alentours pour que ces voyages d’exploration ne présentent aucun danger. Les bébés n’ont pas seulement chacun une vitesse de développement différente, ils ont aussi une manière de se déplacer qui leur est propre. Les parents ont besoin de nerfs solides lorsque leur enfant commence à agripper des objets pour se lever ou à risquer ses premiers pas latéraux. Ils doivent rester calmes. Il est tout à fait normal qu’un petit enfant tombe. Cela lui permet d’apprendre de ses tentatives et de ses erreurs. Les premiers pas Certains petits aiment pousser quelque chose lorsqu’ils apprennent à marcher. Un tabouret stable ou un trotteur sont Plus d’informations: Les articles suivants portent sur le thème de la marche et sont disponibles sur le site Internet de l’association suisse des physiothérapeutes qui travaillent en pédiatrie www.paediatrica.ch (Le coin des parents › Fiches conseils): · «Les premiers pas», Baby&Kleinkind 2011 · «Bouger depuis tout petit», Baby & Kleinkind 2010 idéaux. Le trotteur doit être suffisamment stable pour ne pas basculer lorsque l’enfant prend appui dessus. Un youpala est en revanche un achat inutile qui ne permet nullement aux enfants d’apprendre à marcher plus vite ou d’une meilleure façon. Un petit enfant a parfois besoin de beaucoup de temps pour oser faire ses premiers pas tout seul. Les parents doivent faire preuve de beaucoup de patience et de compréhension. Favoriser un environnement qui facilite les premières tentatives de l’enfant est plus utile que d’instaurer un climat de pression. Adressez-vous à votre pédiatre si vous êtes inquiet. Vous pouvez également solliciter les conseils d’un physiothérapeute pédiatrique. Jeannette Curcio est physiothérapeute pédiatrique à Rapperswil-Jona (SG). PHYSIOMAGAZINE 2/16 09 10 RENCONTRE Le Téléthon: une fête d’espoir pour les malades Philippe Rognon est coordinateur du Téléthon Action Suisse pour la Suisse allemande et secrétaire de la Fondation suisse de recherches sur les maladies musculaires. Lui-même atteint d’une myopathie de type Becker, il nous parle de son quotidien avec la maladie et de son combat pour donner de l’espoir aux personnes atteintes de maladies musculaires. physiomagazine: Quand et comment avez-vous découvert que vous étiez atteint de myopathie? Philippe Rognon: On a détecté que j’avais la myopathie suite à une biopsie lorsque j’avais sept ans. Je suis atteint de la myopa- thie de Becker, une forme atténuée de la myopathie de Duchenne. Cela signifie que la mobilité est presque normale dans l’enfance et que les muscles s’affaiblissent de façon graduelle mais relativement lente. Cela ne se remarquait presque pas lorsque j’étais enfant. Je courais peut-être un peu différemment de mes camarades d’école et j’étais un peu plus lent. Quels sont les traitements à disposition? Dans le cas de la myopathie de Becker, les muscles existants peuvent être utilisés et entraînés. Le rôle de la physiothérapie est donc très important, en particulier durant la croissance. Je peux dire que j’ai baigné dans la physiothérapie depuis l’âge de six ans. J’ai fait beaucoup de stretching, beaucoup d’exercices d’assouplissement, avec le ballon, et de natation en eau chaude. Lorsque j’étais enfant, tout était sous forme de jeu. Les parents ont un rôle de coach essentiel à ce moment-là. Les physiothérapeutes sont très proches des malades et les exercices physiothérapeutiques permettent d’entraîner les muscles et la condition physique. Comme ils se rétractent et disparaissent, il faut en laisser quelques-uns de côté avec le temps. Philippe Rognon PHYSIOMAGAZINE 2/16 RENCONTRE LA MYOPATHIE La myopathie regroupe différentes affections des muscles. Son origine est principalement génétique mais elle peut également être d’ordre inflammatoire. La plus commune de ces maladies est la myopathie de Duchenne. Elle est caractérisée par une dégénérescence progressive et plus ou moins précoce des cellules musculaires. Son incidence à la naissance est d’environ 1/3300 garçons. LE «Téléthon Action Suisse» En 1988, l’Association Suisse romande intervenant contre les maladies neuromusculaires et la Fondation suisse de recherches sur les maladies musculaires organisent ensemble le premier Téléthon de Suisse en prenant exemple sur ce qui se fait aux États-Unis depuis 1961 et en France depuis 1986. Depuis, le Téléthon a lieu chaque premier week-end de décembre. L’argent récolté grâce au travail des centaines de bénévoles ainsi qu’à la générosité des nombreux donateurs est destiné aux familles suisses dont un ou plusieurs membres sont touchés par une maladie génétique. 50% des dons vont ainsi à la recherche et le reste est destiné à des actions sociales. Le Téléthon Action Suisse entend informer la population sur les maladies génétiques et donner une existence ainsi qu’une reconnaissance aux malades. Aujourd’hui, j’ai deux séances de physiothérapie par semaine et j’en fais un peu tous les jours à domicile. Je fais aussi de la natation tous les deux jours et un peu de marche, même si j’ai maintenant besoin d’une canne. L’idéal serait bien sûr de trouver un médicament contre la myopathie, qui permette de stopper l’évolution de la maladie voire de récupérer quelques facultés, un peu de force. Quelle a été votre réaction et celle de votre entourage lorsque vous avez reçu le diagnostic? J’avais sept ans et je crois que je n’ai pas vraiment compris. Cela perturbait beaucoup le quotidien mais je ne voulais pas vraiment en savoir plus, par exemple si la maladie était évolutive ou non. Pour les parents, c’est un choc. En particulier PHYSIOMAGAZINE 2/16 11 12 RENCONTRE parce qu’on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit. Certains parents surprotègent et d’autres laissent tout faire. J’ai fait du vélo, du ski mais il m’a fallu apprendre à connaître mon corps. La mobilité est très importante mais la douleur nous rappelle quand on en fait trop. Personnellement, c’est plutôt après coup, vers 18-20 ans, que j’ai réalisé que cela allait moins bien. Quels sont les principaux défis au quotidien? Le défi principal, c’est de rester indépendant. Se relever seul d’une chaise n’est pas toujours évident. Il faut pouvoir s’appuyer sur une table, contre un mur ou que quelqu’un nous aide. On a chacun nos pe- des convictions et faire preuve d’autodiscipline pour ne pas regretter de ne pas avoir réussi à faire tout ce qu’on voulait. En quoi consiste le travail du Téléthon? Une fondation autour d’une maladie permet aux personnes atteintes de se sentir moins seules et de faire connaître leur maladie. Le Téléthon permet aussi d’avoir une certaine influence au niveau des assurances, du quotidien, de la politique et de la recherche. Ces manifestations sont aussi une piqûre de rappel pour les grandes entreprises pharmaceutiques qui ne s’intéressent pas ou peu aux maladies rares. Le but du Téléthon est donc de faire connaître des maladies rares et de faire La maladie est une tragédie mais pour les personnes atteintes, il est très précieux de voir ce combat et cette mobilisation pour elles. tits réglages. Les moyens auxiliaires sont importants mais il n’y a pas de solution à tout. Il y a aussi le problème des chutes. Un muscle peut vous lâcher, on n’arrive pas à se reprendre. On commet une imprudence, on prend les escaliers ou on veut ramasser quelque chose par terre et ensuite il est très difficile de se relever. Lorsqu’on tombe, on doit demander de l’aide, ce n’est pas agréable et ça nous travaille pendant quelques jours. L’entourage est très important dans les moments difficiles, pour pouvoir sortir et vivre. Qu’est-ce que cela signifie de vivre avec cette maladie? Le caractère évolutif de la maladie est difficile. Repenser au passé n’est pas évident. On se rappelle certaines choses qu’on arrivait à faire ou différentes étapes de la maladie par lesquelles il a fallu passer. Certains doivent accepter dès l’enfance qu’ils ne pourront plus marcher. C’est d’ailleurs aussi très dur pour les parents. Malgré tout, il faut rester fort, garder espoir, avoir PHYSIOMAGAZINE 2/16 progresser la recherche dans le domaine des maladies musculaires. Plus le Téléthon sera connu, plus on pourra l’étendre à d’autres maladies rares. L’objectif est donc que la recherche progresse et que l’espérance et la qualité de vie des malades puissent être améliorées par des moyens auxiliaires mis à leur disposition. Quelles sont les forces de l’action du Téléthon? Le Téléthon, ce sont également des journées de solidarité. En Suisse romande, il y a plus de 350 manifestations. Les milliers de bénévoles sont la force du Téléthon en Suisse. Rien ne serait possible sans eux. Ce qui est merveilleux, c’est qu’ils ne sont généralement pas directement touchés par la maladie. Les pompiers s’engagent énormément par exemple. Cela fait sens pour eux de se battre pour cette cause bien qu’ils ne soient pas concernés. D’ailleurs, de nombreux malades, notamment les enfants, le disent: pour eux c’est une fête, une fête d’espoir. Le Téléthon a donc encore beaucoup à faire? Le Téléthon n’aura plus de raison d’exister le jour où il y aura une solution pour toutes les maladies. Bien sûr, il y aura toujours des maladies oubliées ou laissées pour compte. Il y aura toujours des personnes qui ont besoin d’aide. L’importance des Téléthons des prochaines années sera à mon avis toujours plus grande parce que nous sommes actuellement dans un virage thérapeutique et qu’il est très important de soutenir la recherche. Et comme je le disais, le Téléthon est aussi une fête qui permet à l’espoir de naître et de grandir. La maladie est bien sûr une tragédie mais pour les personnes atteintes, il est très précieux de voir ce combat et cette mobilisation pour elles. Interview: Natalia Rochat Baratali RENCONTRE «Je soutiens le Téléthon en tant qu’ancien sportif d’élite et physiothérapeute car je suis conscient de l’importance de la recherche qui permet d’aider des personnes atteintes de maladies héréditaires. J’espère que mon engagement permettra de faire connaître au grand public l’action et les objectifs du Téléthon et qu’ainsi des personnes atteintes de maladies rares pourront être aidées.» Viktor Röthlin Champion d’Europe en marathon SOUTENIR LE TÉLÉTHON Vous souhaitez faire un don ou participer à un événement? Plus de 350 manifestations sont organisées dans toute la Suisse romande avec de nombreux défis et des programmes variés. Vous pouvez également faire un don par Internet, par téléphone ou par sms. Quelques actions le 3 décembre: · Oron-la-Ville Route de Lausanne 41, fondue, match aux cartes, repas, bar · Lausanne Place de l’Europe, stand de peluches et démonstrations · Martigny Place centrale, diverses animations · Morges Salle Petit-Dézaley, marathon de badminton · Fribourg Place des Ormaux, stand pompiers · Neuchâtel Rue du Concert, stands et démonstration de feu Vous souhaitez vous engager en tant que bénévole? Le Téléthon est ouvert à tous! Il est très simple de prendre part à la magie du Téléthon en organisant un événement. Des peluches à vendre et du matériel publicitaire sont mis à disposition gratuitement. Contactez le secrétariat du Téléthon pour de plus amples informations. Il existe également des rencontres entre bénévoles. www.telethon.ch PHYSIOMAGAZINE 2/16 13 MOUVEMENT © Halfpoint – Fotolia 14 Des milliers d’applications mobiles pour se motiver à bouger On sait tous qu’il faut bouger, mais comment trouver la motivation? Et comment la garder? Il existe des applications pour smartphones pour tous les goûts. Tour d’horizon avec une future physiothérapeute. Faire de l’exercice, c’est bon pour le corps et l’esprit. «Le manque d’activité physique est un facteur de risque majeur dans l’apparition de maladies non transmissibles telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer, le diabète et les maladies musculo-squelettiques (mal de dos, ostéoporose)», rappelle Adrien Kay, porte-parole de PHYSIOMAGAZINE 2/16 l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). «Ces maladies sont en Suisse comme dans le reste du monde, la première cause de mortalité.» Bouger permet aussi de combattre le stress, le découragement et l’anxiété. C’est pourquoi l’OFSP recommande de pratiquer deux heures et demie d’activité physique par semaine. Quand votre téléphone portable se mue en entraîneur sportif Seulement voilà, il n’est pas toujours facile de se motiver. C’est là qu’intervient votre téléphone portable, qui peut se transformer en coach. Il existe une multitude d’applications pour smartphones, proposant des programmes d’entraînement avec suivi MOUVEMENT Des effets avérés? Au-delà d’un marketing attractif, les applications peuvent-elles vraiment vous aider à améliorer votre condition physique? La recherche scientifique n’en est qu’à ses balbutiements. Une étude menée l’an dernier aux PaysBas a montré que l’utilisation d’applications peut être bénéfique pour gérer son entraînement. Parce qu’elles offrent un suivi des performances, leurs utilisateurs tendent à améliorer leur niveau d’activité, la perception de leur forme physique, la perception d’eux-mêmes, mais aussi leur capacité à motiver les autres à faire du sport. Toutefois, entre la volonté d’être actif et la mise en pratique de ses bonnes intentions, il peut y avoir un fossé. Et les effets à long terme ne sont pas connus. des performances. Accessibles, dotés de multiples fonctionnalités, ces supports utilisent les capteurs et le GPS du téléphone puis enregistrent vos données: durée de l’effort, parcours, calories consommées. Axées sur les réseaux sociaux, nombre d’apps misent sur la motivation par la comparaison entre usagers. Mais comment s’y retrouver dans la jungle de propositions? Il existe des dizaines de milliers d’applications dédiées à la santé et au fitness. À vous d’établir vos besoins et de profiter des critiques d’utilisateurs sur le web. Car il existe des applications pour tous les publics et pratiques sportives. Ou presque. Beaucoup visent les amateurs de course à pied, de marche, de vélo ou de fitness. Gratuites ou payantes, elles se veulent simples d’emploi et se déclinent en versions destinées aux débutants mais aussi aux professionnels. Quelques applications courantes Parmi les plus populaires, qui vous permettent d’enregistrer votre progression, «Elles ne remplaceront jamais un préparateur sportif ou un physiothérapeute, mais c’est un complément», estime le Dr Vincent Villa de Neuchâtel, spécialisé en médecine du sport et chirurgien orthopédiste, qui mène des recherches sur les applications mobiles dans le domaine de la santé. «Avec leurs alertes, les applications nous rappellent à l’ordre.» Pour lui, les apps sont un support motivationnel, surtout chez le public cible doté d’un esprit de compétition. «Elles permettent de visualiser nos performances et de les partager avec d’autres personnes, c’est motivant avant, pendant et après l’effort car cela crée une émulation.» Mais attention, «tous les échecs sont impitoyablement documentés, ce qui peut conduire à l’effet inverse de la motivation», met en garde le Dr Urs-Vito Albrecht, médecin et informaticien à la Haute école de médecine de Hanovre. citons Runtastic pour la course, le vélo ou le roller. Dans les classiques, il y a aussi Runkeeper, Nike + Running, Endomundo ou Strava. À l’instar de cette dernière, nombre d’applications s’appuient sur des équipements wearables, tels les bracelets et montres à capteurs. Une autre catégorie d’applications propose des activités à réaliser chez soi. C’est le cas de la très répandue 7 minutes d’exercices, basée sur l’idée qu’en sept minutes quotidiennes, on peut se remettre en forme et progresser. Pour amplifier la motivation, certaines misent sur le coaching, comme Freelitics, qui propose des entraînements fractionnés de haute intensité personnalisés. Quant à Domyos Live, elle permet de se connecter à une salle de sport partenaire (en France) et de suivre un cours depuis chez soi. Des applications avec un petit quelque chose en plus Le sport vous déprime? Tournez-vous vers les applications ludiques. Squad Runner permet de composer une équipe et de se mesurer à des coureurs loin à la ronde. Spotify Running propose quant à elle des musiques dont le tempo est calé sur votre allure. Citons encore Zombie Run, qui pousse le jeu à l’extrême et ajoute des frissons à votre routine. Enfin, pour ceux qui redoutent les mauvaises rencontres, il existe des applications PHYSIOMAGAZINE 2/16 15 MOUVEMENT misant sur la sécurité, comme Runsafe. En cas d’urgence, un «panic button» alerte tous vos contacts et déclenche une lumière stroboscopique. On pourrait également ajouter que l’application Pokémon Go a amené de nombreuses personnes, qui ne le faisaient pas autrement, à sortir se promener. Les applications utilisent le GPS de votre téléphone qui consomme beaucoup de batterie. Pensez à bien le charger avant de partir! Et pour avoir les mains libres, prévoyez une ceinture, un sac à dos ou un brassard. Données personnelles en circulation L’amateur d’applications doit être conscient que ses données sont enregistrées en permanence et qu’elles peuvent être exploitées à des fins commerciales. La société de sécurité Evidon a montré que des fournisseurs d’applications ont pu revendre des données personnelles à plus de 70 entreprises. Pensez-y avant d’accepter les conditions générales, plus ou moins transparentes. Au final, la décision de donner ou non vos informations vous appartient toujours. Nous avons TESTÉ POUR VOUS... Pour nous faire notre propre idée, nous avons testé une application parmi les plus populaires chez les amateurs de course à pied: Runkeeper. La version de base est gratuite. Une fois l’app téléchargée, on vous demande votre nom, votre e-mail, votre genre, votre date de naissance et votre poids. Dans les conditions générales, on apprend que les contenus peuvent être utilisés par le fournisseur de l’application, par d’autres utilisateurs et par des partenaires tels les sponsors. L’application propose des plans d’entraînement – pour préparer une course de 5 km ou un semi-marathon – auxquels s’ajoutent des options payantes, pas toutes pertinentes. Une fois enregistré, vous pouvez partir courir après avoir activé la géolocalisation et choisi de la musique dans votre bibliothèque. Prêt? Appuyez sur «start». Vous voyez alors défiler la distance parcourue, votre allure, les calories consommées. À tout moment, vous pouvez faire une pause. À l’issue de votre jogging, un résumé du parcours s’affiche avec carte et dénivellation, que vous pouvez partager via Facebook ou Twitter. C’est déjà l’heure de penser au prochain entraînement. On l’avoue, on se prend vite au jeu. Delphine Willemin est journaliste à Neuchâtel. Elle est sur le point de devenir physiothérapeute. © Maridav – Fotolia 16 PHYSIOMAGAZINE 2/16 Traitement de l’incontinence : savoir, expérience, innovation – depuis plus de 35 ans www.parsenn-produkte.ch MENSCHEN BEGEISTERN. La Société Parsenn-Produkte AG est partenaire du réseau Pelvisuisse, l’association des physiothérapeutes spécialisées dans la rééducation périnéale. www.pelvisuisse.ch Douleur soulagée Muscles stimulés INTIMINA™ KegelSmart La rééducation intelligente Le premier appareil au monde qui permet une rééducation intelligente du périnée www.intimina.ch Tel. 081 300 33 33 Fax 081 300 33 39 [email protected] www.parsenn-produkte.ch PHYSIOMAGAZINE 2/16 18 SANTé PUBLIQUE Tous les accidents ne se valent pas Einstein devait beaucoup travailler sur des formules avant d’obtenir la solution tant attendue. Dans un tout autre domaine, les formules du système de la santé publique semblent au moins aussi compliquées que celles qui occupaient Einstein. Comment expliquer sinon que le coût d’un traitement physiothérapeutique après un accident soit déterminé par le type d’assurance qui traite le sinistre? Imaginons un accident fictif impliquant trois personnes. Celles-ci marchent ensemble sur un passage pour piéton. Elles glissent sur une couche de verglas, se font une blessure qui nécessite un traitement identique. Du point de vue médical, qu’une personne victime d’un accident ait une activité professionnelle, qu’elle soit étudiante ou qu’elle ne travaille pas ne change strictement rien au traitement physiothérapeutique dont elle bénéficie. La situation est tout autre du point de vue des assurances. Un traitement identique et des coûts différents pour les patients Les étudiants qui n’ont pas d’activité professionnelle ou qui travaillent moins de huit heures par semaine sont couverts par l’assurance-maladie s’ils ont un accident. Ils dépendent de la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal). C’est également le cas lorsqu’une personne à la retraite chute et se blesse, ce qui arrive relativement fréquemment avec la vieillesse. L’assurance-accidents est garantie par la LAMal. En d’autres termes, outre la franchise, il faut aussi payer une PHYSIOMAGAZINE 2/16 quote-part de 10%. Dans la plupart des cas, le patient reçoit et règle la facture avant de la retourner à sa caisse maladie avec le formulaire de remboursement. La situation des personnes assurées contre les accidents est très différente: il n’y a ni franchise ni quote-part et les factures sont directement adressées à l’assureur. Dans ce cas, c’est la Loi sur l’assurance-accidents (LAA) qui est en vigueur. divergents qui sont appliqués. Actuellement, la valeur cantonale du point tarifaire la plus basse est de CHF 0,94 (pour le canton des Grisons), la plus haute s’élevant à CHF 1,11 (pour les cantons de Zurich et de Zoug). Il existe donc un écart de 17 centimes entre ces régions! Et ce n’est pas tout: le prix d’une prestation identique peut comporter jusqu’à 11 centimes de différence par point tarifaire selon que le sinistre est pris en Rétablir l’aptitude au travail des patients est déterminant pour l’économie. Un traitement identique mais des rémunérations différentes pour les thérapeutes Les tarifs sont également différents pour une même prestation. La valeur du point tarifaire est de CHF 1,00 dans toute la Suisse pour l’assurance-accidents, sur la base d’une seule structure tarifaire valable au niveau national. Pour l’assurance-maladie, ce sont en revanche des tarifs cantonaux et donc charge par l’assurance-accidents ou par l’assurance-maladie. C’est précisément cette situation surréaliste que vivent les physiothérapeutes. Pas d’augmentation de la valeur du point pour l’assurance-accidents durant 18 ans La valeur du point dans l’assurance-accidents est restée inchangée depuis 1998. Cela fait donc longtemps qu’elle SANTé PUBLIQUE 19 C’est la Loi fédérale qui décide si c’est à l’assurance-accidents ou à l’assurance-maladie de prendre en charge une prestation. Lors d’accidents ou de dommages corporels semblables à un accident, c’est à l’assurance-accidents que revient l’obligation de prendre en charge les prestations. Toutefois, ce n’est valable que s’il existe un rapport de cause à effet entre l’événement et le dommage. Les diagnostics les plus fréquents sont des fractures, entorses, déchirures, élongations et lésions. Il faut alors pouvoir identifier un mouvement clair du corps ou une situation de charge comme ayant déclenché les troubles. Il s’agit dans le cas contraire d’un dommage attribué à une maladie. Les maladies professionnelles causées principalement par des substances nocives ou par certains types de travaux font exception. ne suffit plus pour répondre aux exigences posées à la physiothérapie en matière de qualité et de formation. physioswiss s’engage pour que l’indemnisation soit également ajustée dans la LAA, car: Pour l’assurance-maladie, l’assuré règle la prestation dans le cadre de sa police, avec un droit à être remboursé. Dans le cas de l’assurance-accidents, c’est en revanche cette dernière qui prend en charge ou couvre les prestations dans leur totalité. · La physiothérapie est le principal facteur de rééducation pour réintégrer le monde du travail. Rétablir l’aptitude au travail des patients de manière rapide est déterminant pour l’économie. Soutenir la rééducation précoce va dans l’intérêt de la société car cela permet d’éviter une incapacité de travail prolongée ainsi que les coûts qui l’accompagnent. ·Après 18 ans et de nombreuses négociations, les assurances-maladie ont ajusté l’indemnisation des prestations physiothérapeutiques. Malheureusement, de grandes divergences régionales demeurent. · Les assurances contre les accidents devraient elles aussi attacher de l’intérêt à la qualité élevée des prestations fournies par la physiothérapie. Pia Fankhauser, vice-présidente de physioswiss © sociopat_empat – Fotolia Bénévoles, enfants, étudiants, professionnels ou retraités, nous vous souhaitons un prompt rétablissement et vous soutenons de toutes nos forces. Source: Suva PHYSIOMAGAZINE 2/16 © DDRockstar – Fotolia À partir de quand un accident est-il considéré comme un «accident»? 20 ORGANISATION POUR LA SANTÉ De nombreuses personnes sont touchées par une maladie rare Il existe des milliers de maladies rares. En Suisse, plus de 580’000 personnes seraient touchées. Sandrine* est atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos de type 2, une maladie génétique rare qui affecte les tissus conjonctifs. Le côté imprévisible voire insidieux des symptômes les rend difficiles à décrire. Enfant, Sandrine a fréquemment des hématomes et des entorses ainsi que de fortes douleurs. Ses enseignants et les médecins ne la croient pas toujours mais elle peut bénéficier du soutien de ses parents. Lorsqu’elle atteint l’âge de 12 ans, ceux-ci décident que cela ne peut plus durer. Ils s’adressent à un spécialiste et le diagnostic est un réel soulagement. Des mesures peuvent être prises, comme la mise en place d’une dispense partielle des * nom modifié par la rédaction PHYSIOMAGAZINE 2/16 cours de gymnastique, ce qui réduit radicalement les accidents. Adapter le quotidien Sandrine s’est habituée à vivre avec le syndrome d’Ehlers-Danlos. Elle a par exemple appris à utiliser sa main gauche, la droite devant souvent être immobilisée. Son mari prend en charge la plupart des activités sportives avec leurs enfants et elle ne porte pas de choses trop lourdes. Elle fait parfois quelques séances de physiothérapie, après une blessure ou pour réduire ses douleurs au dos. Le défi des assurances Les incohérences et certains prérequis des assurances pour le remboursement de prestations constituent également un défi conséquent. Depuis quelque temps, elle se blesse à nouveau plus souvent. Elle peut s’asseoir à son travail si elle en ressent le ORGANISATION POUR LA SANTÉ ProRaris: UNE ALLIANCE SUISSE POUR LES MALADIES RARES ProRaris est l’association faîtière nationale qui réunit les associations de personnes atteintes de maladies rares, des malades isolés qui ne sont pas représentés et des membres sympathisants. ProRaris rassemble ainsi des personnes affectées par des maladies rares et se fait leur porte-parole. ProRaris sensibilise le grand public et les politiciens tout en veillant au respect des intérêts des personnes concernées et à ce qu’un accès équivalent aux soins leurs soit garanti. On considère qu’une maladie est rare lorsque moins d’une personne sur 2000 en est atteinte. www.proraris.ch besoin et elle a augmenté son taux pour se permettre les services d’une femme de ménage. © giovanni cardillo – Fotolia Les problématiques des maladies rares Malgré les divers arrangements et stratégies qu’elle met en place au quotidien pour se ménager et pour éviter les blessures, Sandrine considère qu’elle mène une belle vie. Le plus difficile est l’incertitude en ce qui concerne l’évolution de la maladie dans le temps ou dans certaines situations comme une grossesse, le choix de traitements ou la prise en charge de certains événements symptomatiques. La maladie étant peu connue, même par les professionnels de la santé, il faut rester prudent en matière de médicaments et d’opérations et toujours chercher des solutions pour minimiser les risques. Natalia Rochat Baratali PHYSIOMAGAZINE 2/16 21 EN BREF La méditation en cas de mal de dos chronique Outre les traitements physiques qui sont prescrits en cas de douleurs lombaires persistantes, d’autres méthodes orientées vers l’esprit s’avèrent également efficaces. C’est ce que démontre actuellement une nouvelle étude menée aux États-Unis sur plus de 340 participants. La méditation de pleine conscience comme les thérapies comportementales et cognitives (une forme de psychothérapie) ont prouvé leurs effets. Des patients ont suivi un programme de huit semaines comprenant deux leçons de méditation ou de thérapies comportementales et cognitives par semaine. Un troisième groupe a reçu le traitement habituel. À la fin du programme, les douleurs des patients des groupes de méditation ou de thérapies cognitives étaient grandement réduites et ils pouvaient bouger plus facilement. L’effet s’est par ailleurs poursuivi pendant une année. Les méthodes traitant l’esprit se sont révélées être de bons compléments aux traitements physiques. (bc) Cherkin DC et al. Effect of Mindfullness-Based Stress Reduction vs Cognitive Behavioral Therapy or Usual Care on Back Pain and Func tional Limitations in Adults With Chronic Low Back Pain. A Randomized Clinical Trial. JAMA 2016; 315: 1240-49. PHYSIOMAGAZINE 2/16 © JackF – Fotolia © Robert Kneschke – Fotolia 22 Combattre la dépression par le sport Contre les dépressions, les médecins prescrivent généralement un traitement basé sur des entretiens ainsi que des médicaments − les antidépresseurs. L’efficacité du sport lorsque le psychisme a besoin d’aide est en revanche bien moins connue. Des études en témoignent régulièrement. Lors d’une activité physique, le corps sécrète des hormones qui nous font nous sentir bien. Le sport permet aussi la production de nouvelles cellules nerveuses dans l’hippocampe, une région du cerveau réduite chez les personnes dépressives. Par ailleurs, une séance d’aérobic a tout simplement le don de nous détourner de nos idées noires. La science n’a pas encore établi s’il existe un sport plus efficace que les autres ni la fréquence à laquelle il faudrait pratiquer une activité physique. Une tendance se dessine cependant de manière claire: plus l’activité physique est importante, mieux c’est. L’entraînement de la force et de l’endurance semble également être avantageux. Voici le conseil des physiothérapeutes: choisissez un sport qui vous procure du plaisir. Par ailleurs un entraînement de groupe permet de rester motivé. Il ne faut toutefois pas modifier de son propre chef un traitement qui a été prescrit par votre médecin et il s’agit de considérer le sport comme une mesure complémentaire. (bc) B.K. Pedersen, B. Salting: Exercise as medicine – evidence for prescribing exercise as therapy in 26 different chronic diseases. Scand J Med Sci Sports 2015, 25: (Suppl. 3) 1-72. Y O A WA R D ru ser s PH SI B ig o ge st benefit f PHYSIOMAGAZINE 2/16 L’IMAGE Marcher dans le couloir dʼun hôpital suite à une opération ou après un accident vasculaire cérébral, cʼest une chose, mais quʼen est-il à lʼextérieur? De nombreux centres de rééducation proposent des parcs thérapeutiques, comme ici l’Elfenaupark à Berne, spécialement conçus pour entraîner la marche sur des pavés ou sur du gravier ou encore la montée et la descente de marches irrégulières. www.elfenaupark.ch / Conception et réalisation: www.paradiesgaerten.ch IMPRESSUM Édition: physioswiss − l’Association suisse de physiothérapie · Stadthof · Centralstrasse 8b · 6210 Sursee · T 041 926 69 69 · www.physioswiss.ch Rédaction: Brigitte Casanova (bc), Samuel Blatter (sb), Natalia Rochat Baratali (nr); [email protected] Collaborateurs de cette édition: Pia Fankhauser, Irene König, Jeanette Curcio, Delphine Willemin Traduction: Lingo 24 · Correction: Delicatext Graphisme/mise en page: Freistil – Kommunikationsdesign Luzern · Impression: Multicolor Print AG, Baar PHYSIOMAGAZINE 2/16 Image de couverture: champja – istockphoto ISSN 2297-5446 24